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Mathématiques expérimentales

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Formal mathematical research assisted by computer. Systematic conjectures formulation by electronic calculus. The topic is popularized with exemples, exercises and challenge presented on a ludic way.

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MATHEMATIQUES EXPERIMENTALES

Illustration, sur le thème cité en introduction :

" On se souvient de l'image du singe tapant sur un clavier et qui, par hasard…"

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"Mathématiques expérimentales". Avril 2008 - Mise à jour du 29 avril 2009. 1

MATHEMATIQUES EXPERIMENTALES

Jean Jacquelin

1. INTRODUCTION

Le terme "Mathématiques Expérimentales" s'est étendu à un si grand nombre de

matières qu'en faire l'inventaire serait une gageur. On y trouverait d'anciennes disciplines que

les moyens informatiques modernes ont profondément renouvelées. Par exemple, qui se

souvient encore du Calcul Numérique des taupins à l'époque de Bouvart et Ratinet ? Dans

l'inventaire, on y reconnaîtrait des fragments des Techniques Mathématiques appliquées à la

Physique, réactualisés. Et qui plus est, quelques éléments de modélisation. On y verrait

apparaître en bonne place des développements, des transformations d'équations, qui se

faisaient (et se font encore) péniblement "à la main" et dont se jouent maintenant les logiciels

de calcul formel. On arriverait, en point d'orgue, aux preuves assistées par ordinateur.

L'étendard "Mathématiques expérimentales" c'est déployé avec l'essor de l'informatique à

partir des années 1970-80, dans un mouvement qui touche à l'arithmétique, la cryptographie,

la géométrie, la représentation graphique de fonctions, leurs approximations, leurs

optimisations, la recherche d'erreurs et de valeurs interdites, les probabilités et statistiques,

voir même quelques jeux et martingales ! Et beaucoup d'autres choses. De tout ceci, il ne sera

pas question. Même les études heuristiques, pourtant très importantes, de l'apport des

mathématiques expérimentales dans l'enseignement sont hors propos dans ce qui suit.

Le terme "Mathématiques expérimentales" est pris ici dans un sens beaucoup plus

restreint, certainement proche de l'idée que pouvait s'en faire C.F.Gauss à son époque :

approcher la vérité mathématique par l'expérimentation systématique. Observer, en déduire

des conjectures qui seront prouvées plus tard.

En préliminaire, on peut se demander ce qu'évoque le terme "Mathématiques

Expérimentales" dans le grand public. Adressons-nous à tout un chacun : Ne vous semble-t-

il pas choquant de voir le qualificatif "expérimental" accolé au mot "mathématique" ? On

s'attendrait à ce qu'une science théorique n'ait, en aucune façon, de démarche expérimentale,

évoquant l'observation de phénomènes, voire des tâtonnements, des essais répétés avec

erreurs et corrections.

Pourtant, que fait l'étudiant confronté à un problème mathématique ? Dans une phase

préliminaire, il va explorer différentes pistes, tenter plusieurs approches qu'il subodore être de

bonnes orientations pour arriver à la solution, grâce à ses connaissances et son intuition. N'est-

ce pas déjà, en partie, une façon expérimentale d'aborder un problème ? Certes, ce n'est pas

encore la démonstration en bonne et due forme, qui se concrétisera ensuite dans une phase

théoriquement structurée, la seule qui sera portée sur sa copie et évaluée par l'examinateur.

L'exemple précédent se situait dans un cadre scolaire où l'on sait, a priori, que le

problème posé a très probablement une solution accessible au niveau de connaissances de

celui à qui il s'adresse. Il est plus intéressant de réfléchir à la démarche du chercheur

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confronté à une question dont il ne sait pas si la réponse sera possible avec les connaissances

mathématiques de l'époque. Son travail exploratoire peut lui faire observer une coïncidence

ou une relation qui, à ce stade, est seulement une conjecture. La nécessaire démonstration peut

s'avérer difficile et de longue haleine. On ne peut même pas savoir si le jeu en vaut la

chandelle, puisque la conjecture pourrait être fausse. Ainsi, avant de s'engager dans une voie

incertaine, il n'est pas rare de faire une "vérification" par calcul numérique. Un résultat correct

conforte l'espérance que la conjecture soit valide, d'autant plus que la précision du calcul est

grande. Ce n'est pas une preuve, mais cela évitera de gaspiller des efforts sur une conjecture

grossièrement erronée, ce qui n'est pas rien.

