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Luc Peeters Méthodes pour enseigner et apprendre en groupe

Méthodes pour enseigner et apprendre en groupe

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Méthodes pour enseigner et apprendre en groupe

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Luc Peeters

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Méthodes pour enseigner et apprendre en groupe

C haque enseignant est aujourd’hui appelé à concevoir et à mettre en œu-vre des séquences d’enseignement qui favorisent l’activité de l’élève. Pour que l’élève apprenne, il est nécessaire que l’enseignant ne se limite pas

à exposer les matières mais qu’il déploie des stratégies qui stimulent et faci-litent l’apprentissage.

La mise en œuvre de méthodes et de techniques adéquates est une des mis-sions de l’enseignant. Une meilleure connaissance de celles-ci ainsi que du groupe-classe facilite cette mission.

Ce livre est écrit par un praticien du groupe qui a une expérience de l’ensei-gnement secondaire et de la formation des enseignants. Il propose :

• une actualisation des connaissances relatives au groupe, au groupe-classe et au groupe-d’apprentissage ;

• une présentation, illustrée par des exemples, des principales métho-des et techniques de travail et d’apprentissage en groupe : réso-lution de problèmes, situations-problèmes, analyses de cas, jeux de rôles… ;

• une méthode de construction de séquences structurées de travail en groupe permettant aux enseignants d’échanger les séquences qu’ils construisent.

Un ouvrage qui invite les enseignants à la créativité et à l’utilisation de mé-thodes variées et motivantes.

ISBN 978-2-8041-0755-0

MEENAPwww.deboeck.com

Pédagogie générale

Sciences & mathématiques

Sciences humaines

Ouvertures

ENSEIGNEMENTSECONDAIRE

MEENAP-cov.indd 1 27/05/09 10:24:27

169Table des matières

able des matières

Introduction 7

Chapitre 1 La classe est un groupe 11

1. Travail de groupe, scénario catastrophe 11

2. Qu’est-ce qu’un groupe ? 14

3. Production, facilitation et régulation 19a. La production ou le niveau de la tâche 19b. La facilitation ou le niveau des méthodes et des procédures 19c. La régulation ou le niveau socio-affectif des relations 19

4. Statuts et rôles 20

5. Normes et règles 21a. Les normes de groupe réduisent l’incertitude 21b. Les normes contribuent à la conformité 21c. Certaines normes sont des produits originaux des groupes 22d. Comment l’enseignant peut-il faire évoluer les normes

du groupe-classe ? 22e. Les normes apparaissent dans les premiers moments

de la vie de la classe 23f. La norme n’est pas la règle 23

6. Autorité, influence et pouvoir 23

7. Personne centrale, leader et leadership 26

8. Peut-on apprendre en groupe ? 31

9. Le développement du groupe 36a. Le début du groupe 36b. La peur du groupe 36c. La pression à l’uniformité 38d. L’illusion groupale 38e. La désillusion 39f. La coopération 39

Chapitre 2 Quelle place pour le groupe dans les modèleset les stratégies d’enseignement ? 41

1. Les modèles d’enseignement 41a. Les modèles comportementalistes 42

Table des matières170

b. Les modèles d’interaction sociale 42c. Les modèles de développement de la personne 42d. Les modèles de traitement de l’information 43

2. Les stratégies d’enseignement 44a. L’enseignement direct 44b. L’enseignement indirect 45c. L’enseignement interactif 46d. L’apprentissage expérientiel 46e. L’étude indépendante 47f. Comment choisir une stratégie d’enseignement ? 47

3. Les méthodes d’enseignement 49a. Une typologie classique 49b. La typologie de Pfeiffer et Goodstein 49c. La typologie de Prégent 50d. L’intérêt des typologies de méthodes d’enseignement 51

Chapitre 3 Quelques techniques de travail en groupe 53

1. Le tour de table 55

2. La présentation réciproque 55

3. Les filtres 56

4. Le briefing 57

5. Le brainstorming ou chasse aux idées 58

6. Metaplan 60

7. Les mots-clés 62a. Variante 1, au moyen d’un seul tableau 62b. Variante 2, au moyen de plusieurs panneaux disposés

autour de la pièce 63

8. Le Q short 63

9. Le Phillips 6/6 66

10. Le panel 67

11. Les 7 points capitaux 69

12. Le diagramme causes-effet 69

13. Le concassage 72

14. La synthèse 1-2-4 73

15. La méthode Jigsaw 75

Chapitre 4 Construire des exercices structurésde travail en groupe 77

1. Introduction 77

2. Définition 78

Table des matières 171

3. Construire des exercices structurés de travail en groupe 79a. Les finalités et les objectifs 80b. La nature et la forme de la tâche 80c. Le contexte réel ou la situation fictive 81d. Le mode d’emploi 81

