Marmite et Microonde n°22

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    L fll mp

    L m P

    Le principe du fanzine, me dit-on, est que la sortie de chaque numro est une surprise.Dabord par son contenu, ensuite parce que la rdaction a (enfin) russi bouclerce numro. Cest en tout cas lexcuse quon me propose pour expliquer le gouffretemporel sparant le numro prcdent de celui-ci. Cest une excuse aussi farfelueque celle donne par Ketty Steward lorsquelle doit plucher quelques oignons. Maisce nest pas grand-chose compar aux tranges aventures dun chauffeur de matreque nous a confi Matthieu Grossi.

    Il y a cratures et cratures, me dit-on encore, et si les prcdentes tenaient demutations naturelles ou contrefaites, celles entraperues dans son potager par MlanieKalamarius sont dune toute autre origine, et dun emploi encore plus tonnant. Et cene sera quaprs avoir pay notre note au Tnia que nous serons en tat de dmlerlcheveau dabsurde que nous sert dans ce numro notre toujours improbableE-Traym.

    Ainsi donc, vous avez maintenant un joli panorama des Cratures du Potager. Il

    ne vous restera qu aller biner un peu le vtre pour nous dire ce que vous aurezpersonnellement vu...

    A vous de faire votre cuisine, et bonne lecture !

    Le Patron

    Au MenuLgende aux petits oignons.............................. Ketty Steward.......3Critique littraire : Du Monde lAssiette ........Les Cuisson .......6

    LOisivet ........................................................Matthieu Grossi.......7Si mme les tomates meurent ................. Mlanie Kalamarius .....10Le Civet de Connil ....................................Les Frres Cuisson .....17Le Potager dOncle Charles ...................................... E-Traym .....20Critique littraire : La Chartreuse de Parme ....Les Cuisson .....28Encart publicitaire Pateaugas ......................................Elisa .....29Notre illustrateur : Le Nootilus .......................................................30

    Bulletin dAbonnement...................................................................31

    Le Guide du Space-Routard ............................Vincent Corlaix .....31

    Le sous-titre est aimablement offert par Philippe Heurtel

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    I S S N : 1 7 6 6 - 8 8 1 6 - F v r i e r 2 0 0 9 - 2

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    Qui na jamais remarqu lirrpressibletristesse qui sempare de ceux qui,

    par ncessit culinaire, dbarrassent

    loignon des couches brunes, rouges oublanches de sa peau pour le dcouper ?Il ne sagit pas l, comme on pourrait

    le croire, dun mcanisme de dfensedu bulbe. Car si on tenait le comptede la quantit phnomnale doignonsdvors par jour dans le monde entier,il savrerait totalement inefcace. Pour

    trouver lexplication de ces larmes, il

    faut remonter aux jours oublis, lreparadisiaque qui prcda la nuit destemps.

    u u u

    cette poque, lhomme ntait pasencore un mammifre. Ce ntait mmepas un animal. Lhomme tait un vgtal

    comme les autres. Trs proche dupoireau, il avait encore les deux piedscolls lun lautre et plants dans lesol du jardin qutait la terre. Le GrandJardinier soccupait avec un soin jalouxde tout ce quil y cultivait.

    Une fois par an, il parcourait lesranges, exauant les dsirs des eurs,

    des plantes et des arbustes. Lanneo la carotte avait souhait obtenir safantastique couleur orange et o lapomme de terre avait obtenu des yeuxpour voir le monde, lhomme-plante avaitexprim une requte trs spciale.

    Il avait dj un cerveau norme, des

    yeux, une bouche et des bras, mais cettefois, ce quil demandait ntait rien moinsque la mobilit. sa requte, lensemble

    du potager et des parterres environnantsfut travers dun immense frisson carctait bien la premire fois quune

    crature vgtale souhaitait saffranchirdu sol nourricier et sapproprier un pouvoirjusque-l rserv au seul Jardinier. Toussoupirrent de soulagement lorsque leJardinier refusa cette modication en

    expliquant lhomme-plante que le prix payer tait, de toute faon, trop lev. la place, il lui donna des feuilles trs nes

    et trs longues : les cheveux.

    Pendant toute une anne, lhommerumina sa dception, persuad que leJardinier se rservait gostement leprivilge de marcher sur toute la surfacede la plante-jardin. La voil donc,sa faon de nous aimer ? Il nous gardeplants l, impuissants et dpendantsde lui et nous offre des babioles pourempcher notre rvolte !

    Lanne suivante, sans surprise, ilformula le mme vu.

    Alors le Matre lui rpondit dune voixtriste :

    Je sais quelles sont les ides que tunourris et je puis tassurer que tu es danslerreur. Le pouvoir de te mouvoir volont

    nest pas absolument inaccessible, maisil fait partie des pouvoirs suprieurs, deceux qui exigent un sacrice en change.

    Je doute que tu sois prt en payer leprix.

    Je paierai tout ce quil faudra, mais jeveux marcher ! rpliqua lhomme.

    coute dabord, conseilla le Matre duJardin. Tu rchiras, et tu dcideras...

    Non ! Quel quen soit le prix, jemarcherai ! Je jure que je ferai nimportequoi pour y arriver.

    Lgende aux Petits oignons d Ky sward

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    Le Jardinier, boulevers, expliquaalors lhomme que pour marcher, ildevrait consentir sacrier la vie dunautre lgume. Il lui faudrait le dshabilleret, laide dun couteau (le Jardinier luiexpliqua ce qutait cet outil) le dcouperen rondelles. Aprs ce rituel rvoltant

    seulement lhomme pourrait sortir de laboue et marcher librement sur toute laterre.

    Lhomme fut horri par cette rvlationet ralisa quil avait jur sans rchir. LeJardinier aurait sans doute pu lui indiquerle moyen de contourner son engagementintempestif, mais lorgueil de lhomme taitaussi dvelopp que limpressionnantechevelure qui lui chatouillait le dos. Il

    refusa de revenir sur ses mots et derenoncer publiquement son rve et sedclara prt procder, sans attendre, la crmonie

    Le seul lgume porte de sa main taitloignon, son plus proche voisin ; celuiavec qui il discutait les soirs de pleinelune, celui qui riait de ses bons mots et

    recueillait ses condences. La tristessede lhomme tait immense et profondemais son dsir de marcher et de tenir tteau Jardinier surpassait tout.

    Loignon ne pronona pas un mot lorsquelhomme larracha doucement du sol et,arm dun couteau, commena le dvtir.Lhomme afchait un air dcid, malgr

    les larmes qui coulaient sur ses joues

    au fur et mesure des couches. Il taitconscient de sa lchet, de son gosmeet de sa cruaut mais continua plucherloignon minutieusement, jusquau bout,avant de le dcouper en nes tranches

    sous le regard dsapprobateur de la ore

    tout entire. Peu aprs, lorsquil sentitse relcher ltreinte de la terre sur soncorps, lhomme sempressa de quitter

    la compagnie de ses compagnons depotager hostiles et erra longtemps sansbut sur la plante.

    Aujourdhui, des millions dannesaprs, lhomme entirement transformna dsormais plus grand-chose encommun avec la nature quil na eu decesse doffenser et dasservir. Loin deregretter sa premire trahison, il aimese souvenir que les sacrices sont

    quelquefois ncessaires et se prparedes plats aux petits oignons.

    Cependant, chaque fois quil doitpeler et dcouper le bulbe sympathique,lhomme, marqu jamais, revit malgrlui le mme dchirement. Aussi cruelsoit-il, il ne peut sempcher de pleurertoutes les larmes de son corps. Certainshumains ont dailleurs gard plus vif eneux le souvenir de la douleur. Ceux-l sont tout simplement incapables demanger des oignons.g

    Ky swardNe en 1976 au pays des acras de morueet des bananes ambes, Ketty Steward

    les abandonne un temps pour les boulets

    ligeois, les bires et les chocolats belges.Cest nalement sur Paris la cosmopolite,

    avec sa tte de veau, sa baguette et sonmillefeuille, quelle jette son dvolu pourpartir la dcouverte des saveurs du mondeentier. Gourmande, certes, cest pourtant demots quelle est le plus avide. Ceux quelledvore pour le plaisir ou pour le compte dusite ActuSF (http://www.actusf.com); et les

    siens, ceux quelle traque pour confectionnerses propres pomes et nouvelles. Auteurdun recueil de pomes (Je ne sais pasappartenir aux ditions Arbre dOr (www.arbredor.com), de plusieurs nouvelles,notamment fantastiques ou de science-ction, publies dans diffrents magazines

    et anthologies, Ketty Steward revient pour latroisime fois dans les colonnes de Marmite& Micro-ondes.Son site internet : http://www.ktsteward.tk/

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    Car si le ct culinaire de cet ouvrage de sociologie applique saute aux yeux, sonct imaginaire est beaucoup moins vident.