Un exemple historique bien connu est celui de la série suivante (valeur particulière de

la fonction zêta, selon l'écriture actuelle) :

2 2 2 2

1 1 1 1(2) 1 ... ...

2 3 4 nζ = + + + + + +

Par un calcul approximatif, Euler remarqua une bonne proximité avec 2 / 6π , ce qui le

conforta dans la recherche et finalement la découverte de la démonstration de l'égalité

2(2) / 6ζ π=

Dans le même ordre d'idées, évoquons C.F.Gauss qui observa que le nombre de

nombres premiers inférieurs à n est approximativement n/ln(n), ce qui ne sera confirmé que

beaucoup plus tard.

Une autre conjecture, fortement étayée par calcul numérique, mais non prouvée de nos

jours, est celle des zéros non triviaux de la fonction zêta de Riemann, dont la partie réelle

serait égale à ½.

Ces approches empiriques, souvent pour des tests préliminaires de conjectures et de

formules, voire pour en chercher de nouvelles, sont souvent utiles et efficaces, mais à

condition de les considérer avec prudence: Ce n'est pas sans risque de fourvoiement, ainsi que

nous nous proposons d'en donner un aperçu, ce qui est un point essentiel de ce papier. Le

thème des incertitudes dans les coïncidences apparentes de résultats numériques est bien

présent dans l'enseignement actuel des mathématiques, même à un stade précoce.

Nous verrons également que les techniques empiriques dans la recherche évoluent "de

l'artisanal à l'industriel", métaphore pourtant peu appropriée aux mathématiques ! En effet,

l'accroissement spectaculaire des performances des calculateurs électroniques permet de

balayer d'une façon systématique un domaine de plus en plus étendu. Certes, ces procédés

apparaissent d'une piètre intelligence comparées aux méthodes des mathématiciens dont les

connaissances et l'intuition sont les atouts maîtres pour circonscrire les recherches.

On se souvient de l'image du singe tapant sur un clavier et qui, par hasard, écrit une

phrase intelligible et même célèbre. On sait que la probabilité pour que cela se produise est

absolument infime. Si l'on transpose cette image au domaine des mathématiques, quelle

probabilité y aurait-il de dactylographier une formule exacte ? Et au lieu du singe, s'il

s'agissait d'un ordinateur doté d'une grande puissance de calcul, d'une vitesse vertigineuse ? Je

ne crois pas que l'on puisse répondre à cette question dans l'état des connaissances actuelles.

Bien entendu, on peut faire des études statistiques sur les milliards de nombres qui sont traités

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au cours de tel ou tel processus de calcul. Mais le risque serait de croire que les résultats

obtenus ont une validité générale.

En l'absence de base théorique globale, c'est autour d'un exemple (volontairement

ludique et suffisamment restreint pour qu'il puisse être reproduit sur un ordinateur personnel)

que la présentation est organisée. L'annexe 1 donne des indications sur les caractéristiques du

programme de calcul. Les résultats statistiques, inévitablement spécifiques à cet exemple, sont

mis à part en les reportant en Annexe 2 : On comprendra ainsi que, bien que répondant à une

légitime curiosité, ils ne sont pas généralisables a priori.

2. UNE ANECDOTE RÉVÉLATRICE :

Expérimental n'implique pas rébarbatif ! Plus agréablement que par un discours ex-

cathedra et exhaustif, une petite anecdote permet de mieux appréhender certaines possibilités

offertes par les mathématiques expérimentales et surtout leurs aléas. Au départ, il s'agissait

d'un problème posé parmi d'autres sur un site de mathématiques [1] dans une catégorie

intitulée "Défis", autrement dit des questions sortant un peu de la routine. En encadré 1, voici

l'essentiel de l'énoncé (modifié et adapté aux besoins du présent papier, c.f. la note en fin

d'Annexe 1 ) :

Pour la petite histoire, la question d'abord restée sans réponse a été reposée, dans un

contexte différent, sur un autre site [2] où le pot aux roses n'a pas été long à être découvert.

Devant des formules aussi bizarres (outre l'impression de se trouver devant un piège…), la

première idée est de calculer les valeurs de ces constantes N1 à N3 . Pour vous éviter de sortir

la calculette et d'effectuer des opérations fastidieuses, voici ce que vous trouveriez

successivement :

N1 = 1,618 033 988… ; N2 = 1,618 033 988… ; N3 = 1,618 033 988… ;

Ceci est-il propre à vous mettre sur la voie ? Pour ménager le suspense (qui pourtant n'est pas

grand), la réponse est donnée à la fin de ce papier (Annexe 1). Toutefois, pour celui qui

voudrait trouver par lui-même, qu'il attende un peu avant de lire le paragraphe suivant : La

clef deviendrait par trop évidente, avant même d'en arriver à la conclusion.

