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Le Praticien en anesthésie réanimation (2012) 16, 256—262 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com MISE AU POINT Mise au point sur la prise en charge des déséquilibres tensionnels lors de l’anesthésie de l’hypertendu chronique Management of arterial pressure in hypertensive patients during anesthesia Benjamin Bonnot , Romain Pirracchio Service d’anesthésie réanimation, hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France MOTS CLÉS Hypertension artérielle ; Pression artérielle pulsée ; Antihypertenseurs Résumé L’hypertension artérielle est la pathologie cardiovasculaire la plus rencontrée lors de la pratique de l’anesthésie liée dans la majorité des cas au vieillissement de la paroi arté- rielle. Il en découle des modifications physiologiques, responsables d’une augmentation de la pression artérielle systolique et d’une baisse de la pression artérielle diastolique. On constate une amplification des variations hémodynamiques avec un risque accru de poussées hyperten- sives ou d’épisodes d’hypoperfusion tissulaire lors de l’anesthésie. La prise en charge de ces patients prend en compte ces modifications et nécessite l’adaptation des traitements antihy- pertenseurs, un monitorage peropératoire mettant l’accent sur la surveillance de la pression pulsée, et des objectifs de pression artérielle plus élevés que chez le sujet non hypertendu. Les poussées hypertensives ne doivent pas être systématiquement traités par un antihyperten- seur, ce dernier étant réservé aux cas réfractaires ou lorsque l’hypertension est compliquée d’une atteinte viscérale. Les épisodes hypotensifs sont des facteurs de risque de complications postopératoires et doivent être traités de manière agressive. © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. KEYWORDS Chronic hypertension; Pulsed arterial pressure; Summary Hypertension is the most common cardiovascular disease. It is mainly due to aging of the arterial wall. It causes many physiological changes, resulting in an increase in systolic arterial pressure while the diastolic pressure tends to decrease. There is also an amplifica- tion of the perioperative hemodynamic changes with an increased risk of hypertensive crisis or tissue hypoperfusion. The management of these patients should take into account such Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (R. Pirracchio). 1279-7960/$ see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2012.07.004

Mise au point sur la prise en charge des déséquilibres tensionnels lors de l’anesthésie de l’hypertendu chronique

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e Praticien en anesthésie réanimation (2012) 16, 256—262

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ISE AU POINT

ise au point sur la prise en charge des déséquilibresensionnels lors de l’anesthésie de l’hypertenduhronique

anagement of arterial pressure in hypertensive patients during anesthesia

Benjamin Bonnot, Romain Pirracchio ∗

Service d’anesthésie réanimation, hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc,75015 Paris, France

MOTS CLÉSHypertensionartérielle ;Pression artériellepulsée ;Antihypertenseurs

Résumé L’hypertension artérielle est la pathologie cardiovasculaire la plus rencontrée lorsde la pratique de l’anesthésie liée dans la majorité des cas au vieillissement de la paroi arté-rielle. Il en découle des modifications physiologiques, responsables d’une augmentation de lapression artérielle systolique et d’une baisse de la pression artérielle diastolique. On constateune amplification des variations hémodynamiques avec un risque accru de poussées hyperten-sives ou d’épisodes d’hypoperfusion tissulaire lors de l’anesthésie. La prise en charge de cespatients prend en compte ces modifications et nécessite l’adaptation des traitements antihy-pertenseurs, un monitorage peropératoire mettant l’accent sur la surveillance de la pressionpulsée, et des objectifs de pression artérielle plus élevés que chez le sujet non hypertendu.Les poussées hypertensives ne doivent pas être systématiquement traités par un antihyperten-seur, ce dernier étant réservé aux cas réfractaires ou lorsque l’hypertension est compliquéed’une atteinte viscérale. Les épisodes hypotensifs sont des facteurs de risque de complicationspostopératoires et doivent être traités de manière agressive.© 2012 Publié par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDSChronic hypertension;Pulsed arterialpressure;

Summary Hypertension is the most common cardiovascular disease. It is mainly due to agingof the arterial wall. It causes many physiological changes, resulting in an increase in systolicarterial pressure while the diastolic pressure tends to decrease. There is also an amplifica-tion of the perioperative hemodynamic changes with an increased risk of hypertensive crisisor tissue hypoperfusion. The management of these patients should take into account such

∗ Auteur correspondant.Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (R. Pirracchio).

