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mgversion2>datura mgv2_55 January 2006 issue

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Arlette HomsJean-Christophe BelleveauxDenise Therriault-RuestPatrice MaltaverneBZoneWalter RuhlmannYvette VasseurRégis BelloeilCathy Garcia

Marie Eve GuillonCarl MagnanMichael LecomteBruno TomeraAlain CrozierRobert SerranoP.Viktor

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Arlette Homs Derniers rayons

Une route ocre-rougeQui serpente entre blanc et azurInondée d'un soleil au zénith.La blancheur des maisons basses,Et des pétales des fleurs d'orangerHabillent les fontaines au murmure cristallin,Sous le reflet mordoré des derniers rayons.

Une route ocre-rouge,Un ciel bleu profond et intenseL'astre du jour est bas à l'horizon,Il souligne la sensualité du paysage :C'est l'heure où tous les parfumsSemblent s'élever de la terreDans un chant plein d'une magie sereine.

Derniers rayons, derniers espoirsvoici venir le crépuscule.

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Jean-Christophe Belleveaux Dernier domicile connu

J’habite mon cadavre. Avec la passion d’un amateur d’orchidées, j’en observe l’épanouissement.J’habite mon cadavre, un sac qui a laissé filer des hectolitres de mots - et de vin rouge. Reste un peu de lie au fond, desséchée, qui cimente mon souffle, ma voix, l’articulation de mes genoux au moment du lever.Raideur encore de mes jambes quand je quitte la chambre, descends l’escalier, frileusement protégé par un T.shirt - et mon sexe ridicule ballotte en dessous.J’habite un lieu impossible : le corps. Je réchauffe un café filtré la veille, assois mes fesses nues sur le skaï vite tiède d’une chaise des années 70.Exagération de la matière : la vie.Pas rare que j’oublie le café, mon sexe ridicule ridiculement posé sur le skaï de la chaise, entre mes jambes, là. J’ouvre le frigo : un monde vers quoi s’échapper. Entrer dans la religion du froid, tout ralentir maintenant jusqu’à extinction complète : barbaque qui verdit si on ne la congèle pas. Non. Pas aujourd’hui. J’ouvre possiblement un yaourt. A la cerise.J’habite un corps en devenir. Le mot est lâché, s’ajoute aux hectolitres.Le « devenir » : grossièreté, masque, mensonge, saloperie pour dire : la mort.- dimanche 03 déc. 06 H 36 -Quoi attendre ?Nuit au dehors, skaï qui colle aux fesses, pas de vérité, puzzle qui n’existe pas ; rien à reconstituer avec ces morceaux brisés. Je hume. Le froid. La terre. Le pourrissement.J’habite un cadavre, une fleur qui participera enfin au cosmos, une fois éclose. Et fanée. Le Tout se nourrit du Tout.J’habite... Merde, mon café est encore en train de bouillir !

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Denise Therriault-Ruest Le serment

À l’heure bleueminute magique où les dieux se couchent sur la merj’ai marché solitaire sur la plage désertéej’ai marché dans les pas zigzagants de quelques amantsqui avaient échangé des serments légers comme des soupirsd’oiseau moucheJ’ai vu la lune se glisser en chemise transparentedans le nacre des coquillages que des fées avaient retournésle chant d’un huart est venu déterré ton visageque j’avais enfoui dans un jardin à fleur d’eauun manque invivable m’a enserré le cœuret ton nom s’est imposé comme la gifle d’un vent du largej’ai pris une branche dépouillée par le temps et les maréessur la grève, j’ai écrit ton nom en grosses lettrespour que les dieux le regardent bienet jamais ne le confondentj’ai brûlé la branche afin qu’elle ne bavarde pasni sur ton nom,ni sur mon serment de t’aimeraussi sûrementque les marées disperseront les grains de sablequi auront silencieusement porté ton nom.

