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29 Mycobactérioses atypiques Jean-Luc Schmutz Classification 29-1 Épidémiologie 29-1 Bactériologie. Diagnostic 29-2 Aspects cliniques 29-2 Infections cutanées à M. marinum 29-2 Infections à M. fortuitum et M. chelonei 29-3 Infections à M. avium intracellulare 29-4 Infections à M. ulcerans : ulcère de Buruli 29-4 M. kansasii 29-5 M. smegmatis 29-5 Autres mycobactéries atypiques 29-5 Conclusion 29-5 Références 29-6 L es mycobactérioses atypiques (MA) sont des bacilles acido-alcoolo-résistants appartenant au genre Myco- bacterium qui englobe égalementles bacilles tuberculeux (M.tuberculosis, M. bovis, M. africanum et BCG) etle ba- cille de Hansen de la pre.La fréquence de ces dernières infections est en nettediminution au contraire des MA, ou mycobactéries non tuberculeuses (MOTT, Mycobacteria Otheran Tuberculosis des Anglo-Saxons)longtemps consi- dérées chez l’homme comme uniquement saprophytes ou commensales. Au cours de ces vingt dernières années a été constae une augmentation d’incidence des infections à MA en rapport avec l’épidémie de SIDA et l’utilisation de thérapeutiques immunosuppressives. Dans de larges séries,les infections à MA repsentent 15 % du nombre total de bacilles alcoolo-acido-résistants (BAAR) (85 % cor- respondanM.tuberculosis). En Espagne, l’incidence des infections à MA repsente 0,64 à 2,29 % de l’ ensemble des infections mycobactériennes ¹. Leur identification difficile etleur réponse variable au traitement antibiotique posent régulièrement des problèmes aux cliniciens. Classification Leur classification est en perpétuelle évolution du fait de l’identification de nouvelles espèces.Laclassification de Runyon (1959) est toujours utilisée ; elle est fondée sur la pigmentation des colonies avant et aps photo-induction et la vitesse de croissance (tableau 29.1): synthèse dun pigmentàla lumière (groupe I: MA pho- tochromogènes) et à l’ obscurité (groupe II : MA scoto- chromogènes) ou absence de pigmentation (groupe III : MA achromogènes) ; croissance rapide en moins de 7 jours (groupe IV). Laclassification de Wolinsky, plus cente, qui sépare les espèces pathogènes des non pathogènes, est discutable de- vant la multiplication de mycobactérioses opportunistes ². Épidémiologie Les MA sont des bacilles opportunistes ubiquitaires qui ont été isos de l’ eau (eau naturelle, sae ou douce, eau po- table, eau distillée, eau de piscine), de la terre, des gétaux et de nombreux animauxtant domestiques que sauvages. Il n’y a pas de servoir humain. Il est uniquement hydrotellu- rique.Les MA leplus souventincriminées en dermatologie sont M. marinum, M. ulcerans (qui se rencontrent essentiel- lement dans les pays tropicaux), M.fortuitum et M. chelonei, avec ses espèces chelonei chelonei retrous en Europe et chelonei abcessus plus fréquente en Amérique, en Afrique et en Asie ³. M.xenopi estrare aux États-Uniset en Asie, mais fréquent en Europe du Nord. M. kansasii est psent surtout dans les zones urbaines et dans les gions minières, au contraire de M. avium qui sévit en zones rurales. On peut les retrouver à la surface de la peau saine, sur du matériel non stérilisé, mal désinfecou rincé à l’ eau du robinet, voire contenus dans des solutions antiseptiques car elles sont résistantes aux désinfectants ³, de manière naturelle, en raison de lastructure très particulière de leur paroi riche en lipides. L’infection touche en général un sujetimmunodéprimé(cor- ticothérapie,immunosuppresseurs, SIDA, hémopathie) mais peugalement atteindre un sujet sain àla suitedun acte médicochirurgical (mésothérapie). Une enquête épidémiologique rétrospective alisée en France en 1993 à propos de 55 cas ³ constate que M. marinum

Manifestations dermatologiques des maladies infectieuses, métaboliques et toxiques || Mycobactérioses atypiques

