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Les idées juives au temps de Notre Seigneur -- Joseph Bonsirven -- Paris (1934)

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  • Les ides juives au temps de Notre Seigneur -- Joseph Bonsirven -- Paris (1934)

  • Au temps de Jsus-Christ, les esprances messianiques taient-elles encore vivaces en Isral ? Certains historiens ont assur que les rabbins, exclusivement appliqus l'tude de la Tr et attentifs surtout au salut des individus, craignant par ailleurs d'veiller les suspicions des pouvoirs romains, avaient banni le Messianisme de leur enseignement et de leurs prdications. A vrai dire, nous n'avons que bien peu de sentences provenant certainement de rabbins, contemporains de Jus : si elles ne disent rien du Messie, que conclure de ce silence ? La premire sentence messianique rabbinique sre est de R. Johanan b. Zakkai, ordonnant en mourant de prparer un trne pour Ezechias, c'est--dire pour le Messie (Berakhth 28 b); notons aussi que du mme on rapporte le propos dsabus, semble-t-il, et dcourageant : "Si tu es en train de planter une bouture et qu'on annonce le Messie, plante d'abord ta bouture, puis va sa rencontre " (Aboth R. Nathan, ed. Schechter, XXXI). Les rabbins de la fin du 1er sicle professent une foi messianique indubitable : p 144 Il est d'ailleurs trs probable que les esprances messianiques prsentaient des formes diffrentes et aussi des degrs divers d'intensit suivant les milieux. Les milieux pitistes, les milieux apocalyptiques, taient naturellement plus ardents et plus fbriles que les milieux rabbiniqurs. Diffrences aussi dans les conceptions (...) L'ide centrale du Messianisme est l'ide d'une restauration nationale future (...) La ralisation de la restauration nationale peut tre imagine suivant plusieurs types (...) Primitivement elle comprenait (...) un jugement contre les nations. On en vient ensuite dpeindre la terre, o la nation sainte sera reconstitue comme dote d'une fertilit prodigieuse et d'autres proprits extraordinaires: certains parleront d'une terre et de cieux nouveaux. L'horizon s'lve encore quand la croyance la rsurrection et toutes ses consquences s'implante dans les esprits et en mme temps un problme se pose : quel acte de la restauration nationale insrer la rsurrection ? Est-elle le moyen miraculeux qui permettra tous les isralites, ceux du prsent p 145 et ceux des sicles passs, de participer aux flicits messianiques et devrait-elle donc prendre place ct du retour des exils ? Ou bien, faut-il concevoir que les temps messianiques s'accompliront entirement sur cette terre, plus ou moins fransfigure, et dans la sutie des temps, la rsurrection ne se produisant que plus tard la consommation des sicles, afin que tous les hommes puissent comparatre au jugement gnral et que justes et impies reoivent ensite la rtribution ternelle due leurs uvres ? p 146 [ Voir :Hnoch, Apocalypses des semaines ; Jubils, Sibylles, Testaments ; Vita Adae ; 4 Esdras, Baruch, Assomption de Mose, Psaumes de Salomon ....] - 146-147 Il y avait l'poque no-testamentaire bien des "calculateurs du terme " des gens qui tentaient de dcouvrir, soit par des calculs, soit par l'observation des signes prvus le moment o le Messie viendrait : Josphe dnonce une des fcheuses consquences de cet exercice : " Ce qui les avait surtout excits la guerre, c'tait une prophtie ambigu trouv pareillement dans les Saintes Ecritures et annonant qu'en ce temps-l un homme de leur pays deviendrait le matre de l'univers. Les Juifs prirent cette prdiction pour eux et beaucoup de sages se