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Patrice Maltaverne

Pendant que j’avais les yeuxEloignés de la lumière pour toujoursDans mon appendice de celluleOnt été jetés les habitsDe la femme avec qui j’ai couchéLa dernière nuit

Je sens qu’ils sont làRoulés en bouleLes habits de fête et de deuil

Bientôt je me prendraiLes pieds dedansEt il faudra encore implorer pardonDès minuit à la princesse des traîtresSentir une barre de ferArrêter ma saliveEn odeur de sainteté.

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Patrice Maltaverne

Les jours font avancer des corpsPresque translucides

Dommage que nous soyons devenusLeurs bêtes de somme

Savons-nous si nous sommes encoreAu dehors de nous-mêmes ?

Je connais un aveugleQui risque tous les joursDeux doigts de glace sur le clavier d’un piano

C’est la seule personneA avoir répondu à la pluieCar rien d’autre ne s’ajouteA la torpeur descendue sur notre verrière

Un désert nuageux s’étend avec douceurSur l’occident que même les statuesRefusent de sauverElles qui mâchent des pare-chocsA chaque nouvelle commémorationDe la guerre.

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Patrice Maltaverne

Les petits hommes attendent que les murs tremblentPour les ensevelirA moins qu’un brin de ciel bleuFavorise le tsunami des chères inconsciences

Il y aura toujours des mortsLà où ça bouge

La tectonique des plaquesLa chute d’astéroïdesAimantent les ombresMieux que des régiments de bronze

Notre seul dieu va descendre du cielEt nous aurons bien mal partoutFaute de voir l’invisibleAvec les yeux du sang

Nous sortons déjà à peineDe nos lits au fond desquelsLa disparition est plus noire.

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Bzone Homogénéité

C'est mon histoire et je tombe du trente-cinquième étage.Jusque là tout va très mal : à chaque niveau les mêmes zombies, les mêmes naufrages.Des centaines de corps avec des têtes de mort.Je me délite.Lâcher encore un peu plus de lest, devenir homogène et puis plus rien.Je tends à la perfection, je me ressemble : j'ai le corps le cœur le cortex en sang.J'ai la tête en condensation.En raréfaction.

Ils m'arrachent des morceaux de ma vie, me sapent mon assise, me ruinent les organes, me fouissent et me contiennent, me fouillent, me souillent, me trépanent et me séparent.Mes amants se repaissent et se barrent et s'emparent des couleurs de mes veines.Exsangue, ex lucide, énucléé, parfait.

Le troisième jour s'il existe je serai pillard bâtard et carnivore.Je serai barbare et mauvais sort.J'aurai l'œil sec, l'haleine salée, le cuir des Huns, le cœur Tartare.Je serai vampire ou bien je serai mort.

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Walter Ruhlmann Les observatoires nocturnes (extraits)

Les portes blanches se referment et dans les chambres intestines, les refuges infinis des corpulences universelles grandissent en chantant les refrains envoûtants des fruits perdusles clandestins fuient vers les planètes rouges courant le risque de se perdre dans les empreintes de la nuitet dans le ciel se reconnaissent les astres fous et bigarrés tandis que nous nous endormons dans les ruelles de la vie.

Les heures pluvieuses s’écoulent le long des vitres brunes et leur besoin de sang vampirise mes nuits qui effleurent les rêves bannis des temples grisgravé dans le roc, le refrain des espoirs détruits reflète les fioritures célesteset les sources du froid conduisent les frimas loin des ogres sauvages assoiffés de vin.

Nos tombeaux suent et leurs yeux néfastes nous narguent sans scrupuleles narguilés chavirent dans les cieux défunts et les vapeurs orientales nous enivrentla terre sèche remplie les fosses et nos corps ensevelis crachent le sang noir à la figure des angesempoisonnés, nous rangeons nos vies dans le soufre et vomissons les poussières grises.

