Marianne - 1 Au 7 Avril 2016

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  • 8/18/2019 Marianne - 1 Au 7 Avril 2016

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         D     O     M   :     4 ,     5

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         0     €   -     G     R ,

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         5     €     M     A     Y   :     5 ,     1

         0     €   -     S     P     M ,

         D ,

         A   :     5 ,     5

         0     €   -     C     A     N   :     7 ,     5     0     $     C     A     N   -     M     A     R   :

          3     0     M     A     D   -     T     U     N   :     4 ,     4

         0     T     D     N   -     C     H   :     6

     ,     1     0     C     H     F   -     T     A     H     I     T     I   :     8     0     0     X     P     F   -     N     C     A     L   :     7     5     0     X     P     F

    No 990 Du 1er au 7 avril 2016www.marianne.net

    COUP TORDU VALLS A-T-IL EU LA PEAU D’UN PRÉFET ?

    Syrie

    LES VISITEURS 3,

    LE RENDEZ-VOUSMANQUÉ

    LOI EL KHOMRI

    COMMENT LE POUVOIRSACRIFIE LA JEUNESSEDÉBAT CAROLINE DE HAAS/GASPARD KŒNIG

     ENQUÊTE La vérité

    sur “ les Molenbeekfrançais ”ENTRETIEN AVEC GILLES KEPEL 

    FRANÇOIS HOLLANDE

    Déchéance deprésidentialité

    ET SI POUTINEAVAIT

    RAISON ?

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    (1) Classement 2015 établi par le cabinet Inovev à partir des estimations de production sur la gamme 308. (2) Soit 3 600 € ajoutés à la valeur de reprise de votre ancien véhicule de moins

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    1er au 7 avril 2016 / Marianne / 3

    NOTRE OPINIONPar Joseph Macé-Scaron

    FRANÇOIS HOLLANDE,LA DÉCHÉANCE DE PRÉSIDENTIALITÉ

    Il voulait réunir le Congrès à Versailles en majesté.Il finit dépenaillé comme Lucien dans Feu la mèrede Madame, de Feydeau. Emporté par l’ivresse dudoux mot de « triangulation », nouveau terme à lamode médiatique pour désigner petites combineset grosses ficelles, il s’enivrait déjà de sa suprêmehabileté et de sa bonne étoile, en comptant bien avecla révision constitutionnelle et l’adoption de la dé-

    chéance de nationalité piéger la droite, la gauche et peut-être même l’extrême droite et son Premier ministre, tantqu’à faire. Pourquoi barguigner ? Quand on ambitionned’être à nouveau candidat à la présidentielle, autant voirgrand, même si à force d’user et d’abuser de ce stratagèmeon finit par mériter le sobriquet de Mitterrand le Petit.

    Déjà les gazetiers qu’il choit telle une crémière tantil les baratte matin, midi et soir s’apprêtaient à chan-ter les louanges de ce politique qui parvient à occireses adversaires, à l’ottomane, en les étouffant dans lestapis. Quel talent, quelle maîtrise. Et puis soudain, pata-tras ! Le Sénat passe et l’Elysée trépasse avec ce qui sera

     peut-être le dernier coup de Larcher. Cela demeureraassurément comme une des séquences les plus ratées,les plus absurdes de ce quinquennat pourtant guèreavare d’épisodes incongrus. On connaît tous ces des-sins animés où un des personnages pose un seau d’eauen équilibre au-dessus d’une porte pour surprendreson adversaire. Ce dernier passe l’obstacle une fois,deux fois, rien n’arrive. Celui qui pose le piège ne com- prend pas, fait le même parcours et reçoit le seau surla tête. A bien y réfléchir, on finit par se demander si lechef de l’Etat n’aura pas passé toute sa présidence à se prendre des seaux d’eau qu’il avait auparavant posés.Le plus gros de tous, qui apparaît presque comme une

    citerne, risque d’être malheureusement l’inversionréelle (et non pas bricolée) de la courbe du chômage.

    Disposer au départ de tant d’atouts et réussir à trans-former systématiquement l’or en plomb ! Les historienss’interrogeront peut-être, mais bien après, pour com- prendre comment le résident de la République auraaccumulé ces occasions manquées. Apparemment,Hollande n’a jamais reçu la panoplie du petit alchimiste.Reprenons juste, s’agissant de la révision constitution-nelle, la cascade d’erreurs qui lui assure d’ores et déjàune place privilégiée au sein du Couac 40. Dans un premier temps, sans informer les siens (que cet enfant

    choyé tient pour quantité négligeable), il a réclamé la dé-chéance de nationalité pour les terroristes binationaux.

    Puis il a laissé entendre à sa gauche, Christiane Tau-bira en tête, qu’il allait abandonner cette mesure endépit de la convocation du Congrès… avant d’annoncerle contraire. Il a ensuite ratifié le vote, à l’Assemblée,d’un texte de compromis fondé sur « la déchéance pourtous » – vous suivez toujours ? Découverte : depuis ledébut, le Sénat, majoritairement de droite, dit qu’il refused’accepter le statut d’apatride. C’est ce qu’il a donc fait.

    Mercredi 30 mars dans la matinée, Hollande a paru seranger derrière l’avis des sénateurs avant de se raviseret d’annoncer dans une allocution de cinq minutes qu’ildécidait de « clore le débat institutionnel ». Un débat quiaura duré quatre mois. Un débat chimérique puisque,de l’avis même du président de la République, l’effica-cité de la principale mesure proposée était de bien peud’effet dans la lutte contre le terrorisme. Un débat pourdébattre, quand le niveau du chômage, le sentiment dedéclassement et la désespérance sociale – notammentde la jeunesse – montent, montent, montent à un pointque bientôt aucune digue ne sera assez puissante pourcontenir la colère des Français. Mais, comme aime à

    le répéter Hollande, « ça tiendra bien jusqu’en 2017 ».

    Ce qui s’est passé là est bien, au fond, une seconde affaireLeonarda. Au passage, une affaire que François Hollanden’a toujours pas digérée quand on voit le nombre dechaînes d’info qui fleurissent à la veille de l’élection présidentielle de 2017. Une affaire qui a permis de douterde l’aptitude du locataire de l’Elysée à prendre la justemesure des événements. Une affaire où, ici aussi, Fran-çois Hollande s’est montré le digne continuateur de cequi a été entrepris par un certain Nicolas Sarkozy : lerabaissement de la fonction présidentielle. « Les Fran-çais veulent que cela se termine », a cru utile de préciser

    Hollande pour tenter d’habiller cette Berezina politique.Reconnaissons qu’ici il parle d’or. Une enquête du Cevi- pof, publiée par le Monde daté du 31 mars, reposant surl’interrogation régulière de 21 000 personnes, souligne lerejet massif à gauche comme à droite du chef de l’Etat,qui, dans tous les cas de figure, serait absent du secondtour de l’élection présidentielle, ce qui n’était pas lecas il y a encore deux mois. Cette enquête est un vraicoup de semonce, mais qu’importe les petits marquisélyséens, immortalisés par leur photo posée dans unhebdomadaire jadis de gauche, estiment que la colère desFrançais va s’apaiser, qu’un débat chasse l’autre, qu’uneinformation chasse l’autre, mais ils devraient regarder

    cette étude de plus près : ils y liraient que, dans les démo-craties, il y a un sentiment pire que la colère : la honte.Q

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    4 / Marianne  / 1er au 7 avril 2016

      infréquentable. Par Jack Dion,Anne Dastakian et Joseph Macé-Scaron 

    54 LE MONDE EST FOUUn policier condamné pour livraisonde secrets inutiles. Par Guy Konopnicki 

    58 LE JOURNAL DES LECTEURS  Comment repenser la place du travail.

    60 MAGAZINE  LA FRANCE DES DIVORCÉS VUE DU TRAIN

    La SNCF transporte chaque

    week-end des milliers d’enfants

    de divorcés. Un observatoirede choix pour certaines évolutionsde la société. Par Arnaud Bouillin 

    66 IDÉESÀ DIRE VRAI N’attendez pas Bojangles.Par Laurent Nunez 

      GÉNÉRATION LEVINASFace aux interrogations d’une époquetroublée, la pensée du philosophese révèle indispensable. Par Salomon Malka 

    74 CULTURE  “LE POLAR RESTE UN MAUVAIS GENRE”  A l’occasion du festival lyonnais

    Quais du polar, entretienavec l’éditeur Oliver Gallmeister.

    80 QUELLE ÉPOQUE !  LES VILLES BONNES PIOCHES  Ces lieux où il y a du nouveau

    et pas de la “posmodernité”,de la tradition et pas du vintage…Par Valérie Hénau et Joseph Macé-Scaron 

    86 SAVEURS D’EN FRANCE La saga Kronenbourg.Mousses monumentales.Par Périco Légasse 

    88  ON JOUE Par Benjamin Hannuna 

    90 ÇA VA MIEUX EN LE DISANTMamie fait de la résistance.Par Guy Konopnicki 

    12 ÉVÉNEMENT 

    LA VÉRITÉ SUR “LES

    MOLENBEEK FRANÇAIS“Comparaison n’est pas raison… mais,par calcul ou faiblesse, des élus ont laisséprospérer le communautarisme et l’islamisme.Histoire d’un abandon collectif. Par Frédéric Ploquin et Anne Rosencher

    14 LA MISE EN GARDE DE GILLES KEPEL

    18 JOURS PAS TRANQUILLES À ARGENTEUILLe chroniqueur Guy Carlier raconte la dérived’une ville où il a vécu trente ans.

    N0 990 - Du 1er au 7 avril 2016MARIANNE. 28, rue Broca, 75005 Paris. TÉL. : 01 53 72 29 00. FAX : 01 53 72 29 72. DIRECTEUR

    GÉNÉRAL ET DIRECTEUR DE LA PUBLICATION :  Frédérick Cassegrain.IMPRIMERIE :

    Maury S.A. Malesherbes (45). ISSN :2425-4088

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    3 NOTRE OPINIONFrançois Hollande, déchéancede présidentialité. Par Joseph Macé-Scaron 

    - 6 L’ÉDITORIAL de Jacques Julliard   Les nouveaux juifs.