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29Mycobactérioses atypiquesJean-Luc Schmutz

Classification 29-1Épidémiologie 29-1Bactériologie. Diagnostic 29-2Aspects cliniques 29-2

Infections cutanées à M. marinum 29-2Infections à M. fortuitum et M. chelonei 29-3Infections à M. avium intracellulare 29-4Infections à M. ulcerans : ulcère de Buruli 29-4

M. kansasii 29-5M. smegmatis 29-5Autres mycobactéries atypiques 29-5

Conclusion 29-5Références 29-6

L es mycobactérioses atypiques (MA) sont des bacillesacido-alcoolo-résistants appartenant au genre Myco-

bacterium qui englobe également les bacilles tuberculeux(M. tuberculosis, M. bovis, M. africanum et BCG) et le ba-cille de Hansen de la lèpre. La fréquence de ces dernièresinfections est en nette diminution au contraire des MA,ou mycobactéries non tuberculeuses (MOTT,MycobacteriaOtherThanTuberculosis desAnglo-Saxons) longtemps consi-dérées chez l’homme comme uniquement saprophytes oucommensales. Au cours de ces vingt dernières années aété constatée une augmentation d’incidence des infectionsà MA en rapport avec l’épidémie de SIDA et l’utilisationde thérapeutiques immunosuppressives. Dans de largesséries, les infections àMA représentent 15% du nombretotal de bacilles alcoolo-acido-résistants (BAAR) (85% cor-respondant à M. tuberculosis). En Espagne, l’incidence desinfections àMA représente 0,64 à 2,29% de l’ensemble desinfections mycobactériennes ¹. Leur identification difficileet leur réponse variable au traitement antibiotique posentrégulièrement des problèmes aux cliniciens.

Classification

Leur classification est en perpétuelle évolution du fait del’identification de nouvelles espèces. La classification deRunyon (1959) est toujours utilisée ; elle est fondée sur lapigmentation des colonies avant et après photo-inductionet la vitesse de croissance (tableau 29.1) :− synthèse d’un pigment à la lumière (groupe I :MA pho-

tochromogènes) et à l’obscurité (groupe II :MA scoto-chromogènes) ou absence de pigmentation (groupe III :MA achromogènes) ;

− croissance rapide en moins de 7 jours (groupe IV).

La classification de Wolinsky, plus récente, qui sépare lesespèces pathogènes des non pathogènes, est discutable de-vant la multiplication de mycobactérioses opportunistes ².

Épidémiologie

Les MA sont des bacilles opportunistes ubiquitaires quiont été isolés de l’eau (eau naturelle, salée ou douce, eau po-table, eau distillée, eau de piscine), de la terre, des végétauxet de nombreux animaux tant domestiques que sauvages. Iln’y a pas de réservoir humain. Il est uniquement hydrotellu-rique. Les MA le plus souvent incriminées en dermatologiesontM.marinum,M. ulcerans (qui se rencontrent essentiel-lement dans les pays tropicaux),M. fortuitum etM. chelonei,avec ses espèces chelonei chelonei retrouvés en Europe etchelonei abcessus plus fréquente en Amérique, en Afriqueet en Asie ³.M. xenopi est rare aux États-Unis et en Asie,mais fréquenten Europe du Nord.M. kansasii est présent surtout dans leszones urbaines et dans les régions minières, au contrairede M. avium qui sévit en zones rurales.On peut les retrouver à la surface de la peau saine, sur dumatériel non stérilisé, mal désinfecté ou rincé à l’eau durobinet, voire contenus dans des solutions antiseptiquescar elles sont résistantes aux désinfectants ³, de manièrenaturelle, en raison de la structure très particulière de leurparoi riche en lipides.L’infection touche en général un sujet immunodéprimé (cor-ticothérapie, immunosuppresseurs, SIDA, hémopathie)mais peut également atteindre un sujet sain à la suite d’unacte médicochirurgical (mésothérapie).Une enquête épidémiologique rétrospective réalisée enFrance en1993 àpropos de55 cas ³ constate queM.marinum