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Yvette Vasseur La grande industrie

Ici là basOn ne voit pasOn ne voit plusDe camions à bestiauxEt pourtant, et pourtant…Les bêtesVeaux, vaches, cochons, lapins, volailles…Courent sur l’écran de télévisionOù elles sont en bonne santéPour la publicitéPour le salon de l’agricultureOù elles sont abattuesQuand il y a la fièvre aphteuse,La tremblote, la grippe aviaireSécurité sanitaire oblige…

Ici, là bas.On ne voit pasOn ne voit plusLes bêtes comme des êtres dignes de respectCe sont des protéines sur pattesQui vont à l’abattoir sept cent par joursAlignées à coups de triques électricesDans un vacarme assourdissantDans un enfer blanc selon les normes internationalesOù pisse le sang abondammentDans ces camps d’extermination pour les animauxOù nous avons depuis longtemps assassinéNos Dieux de Compassion.

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Régis Belloeil La quête de l'ange I

Une fois de plus, un vent violent balayait la place de la gare, courbant les maigres arbres sous le regard moqueur de la lune endormie. Je trouvais parfois refuge dans un des bars de cette place, surtout les soirs de pluie où je ne supportais plus de rester enfermé entre les quatre murs de mon studio.Ce soir-là, les ombres grises de passants frissonnants s'agitaient derrière les vitres du bistrot, tandis que les néons striaient l'obscurité de filaments roses et bleus, et que le ciel, ténébreux et sans futur, semblait observer les humains en silence.Elle s'était retournée vers moi en plantant dans mon cœur ses yeux de jeune chatte effarouchée par la vie. Je ne la connaissais pas - pas encore - mais son regard félin parvenait sans peine à transpercer la brume de mon cerveau. Mon esprit tordu la vomissait déjà pout tout ce qu'elle serait susceptible de me faire. Et j'aimais ça.Je lui avais dit qu'elle n'avait rien de commun avec les autres, toutes les autres, mais elle n'en crut pas un mot, pensant que j'étais un baratineur. Dommage. Je n'avais jamais été aussi sincère.Sa différence, elle s'en foutait ; ce qu'elle voulait, c'était du soleil, et basta ! Dans ma tête, le compte à rebours avait déjà commencé.Le comptoir de ce bar était vraiment dégueulasse, avec ses ronds de bière séchée incrustés dans la poussière. J'interprétai ça comme le signe que cette histoire s'annonçait moche, même si le plaisir n'a que faire de la beauté.Je ne pouvais m'empêcher de claquer des dents. Déjà deux jours sans dormir, mais pas sans boire. Mes yeux clignotaient en vain dans le néant à la recherche d'un autre signe, de meilleur augure. J'allumai alors une cigarette pour tenter d'oublier ce que j'étais en train de faire.J'avais envie d'aller au cinéma, ou n'importe où, du moment que c'était ailleurs. Fuir. Seul. Je fermai les yeux un instant, dans l'espoir que le rêve se dissipât, mais lorsque je les rouvris, elle se trouvait toujours face à moi. Je devinais, à sa façon de poser son regard sur ma solitude, qu'elle commençait à s'attacher voire, pire, à m'aimer. Une fois de plus, le piège était en train de se refermer. Coupable ou victime, les rôles sont interchangeables, mais le résultat ne varie guère. Natassia. Pas de ma faute si je ne t'aime pas.

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Régis Belloeil La quête de l'ange II