    Pourtant, aprs quelques pages, je dus me rendre lvidence : tout gastronome fru

    de littrature se doit de lire ce livre, surtout sil prtend taquiner la muse aussi bien que

    la queue de casserole.

    Sinon, comment savoir que le cassoulet est un plat de lre spatiale ? Que les tempuras

    japonaises ont t inventes par des Portugais ? Quon peut manger de la tte de bouc

    et aimer a ? Que sans la dcouverte de lAmrique, on ne mangerait pas de foie gras ?

    Que les morts sont friands de caf au lait et de crnes en chocolat ? Que le hamburger

    vient bien de Hambourg et quil a eu le mal de mer pendant le voyage ?

    Toutes ces petites tudes sociologiques sont mailles par Frdric Duhart danecdotes

    vivantes et de photos qui donnent envie de se faire inviter djeuner par cet Indiana

    Jones de la cuisine1.

    Un ouvrage que je vais mempresser de ranger entre laPremire Gorge de Bire de

    Philippe Delerme et lesMiscellanes Culinaires de monsieur Schott.

    Evariste Cuisson

    1 - Merci denvoyer linvitation la rdaction qui transmettra.

    ef

    O a lu

    &O a amhg

    Du monde lassiettepar Frdric Duhart

    Editions Dilecta - Octobre 2007

    176 pages & 16 planches en couleurISBN : 978-2916275284 - 18

    On pourrait penser, en lisant la 4e de

    couverture de Du monde lassiette, que

    ce livre na pas lieu dtre critiqu dans les

    colonnes de Marmite et Micro-ondes.

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    Totor tait ltre le plus oisif quon vt

    jamais, mais le Comte lengageaquand mme, comme chauffeur. Ctaitune aubaine pour Totor qui voulait seranger du milieu. Le manoir Savigny taitcach dans un domaine bord de bois, letout plant au milieu de nulle part.

    Le Comte tait un homme daspect jeuneet dynamique constamment empress quelque recherche ou exprimentation,car il avait la lubie des sciences nouvelles,et plus exactement de la biologie et dela dittique. Dailleurs il ne mangeaitque des lgumes, quil cultivait lui mmeselon une mthode secrte. Il hassait laviande. Il disait dans son jargon 1900 :

    Suis-je donc une goule pour me nourrirde chair morte ? Certes non, il navaitrien dune goule. Il tait trop beau pourcela.

    On mexcusera toutefois de noterltranget de sa bonne sant, lorsquonapprendra quil logeait sa lle, une

    charmante jeune femme dau moins vingtans alors que lui-mme en faisait peine

    trente.Mais, les miracles dune alimentation

    saine, nest-ce pas ! Il tait toujoursfrais comme un gardon. Mieux portanttu meurs , disait plaisamment Totor la petite cuisinire quil lutinait avecassiduit.

    La belle sant du Comte lui inspirait lahaine de linaction, ce qui causait toujoursla perte, plus ou moins long terme, deses domestiques. Vous ntes donc

    pas plus actifs que des poireaux, danscette maison ! Cornecul ! Vous emploie-

    je vgter tout le jour durant ? Totorlui-mme faisait souvent les frais de cesremontrances, mais il sen moquait bien.

    A cette poque, les domestiquelogeaient chez leurs matres. Une nuit,

    aprs quil eut transbahut toute lajourne ce matriel de jardinage dont le Comte faisait grand cas maisdont on ne voyait jamais lombre aupotager, notre hros perut dtrangesmurmures qui semblaient sexhaler desvieilles pierres et monter du sol sculaire.Ctaient les bribes dune discussionsurraliste, dont une phrase le marqua

    particulirement : Et si nous ntionsque des lgumes ?

    Et si nous ntions que deslgumes ? demandait le murmure. Il me semble parfois que je sens enmoi comme la suprmatie de mon mevgtative, et que la pense nest quuntriste accident, un effet secondairefcheux de ma paisible condition.

    Totor crut une conversation saugrenueentre le comte et sa lle, et sendormit en

    souriant.

    Le lendemain : Ah ! vous ntes donc pas plus active

    quune citrouille ! sexclama le Comte.Il tanait vertement la petite cuisinire,

    qui avait laiss bouillir trop longtemps sasoupe aux choux, abolissant par l unegrande part de ses qualits nutritives.

    Loisivet d Mahiu groi

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    Au lieu de dfendre sa douce, Totoraggrava ses souffrances en raillant :

    Cest pourtant vrai que tu bougespas plus quune Citrouille, dit-il une foisle Comte chapp, mais tes encore bienplus potele.

    Msieur lComte alors cest pas mieux !

    Cest un vampire askondi ! Un zombi, ouune goule comme disent les vieilles. Un

    jeteux de sort quoi. PARDON ! Un homme qui refuse de

    manger de la viande, un vampire ? Oui-da. Il dit quil refuse de manger

    de la viande mais le fait est ! On racontedes choses sur lui la ville. Mes parentsvoulaient pas que jviens travailler icidailleurs. Jmen vas avant quil meboulotte comme les autres.

    A ces mots, Totor se fendit la poire tantet si bien quil dt se tenir les ctes pourque ses organes ne sen chappassentpas, rejets quils eussent pu tre horsde son diaphragme par les spasmes du

    fou-rire.Quelques jours plus tard, la cuisinirenen tait pas moins partie sans laisserdadresse et le chauffeur jeta son dvolusur la lle du Comte.

    Ctait vraiment en dsespoir de cause,car la petite avait lair dun fantme,tant elle tait ple et maigre. Toutefois,il savisa un soir de suivre sa blanche

    silhouette jusquau fond du potager, oelle se dissipa comme un soufe.

    Totor se retrouva seul au milieu deslgumes, et prit une citrouille partie :

    Dis-donc, ya ta soeur la cuisinirequa dcanill, ctun sacr ppin pour leComte.

    Et si nous ntions que des lgumes ?rpondit la citrouille.

    u u u

    Nenni nenni.Ce ntait pas la citrouille, mais la lle

    du Comte qui surgissait dune cabane outils situe non loin.

    Je vous ai bien eu. Ahaha, dit-elle dune voix atone, je

    vous ai bien eu. Tu mas chu la frousse, rpondit

    Totor. Do tu tiens ces histoires delgume ?

    On entend des choses, la nuit. Pourquoi tes si plote, ma ptite ? Parce que je mange peu. Mon pre

    mange trop, cest pour a quil est tropbien portant.

    TROP bien portant ? Trop, comme je vous le dis. Il veut

    tre bien portant tout prix. Il dit queles oisifs cest du gchis. Il dit que lelgume le transgure. Il dit que le lgumetransgure tout, parce que cest lalimentle plus sain qui soit. Moi, a me dgote.

    Et toi tes oisive aussi, pas vrai ? Un jour il me le fera payer. Il me traite

    dj dendive, cause de ma pleur.

    a se dfend. Croyez-vous que nous soyons des

    lgumes ? Jai connu quelques grosses lgumes

    dans le temps. Je veux dire, quest-ce qui changerait

    si ce quon considre comme luniverssensible ntait que la prolongation de nosimperceptibles et innombrables racines ?Cyrano de Bergerac disait que ramasserun choux tait un crime abominable. Ildisait que le choux navait pas sa place la droite de Dieu, et qu ce titre, le tuertait plus grave que de tuer un homme,dont lme est attendue au royaumeternel. Quen pensez vous ?

    Tu lis trop de bouquins, petite. Y fait

    nuit, rentrons. Me-toi, tte de concombre.Sil est vrai que Totor avait la tte

    quelque peu allonge, nous nirons pas

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    jusqu dire quil lavait en forme deconcombre. Toutefois cette remarquele vexa tant quil en oublia de faire dugringue la jeune femme fantmatique,et elle se dissipa nouveau.

    Mais quelques soirs plus tard...

    Quelques soirs plus tard... lechauffeur fut rveill par les mmesmurmures tranges que quelques nuitsauparavant...

    Un let de voix inme disait : Je te ledis, moi, quil y a une vie souterraine, lantre, et une vie vritable qui rehausselexistence ottante de nos organes.

    Cette voix de rogomme tonna notreami. Ctait celle de la cuisinire.

    Ntait-elle donc pas partie ? Stait-elleenferme dans la bibliothque du manoirpour faire de la philosophie son tour etparler en femme savante de lexistenceottante de nos organes ?

    Totor voulut en avoir le cur net. Ildescendit les marches, guid par cemurmure qui semblait sourdre commeun dragon ancestral du cur de la terre

    et se changer en lzard subtil pour fuirle long des murs Sans sen apercevoirnotre hros se retrouva face au jardinet.