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Encadré 1 : DES RELATIONS COMPLIQUEES !

Définition : " Rapport de deux dimensions qui sont entre elles dans la même proportion que la

plus grande avec leur somme ". Cela vous rappelle-t-il quelque chose ? Oui, c'est le fameux

nombre d'or, nom donné par les artistes de la Renaissance à cette constante bien connue des

architectes. Vous le calculerez aisément à partir de la définition précédente :

Le Nombre d'Or : ( )0

11 5 1,618033988...

2N = + =

Bien évidemment, les constructeurs de la pyramide de Chéops, ceux du Parthénon, les

sculpteurs et les peintres n'utilisent pas toutes les décimales ! Pour le Mathématicien, c'est tout

le contraire. Il lui faudrait l'infinité des décimales pour atteindre à l'exactitude. C'est pourquoi

il préfère les formules littérales, comme par exemple, pour ces autres constantes :

0

( 1)4 89793...

(2 1)

j

jj

π

=

− = = 3,1415926535

+∑

0

1 2,718281828459045

!j

ej

=

= = …∑

Constante de Catalan : 2

0

( 1) 0,915965594177219

(2 1)

j

j

Gj

=

−= = …

+∑

Constante d'Euler-Mascheroni :

1

1ln( ) 015328...

n

jn

nj

γ

=→∞

= − = 0,5772156649 ∑

Dans les formules mathématiques, ces constantes remarquables apparaissent fréquemment.

Voici des expressions où elles figurent (Les valeurs angulaires sont en radian) :

( ) ( )2 31 cos 2 cos 2N e e

π−= −

3

2 ch( ) cos( )sin(5)

γ γ= + −

( )3

23 ch sh(1) cos

cos(3)N G

π = +

QUESTIONS : 1- Y a-t-il une relation entre le nombre d'or (N0) et ces expressions N1 à N3 ? Et

lorsque vous vous exclamerez "eurêka!, c'était plus facile à trouver qu'il n'y paraissait !", alors

c'est là que vous êtes attendu : ce que vous avez trouvé, il vous faudra le prouver…

2- Par quelle(s) méthode(s) simple(s) peut-on trouver des expressions telles que N1 à

N3 et d'autres encore?

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3. MATHEMATIQUES EXPERIMENTALES

Dépassons maintenant le niveau de la calculette et même de l'ordinateur personnel,

pour parler de moyens nettement plus puissants, d'hors et déjà disponibles.

Par exemple, vous êtes confronté à une intégrale définie récalcitrante. Le calcul formel

n'en vient pas à bout. Pourtant, ne serait-elle pas égale à une constante rare mais connue, ou

bien à une combinaison de constantes répertoriées ? S'il en était ainsi, ce serait une précieuse

indication pouvant orienter la recherche d'une méthode de résolution : il est plus facile de

trouver lorsqu'on sait à l'avance ce que l'on doit trouver.

Bien entendu, au lieu d'une intégrale, on aurait pu prendre l'exemple d'une série, ou

d'une fraction continue, ou plus généralement d'une formule que l'on ne parvient pas à

simplifier.

Vous vous attendez ici à du calcul numérique. Alors, revenons à l'exemple de

l'intégrale définie, dont nous calculons une valeur approchée (NO), avec autant de précision

que possible selon les moyens matériels et les méthodes d'intégration numérique dont on

dispose.

Consultons une table de constantes pour voir si l'une d'elles ne correspondrait pas, par

hasard heureux, avec NO , du moins à la précision près des calculs. Contrairement à Euler qui

a bénéficié d'une coïncidence aisée avec une constante relativement facile à identifier, nos

chances sont faibles. Mais pas tout à fait aussi réduites qu'on pourrait le croire : En effet, nous

n'en sommes plus à l'époque des tables imprimées de constantes "remarquables". Nous allons

consulter une banque de données, dédiée à ce problème et qui contient des dizaines de

millions de constantes. Mieux encore, les moyens informatiques associés sont capables de

calculer un nombre considérable de combinaisons entre ces constantes, si bien que notre NO

pourra être comparé à l'équivalent d'une table virtuelle de centaines de milliards de constantes.