    8 L’ANALYSE d’Eric Conan   EuropaCity : la prouesse inavouable.

    10 LE VIF DU SUJETLa tentation du verrouillage planesur la présidentielle. Par Marc Endeweld 

    24 MIEUX VAUT EN RIRE !

    28 FRANCE  COUP TORDU. VALLS A-T-IL

    VOULU LA PEAU D’UN PRÉFET ?Soupçons de triche du ministèrede l’Intérieur dans une procédurevisant un haut fonctionnaire.Par Emmanuel Lévy 

    32 LOI EL KHOMRI : ON PEUT MIEUX QUE ÇA !  A l’orée du marathon parlementaire,

    les trentenaires Gaspard Koenig

    et Caroline De Haas débattentd’une loi qui a tant de mal à s’imposer.Par Hervé Nathan et Laurence Dequay 

    48 MONDEET SI POUTINE AVAIT RAISON ?Après la prise de Palmyre, la Russie

      confirme l’importance de sonrôle en Syrie. Embarrassantpour ceux qui jugeaient Poutine

       e   n   c   o   u

       v   e   r    t   u   r   e   :   w   a   r   n   e   r    b   r   o   s  -   m   o   n    t   a   g   e  -

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        l   a   u    d   e   c   o   u    t   a   u   s   s   e    /    d    i   v   e

       r   g   e   n   c   e  -   m   a   x   p   p   p    /   e   p   a    /   m   a   x    i   m

        s    h    i   p   e   n    k   o   v  -   a   m   m   a   r   a    b    d   r   a    b    b   o

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    Ce numéro comporte un encart « abonnement » broché et jeté (ventes), un feuillet personnalisé posé sur une quantité partielle France.

    N0 990Du 1er au 7 avril 2016SOMMAIRE

        j   e   a   n  -   y   v   e   s    l   a   c   o    t   e   :   g   n   o    /   p    i   c    t   u   r   e    t   a   n    k

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       P   h  o   t  o   ©    H

      e  r  v   é   T   h  o  u  r  o  u   d  e .   D  o  c  u  m  e  n   t  n  o  n  c  o  n   t  r  a  c   t  u  e   l .

    MGEN, Mutuelle Générale de l’Education Nationale, n°775 685 399, MGEN Vie, n°441 922 002, MGEN Filia, n°440 363 588, mutuelles soumises aux dispositions du li vre II du code de la Mutualité - MGEN Action sanitaire

    et sociale, n°441 921 913, MGEN Centres de santé, n°477 901 714, mutuelles soumises aux dispositions du livre III du code de la Mutualité.

    mgen.fr 

    J’AICHOISI

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     j’ai choisi MGEN.”MARTIN FOURCADE, Champion du Mondeet Champion Olympique de biathlon.

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    6 / Marianne / 1er au 7 avril 2016

    Nous autres Occidentaux pensions avoir connule sommet de l’horreur avec ces attentatsislamistes aveugles qui ont ensanglantédepuis des années Madrid, Londres, plusrécemment Paris et maintenant Bruxelles.Mais il y a pis que les attentats aveugles ;il y a les attentats ciblés, comme ceux quiont visé les juifs à Toulouse, au Musée juif

    de Bruxelles, au supermarché kasher de la porte de Vincennes : à la barbarie ordinaire s’ajoute le racismele plus abject. Il me semble qu’on ne l’a pas assez dit.

    Et maintenant, les chrétiens, et plus précisémentles enfants chrétiens ! Ce n’est pas la première fois queles talibans s’en prennent aux enfants. On se souvient– enfin, espérons-le – des 144 victimes, dont 132 enfants,assassinées de sang-froid dans une école de Peshawar le16 décembre 2014. Il y a quelque chose qui glace le sang,quelque chose de proprement nazi dans cette manièrede faire. Jean-Marc Rouillan trouve les djihadistes « cou-rageux ». Ce n’est pas, en dépit ou à cause de leur méprisde la mort, le mot qui me serait venu spontanément àl’esprit. Il est vrai qu’en matière d’assassinat de sang-froid, l’ancien chef d’Action directe en connaît un rayon.

    Il faut s’imaginer la scène : un parc public dans la grandeville de Lahore, où les chrétiens pakistanais – moins de2 % de la population – célèbrent Pâques, la fête de laRésurrection. Le kamikaze bardé d’explosifs se dirigedélibérément vers les balançoires, là où jouent les petits :72 morts, plus de 300 blessés. Certains médias, notam-ment dans les radios et les télés, ont traité ce « faitdivers » en une phrase, après un quart d’heure consacréaux attentats de Bruxelles, donnant entièrement raisonà Jean-Marie Le Pen quand il affirme que la compassionest avant tout affaire de proximité : mes frères avantmes cousins, mes cousins avant mes amis, mes amisavant les étrangers, etc. Dans le traitement médiatique

    de l’horreur terroriste, il y a 5 % d’information, 5 %d’humanité et 90 % de marketing.

    Le groupe taliban Jamaat-ul-Ahrar, qui a revendiquél’attentat de Lahore, a tenu à préciser que les chrétiensétaient la cible. L’existence d’une minorité chrétienne,composée pour la plupart d’anciens « intouchables »,est intolérable pour ces fanatiques, car leur objectifest le même que celui de l’Etat islamique : imposer ladomination de l’islam au monde entier, y appliquer lacharia, et détruire physiquement tout ce qui s’oppose àce dessein. Dans cette perspective, il est de bonne guerrede s’attaquer aux minorités, notamment chrétiennes,et aux enfants, qui représentent l’avenir. Ces groupes

    demandent notamment la mise à mort d’Asia Bibi, unechrétienne condamnée injustement pour blasphème.

    C’est pourquoi il est temps d’en finir avec le déni, etavec la complaisance pour la propagande islamiste, quin’est pas le seul fait des djihadistes, mais de la quasi-totalité des gouvernements musulmans : ce qui, auchapitre du religieux, domine aujourd’hui le monde,ce n’est pas « l’islamophobie », c’est la persécutioncontre les chrétiens.

    L’ONG protestante Portes ouvertes, qui dresse chaqueannée un index mondial de la persécution des chrétiensà travers le monde, a trouvé que, sur les 50 pays les plus

    touchés, 40 d’entre eux sont à majorité et à gouver-nement musulmans. Dans certains, comme l’Arabiesaoudite ou la Somalie, l’exercice, même privé, de lareligion chrétienne est interdit et puni d’emprisonne-ment, parfois de mort : églises saccagées et brûlées,lynchages, meurtres de chrétiens demeurés impunis,discriminations administratives… L’objectif est clair :c’est purement et simplement l’éradication du chris-tianisme dans tous les pays où il n’est pas majoritaire.Le processus est en cours dans les lieux mêmes qui le

     virent naître, c’est-à-dire le Proche-Orient.Car il n’y a pas que l’Etat islamique : les talibans,

     Aqmi, les chebab, Boko Haram, pour ne citer que

    quelques-unes des principales organisations persé-cutrices, sont les formes régionales d’un fanatismequi est aujourd’hui, sous des formes à la fois diffuses etbarbares, une menace pour la liberté du monde, commele furent en leur temps le nazisme, puis le stalinisme.Que l’on ne pense pas du reste que l’islam est seul encause : l’Inde, la Chine, la Corée du Nord figurent parmiles pays où la persécution est la plus forte.

    Regardons les choses en face : dans les pays d’Asie etd’Afrique où ils sont minoritaires, les chrétiens sontdevenus les juifs du monde contemporain : persé-cutés et menacés de disparition. Et, comme tous

    les grands crimes, ce n’est qu’après coup que l’on en prendra conscience, et qu’on instituera un « devoirde mémoire »…

    Pendant ce temps-là, le président de la Républiquefrançaise décore lui-même de la Légion d’honneur le

     prince héritier d’Arabie saoudite, le pays qui a arméfinancièrement et intellectuellement le djihadisme,et dont le régime résume à lui seul toutes les formesd’atteinte aux droits de l’homme.

    Comment donc les ennemis de notre civilisation pourraient-ils nous respecter, quand ils voient ses plus hauts représentants se prosterner devant eux ?La lâcheté n’a jamais été la voie du salut. C’est à

     juste titre que nous sommes méprisés et que nousdevenons méprisables. Q

    LES NOUVEAUX JUIFSL’ÉDITORIAL DE JACQUES JULLIARD

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    “TU AS VU

    LES IMAGES

    SUR BFMTV ?”

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    Depuis que Louis XV a abandonné lesarpents de terre que la France possé-dait au Canada, les élites françaisesconsidèrent le Canada avec unesorte de mépris distancié. Dom-

    mage, car ce pays prend quelquefois desairs de modèle à suivre, sans doute davan-tage que les parangons de vertu, aussitôt

    abandonnés après avoir été loués, qu’ont

    été le Japon, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Alle-magne, la Suède… Le gouvernement libéral(de centre gauche) du Premier ministre, Justin Trudeau, a trouvé une situation éco-nomique plus dégradée que prévu en arri- vant au pouvoir. Résultat : il est le premierdu monde occidental à vouloir combattrela récession qui menace par un vigoureux

     plan de relance, ne craignant pas de creu-ser le déficit budgétaire pour que la crois-sance atteigne au moins 1 % dès 2017. Ensomme, l’attitude exactement contraire àcelle qu’observa François Hollande en 2012.