279-7960/$ — see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2012.07.004

Mise au point sur la prise en charge des déséquilibres tensionnels 257

Antihypertensivetreatment

features. It should include the adaptation of antihypertensive drugs, an appropriate intrao-perative monitoring with a special focus on the pulse pressure, and higher arterial pressurethresholds. The hypertensive crisis should not systematically lead to an antihypertensive the-rapy. Such treatments should be restricted to hypertensive episodes refractory to the treatmentof the underlying triggers or in case of associated organ failure. Hypotensive episodes beingassociated with several postoperative complications should be treated aggressively.© 2012 Published by Elsevier Masson SAS.

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Lpseaux. La stimulation adrénergique entraîne ainsi uneaugmentation de la contractilité myocardique (effetinotrope positif), de la fréquence cardiaque (effet chro-notrope positif) et une accélération de la conduction

Tableau 1 Principaux déterminant des valeurs de pres-sion artérielle.

PAD FC/résistance vasculairepériphérique/effet Windkessel

PAS PAD/compliance aortique/VESPAM 2/3 PAD + 1/3 PASPP VES/compliance aortique

FC : fréquence cardiaque ; PAD : pression diastolique ; PAS :

Introduction

L’anesthésie du sujet hypertendu a fait l’objet de nom-breux travaux et de recommandations de plusieurs sociétéssavantes. Néanmoins, cette situation de plus en plus fré-quente peut être difficile à appréhender d’un point de vuepratique. En effet, les déséquilibres de la pression artérielleobservés en période périopératoire chez le sujet hypertenduchronique ne sont pas toujours d’interprétation facile etleur prise en charge peut s’avérer inefficace, voire délétère.Seul un raisonnement qui intègre les modifications physiolo-giques liées à l’hypertension artérielle (HTA) chronique, lapharmacologie des traitements antihypertenseurs et le rôled’éventuels facteurs déclenchant permet de proposer uneréponse adaptée.

Épidémiologie

En France en 2007, la prévalence de l’HTA est d’environ 31 %pour les patients âgés de plus de 18 ans [1]. Elle augmenteavec l’âge, passant de 23,9 % (hommes) et 8,6 % (femmes),dans la tranche d’âge 35—44 ans à 79,8 % (hommes) et 71,3 %(femmes) chez les 65—74 ans [1]. Si l’on extrapole ceschiffres à l’âge moyen des patients opérés en France, cetteproportion doit avoisiner les 50 % des patients devant subirune anesthésie. Dans près de 95 % des cas, l’HTA est dite« essentielle », les 5 % restant étant représentés par les HTAsecondaires d’étiologies diverses. L’HTA essentielle est unepathologie lié au vieillissement de la paroi artérielle tou-chant donc principalement le sujet âgé [2]. Ce tableau estcaractérisé par une augmentation de la pression artériellesystolique (PAS) alors que dans le même temps, la pressionartérielle diastolique est en baisse, cet écart (correspondantà la pression pulsée [PP]) se majorant avec l’âge [2]. Un trai-tement antihypertenseur est suivi par 81,5 % des patients,cependant, l’hypertension n’est bien équilibrée que dans45 % des cas.

Principaux déterminants de la pressionartérielle

La pression artérielle est la résultante de l’interactioncomplexe entre le cœur et les vaisseaux. Elle est finementrégulée au moyen de boucles de régulation neuroendocrines,

du système rénine-angiotensine, du système nerveux auto-nome et de l’excrétion endothéliale de facteurs vasoactifs(Fig. 1). Ces interactions sont largement mises en œuvredans le cadre de la période opératoire et permettent à

’organisme de limiter les variations hémodynamiques impo-ées par l’anesthésie et la chirurgie. Une connaissance dees interactions est essentielle pour interpréter les varia-ions périopératoires de pression artérielle.

es différentes pressions artérielles

ujourd’hui, l’analyse de la pression artérielle prend enompte quatre valeurs : la PAS, la pression diastolique (PAD),a pression moyenne (PAM) et la PP.