4. Exercice structuré 1. Le comité de rédaction 83a. Les finalités et les objectifs 83b. La nature et la forme de la tâche 83c. La situation 83d. Le mode d’emploi 83

5. Exercice structuré 2. Le prix de l’eau 85a. Les finalités et les objectifs 85b. La nature et la forme de la tâche 86c. La situation 86d. Le nombre possible de participants 86e. Les procédures et les durées 86f. Le matériel 87

6. Exercice structuré 3. le jeu des décisions 92a. Les finalités et les objectifs 92b. La nature et la forme de la tâche 92c. La situation 92d. Le mode d’emploi 93

Chapitre 5 Piloter un projet 97

1. Première étape : se mettre en projet 97a. Un défi 98b. Quel projet ? 98

2. Deuxième étape : dresser un état des lieux 99a. Identifier les besoins 99b. Identifier les contraintes 99c. Identifier les ressources 100

3. Troisième étape : définir des buts 102a. Les finalités 102b. Les objectifs 102

4. Quatrième étape : élaborer une stratégie 102a. Rédiger un plan d’action et un scénario 102b. Réaliser un graphe PERT 103c. Réaliser un planning de gestion du temps 105

5. Cinquième étape : évaluer et consolider 106

Chapitre 6 Jeux de rôles et exercices de simulation 107

1. Trois types de jeux de rôles 107

2. Conception et utilisationd’un jeu de rôles pédagogique 109

Table des matières172

3. Jeu de rôles. Un procès à Deir el Medineh 110a. La situation générale 111b. la liste des rôles 112c. Fiches individuelles de rôles 114d. Consignes aux observateurs 120e. Questionnaire pour les participants 120

Chapitre 7 Problèmes et situations-problèmes 121

1. Préambule ou application ? 121

2. Qu’est-ce qu’un problème ? 122

3. Comment traiter un problème en groupe ? 127

4. Pourquoi utiliser des problèmes ? 128

5. La situation-problème 129

6. Les caractéristiques d’une situation-problème 133

7. Rédiger une situation-problème 134

Chapitre 8 Analyse de cas 137

1. Présentation 137

2. Structure d’une étude de cas 140

3. Comment mener l’analyse d’un cas ? 140

Chapitre 9 L’apprentissage en groupe est-il efficace ? 147

1. Silence, le groupe mémorise ! 148a. Exercice pour les élèves 148b. Travail personnel de l’enseignant 150

2. Perdus sur la lune, extrait du top 10 des exercicesde travail en groupe 150a. Exercice 150b. Analyse de l’exercice par la classe 154c. Analyse de l’exercice par l’enseignant 155

3. Bloom, vous connaissez ? 157

4. Incroyable ! Bloom et Meirieu sont d’accord 159

Bibliographie 161

Table des principaux exercices 165

Table des figures 167

7

ntroduction

Introduction

De nombreux programmes de cours prônent aujourd’hui la participation activedes élèves afin qu’ils acquièrent des compétences. La création de séquencesd’enseignement qui s’inscrivent dans cette perspective est une activité com-plexe et créative qui requiert des habiletés dans trois domaines au moins :

� les disciplines et leurs référentiels de compétences qui constituent leterreau où se nourrissent les créateurs ;

� les théories de l’apprentissage qui montrent l’importance du conflitsocio-cognitif et du traitement de problèmes dans les processus deréorganisation des représentations qui conduisent au développementcognitif ;

� la psychologie sociale des groupes qui éclaire les processus collectifsà l’œuvre dans la classe et qui permet de comprendre et d’améliorerla gestion d’interactions favorables à l’apprentissage.

Ce livre s’inscrit dans le troisième domaine. Il aborde différentes formes dutravail en groupe que sont les analyses de cas, les jeux de rôles, les problèmes,les situations-problèmes, les projets et d’autres techniques, en les situant parrapport aux modèles et aux stratégies pédagogiques d’une part, en s’appuyantsur les travaux des praticiens du groupe d’autre part. Les exercices structurésde travail en groupe (voir chapitre 4) constituent une forme générique de l’en-semble de ces séquences.