Ne croyez pas que ce soit de la science fiction. Ce n'est même plus tout à fait réservé aux

spécialistes : L'inverseur de Simon Plouffe est ouvert à tout un chacun, toutefois avec

certaines réserves [3].

Le très intéressant article [4] de Jean-Paul Delahaye offre une revue de méthodes

d'identification mises en œuvre et insiste particulièrement sur ce fameux "inverseur". Citation

extraite de [4] :

L'inverseur …« est à la fois un immense dictionnaire de constantes mathématiques et une

machine à rechercher des expressions simples pour les constantes numériques qu'on lui

soumet. Alors que d'habitude on donne une expression à une machine pour qu'elle la calcule,

l'inverseur, lui, retrouve l'expression à partir du résultat, d'où son nom ».

Néanmoins, il y a un revers à la médaille. La valeur numérique NO que nous

spécifions n'est pas une valeur exacte : Elle est écrite avec un nombre limité de digits. Si on la

compare à une quantité immense de nombres (constantes remarquables et beaucoup de leurs

combinaisons) on rencontrera deux difficultés pour interpréter les résultats. D'une part, il y

aura d'autant plus de coïncidences, donc de réponses proposées, que les digits connus de NO

sont peu nombreux, et on aura l'embarras du choix entre des conjectures que l'on pourrait

croire bien étayées numériquement, qu'il faudrait ensuite confirmer par du calcul formel.

D'autre part, il y aura d'autant plus de risque que les réponses proposées soient sans intérêt,

c'est-à-dire qu'un calcul un peu plus précis montre que les supposées relations sont fausses.

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C'est pour cette raison qu'il est fortement conseillé aux utilisateurs de l'inverseur de donner le

NO avec le plus grand nombre possible de chiffres significatifs, au moins 15 digits

( Textuellement : « All the tests are done if the number of digits is 15 or more, with less

digits results are not reliable » ).

Ce qui vient d'être souligné n'est pas propre à l'inverseur : Tous les procédés similaires

en sont plus ou moins affectés. C'est justement le défaut, inhérent aux algorithmes de ce

genre, dont il a été tiré parti pour que le "défi" proposé au paragraphe 2 soit un piège grossier.

Dans ce "défi", les formules sélectionnées ont été obtenues avec un algorithme home made.

Son principe est sommairement exposé en Annexe 1. Le cœur en est une formule générique,

c'est-à-dire dont les paramètres, les fonctions, les opérateurs sont interchangeables. Un

algorithme, de principe simple, permet de puiser systématiquement dans des tables

préalablement établies, respectivement les constantes, les fonctions, les opérateurs et de

balayer les combinaisons possibles.

Avantageusement, l'algorithme comporte des procédures pour éliminer les

redondances, autant que faire se peut. Deux termes écrits différemment peuvent être égaux,

par exemple, d'une part exp(1) et d'autre part la constante e. Les conserver tous deux serait

multiplier le nombre de combinaisons à évaluer ultérieurement et finalement aboutir à une

pléthore de formules équivalentes ne différant que par la typographie. En soit, ce n'est pas

rédhibitoire : L'objectif est bien atteint, sauf que l'on préfèrerait n'avoir qu'une seule formule

représentative d'un ensemble des formules équivalentes. En contrepartie, l'adjonction de

routines pour éliminer certaines redondances occasionne des opérations annexes qui pèsent

sur le temps de calcul. Il ne faut pas que le remède soit pire que la mal : vouloir éliminer

toutes les redondances deviendrait pénalisant, surtout lorsqu'on est limité par les modestes

performances d'un ordinateur individuel. Dans l'exemple décrit en Annexe 1, on s'est contenté

d'une option intermédiaire, choisie empiriquement : Seules les redondances les plus simples à

identifier sont systématiquement éliminées. Il en reste donc, qui apparaissent dans l'édition

des résultats finaux. Toutefois, puisqu'on ne sélectionne qu'un nombre nécessairement limité

de formules, celles donnant les résultats les plus satisfaisants par rapport à l'objectif,

l'élimination des redondances résiduelles est moins pénalisante à ce niveau qu'elle le serait

tout au long des calculs.

On conçoit aisément qu'un logiciel du même genre, mais beaucoup plus élaboré et plus

puissant, comporte une table de constantes considérablement étendue, un registre beaucoup

plus large de fonctions usuelles et spéciales, etc. Une telle structure permet de sélectionner

des formules candidates à satisfaire un objectif : que ce soit l'égalité espérée avec un nombre

donné, comme dans l'exemple que nous avons vu, ou l'égalité espérée entre deux formules

génériques (ou, ce qui revient au même, l'égalité espérée à zéro d'une seule formule générique

plus étendue). En ce sens, la structure possèderait la potentialité de générer systématiquement

des formules nouvelles, ayant la nature de conjectures déjà sérieusement étayées par

vérification numérique.

