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RECUEIL ANNUEL D’ERGOTHÉRAPIE 2010 | 137 Modèle Kawa et éducation thérapeutique Modèle Kawa et éducation thérapeutique Élaboration et mise en pratique d’une méthodologie d’entretien avec des personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde Résumé Dans le cadre de notre travail de fin d’études, nous avons proposé une méthodologie d’entretien basé sur le modèle Kawa afin d’aider la personne à entrer dans une démarche active et donc à être partie prenante dans la gestion de sa maladie. Cette étude a été réalisée lors de consultations de personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde. Les résultats nous mon- trent la pertinence d’utiliser un sup- port afin de favoriser l’accès à la sym- bolique de sa vie qui permet de poser un autre regard sur sa maladie et ses répercussions. Mots clés Ergothérapie, polyarthrite rhuma- toïde, modèle Kawa, éducation théra- peutique, entretien, symbolisation Marine CURY Marine CURY, Ergothérapeute

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RECUEIL ANNUEL D’ERGOTHÉRAPIE 2010 | 137

Modèle Kawa et éducation thérapeutiqueModèle Kawa et éducation thérapeutiqueÉlaboration et mise en pratique d’une méthodologie d’entretien avec des personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde

Résumé

Dans le cadre de notre travail de fin d’études, nous avons proposé une méthodologie d’entretien basé sur le modèle Kawa afin d’aider la personne à entrer dans une démarche active et donc à être partie prenante dans la gestion de sa maladie. Cette étude a été réalisée lors de consultations de personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde. Les résultats nous mon-trent la pertinence d’utiliser un sup-port afin de favoriser l’accès à la sym-bolique de sa vie qui permet de poser un autre regard sur sa maladie et ses répercussions.

Mots clés

Ergothérapie, polyarthrite rhuma-toïde, modèle Kawa, éducation théra-peutique, entretien, symbolisation

Marine CURY

Marine CURY,

Ergothérapeute

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IntroductionLa polyarthrite rhumatoïde est une maladie chronique, considérée comme étant du ressort de l’éducation thérapeutique du patient. Notre travail s’est inscrit dans le cadre de l’éducation thérapeutique parce que nous partageons la conviction, qu’il est capital d’inviter la personne à prendre une part active dans son processus de soins.

Le modèle Kawa ( Kawa signifiant « rivière » en japonais ) est un nouveau modèle de pratique en ergothérapie élaboré dans l’optique de permettre à la personne de prendre conscience de son parcours de vie et de sa situation de vie actuelle, prenant en compte la culture et les valeurs de la personne malade. De plus, une pratique d’intervention basée sur ce modèle offre la possibilité d’aider la personne à entrer dans une démarche active, dans la gestion de sa maladie. Nous avons alors élaboré une méthodologie d’en-tretien semi dirigé pour les personnes malades chroniques, en prenant comme cadre de référence le modèle Kawa.

La polyarthrite rhumatoïdeLa polyarthrite rhumatoïde étant un trouble inflammatoire, en particulier de l’articula-tion, aura des conséquences fonctionnelles importantes sur le quotidien des personnes atteintes de cette maladie.

La survenue de la maladie peut donc impliquer de grands changements dans la vie de l’individu et de son entourage. Ainsi, les affections rhumatismales chroniques ont des répercussions sur la condition physique mais aussi ont bien souvent des impacts sur la qualité de vie ( sociale, professionnelle ) de la personne. Sa condition physique altérée peut conduire à des limitations fonctionnelles dans l’exécution des activités nécessaires et divertissantes de la vie journalière. Les périodes de poussées inflammatoires peuvent soudainement empêcher la personne d’organiser et de prévoir un projet comme une sortie ou un repas de famille par exemple. La maladie peut également avoir des réper-cussions sur la vie professionnelle de la personne. Certains métiers sont difficilement compatibles avec ce rhumatisme.