Enseigner au moyen de situations-problèmes est une méthode parmi d’autres.Si la situation-problème occupe aujourd’hui une position centrale dans la ré-flexion didactique, c’est parce qu’elle tente de cumuler les avantages des mé-thodes d’enseignement classiques dites transmissives et ceux des méthodesactives. Au-delà des habituelles résistances au changement, la situation-pro-blème est l’objet de débats qui portent principalement sur le caractère non uni-voque du concept, sur l’extension à donner aux situations d’intégration et aussisur les difficultés de sa mise en œuvre.

Introduction8

Toute situation-problème doit-elle reposer sur un scénario aussi passionnantque celui d’un thriller ? Toute situation-problème s’appuie-t-elle sur une situa-tion d’intégration ? Est-ce l’activité de problématisation ou celle de résolutiondu problème qui favorise l’apprentissage ? Amener des élèves à des apprentis-sages que l’on voudrait quasi inévitables grâce à une situation stimulante nerelève-t-il pas de l’exploit ou de l’illusion ?

Les réponses à ces questions intéressent l’enseignant parce qu’elles influencentses pratiques mais les questions sont plus importantes encore parce qu’ellesdissimulent à peine un questionnement sur ses rôles.

On sait que l’investissement de l’élève dans l’apprentissage est indispensablepuisque seul l’apprenant peut effectuer la restructuration de ses représenta-tions mentales qui est constitutive de l’apprentissage. À partir de cette prémisse,les constructivistes affirment que l’élève doit être placé au centre des dispositifspédagogiques. Il appartient pourtant à l’enseignant de concevoir et de conduiredes dispositifs pédagogiques qui favoriseront cette évolution des représenta-tions. En cela, la mission de l’enseignant est, elle aussi, centrale, sans être iden-tique. L’enseignant est un stratège et un tacticien qui prépare des dispositifs etqui anticipe les réactions des élèves.

L’enseignant qui s’apprête à concevoir une stratégie pédagogique efficace doitêtre un homme-orchestre, simultanément technicien et artiste. Technicien quimaîtrise la matière de sa discipline, les théories de l’apprentissage et les métho-des de travail. Artiste qui crée les situations et anticipe les réactions du publiclors de la mise en œuvre.

Face à cette complexité, la tentation est grande de fournir aux enseignants desoutils pédagogiques prêts à l’usage. D’aucuns s’y emploient avec zèle.

Ce livre propose une autre approche. Nous souhaitons promouvoir la créationpar de nombreux enseignants de leurs propres séquences qui mettent les élèvesen activité, qu’il s’agisse de situations-problèmes ou d’autres formes de travailen groupe. En acceptant la contrainte d’une standardisation minimum (voirchapitre 4), les enseignants créateurs pourront échanger des séquences et utili-ser celles que des collègues auront construites.

Cette option nous paraît fondamentale : Ne pas apporter du poisson mais ap-prendre à pêcher… Ne pas transformer les enseignants en exécutants mais lesassocier à la création de leurs outils et les inviter ensuite à les échanger, dans laperspective de A. Camus lorsqu’il écrivait : La société industrielle n’ouvrira leschemins d’une civilisation qu’en redonnant au travailleur la dignité du créa-teur, c’est-à-dire en appliquant son intérêt et sa réflexion autant au travaillui-même qu’à son produit1. Mutantis mutandis, la création d’une séquencepédagogique recèle une valeur en soi. C’est une œuvre.

1. Camus A., L’homme révolté, Paris, NRF, 1951, p. 327.

Introduction 9

Trois remarques liminaires paraissent utiles pour éclairer la perspective adop-tée, même si elles apparaissent comme des évidences :

� La classe est un groupe. Ce livre s’inspire aussi de l’expérience ac-quise par des animateurs de groupes. Il propose cependant des adap-tations au contexte scolaire et, surtout, à la finalité d’apprentissage.Nous invitons le lecteur à ne pas conclure trop rapidement à l’inadé-quation de certaines méthodes. Pourquoi seraient-elles efficaces quasipartout (même avec des jeunes) sauf à l’école ?

� S’adressant à tous les enseignants, ce livre emprunte des situations àplusieurs disciplines afin d’illustrer des processus de travail en groupe.Toutefois, dans les limites de cet ouvrage, il n’est possible ni d’appro-fondir ni de contextualiser les situations abordées.