Une fois de plus, un vent violent balayait la place de la gare, courbant les maigres arbres sous le regard moqueur de la lune endormie. Je trouvais parfois refuge dans un des bars de cette place, surtout les soirs de pluie où je ne supportais plus de rester enfermé entre les quatre murs de mon studio.Ce soir-là, les ombres grises de passants frissonnants s'agitaient derrière les vitres du bistrot, tandis que les néons striaient l'obscurité de filaments roses et bleus, et que le ciel, ténébreux et sans futur, semblait observer les humains en silence.Elle s'était retournée vers moi en plantant dans mon cœur ses yeux de jeune chatte effarouchée par la vie. Je ne la connaissais pas - pas encore - mais son regard félin parvenait sans peine à transpercer la brume de mon cerveau. Mon esprit tordu la vomissait déjà pour tout ce qu'elle serait susceptible de me faire. Et j'aimais ça.Je lui avais dit qu'elle n'avait rien de commun avec les autres, toutes les autres, mais elle n'en crut pas un mot, pensant que j'étais un baratineur. Dommage. Je n'avais jamais été aussi sincère.Sa différence, elle s'en foutait ; ce qu'elle voulait, c'était du soleil, et basta ! Dans ma tête, le compte à rebours avait déjà commencé.Le comptoir de ce bar était vraiment dégueulasse, avec ses ronds de bière séchée incrustés dans la poussière. J'interprétai ça comme le signe que cette histoire s'annonçait moche, même si le plaisir n'a que faire de la beauté.Je ne pouvais m'empêcher de claquer des dents. Déjà deux jours sans dormir, mais pas sans boire. Mes yeux clignotaient en vain dans le néant à la recherche d'un autre signe, de meilleur augure. J'allumai alors une cigarette pour tenter d'oublier ce que j'étais en train de faire.J'avais envie d'aller au cinéma, ou n'importe où, du moment que c'était ailleurs. Fuir. Seul. Je fermai les yeux un instant, dans l'espoir que le rêve se dissipât, mais lorsque je les rouvris, elle se trouvait toujours face à moi. Je devinais, à sa façon de poser son regard sur ma solitude, qu'elle commençait à s'attacher voire, pire, à m'aimer. Une fois de plus, le piège était en train de se refermer. Coupable ou victime, les rôles sont interchangeables, mais le résultat ne varie guère. Natassia. Pas de ma faute si je ne t'aime pas.

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Régis Belloeil La quête de l'ange III

J'ouvris la porte, la refermai sans bruit avant de dévaler les escaliers en direction de la rue déserte. Retour à la case départ, une fois de plus.

RIEN

A la tombée de la nuit,Le spectacleDu ciel en feuLe souvenirD’une fille de rêveRêvée...Enfant de l’horizonCheveux au ventRegard tendreAutrefois tombée du paradisComme par inadvertanceEn contrebas, la ville illuminéeOù l’on me dit fouMoiQui ne suis que lucide, incapable d’oublierCrasse, égouts, bétonEmprisonnésDans la lumière des néonsDerrière moi, rienDevant moi, un murRienSeul le présent compte et aujourd’huiJe suis heureuxJe ne désirePlus…

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Cathy Garcia Ouaf !

Les chats aboient, les cadavres passent et la nuit se marre derrière sonmasque de poix.Une marquise des rues bondit, féline dans ses guenilles, lance un sourireaux étoiles, aux maudits passants et avec une bougie blanche met le feu à la ville !Petite marquise ! Elle a déjà beaucoup vécu la princesse chenille et ce soirencore, des papillons s'échappent de sa bouche colorée, des papillonsétincelants qui sèmeront la soif d'amour dans les gorges impures d'amantsesseulés. Des amants qui rôdent en quête d'assouvissement bon marché.Petite marquise à demi-nue promène son ombre sur les murailles et les amants deviennent fous. Ils sont comme des chiens qui se disputent un os déjà rongé, un os fluet comme une flûte d'où s'échappe une étrange musique.La petite marquise au corps blessé gémit tout doucement, en souriant. Lamusique juste dans sa tête, lancinante.Les amants sont partis, ils ont regagné leurs lits, leurs épouses et leurspantoufles fourrées, obéissantes. Des gens bien comme il faut en somme.Si des gamines se donnent pour quelques sous, après tout, ils n'y sont pourrien.Une bonne nuit de sommeil et demain il n'y paraîtra rien.