29-2 Mycobactérioses atypiques

PCR polymerase chain reaction

Tableau 29.1 Classification de Runyon

Groupe I photochromogènes

Colonies non pigmentées à l’obscurité, sepigmentant en jaune après exposition à la lumière

M. marinumM. kansasii

Groupe II scotochromogènes

Colonies à croissance lente colorées d’emblée enjaune orangé à l’obscurité

M. flavescensM. scrofulaceumM. szulgaiM. gordonae

Groupe III non chromogènes

Colonies à croissance lente non pigmentées M. avium complexM. ulceransM. terraeM. xenopiM. simiae

Groupe IV à croissance rapide

Colonies apparaissant en moins d’une semaine M. fortuitumM. cheloneiM. smegmatis

représente plus de 50% des MA cutanées isolées puisviennent ensuite M. chelonei (20%), M. avium intracellu-laire (10%), M. fortuitum (6%) et M. ulcerans (6%).

Bactériologie. Diagnostic

Compte tenu de la grande ubiquité desMA dans l’environne-ment, certains critères sont nécessaires pour affirmer leurcaractère pathogène ; isolement à plusieurs reprises d’unnombre élevé de colonies de la même MA (exception faitedes champignons provenant d’un foyer fermé), absenceconcomitante de bacille tuberculeux. M.marinum, quant àlui, est toujours responsable d’une infection cutanée quandil est isolé. Les prélèvements utilisés pour les cultures sontdes fragments biopsiques, des écoulements de pus, des pré-lèvements par ponction à l’aiguille ou écouvillonnage à lapériphérie de la lésion.L’examen direct des produits pathologiques peut permettred’objectiver la présence de BAAR grâce à la coloration deZiehl ou à l’auramine. La culture surmilieu de Löwenstein-Jensen ou Coletsos permet l’identification de l’espèce encause. M. marinum, ulcerans et chelonei ont besoin d’un mi-lieu de culture incubé à 37 ◦C.M. haemophilum exige unesource de fer sous forme d’hémine ou de citrate de fer am-moniacal ajouté aumilieu de culture. Pour l’ensemble de cesMA, le diagnostic bactériologique est souvent difficile enraison du faible rendement de l’examen microscopique di-rect et de la culture.Dans l’étude de Bonafé et al. seulement59% des cultures sont positives ⁴. Pour améliorer ces résul-tats, on compte beaucoup sur l’amplification génique parpolymérisation en chaîne (PCR), mais, actuellement, cesdonnées doivent être interprétées avec beaucoup de pru-dence compte tenu d’un manque de sensibilité (60 à 80%)et de spécificité (97%). La proportion de faux positifs variele plus souvent de 3 à 20% ⁵.Cette technique s’améliore et les résultats de cet examen

semblent intéressants dans le diagnostic de l’infection àM. ulcerans ⁶.L’examen histologique (fig. 29.1) pourra orienter vers le diag-nostic de MA lorsqu’il montre un aspect granulomateuxtuberculoïde sans nécrose caséeuse.