    Ottawa dépensera donc 167 milliardsd’euros supplémentaires en cinq ans afinde financer des dépenses sociales, le loge-ment, les étudiants, les familles, soutenir desinvestissements publics lourds, développerles énergies renouvelables au pays où le pétrole de schiste est roi … L e secret desCanadiens ? Sans doute ce que Bill Morneau,

    ministre des Finances, en présentant son plan devant le Parlement, résume ainsi : « Laconviction inébranlable selon laquelle il est

     possible de réaliser des progrès pour faire ensorte que l’avenir du Canada soit à la grandeurde nos ambitions. » Belle leçon. Où est le BillMorneau tricolore ? Q HERVÉ NATHAN

    LE NOUVEAU MODÈLEEST AU CANADA

    Douze personnes ont trouvé

    la mort, le 24 mars, surla route Centre-Europe- Atlantique qui traverse la Franced’est en ouest, reliant la Suisse àl’océan, connue pour sa dange-rosité. Jusqu’en 2010, 15 mortsétaient dénombrés chaqueannée. Le macabre décompteest ensuite tombé à quatre vic-times grâce, notamment, à lamise à 2 x 2 voies de certainstronçons. Mais les accidentsrestent nombreux. En cause,

    l’intensité du trafic. Chaque

     jour, 10 000 véhicules, dont lamoitié de camions, empruntentcette route, et la quasi-totalitédes accidents mettent en causeun camion. Dès à présent, lesélus des départements traver-sés réclament l’accélération du programme de la mise à 2 x 2 voies du parcours. Coût estimé :1 milliard d’euros. Curieuse-ment, personne ne s’inquiètede faire baisser le nombre decamions qui, au contraire, croît

    chaque année. Début 2016, la

    ministre de l’Environnement,Ségolène Royal, a annoncé un plan de transition énergétique visant le transport routier. Ellerappelait que les camions, res- ponsables de 27 % des émissionsde gaz à effet de serre, sont les plus gros pollueurs du pays.Trente millions d’euros sont pré- vus sur trois ans pour orienter lefret routier vers le rail et le trans- port fluvial. Et si on accélérait ? Q JEAN-CLAUDE JAILLETTE

    10 / Marianne / 1er au 7 avril 2016

    LE VIF DU SUJETÂEN DEUX MOTS

    ÂALERTE ROUGE

    L’empreintedu chômage

    Al’heure où tousauscultent les chiffresde Pôle emploi

    pour savoir si oui, ou non,François Hollande pourra setarguer d’une baisse réelle etdurable du chômage pour sereprésenter en 2017, un chiffredoit être connu de tous. Il estproduit par le démographeHervé Le Bras*, qui mesure

    l’abyssale précarité vécuepar les classes populaires.En France, dès 2011, 75 %des ménages comportant unouvrier (le plus souvent mariéà une employée) comptaientdirectement un chômeur ou,dans son entourage proche,un frère ou une sœur privéd’emploi. Or, comme l’attestel’étude d’Hervé Le Bras, le faitd’être proche d’un chômeuraccroît le risque d’être soi-même exclu du monde dutravail. CQFD. On mesuremieux les réactions mitigéesde ceux à qui la gaucheMacron explique que, pourembaucher plus, il faut pouvoirlicencier plus. Q LAURENCE DEQUAY* “Anatomie sociale de la France”,Robert Laffont.

    LE CHIFFREQUI ACCUSE

    Trop de camions sur les routes

       s   e   a   n    k    i    l   p   a    t   r    i   c    k    /   a   p    /   s    i   p   a

       r    i   c    h   a   r    d    d   a   m   o   r   e    t    /   r    é   a

    LE PREMIERMINISTRE CANADIENJUSTIN TRUDEAU

    SUR LA ROUTECENTRE-EUROPE-ATLANTIQUE

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    ÉVÉNEMENT

        S    O    C    I    É    T    É

    En France, combien deMolenbeek ? Le ministrede la Ville, Patrick Kanner,dans un exercice de sin-cérité vivifiante selon les

    uns, de légèreté conster-nante selon les autres,a estimé, sur Europe 1,

    samedi 27 mars, qu’une centaine dequartiers français présentaient dessimilitudes avec le fief djihadiste de lacommune bruxelloise. Une centaine,donc, sur les 1 500 quartiers priori-taires répertoriés, abritant environ5,5 millions d’habitants.

     Aussitôt, ces déclarations ont valuau ministre d’être sèchement reca-dré par quelques éminents cama-

    rades. Après avoir concédé quelques« points communs » entre Molenbeek

    – et l’on espère que nos gouvernantsont une connaissance plus détailléede la situation que la récente polé-mique ne le laisse paraître ! Mais laréalité d’une correspondance entre

    certains de nos quartiers et Molen-beek demeure, même si, commele précise Gilles Kepel (lire, p 14),aucun de nos territoires ne présentetous les ingrédients de la communebruxelloise. En revanche, l’idée selonlaquelle il faudrait taire l’existence deces enclaves sous prétexte de ne pasalimenter un « racisme par avance » du peuple français – quel mépris de la part des élites ! – est précisément cequi gonfle, depuis des décennies, lesaccusations en déni ou en hypocrisie

    mensongère. Et a fait, en partie, lessuccès électoraux du FN.

    LA VÉRITÉ SUR“LES MOLENBEEK

    FRANÇAIS”Comparaison n’est pas raison… En revanche, quedes élus aient laissé progresser, par calcul ou faiblesseélectorale, le communautarisme et l’islamisme

    sur certains territoires, cela ne fait pas de doute.Histoire d’un abandon collectif. PAR FRÉDÉRIC PLOQUIN ET ANNE ROSENCHER

    et certains de nos quartiers – notam-ment la ghettoïsation, la montéede la délinquance et l’existence de« noyaux islamistes » –, l’élu régionalsocialiste Julien Dray s’est énervé du

    caractère« stigmatisant » des proposdu ministre.

    HYPOCRISIE MENSONGÈRELe patron du PS, Jean-ChristopheCambadélis, lui a emboîté le pas, et aappelé M. Kanner à« ne pas dissoudrela concorde nationale ». Mieux valait,a expliqué le premier secrétaire duPS, parler de « poches, d’immeubleset de rues, plutôt que de quartiers »…Bouts de rue ou barres entières

    de HLM ? Cent, ou 75, ou même 30ou 125 ? Le nombre importe, bien sûr

    12 / Marianne  / 1er au 7 avril 2016

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    13/92

    nuits où, dans une centaine de nosquartiers, brûlaient poubelles et voi-tures… Et souvenons-nous, aussi,de la surprise qui a cueilli médiaset classe politique comme un seul

    homme quand les jeunes émeutierseux-mêmes décidèrent unilatérale-ment d’arrêter les affrontements etce « match » qui ne disait pas sonnom – où il s’agissait de compter lenombre de voitures incendiées parcité. Qui avait appelé au calme ? Quiavait ramené un semblant d’ordrerépublicain dans ces quartiers perdus

     par la République ? « Les dealers », chuchotèrent les uns, expliquantnon sans raison que ces incidentset l’afflux de policiers sur leur terri-

    toire perturbaient leur commerce,faisaient fuir le client et chuter

    Qu’il y ait des territoires en Franceoù des élus locaux ont laissé progres-ser le communautarisme et l’isla-misme par calcul ou faiblesse élec-torale, c’est un fait qui touche tous

    les partis, et que nous n’avons cesséde dénoncer à Marianne . Comme

    1er au 7 avril 2016 / Marianne / 13

    i

    AUTOUR DELA MOSQUÉEDES SABLONS,après la sortiede la prière, au Mans,le 9 janvier 2015.

    le déclarait Malek Boutih dans noscolonnes en mai dernier, « réfléchirà l’islamisme, à son combat politique,à ses prétentions expansionnistes,c’est avant tout réfléchir à des enjeux

    territoriaux ». Pour le député del’Essonne, auteur d’un rapport surla déradicalisation, « les élus locaux,

     fragilisés par la crise économique etson cortège de mécontentements, ontconstitué une cible de plus en plus

     facile pour les pressions communau-taristes ». Un piège où de nombreuxédiles, croyant manipuler, s’assurerla paix sociale et leur réélection, sesont retrouvés enfermés.

    La façon dont s’est terminée la« révolte des banlieues » de 2005

    aurait déjà dû nous mettre la puceà l’oreille. Souvenons-nous de ces

    “RÉFLÉCHIR À L’ISLAMISME,À SON COMBAT POLITIQUE, À SESPRÉTENTIONS EXPANSIONNISTES,C’EST RÉFLÉCHIR À DES ENJEUX

    TERRITORIAUX.” MALEK BOUTIH, PS     j   e   a   n  -   y   v   e   s

        l   a   c   o    t   e    :

       g   n   o     /

       p    i   c    t   u   r   e    t   a   n    k

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    GILLES KEPEL,politologue,spécialiste de l’islamet du monde arabecontemporain.Dernier livre paru :Terreur dansl’Hexagone, genèsedu djihad français(Gallimard).

    LA MISE ENPour le politologue,aucun de nos territoiresperdus de la Républiquen’est tout à fait

    semblable à Molenbeek.

    Cependant, dans la “guerre

    d’enclaves” qu’a déclaréele djihadisme à l’Europe,

    la France, vecteur

    privilégié des Lumières

    et de la laïcité, fait

    figure de cible centrale.

    Et compte, un peu

    partout sur son territoire,

    des foyers inquiétants.

        h   a   n   n   a    h

        a   s   s   o   u    l    i   n   e

    le chiffre d’affaires. « Les barbus », murmurèrent quelques autres, quitémoignaient avoir vu des hommesd’âge mûr, portant la djellaba pourcertains, jouer les intermédiaires pacificateurs.

    Les deux seules forces en pré-sence sur le terrain avaient parlé,certainement. Chacune en profi-tant pour asseoir son contrôle duterritoire ; chacune roulant poursa paroisse. Les dealers pour leur portefeuille, les isl amistes pourle portefeuille de certaines mos-quées radicales, les deux faisant parfois alliance, dans le dos dela République, pour se partager

    argent et pouvoir. Qu’ont dit lesmaires ? Rien.

    DEALER LA PAIX SOCIALEBeaucoup d’entre eux, soucieuxde ne pas voir leur ville s’attirerles honneurs du JT de TF1 – àl’époque, les chaînes d’informa-tion en continu balbutiaient – etsurtout bien conscients qu’ils neferaient jamais un deuxième man-dat si leur commune était à feu et à

    sang, ont préféré faire avec. Qu’ontdit les commissaires de police ? Ehbien, ma foi, ils avaient une car-rière devant eux. Cette « paix »retrouvée, ça n’était pas pour leurdéplaire. Oralement, certains ontmême invité leurs hommes à ne pastrop faire de zèle : « On sécurise lesabords de la cité, mais, si des jeunescherchent la bagarre, on se replie ,OK ? » Même logique pour les pré-fets. Quant au ministre de l’Inté-rieur (à l’époque… Nicolas Sarkozy),

    que le moindre incident met surles nerfs et qui sait très bien quel’opinion le jugera au nombre de voitures brûlées et de policiers bles-sés, mais aussi au vacarme produit par les télévisions en écho à celuides émeutiers, il avait simplementbéni ce retour au calme inespéré…

     Au lieu de nous réjouir, nousaurions dû, tous, nous inquiéter.Car ce retour au calme, « commesi de rien n’était », n’était qu’unabandon de certains de nos quar-

    tiers, les laissant à l’emprise d’uneminorité sur la majorité. Le modèle

    VÉNEMENT

        S    O    C    I    É    T    É

    breveté « Molenbeek » n’est pas loin. A une nuance près : là où les Belges jouent le communautarisme poli-tique revendiqué, à l’anglo-saxonne,la France est plus hypocrite. Ellecède ces territoires à des puissancesoccultes et peu fréquentables, maisne le dit pas, ne l’écrit pas non plus.Ses élus locaux sont plus discretsque la bourgmestre de la ville belge.Ils négocient une forme de paixsociale avec les tenants du business,ces « grands frères » qui ont parfoisobtenu des bureaux permanentsdans les mairies, des appartements, voire des subsides pour des associa-tions bidon. Et, depuis 2005, traitent

    avec cette nouvelle force apparuesur le terrain, sérieuse en apparence,ces salafistes en quête de fidèles quise sont souvent servis des munici- palités pour obtenir des salles de prière de plus en plus grandes… Letout pendant que droite et gauche,ayant fait de la question sécuri-taire un enjeu d’abord politicien etlaissant les élus locaux seuls face àleurs difficultés, étaient incapablesde donner à la police le temps etles moyens nécessaires à une vraie

    implantation dans ces quartiers dela police de proximité, mort-née àla grande déflation des effectifsentre 2007 et 2012.