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Cathy Garcia Une giclée d'incohérence

Croûtes de soleil, cicatrices de magma dans le grand creuset de chair. Rites barbares au fond du grand puits des sept silences. Étoiles écartelées qui gisent dans les sillons des pleurs. Cour battant frappé au couteau d'obsidienne, avalanche rouge sur le corsage bleu d'une vierge.Bijoux incandescents greffés aux lèvres, des meutes de baisers incendiaires.Trappes muettes tendues sur les murs. Grappes de verges offertes au temple détruit, blessures guerrières qui jonchent les tapis.Un bleuet part en fumée au ciel des charnières et dans les jardins du périscope, une mante non religieuse suce des fourmis à miel. Un songe passe, déguisé en mendiant.Le cocher noceur frappe trois fois le sol et une rigole s'enfièvre tout en maudissant son sort.Les mouches fermières ronronnent sur la peau de lait tiède. Sur les toits, une pie s'effarouche d'un soleil de fortune et dans les hautes herbes, les cailles s'endorment en rêvant à des nids sur la lune. Un cachalot blême fend le brouillard et les larmes des sirènes brillent à la pointe des poignards.Une guêpe allumée dessine des jarretelles sur les jambes alambiquées d'une musaraigne. Les laitues sont aux champs, les biches aux abois. Les mûres pourrissent en chantant sur les chemins rompus aux épines et le bitume devient luisant à coups de talons aiguilles.Une jupette fendue s'est tâchée dans la brume, arrachée sur le port entre deux caisses de marchands d'huile. La stupeur s'est avancée, encadrée d'hommes nus et son sexe a claqué comme une mâchoire.

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Cathy Garcia Des airs humains

veines ensabléescour aridesouffle taridésertanthropomorphele mirage est roile mirage est loilèvres crevasséeslangues mortes

a t-elle déjàseulementexistél'oasis ?

oasis de paix

l'hommeeffondrésur lui-mêmesa saliveempoisonnéeses crachatsincendiairessa morve.

l'homme,tas de poussière

brûle t-il encore ?a t-il mis son âmeà blanchir ?à coups de becsdésillusions voraces.

l'homme,son âme a t-elle des cornes ?

homme bétail,

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détail,vent de malheur.

reste le sel,des vallées de sel.et lui, pleure t-il ?

Marie-Eve Guillon Suicide

Le ciel, brusquementS’est tailladé les veines.En silence,Téméraire et digne,Sans un cri.

Ce soir là,Les âmes parisiennesTrouvèrent, fort justement,Que cette pluieAcideAvait un goûtDe sang.

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Carl Magnan Le blanc est rose

Le blanc est rosedans l’immense bleuLe blanc est rose

Les montagnes d'ouatenous parlent d’autres mondesLes rues d’asphalteen ont des sueurs froides

La boule de feu s’endortLa lune n’est qu’un croissanttimide dans l’opale

Le blanc est rose,comme le doux rideaude cette jeune femme,comme les fins pastelsdes son intérieur

Le blanc est roseLes dieux se font la courJe fais l’amour aux maisons.

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Carl Magnan Tous ces additifs dans tes pâtés

Tous ces additifs dans tes pâtés,toutes ces saloperies dans tes purées,dioxyde de silicone,acésulfame de potassiumet autres cochonneries,ça fait partie du grand planComme bien d’autres choses,c’est pour te maintenir endormiC’est pour te maintenir esclaveEsclave de ta pensée,esclave de tes illusions,esclave de la machineGouvernements et compagniespréfèrent graisse à matière griseParano me crois-tuOn s’en reparlera après le grand saut.

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Michael Lecomte Par la fenêtre ouverte

Par la fenêtre ouverteon voit des avionsqui piquent du pollenau flanc noir d’un nuageUne odeur de café vient de la cuisineoù ta main doucementincline la bouilloireLa chambre est petiteavec un lit pour deuxDans l’eau du lavabose croisent des paquebotsvastes harmonicas qui fumentLa glace renvoie nos corps vers les étoilesSur la lune un point blanc titubec’est l’enfant Jésusqui porte sa locomotive.