La PAS dépend principalement de trois facteurs :le volume d’éjection systolique (VES) ;l’élastance de l’aorte thoracique ;la pression artérielle diastolique.

La PAD dépend principalement de quatre facteurs :la fréquence cardiaque ;les résistances vasculaires périphériques ;la capacité des vaisseaux à transformer le débit cardiaquebiphasique en un flux continu (ou « effet Windkessel »)[3] ;les réflexions de l’onde de pouls sur les parois vasculaires.

La PAM (= 2/3 PAD + 1/3 PAS) est un bon reflet de la perfu-ion tissulaire chez le sujet sain.

La pression pulsée (= PAS — PAD) dépend quant à ellessentiellement du VES et de l’élasticité des gros vaisseauxTableau 1).

es systèmes de régulation

e système nerveux autonome par sa composante sym-athique agit à la fois sur le cœur et les vais-

pression artérielle systolique ; PAM : pression moyenne ; PP :pression pulsée ; VES : volume d’éjection systolique.

258 B. Bonnot, R. Pirracchio

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igure 1. Schématisation des déterminants physiologiques de la

uriculo-ventriculaire. Au niveau vasculaire, l’effet prédo-inant sur le système artériel est vasoconstricteur. Au course l’anesthésie, le système nerveux sympathique est essen-iellement activé en réponse aux stimulations nociceptiveselles que l’intubation ou la chirurgie. Les effets liés àa stimulation sympathique peuvent être limités grâce à’existence d’arcs réflexes faisant intervenir les barorécep-eurs à « haute pression », situés dans le sinus carotidient la crosse de l’aorte, et à « basse pression » situés dans’oreillette droite, les veines caves et l’artère pulmonaire.a stimulation des barorécepteurs à haute pression est ainsiesponsable d’une action frénatrice avec une inhibition duonus sympathique et d’une activation parasympathiquerincipalement chonotrope négative. Le rôle du systèmearasympathique semble néanmoins moins important.

Le système rénine-angiotensine, avec comme principalffecteur l’angiotensine II, agit sur la pression artériellear plusieurs effets directs et indirects. L’augmentationu tonus des systèmes résistifs et capacitifs résulte d’unffet direct, cela grâce à la présence de récepteurs à’angiotensine sur la paroi vasculaire. L’élévation de laression artérielle résulte alors non seulement d’une aug-entation des résistances périphériques mais aussi d’uneiminution de la compliance des grosses artères. Par unffet direct sur les myocytes cardiaques, l’angiotensineI augmente aussi l’inotropisme qui, de surcroît, estajoré par l’augmentation du retour veineux (Loi de Star-

ing) lié à la mobilisation du système capacitif veineux.

’angiotensine II permet également d’élever la pressionrtérielle par plusieurs effets principalement indirects,els que la potentialisation du système sympathique ou’inhibition du parasympathique. Enfin elle entraîne la

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ion artérielle.

écrétion d’aldostérone qui permet la réabsorption rénale’eau et de sel, favorisant l’inflation du volume sanguinirculant.

D’autres facteurs locaux tels que la vasopressine, lesndothélines et le monoxyde d’azote interagissent aussiais interviennent moins dans les déséquilibres de régula-

ion de la pression artérielle observés en période opératoire.

onséquences physiopathologiques de’hypertension artérielle essentielle

’HTA « essentielle », encore appelée HTA systolique isoléeu sujet âgée, est liée à un remodelage de la paroi artériellearactérisé par une hypertrophie et une sclérose de la paroi.ela altère, de plus, les propriétés élastiques de l’artère, etboutit in fine à une diminution de son calibre.

Ce processus aboutit également à une altération des pro-riétés de l’endothélium caractérisée par une majoration dea réactivité vasculaire aux différents agonistes vasoactifsavorisant une augmentation du tonus vasoconstricteur [4].ette perte de l’élasticité artérielle entraîne une élévatione la PAS mais aussi un effondrement de la pression arté-ielle diastolique. En effet, la sclérose des parois aortiquesrovoque une diminution des capacités du « réservoir ». Leolume sanguin contenu par l’aorte en fin de systole estiminué et donc le volume sanguin mobilisable au cours

e la diastole s’en trouve également diminué (altérationu mécanisme de Winkessel). Cela explique la baisse para-oxale de la PAD parallèlement à l’augmentation de la PAS.’atteinte mécanique s’accroît avec le temps avec pour effet