Le gigantisme du nombre de combinaisons qu'il est possible de traiter va de pair avec

l'accroissement de vitesse et de capacité des calculateurs électroniques. Un ordinateur

personnel ne permet de traiter en un temps raisonnable que de petites formules, ne comportant

qu'un faible nombre de fonctions et de paramètres. Il permet, tout au plus, de retrouver des

relations simples et sans intérêt de nouveauté. L'essor de l'informatique est fulgurant :

accroissement spectaculaire de la vitesse opératoire, des volumes de stockage de données, de

la disponibilité de machines professionnelles de grande puissance. De ce fait, les perspectives

sont en train de changer pour les mathématiques expérimentales. A ce point, nous dépassons

la réalité actuelle pour passer à la prospective.

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4. DE LA SCIENCE FICTION EN TANT QUE CONCLUSION

Le progrès des méthodes et des logiciels, dont les mathématiques expérimentales ont

besoin, ont été évoqués. Ils n'en sont encore qu'à leurs balbutiements, ainsi qu'on peut le

ressentir à la lecture des pages précédentes.

De plus et bien que ce ne soit pas l'objet de cet article, il convient de signaler que des

logiciels de calcul formel remarquables existent déjà et deviennent de jour en jour encore plus

performants. Les ingrédients d'une mutation se préparent : les mathématiques expérimentales,

pour ce qui relève de la phase de recherche exploratoire, les mathématiques formelles pour la

phase de démonstration. Certes, il faut imaginer une importante évolution avant que la

convergence soit réalisée entre les procédés de calculs tant expérimentaux que formels, que

leur complémentarité se concrétise et que des formules automatiquement générées et

sélectionnées soient formellement prouvées in fine, le tout dans un processus systématique.

Nous n'en sommes pas là. Les mathématiques expérimentales ont à leur actif des

succès récents. Mais elles ne sont actuellement rien de plus que des outils au service de

chercheurs. Par exemple, avec ces moyens, une nouvelle formule pour π a été trouvée il y a

une dizaine d'années, ce qui a permis d'importants progrès dans le calcul des digits lointains

de π indépendamment les uns des autres. Le mérite en revient à Simon Plouffe et à d'autres

chercheurs dont les contributions ne doivent pas être oubliées. Lui-même en cite plusieurs [5].

Voir également les réf. dans [4].

A ce jour, on n'en est pas à ce qu'un super-computer, doté de super-logiciels de calcul

expérimental et formel, génère des listes de formules originales avec leurs preuves établies en

bonne et due forme. Encore faudrait-il alors évaluer l'intérêt pratique et/ou théorique de telle

ou telle formule.

A qui reviendrait le mérite d'une découverte ? Certainement pas au fabricant de la

machine. Très peu aux informaticiens et programmeurs qui écrivent et mettent au point les

logiciels. Partiellement aux nombreux chercheurs qui contribuent, petit à petit, a découvrir des

méthodes et à perfectionner les algorithmes. Finalement, la gloire reviendrait-elle à celui ou

ceux qui surveillent l'exécution du programme et qui interprètent les résultats ? Ce serait très

injuste. Mais peut-être, pire encore, serait-elle tout bonnement attribuée au sponsor ayant

financé le projet! Soyons optimistes, aujourd'hui, c'est de la science fiction.

Quoi qu'il en soit, les perspectives sont propices pour les mathématiques

expérimentales. Et ce n'est pas dans la littérature que l'on en apprendra le plus au sujet du

fonctionnement interne des logiciels existant dans ce domaine (au sens restreint considéré ici)

: C'est par l'expérience personnelle, c'est-à-dire en construisant soi-même un logiciel, même

rudimentaire. En découvrant des problèmes qu'il serait long et difficile de décrire, mais qui

sautent aux yeux en pratique. Et en les surmontant. Cette constatation a considérablement

influencé la façon dont le sujet est présenté ici sous forme d'incitation : "Comprendre les

mathématiques expérimentales en les expérimentant". Une injonction valable pour les

mathématiques expérimentales au sens large et encore plus dans le contexte du présent travail.