� La lecture est une méthode incomplète d’apprentissage de l’anima-tion des groupes. Une formation au travail en groupe constitue lecomplément indispensable et recommandé de ce livre.

Nous souhaitons que ce livre apporte une aide aux enseignants qui s’appuientsur le groupe-classe pour stimuler l’apprentissage.

41Quelle place pour le groupe dans les modèles et les stratégies ?

hapitre 2Quelle place pour le groupedans les modèles et les stratégiesd’enseignement ?

1. LES MODÈLES D’ENSEIGNEMENT

Les modèles d’enseignement sont des représentations simplifiées des systèmesscolaires qui décrivent principalement les finalités et les orientations généralesdonnées imprimées aux systèmes scolaires par leurs organisateurs. Ils intègrentdes connaissances scientifiques mais aussi des options idéologiques et politi-ques. Ils sont intériorisés dans des représentations de l’apprentissage et de l’en-seignement présentes dans la société et en particulier chez les enseignants quivéhiculent ces modèles de l’apprentissage, parfois à leur insu.

Un modèle d’enseignement est une représentation construite par des chercheurs.Il s’appuie sur l’observation des conceptions de la personne de l’élève, de l’ap-prentissage, de l’intervention de l’enseignant et des buts de l’éducation. Lesmodèles d’enseignement sont liés aux stratégies, aux méthodes et aux techni-ques d’enseignement ainsi qu’aux activités des élèves, ces liens n’étant pas uni-voques.

Figure 9 : Modèles, stratégies, méthodes et techniques

Techniques

Général

Particulier

Modèles

Stratégies

Méthodes

Chapitre 242

Il est intéressant de s’interroger sur les liens entre les pratiques de groupe àl’école et les modèles d’enseignement. Pour cela, esquissons d’abord un rapidepanorama des quatre principaux modèles d’enseignement proposés aujourd’huipar les chercheurs. Ils font référence respectivement à la modification ducomportement, à l’interaction sociale, au développement de la personne et autraitement de l’information1 :

a. Les modèles comportementalistes

Les modèles comportementalistes s’appuient sur la psychologie behavioriste.Ces modèles décrivent l’apprentissage comme une modification des comporte-ments par le renforcement de comportements adéquats pour l’élève et pourl’environnement. Dans cette perspective, l’élève répond à des stimuli et sa mo-tivation dépend de renforcements extérieurs. L’apprentissage se fait par asso-ciation stimulus-réponse, essentiellement par imitation et par approximationssuccessives qui conduisent aux comportements souhaités. Ces modèles se ca-ractérisent par des méthodes pédagogiques très structurées, telles que l’ensei-gnement programmé et les formes d’enseignement assisté par ordinateur quien dérivent. Un pédagogue représentatif de ce courant est B. Frederic Skinner(1904-1990)2.

b. Les modèles d’interaction sociale

Ils donnent priorité à l’éducation à la démocratie et à la formation du citoyen.Ces modèles prônent l’installation d’un fonctionnement démocratique en classeet l’utilisation de l’expérience sociale comme fondement des apprentissages. Ilsinsistent sur la contribution de l’école à la compréhension de la société et audéveloppement de compétences utiles dans les relations sociales. Ils prônent letravail en équipe, l’apprentissage coopératif, l’étude de cas et la résolution deproblèmes ainsi que les démarches créatives et le travail par projets. Une figuremarquante de ce courant est John Dewey (1859-1952)3.

c. Les modèles de développement de la personne

Les modèles de développement de la personne mettent l’accent sur le dévelop-pement intégral de l’élève et l’acquisition des processus qui conduisent à unemeilleure compréhension de soi. L’élève y est considéré comme acteur, il parti-

1. Cette classification s’inspire de Joyce B. and Weil M. (1996), Models of Teaching(5th ed). Englewood Cliffs, NJ. Prentice-Hall.

2. Voir : www.bfskinner.org.3. Voir Dewey J., Démocratie et éducation, Armand Colin, 1975. Le texte américain

peut être téléchargé gratuitement sur le site www.ilt.columbia.edu/publications/dewey.html.