    Il y a quatorze ans paraissaient les Territoires perdus de la Répu-blique, livre qui s’était fait étrilleret que Marianne avait néanmoinssoutenu. Depuis, le livre a été réé-dité. Mais la situation, elle, n’a cesséd’empirer. Alors ne donnons pas deleçons aux Belges.

    C’est à l’abri de ces quartiers, dont

    toutes les majorités cherchent offi-ciellement à intégrer les habitantsdans la République et dans lesquelsla politique de la ville a longtempsmisé sur la rénovation urbaine, quese sont développées de nombreusesassociations plus cultuelles queculturelles, sportives aussi, par-fois financées par des subventions publiques, qui dispensent un islamassez peu citoyen. Un mouvementcommencé il y a plus d’un quart desiècle dont certains ont voulu croire

    que la République pouvait s’accom-moder. C’était pure folie.Q F.P.

    i

    14 / Marianne  / 1er au 7 avril 2016

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    1er au 7 avril 2016 / Marianne / 15

    Marianne : Le ministrede la Ville, Patrick Kanner,a créé une vive polémiqueen déclarant qu’une centainede nos quartiers présentaientdes similitudes avec le fiefdjihadiste de Molenbeek,en Belgique. Selon vous, y a-t-ildes Molenbeek français ?Gilles Kepel : En l’occurrence, il n’y a

     pas, comme tels, de quartier françaisqui présente l’ensemble des caracté-ristiques de Molenbeek. En revanche,on trouve sur le territoire nationaldiverses enclaves où la prégnancedu salafisme ou du gangstérisme est présente à des degrés variés.

    Quelles sont cescaractéristiques spécifiquementmolenbeekoises ?G.K. : Cette commune du GrandBruxelles présente un rassemble-

    ment de trois composantes exa-cerbées : 1. Un puissant système de

    criminalité organisé autour du kif(en provenance du Rif marocain) ;2. La présence de planques pour lesterroristes et de lieux de stockaged’armes, qui autorisent l’interpé-nétration du milieu des trafiquantsd’armes avec le milieu djihadisteanciennement implanté (dès 2001,les deux assassins du commandantMassoud, deux Tunisiens, venaient

    de Molenbeek, et Mehdi Nem-mouche en 2014 ou Ayoub el Khaz-zani, qui voulait mitrailler le alysen 2015, sont passés par Molenbeek) ;3. Des politiques locales complai-santes envers les salafistes, qui y ontouvert de nombreuses mosquéesincontrôlées. Dans un pays commela Belgique, où l’Etat pâtit de l’anta-gonisme culturel entre Wallons etFlamands, le millefeuille sécuritairebrouille la prise de décisions, facili-tant la délégation à des responsables

    communautaires douteux la gestionde ces populations.

    Qu’est-ce qui diffère,dans nos territoires perdusde la République ?G.K. : En France, on retrouve ces troiscomposantes, mais moins concen-trées, plus disséminées. Chaqueenclave possède une ou deux carac-téristiques inhérentes à Molenbeek.Dans notre pays, si les services derenseignement – et plus largement

    l’Etat – ont eu du mal à envisager ledjihadisme de troisième génération,il règne entre les différents servicesde police une coopération incom- parablement plus efficace qu’en Bel-gique. Sevran, en Seine-Saint-Denis, partage avec Molenbeek sa premièrecaractéristique. C’est un territoiregangrené par les trafiquants de shit,et qui est devenu un point d’aboutis-sement des « go-fast », qui rapportentle kif depuis le Rif marocain. Un desaspects inquiétants de la situation à

    Sevran réside dans le nombre crois-sant de départs en Syrie. L’ampleur

    LUNEL,une ville de l’Héraultqui concentreune proportiontrès élevée de mortsau djihad.A g., le quartierd’Abrivado,d’où venaientquatre hommes tuésen Syrie fin 2014.

    A dr., des policiersy arrêtent cinq jeunes djihadistes,le 27 janvier 2015.

    GARDE DE GILLES KEPEL

    i

        f   r   a   n   c    k    l   o    d    i    /   s    i   p   a  -   c   a   r   o    l    i   n   e    f   r   o   e    l    i   g

        /   m   a   x   p   p   p    /   p    h   o    t   o   p   q   r

  • 8/18/2019 Marianne - 1 Au 7 Avril 2016

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    inédite de ces « vocations » a poussé de nombreuses mères àréagir et à se regrouper au sein d’uncollectif. En matière de complai-sance avec les islamistes, d’autres villes de la Seine-Saint-Denis, para-doxalement dirigées par la droite,ont été le théâtre d’un compromisavec la mouvance salafiste sur labase d’une hostilité commune aumariage pour tous.

    Aujourd’hui, certains pensentque ce n’est pas l’islam qui seradicalise, mais la radicalitéqui s’islamise. Et citent le faitque les terroristes boivent

    de l’alcool et font la fêtecomme preuve de leur peu dereligiosité. Qu’en pensez-vous ?G.K. : Les derniers attentats ter-roristes sont le fait d’individus qui,comme les frères Abdeslam, ontutilisé certains marqueurs de leurdéviance comme un objet de takiya,de dissimulation, autrement ditcomme un paravent trompeur. Ilsont mis en avant des excentricitésde comportement ou des conduitesaddictives afin de tromper « l’en-

    nemi » et de déjouer l’attention desservices de police. En réalité, la pré-gnance du salafisme à partir d’uncertain tournant de leur existence neressemble à aucun phénomène com- parable ; elle s’est accompagnée,chez eux, d’une véritable ruptureculturelle et civilisationnelle, en par-tie tenue secrète, et d’un décrochage

    allant jusqu’à une forme, sinon dehaine de soi, du moins de haine de cequ’on a été, ouvrant dès lors la voieà l’hypothèse suicidaire, travestieen martyre.

    Dans plusieurs de vos livres– notamment Terreur etmartyre 

     –, vous avez décryptéla stratégie du djihadismede troisième génération.En quoi consiste-t-elle ?G.K. : Le djihadisme de troisièmegénération a été théorisé, en 2005, parun Syrien, Abou Moussab al-Suri. Cetarchitecte du djihad global a définil’Europe comme le « ventre mou » del’Occident, et appelé les djihadistes àrecruter dans les banlieues des villeseuropéennes pour y former des com-battants aptes à semer la terreur dans

    leur voisinage immédiat. Le planentrevu par Al-Suri était passable-ment machiavélique : escomptantque les attentats déclencheraient unrejet massif des musulmans, il tablaitsur le fait que les citoyens de confes-sion et de culture musulmanes s’iden-tifieraient en réaction avec les tueurs, jetant les sociétés européennes dans

    une guerre civile. Ce n’est pourtant pas ce qui s’est passé. En janvier 2015,les premiers ratés du plan d’Al-Surisont apparus en pleine lumière. L’undes policiers assassinés par les frèresKouachi, Ahmed Merabet, était bienconnu à Clichy-Montfermeil, uneagglomération que j’ai étudiée pourmon livre Banlieue de la République.C’était un homme pieux et appréciéde tout son voisinage. Sur les réseauxsociaux musulmans locaux, il a été perçu immédiatement, non commeun apostat – comme il était dépeintsur la djihadosphère où l’on s’estréjoui de sa mort –, mais comme unmartyr, et la rumeur a fait de lui une

     victime… du Mossad ! Quant auxattentats du 22 mars à Bruxelles etdu 13 novembre à Paris, ils mani-festent un dérapage par rapportau mode opératoire préconisé parSuri, et constituent de ce fait uneerreur politique.

    Pourquoi ?G.K. : Contrairement à ce qui se passait à l’époque d’Al-Qaida, lescommandos terroristes liés à Daechont une certaine autonomie dans

    la mise en œuvre. Or, ils n’ont pasété aussi minutieusement formés. Ainsi, la bande à Abaaoud, bien quedjihadiste de doctrine et entraînée enSyrie à faire couler le sang avec unedélectation morbide, a été intoxiquée par l’hyperviolence et a dérapé dansune logique de bandits et de malfratsqui était la culture originelle de plu-sieurs de ses membres. Ils ont assas-siné les civils de façon indiscriminée,touchant en particulier la jeunessede confession musulmane – alors

    que les attentats de janvier avaientsoigneusement ciblé des « islamo- phobes », des juifs et un policier« apostat » (dont on a vu ci-dessusque l’assassinat avait déjà été malinterprété). Des entretiens récentsdans des prisons nous ont confirméque de nombreux prisonniers deconfession musulmane étaientivres de colère contre les « barjots »du 13 novembre, qui étaient prêts àtuer des membres de leur famille, parexemple au Stade de France. L’iden-

    tification des musulmans avec lesassassins, visée par les théoriciens

    VÉNEMENT

        S    O    C    I    É    T    É

    16 / Marianne / 1er au 7 avril 2016

    i

    LE TRAFICDE DROGUEgarant de la paixsociale, si relativesoit-elle, dansles quartiers ?Ici, l’arrestationdu passager d’unegrosse cylindrée,

    en possessionde stupéfiants.    l   u    d   o   v    i   c

        /   r    é   a

    LES FRÈRES ABDESLAM ONTUTILISÉ CERTAINS MARQUEURSDE LEUR DÉVIANCECOMME OBJET DE “TAKIYA”,DE DISSIMULATION.