Aspects cliniques

Infections cutanées àM. marinumM.marinum (ancienne appellation :M. balnei) est l’agentdu granulome des piscines ou de la maladie des aquariums.Saprophyte du milieu aquatique, on peut le retrouver dansl’eau de mer, dans les piscines chauffées ⁷,⁸ à une tempéra-ture de 25 ◦C (d’autant plus si elles sont insuffisammentchlorées), en eau saumâtre, sur la paroi des aquariums. Lesanimaux aquatiques sont également contaminants (pois-sons, crabes, coquilles d’huîtres).Aujourd’hui, ces infections sont surtout liées à l’aquariophi-lie en raison de la chloration adéquate des eaux de piscine.Le « granulome des aquariums » a remplacé le « granulomedes piscines ».Une enquête menée en 2003 par le centre na-tional pour la surveillance des infections àmycobactéries ainclus 63 cas documentés recueillis entre 1996 et 1998. Ils’agissait de 37 hommes et de 26 femmes d’une moyenned’âge de 45 ans. L’incidence estimée est de 0,09 cas pour100 000 habitants. Une exposition aux poissons ou assimi-lés a été retrouvée dans 92% des cas dont 84% liés à l’aqua-riophilie, les autres cas étant en rapport avec une blessurecausée par un poisson ou des huîtres ou la fréquentationd’une piscine (1 cas) ⁹.Trois semaines après un traumatisme apparaît une lésionpapulo-nodulaire ferme, rouge violacé (fig. 29.2).Cette lésionva devenir kératosique, verruqueuse (fig. 29.3).Dans la moitié des cas, la dissémination peut se faire deproche en proche par voie lymphatique, avec apparition deplusieurs nodules prenant un aspect en chapelet le longdes vaisseaux lymphatiques correspondant à la forme spo-rotrichoïde ⁹ (fig. 29.4).Le siège des lésions dépend du traumatisme initial. L’at-teinte des mains est fréquente chez l’aquariophile.On noteégalement des localisations au niveau des genoux et descoudes.Des ténosynovites et des arthrites ont été décrites. Excep-tionnellement, des formes disséminées sont survenueschez des sujets immunodéprimés ou non ¹⁰.Le diagnostic se fait sur l’anamnèse, l’histologie et l’isole-ment du germe.L’aquariophilie est en cause chez 93% des patients enFrance ⁴. La recherche des MA dans l’eau est le plus sou-vent négative. Le grattage des parois serait plus sensible.L’évolution peut être favorable spontanément ou se fairevers la chronicité.Le traitement fait appel aux antibiotiques en sachant queleurs résultats sont inconstants. Les antibiotiques utiliséssont :− les cyclines : doxycycline ou minocycline : 200 mg/j ;− l’association rifampicine (Rifadine : 600mg/j) et étham-

butol (Myambutol : 20 mg/kg/j) ;

Aspects cliniques 29-3

A Coll.DrL.Durand,Montpellier

BFig. 29.1 Histologie : granulomes tuberculoïdes sans nécrose caséeuse multiples du derme

− la clarithromycine 1 g/j.Le traitement n’est cependant pas standardisé comme lemontre très bien l’étude publiée par Aubry ⁸, celui-ci peutêtre chirurgical ou médical, les deux pouvant être éventuel-lement associés. Les antibiotiques les plus souvent utiliséssont la minocycline, la clarithromycine et la rifampicine.Six semaines à trois mois de traitement sont nécessaires.En cas de lésion unique, l’exérèse chirurgicale est possibledans certains cas. Le profil de la maladie n’est pas modifiéchez le patient séropositif pour le VIH.

Infections àM. fortuitum etM. cheloneiCes MA présentes sur la peau normale peuvent apparaîtreaprès traumatisme ou lors d’un geste médico-chirurgicalthérapeutique. L’infection est limitée chez le sujet immu-nocompétent alors que l’on peut voir une infection dissé-minée chez les immunodéprimés. La prévalence des infec-tions dues àM. chelonei était, aux États-Unis, entre 1981

Coll.D.Bessis

Fig. 29.2 Nodule rouge violacé du doigt au cours d’une infection

cutanée à M. marinum

et 1983, de 0,08 pour 100 000 habitants.Wallace et al. ¹¹,suite à une étude rétrospective de 125 infections humainesàM. chelonei portant sur 10 ans, soulignent la fréquencedes atteintes cutanées (78% des cas). L’immunodépression,en particulier la corticothérapie, constitue un facteur derisque important (63% des cas).La mésothérapie est souvent en cause ; plus de 40 cas ontété rapportés dans la littérature ¹². Il s’agit dans la plupartdes cas de femmes jeunes (25 à 45 ans), traitées pour cellu-lite ; 3 à 8 semaines après la dernière séance apparaissentdes lésions inflammatoires dermo-hypodermiques doulou-reuses et violacées aux sites d’injection. Puis, les lésionsévoluent lentement vers l’abcédation, lafistulisation et versdes cicatrices atrophiques blanchâtres ou pigmentées. Descas peuvent être rapportés avec injection de cellules em-bryonnaires bovines pour lutter contre le vieillissementcutané ¹³ ou après rasage des jambes ¹⁴ ou après acupunc-ture ¹⁵.Des formes disséminées surviennent en cas d’immunodé-pression (fig. 29.5) et se présentent sous forme de lésionscutanées multiples, associées à des atteintes viscérales va-riées.À l’histologie, la nécrose non caséeuse est constante, asso-ciée à des cellules géantes et à un infiltrat inflammatoire àprédominance de polynucléaires neurotrophiles réalisantdes microabcès.Le meilleur traitement est préventif :− nécessité d’une bonne désinfection cutanée à l’alcool