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Encadré 2 :

Exercices d'application

Les exercices suivants sont proposés à l'intention des lecteurs intéressés à réaliser eux-mêmes

un programme du genre de celui qui a servi ici comme support à l'exposé et dont le principe

est sommairement décrit en Annexe 1.

C'est un travail instructif pour mieux appréhender les questions et difficultés posées par ce

genre de mathématiques expérimentales. Ce pourrait être aussi un entraînement de bon niveau

dans un contexte d'études d'algorithmique et de programmation.

Le programme est réalisable sur ordinateur personnel. Le temps de calcul reste raisonnable,

même avec une vitesse de calcul modeste. Par contre, avant d'en arriver à ce résultat, la

conception de l'algorithme, la programmation et la mise au point représentent des tâches

conséquentes.

Ce ne sera pas un travail sans suite : le programme pourra servir dans beaucoup d'autres

circonstances, éventuellement avec quelques adaptations au cas par cas, selon la recherche à

effectuer.

Exercice n° 1 : Conjecturer une formule très simple pour cette intégrale :

20

sin( )0,017 621 752 204 741...

1x

xI dx

π∞

= =−∫

Exercice n° 2 : Conjecturer une formule très simple pour cette fraction continue :

( )

1 1

1 2

1 31

1 2 3 2

0,570 650 096 977...

...

1 1 1 1; ; ...

12 60 140 4 4 1k

aJ e

ae

ae

e

a a a ak

−−

= + =

+

++

= = = =−

Exercice n° 3 : Conjecturer une relation algébrique entre les séries K et H :

( )

( )

2

4 4

0

2

4 5

0

(2 )!( 1) 1,479 337 559 594...

( !) 2

(2 )!1,524 038 417 539...

( !) 2 (2 1)

j

j

j

j

j

jK

j

jH

j j

π

π

=

=

= − =

= − =−

En fait, il existe bien une relation exacte et démontrée analytiquement. Ici, le but est

seulement de retrouver aisément cette relation, tout en la vérifiant approximativement par

calcul numérique, avec une précision aussi bonne que possible. La preuve formelle, qui

requiert la connaissance des propriétés de certaines fonctions spéciales, sortirait largement

du présent contexte.

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Annexe 1 : La réponse au "défi" du paragraphe 2

Vous avez observé que le nombre d'or N0 ainsi que les trois autres nombres obtenus en

calculant les valeurs numériques N1, N2 et N3, ont les mêmes 9 premiers chiffres après la

virgule : 1,618 033 988

Il ne faudrait pas en conclure hâtivement que ces cinq nombres sont égaux. Pour

prouver qu'ils sont tous différents, il suffit de pousser un peu plus loin le calcul numérique de

façon à obtenir plus de décimales significatives:

N0 = 1,618 033 988 749…

N1 = 1,618 033 988 659…

N2 = 1,618 033 988 417…

N3 = 1,618 033 988 148…

Ainsi, malgré ce que pourrait faire croire un calcul numérique insuffisamment précis,

la conclusion est : il n'y a pas de relation d'égalité entre eux. Pourtant, quelle coïncidence extraordinaire : quatre formules, différentes et sans

relation entre elles, donnent des résultats numériques si voisins ! Coïncidence de neuf chiffres

après la virgule !!! Et bien non, ce n'est pas du tout extraordinaire, ni même rare. On peut trouver de telles

fausses coïncidences autant que l'on veut et même avec beaucoup plus de chiffres exacts.

Si l'on se fixe un nombre quelconque comme "objectif" et si l'on considère un

suffisamment grand nombre de formules différentes, on a une probabilité plus ou moins forte

de trouver des formules donnant des résultats très voisins de l'objectif. La probabilité est

souvent bien plus grande qu'on ne le croit intuitivement (Annexe 2). Dans le cas présent,

l'objectif fixé était le fameux nombre d'or NO choisi uniquement pour donner du piment à la

question. On aurait pu choisir un autre nombre. La formule "générique" suivante a été utilisée

(à première vue compliquée, mais en fait très simple):

[ ] [ ]( ) [ ] [ ]( )6 5 4 3 4 3 2 3 2 2 1 1 1( ) ( ) ( ) ( )kC F F c o F c o F F c o F c± ± ± ± ± ± ± ± = ± ±

c1, à c4 sont des constantes qui ont été prises dans une liste de neuf : 0, 1, 2, 3, 5, π, G, e, γ

F1 à F6 sont des fonctions qui ont été prises dans une liste de douze : identité, inverse, carré,

cube, racine carrée, cubique, exp, ln, sin, cos, sh, ch.

o1, o2 et o3 sont des opérateurs qui ont été pris dans une liste de trois : multiplication, division,

addition ou soustraction (*).