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    1er au 7 avril 2016 / Marianne / 17

    du djihadisme de troisième généra-tion, ne fonctionne à l’évidence pascomme ces derniers le souhaitent. A Bruxelles, depuis les attentats du22 mars, le même retournementest observable : outre le caractèreindiscriminé de l’opération (le métrobruxellois est d’abord surfréquenté

     par les populations immigrées), lafigure de Salah Abdeslam appa-raît catastrophique dans l’optique« prosélyte » du recrutement ; l’EI, par le truchement de ses canaux de propagande (notamment la revuefrancophone en ligne Dar el-islam),s’efforce de transmuer les soldatsdu califat en héros et en martyrs. Lebut est toujours le même : susciterl’identification fervente des popula-tions musulmanes parmi lesquellesils veulent faire des émules. Or, Salah

     Abdelslam, chez qui la culture dubanditisme présente un haut degréd’osmose avec le djihadisme, s’estfinalement rendu sans combattre,après avoir déserté le combat, et avoir

    été protégé quatre mois durant parle milieu à Molenbeek.

    L’EI va-t-il être amené àinvestir plus le territoireeuropéen, et à y créer unsurcroît d’enclaves salafistes ?G.K. : Suri, qui avait longuement

    séjourné en Europe, avait compristout le profit que les djihadistes pouvaient tirer de l’impuissance del’Union européenne, et notammentde la liberté de circulation dans l’es- pace Schengen (lui-même, après sonmariage, s’est fait faire un passeportespagnol !). Suri préconisait, aprèsle stade des « escarmouches » quicorrespond à la période actuelle, le passage à une « guerre d’enclaves »,deuxième stade de la « sauvagerie »(tawahhush en arabe. Des enclaves

    sont présentes dans l’Hexagone,mais, je le répète, aucune ne com-bine actuellement toutes les carac-téristiques de Molenbeek. Nous venons d’évoquer le cas de Sevran.

    D’autres enclaves – comme cellesdes quartiers nord de Marseille – présentent un autre trait, c’est l’apti-tude des dealers à maintenir unerelative paix sociale. Si bien que lesBouches-du-Rhône sont beaucoupmoins exportatrices de djihadistesque les Alpes-Maritimes !

    C’est une donnée vraimentcontre-intuitive !G.K. : En effet… Il existe des zonesoù l’abondance de drogue n’est pasforcément articulée avec le djiha-disme, d’autres où le djihadismeexiste sans trafic particulier, etd’autres, enfin, où de grandes mos-

    quées « débordées » et des cerclesde prière échappant au contrôle deleurs fondateurs accélèrent le recru-tement djihadiste par les marges.

    Justement. Quellessont les caractéristiquesdes Alpes-Maritimes ?G.K. : C’est de ces enclaves des envi-rons de Nice qu’est parti pour la Syrieun contingent important de djiha-distes. L’Ariane, située dans un vallonsombre, en contrebas de l’autoroute,

    est clairement un lieu de relégationsociale, qui représente l’antithèse dela Promenade des Anglais. C’est là, par exemple, qu’a transité un per-sonnage comme Omar Omsen,

    RASSEMBLEMENT

    contre le terrorisme,à Sevran, à l’appelde la Fédérationnationale des

    musulmans de France,le 18 janvier 2015.

    Q

    u’est-ce qu’unMolenbeek ?Le nom propre de cettecommune, l’une des19 que compte Bruxelles,

    est devenu un nom communde la politique française.Patrick Kanner, ministrede la Ville et ancien adjoint deMartine Aubry à Lille, en a livrédimanche sa propre définition.« C’est une concentrationénorme de pauvreté etde chômage, un systèmeultracommunautariste, c’estun système mafieux avec uneéconomie souterraine, c’est unsystème où les services publicsont disparu ou quasiment

    disparu, c’est un système

    où les élus ont baissé les bras »,a-t-il détaillé. Le ministreestime qu’une « centaine » dequartiers en France présententdes similitudes potentielles

    avec la commune belge.Désormais, Molenbeek estle nom d’une polémique quigronde. Le ministre a-t-ilattisé les craintes, ou a-t-ilsimplement voulu livrer unebien dérangeante vérité ?A gauche comme à droite,on soupèse, on s’interroge. Lesocialiste Julien Dray a appeléà ne pas céder à des formulesfaciles qui « stigmatisent ».Le patron de son parti,Jean-Christophe Cambadélis,

    a assuré « ne pas être pour

    ce discours ». Manuel Valls,lui, pourtant auteur de lapetite phrase sur « l’apartheidterritorial, social, ethnique »,a offert un soutien distancié à

    son ministre : « La comparaisonavec Molenbeek n’est pasbonne car Molenbeek est unquartier en plein centre-ville deBruxelles, a expliqué le Premierministre devant les députéssocialistes. Mais ce qu’a vouludire Patrick Kanner sur les

     processus d’enfermement,de communautarisationet de radicalisation… Toutcela existe bel et bien ! »A droite, la division est patente.« L’intérêt, c’est de faire peur

    aux Français, l’intérêt, c’est

    de stigmatiser un peu pluscertains de ces quartiers ? » s’est interrogé l’ancien ministrede l’Education nationale LucChatel quand le député Eric

    Ciotti s’est réjoui, lui, de cette « prise de conscience tardive » et a demandé « un grand plande reconquête des territoires

     perdus de la République ». Rachida Dati a profité del’épisode pour mettre en causela politique de rénovationurbaine menée sous JacquesChirac par Jean-Louis Borloo.Quant au FN Florian Philippot,il a souligné, lui, la « lucidité » de Kanner. En politique,chacun voit désormais

    Molenbeek à sa porte. Q S.Q.

    UNE POLÉMIQUE À GAUCHE… ET À DROITE !

    i

    lejeune/leparisien/maxppp

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    le djihadiste sénégalais chargé des vidéos de Daech, et auteur, notam-ment, de 19 HH . Sa vidéo a réaliséune véritable congruence avec lesoralisme et les thèmes complotistescultivés par Egalité et réconciliation.

    La complaisancedes élus est plutôt bienreprésentée à Lunel ?G.K. : Oui. Dans cette ville del’Hérault, sous la municipalité degauche, il a longtemps prévaluun grand laxisme (aujourd’huiabandonné) relatif à l’arrivéede nombreux immigrés. Lunelconcentre une proportion très

    élevée de morts au djihad. C’estun des points communs de cette vi ll e la ngue docienne avec unelocalité francili enne, Trappes,

    dans les Yvelines, où il y aurait eu plus de 80 départs pour le djihad

    au cours de la seule année 2015.

    Quel est le rôle des mosquéesdans ces zones de non-droit ?G.K. : Au Mirail, à Toulouse, la mos-quée Bellefontaine, également unédifice de type « cathédrale », est dif-ficile à contrôler pour son associa-tion gestionnaire, et les prédicateursdjihadistes viennent y démarcherles fidèles. Une controverse entrele Tabligh, les Frères musulmanset les djihadistes fait rage, car les

    groupes plus extrémistes peuventinfiltrer des mosquées et attirer vers

    VÉNEMENT

        S    O    C    I    É    T    É

    18 / Marianne / 1er au 7 avril 2016

    i l’extrémisme des fidèles issus d’ungroupe plus modéré. A l’ex-mos-quée Stalingrad à Paris, on sait queFarid Benyettou avait ainsi recrutéles membres du gang des Buttes-Chaumont qu’il venait endoctrineraprès la prière.

    Quelles régions de France sontlibres d’enclaves salafistes ?G.K. : Aujourd’hui, le phénomèneest malheureusement présent un peu partout. Marine Le Pen a eu tortde prétendre un jour que ce n’était pas dans le bocage normand qu’onrecrutait des candidats au djihad.C’est justement près de Sotteville-

    lès-Rouen, en Seine-Maritime,qu’a grandi Maxime Hauchard ! Demême, les quartiers pavillonnairesde Lunel ou ceux de la périphérietoulousaine, s’ils ne sont pas desenclaves à proprement parler, sontdes lieux où des jeunes de la petitebourgeoisie en rupture d’identifica-tion avec la société vont trouver dansle salafisme un mode de rupture etde resocialisation.

    L’EI, à ce stade de son infiltration

    de la société française,vise-t-il spécialement la Franceet les Français comme tels ?G.K. : Le djihad salafiste est undjihad arabe, bien plus enracinédans l’arabité qu’Al-Qaida, qui s’estmontré plus poreux au monde « sub-continental ». Les pays où résidentle plus de populations arabes dansl’Union européenne (France, Pays-Bas, Belgique, Espagne…) sont doncles premiers visés par le djihad sala-fiste. Pour ce qui est de la France et de

    notre langue, le français, l’islamismenord-africain s’est très tôt inscritdans une relation d’animosité à l’en-droit des Maghrébins « qui  [avaient]tété le lait vénéneux de la France », selon la formule employée par AliBelhadj. Cette francophobie découlede la perception par les djihadistes denotre spécificité nationale ; la languefrançaise, langue d’émancipationassumant son universalisme philo-sophique, est tenue pour le vecteur privilégié des Lumières, du voltairia-

    nisme et de la laïcité. QPROPOS RECUEILLIS PAR ALEXIS LACROIX

    MARINE LE PEN A EUTORT DE PRÉTENDREQUE CE N’ÉTAIT PAS

    DANS LE BOCAGENORMANDQU’ON RECRUTAITLES CANDIDATSAU DJIHAD.

        é   r    i   c    f   o   u   g    è   r   e    /   v    i   p    i   m   a   g   e   s

        /   c   o   r    b    i   s

    JOURS PASL’auteur et chroniqueur

    nous raconte cette villedu Val-d’Oise, où il a habité

    plus de trente ans.

    Il en a une vision bien

    éloignée de celle

    propagée un peu trop vite

    par les médias.

    PHOTOS : YAN MORVAN

    POUR “MARIANNE”

    PAR GUY CARLIER

  • 8/18/2019 Marianne - 1 Au 7 Avril 2016

    19/92

    était raciste comme beaucoup desa génération l’étaient, c’est-à-diresans vraiment s’en rendre compte,

     par exemple elle disait « les Nord- Africains », parce qu’elle trouvait lemot « Arabe » vulgaire et « les gensde couleur », car elle considérait lemot « Noir » comme insultant, mamère donc, qui était raciste, lorsde l’une des conversations que j’aieues avec elle, me dit : « Elles sonttellement gentilles, mes petites voi-sines nord-africaines. » Mais le tonsur lequel elle avait prononcé ceterme n’avait plus rien de péjoratif.Ma mère mourut quelques jours

     plus tard d’un cancer du poumon,mais grâce à Doumia elle est

    1er au 7 avril 2016 / Marianne / 19

    i

    TRANQUILLES À ARGENTEUIL

    Doumia n’en peut plus.