iodé ou avec un antiseptique actif vis-à-vis des MA ;− stérilisation du matériel chirurgical réutilisable (90mi-

nutes à 180 ◦C) ;− si le matériel est non thermorésistant, nettoyage minu-

tieux et rinçage à l’eau stérile avant de le tremper dansdu glutaraldéhyde à 2% pendant 3 à 4 heures.

L’utilisation d’un matériel à usage unique est préférable.Il existe bien souvent une absence de corrélation entre la

29-4 Mycobactérioses atypiques

IL interleukine

Coll.D.Bessis

Fig. 29.3 Large macule verruqueuse du dos de la main au cours d’une

infection cutanée à M. marinum

sensibilité de ces germes aux antibiotiques in vivo et in vitro.Les fluoroquinolones et notamment la ciprofloxacine (Ci-flox) semblent efficaces mais de façon non constante. Laclarithromycine (Zéclar) 2 g/j est une alternative intéres-sante ¹⁶.En pratique, le traitement consiste en une mise à plat chi-rurgicale avec drainage associé lorsque cela est possible àune antibiothérapie pendant un minimum de six semainesà trois mois. Le traitement chirurgical peut être couplé àdes injections intralésionnelles d’amikacine ¹⁴, voire desinjections en intramusculaire en association avec la clari-thromycine.

Infections àM. avium intracellulareM. avium et M. intracellulare ne sont pas distinguables parles techniques usuelles et sont regroupés dans le complexeM. avium intracellulaire (MAI).La volaille constitue le réservoir animal de ces MAI tellu-riques qui peuvent être retrouvés dans le sol, la poussièrede maison, le fourrage, les produits laitiers et aussi dansl’eau de source, l’eau de mer, l’eau du robinet. Les manifes-tations cutanées de l’infection à MAI sont habituellementobservées au cours d’une infection généralisée et sont se-condaires à une dissémination par voie hématogène. Ellesconcernent essentiellement les immunodéprimés et plusparticulièrement les sujets infectés par le VIH.Une atteinte cutanée isolée est rare. Cliniquement, il s’agitde plaques ou de nodules, parfois profonds, souvent ulcéréset douloureux. Ces lésions peuvent se présenter sous forme

Coll.D.Bessis

Fig. 29.4 Forme sporotrichoïde d’une infection cutanée à M. marinum

d’abcès ¹⁷ et siègent le plus souvent sur les membres. Dansla plupart des cas, la source d’infection est inconnue.Chez l’immunodéprimé, l’infection peut être fulminanteavec signes cliniques majeurs ; polyadénopathies, hépato-splénomégalie, atteinte pulmonaire, gastro-intestinale, no-dules cutanésmultiples, éruption varioliformepustuleuse ¹⁸.Le pronostic est alors très réservé.Une infection disséminée, notamment à Mycobacteriumavium chez les sujets non immunodéprimés, a été rappor-tée comme celle décrite chez les sujets immunodéprimés.L’étude de la réponse monocytaire, du profil cytokiniqueet l’étude génétique montrent la présence d’une mutationdans la sous-unité α-1 du récepteur pour l’IL-12 (IL-12 Rα-1). Cette mutation entraîne l’absence du récepteur pourl’IL-12 sur les cellules. L’IL-12 favorise l’immunité cellulairecontre les organismes pathogènes intracellulaires en stimu-lant la réponse des cellules T helper de type 1 ainsi que lasécrétion d’interféron γ dans les cellules T et NK. Les pa-tients atteints de cette mutation ont une réduction de lasécrétion d’interféron γ ¹⁹.Sur le plan thérapeutique, dans les formes localisées, onréalisera si possible une exérèse chirurgicale et un drainagepuis une antibiothérapie. La minocycline, la ciprofloxacine,la sparfloxacine, la rifabutine et la clarithromycine sont lesplus efficaces in vitro. In vivo, dans les formes disséminées,deux antibiotiques au moins sont indiqués en associationpour éviter l’apparition d’une résistance.