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Mise au point sur la prise en charge des déséquilibres tensio

une augmentation de la PP proportionnelle à l’âge. De cefait, l’HTA « essentielle » se caractérise par une élévation dela PAS, une baisse de la PAD, une PAM qui peut rester prochedes valeurs normales et une PP augmentée. Il est importantde comprendre que, dans ce contexte, du fait de l’altérationdu mécanisme de Winkessel et donc de la perfusion dias-tolique, le maintien de niveaux élevés de PAS permet demaintenir la perfusion systolo-diastolique des organes [5].

Une fois la pathologie installée, les systèmes de régula-tion sont également progressivement modifiés. L’arc réflexeimpliquant les barorécepteurs change de point d’équilibreet sa réactivité s’altère provoquant une plus grande varia-bilité des chiffres de la pression artérielle basale, et unediminution des capacités d’adaptation lors des variationsde la PA [4]. Certains organes, essentiellement le cerveau,les reins et le cœur ont des capacités d’autorégulation.En effet, en physiologie, ces organes ont la capacité demaintenir constant le débit sanguin local en dépit des varia-tions de la pression de perfusion grâce à des variationsdes calibres des vaisseaux assurant leur perfusion. Chezl’hypertendu, la gamme de pression dans laquelle le débitsanguin est maintenu constant est modifiée. Cette « plaged’autorégulation » est déplacée vers des pressions plus éle-vées. Aussi, des épisodes d’hypotension habituellementsans conséquences peuvent alors entraîner une hypoper-fusion de ces organes nobles [6]. La fonction cardiaqueest elle aussi largement modifiée au cours de la mala-die hypertensive. L’augmentation de la postcharge conduitprogressivement à une hypertrophie ventriculaire gauchefavorisant l’apparition de trouble de la fonction diasto-lique ventriculaire gauche. Ces modifications physiologiquesliées à l’HTA expliquent que les variations hémodynamiquesobservées en périopératoire chez les sujets hypertenduschroniques soient plus marquées que chez les sujets nonhypertendus. Ainsi, au fur et à mesure du vieillissementet du développement d’une hypertension, l’hypotensionconsécutive à l’induction avant la stimulation chirurgicaleest plus marquée, de même que l’à-coup hypertensif consé-cutif à la stimulation chirurgicale [7].

Conséquence sur la prise en chargeanesthésique

Préopératoire

Gestion des traitements antihypertenseursLa gestion des traitements antihypertenseurs est essentiellepour assurer une stabilité hémodynamique optimale. Cettegestion a fait l’objet de recommandations de la Sociétéfrancaise d’anesthésie et de réanimation, actualisées en2009 [8].

Les bêtabloquantsIl est désormais clairement recommandé, et ce avec unconsensus fort, de poursuivre le traitement par bêtablo-quant et de l’administrer le matin de l’intervention. Lesbêtabloquants ont un rôle cardioprotecteur et préviennent

du risque d’ischémie myocardique en prévenant les consé-quences des stimulations sympathiques. La poursuite dutraitement est bien tolérée durant la période périopéra-toire sans occasionner d’accident hypotensif ou d’épisode

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s 259

e bradycardie majeure. En revanche, l’arrêt du traite-ent expose à un effet rebond avec une majoration des

rises hypertensives et du risque d’ischémie myocardique9]. Une poussée hypertensive non compliquée ne justifieas l’introduction d’un traitement par bêtabloquant justevant l’intervention. En effet, l’hypertension en elle-même’est pas un facteur de risque de complications pério-ératoires [10]. Ainsi, la mise en route d’un traitementntihypertenseur en préopératoire dépendra essentielle-ent de l’existence de symptômes associés à l’hypertension

t du degré d’urgence de la chirurgie. La mise en routeystématique d’un traitement par bêtabloquants a été pro-osée [11]. Les données récentes rapportent que si ce typee traitement permet de diminuer le risque d’ischémie myo-ardique, il expose à plus d’instabilité hémodynamique aveces épisodes d’hypotension artérielle, de bradycardie et’accidents vasculaires cérébraux [12].