     A l’ hô pi tal de Po n-toise où elle travaille,

    elle entend toute la journée : « Ma pauvre Doumia, mais qu’est-ce qui se passe chez toi,

     pu ta in , c’e st ch au d,à Argenteuil c’est Molenbeek ouquoi… » Et le soir, lorsqu’elle rentrechez elle, dans le pavillon familial,

     voisin de celui où j’ai vécu plus detrente années de ma vie, elle voità la télé, sur les chaînes d’info,des journalistes éclairés alterna-tivement en rouge et bleu par les

    gyrophares des voitures de policequi barrent le boulevard Delambre,

    situé à 100 m de « chez nous » à vold’oiseau, dire qu’il ne se passe rien.Evidemment, il ne se passe jamais

    rien boulevard Delambre. Ah si, il y a quelques jours, on y a trouvé la planque d’un terroriste, un typenommé Kriket.

    Doumia et sa famille étaientdonc les voisins de ma mère. Des

     voisins adorables, pas le genre à passer dans les émissions de JulienCourbet. Au fil des années et de lafréquentation de ces voisins quil’invitaient à fêter la rupture du

     jeûne du ramadan, qui venaients’enquérir de sa santé ou lui

    demander si elle avait besoin decourses, ma mère qui pourtant

    JUSTE EN FACE DEL’USINE DASSAULT,une autre usine

    désaffectée a ététransformée enmosquée, l’unedes plus grandesde France. La villecompte près de30 000 musulmans.

  • 8/18/2019 Marianne - 1 Au 7 Avril 2016

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    VÉNEMENT

        S    O    C    I    É    T    É

    à nouveau le portail et son frèrerentrait dix minutes plus tard. Cethomme a consacré sa vie à Argen-teuil et à son idéal. Il est mort encroyant au bilan globalement posi-tif du communisme décrété parGeorges Marchais.

     Arg ente uil , vi ll e ouvr iè re, atoujours été une ville d’immigra-tion. Avant la dernière guerre, ledéveloppement industriel fit venirles Italiens et les Espagnols, dont

    mes grands-parents fuyant le fran-quisme. Après la guerre, pendantles Trente Glorieuses, les Italienset les Espagnols étaient devenusagents de maîtrise ou avaient crééleur propre entreprise artisanale,et les entreprises qui manquaientde personnel non qualifié firentde nouveau appel à l’immigration.Comme la situation économique enEspagne et en Italie n’incitait plusles ouvriers à quitter leur pays, onfit venir des Maghrébins. La France

    traversait à cette époque une crisedu logement, alors on les logea dans

    des bidonvilles sinistres, édifiésdans des zones non constructibles,sur des terrains insalubres, commecelui du Marais, tout près de chezmoi. Le Marais, c’était l’ancien parcdu château de Mirabeau détruit parles Allemands pendant la guerre etdont seule subsistait la porte d’en-trée du domaine, classée aux Monu-ments historiques, un majestueux

     portail voûté en pierre de taille, res-tauré et entretenu, et qui, de façon

    surréaliste, ouvrait sur des suitesde cabanes aux murs constituésde carreaux de plâtre, de briquesde mâchefer et de planches dechantier. Au milieu des allées, entrechaque rangée de cabanes, coulaitun filet d’eaux usées. Nous avionssurnommé Venise cet entrelacs debaraques car, après chaque pluie,il baignait plusieurs jours dans desmares. Je me souviens que M. Gril-let, professeur d’histoire au collègePaul-Vaillant-Couturier d’Argen-

    teuil, lors d’une sortie scolaire, nousemmena voir la porte du château,et cita la célèbre phrase prononcée

     par Mirabeau : « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’ensortirons que par la force des baïon-nettes », pendant que, de l’autre côtéde la porte, des Maghrébins nousregardaient incrédules, les piedsdans la rigole d’eaux usées qui tra-

     versait le bidonville.Chaque époque a ses terro-

    rismes. Je me souviens qu’enfant,

    chaque nuit, je tremblais de peurdans mon lit, après avoir été

    DOUMIA (à dr.)ET SA SŒUR HAJAR,voisines et amiesde la mèrede Guy Carlier,ne se reconnaissentpas dansl’assimilationqui est faited’Argenteuilavec Molenbeek.

    “MANUEL VALLS, QUI FUT PREMIER ADJOINT AU MAIRE DE 1989À 1998, ACCAPARÉ PAR SESMANŒUVRES AU SEIN DU PS,

    N’A RIEN FOUTU À ARGENTEUIL.”

    morte guérie du cancer raciste. A cet instant de votre lecture, vous pensez sans doute : Carlier va nousfaire le coup du « pas d’amalgame »,il va nous expliquer que la majo-rité des musulmans vivent un islam

     pacifique et apaisé… Non ! je vais vous dire tout ce que je sais d’Argen-teuil. Je vais éviter le confort de labien-pensance, malgré les tartuffesà l’affût de la moindre phrase poli-tiquement incorrecte pour te fairebasculer dans le sac à fachos où ilsont mis Finkielkraut et Onfray.

     Argenteuil n’est pas Molenbeek,certes, mais ce n’est pas non plusle pays des Bisounours. Argen-

    teuil, c’est Colombes, Bezons, LaGarenne, Nanterre, comme n’im- porte quelle ville de l’anci ennebanlieue rouge, c’est une ville quia peur car chacun sent qu’il va s’y

     passer des événements qui vontmarquer l’Histoire.

    VILLE D’IMMIGRATIONPendant des décennies, Argenteuilconstitua l’un des bastions de labanlieue rouge qui entourait Paris.

    Les communistes remportaienttoutes les élections. Mais c’étaitl’époque des Trente Glorieuses,du plein-emploi, et en cet âge d’or,en cette époque d’essor indus-triel, ces villes de banlieue, richesde la taxe professionnelle que leurapportaient les nombreuses usines,créaient de nombreux équipementssportifs et socio-culturels, des colos

     pour les mômes, des centres desanté gratuits, au point que mes

     parents, qui vouaient un culte au

    général de Gaulle et votaient àdroite lors des élections nationales,donnaient leurs voix au candidatcommuniste à chaque scrutinmunicipal, d’autant que ce candi-dat, Victor Dupouy, ancien ajusteurque le Front populaire avait portéà la mairie d’Argenteuil en 1936 etqu’il occupa jusqu’en 1976, étaitlui aussi notre voisin. Cet homme

     vivait avec sa sœur. Cette dernièreouvrait le portail du jardin à 7 h 50,il sortait avec sa traction puis avec

    sa DS 19 pour la mairie, et le soirà 20 heures Mlle Dupouy ouvrait

    i

    20 / Marianne  / 1er au 7 avril 2016

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    1er au 7 avril 2016 / Marianne / 21

    réveillé par l’explosion des gre-nades que l’OAS balançait sur lebidonville du Marais ou les rafalesd’arme automatique du FLN qui

     passait dans les baraques perce- voir l’impôt de la guerre. Epuisés par une nuit de terreur, les habi-tants du bidonville allaient poin-ter chez Dassault en baissant latête devant l’agent de maîtrise enblouse blanche, qui les accueillait àla pointeuse en disant : « Dis donc,toi, le Crouille, t’as encore fait labamboula toute la nuit. »

    “RACAILLES HALAL”

     A côté de la cité, juste en face del’usine Dassault, une autre usine,désaffectée, a été transformée enmosquée. Etrangement, sur leterre-plein devant l’usine Dassaultun Mirage a longtemps été pointésur la mosquée. Aujourd’hui,l’usine à prier a été détruite pourlaisser prochainement la place àune grande mosquée. Dassault aenlevé son Mirage. La porte duchâteau Mirabeau existe toujours.

     Aujourd’hui, à la place du bidon-

     ville, il y a un stade. De l’autre côtéde la rue, une petite cité aux mursbleus bardés d’antennes satel-lites où vivent les petits-fils des

     Vén itiens. On les ap pelle les« racailles halal ».

    « On ne reconnaît plus notreville. » Je n’ai cessé d’entendre ce

    leitmotiv y a quelques semaines,dans cette librairie d’Argenteuiloù je signais un bouquin. L’assis-tance était constituée de quinquaset de sexagénaires argenteuillais

     pure souche, avec cet accent quin’est pas vraiment l’accent pari-got, une gouaille de loubard, desnéologismes consistant à finirles mots en « ade », par exemple,

     j’ai fait une dormade. Ces gens-là, qui respirent le prolétariat, lemilitantisme syndical, la Fête del’Huma , les auto-tamponneuses,les dimanches au Moulin de laGalette, et Jimi Hendrix au Cadran,à Colombes, qui ont traversé la vie

    avec des idées humanistes sont entrain de passer du Parti commu-niste au Front national.

