15
COMMUNICATION IV 165. Mdthode de prospection et de cartographie des sols employée au %&gal pour la recherche des terres i arachides Par J. DUBOIS, Chef de travaux des Laboratoires de l’Agriculture aux Colonies, Pédologue du Secteur Soudanais de Recherches Agronomiques. Le plan de développement des oléagineux dans les territoires d’Outre-Mer prévoit, au Sénégal, la culture mécanique de l’arachide sur 200.000 hectares de terres à défricher. Les quatre conditions à réa- liser sont les suivantes : - pluviométrie convenable, - bonne qualité du sol, - proximité d’un moyen économique d’évacuation, - non occupation du terrain par les autochtones. Cela limitait les superficies à retenir; il important donc de les dé- terminer, sinon avec précision, du moins avec une approximation per- mettant l’implantation des travaux dans telle ou telle région. A cet effet, la Mission de prospection des terres à arachides fut créée en février 19488. Malgré quelques difficultés provenant du ma- tériel, et bien que son personnel fut réduit par suite des besoins des Services de l’Agriculture, elle termina son travail en juillet, gênée d’ailleurs par les premières pluies. Les stades de l’investigation furent les suivants : connaissance du pays; étude des photographies aériennes; prospection d’ensemble; prospection aérienne; étude de détail. Connaissance du pays. n ‘ri Avant tout, il convient de connaître dans ses grandes lignes les types de paysages, l’aspect et la nature de la végétation, la topogra- phie, le relief, l’hydrographie, la géologie et naturellement il faut acquérir des idées sur les types de sol et leur répartition, Les Cléments humains : population, races, agriculture, importance économique, ne sont pas à négliger. Bref, il faut s’être familiarisé d’après les cartes et de oisu avec la géographie. Cette memière condition fut réalisée au cours des années 1946 17 JUJN 1987 -kg. , et 1947 par l’un des membres de la Mission Pédologique du SCnégal, CONFERENCE AFRICAINE DES SOLS, Goma (Cow

Méthode de prospection et de cartographie des sols ...horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_5/... · ni les moyens, ni la pratique pour suivre les méthodes

Embed Size (px)

Citation preview

COMMUNICATION IV 165.

Mdthode de prospection et de cartographie des sols employée au %&gal

pour la recherche des terres i arachides Par

J. DUBOIS, Chef de travaux des Laboratoires de l’Agriculture aux Colonies, Pédologue du Secteur Soudanais de Recherches Agronomiques.

Le plan de développement des oléagineux dans les territoires d’Outre-Mer prévoit, au Sénégal, la culture mécanique de l’arachide sur 200.000 hectares de terres à défricher. Les quatre conditions à réa- liser sont les suivantes : - pluviométrie convenable, - bonne qualité du sol, - proximité d’un moyen économique d’évacuation, - non occupation du terrain par les autochtones. Cela limitait les superficies à retenir; il important donc de les dé-

terminer, sinon avec précision, du moins avec une approximation per- mettant l’implantation des travaux dans telle ou telle région.

A cet effet, la Mission de prospection des terres à arachides fut créée en février 19488. Malgré quelques difficultés provenant du ma- tériel, et bien que son personnel fut réduit par suite des besoins des Services de l’Agriculture, elle termina son travail en juillet, gênée d’ailleurs par les premières pluies.

Les stades de l’investigation furent les suivants : connaissance du pays; étude des photographies aériennes; prospection d’ensemble; prospection aérienne; étude de détail.

Connaissance du pays.

n ‘ri

Avant tout, il convient de connaître dans ses grandes lignes les types de paysages, l’aspect et la nature de la végétation, la topogra- phie, le relief, l’hydrographie, la géologie et naturellement il faut acquérir des idées sur les types de sol et leur répartition, Les Cléments humains : population, races, agriculture, importance économique, ne sont pas à négliger.

Bref, il faut s’être familiarisé d’après les cartes et de oisu avec la géographie.

Cette memière condition fut réalisée au cours des années 1946

17 JUJN 1987 -kg. ,

et 1947 par l’un des membres de la Mission Pédologique du SCnégal,

CONFERENCE A F R I C A I N E DES SOLS, Goma ( C o w

- 628 -

chargé par la suite de l'organisation sur le terrain de la Mission de Prospection des terres à arachides.