es inhibiteurs calciqueses inhibiteurs calciques ont une action essentiellementasodilatatrice prédominant sur le système résistif. Ils per-ettent ainsi une diminution de la post charge sans altérer

e retour veineux. Il est recommandé de ne pas interromprees inhibiteurs calciques durant la période périopératoire. Ilsont bien tolérés hémodynamiquement et pourraient mêmeéduire le risque cardiovasculaire périopératoire. L’arrêt duraitement exposerait également à un effet rebond aveces risques de crises hypertensives. Les inhibiteurs cal-iques de la famille des dihydropyridines ont une indicationréférentielle dans le traitement des accès hypertensifsériopératoires.

nhibiteurs de l’enzyme de conversion et sartans’interruption d’un traitement par inhibiteurs de l’enzymee conversion (IEC) ou bloqueurs du récepteur de’angiotensine (sartans) est aujourd’hui clairement recom-andée hormis chez l’insuffisant cardiaque chez qui le

raitement devra être poursuivi. Les inhibiteurs du systèmeénine-angiotensine-aldostérone bloquent les mécanismesisant à compenser les conséquences de la sympatho-yse induite par l’anesthésie. Leur utilisation exposeonc à un risque d’instabilité hémodynamique importanterincipalement par une baisse du retour veineux. Des hypo-ensions artérielles sévères, voire réfractaires, ont ainsi étéécrites [13]. Ces effets indésirables sont d’autant plusmportants qu’il existe une hypovolémie, une dysfonctioniastolique et/ou une thérapeutique à visée hypotensivessociée. Du fait de leur pharmacodynamie, il est nécessaire’interrompre les inhibiteurs du SRAA au moins 12 heuresvant l’intervention. L’attitude vis-à-vis des inhibiteurs de laénine, nouvellement arrivés sur le marché, reste à définir.

es diurétiqueses diurétiques constituent le traitement de premièreigne dans le cadre de l’HTA essentielle isolée. Il estecommandé de ne pas administrer le traitement diu-étique le matin de l’intervention (accord fort) et deontrôler la kaliémie. En effet, les diurétiques exposent

un risque d’hypovolémie et de troubles hydroélec-

rolytiques pouvant potentialiser l’effet des curareson dépolarisants et de certains autres médicamentsels que les antiarythmiques comme les digitaliques et’amiodarone.

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eropératoire

hez l’hypertendu, et en particulier chez le sujet âgé souf-rant d’HTA « essentielle », les modifications des systèmese régulation ainsi que la diminution de l’élasticité pariétaleont responsables d’une exacerbation des variations tension-elles. Ce phénomène augmente avec l’âge et l’anciennetée l’atteinte artérielle [7]. Ces variations hémodynamiquesccrues peuvent s’accompagner d’une augmentation de laorbidité périopératoire. Ainsi, les épisodes hypotensifs

baisse de 30 % pendant plus de dix minutes) [14] constituentn facteur de risque de complications opératoires, mais ceien n’est pas aussi clairement rapporté pour les épisodesypertensifs. L’objectif de la prise en charge anesthésiquees patients hypertendus chroniques est donc le maintien’une pression artérielle la plus stable possible au courses différentes phases de l’anesthésie, en évitant au maxi-um les épisodes hypotensifs prolongés, mais également lesoussées hypertensives [6].

’inductione choix des médicaments et la titration permettent de limi-er les variations tensionnelles.

Les morphiniques semblent avoir une place de choix cheze patient hypertendu. Ils permettent de limiter la stimu-ation nociceptive lors de l’intubation puis de l’incision,iminuant ainsi la survenue d’épisodes hypertensifs [15,16].armi les morphiniques, le rémifentanil présente l’avantage’une grande maniabilité et d’une utilisation possible enode « total intraveineux » à objectif de concentration

râce à l’implémentation des modèles pharmacocinétiquesans les systèmes de perfusion automatisés. Son utilisationoit en revanche être prudente chez le patient sous bêta-loquants (autre médicament bradycardisante) du fait duisque accru d’épisode de bradycardie.