    Au fond, la cabane outils o sa proie luiavait chapp, quelques jours plus tt, lui

    jetait un regard lourd de sous-entendus.Soudain un clat attira son attention.

    Ctait un cri cocasse, le cri dune bouchehumaine, qui le rassura.

    Pas le concombre !Il pouffa comme un crtin et tendit

    loreille.Le son venait de sous une dalle, juste

    devant le petit escalier menant au jardinet.Il souleva la dalle.

    Dessous, une chelle le mena dansune galerie pave quil parcourutsilencieusement un instant. Au bout ildcouvrit une porte de bois vtuste et

    louvrit sans mal.Et un spectacle effroyable soffrit sesyeux.

    Ctait une vaste salle dont les murstaient tapisss de gigantesquesaquariums verdtres o ottaient des

    corps inertes et sans tte. Les coustranchs seflochaient en pelotes

    de racines grasses et difformes quiremontaient dans le plafond pour se aller

    nourrir la surface

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    Mahiu groia 22 ans, a arrt ses tudes de littrature il y adeux ans pour se consacrer la littrature (en free-lance en quelque sorte) et aussi la thologie et lticisme.Bref, il a publi dans Outremonde, Katapulpe, et aussi dans un recueil papieraux ditions Gunten, 1 mois, 1 nouvelle qui sest vendu plusieurs unitsdexemplaire (prcise-t-il).Ya peut-tre dautres publications mais a date donc il ne se souvient plus trop.

    Citrouille ! sexclama-t-il.Le mot Citrouille tait inscrit au bas dun aquarium o il avait reconnu le corps

    ferme et potel de sa tendre cuisinire.Un autre aquarium tait vide. Le nom quil portait t bondir notre hros.

    Face de concombre ! scria la blanche lle du Comte en surgissant dun coin

    obscur, je tavais dit de prendre garde !Totor sentit distinctement un poids sabattre sur son occiput.

    Quelque temps plus tard, ses membres baignant chaudement dans il ne savait tropquoi, ses sens tous teints, et toutes ses facults endormies, Victor le chauffeur laissachapper cette phrase qui suinta comme une scrtion le long du potager et rsonnapresque imperceptiblement dans chaque parcelle du sol jusquau manoir : Je ne saisplus qui ma dit une fois que nous pourrions tous tre, sans le savoir, des lgumeschs en terre.

    Et la nouvelle cuisinire qui de sa chambre perut ce bizarre jugement, se posa biendes questions.g

    si MMe Les toMates Meurent

    par Mlani Kalamariu

    -CHARLIE !Ctait la troisime fois quHlose lappelait, mais Charlie ne rpondit toujourspas. Il savait que maintenant, elle allait abandonner, sassoir dans la cuisine et ruminerpendant des heures. Il savait quelle serait dune humeur excrable toute la soireet quil aurait srement droit une engueulade carabine en rentrant, tout a parcequHlose dtestaitquon ne rponde pas lorsquelle appelait. Il la connaissait bien,depuis le temps

    Mais pour une fois, Hlose et son caractre insupportable ne proccupaient pasCharlie. Ctait plutt cette chose quil avait trouve, l, prs du plant de tomates.Ctait poilu, et a bougeait.

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    Comme tous les matins, Charlie taitvenu dans le potager soccuper deses lgumes. On tait mardi, jour delarrosage bihebdomadaire des tomates.Charlie stait saisi de larrosoir et staitapproch au plus prs du plant ; ctaitlun des secrets pour obtenir de belles

    tomates : ne jamais arroser le feuillage,mais les racines.

    Et cest l quil avait vuCtait poilu, et a bougeait.

    Au dbut, Charlie avait cru unanimal : ctait courant, les petites btesqui sgaraient dans le potager Maiscette petite bte-l ne faisait pas de bruit,navait ni yeux, ni bouche, ni rien. Onaurait dit une balle de tennis couverte defourrure blanche.

    Au fond, Charlie ntait pas srque la chose ait boug. Mais sinon,comment aurait-elle pu arriver jusquici etsaccrocher une de ses tomates ?

    Charlie sassit par terre, sanssapercevoir que la terre tait encore

    humide. Il tait ennuy.La petite boule de poils blancs nevoulait pas se dcoller de la tomate laquelle elle stait accroche. Charlieavait essay tout ce quil tait possible defaire sans dtruire le fruit, mais rien nyfaisait.

    Il dcida dattendre le lendemain avantde rellement sinquiter. Mieux valait

    chercher quelques informations sur leparasite avant de tenter quelque chose.Rien ne pressait, il aurait largement dequoi faire ce soir avec les rancurs desa femme.

    u u u

    Depuis une demi-heure que Charlie

    feuilletait ses livres dagriculture, il navaitrien trouv qui parlait, de prs ou de loin,de ltrange chose quil avait dcouverte

    ce matin dans le potager. Il commenait tre franchement contrari. Et si cettechose empoisonnait les tomates ? Ellesseraient chues, le menu du restaurant

    devrait se passer de leur prsence, cequi se ressentirait sur les gains du mois.Hlose serait furieuse, car ctait

    Charlie de soccuper du potager, et doncde faire en sorte que tout aille bien.

    Comme si Hlose pouvait ne pas trefurieuse.

    Lorsque Charlie lavait pouse, il yavait maintenant un an, il ne se doutaitpas que la vie matrimoniale serait sidure.

    Il avait tout de mme remarqu

    quHlose donnait souvent des ordresEt quelle tait trs contrarie lorsquonne lui obissait pas. Dailleurs, ctaitHlose qui avait insist pour quils semarient, et pour que Charlie lui cone

    la gestion du restaurant familial, quelleavait immdiatement rebaptis dun nomau got douteux.

    Le Tnia ? Cest absurde, commenom ! Pourquoi le Tnia ? avait protestCharlie.

    Hlose avait redress son nez pointuen lui jetant un regard amboyant.

    Cest de la posie. Une mtaphorepour dire que quoi quelles puissentmanger dans ce restaurant, les clientesseront toujours aussi minces que si elles

    avaient attrap un ver solitaire ! Mais enn, Hlose Cest de lapublicit mensongre. Tu sais trs bienque la cuisine du terroir ne fait pasmaigrir.

    Justement ! Je ne veux plus que lonsoit spcialis dans la cuisine du terroir.Jai toujours eu du mal digrer toutes cesvolailles riches et ces sauces paisses.

    Le Tnia sera dsormais vgtarien !Mais apparemment, personne dautrequHlose ne voulait devenir vgtarien.

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    Le Tnia stait rapidement vid, etil devenait de plus en plus difcile deboucler les ns de mois. Charlie savaitquil allait bientt falloir revendre lerestaurant, et cette pense lui serraitle cur. Le restaurant avait toujoursappartenu sa famille, et Charlie y

    travaillait depuis quil avait dix ans.Lorsque ses parents taient morts,ctait lui qui avait repris lentreprise, et lpoque, il se souvenait trs bien avoirt er de pouvoir perptuer la tradition.Maintenant il se sentait honteux : si sesparents le voyaient

    Ce fut ce moment-l quHlose t

    son apparition. CHARLIE ! On peut savoir ce que tu

    FOUTAIS prcisment, tout lheure ?Jappelle Monsieur non pas une, nideux, mais TROIS fois, et vous croyezquil se donnerait la peine de rpondre ?NOOOOOOOOOON ! Bien sr que non,trop defforts pour Monsieur Charlie, oserlui demander de PENSER AUX AUTRES,cest demander la lune !

    Charlie ferma les paupires, djfatigu. Hlose carquilla les yeux : QUOI ? Dis-le, si je tennuie ! On croit

    rver, non ? Cest toi qui te conduis aussimal que possible, et

    Charlie cessa dcouter. Ctait commerevoir un lm pour la centime fois. Parfois

    il se demandait comment Hlose avaitrod sa petite mise en scne, et surtout

    comment ses divers spectateurs luiavaient exprim leur ras-le-bol Mmesil se savait incapable den faire autant.Ce ntait pas une question damour :celui-ci tait parti depuis longtemps. MaisCharlie tait un de ces doux indcis quinarrivent pas se dptrer seuls dunesituation. Il faisait partie de ces garonsfaibles et un peu nafs dont les harpies

    font leur dlice. Sa harpie tait en train depasser la phase deux de son spectacle :celle des grandes eaux.

    - Je fais tellement defforts Et toi,tu ne vois rien, rien Cest trop durEvidemment jai toujours le mauvais rleici

    Hlose renia, puis se moucha dans la

    manche de son pull. Charlie se redressa :maintenant, ctait son tour dentrer en

    scne.- Hlose Ne pleure pas, je ten prie.