Infections àM. ulcerans : ulcère de BuruliCette MA a été décrite dans la plupart des pays de la bandeintertropicale depuis la Papaousie-Nouvelle-Guinée jus-qu’en Guyane française. Le germe est isolé à partir des solsmarécageux. La localisation préférentielle aux membresinférieurs chez l’adulte plaide pour une contamination di-recte transcutanée à partir d’un réservoir hydrotellurique.La marche pieds nus, le contact avec des herbes coupées oudes batraciens, voire avec des poissons, constituent les fac-teurs de risque ainsi que les piqûres d’insectes ou le contactavec leurs déjections ²⁰.Après une incubation de 6 à 12 semaines, le début est insi-dieux avec constitutionprogressive d’une tuméfaction sous-cutanée, ferme, indolore puis, dans un deuxième temps,apparition d’une phlyctène centrale qui va se nécroser et

Coll.D.Bessis

Fig. 29.5 Panniculite infectieuse à mycobactérie atypique (non typée)

au cours d’une immunodépression

Conclusion 29-5

former un ulcère profond, indolent, aux bords décollés. Leslésions peuvent être multiples avec des ulcères satellitescommuniquant avec la lésion centrale.L’évolution se fait vers la cicatrisation après une phase d’ul-cérations majeures, mutilantes, pouvant durer plusieursannées.D’autres formes cliniques peuvent être signalées : formesnon ulcérées régressives, formes polyfistulisées à type depseudomycétomes ou sporotrichoïdes, formes surinfectéesà pyogènes compliquées d’une atteinte septique osseuseet/ou articulaire, formes mortelles dues à un retentisse-ment général majeur ²¹.L’histologie montre une nécrose par coagulation du panni-cule adipeux avec présence d’une très grande quantité debacilles. Plus tardivement apparaissent des abcès miliairespuis une réaction granulomateuse.M. ulcerans produit uneexotoxine (lamycolactone) aux propriétés immunosuppres-sives et/ou antiphagocytaires ; celle-ci est également res-ponsable de la nécrose des tissus infectés.La chirurgie tenait jusqu’alors une place prépondérantedans le traitement car les antibiotiques donnaient des ré-sultats décevants.Cette notiondoit être remise en questioncar certaines publications récentes rapportent des succèsavec la rifampicine utilisée seule ou en association à la clo-fazimine, l’éthambutol, le cotrimoxazole, laminocycline oula clarithromycine.En pratique, le schéma suivant peut être proposé ³ :− excision chirurgicale des tissus nécrosés jusqu’à l’apo-

névrose ;− thermothérapie à l’aide d’air chaud ozoné ou non à

40 ◦C 20 min/j (vapozone) ;− rifampicine : 10mg/kg/j, ou clofazimine (Lamprène) :

300mg/j chez les adultes ou 100 à 200mg/j chez l’en-fant pendant 4 à 6 mois.

L’immunodépression due au VIH ne semble pas intervenirsur l’évolution de la maladie. À l’inverse, le statut immuni-taire du patient VIH positif n’est pas modifié par l’infectionà MA ²².