Concernant les hypnotiques, la titration ou l’utilisationn mode « total intraveineux » à objectif de concentrationour le propofol permettent de limiter l’incidence des épi-odes hypotensifs sévères. En outre, il est à noter que lesoses d’agents hypnotiques nécessaires à l’induction ainsiue leur vitesse d’administration sont à adapter chez lesujets âgés, cela quels que soient les médicaments utilisés17].

e monitorage peropératoirees modifications des propriétés mécaniques et de la réacti-ité vasculaire associées à l’hypertension chronique doiventonduire à interpréter les chiffres de PA et à fixer desbjectifs thérapeutiques de manière adaptée au contextelinique.

Chez le patient non hypertendu, la PAM est un indicateure la perfusion tissulaire. Elle est de ce fait souvent considé-ée comme l’objectif thérapeutique principal. En revanche,hez le sujet présentant une hypertension « essentielle »,’interprétation de la PAM et donc son utilisation commebjectif thérapeutique pose quelques problèmes. En effet,omme décrit ci-dessus, l’hypertension « essentielle » se

aractérise par une augmentation de la PAS et une baisseoncomitante de la PAD. Or la valeur PAD influence large-ent la valeur de la PAM. De même, la PP, « artificiellement »

ugmentée par une baisse de la PAD, doit être interprétée

Ldic

B. Bonnot, R. Pirracchio

ifféremment. En cas d’hypertension « essentielle », uneugmentation de la PP peut donc être liée uniquement à’altération des propriétés élastiques de la paroi aortique,ans modification du volume d’éjection systolique. Dans ceontexte, l’augmentation de la PAS permet de maintenir uneerfusion des organes satisfaisante [18]. La mise en route’un traitement antihypertenseur devra prendre en comptee risque de précipiter une hypoperfusion d’organe en case baisse trop importante de la PAS [4].

De plus, du fait de l’association fréquente entre hyper-ension, trouble des fonctions diastolique et systolique, laise en place d’un monitorage du débit cardiaque doit être

onsidérée en fonction du type de chirurgie et du risqueémorragique [19,20].

estion de la poussée hypertensive

l n’existe pas de définition précise de la poussée hyper-ensive, ni de seuil devant obligatoirement faire mettreémarrer un traitement antihypertenseur. La mise en œuvre’un traitement repose sur l’appréciation de la tolé-ance à l’élévation de la pression artérielle. En l’absence’étude clinique, en périopératoire il est classique dee pas tolérer des niveaux de pression artérielle supé-ieurs à 180/110 mmHg pendant des durées prolongées.a présence d’une complication viscérale (neurologique,ardiaque, pulmonaire, rénale) doit inciter à débuter unraitement sans délai. En plus des atteintes viscérales clas-iques l’augmentation de la PA peut être la cause d’uneajoration du saignement opératoire.Dans la plupart des cas, chez le sujet présentant une

ypertension « essentielle », une élévation isolée de la PA,e d’autant plus qu’elle intéresse uniquement la PAS, neustifie pas la mise en route d’un traitement agressif. Leisque est d’engendrer des lésions viscérales secondaires

une baisse trop importante de la PA. La recherche d’unacteur déclenchant et son traitement doivent être les prio-ités et permettent dans la majorité des cas de sursoir à unraitement antihypertenseur spécifique.

eropératoire

urant l’intervention, les stimuli chirurgicaux et’insuffisance de profondeur d’anesthésie ou d’antalgieont les principaux facteurs déclenchant l’accès hyper-ensif. La recherche de signes d’activation sympathiqueeut conforter ce diagnostic. Dans la majorité des cas laoussée d’HTA n’est pas maligne et un simple traitement duacteur déclenchant permet un contrôle rapide de la situa-ion. Les deux premières mesures sont donc de s’assurerue la profondeur de l’anesthésie est suffisante et que’analgésie est adéquate. Si ces mesures ne suffisent pas,e traitement antihypertenseur peut alors être introduit,vec pour objectif une baisse de la PA progressive et neépassant pas environ 20 % des chiffres de base. Le choixe l’agent antihypertenseur s’effectuera en fonction duerrain du malade et des éventuelles atteintes viscérales.

es agents ayant une pharmacocinétique rapide et uneemi-vie courte devront être privilégiés (Tableau 2). Lesnhibiteurs calciques sont les plus simples à manier enlinique mais leurs effets tachycardisant et inhibiteurs de

Mise au point sur la prise en charge des déséquilibres tensionnels 261

Tableau 2 Liste molécules adaptées au traitement des poussées hypertensives.