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Bruno Tomera Le grand ordre de l'univers

Le grand ordre de l’univers.Depuis que le sureau noirDéchire l’herbe et le cielDes martinets tentent d’envahirLa chambre où nous logeonsNos derniers rêves.C’est de bonne guerreLa vie n’est qu’un volIrrégulier vers un peu de confort.Tu m’annonces sourianteUne nouvelle qui te séduitPaolo voudrait que tu vives avec luiTu as éludé mais j’ai bien sentiQue l’harmonie de nos instants glissait vers l’imparfaitQuand de mépris tu as balancé mes poèmesPar la fenêtre ils se sont éparpillésPapillons griffonnés de traits incertainsJe n’ai pas moufté autant dire que je m’en fousJ’ai allumé une clope et regardé le journal téléviséAvec cette nuit décolorée par les viseurs ultraviolets des soldats américainsAvec les épîtres concurrentielles du marché des apôtres de l’OMC.Je me suis dit qu’il était temps de sortir le chien,De remplacer le fuyant robinet de la cuisine,De poster un poème lumineux à un revuiste illuminé et laborieuxAvant qu’une bombe terroriste ou qu’un chanteur académicienNous ensevelissent pour de bon dans l’inachevé.En achevant la dernière moitié de la dernière bouteille de MorgonJ’ai téléphoné à Paolo pou lui souhaiterBien du plaisir et que tu adorais te faire téter les seinsIl le sait déjà…Le vivant s’organise autour de petits détailsQui fondent le grand ordre de l’univers.

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Alain Crozier Flashes de vie (extraits)

Adèle dans la cuisine

Adèle dans la cuisine.Clope au bec.Comme tous les soirs.Parisienne.Dans un immeuble parisien.Avant de dormir.Guettant une Portugaise.

Villa romana

Soleil levantSur le lac,A travers les piliersDe la villa romaine.Lever tôt,Pour finir un travail,Quo Vadis time.Calme et luxeSérénité.

24 heures

Sous ciel gris de mai,La pluie incessante annule tout.Fermant les volets du salon,Fixant les voitures de la télévision.J'hésite à sortir me mouiller,J'aimerais rejoindre la kermesse.La pluie est toujours incessante,La tension est latente.

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Route de Lisbonne

Les lampadairesDe l'autoroute de nuit,Défilent dans l'été étouffant,Je me dirige vers ma perte,Musique de road-movie.La voiture roule à vive allure,La route de LisbonneEst une route pleine d'illusion.

Dimanche matin

Début de la fin.Dimanche matin,Le soleil et les oiseaux se lèvent.Silvia se joint à moi,Dans mon manteau.Nous nous enfermons,Devant la boite,Seuls, faisant attendre,La chauffeuse.

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Robert Serrano Paula

A quinze ans, les vacances en famille, c’est galère...Pourtant, ce soir là, je n’eus aucun regret de « les » avoir suivis pour « l’interminable promenade digestive ».Ayant lâché mes parents et ma petite sœur, je m’en fus mains aux poches me balader, voir les gens, visiter les alentours.J’étais un peu en colère d’avoir quitté mes potes, ma mob et ma piaule.De tous cotés, tels des fourmis, les touristes déambulaient dans tous les sens. Des bars crachaient leurs musiques. L’odeur des frites, des gaufres et des churros agressait mes narines.Dans leurs présentoirs vitrés gisaient des pauvres pizzas de plus en plus maigres, mêmes pas alléchantes. Pâte fine pour aigrefins...De la droite, me parvenait la voix d’une fille qui chantait le dernier tube de Céline Dion... Encore un bar qui pratiquait le Karaoké...J’avais envie de m’asseoir. Des yeux je cherchais une place sur une des nombreuses margelles entourant les réverbères.

Quand j’ai posé les yeux sur toi, ton regard a pris le mien...J’ai de nouveau baissé mes yeux, j’ai regardé tes jambes, ta jambe. Puis à nouveau je t’ai fixé.Ton visage s’est durci, il semblait dire: « Et alors? »En même temps tes yeux bleus me scrutaient, m’interrogeaient. Que désiraient ils me dire? Je ne saurais l’exprimer.Je t’ai demandé: « je peux m’poser? »-Ouais... tu m’as répondu froidement, métalliquement.Puis tu as allumé une cigarette.-T’en as une pour moi? T’ai-je demandé.Tu m’en as tendu une, comme ça, tirée de ton paquet, du bout de tes ongles vernis de noir.-T’as du feu aussi?Tu as allumé ton briquet et balancé la flamme sous ma cigarette, sans me regarder...brutalement.-Je m’appelle Gabriel, et toi?-...............................silence.-C’est comment ton nom?-Qu’est ce que ça peut te foutre môme?-Pardon, excuse-moi.Soudain son regard dur semble m’apercevoir.-Paula, je m’appelle Paula, et toi Gabriel, c’est ça?