M. kansasiiM.Kansasii est principalement impliqué dans les infectionspulmonaires survenant chez des malades bronchiteux chro-niques ou silicosés. En cas d’immunodépression, il peutêtre responsable d’infections généralisées à point de départpulmonaire avec possibilité de localisations secondairescutanées ou sous-cutanées. Les atteintes cutanées isoléeschez les sujets immunocompétents sont rares.Les lésions se présentent sous des formes variées : no-dules verruqueux ou inflammatoires, ulcérés, sporotri-choïdes, placards granulomateux, abcès, lésions papulopus-tuleuses nécrotiques, papulo-nodulaires verruqueuses ouconfluentes en nappes.Fasciites et cellulites ne sont décrites que chez des immu-nodéprimés.L’histologie est souvent peu contributive car ilmanque leclassique granulome tuberculoïde le plus souvent remplacépar un infiltrat inflammatoire polymorphe.L’exérèse chirurgicale est préconisée, ainsi que le recours

aux antituberculeux, carM. Kansasii y est habituellementsensible, sauf au pyrazinamide. Les associations sont va-riables et comprennent la rifampicine. Habituellement,il s’agit de l’association isoniazide, rifampicine, éthambu-tol ²³.La durée du traitement varie de 6mois à 2 ans et demi selonqu’il s’agit ou non d’une infection généralisée. Peuvent éga-lement être utilisés dans les atteintes isolées les cyclines,les quinolones, les macrolides et le cotrimoxazole.

M. smegmatisCette variété, très proche deM. fortuitum, a été isolée audépart àpartirde prélèvements effectués au niveau de sécré-tions génitales ou d’un chancre syphilitique. Il s’agit en faitd’un germe tellurique que l’on rencontre dans lesmêmes cir-constances que M. fortuitum ²⁴. Le tableau clinique est éga-lement similaire.M. smegmatis est sensible à l’éthambutolmais résistante aux autres antibiotiques antituberculeux.Elle est plus ou moins sensible à l’amikacine, à l’imipénem,à la doxycycline, à la ciprofloxacine et au cotrimoxazole.

Autres mycobactéries atypiquesCe sont :− M. flavescens, qui a été isolé après mésothérapie ;− M. haemophilum, qui atteint le sujet immunodéprimé

(transplanté rénal, lymphome, SIDA) ; les lésions se pré-sentent sous forme de multiples nodules, abcès ou ul-cères. Le traitement associe rifamycine et isoniazide ²⁵ ;

− M. szulgai, qui est exceptionnellement rapporté chezl’homme ;

− M. malmoense rapporté à deux reprises chez des pa-tients atteints de myélodysplasie ;

− M. scrofulaceum qui est responsable d’adénites cervi-cales chez l’enfant ;

− M. xenopi a fait parler de lui dans les suites de plusieursobservations de spondylodiscite ayant justifié une en-quête de l’institut de veille sanitaire et des centresnationaux de référence chez l’homme. M. xenopi estsouvent responsable d’infections broncho-pulmonaireschez les sujets ayant des antécédents de maladie pul-monaire. Chez les sujets immunodéprimés, on observeessentiellement des formes généralisées. L’atteinte cu-tanée est rare. Dans l’étude prospective portant sur82 cas d’infections retenues, une seule localisation cu-tanée est notée et correspond à un abcès du bras sur-venu suite à une inoculation volontaire d’un produitchimique ²⁶.

Conclusion

Les recommandations suivantes ⁴ sont utiles si l’on veutfaire le diagnostic de MA :− effectuer les prélèvements de plus tôt possible au cours

de l’évolution ;− pratiquer l’écouvillonnage ou mieux le grattage des

berges d’une lésion ouverte, la ponction à l’aiguilled’une lésion fermée (en respectant dans ce cas une asep-sie rigoureuse) ;

29-6 Mycobactérioses atypiques

Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Schmutz JL. Mycobactérioses atypiques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 2 : Manifestations

dermatologiques des maladies infectieuses, métaboliques et toxiques. Springer-Verlag France, 2007 : 29.1-29.6.

− répéter les examens (à la fois pour augmenter leschances d’isolement et pour assurer le diagnostic d’unelésion ouverte) ;

− compléter par la mise en culture d’un fragment biop-sique (biopsie profonde à la jonction tissu sain-tissuinfiltré) ;

− adresser le prélèvement le plus rapidement possible àun laboratoire spécialisé dans l’identification des myco-bactéries ;

− préciser lamycobactérie suspectée afind’assurer lamiseen culture dans des conditions adéquates de milieu etde température.

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