  • tromprent dans leur interprtation (...) Mais les Juifs interptrent leur fantaisie ou mprisrent les prsages jusqu'au jour o la ruine de leur patrie et leur propre ruine les eurent convaincus de leur folie ( Bellum, VI, v 4, 312-315) page 149 Des signes dcrits, ne retenons que les tribulations messianiques (...) De cette espce sont les signes rvls au Pseudo-Esdras (IV, 52-V, 12) p. 150 "Jusqu'au jour o o viendra le roi Messie qui appartient le rgne : c'est lui que serviront tous les royaumes de la terre ". Targum Jeruchalmi I page 151 les tribulations : (2 Baruch, XXVI, XXVII) "Aux approches du Messie, l'orgueil s'accrotra, la chert atteindra son comble (...) Et sur quoi nous appuyer ? Sur notre Pre qui est au ciel. Rabban Gamliel II (Derek ere zutta, X) p 153 La prparation morale la venue du Messie, voil la tche que, suivant le prophte Malachie, Dieu a assigne au prophte Elie : "Voici que je vous envoie Elie, le prophte, avant que vienne le jour de Yahw, grand et redoutable. Il ramnera le cur des enfants vers les pres, de peur que je vienne et que je ne frappe la terre d'anathme (III? 23, 26) p 154 [Elie va venir, Elie est venu, dans le NT Mat 17, 10 ; Mat 11, 14, Jsus, parlant de Jean, "C'est lui, l'Elie qui doit venir ; Mt 27, 47 "Le voil qui appelle Elie ; 27, 49 "Attends : voyons si Elie va venir le sauver . -- Luc 1, 17 "Il marchera (...) avec l'esprit et la puissance d'Elie " ; Jean I, 21, 25 " les Juifs demandent Jean le Baptiste : "Qui es-tu, es-tu Elie ? " -- "Si tu n'es ni le Christ, ni Elie, ni le prophte, pourquoi baptises-tu ?" ] Les nations dtruites : telle tait, semble-t-il, la condition ncessaire l'tablissement du royaume messianique ; nous avons dit qu'il ne fallait pas prendre l'expression en son sens littral... (...) La premire conception, d'esprit universaliste (...) nous la rencontrons assez souvent chez les Apocryphes (...) : " Aprs que seront venus ces signes que je t'ai prdits, lorsque les nations seront dans le trouble et que viendra le temps de mon Messie, il appellera tous les peuples ; il vivifiera les uns et tuera les autres. (...) Et il arrivera que des hommes d'entre toutes les nations serviront ton peuple. "(2 Baruch, LXXII, 2-6) Il est aussi des rabbins qui croient la conversion future des nations : R. Ismal b. Jos (vers 190) aimait rappeler les exgses que son pre donnait des Psaumes CXVII, 1 et (p. 182)

  • LXVIII, 32 les nations loueront Dieu, et l'Egypte et l'Ethiopie apporte des prsents au Messie et comme celui-ci hsite les recevoir, Dieu lui ordonne d'accepter (Pesahim, 118 b) Les nations se feront donc proslytes : mais n'est-ce pas contraire au principe interdisant d'accueillir en temps de prosprit les proslytes, qui pourraient tre attirs uniquement par intrt ? La question a t discute en un texte instructif : On cite l'appui d'un mot de R. Isaac sur Dieu qui ne rit qu'au jour o il juge les nations, cette tradition de R. Jos (vers 150) : au futur venir les idoltres viendront se faire proslytes. Mais peut-on les recevoir puisque c'est une tradition reue qu'on ne les reoit pas au jour du Messie, pas plus qu'on ne les a reues aux jours de David et de Salomon ? Cependant il se feront proslytes affects, et ils mettront des phylactres leur front et leurs bras et des franges leurs habits et des mezuzot leurs portes. Mais quand ils verront la guerre de Gog et Magog, celui-ci leur dira : contre qui allez-vous ? Ils lui rpondront : "Contre Yahw et son Messie", suivant qu'il est dit (Psaume II, 1, 3) : " Pourquoi les nations s'agitent-elles en tumulte ? " ... Et chacun rejette ses commandements, suivant qu'il est dit : "brisons leurs liens "... Et le Saint, bni soit-il, est assis dans le ciel et il sourit, suivant qu'il est dit : "Celui qui est assis dans le ciel sourit " (Abhodha zara 3 b). Suivant la prophtie de Jrmie (III, 17), toutes les nations s'assembleront Jrusalem au nom de Yahw (Abhth R. Nathan XXXV 5). Nous avons vu qu'elles apporteront des prsents au roi Messie : le plus apprci de ces prsents, ce seront les exils qu'elles ramneront suivant la prophtie d'Isae (LXVI, 20) ; la tradition atteste dans les Psaumes de Salomon (XVII, 34) rapparat chez un rabbin du IVme sicle , R. Juda b. Simon (Midrasch Ps LXXXVII, 6 p. 378, sq). p 183 Au fond, tous ces textes rabbiniques, prdisant la conversion des nations paennes, tendent les maintenir dans un rang infrieur (...) En effet, thme que nous rencontrons en plusieurs apocryphes (III Sibylle, 661, sqq ; 4 Esdras, XIII, 33 sqq), les nations se soulveront contre le Messie (...) Dans la littrature rabbinique, les guerres des nations contre le Messie deviennent la guerre de Gog et Magog. Dj dans Ezchiel (XXXVIII-XXXIX) la mystrieuse guerre de Gog, prince de Magog, prend une valeur symbolique, illustrant la Toute-Puissance de Dieu, qui facilement anantit les plus redoutables adversaires. De trs bonne heure, la pense juive s'est exerce sur cette donne : Gog l'intrigue. Elle en tire le thme de la guerre de Gog et Magog. Gog et Magog : pourquoi ? Est-ce un individu ? est-ce un peuple ? Impossible de prciser : c'est un tre prestigieux, norme et indfini, l'incarnation de toutes les puissances humaines qui se liguent et se ligueront contre Dieu et son peuple. La guerre de Gog et Magog est un vnement de l'ge messianique : suivant le plus grand nombre des descriptions, il convient de le placer, non au commencement de la priode, mais quand le Messie est en possession de son empire. p. 185