Quelle place pour le groupe dans les modèles et les stratégies ? 43

cipe au choix des activités et sa motivation s’appuie sur ses besoins de dévelop-pement personnel. Les méthodes d’enseignement s’inspirent de la non-directivité et de la créativité. Ce courant prône, entre autres, les contratsd’apprentissage et la pédagogie du projet. Il s’inspire de la psychologie huma-niste. Une figure emblématique de ce courant est Carl Rogers (1902-1987)4.

d. Les modèles de traitement de l’information

Ils mettent en avant les processus cognitifs, c’est-à-dire l’acquisition, la maî-trise et le traitement de l’information. Ils s’appuient sur les recherches en scien-ces cognitives (neuropsychologie, informatique, intelligence artificielle) ets’intéressent au fonctionnement cognitif de l’élève en vue de développer descompétences fondamentales qui seront la base des apprentissages personnelsultérieurs. Le postulat central du cognitivisme réside dans l’hypothèse selonlaquelle la cognition est essentiellement la manipulation de représentationssymboliques La motivation de l’élève est déterminée par la valeur des tâchesd’apprentissage et par le contrôle qu’il peut avoir sur sa réussite. Les méthodesutilisées sont principalement l’étude de cas et la résolution de problèmes.

Une attention particulière est apportée à la construction des concepts et à laadéquates. Un des fondateurs de ce courant est Jérôme Bruner (1915 –).

Ces quatre modèles ne s’excluent pas l’un l’autre. Ils existent rarement à l’étatpur. Ils évoluent suite aux progrès de la recherche, particulièrement le plus ré-cent d’entre eux, le modèle de traitement de l’information. D’aucuns décriventun modèle socioconstructiviste comme une synthèse du modèle cognitif et dumodèle d’interaction sociale.

Les pratiques quant à elles sont éclectiques. Elles s’inspirent généralement deplusieurs modèles. Ainsi, une même méthode de travail en groupe peut êtreemployée en référence à plusieurs modèles d’enseignement. Il paraît cepen-dant difficile de se référer aux modèles d’interaction sociale et detraitement de l’information sans promouvoir la pratique du groupedans les classes.

Illustration. Le décret Missions

L’art. 6 du décret définissant les missions prioritaires de l’enseignement en Com-munauté française de Belgique assigne à tout organisateur d’enseignement lesobjectifs suivants :

– Promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de cha-cun des élèves ;

4. Rogers C., Le développement de la personne, Paris, Dunod,1970, 1966 pour l’édi-tion américaine.

Chapitre 244

– Amener tous les élèves à s’approprier des savoirs et à acquérir des compé-tences qui les rendent aptes à appendre toute leur vie et à prendre uneplace active dans la vie économique, sociale et culturelle ;

– Préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de con-tribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluralisteet ouverte aux autres cultures ;

– Assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale.

Quel(s) modèle(s) d’enseignement peut-on associer à ces objectifs ?

2. LES STRATÉGIES D’ENSEIGNEMENT

Les stratégies d’enseignement sont construites par les enseignants en vue dedévelopper des compétences et de faciliter des apprentissages. Il existe plu-sieurs catégories de stratégies : l’enseignement direct, l’enseignement indirect,l’enseignement interactif, l’apprentissage expérientiel ou l’étude indépendante.Certaines stratégies font appel à des méthodes bien déterminées, mais d’autresméthodes sont utilisées dans une variété de stratégies5.

a. L’enseignement direct

Les stratégies de l’enseignement direct visent essentiellement à transmettre desinformations et à vérifier leur compréhension, elles permettent aux élèves d’ac-quérir rapidement des connaissances. L’enseignement direct est très couram-ment utilisé dans l’enseignement secondaire. Les scénarios d’enseignementdirect s’appuient sur les exposés, les exercices et les démonstrations mais aussisur l’utilisation d’aides audiovisuelles de toutes sortes, qui peuvent être des lo-giciels de présentation (Power Point) ou des films6. Dans cette stratégie, l’en-seignant joue un rôle primordial. Il présente d’abord les informations, la règleou le modèle, il illustre ensuite par des exemples dans une démarche générale-ment déductive.

À première vue, l’enseignement direct paraît efficace et facile à mettre en œu-vre. Cette illusion découle de la perception rassurante par l’enseignant de sapropre activité et de l’omission d’une réelle évaluation à moyen terme dessavoir-faire maîtrisés. On constate en effet que les stratégies d’enseignement

5. Le livre de Jacques Tardiff : Pour un enseignement stratégique. L’apport de la psy-chologie cognitive. Montréal, Les Éditions Logiques, 1992, a contribué à la popula-rité du concept de stratégie d’enseignement. Les cinq familles de stratégies présentéesici sont inspirées des recommandations du Ministère de l’Apprentissage de la Pro-vince canadienne du Saskatchewan.