Etude des photos. aériennes. Le Service Géographique de 1'A.O.F. possède des cheminements

américains et français, malheureusement encore incomplets. Les photos sont prises à 6.000 m. d'altitude et leur échelle est

voisine de 1/40.O0Oe. C'est exactement ce qui convient, d'une part parce qu'elles don-

nent une vue d'ensemble suffisante pour nous repérer dans un pays sans points remarquables; d'autre part, parce que des caractéristiques ayant trait à des surfaces assez vastes n'apparaissent pas à basse alti- tude. Ainsi, lors de la prospection aérienne, nous avons constaté que le modèle dunaire des environs de Kaolack ne devenait visible que lorsque l'avion s'élevait, et pourtant le système dunaire est extrême- ment net sur les photes aériennes. Bien des particularités le sont moins, celles, par exemple, visibles sur les photos, que nous n'avons pu dé- celer à 1.500 m., plafond de notre appareil.

Les photos sont des carrés de 22 cm. 8 de côté, prises avec F-6. En partant de là, les ateliers de photogrammétrie du Service Géo-

graphique obtiennent une mappe au 1 /40.000, base très sûre pour leurs travaux ultérieurs.

Malheureusement pour nous, les mappes des zones qui nous inté- ressent n'étaient pas encore tirées, Comme nous n'avions ni le temps ni les moyens, ni la pratique pour suivre les méthodes du Service Géo- graphique, nous avons été obligés de nous contenter de la carte au (") 1 /200.000' actuelle, inexacte bien souvent, et toujours peu précise.

De la sorte, nous avons dû schématiser ce que nous voyions par- fois très nettement sur les photos, mais cela n'a pas une grande im- portance, car en raison de l'étendue considérable de notre prospec- tion, nous ne pouvions prétendre être partout d'une très grande pré- cision.

Les aspects les plus caractéristiques sont les suivants : Les dunes anciennes allongées en bandes parallèles du Nord-Est

Le rebord des cuirasses ferrugineuses (photos nos 4, 5, 6 et 7 ) , Leurs affleurements sur les plateaux marqués par des zones concen-

au Sud-Ouest (photos nos 1 , 2, 3 ) ,

triques claires et sombres (photos nos 5 et 6) , Les sols ayant subi l'érosion (photo no 4), Les alluvions (photos nos 3 , 4, 7), Les sols salés (photo no 3 ) , Les cours d'eau temporaires, marqués par une ligne sombre

.

de la végétation et des méandres (photos nos 4 et 7) , l

( $ 1 Deux feuilles récemment publiées sont très bonnes. o , . ...

- 629 -

Les champs cultivés (photos nos 1, 2, 4, 5, 7) . Souvent, p a contre, il est plus difficile d’interpréter la photo, par

exemple dans les cas suivants : Passage progressif des affleurements des cuirasses ferrugineuses

et des sols rouges qui les accompagnent aux dunes qui recouvrent le tout (photo no 2).

Cuirasse ferrugineuse à faible profondeur; dans ce cas, l’aspect est souvent comme réticulé (photo no 8) mais d’autres fois il n’en est rien.

La végétation en saison sèche, n’a jamais constitué une gêne, même en Moyenne Casamance.

Après plusieurs mois de travail, en revoyant certains clichés, il est possible d’y découvrir parfois ce qui n’a pas été vu aparavant. I1 faut s’être longuement familiarisé avec l’usage des photos aériennes pour en tirer le maximum, et surtout il faut revenir à certaines photos après avoir observé le sol sur les lieux mêmes.

En conséquence, nous avons commencé par étudier les photos aériennes avant de nous lancer dans la prospection à terre, mais par la suite nous sommes revenus plusieurs fois aux photos. Notons ici que le Chef du Service Géographique de l’A.O.F. nous permit d’em- porter sur place un lot important de clichés.

Prospection d’ensemble. Elle a pour but de connaître plus à fond l’ensemble du pays à

prospecter en vue de délimiter les zones où il y a des chances de trou- ver de bons terrains et les zones à rejeter. En outre, elle permet de préciser les idées sur les types de sol et leur répartition.

Elle fut effectuée en une quinzaine de jours dans la zone s’éten- dant le long de la voie ferrée de Kaffrine à Kidira, et en une huitaine de jours en Casamance. Dans les deux cas, ce fut un peu trop rapide. Mais il fallait se plier à certains délais fixés.

Prospection aérienne. L’appareil utilisk fut un Morane 500 (modèle Fiesler allemand)

de la base aérienne de Dakar-Ouakam. La cabine fermée est à trois places, la visibilité est excellente. La vitesse de croisière de 120/130 km.-heure condent très bien le plus souvent. Pour quelques minutes on peut la réduire à 80 km.-heure. I1 eût été souhaitable que l’on puisse y rester plus longtemps. La durée maximum de vol est quatre heures, mais il vaut mieux ne pas dépasser trois heures et demie.