    « On ne reconnaît plu s notreville, Carlier, pourquoi ils nedisent pas à la télé ce qui se passevraiment ? Pourquoi on n’ose pasraconter l’histoire de la bouche-rie-charcuterie des Champiouxqui avait une rôtissoire sur letrottoir où tournaient des pou-lets et des rôtis d e porc que desracailles halal ont renversé sur

    le trottoir en insultant les Fran-çais et en louant un Dieu qu’ils neconnaissent pas, forçant le bou-cher des Champioux à vendre son

     fonds à un prix dérisoire et que saboucherie-charcuterie-traiteur-comestibles est devenue une bou-cherie halal, enfin j’ imagine, car,

    sur la devanture, tout est écrit encaractères arabes ? »

    « On ne reconnaît plus notreville, pourquoi ils ne disent pas queles politiques se foutent de notre

     gueule, que Sarkozy est venu sur ladalle dire “Vous voulez qu’on vousdébarrasse de cette racaille ?” etqu’il n’a rien fait, que les racaillessont en pleine forme, regarde-les,Carlier, qui passent en BM, pouraller dans des salles de gym, leverde la fonte avant d ’aller ramasserle fric de la dope. Chirac, Le Pen,ils sont tous venus, mais le pire detous, c’est quand même Valls, parceque lui n’a pas fait que passer. Il aété élu à Argenteuil, il fut premier

    adjoint au maire de 1989 à 1998,c’est-à-dire au moment du déclindu Parti communiste, là ou le PSavait une place à prendre, mais ,accaparé par ses manœuvres

     po li tiqu es au se in du PS , il n’arien foutu à Argenteuil, lai ssantle Front national faire les escaliersdes cités et jouer sur la peur. Valls aabandonné Argenteuil pour aller se

     faire parachuter dans une électionsans risque à Evry. C’est une fautehistorique. »

    « On ne reconnaît plus notre ville,Carlier, pourquoi on n’a jamais

    LE 185, BD DUGÉNÉRAL-DELAMBRE,qui a servi de planqueà Reda Kriket,principal suspectdans l’enquêtesur un attentatdéjoué en France,le 24 mars.Ci-dessous,la célèbre dalleoù Nicolas Sarkozyétait venu dire,en octobre 2005 :“Vous voulez qu’onvous débarrassede cette racaille ?”“Il n’a rien fait,les racailles sonten pleine forme”,

    dénoncent certainsValdoisiens.

    i

  • 8/18/2019 Marianne - 1 Au 7 Avril 2016

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        S    O    C    I    É    T    É

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    dit que Fillon avait inauguré unemosquée salafiste ? » 

    Là, j’ai protesté immédiatement,car cette histoire de mosquée sala-fiste est une légende urbaine pro-

     pagée par l’extrême droite locale.Cette mosquée, c’est celle où vont

     prier Doumia et sa fami lle. Elleconstitue d’ailleurs comme unsymbole de l’histoire contempo-raine d’Argenteuil, puisqu’elle aété aménagée dans les murs d’uneancienne succursale Renault ausein de laquelle j’ai occupé, dansune autre vie, des fonctions admi-nistratives à la fin des années 70.

     Au rez-de-chaussée à gauche, il y

    avait le grand hall des véhiculesd’occasion, où des vendeurs quiressemblaient à Bernard Tapierefourguaient à des Maghrébinsqu’ils tutoyaient des R16 à bout desouffle en leur disant : « Quand tuarriveras avec ça au bled, tu seras leroi du monde. » A droite, le garage,où les ouvriers musulmans faisaientla prière dans un coin de l’atelier, enorientant vers La Mecque les tapisde sol des Dauphine qui partaient àla casse. Aujourd’hui, mon ancien

    bureau abrite probablement unimam dont je me demande s’il aconservé le yucca qui m’avait étéoffert par le service comptable àl’occasion de mon anniversaire.Et l’histoire de ce bâtiment, c’estl’histoire de France des soixante-dix dernières années. A la fin de ladernière guerre, les usines Renaultsont nationalisées en raison de lacollaboration de la société avecl’occupant. Puis en Mai 68, Renaultconstitue le symbole des « événe-

    ments », comme on disait, et sesétablissements sont occupés parleurs ouvriers parmi lesquels denombreux OS immigrés. Les étu-diants que nous étions allaient

     parler aux ouvriers de « gouver-nement populaire » et d’« autoges-tion », les ouvriers se foutaient denotre gueule, et puis les gros brasde la CGT nous chassaient. On sesouvient de Jean-Paul Sartre ven-dant la Cause du peuple puis sehissant sur un bidon pour mieux

    haranguer des ouvriers incré-dules. Aujourd’hui, dans l’ancienne

    succursale Renault, on ne prie plusdans un coin d’atelier sur des tapisde sol de Dauphine.

    « On ne reconnaît plus notre ville,Carlier. Regarde la grand-rue, y a

     plus que des épiceries arabes, deskebabs, des boutiques Internet pourl’Afrique. A Argenteuil, il y a desquartiers que des t ypes en kippane peuvent pas traverser, des typesefféminés non plus ou des filles enminijupe pas davantage et dans

    les épiceries de l ’avenue Henri- Barbusse on ne voit plus que des femmes voilées. »

    LA GUERRE A DÉJÀ COMMENCÉ Je n’ai pas eu le courage de leurexpliquer que, s’ils avaient en partieraison, la théorie du grand rempla-cement était un pur fantasme, quesi le gouvernement laissait croireà la possibilité d’une insurrectionmusulmane en France, en insistant

    sur l’état d’urgence, c’était pourfaire oublier, outre son incapacité

    à résoudre les problèmes sociauxet économiques, que c’est ce gou-

     vernement de gauche qui aura faitbasculer le pays dans la mondiali-sation avec plus de brutalité encoreque n’aurait osé le faire la droite.

    Quand j’ai quitté la librairie, un jeune type m’a retenu par le bras.« Je vais te raconter un truc, Carlier.

     A la limite d’Argenteuil et de Bezons,ils ont inauguré en grande pompeil y a quelques années un bâtiment

    construit par Jean Nouvel. Le trucvieillit mal, tombe en morceaux,mais déjà, le jour de l’ inauguration,on voyait que c’était une merde, alors

     j’ai dit à Jean Nouvel : ”Vous pourriezvivre dans cet immeuble, vous ?” et letype m’a répondu : “Moi, je ne vivrais

     jamais à Argenteuil.” Je lui ai répondu :“Le problème est là. Les hommes de

     pouvoir sont prêts à mourir pour Argenteuil, mais pas à y vivre.” »

     Je pense à eux avec mélancolie. Ilsse trompent parce qu’on les a trom-

     pés. A Argenteuil, de part et d’autre, il y a désormais des Lacombe Lucien,le héros du film de Louis Malle, jeunehomme paumé, qui au début de ladernière guerre ne savait pas dansquel camp était le bien, il aurait puêtre résistant, et pour une humilia-tion il devint milicien.

    Il y a en ce moment des LacombeLucien partout en France, qui nesavent pas de quel côté est la résis-tance ni de quel côté est la collabo-ration, mais le plus grave, c’est que,

    s’il y a des Lacombe Lucien, c’est quela guerre a déjà commencé. Q G.C.

    i

    LA PORTE DUCHÂTEAU MIRABEAUouvrait, dansles années 60,sur le bidonvilled’Argenteuil,construit sur desterrains insalubres,dans lequels’entassaient lesouvriers immigrés.Aujourd’hui, elledonne sur un stade.

    “LE PROBLÈME EST LÀ.LES HOMMES DE POUVOIRSONT PRÊTS À MOURIRPOUR ARGENTEUIL. MAIS PAS

    À Y VIVRE.” UN HABITANT

  • 8/18/2019 Marianne - 1 Au 7 Avril 2016

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    24 / Marianne / 1er au 7 avril 2016

    MIEUX VAUT EN RIRE !Les gens brillants

    Lors d’une assemblée publique, Nicolas Sarkozy aété interrogé sur l’économiste Nicolas Baverez.Réponse de l’intéressé : « C’est très bien d’entendre

    des propositions de gens brillants. Mais je leur rappellesimplement que diriger un pays de 66 millions d’habi-tants est plus difficile que d’écrire un livre. » Il en saitquelque chose : il a commencé par diriger la France

     puis il a fini par écrire un livre pour expliquer pour-quoi il voulait recommencer après avoir échoué.Q

    Peurdu vide

    Interrogé par le Pari-

    sien, Michel Rocardconfie que la vie poli-

    tique ne l’intéresse plusà cause de « la dispari-tion de références intel-lectuelles majeures ».Il est vrai que sa mar-ginalisation a créé un

     vide idéologique et quela France ne s’en est

     jamais remise. Q

    Selon Jean-LucMélenchon, il suffirait,pour faire cesser leterrorisme, de ne pluscombattre l’islamisme

    au Proche-Orient et enAfrique. Les attentats neseraient, en fait, que des

    représailles. Il reste à savoiroù et quand les chrétiensde Lahore, au Pakistan,victimes d’un attentatqui a fait plus de 70 mortslors du dimanche pascal, ontagressé l’immense majoritémusulmane du pays. Q

    L’AGRESSEUR AGRESSÉ

    LA BOULETTE DE LA SEMAINE

    MISSIONIMPOSSIBLEL’avocat Jean-Pierre Mignard,proche de FrançoisHollande, s’estmis en congé dela Haute Autoritéd’éthique du Partisocialiste.La tâche devenaitimpossible. S’il fautsanctionner chaquemanquement àl’éthique socialiste,

    de la base duparti au sommetde l’Etat, autantdissoudre le PS. Q

    AMENDiagnostic du docteur Alain

    Duhamel dans Libération : « LaFrance entre dans le XXIe siècle à

    reculons. Les Hexagonaux n’aiment pas la mondialisation, n’aiment pas lecapitalisme, n’aiment plus l’Europe, necroient plus en l’Etat et moins encore

    en la politique. » Bref, pour entrer dansl’avenir avec confiance, optimismeet béatitude, il faut faire comme

    Alain Duhamel : vénérer lamondialisation, le capitalisme fou,

    l’euro et la politique qui mènedans le mur. Amen. Q

    LumièresPatrick Kanner,ministre de laVille, dessine untableau noir de lasituation dans unecentaine de citésde France, viviersde l’islamisme d’oùpourraient surgir

    de nouveauxterroristes « sil’on ne fait rien ».

    Et le ministred’ajouter : « Onne fera rien sans

    les musulmans

    éclairés. »

    A la conditionde ne pas prendreles islamistesallumés pour

    des musulmanséclairés. Q

    Mieux que Jospin

    Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétairedu PS, préconise une stratégie imparable : frap-

     per alternativement sur Alain Juppé et NicolasSarkozy, sans jamais choisir entre l’un et l’autre. Lebut est de rééditer l’exploit de Lionel Jospin qui, en1995 arriva en tête du premier tour de la présiden-tielle, devant Jacques Chirac et Edouard Balladur.Le problème, c’est que le candidat socialiste a

     plus de chances de rééditer Jospin 2002, éliminé

    dès le premier tour. Et encore était-il en troisième position, ce qui n’est pas acquis pour 2017…Q

    CLIC ETCLAQUELe pape François aappelé les prêtresà résister « à lamondanité virtuellequi s’ouvre et seferme d’un simpleclic ». La tentationdu clic conduitau péché aussisûrement quela fréquentationdu claque. Q

  • 8/18/2019 Marianne - 1 Au 7 Avril 2016

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    1er au 7 avril 2016 / Marianne / 25

    LeplafondEn 2015, ledirecteur généralde BNP Paribas,Jean-LaurentBonnafé,a eu droit à unerémunérationde 3,5 millionsd’euros,en haussede 26,5 % parrapport à l’annéeprécédente.