6. À l’exclusion toutefois de la production de documents audio-visuels par les élèves.

97Piloter un projet

hapitre 5Piloter un projet

Le projet est une tâche– définie et réalisée en groupe,– impliquant une adhésion et une mobilisation de celui-ci,– parce qu’il résulte d’une volonté collective basée sur des désirs,– aboutissant à un résultat concret, matérialisable et communicable,– présentant une utilité par rapport à l’extérieur.

Le Grain, 1982 1

1. PREMIÈRE ÉTAPE : SE METTRE EN PROJET

Les phases de préparation, de réalisation et d’évaluation d’un projet sont desdémarches collectives mais à l’origine du projet se trouve généralement l’idéed’une personne. Analyser l’émergence du projet permet souvent de favoriser saréussite et surtout de s’assurer qu’il s’agit bien d’un projet et qu’il est adapté àtelle classe.

Souvent, un projet naît de la perception d’une insatisfaction, ou d’une opportu-nité. Deux situations sont présentes simultanément dans la pensée du concep-teur du projet. La première, actuelle, est perçue comme insatisfaisante parcertains aspects. La seconde, future, présente une réponse aux lacunes identi-fiées dans la première situation.

La première situation (S1) peut donc être décrite. Des faits sont repérés, analy-sés et reliés entre eux. La seconde situation (S2) n’existe au départ que dansl’imagination ou le rêve de l’auteur du projet. Réaliser un projet, c’est résoudrele problème qui consiste à construire la situation S2 dans la réalité à partir de lasituation S1. Réaliser un projet n’est donc pas un travail d’abeille mais un tra-vail d’architecte car tout projet se construit d’abord dans la tête avant de seconstruire dans la réalité2.

1. Le Grain, Le défi pédagogique. Construire une pédagogie populaire,Bruxelles,Éditions Vie Ouvrière, 1982

2. François Mittterand met en exergue de son livre L’abeille et l’architecte, Flamma-rion, 1978, cette idée qu’il emprunte à Karl Marx.

Chapitre 598

a. Un défi

Un projet est un défi. Cette perception simultanée de S1 et de S2 révèle simulta-nément des obstacles et une incitation à les dépasser. La personne qui imagineun projet croit à la possibilité de dépasser les obstacles et de créer des solutionsnouvelles, parfois inconnues. Ce défi est un inédit possible dont parle PauloFreire3.

b. Quel projet ?

Le projet est une action de transformation du réel (de S1 vers S2) qui a aussipour effet d’augmenter l’autonomie des acteurs dans la mesure où il leur per-met de prendre en charge la responsabilité de problèmes qui les concernent. Cedéveloppement de l’autonomie des acteurs implique que le projet permette decomprendre son environnement, de se situer par rapport à lui et d’agir sur lui.

Pour que des projets puissent être réalisés avec un groupe-classe et que cestrois buts puissent être visés, la culture de l’école doit être accueillante à ce typede pédagogie qui entraîne le plus souvent des modifications occasionnelles del’organisation scolaire. Si l’on veut mener une action qui mérite le label de « pro-jet », il faut se garder dès l’origine de deux dérives. La première consisterait àconfondre le projet et ses buts. Il s’agit bien en effet de favoriser des apprentis-sages par une méthode active qui dynamise les élèves et non de réaliser uneactivité ou un objet comme une fin en soi. Souvent le projet suppose la réalisa-tion d’une action ou d’un objet matériel mais ce sont là des moyens et non desbuts. La finalité d’un projet au sein d’une classe consiste toujours à apprendre.La seconde dérive serait de confondre un projet personnel de l’enseignant etcelui d’un groupe d’élèves. Par souci de modernité du langage, on appelle par-fois projet ce qui n’est en fait qu’une idée de l’enseignant, voire d’un élèveinfluent.

Aide-mémoire pour se mettre en projet

• Pourquoi un projet et non une situation-problème, un exercice ou un exposé ?

• Quel est l’objet du projet ?

• Décrire les situations S1 et S2

• Ce projet va-t-il permettre– de mieux connaître l’environnement ?– de mieux se situer par rapport à l’environnement ?– d’avoir une action sur l’environnement ?

• Qu’est-ce qui me fait croire que le projet est réalisable ?