    Je vois bien tous les efforts que tu fais.Je suis dsol. Cest moi. Je suis idiot. Tume connais bien

    Il lenlaa. Elle leva des yeux rougis delarmes vers lui, soupira :

    - Oh, Charlie Il faut prendre soin demoi. Je suis fragile, tu sais. Si tu nes pasassez attentionn, je nirai par en avoirmarre.

    Charlie ne dit rien. Les menacesdHlose taient quotidiennes, aussi nyprtait-il quune distraite attention.

    Ils sembrassrent. Fin de la pice. MaisCharlie songea avec amertume quelle serejouerait ds demain

    u u u

    Lorsque Charlie arriva au potager, lelendemain matin, il mit quelques minutes comprendre ce quil se passait. Ce nestquen se rapprochant du plant de tomatesquil vit

    La petite boule de fourrure blanchentait plus l.

    Mais a ntait pas cela qui le frappa. Il

    y avait autre chose : les tomates taientmortes.

    Plus prcisment, elles taientratatines, fanes Et grises.

    Charlie avait appris cultiver lespotagers avec son pre. Et il navait

    jamais vu les tomates devenir grises.Elles pouvaient, la rigueur, devenir

    marron ssi jamais elles attrapaient la ncrose apicale , maladie due uneinsufsance de calcium. Mais grises ?

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    Machinalement, Charlie se mit arracher les fruits pourris. Quest-ce quiavait bien pu se passer ? Il allait falloirracheter un plant, le replanter, attendreEt pire que tout, dire Hlose que lestomates devaient tre temporairementcartes du menu du Tnia.

    Charlie en frmissait rien que dypenser Cest alors quune ideencore pire lui vint en tte : et si cettetrange maladie avait contamin tout lepotager ?

    Il se mit alors arpenter fbrilement lesalles du potager, passant en revue une une ses plantations. Carottes OK

    Aubergines OK Poivrons

    Charlie se gea. Si les poivrons vertstaient tout fait normaux, les rougestaient morts de la mme manire queses tomates. Ils taient devenus gris.

    Et Charlie se rendit compte quil nyavait plus aucune couleur rouge dansson potager. Les fruits et les lgumesrouges taient tous devenus gris, sansexception.

    Et au milieu de tout cela, aussi claquantquune gie, se trouvait la petite boule depoils dhier : elle tait devenue rouge.

    Charlie se sentit mal. Le rouge de labte clatait de manire obscne aumilieu des dgts. Lide quil avait taitabsurde, bien sr

    Mais pourquoi cette petite boule avaitchang de couleur, quand tous les autreslgumes avaient perdu la leur ? Et navait-

    il pas vu cette mme boule saccrocheraux tomates, hier ?

    Ctait stupide, et Charlie narrivait pas comprendre comment cela avait pu sepasser, mais le fait tait que la chosestait appropri la couleur des lgumes.

    Charlie ?Hlose arrivait tout droit sur lui, drape

    dans un peignoir orange tout pelucheux.

    Charlie mit la petite crature rouge danssa poche sans rchir. Il sen occuperait

    plus tard.

    Charlie, jeHlose sarrta. Elle venait de

    remarquer. Mais enn, quest-ce que cest que ce

    BORDEL ?Charlie ferma les yeux et attendit que

    cela passe, comme toujours.

    Il russit sen sortir de justesse envoquant une maladie horticole. Detoutes faons, Hlose ne connaissait rien lagriculture, pas plus qu la gestiondun restaurant, dailleurs, donc elle nepouvait rien rfuter.

    Ce nest quen sasseyant sur le lit quilse souvint de la petite boule rouge. Il lasortit de sa poche, et constata quelle

    avait encore grossi.Il se rendit compte alors quil portait un

    pantalon de toile grise. Alors que quand illavait enl ce matin, il tait rouge.

    Charlie ne pouvait en croire ses yeux.Comment la petite boule avait pu absorberla couleur de son pantalon, en si peu detemps, et sans quil senrende compte ?

    Heureusement, un pantalon nest pas

    vivant, donc il ntait pas dans le mmetat que les tomates et les poivronsMais tout de mme

    Charlie rangea la petite boule dans lapenderie. Il tait lheure daller ouvrir leTnia.

    Quand il arriva, Hlose tait en train debarrer les plats sur la carte des menus.Elle marmonnait des injures tout enlacrant furieusement le papier.

    - Une maladie horticole Mais quoia sert davoir vcu dans ce trou perdutoute sa vie si on est mme pas capablede soccuper de foutues Charlie !Quest-ce que tu regardes ?!

    Rien.Hlose ntait pas belle. Maigre,

    avec une dentition de cheval et desyeux chafouins. Mais elle le camouait

    toujours assez bien. Avant aujourdhui,son rouge lvres criard navait jamaisfrapp Charlie.

  • 7/30/2019 Marmite et Microonde n22

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    15Micro-Ondes

    La journe fut morne. Pas une seulepersonne ne poussa les portes du Tnia.Hlose tait furieuse, et partit 17h,excde, en tapant des pieds le plus fortpossible contre le carrelage.

    Charlie ne savait pas quoi faire. Toutela journe, il stait angoiss pour la

    petite crature rouge. Que faire ? Elleabsorbait de plus en plus vite la couleur.Et sur nimporte quoi, mort ou vif, voirlexemple du pantalon.

    Il ne pouvait pas prendre le risque de lajeter quelque part. Elle risquait de faire degros dgts. Mais o sarrterait-elle ?

    Charlie dcida de fermer le restaurant.De toute faon, personne ne viendrait cesoir.

    Arriv dans la maison, il se prcipitadans la chambre. Quest ce qui avait bienpu se passer pendant la journe ?

    Louverture de la penderie conrmases soupons : tous les vtements decouleur rouge taient devenus gris.Malheureusement, laffreuse crature nestait pas arrte l : le poisson rouge

    dHlose, qui jusque l tournoyait sansproblme dans son bocal, se trouvaitmaintenant mort au fond de leau,dcolor.

    Mais il y avait plus inquitant Charliene parvenait pas mettre la main sur lapetite bte. La chambre ntait pas grande,et un peu en bordel. Normalement il auraitdj d lavoir repre et pourtant elledemeurait introuvable.

    Charlie savait quelle tait encore dansla chambre. Ce matin, il tait parti enfermant les portes et les fentres Et moins que la crature ne sache traverserles murs, elle devait tre encore ici. Letout tait de savoir o.

    Hlose apparut alors danslencadrement de la porte.

    Charlie, on doit parler. Hlose, coupa Charlie, je ten prie,

    pas maintenant, cest vraiment pas le bonmoment

    Oh, mais a ne prendra pas longtemps,Charlie : je te quitte.

    Charlie nen crut pas ses oreilles.Hlose navait mme pas lair mue : ellele xait de son air sournois, les narines

    pinces. Quoi ?

    Oui, a ma frapp aujourdhui, quandjai vu le restaurant vide Tu es un poidslourd, Charlie, tu mentraves. Je suis sreque Le Tnia est un concept formidable,mais il ne peut pas se dvelopper ici. Pasdans ce trou paum, pas avec un loosercomme toi Jai de grands projets. Toi,tout ce que tu fais, cest tencroter,laisser passer les jours On est trop

    diffrents, tu nas pas compris ? Cetteanne de mariage tait un calvaire, maisjen ressors avec une consolation : tonrestaurant est moi.

    Charlie sentit une boule se formerdans sa gorge. Il protesta dune voixtrangle :

    Quest ce que tu dis ? Le restaurantest moi Mes parents me lont lgu !

    Oui, il tait toi il y a un an Puis tumen as con la gestion. Tu te souviensdes documents que je te faisais signer ?Parmi les papiers, il y en a que tu auraismieux fait de lire

    Hlose le regardait dun airtriomphant.

    Je vais revendre Le Tnia, et montermon propre restaurant Paris. Lesgens viendront du monde entier pour

    y manger. Imagine tout ce que je vaispouvoir accomplir, sans toi sur le dos ! Jesuis si heureuse ! La demande de divorcesera dans ta bote aux lettres vendredi.Je pensais partir demain matin, jai djprpar quelques affaires

    Charlie avait envie de vomir. Salegarce ! Il ne russit qu marmonner :

    Tu es une personne horrible. Je

    regrette de tavoir connu. Si tu avaisun cur, tu laisserais le restauranttranquille

  • 7/30/2019 Marmite et Microonde n22

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    16 Marmite

    La ferme, sifa Hlose avec mpris.

    Elle lana juste avant dentrer dans lasalle de bains :

    Pour notre dernire nuit sous lemme toit, jaimerais viter la proximitTu dormiras sur le canap, nest-cepas ? Tu te souviens comme jai mal aux

    lombaires. La chambre sera beaucoupplus approprie pour me reposer.

    Charlie ne disait plus rien. Il seffondrasur le lit Comment avait-elle pu Et lui,pourquoi avait-il t aussi stupide ? Il avaittoujours su quHlose tait manipulatriceet goste Et pourtant Commentaurait-il pu se douter ?...