Molécule Posologie Effets indésirables Délai d’action(minute)

NicardipineLoxen®

2 à 4 mg/h IVSE paliers de 0,5 mg/h TachycardieAttention à l’ischémiemyocardique

1

UrapidilEupressyl®

25 mg i.v. puis 9 à 30 mg/h IVSE 2

LabétololTrandate®

1 mg/kg en 1 mn puis 0,1 mg/kg parheure IVSE

BronchospasmesTrouble de conduction

5—10

EsmololBrévibloc®

500 �g/kg par minute en 1 mn, puisou 80 mg si contrôle rapidenécessaire50—200 �g/kg par minute IVSE

BronchospasmesTrouble de conduction

1

Isosorbide dinitrateRisordan®

i.v. 1 à 5 mg/h IVSE 1

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la vasoconstriction pulmonaire hypoxique, contre-indiquentleur utilisation en cas d’ischémie myocardique, de tachy-cardie ou d’hypoxémie. En alternative, les alpha-bloqueurstels que l’urapidil présentent des caractéristiques pharma-cologiques les rendant également utilisable dans l’urgencepériopératoire. Enfin, en peropératoire, les médicamentsd’anesthésie telles que le propofol ou les halogénéspeuvent être utilisées pour contrôler rapidement un accèshypertensif.

Postopératoire

Le traitement et la prévention des accès hyperten-sifs en postopératoire repose sur trois points. D’abord,l’identification d’un facteur déclenchant curable. La pre-mière cause retrouvée est un défaut d’analgésie. Parmi lescauses fréquentes, on retrouve également l’hypercapnie,l’anxiété, et enfin le déséquilibre lié à l’arrêt éventuelde la thérapeutique antihypertensive initiale. En cas depersistance de l’hypertension malgré la correction de cesdifférents facteurs, la mise en route d’un traitement spé-cifique se verra justifié. Elle devra être précédée par larecherche d’éventuelles complications. Là encore la voieintraveineuse et des médicaments à courte durée d’action età courte demi-vie seront à privilégier, dans l’attente d’unereprise des traitements antérieurs ou de l’instauration d’untraitement de fond.

Conclusion

L’incidence de l’hypertension dans la pratique anesthé-sique est de plus en plus importante, cela en rapport avecl’augmentation le vieillissement global de la population desopérés. La gestion de la période anesthésique chez le patient

hypertendu, doit être adaptée aux modifications physiolo-giques que cette pathologie et ses traitements entraînent.En préopératoire, l’adaptation des traitements est doncune phase essentielle pour l’équilibre hémodynamique.

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es variations tensionnelles étant plus importantes lorsu peropératoire, la technique d’anesthésie ainsi que leonitorage et les objectifs hémodynamique doivent être

daptés. Une attention particulière devra être portée sures épisodes de baisse importante de la pression arté-ielle. Les épisodes hypertensifs pourront dans la mesureù la tolérance clinique et les contraintes opératoires leermettent être respectés. Dans la plupart des cas, laoussée hypertensive est secondaire et ne repose pas sures mêmes mécanismes physiopathologiques qu’une poussée’hypertension en dehors du cadre opératoire. Le trai-ement symptomatique permet en général de sursoir à’introduction d’un traitement antihypertenseur. Si toute-ois ces mesures ne s’avèrent pas suffisantes, l’introduction’une thérapeutique antihypertensive devra être mesuréevec des objectifs progressifs de baisse de la pression arté-ielle, afin de ne pas précipiter une hypoperfusion d’organe.

POINTS ESSENTIELS

• Adaptation des traitements antihypertenseurs [8].• Modification des objectifs hémodynamiques avec la

prise en compte du risque d’hypoperfusion tissulaire[4,6].

• Adaptation du monitorage avec une prise en comptede la PAM, de la PP et de la PAS [18].

• Traitements des facteurs déclenchant avantl’introduction des traitements antihypertenseurs.

• Titration des antihypertenseurs et baisse progressivede la pression artérielle.

• Recherche d’éventuelles atteintes viscérales.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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