(*) Les constantes initiales, intermédiaires et finales sont affectées successivement des signes

plus et moins, ceci intervenant en dix places dans la formule. En conséquence, (addition ou

soustraction) ne constitue qu'un même opérateur : En effet, (addition et soustraction) ferait

double emploi avec l'affectation de signe ±.

Page 11: Mathématiques expérimentales

"Mathématiques expérimentales". Avril 2008 - Mise à jour du 29 avril 2009. 10

Le nombre maximum de combinaisons : 94.12

6.3

3.2

10 , soit plus de 5*10

14, n'est pas

significatif car beaucoup ne sont pas prises en compte, pour cause de redondance (par

exemple : (c1+c2) et (c2+c1), ou autre exemple : ln(exp(c)) et c ), ou pour cause de calcul

impossible (par exemple : une division par zéro, ou autre exemple : le logarithme d'une

constante négative). Nous verrons qu'il ne subsiste finalement qu'une faible proportion de la

population théorique : une centaine de milliard positives et autant négatives, soit près de 2500

fois moins. Des résultats statistiques sont présentés en Annexe 2.

Six formules ont été obtenues approchant l'objectif avec au moins 9 chiffres corrects

après la virgule. Parmi elles, trois "belles" formules ont été sélectionnées pour figurer dans

l'énoncé du problème, encore que la "beauté" d'une formule soit une appréciation très

subjective. Bien sûr, parmi les six se trouvait la formule exacte (1+√5)/2 . Le contraire eut

été inquiétant ! Un tel travail à l'ordinateur est loin de la beauté des mathématiques

pures, me direz-vous. Certes ! Néanmoins, il est intéressant de savoir que de telles fausses

coïncidences existent et sont très nombreuses.

Note: Les résultats antérieurement rapportés dans [2] prenaient en compte des fonctions réciproques (arcsin,

argsh et plusieurs autres) . Elles n'ont pas été conservées afin de réduire le nombre des combinaisons à balaye

et aussi de simplifier la tâche pour celui qui voudrait réaliser un tel programme sur son ordinateur personnel et

reproduire les résultats donnés ici. Dans cet esprit, il était souhaitable que les temps de calcul restent

raisonnables.

Annexe 2 : Observations statistiques

La population des constantes négatives étant exactement la même que celle des

positives, nous ne considérons que ces dernières.

A partir des 9 constantes initiales et après calcul des ±F1(±c1), la table des constantes

positives comporte 91 éléments distincts. A la suite du calcul des [±F2(±c2)] o1 [ ±F1(±c1)] ,

elle passe à 17616 constantes, puis à 205361 après calcul des ±F3( [±F2(±c2)] o1 [ ±F1(±c1)] ).

Ce faible nombre, comparé au nombre théorique de combinaisons, est la conséquence de

l'élimination des redondances les plus facilement identifiables ainsi que, bien évidemment,

des cas de calcul impossible. Finalement, pour la formule générique complète :

[ ] [ ]( ) [ ] [ ]( )6 5 4 3 4 3 2 3 2 2 1 1 1( ) ( ) ( ) ( )kC F F c o F c o F F c o F c± ± ± ± ± ± ± ± = ± ±

la population C1 , C2 , C3 , … , Ck , … , CM de constantes positives qui ont été prises en

compte pour les statistiques suivantes, s'élève à un peu plus de 105 milliards.

La distribution sur ℜ + de ces constantes s'étend théoriquement de 0 à +∞. Mais, du

fait des limitations matérielles, les plus grandes valeurs entrent dans la catégorie des cas de

calcul impossible dont il a déjà été fait allusion.

La représentation graphique en échelle linéaire est irréalisable sur une plage aussi

étendue. C'est donc en échelle logarithmique, ce qui est assez inhabituel, qu'elle est tracée sur

la figure 1. Les valeurs xk = log(Ck) sont portées sur l'axe des abscisses. Les Ck étant supposés

classés par ordre croissant (*), il y a yk=k/M éléments dont la valeur est inférieure ou égale à

Ck . Sur l'axe des ordonnées, on porte yk en fonction de xk , représentant ainsi la fonction de

répartition.