    Maintenant tout tait ni. Elle possdait

    le restaurant, donc il naurait plus niemploi, ni revenu Peut-tre pourrait-ilgarder le potager, et essayer den vivre ?

    Charlie sentait la haine lui brler lesentrailles. Sil avait t plus fou, il lauraitfrappe, insulte, voire tue Mais ilntait que le grand Charlie trop naf quine pouvait rien faire dautre que voir sa

    vie partir en cendres. Quest-ce que tu ches encore l ? Vaen bas, je tai dit !

    Hlose avait ni sa toilette et se tenait

    devant Charlie en sous-vtements. Ilbgaya :

    Excuse-moi Jy vaisIl se leva, avec limpression que son

    corps pesait une tonne. Hlose soupiraet commena dfaire la couverture du

    lit. Ses jambes arques sagitaient soussa nuisette de satin blanc o clataitune tache rouge, juste en dessous desfesses.

    Quoi, quest-ce que tu veux,encore ?

    Hlose suivit le regard de Charlie et,dcouvrant la tache, la cacha des mainsen rougissant :

    Oui, bon, jai mes rgles, a va ! Jesuis une femme normale, et alors ? Tu asbesoin de me reluquer comme a ?

    Excuse-moi, Hlose, rpta Charlie,cest juste cette tache rouge. Elle masurpris. Je te laisse la chambre. Bonnenuit.

    Et tout en fermant la porte, Charlie ne

    put sempcher de sourire.g

    Que savont nous de Mlani Kalamariu?

    Pas grand chose. Nous avons pu dduire de son nom quelle tait prdestine crire pour Marmite et Micro-ondes. Dintensives recherches travers le net tendraient prouver que cette mystrieuse personne dessine et contribue divers fanzines,comme Etreinte numro 3 et Bazarts (numro 3 galement... sagit-il dun code ?),parfois sous le pseudo de Mlanie Skellington (Gorgonzola n9).La nouvelle Si mme les tomates meurent est la preuve qu loccasion elle critaussi.

    An de dissiper le mystre, la rdaction donnera une rcompense ctive pour toute

    personne nous transmettant des informations complmentaires.

  • 7/30/2019 Marmite et Microonde n22

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    17Micro-Ondes

    La Nourriture des Mondes ImaginairesPartie I :

    h LE civEt dE cOnniLgaux picesDans le domaine de lexploration

    des mondes de limaginaire, unechose est sre : part la pausepipi, rien nest moins tudi que

    la pause djeuner et si on tudiela littrature existante, force estde constater que seul un routardparticulirement endurci pourraitprendre le risque de visiter lesunivers dcrits dans nos chersromans.

    Heureusement, Tonton Evaristeva vous expliquer tout ce quilfaut savoir pour survivre unpique-nique sur Hyprion, ou unbanquet aquilonien ! Nous nouspencherons dailleurs en premiersur le problme de lalimentation

    dans les royaumes rgis par leslois de la fantasy.u u u

    Ne nous leurrons pas : toutnest pas rose dans les aubergesde la Terre du Milieu ou latable de lempereur de Kelewan.

    Personne ne sen vante, maispour commencer, lhygine y estgnralement dplorable. Le savonna pas t invent et le liquidevaisselle est considr commeun concept farfelu. Craignez latourista comme la peste1.

    Sans frigo, vous devrez

    vous rsoudre boire votrebire tide. Il est souhaitablede sentraner boire des aleanglaises, sans mousse et aigresavant dentreprendre le voyage.Ct vin, la temprature poseravidemment moins de problmeset vous dcouvrirez parfois debons vins.1 - Ce nest pas une gure de style : craignez la

    peste aussi.

    ef

    La cuse

    es Frres

    cussohg

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    18 Marmite

    Mais ne vous faite pas dillusions :les grands crus seront lexceptionet les piquettes seront la rgle. Necomptez pas sur lalcool pour vousremonter : par faute dalambic,vous ne trouverez rien au-dessusde 12. En change, vous aurezdroit des hydromels trop doux,des eaux minrales curatives2et des potions magiques effetpurgatif.

    videmment, il nexiste pas nonplus de tupperware et lorsquon

    voit un hros se promener pendantdes semaines travers la lande,avec du fromage en poche pourseule nourriture, on ne vous dcritpas lodeur de munster qui sedgage de notre homme la n

    de sa petite excursion3.

    En ce qui concerne la matirepremire, noubliez pas que vousvisitez des mondes o lAmriquena pas t dcouverte, ou quinexiste mme pas. Qui dit pasdAmrique dit : pas de pommesde terre, pas de tomates, pas

    de poivrons, peu de courgescomestibles, pas de topinambourni de tapioca, adieu le mas, lesucre, le chocolat et jen passe. Enfait, si vous naimez pas le navet,restez dans notre bon vieux vingt-et-unime sicle ou rabattez-voussur les venaisons. Si vous tes

    2 - Donc immondes, quoi quen disent les auteurs.

    3 - Dans ce cas, craignez la listriose. Et le

    cholra.

    en plus vgtarien, attendez-vous mourir de faim dans les quinze

    jours qui suivront votre arrive.Vous me direz : Oui, mais les

    mondes parallles sont riches en

    ingrdients inconnus chez nous .Ah bon ? Le pain des Elfes vousfait vraiment envie ? Si vous ytenez... je vous prviens tout demme que son plus proche cousinsappelle le biscuit militaire .

    Et cette manne dont se nourritThomas Conevant tout bout de

    champ, vous en rvez ? Saviez-vous que son got, dcrit comme indnissable par un auteuren panne dinspiration culinaire,est trs proche de celui de labetterave ?

    Je veux bien admettre quil

    existe dans ces mondes irrelsdes ingrdients originaux quonaura du mal trouver chez nous.Mais si vous pensez que vouspourrez dguster une bonneomelette dufs de dragon, voustes un gros naf. Je doute dj

    quune femelle dragon soit assezdistraite pour se faire subtiliser saprogniture sans vous carboniserau passage. Mais en admettantque ce soit le cas, vous dcouvrirezalors un dtail amusant : il estimpossible douvrir un uf dedragon sans possder une sciecirculaire. Pas de chance, vousserez trs probablement dans un

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    monde o llectricit nexisterapas autrement que sous la formedclairs lancs par des magesmalfaisants. Dommage. Cela dit,vous ne perdez rien : les ufsde dragon ont un arrire-got desoufre parfaitement infect.

    u u u

    LHroque Fantasy nest pasle seul courant affect par cettepauvret alimentaire. Par exemple,la Dark Fantasy est plutt rserveaux anorexiques. On ny parleque de nourriture pour signalerson absence, et dans les cas oil y aurait de quoi manger, vousrisquez fort de constituer le platprincipal. En cas dexcursion dansun de ces univers, prvoyez un

    panier provisions bien garni etquelques gousses dail.

    La Fantasy Urbaine connat lesmmes problmes de traabilitet de mal-bouffe que chez nous,et les bons restaurants sont horsde prix. Si vous cherchiez le

    dpaysement, je crains que vousnen soyez pour vos frais.

    u u u

    Faites-vous donc une raison,et restez sur Terre. Quelle quesoit lpoque, cest encore l

    quon mange le mieux. Pour vousconsoler, Isidore va vous prsenterune recette que Gargantua en

    personne naurait pas ddaigne :le Civet de connil4 aux pices,tire du Mnagier de Paris, ditionde 1393.

    u u u

    Faites rtir un lapin la broche,

    puis dcoupez-le en morceaux.

    Dans une cocotte, faites sauter

    la viande avec 250 grammes

    doignons mincs que vous aurez

    fait revenir pralablement dans un

    peu dhuile.Dglacez au vinaigre et laissez

    rduire.

    Pendant ce temps, trempez

    quelques tranches de pain de

    campagne grilles dans du vin

    rouge et dans un bon bouillon.

    Passez le pain au moulin

    lgumes. Dans un peu de verjus(ou dans un jus de citron ou un

    vinaigre de cidre), mlangez 2

    cuilleres caf de gingembre

    rp, 1/2 de cannelle, 1/4 de noix

    de muscade, 1/4 de maniguette5,

    poivre6 et sel. Ajouter dans la

    cocotte 50 ml de verjus (ou sonsubstitut) et le pain. Versez le tout

    dans la cocotte avec le lapin. Cuire

    45 minutes feu doux.

    u u u

    4 - Civet de lapin, en vieux Franois.

    5 - On en trouve encore de nos jours en hantantles marchs.

    6 - Pour faire mdival, utilisez de prfrence du

    poivre long, plus rare et bien meilleur.