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-Ouais.-L’archange?-Non merci, on me l’a déjà sorti.-Excuse vieux.-Paula?-Quoi?-Pourquoi t’as l’air en colère?-Mais pour rien voyons; unijambiste à vingt deux ans, tous les mecs qui m’évitent, j’ai du bol non?Ce non tragique, presque gueulé, m’a remué. Du haut de mes quinze ans je découvrais soudain la vraie détresse. Ce non qui finissait dans un sanglot ravalé.-Pourquoi te mets-tu en jupe, pourquoi ne planques tu pas ta prothèse?Elle m’a sourit tristement et m’a regardé.-Tu sais que tu me gonfles Toto avec tes questions?-Pardon...-Pas grave va, plus rien n’est grave pour moi. Avant, au début je mettais des pantalons, et comme tu penses j’arrivais à lier connaissance avec des mecs. Mais une fois arrivé au moment inévitable de la relation, la vue de ma jambe bidon les faisait cavaler. Ensuite j’ai fait deux dépressions, trois tentatives de suicide, maintenant j’assume.Si l’on voit ma jambe en plastoc et qu’on s’intéresse à moi quand même, c’est qu’il n’y aura pas tromperie sur les sentiments...enfin, je crois.

Puis, nous avons parlé de moi, de mon brevet des collèges, de mon passage en seconde, des copines, des flirts, de mes potes.Elle, depuis son accident de moto où elle avait perdu sa jambe et son copain (mort sur le coup), elle disais-je avait arrêté ses études et vivait chez ses parents, qui la dorlotaient, la chouchoutaient...trop à son gré.Elle n’avait goût à rien, n’aimait rien... plus rien, personne.Me revint à l’esprit l’histoire de mon grand père, homme courageux, qui perdit une jambe l’année de ses dix huit ans.Marié, il donna trois enfants à une jeune femme belle et brave qui se moquait éperdument de son handicap. Ses enfants, il les mena tous trois à de brillantes études.Il devint coiffeur, s’endetta pour acheter un salon de coiffure, mais à force de courage et de ténacité, enfin prospéra. Il passait toutes ses journées debout à travailler durement.Paula m’écoutait intéressée, posait des questions. Je lui racontais qu’à soixante sept ans mon grand père se baignait encore, les ballades que nous faisions, les musées qu’il me faisait découvrir, sa passion des livres que nous

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partagions.Paula semblait plus détendue.De ses deux mains elle me prit la tête, et posa ses lèvres sur les miennes.

Soudain, au loin j’aperçu mes parents qui arrivaient.-Voilà mes vieux!J’aurai voulu qu’elle m’embrasse encore.Elle serra ma main si fort que celle-ci devint blanche.-Salut l’archange, me dit-elle. Merci à toi... Salut à ton grand père...Puis elle se leva, et partit en claudiquant...Adieu Paula...

-Qui était-ce? demanda ma mère.- J’en sais rien répondis-je.Mon père ajouta suspicieusement:-Tu ne sens pas la cigarette toi?

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P. Viktor aka Paull Hamond Davies Un drôle de poissonStrange Fish

Traduit de l'anglais par Walter Ruhlmann

Je vais me pendre sur le champ.Je prendrai la ligne de pêche de mon père dans sonEtagère, je l’accrocherai à la penderie de mon armoire,Dont la porte est toujours ouverte, mes vêtementsEn débordent constamment, telle une éventration. JeFerai un nœud serré et une boucle de la largeur de ma tête.Ce sera leur punition.