3. Paulo Freire, Pédagogie des opprimés, Paris, Maspéro, 1974, p. 10.

Piloter un projet 99

2. DEUXIÈME ÉTAPE : DRESSER UN ÉTAT DES LIEUX

a. Identifier les besoins

En plus de favoriser l’apprentissage, un projet doit répondre à des besoins desélèves et, si possible, à ceux d’autres acteurs de l’école. Mais ces besoins ne sontpas toujours directement perceptibles. Le plus souvent, ils ne sont pas expri-més sous forme d’une demande mais seulement accessibles à une sollicitationde l’enseignant.

Avant de se lancer dans la réalisation d’un projet, il convient de s’interroger surles motifs (intellectuels) et les mobiles (affectifs) qui inciteront des enseignantset des élèves à participer à sa réalisation. La lucidité du promoteur d’un projetsur ses propres enjeux doit aussi être interrogée. Définir les objectifs d’un pro-jet ne suffit donc pas. À ce stade, une aide extérieure – d’un collègue, pas exem-ple – peut éclairer d’une lumière nouvelle des situations trop familières aupromoteur d’un projet.

Aide-mémoire pour dresser un état des lieux

• Qu’est-ce qui me pousse personnellement à entreprendre ce projet plutôtqu’une autre action ?

• Quel rapport ce projet entretient-il avec ce que j’aime ?

• Quelle occasion ai-je voulu saisir ?

• Quels besoins de mes élèves le projet rencontre-t-il ?

• le projet va-t-il favoriser des apprentissages ou s’appuie-t-il sur des compé-tences déjà maîtrisées ?

b. Identifier les contraintes

L’analyse des contraintes évite de se lancer de façon inconsidérée dans des pro-jets grandioses qui se révèlent ensuite irréalisables. Dans la préparation d’unprojet, il importe de distinguer les contraintes objectives et les contrain-tes subjectives.

Les contraintes objectives sont des caractéristiques qui structurent la classeou l’école. On peut distinguer des contraintes spatiales, temporelles, techni-ques et sociales. Il est intéressant de mener simultanément le repérage des con-traintes et l’inventaire des ressources.

� Les contraintes spatiales : il est important d’être attentif aux li-mitations liées aux espaces, aux locaux, aux distances. Le nombre depersonnes engagées dans le projet, leur âge mais aussi le type d’ac-tion envisagée imposent des contraintes spatiales.

Chapitre 5100

� Les contraintes temporelles : selon le temps disponible et l’am-pleur du projet, il importe de fixer des échéances réalistes. En par-tant des exigences liées à la réalisation du projet. La gestion du tempsse fera souvent selon une technique de « compte à rebours ».

� Les contraintes techniques : le projet peut être limité par le ma-tériel auquel on peut avoir accès. Le plus souvent, les contraintes spa-tiales et techniques sont liées à des contraintes budgétaires qu’ilimporte d’estimer dès que possible.

� Les contraintes sociales : un certain nombre de normes ou derègles peuvent déterminer la liberté d’action de ceux qui veulent dé-velopper un projet surtout s’il est perçu comme innovant.

Les contraintes subjectives proviennent de normes que nous avons intério-risées et qui ne sont pas nécessairement celles de l’école. Nous percevons cesrègles intérieures comme des obligations (« Je dois maintenir une distance avecmes élèves ») ou des interdictions (« Je ne peux pas demander la collaborationdu professeur de mathématiques »).

À ce stade, il faut repérer avec lucidité les contraintes que la réalité imposera auprojet. Toutefois, la prise de conscience de certaines d’entre elles peut être lepoint de départ d’une action visant à s’en libérer. Toutes les contraintes repé-rées ne vont pas entraver le projet. Il faudra distinguer les contraintes levableset celles qui ne le sont pas. Parmi les contraintes sociales et les contraintes sub-jectives, il faudra tenir compte de l’inévitable résistance au changement.

c. Identifier les ressources

Les ressources sont des atouts qui permettent d’élargir la marge de liberté envue de réaliser le projet. Alors que les contraintes sont généralement détermi-nées par la situation, les ressources sont plutôt liées aux acteurs engagés dansle projet.

Les ressources présentent deux caractéristiques intéressantes :

– chaque acteur repère certaines ressources d’où l’intérêt de construire leurinventaire en groupe,

– une ressource n’est pertinente que pour atteindre certains buts ; les res-sources doivent donc être identifiées pour un projet déterminé.