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    20 Marmite

    Si un gros barbare musculeux fait partie des convives, prvoyez deuxlapins rien que pour lui et une dizaine de plats supplmentaires. Accordvin : une barrique de Saumur Champigny.

    Comme toujours, rendez-vous sur notre page web, rubrique LaCuisine des frres Cuisson , pour dcouvrir nos bonus-cuisine et le jeuconcours.g

    Retrouver les articles bonus des

    frres Cuissons sur notre site, rubrique

    La Cuisine des Frres Cuisson :

    Le Poivre

    La Maniguette

    Le Connil, quest-ce que cest, ce bestiau-l ?O trouver le livre Le Mnagier de Paris ?

    Et le dle jeu-concours :

    Envoyez la rdaction une photo de vous en compagnie dun lapin !

    Les gagnants verront leur photo publie sur le site et recevront un exemplaire du

    prochain numro. Il y aura deux gagnants : celui qui sera le premier nous faire

    parvenir sa photo, et celui qui fournira la plus originale. A vos numriques !

    Jouezavec les Cuisson

    Le Potager doncLe charLes par e-traym

    Quelle merveilleuse poque que celle o jtais enfant, o jallais lcole lasemaine et chez mon oncle Charles le samedi.

    Celui-ci travaillait chez Clause, le marchand de graines comme il disait. Lui nenvendait pas : il en fabriquait.

    De drles de semences quil imaginait dans le sous-sol total de sa maison, son

    laboratoire, dans lequel il faisait pousser, entre autres, des champignons de Paris,des endives, de la chicore, des choux de Bruxelles, des radis, mais aussi vivoter deslombrics ou des asticots.

  • 7/30/2019 Marmite et Microonde n22

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    Ctait un joyeux bordel puant danslequel on ne rentrait pas sans montrerpatte blanche, et avec un masque sur lenez.

    Jtais avec lui ce 11 janvier 1988 quand,er de lui, il me dclara solennellement :

    Veux-tu que je te montre ma dernireinvention ?

    Oh oui Onclech ! Tu sais que je naime pas lorsque tu

    mappelles comme a ! Pardon Oh oui, oncle Charles !

    rectiai-je.

    Et il me tendit une paire de graines,lune bleue et lautre rose.

    Ce sont des graines denfant.Je xai mon oncle un instant et, souriant,

    lui rtorquai : Tu te moques de moi oncle Chelou !

    Je nai peut-tre que douze ans, mais jesais comment lon fait les bbs.

    Je sentais venir le coup du garon-chou et de la lle-rose, mais ce que me

    rpliqua mon oncle tait encore moinscrdible. Mon petit Rgis, je ne me fous pas de

    ta gueule Va planter ces deux grainesdans le jardin et tu verras que dansquelques semaines, un petit garon etune petite lle sortiront de terre.

    Je nen crus pas un mot, bienvidemment, mais en bon neveu, je s ce

    quil me disait.Je sortis du sous-sol en grimpant les

    marches du petit escalier en colimaon,ouvris la trappe qui donnait sur le placardde lentre, poussai la porte dudit placardet me trouvai nez nez avec ma tanteBerthe.

    Bo gu tu fous l ! me dit-ellesur un ton qui me laissa sous-entendreclairement que je navais rien faire ici.

    Je vais jouer dans le jardin, tanterpondis-je apeur.

    Celle-ci sgosilla en couinantdes insultes mon encontre, puis ladresse de son homme, et elle sen futdans la cuisine o elle brisa quelquesverres et assiettes avant de hurler un Chaaaaaarles di mirdaa ! plusproche du cri animal que dun clat

    de voix de colre lgitime, humaine etpassagre.

    Jtais habitu ce type de scne lalisire de lacte thtral et de labsurde :ctait le monde trange de Charles etBerthe.

    Je la laissai l et sortis.En quelques pas, je me trouvai dans

    le potager o mattendait, seule, unebche.

    Je men saisis et dcidai de creuserune tranche de deux mtres de longsur vingt centimtres de large dans lapelouse toute proche car, si mon oncledisait vrai, les plantes denfant, ds lespremires heures de leur drle de vie,pourraient gambader dans le gazon et

    non dans la bouillasse.Jespaai la graine bleue de la rose dunbon mtre, comme lonclech me lavaitbien signi, je recouvris de terreau et de

    sable, et jarrosai copieusement coupdarrosoirs, car je ne savais pas me servirdu systme dirrigation de la pelouseDailleurs y en avait-il seulement un ?Puis, jattendis.

    Longtemps.Je pris le temps de voir passer les

    secondes sur la petite aiguille trotteuse dema montre gousset. Le temps sarrta, etla nuit enveloppa le jardin. Je nentendispas mon oncle sapprocher.

    Quattends-tu ? me demanda-t-il.Je me retournais : rien. Sur ma droite :

    personne. Ni sur ma gauche. O es-tu Oncle Fou ? Lve tes yeux au ciel, Rgis.Charlie tait perch sur la plus haute

  • 7/30/2019 Marmite et Microonde n22

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    22 Marmite

    branche du cerisier, quelques mtresau-dessus de ma tte. Il me cracha unevole de noyaux de cerises la gure, se

    mit rire et me dit : Tu peux aller te coucher petit Mouon !

    La germination des graines denfant dureenviron une bonne quinzaine de joursPatience

    Dis Onclech ? Pourquoi je crois toutes tes conneries ?

    Son rire redoubla et, dans un grandfracas, il dgringola de larbre. La chutefut accompagne dun hurlement en A que larrive au sol changea en un O ,douloureux.

    Oncle Charles ? Tu es mort ? ava ?

    Pas de mal mon garon ! me rpondit-il pour me rassurer, jai lhabitude de mebriser les os ! Je peux rparer cela sanstrop de difcults dans mon laboratoire,mais va me chercher la brouette qui

    est attache au fond du jardin, car vois-tu, l, jai des fractures multiples auxdeux jambes. Je ne pourrais y aller seul !mexpliqua-t-il avec un calme hallucinantqui contrastait avec son lamentable tat.

    Car Charlie tait salement amochSans doute allait-il crever.

    Ne souhaites-tu pas plutt que jaillechercher la tante ?

    Certainement pas, malheureux ! Ellemachverait coups de pelle ! Courschercher la brouette te dis-je, et fais-moirouler jusque dans mon labo.

  • 7/30/2019 Marmite et Microonde n22

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    23Micro-Ondes

    Je laissais lonclech sous le cerisieret partis la recherche du brancard defortune. En chemin, je rencontrai un lapinqui regardait la lune, la tte demi sortiede son terrier. ma grande stupfaction,il minterpella :

    Salut toi, tes qui ?

    Tu parles ? Ben ouais quoi ! Comme toi ! Tes

    qui ? Je suis le neveu de mon oncle

    Charles. Je mappelle Rgis Mouon.

    Mouon ? Quel drle de nom ! Tu

    pourrais maider sortir de terre ? Jecrois que je suis mr

    Mr ?

    Ben ouais mon gars ! Il est tempsque je coure la lapine ! Jai une de cesenvies de semer la graine ! Tu ne peuxpas timaginer !

    Mais pourquoi tas besoin de moi ? Ben Pour marracher tiens ! Je

    suis coinc dans les racines de lne, l,derrire.

    Les racines de lne ?

    Je jetais un regard dans les framboisiersqui se trouvaient juste derrire le lapin,et je remarquais, quelques dizaines decentimtres du sol, une tte de mule dontle corps tout entier semblait enterr.

    Bon ! Tu marraches ou quoi ?simpatienta le lapin.

    Tout lheure ! rpondis-je schement.

    Il faut dabord que jaille chercher labrouette au fond du jardin pour ramenerloncle dans son labo

    Il a encore fait des conneries, cest ahi-han hein ?

    Toi aussi tu causes, lne ? Oh Mouon ! semporta-t-il, dabord,

    je suis une mule, et ensuite ici, dans cepotager, tout le monde louvre ! Ya pasque toi qui sais palabrer ! Alors okay, tuvas porter secours ton oncle, mais tureviens nous voir sil te plat : le lapin etmoi, on a besoin de ton aide.

    Je nen croyais ni mes yeux, ni mesoreilles. taient-ils des expriencesde loncle Charlie ? Ou tais-je toutsimplement en train dhalluciner grave ?

    Je repartis sans dlai la recherche dela brouette que je trouvais nalement

    perche sur le cerisier, celui-l mmeduquel mon oncle avait lamentablementchu. Il me fallut donc grimper. Et plus

    je grimpais, plus la brouette sloignait.Jinterpellai Charles.

    Onclech ! Cest quoi cette brouette ?Et entre deux gmissements plaintifs, il

    me rpondit :

    Appelle-la Barbara et elle viendra. Bar Barbara ? Oui Rgis, cest son petit nom.Je gonai mes poumons et hurlai :

    Barbara ! Descends de ce cerisier silte plat !