  • Un autre intrt des spculations sur Gog et Magog, c'est qu'elles sont comme une bauche de la doctrine de l'ant-christ : ce puissant adversaire, tout comme les nations qui se soulvent contre le Messie, reprsente le puissances ennemies, dcrites au Psaume second, qui ne renoncent jamais combattre Dieu et son rgne. p. 186 (fin du chapitre VIII) Chapitre IX, Eschatologie universelle I. La rsurrection (+ II Le jugement, III la rcompense ternelle, IV, les punitions eschatologiques). "Tout autant que des destines finales de la nation lue, la pense juive est curieuse de la destine dernire de l'humanit : tous les hommes sont-ils appelos, la consommation du sicle, ressusciter, les mes se runissant de nouveau au corps, afin que l'homme puisse tre jug et recevoir, en tout son tre, la juste rtribution de ses oeuvres ? L'areur inquite que suscitent ces questions est avive par plusieurs causes : les discussions sur la rsurrection que les Pharisiens doivent soutenir contre les Sadducens et autres adversaires ; la fusion de deux conceptions. En effet un des points les plus fermes et aussi des plus chers, dans l'esprance messianique, est l'ide d'un jugement universel qui viendra clturer le sicle ; (...) p. 187 Il n'est donc pas tonnant que dans la thologie juive les vues sur les fins dernires de l'humanit occupent une place considrable, de plus en plus large, semble-t-il, mesure que nous avanons : cela est tout naturel : le triomphe des croyances pharisiennes sur la rsurrection devaient favoriser le dveloppement de toutes les thories connexes. Nous savons combien au premier sicle la foi en la rsurrection est loin d'tre universelle en Isral. Josphe rapporte, en les transposant en termes de philosophie grecque, les oppositions des Pharisiens et des Sadducens relativement la survie des mes, les premiers les disant imprissables, les autres soutenant qu'elles disparaissent avec le corps (Antiq XVIII, I, 3-4, 14, 16) Les Evangiles restent fidles la couleur locale (...Marc 12, 18-27) Nous comprenons aussi combien les esprits taient loin d'tre unanimes sur cette question quand nous parcourons les apocryphes, qui refltent toutes les fluctuations de la pense juive aux alentours de l're chrtienne. Nous sommes tonns de constater que la rsurrection ne figure pas dans les Jubils, dans l'Assomption de Mose, ni dans l'Hnoch slave ; dans l'Hnoch thiopien, elle n'est nettement affirme que dans la dernire partie ; elle est suppose dans les Paraboles, mais un peu laisse dans l'ombre ; pour les Psaumes de Salomon, on peut se demander si la vie, promise aux justes, inclut une vraie rsurrection. Nous remarquons, par contre que la foi en la rsurrection tait professe par les rdacteurs des Apocalypses p. 188 d'Esdras et de Baruch. C'est que vers la fin du 1er sicle le triomphe des Pharisiens et l'extinction des Sadducens assuraient la victoire au dogme de la rsurrection. Dsormais, c'et un vrai dogme : et la Michna range parmi ceux qui n'auront pas de part la vie future "celui qui dit : il n'y a pas dduire de la Tr la vivifation des morts. (Sanhdrin, XI p 189

  • La nature de la rsurrection Elle est indique d'abord par les mots dont elle est ordinairement dsigne. Le mot, dont se servent surtout les apocryphes et les crits grecs, mot suggr par l'usage biblique, qum, anastasis, surgir, traduit l'ide que le corps, rejoignant son me, se lvera et sortira de son tombeau. L'autre mot, presque le seul dont se servent les rabbins, et qui provient aussi d'une source biblique, envisage l'opration comme un retour la vie : c'est la " vivication des morts " ; Dieu est "celui qui vivifie les morts ". La vie, tant entendue toujours comme l'tat et la rcompense des justes, c'tait voir avant tout dans la rsurrection l'entre la rcompense suprme. Josphe : "Les Pharisiens croient que les mes ont l'immortalit en puissance et que sous terre des rcompenses et des punitions sont dcernes ceux (p. 190) qui, pendant leur vie, se sont appliqus au vice ou la vertu et qu'aux mes est prdestine une prison ternelle, aux autres la facult de vivre nouveau (Antiquits, XVIII, 1, 3-14 Des apocryphes, les uns parlent uniquement de la rsurrection des justes ; d'autres, qui professiont l'universalit de la rsurrection, en font le privilge des justes. Prenons comme type de la premire attitude un texte de la cinquime partie d'Hnoch, qui rappelle les termes de Josphe : voir R. Hiia b. Abba, dans Gense rabba, 13, 7 p 191 Et R. Eleazar Haqqapar (vers 190) l'enseignait nettement : "On nat pour mourir, et on meurt pour revivre ; on revit pour tre jug, afin de savoir, de faire connatre et d'tre bien instruit qu'il est Dieu, qu'il est le formateur, le crateur, celui qui comprend, qu'il est le juge, le tmoin et l'adversaire et qu'il jugera " (Abbth IV, 22) p 192 :