Deux altitudes sont intéressantes : 1 ) 1.500 m., c’est-à-dire le plafond de l’appareil pour la grande

reconnaissance dans le cas des cartes erronées; de la sorte, on peut se répérer sur des points exacts et corriger approximativement la carte.

du sol apparaissent encore très nettement; si l’on descendait plus bas ou aurait moins de temps

2) 200 m. A cette altitude, les détails

- 630 -

pour observer, et le champ visuel étant moins grand on risquerait plus facilement des méprises. Insistons sur ce dernier point : il est très difficile de se repérer : de grandes étendues sans relief, sans grandes routes, des villages peu marqués, des cartes fausses. Pour faciliter l’orientation et l’évaluation des distances, il est préférable que les itinéraires se résolvent en une succession de lignes droites, selon une des directions de la rose des vents.

Une première série de prospections aériennes eut lieu début d’avril, peu après la prospection d’ensemble; elle aurait dû avoir lieu immédiatement après cette prospection, mais des difficultés de divers ordres nous en empêchèrent. Une deuxième série se plaça dans la deuxième quinzaine de juin, les pluies étaient commencées et il fal- lut parfois attendre des conditions atmosphériques favorables. Par contre, la visibilité était souvent très bonne et la poussière ayant été enlevée, toutes les caractéristiques du sol apparaissaient bien plus nettement.

Ces caractéristiques du sol, visibles d’avion, sont les suivantes : - La couleur, vue soit directement, soit par l’intermédiaire des

termitières ou des pistes, en pensant que ces dernières ont pu être rechargées avec de la terre ou des cailloux venant d’ailleurs, indique si l’on a affaire à des sols beiges ou à des sols rouges.

gineux, moins nets en saison sèche (avril) que sur les photos aérien- nes prises à 6.000 m. d’altitude. Par contre, les plus petits tas de gra- villons sont visibles à 200 m. d’altitude après les premières pluies. - L’imperméabilité du sol remarquée seulement lors de notre

deuxième série d’observations. En effet, l’eau de pluie qui a légère- ment ruisselé, s’est concentrée dans les très Iégères et très petites dépressions. La surface du sol y prend alors une couleur grise plus foncée :’opposant aux parties plus claires parce qu‘un peu plus éle- vées. Si le sol est très perméable, un tel aspect n’existe pas. Or, dans les zones qui nous intéressent, imperméabilité en surface signifie cui- rasse à faible profondeur; sur les photos aériennes c’est cet aspect qui se traduit par une allure réticulée avec taches sombres et taches plus clair es. .

Des photos n’ont pu être prises qu’avec nos appareils personnels, l’avion n’étant pas équipé pour cela; au surplus, ces photographres à basse altitude ne permettent de prendre qu’un aspect caractéristique ça et là. le champ aurait été par trop réduit si nous eussions voulu nous en servir pour nous aider dans notre cartographie visant de grands espaces monotones et non une superficie restreinte et bien répérable.

Etude de détail. Les idées précédemment obtenues sur la répartition des sols, -

par exemple, la localisation en Moyenne-Casamance, d’affleurements de cuirasse ferrugineuse ou latéritique sur le rebord des plateaux de

i

P

- La présence en surface de la cuirasse ou des gravillons ferru- ,d

LL

i

-- 6.3 1 -

plus de 40 m. d’altitude - permettaient des hypothèses que la pros- pection de détail n’avait plus pour but que de confirmer ou d’infirmer. Cette dernière fut donc beaucoup plus rapide que si ces idées n’avaient pu être dégagées auparavant.

I1 fallait toutefois parcourir, à pied ou en auto, de vastes éten- dues où les pistes étaient peu nombreuses; bien souvent nous n’avions pour nous guider en pleine brousse que nos boussoles. Dans ces con- ditions, on conçoit aisément que notre travail eut été grandement faci- lité si les cartes avaient été plus précises.

< * Ainsi la cartographie s’est effectuée peu à peu : aux renseigne-

ments fournis par les photos aériennes venaient s’ajouter ceux qu’ap- portait chaque tournée. A la fin du travail, la connaissance de la situa- tion des différents sols, de leurs rapports avec la topographie, permet- tait de larges interprétations.