    Je laperus derrire les feuilles, toutevibrante. Elle se jeta dans le vide, tel

    un oiseau sans ailes pour atterrircinq mtres plus bas exactement surmon oncle qui poussa un grand cri dedouleur.

    Onclech ! criai-je. a va ?Dans une sorte de hululement

    tnbreux, il me rpondit : Non, pas terrible Elle vient de

    mclater la panse ! Vite ! Descends delarbre, charge-moi sur cette conne deBarbara et emmne-nous au labo. Celadevient urgent.

    Je ne voyais rien du tout. Des brumesmasquaient la lune et, mon tour,btement, je glissai, et chutai. Unebranche. Deux branches. Trois branches.Jallais rejoindre le sol. a ferait mal cest

    srtais-je rparable moi aussi ? Comment

    irions-nous au labo si jtais cass ?

  • 7/30/2019 Marmite et Microonde n22

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    24 Marmite

    Je fus nalement tir de mes

    interrogations in extremis par lescheveux quelques centimtresseulement de la terre ferme.

    Quelquun, ou quelque chose que je nedistinguais pas, venait de me sauver lavie.

    Cherche pas Je suis un cureuilet tas super de la chance que je soisgntiquement modi de la queue ! me

    lana-t-il guilleret. De la queue ? Ouais ! Jai une queue doigts qui

    me sert de main ! Cest avec elle que jaipu tattraper

    Bien sr et tu fais quoi danslhistoire ?

    Rien garon Je suis juste coincdans les branches de ce putain de cerisierdepuis bien longtemps dj ! Tu pourraismaider peut-tre ? Tu me dois bien a.

    Pas de problmes rongeur ! Maisil faut dabord soccuper de lonclech,sinon, il va crever !

    Clair ! Dautant que sa vieille approche grands pas et il mest avis quelle vavouloir lachever !

    Je ne voyais rien mais jentendaispester :

    Putain de Charles de mes deux ! Tuvas goter de ma pelle en pleine poire ! hurlait Berthe au fond du jardin. Elle lecherchait son mari, son laborantin de

    pacotille, son idiot Tu vas morer salaud, pour toutes tes

    saloperies dexpriences ! Marre dtreune femme ! Fais chier !

    Berthe tait-elle aussi le fruit desrecherches de loncle ? Une plante unemauvaise herbe ?

    Il me fallait faire vite. Je remerciailcureuil et lui promis de revenir le voirds que mon oncle serait tir daffaire.Parole de Mouon !

    Barbara, sil te plat, demandais-je

    poliment la brouette, ramasse Charlieet ramne-le vite au labo. Je vous rejoins.Je vais faire diversion pendant ce temps.

    Berthe approchait dangereusement.Mais Barbara tait agile et en quelquessecondes, elle chargea loncle et la vers

    la maison.

    Jhallucinais. Grave. Je ntais pourtantpas drogu, ni alcoolique. Je navais quedouze ans, je mappelais Rgis et jaimaisla rglisse en bton. Jen suais peut-tretrop.

    Soudain, Berthe me tira de mesrveries.

    Mouon ! B kestufoul ! Ta mre

    a tphon taleur ! Rentre chez toi de suiteou je te fesse avec ma grosse pelle !

    Je me mis pleurer. Elle hurla : Rgis Mouon ! Je vais texploser la

    tronche ! Je suis en fureur ! Tu vas payerpour ton oncle !

    Je vis la pelle slever dans le ciel,tenue bout de bras par cette vieille folle.Elle allait sabattre sur ma tte. Ma vie

    sachevait ici, dans le potager. Je fermailes yeux, rsign ce triste sort, lesjambes coupes, le soufe court, comme

    dans un cauchemar.Un cauchemarMais bien sr !Tout cela ntait quun cauchemar !

    Un mauvais rve provoqu par lexcsde rglisse. Sans nul doute devrais-je

    lavenir me renseigner sur les effetshallucinognes de cette substance. Tout lheure, je regarderais sur GoogleJe taperais les mots clefs bton et rglisse et enn je comprendrais.

    videmment. DINGUI DINGUI DONG DINGUI

    DINGUI DONG Le rveil ! Ah ! Le rveil ! DINGUI DINGUI DONG DINGUI

    DINGUI DONG Je rouvris les yeux et, comme un clair

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    25Micro-Ondes

    zbrant le ciel, japerus Barbara dansles airs, pilote par mon oncle qui, moinssanglant, semblait se porter mieux. Ilriait

    Berthe fouetta lair avec sa pelle.Quelle tarte ! Elle manqua de peu de medcapsuler la tte du tronc. Elle pestait,

    verte.Lcureuil magrippa nouveau par les

    cheveux et me lana vigoureusementdans le cerisier dun puissant coup demain de queue. Jtais labri.

    DINGUI DINGUI DONG DINGUIDINGUI DONG

    Ce bruit a ntait pas un rveilnon ! Ctait une clochette que lonclechagitait. La tante tait folle de rage. Ellemeuglait des insultes dune violenceinoue.

    Il suft Berthe ! Tu vas prendre

    n ! tonna solennellement Charles en

    sustentation quelques mtres au-dessusdu sol, confortablement install dans sonimprobable brouette volante.

    Nooooooooooooon ! cria Berthe. Pasdevenir trooooonc !Et Barbara se jeta violemment contre la

    vieille femme qui seffondra brutalementcomme larbre scroule, abattu par ledernier coup de hache du bcheron. Ellegeignit, implora une ultime fois mon onclequi ne moufta pas.

    Regarde bien, le spectacle va

    commencer ! me chuchota lcureuil. Le spectacle ? Quel spectacle ? Ben ! Le spectacle du retour oral !

    Tu vas voir, cest beau comme un sonnetde Ronsard.

    Euh Tu les sors do tesrpliques ?

    Des oiseaux !Avais-je besoin den connatre

    davantage ?Bien sr que non. Jouvris donc grand

    les yeux sur le corps tremblotant de

    la tante Berthe, et jattendis. La lune,pleine, tait plus haute dans le ciel, bienau-dessus des brumes lhorizon. On yvoyait parfaitement bien maintenant.

    Les jambes de la tante se mirent saigner et ses veines, telles des versde terre, transpercrent sa peau pour

    plonger dans le sol. Ses cheveuxspaissirent, sallongrent et sechangrent en branches. Son visage septria dcorce, son corps devint tronc.Quelques secondes seulement venaientde scouler.

    Berthe ntait plus. Un arbre mort lavaitremplac.

    Demain je larracherai et nous ferons

    un grand feu dans le jardin ! sexclamalonclech satisfait. Jai du nettoyage faire avant lt : maideras-tu Mouon ?

    Et bien mon oncle Je ne crois pas,rpondis-je. Il se fait tard, et lorsque jevais rentrer, je vais prendre une mchantesoufe de la part de mon pre. Je ne

    suis peut-tre pas prs de pouvoir revenirte voir !

    Mais ne tinquite donc pas Rgis ! Jevais lui tlphoner et le rassurer : je lui diraique tout cela est de la faute de la tanteBerthe qui tavait malencontreusementenferm dans la cave.

    Bonne ide, Onclech ! Je vais aussi lui dire que tu passes

    la nuit ici et que tu ne rentreras quedemain et que jai foutu dehors cette

    satane tante ! Allez, viens, rentronsmaintenant, tu dormiras dans la chambresilencieuse. Tu seras tranquille.

    Nous rentrmes en brouette, dans lamaison.

    Veux-tu manger quelque choseavant de te coucher Rgis ? Je peux teprparer une bonne soupe de lgumes si

    a te dit. Non, oncle Charles, jai juste enviede manger une madeleine. As-tu desmadeleines ?

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    26 Marmite

    Bien sr ! Va voir dans le buffet dela cuisine Bonne nuit Mouon. Je

    tlphone tout de suite tes parentsavant de nir de me rparer dans le labo.

    A demain matin ! Bonne nuit mon oncle !Je pris le paquet de madeleines dans

    le buffet et en dvorai cinq sur le champ,les yeux rivs sur la pendule qui indiquait1 heure 30. Loncle, dans le salon, hurlaitau tlphone.

    Mes pauvres parents pensais-je.Ils avaient du se faire un sang dencre mon sujet. Ils maimaient tant autantque si javais t leur propre ls. Maman

    mappelait son chri dadoption .Javais trois surs aussi toutesadoptes Papa disait quil naimait pasconcevoir les enfants, quil laissait celaaux autres

    Je sortais de la cuisine alors que loncleraccrochait le tlphone en maugrant.

    Maudits parents ! Jamaiscontents !