Mes treize ans n’ont pas encore cristallisé maPeur de la mort. La glace ne semble refléter queLa jeunesse. Mes cheveux ont l’apparence d’unPoisson rouge déjanté et ont toujours été synonymes de problèmes,Comme une flamme née du ventre de ma mère. Je l’ai brûléeLors de ma descente. Il est fou de penser qu’un rouquinPourrait être source de quiétude.

Avec tous ces boutons, je me dévisage dans le miroir et j’afficheCe sourire sarcastique travaillé. Je suppose que je ne fais qu’effacerMa dette. Je semble rechercher l’invisibilité. Ce seraMa seule quête ; disparaître, ne rien êtreD’autre que du charbon, de la poussière. Mes graissesFriront et mes os rougiront comme l’ambre qui luit,Enfin ma carcasse sera éviscérée et vidée.

Lorsque ce feu fut enfin consumé, je trouverai uneNoirceur en dessous. Tout ce que nous avions collectionné :De l’écorce et du bouleau, des brindilles et un tronc, des pages de journal,Un vieux matelas et des sacs d’ordures, tout cela redevint carbone,La matière originelle, retourna à son étatOriginel. J’étais fasciné par la fumée qui en émanait,C’était pour moi le plus grand acte de disparition.

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Je suppose que tout cela fit de moi un incendiaire amateur.J’eus un goût adolescent pour la destruction. Je marquaisChaque année qui passait d’une pierre noire qui grossissait toujours plus,Le territoire cramé de ma rébellion. Mais le feu est son propre maîtreEt il échappa à ma maîtrise pour m’amener ici, dans maChambre ténébreuse qui rend mon désespoirPresque romantique, irréel, une fin nécessaire.

Une autre conflagration fait rage en dessous. Celle deLeurs voix autoritaires qui se répandent au traversDes lames du parquet, paroles exaspérées et coups de tête contreLes murs lorsqu’ils arrivent à bout d’arguments : commentAi-je pu en arriver à être impliqué dans la tentative d’incendieD’une maison, et que ses habitants suffoquent à cause de la fumée pendantQue je commençais à rire, ce qui déconcerta les gars qui m’avaient aidé,

Notre odeur d’essence était alors la seule chose que nous avionsEn commun. Ça va trop loin, trop loin avec leur tatouage dérisoire, puisIls crièrent à l’aide que quelqu’un vienne défaireCe magnifique brasier que j’avais construit, l’œuvre d’une vie. Les sirènesVinrent dans la nuit alors que nous nous réfugions chez nous en courant, laPeur carbonisée au ventre, mais je ne ressentais pas la peur, seulementUn cœur glorieux, illuminé, une braise chaude tombée du foyer.

Des hommes vêtus de noir, de blanc, arrivèrent chez nous.Visiblement mes conspirateurs n’avaient pas pu rester muets. Pour moiCe fut l’exil, ma mère en larmes me traînaitDerrière elle en haut des escaliers, la voix fumante deMon père résonnait dans la cage d’escaliers, les policiersDécidaient de mon destin, ils placèrent un grillage par-dessus l’imprévisible.A la dernière marche, ils avaient conclu un accord.

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Laissez-moi être une comète qui marquerait cette maison, une cicatrice rougeDans les cieux, un feu terrible. Alors que je pends à cette barre,Que je manque d’air, ma bouche celle d’un poisson sur un hameçon, les yeuxExorbités, prêt à éclater, de l’écume aux bords des lèvres, les dents serréesAutour de la langue, le visage noir et les doigtsCouverts de suie, laissez-moi être celui qui s’est laissé tenter parCe qu’il faut craindre pendant l’adolescence.

Avant d’en finir, j’entends son pas lourd de bébéSur la moquette ; mon petit frère qui se tient devant moiEt me regarde fixement, interloqué par cette contorsion étrange, ceJeu sinistre n’était fait que pour le piéger. Mais il n’y a aucunPiège, seulement ma peau brûlante alors qui commence à refroidir,Que sa main touche maintenant, glaçant mes os.Ses cris leur permettront de me retrouver mort.

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mgversion2>daturaISSN: 1365 5418

mgv2_55 | 01_06edited by: Walter Ruhlmann

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