    Pour apprécierla chose,on notera quecela représenteenviron 291 000 €par mois ouencore 9 500 €par jour, soit prèsde sept fois lesmic encaisséau quotidien.Puisqu’il étaitquestion de

    mettre un plafondaux indemnitésallouées parles prud’hommesen cas delicenciementabusif, on nepourrait pasen instituerun pour les grossalaires ? Q

    OptimismeLe numéro un communiste,Pierre Laurent, que l’on donne partantpour la course à l’Elysée, publie un livreintitulé 99 %. Vu le score de 1,93 %réalisé par le PCF la dernière foisqu’il s’est présenté à la présidentielle,en 2007, c’est assez optimiste. Q

    Le Parisien rapporte cette miseau point définitive signée François

    Hollande à l’intention de certains deses ministres, dont le premier d’entreeux : « Maintenant, vous arrêtez vosconneries ! » S’agit-il d’en finir avec la loitravail, traînée comme un boulet ? Non,le président entend faciliter le retourau plus vite de Benzema dans l’équipede France afin d’assurer aux Bleus uneperformance dont il entend bénéficierlors de la présidentielle de 2017. Faire dela politique, c’est foncer droit au but. Q

    Droit au but

    RÊVE ÉVEILLÉDidier Guillaume, président du groupePS au Sénat, en est persuadé, NicolasSarkozy remportera la primaire de ladroite. En fait, ce proche de FrançoisHollande rêve tout haut en imaginantun adversaire que François Hollandeaurait toutes les chances de battreune seconde fois à l’élection

    présidentielle. Si du moins il parvenaitau second tour, ce qui n’est pas acquis ! Q

    Espace publicLe tribunal administratif a annuléle permis de construire accordépar la Mairie de Paris et l’Etat, pressésd’étendre le stade Roland-Garrosau détriment des serres d’Auteuil, sitedoublement classé, pour son intérêthistorique et architectural et pourla conservation d’espèces botaniquesrares. Manuel Valls et Anne Hidalgo ontdéjà annoncé leur intention de passeren force… Que pèsent l’histoire,la biodiversité et l’espace public du boisde Boulogne face au sport spectacle

    soutenu par les forces de l’argent ?Q

    VIVE L’ESCLAVAGE !Dans le débat sur la loiEl Khomri, Hervé Mariton(LR) n’y va pas par quatrechemins : « Il faut supprimerle code du travail. » Onpourrait même restaurer une

    formule qui a fait la preuvede son efficacité : l’esclavage. Q

    Force faible

    Julien Dray annoncequ ’ i l va m ettretoutes ses forces

     pour qu e Fr anç oi sHollande brigue un se-cond mandat en 2017.La condition posée parHollande lui-mêmeétant l’inversion de lacourbe du chômage,il n’est pas sûr que les

    forces de Julien Draysuffisent.Q

    LA DÉMOCRATIENicolas Sarkozy souhaite investir le pluspossible de candidats aux prochaineslégislatives dès le mois de juin, alorsqu’un certain nombre de ses adversairessouhaitent attendre la fin de la primaire,indique le Journal du dimanche.« J’ai vu tout le monde. Ils vont êtresur ma position », assure le patrondes Républicains. « Sinon on votera. »Dans l’esprit de Sarkozy, la démocratie

    est donc l’ultime recours. Q

  • 8/18/2019 Marianne - 1 Au 7 Avril 2016

    26/92

    Perte de temps

    Jean-Luc Mélenchon révèle qu’il a beaucoup

     parlé avec EELV, avant d’annoncer, seul , sacandidature. Et il ajoute : « J’ai perdu beaucoup

    de temps. » Les dirigeants d’EELV sont de grandsécologistes : ils passent le plus clair de leur tempsà brasser du vent. Q

    Coup

    de freinSelon les Etats-Unis, la mortd’Abdel Rahmaneal-Qadouli,considérécomme lenuméro deux del’Etat islamique,va donner un« coup de frein » à l’organisation

    djihadiste. Leproblème, c’estque l’EI est uneorganisation quia aussi beaucoupde pédalesd’accélérateur. Q

    Le magazine GQ a demandé à LéaSalamé d’interviewer JoeyStarr,dont le magazine précise qu’ilaura bientôt 50 ans et qu’il est« inclassable ». Entre autres

    banalités, ce dernier explique queles coups portés à son ex-compagne,qui l’ont conduit en prison, sont à

    classer au chapitre des « dommagescollatéraux ». Interrogé sur l’obsessionantijuive de Dieudonné, il confie : « Aun moment, on a eu une impressionde favoritisme pour une certainecommunauté. » Où l’on voit queJoeyStarr est parfaitement classable,mais que cela ne l’empêche pas d’avoirles honneurs médiatiques. Q

    SIGNÉJOEYSTARR

    BONNET D’ÂNE

    ConseilRaymond Soubie,l’ex-conseillersocial de NicolasSarkozy, est, biensûr, partisan de laloi El Khomri, saufsur la méthode.Il administre cetteleçon gratuitedans la Croix : « Il aurait étémoins anxiogènede communiquer

    sur la stabilitéde la règlede droit pourles entreprisesque de parlerde faciliter leslicenciements. » C’est le dramedes nouveauxconvertis : pourdonner la preuvede leur nouvellefoi, ils sont dans

    la surenchèrepermanente. Q

    HEUREUXDE L’EUROSelon un sondage réalisépour le Parisien-Aujourd’huien France, 62 % des Françaisaendent beaucoupde l’Euro. Il s’agit bien

    évidemment de footballet non de monnaie. Q

    MIEUX VAUT EN RIRE !

    26 / Marianne / 1er au 7 avril 2016

    AU BONHEUR DES CHÔMEURSInterrogé par le Monde, AugustinLandier, professeur à la ToulouseSchool Of Economics (TSE), affirme :« La principale pathologie de notre pays, ce n’est pas le taux de chômageà 10 %, mais la précarisationde la population. » Les chômeurs,qui échappent à la précarisation,ne connaissent pas leur bonheur. Q

    A bas

    les notes !

    Sur la base d’uneétude du CNRS quidevrait réjouir la

    ministre de l’Education, le Monde a publié unarticle titré : « Suppri-mer les notes en classeréduirait les inégalitéssociales ». Supprimerles profs endiguerait-ille sentiment d’humi-

    liation ressenti parcertains élèves ? Q

    Un marxiste,

    un vrai

    Sur son blog, Jean-Michel Aphatie, quiofficie sur Europe 1,

    fait cette révélation :« Le Front nationald’aujourd’hui n’est pasloin d’être purementmarxiste. » Spécialisteinternationalementreconnu de la penséedes Marx Brothers,

     Jean-Mi ch el Aphatiesait de quoi il parle. Q

    DéfroquéLors d’un débat, Arnaud Montebourgs’est présenté comme un « ministre

    défroqué ». C’est déjà mieuxque de baisser son pantalon. Q

  • 8/18/2019 Marianne - 1 Au 7 Avril 2016

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    LA FIERTÉDES LIONSI

    l est tellement rare de voir une caméra libre pénétrer à l’intérieur d’une usine que le docu-mentaire de Françoise Davisse, Comme deslions , ressemble à un ovni médiatique. Cettedernière a suivi de l’intérieur le conflit chezPSA-Aulnay, de juin 2011 à mars 2013, aux

    côtés des ouvriers en lutte pour sauver leur entre- prise de la fermeture programmée et longtempsniée. Terrible plongée dans le réel, avec les espoirs

    trahis, les magouilles de la direction, les enga-gements publics foulés aux pieds, mais aussi lasolidarité de ceux qui n’ont jamais cédé et qui,à l’issue du conflit, invoquent leur « fierté » dene pas avoir renoncé. Ils s’appellent Azzedine,Mohamed, Jean-Pierre, Rahal ou Nabil. Ils n’ont

     jamais baissé les bras, exigeant qu’on ne les traite pas comme des machines que l’on jette. On les voit accueillant François Hollande à Aulnay, leremerciant de sa venue et appelant à son élection.On entend quelqu’un dire : « En période de crise,

     perdre son emploi, c’est criminel. » On assiste àl’annonce du transfert d’une partie de la produc-

    tion à Poissy par Philippe Varin, président dePSA, qui salue « un dialogue social exemplaire » et promet un poste à chacun tandis qu’ArnaudMontebourg, alors ministre de l’Economie, donnede la voix et de la promesse. On suit les salariésde PSA dans leurs diverses actions, toujoursdécidés, évitant les provocations, mais de moinsen moins nombreux, car il n’est pas facile derésister aux pressions et au découragement. On

     vit les AG de l’intérieur, quand il faut décider dela marche à suivre alors que certains baissent lesbras. On écoute ces voix qui lancent aux huissiersrequis par la direction : « On est des ouvriers, pas

    des casseurs. » On est dans le studio d’Europe 1quand Jean-Pierre Elkabbach fait la leçon à unsyndicaliste traité comme un voyou.

    La caméra est dans l’usine quand les grévistesdoivent voter pour savoir s’ils acceptent ou non lecompromis arraché à la direction, loin des espoirsinitiaux, avec de maigres compensations salarialesqu’il faut savoir apprécier nonobstant les reclas-sements oubliés. A la fin du conflit, un gréviste ditface à l’écran : « J’ai été ouvrier comme le voulait mon

     père, je n’ai jamais baissé la tête. » Pourtant, d’autresont tout fait pour qu’il en soit ainsi, y compris des

    responsables politiques qui ont perdu l’honneurque d’autres ont sauvé. Q

    Arbitrage financierRachida Dati rappelle que, en 2008, 8 milliards d’euros ontété trouvés pour sauver les banques. Et d’ajouter : « Ne peut-on pas trouver quelques millions pour sauver durablementnotre jeunesse, préserver notre sécurité et notre cohésion ? »Il eût été mieux de se poser la question dès 2008. Q

    1er au 7 avril 2016 / Marianne / 27

    ÇÇA M’ÉNERVE !Par Jack Dion

    LA

    PROMESSEInterrogé par le Figaro sur sa situationde cumulard, Jean-Yves Le Drian,ministre de la Défense et présidentdu conseil régional de Bretagne,explique qu’il avait promis aux