    Quand il me vit, il me sourit etgentiment me demanda daller mecoucher, ce que je s sans me faire

    prier davantage. Je pris le chemin de lachambre silencieuse qui se situait lacave, prs de la champignonnire. Ellesentait bon la moisissure. Je my sentaismerveilleusement bien. Je me glissaidans le lit humide et frais et actionnai le

    levier qui me recouvrit le corps de terreau,de glaise et de boue dargile. Jadorais celit de terre.

    Je mendormis.Quinze jours durant, je ronai.

    Et, lorsque je mveillai javais prisracine. Par la bouche dentre dairextrieur, japerus les contours du corpsdun lapin. Celui-ci me parla :

    H Mouon ! Enn, tu tveilles ! On

    est mal mon garon ! Loncle a disparudepuis presque deux semaines, et toutes

    les expriences partent en levrette Quoi ? Que me dis-tu l, grandes

    oreilles ? Lonclech parti ? Mais o ?Pourquoi ?

    Cest la police ! Ils lont embarqu !me dit-il tout en me jetant une seringueemplie dun liquide ocre. Injecte-toi cetruc ! ajouta-t-il. Faut nous aider Mouon !Surtout les petits !

    Hein ? De quels petits me parles-tu ? Ben Des graines que tu as semes

    la dernire fois ! Elles ont germ et descheveux sortent de terre ! Faut les nourrirces gosses ! On y arrivera pas sans toi !

    Les enfants Ils naissaient !Bon sang ! Ctait vrai ! Et moi qui

    devenais champignon ! Avec ce quime restait de semblant de main droitehumaine, je me saisis de la seringue etminjectai sans rchir son contenu.

    Je me sentis immdiatement partirdans un engourdissement gnral,particulirement dsagrable, mes

    jambes racines retrouvrent leurs pieds

    quelles avaient perdus et, nouveaulibre de mes mouvements, je dcidai dequitter la chambre. Je remontai au rez-de-chausse de la maison, dverrouillai latrappe qui donnait sur le hall dentre, etme prcipitai lextrieur, dans le potager.Berthe tait toujours l, vieux tronc darbremort aux branches assches. sescts, Barbara ne bougeait plus. Dans le

    cerisier, un cureuil de bois pourrissait.Une immense sensation de vide

    sempara de toute mon me denfantchampignon ?

    Je courus tant que je le pouvais encore,au hasard, hagard, dans le jardin, etmarrtai prs des framboisiers o jeperus un faible hi-han plaintif. Lnetait encore l, des framboises plein lesoreilles.

    Et le lapin ? demandais-je. O est-ilpass ?

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    e-traymQuest-ce donc ? UnANimal ? Un tre HUmain ? Une BIzarreriede la nature ? Nous ne le savons pasDerrire ces lettres en vrac, mlanges, se cache en fait un Anhubi, assemblageconfus de lhomme et de la bte, ple-mle chaotique d au hasard dune naissanceincroyable, survenue un jour davril 1970.LE-Traym pond des mots qui bout bout, par chance, font des phrases.Il les assemble pour en faire des textes, qui parfois ont un sens mais souvent, trssouvent nont ni queue ni tte.En priode de fructication, lE-Traym est content.

    En hiver, sil gle, il pte un cble

    Pour manger, il travaille prs dune grande gare parisienne.Il tapote sur les touches dun clavier, rpond au tlphone quand il sonne, et aux gensqui lui posent des questions tranges.Mari, il a trois enfants.LE-Traym sest remis crire en 2007, aprs 15 annes sans pondre.Il lui semble avoir fait quelques progrsTrois Petits Points n1 : La chaussette - Tlpathie et coccy-jambe .Trois Petits Points n3 : Lonomatope - Ploppers .Univers VII dOutre Monde - Lhomme tlescope

    Il sest arrach seul, pour te trouver.Ce furent ses derniers mots. Il disparut sous le feuillage. Je lai dans la pelouse, non

    loin de l, lendroit mme o javais plant les deux graines, et restais l, idiot, interdit,devant le spectacle le plus hallucinant auquel il mait t permis dassister : deux petitscrnes dun blanc lgrement verdtre, aux cheveux ns et blonds tels des ls dor,

    jaillissaient de terre.Lun dentre eux slevait un peu plus au-dessus du sol, et japerus des yeux noirs qui

    me xaient. Des larmes boueuses coulaientCest alors que je sentis une petite tape sur mon paule. Je me retournai, effray. Centait que le lapin :

    Tout est termin ! me dit-il avant de se changer en salade.Lentement, abasourdi, je retournai vers le cerisier et my xai en parasite.

    Que se passa-t-il par la suite ? Je suis bien en peine de men souvenir.Alors, inlassablement, pour ne pas oublier, je me raconte encore et encore cette histoire

    que maintenant je connais par cur. Je puis vous la rciter : Quelle merveilleuse poque que celle o jtais enfant, o jallais lcole la semaine

    et chez mon oncle Charles, le samedi. Celui-ci travaillait chez Clause, le marchand degraines comme il disait.

    Lui nen vendait pas. Il en fabriquait g

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    Contre vents et mares, il partira la recherche du degr dhygromtrie idal, une qute

    qui le conduira des saloirs de Milan jusqu ceux de Parme, de la grande boucherie de

    Waterloo jusquaux schoirs du lac de Cme, pour nir la prison de la tour Farnse

    o une bouteille dlixir de la Grande Chartreuse fera basculer son destin.

    Un grand classique, vritable chef doeuvre de la littrature du XIXe sicle, quiprouve que mme Stendhal aimait sen payer des tranches.

    Auteur : Stendhal

    Editeur :Folio classique (existe chez dautres diteurs)

    Date de parution : 1839

    Collection : Classique

    ISBN (pour ldition Folio) : 2070411389

    Evariste Cuisson

    ef

    O a pas lu

    masO a am qua mmehg

    La Chartreuse de Parme

    de Stendhal (1839)Edition de Mariella di Maio

    ISBN (Folio) : 2070411389

    En 1796, Milan Fabrice del Dongo

    provoque lamour de tous ceux quil croise.

    Le jeune boucher charcutier na pourtantquune passion : lart dafner le jambon.

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    LE NOOTILUS est un individu trange. Il se qualie lui-mme de couteau suisse

    du graphisme et du multimdia. En effet, lorsquil tale son cursus, on peut tresurpris : sorti monteur vido dune cole parisienne, il travaille deux ans sur des bancs

    de montage virtuel avant de retourner lcole pour cette fois tudier linfographie et le

    multimdia, pour retourner travailler sur de la vido mais cette fois en tant que cadreur

    et composeur (truqueur en dautres termes).

    L m :

    n ll l

    En changeant de rgion il change aussi de mtier et travaille quelques annes

    comme imprimeur numrique. Finalement il envoie tout a balader pour se mettre

    son compte comme micro-diteur (dun fanzine dont on taira le nom ici) et illustrateur

    graphiste.

    Vous avez pu voir ses oeuvres dans les pages de MMo n 19-20, et dans TroisPetits Points n 3. Il a dernirement sign la couverture du premier roman de PhilippeHeurtel, Psykoses, aux ditions Rivire Blanche. Il dlivre galement un strip trsorient geek pour un site ddi aux ultra-portables (www.eeepc-logiciels.com).

    Nhsitez pas fouiller son site pour plus dinformations et de belles images :

    www.nootilus.com

    Addentum : lillustration de la nouvelle Si mme les tomates meurent

    est de Mlanie Kalamarius, et la fausse publicit Pateaugas est de Elisa Bogdan.

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    1 - ainsi que tout hors-srie paru durant cette priode

    l=l Le D-kw-M(Secteur F3/7/29,7) : Espace priv localis sur 3D-VOR (frquence117.9) - -com : dokwmudkm17.9. La spcialit du D-kw-M est labstractionmathmatique. Cre par K-wx-K, chef abstracteur natif des amas globulaires duCheval-Serpent, cette table sadresse ses coplantaires uniquement, seuls tresvivants avoir les facults mentales qui se sont dveloppes au dtriment des autres

    fonctions biologiques. Le chef propose donc un assortiment de variations mathmatiquespluridimentionnelles, un choix soign ditrations surn niveaux et pour les gourmets,une srie de grilles mutatives bases sur les quations quantiques de Floyd-Kampff.Laccueil suit les rgles protocolaires des habitants du Cheval-Serpent, soyez-enconscient (ils se vexent trs facilement si vous vous trompez dans lenchanement descouleurs). Compatibilit : dconseiller aux sentients de niveau 13 et infrieur (risquedennui profond, de congestion crbrale et surtout de sous-alimentation), secondevirtualit SL1.3 adapte. Compter 150 globes pour 1/2 cycle universel de rsolution, et

    jusqu 400 globes pour 5 c.u. de travail. Super-calculateur autoris.g

    Le guide du sPace-routardd vinn corlaix

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