L’échelle de base fut le l/200.000e; un premier croquis fut donné à cette échelle; la carte au 1/500.000e des régions prospectées figure dans notre autre travail : Esquisse des différents types de sols de la moitié Sud du Sénégal.

o * .

I1 faut, en terminant, souligner les services considérables rendus par les photographies aériennes. Plus que tout le reste, les types de sol une fois connus, elles sont la base de la cartographie des sols, du moins dans un pays comme le Sénégal. Mais pour les consulter avec fruit, il faut une grande habitude, qui s’acquiert peu à peu.

Une politique agricole bien comprise doit s’appuyer sur la carte des sols; or, ce travail dans les pays tropicaux est à peine ébauchk; il y a donc urgence.

La méthode et les moyens appliqués ici répondent à ce besoin et, au total, sont plus économiques que la prospecfion classique unique- ment sur le terrain. Mais ils nécessitent certains travaux de base : cartes topographiques, photographies aériennes, aérodromes, service météorologique (*) ce qui actuellement peut en limiter l’aire d’appli- cation.

BIBLIOGRAPHIE 1. CHEVALIER (Aug.). - L’Aviation au service de l’Agriculture tropicale et de

la Géographie botanique. Rev. Bot. Appl. et Agr. Trop. 10e année, no 106, juin 1930, pp. 354-356.

2. DE MARTONNE (E.). - Géographie aérienne. Albin Michel, Paris, 1948. 3. SISAM (J. W. BJ. - The use of aerial survey i n forestry and agriculture.

Imperial agricultural Bureau. Joint publication no 9, juillet 1947. 4. TROCHAIN (J.). - L’aviation et l’étude de nos richesses végétales coloniales.

Rev. Forces aériennes, no 45. Avril 1933, pp. 419-438.

(”1 I1 faut signaler la parfaite organisation et la justesse des prévisions du Service Météorologique.

- 632 -

(Phoh J. Dubois.)

Limite d'affleurement d'une cuirasse ferrugineuse. (Se rapporter aux photographies aériennes 4, 5, 6, 7 ) .

(Photo R. Boully.)

L'Avion utilise pour la prospection.

- 633 -

c

I

((Xioh6 de l’Institut Géographique National. )

FIG. 1. - Dunes anciennes orientées Nord-Est - Sud-Ouest. Champs cultivés au Nord-Est de Kaolack.

- 634 -

(Gliohé d.e l'Institut Géographique Nationd.)

FIG. 2. - Passage progressif des dunes anciennes au Nord-Ouest, aux affleurements de la cuirasse ferrugineuse au Sud-Est marqués par des taches sombres, petites, entourées de plages plus claires.

Nord de Kaffrine.

R

- 635 -

(Cliohé de l’Institut Géographique National.)

FIG. 3. - Terrains salés s’infiltrant entre les anciennes dunes à l’Ouest de Fatick. Remarquer la digue de dessalement.

- 636 -

t

(Gliohé de l’Institut Géographique NatioaQI1.)

FIG. 4. - Limites d‘affleurements de la cuirasse au Sud-Est. Sols d‘alluvions dans la vallée où l’on voit les anciens méandres. Sols ayant subi l’érosion par ruissellement

entre la cuirasse et la vallée Nord de Malème-Hodar.

- 637 -

. (Cliché de l'Institut Géagraphiqus National.)

FIG. 5. - Limites d'affleurement de cuirasse au Nord. Taches concentriques claires et sombres representam les affleurements de cuirasse sur le plateau Nord

de Malème-Hodar.

- 638 -

(Gliohé de l'Institut Géo~gr~aphique Nationa.)

FIG. 6. - Sols Brodés au Nord. Puis limite d'affleurements de cuirasse et zones claires et sombres concentriques indiquant les affleurements sur le plateau Nord-Est

de Malème-Hodar.

- 639 -

(Gliohé de l’Institut Gographique Nationd.)

PIG. 7. - Vallée du Saloum. Au Sud, même aspect que sur la photo précédente. Au centre, alluvions argileuses, en sombre. Nord de MalBme-Hodar.

- 6’40 -

(Gliohé de l’Institut Gkographique National.)

FIG. 8. - Aspect réticulé des sols imperméables. Nord de Maka-Yop.

~,

h I

COMMUNKATION 'No _ _ _ _

prhsen t6e

à l a .

I

DE L

GOMA (KIVU) CONGO BELGE

' i

8-16 novembre 194

Extrait du u BULLETIN AGRICOLE DU CONGO BELGE i), Vol. XL, Fase. .&.i

5