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"Mathématiques expérimentales". Avril 2008 - Mise à jour du 29 avril 2009. 11

Figure 1: Fonction de répartition

(*) Remarque pratique : le classement et la mise en mémoire d'un aussi grand nombre de

constantes ( M ≈ 105*109

) serait gravement pénalisant en volume et temps de calcul. En fait,

les valeurs proprement dites Ck ne sont ni classées ni mémorisées individuellement. C'est le

montant de leur population par tranche de valeurs qui est mémorisé : En l'occurrence, les xk

négatifs (0<Ck<1) ont été décomptés pour chacune de 10000 tranches et autant de tranches

pour les xk positifs ( Ck ≥1 ). Le nombre par tranche peut atteindre plusieurs dizaines de

millions : c'est cet unique nombre qui est mémorisé pour chacune. La fonction de répartition

est tracée à partir des 20000 totaux partiels.

La fonction de répartition (figure 1) ne semble pas être d'un genre répertorié : Les

fonctions les plus connues ne s'ajustent pas correctement, même avec de larges tolérances, sur

toute l'étendue de la fonction de répartition obtenue expérimentalement. Toutefois, dans le

domaine le plus usuel (0,5<C<5) la courbe peut être assimilée à sa tangente, dont l'équation

est indiquée sur la figure. Dans cette région, la densité est approximativement, avec

x = log(C) = ln(C)/ln(10) :

9

9ln( ) 0, 20 0,20*105*10 9,13( ) 0,39 0, 20 10

ln(10) ln(10) 0, 23

d C MP C M

dC C C C

+ =

≈ ≈ ≈

Il s'agirait donc, localement, d'une distribution du genre de Pareto, avec un exposant négatif.

Dans le cas de l'exemple considéré en annexe 1, on cherche Ck voisin de N0 , d'où

P(Ck) ≈P(1,6) ≈ 5,7 109. Par conséquent, pour une tranche dont l'étendue est 10

-9 ( telle que le

résultat Ck coïncide avec le but N0 jusqu'à la neuvième décimale après la virgule), on devrait

trouver (5,7 109)* 10

-9 soit 5 ou 6 formules satisfaisantes. On en a obtenu six. Ce bon et peut-

être trop bon accord est inespéré. En effet, pour une tranche très étroite, ne contenant qu'un

très petit nombre d'éléments, on n'espère pas une indication précise, mais seulement un ordre

de grandeur : la distribution est localement beaucoup plus chaotique que la représentation de

la fonction de répartition ne laisse apparaître à grande échelle.

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"Mathématiques expérimentales". Avril 2008 - Mise à jour du 29 avril 2009. 12

Il convient d'insister sur le fait que ces résultats sont spécifiques à la fonction

générique qui a été choisie ainsi qu'aux listes de constantes, fonctions et opérateurs, que l'on

alloue au départ. Il est clair que d'autres choix pourraient conduire à d'autres genres de

fonctions de répartition. Par exemple et trivialement, si on réduisait la liste des fonctions à sin,

cos et th, qui ne génèrent des constantes que sur -1 à 1, et si on réduisait la liste des opérateurs

à l'addition, la soustraction et la multiplication, toutes les constantes seraient sur un segment

de faible étendue, donc avec une fonction de répartition complètement différente de celle

représentée en figure 1.

Il est patent que l'on est très loin d'être capable de prévoir, d'une façon théorique, la

fonction de répartition qui résulterait d'une fonction générique donnée et associée à des

constantes, fonctions et opérateurs définis a priori : Du fait des redondances dans les

formules, la réduction considérable de la population est quasiment imprévisible. C'est un

obstacle aux calculs théoriques de probabilités et ce n'est pas le seul. On voit bien que la

démarche reste essentiellement expérimentale.

REFERENCES :

[1] : Site "EPS" (en 2001) de A.Laroche, depuis lors devenu "Forum Espace Math" : http://www.espacemath.com/forum/index.php

Le document cité reste accessible à l'adresse suivante : http://www.espacemath.com/def2.htm

[2] : Site "Les-Mathematiques.net" de E.Vieillard Baron : http://www.les-mathematiques.net/index.php3

Discussion sous le titre "Amusement ardu?" (2005) : http://les-mathematiques.u-strasbg.fr/phorum5/read.php?2,57708

[3] : Plouffe's Inverter : http://pi.lacim.uqam.ca/fra/

Pour des investigations plus approfondies, requête par e-mail à

: [email protected]

[4] : Jean-Paul Delahaye "Certitudes sans démonstration?" Pour La Science, N° 249, juillet

1998, pp.100-105.

[5] : http://pi.lacim.uqam.ca/fra/server_fr.html