Ces conséquences peuvent différer d’une personne à une autre. La polyarthrite rhuma-toïde peut donc engendrer des obstacles considérables pour les personnes atteintes. L’évolution de la maladie est propre à chaque personne, les inflammations articulaires peuvent être diverses et chacun a un vécu différent des répercussions de la maladie sur sa qualité de vie.

Le modèle KawaLe modèle Kawa ( rivière, en japonais ), en ergothérapie, peut nous aider à mieux com-prendre ce que vit la personne en souffrance.

MOREL-BRACQ et IWAMA ( 2008 )1 le définissent comme un modèle de pratique qui uti-lise la métaphore ou l’image familière de la rivière afin de faire une introspection de soi. Cette métaphore utilise la rivière et ses différents éléments ( lits, rives, troncs d’arbre, rochers et flux de l’eau ) pour imaginer sa situation de vie avec les différents évène-ments pouvant influencer le courant de la vie, tel que la maladie. L’interaction de tous

1 MOREL-BRACQ M.-C., IWAMA M., Un nouveau modèle en ergothérapie : Le modèle kawa ( rivière ), in ‘‘Expériences en ergothérapie’’, ( Septembre 2008 ), vingt et unième série, n°14, Sauramps médical, 25-26

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ces éléments met en évidence la situation de vie de la personne. Par conséquent, cette métaphore reflète le fonctionnement de l’individu face à son environnement qui agit et conditionne constamment sa vie.

Cette rivière peut se présenter sous deux formes : la rivière dans son entièreté et en coupe.

Ainsi, grâce au modèle Kawa, il est possible de prendre en compte « l’environnement dans tous les aspects de la démarche clinique quelle que soit la culture du patient ou sa pathologie »2. Le but est d’arriver à une compréhension mutuelle entre la personne et l’ergothérapeute.

MOREL-BRACQ et IWAMA ( 2008 )3 nous expliquent que le modèle Kawa est centré sur le présent et la réalité de la personne plutôt que sur la vision de l’ergothérapeute. Ce modèle ouvert permet une approche de la complexité de la situation de vie et de han-dicap de la personne. Il est systémique et permet au thérapeute d’aborder la personne dans son contexte et son histoire de vie.

Le modèle Kawa commence à être connu partout dans le monde. En Europe, il a fait l’objet de travaux de recherche dans plusieurs pays où il a été examiné dans une série de contextes culturels et sociaux4.

Voici une description de la signification des différents éléments qui composent la rivière :

lit de la rivière ( Kawa no Zoko, en japonais ) et les rives ( Torimaki : Kawa no Soku-Heki, en japonais ) représentent les facteurs environnementaux liés à la per-sonne, que ce soit physique, social et politique.

troncs d’arbre ( Ryuboku, en japonais ) représentent les caractéristiques per-sonnelles positives et négatives de la personne ainsi que ses propres ressources.

rochers ( Iwa, en japonais ) représentent les circonstances de la vie et les problè-mes de la personne ( défis actuels ). Ils peuvent apparaitre soudainement comme la maladie, par exemple, et peuvent également être passagers.

eau ( Mizu, en japonais ) est le facteur qui lie ces différents éléments et constitue l’énergie ou le flux de la vie.

L’éducation thérapeutiqueL’éducation thérapeutique du patient est envisagée comme un processus de recons-truction de l’intégrité de la personne dans la maladie chronique5. Globale et relative-ment ambitieuse, elle vise à favoriser l’autodétermination du patient par rapport à sa prise en charge. Ainsi, le thérapeute doit essayer d’identifier les besoins et les attentes du patient qui pourraient s’inscrire dans la relation. L’éducation thérapeutique inscrit donc la personne dans une démarche active. Lorsque nous parlons de démarche ac-tive, il s’agit de rendre le patient acteur à part entière de sa vie et lui redonner les com-

2 MARGOT CATTIN I., L’impact de l’environnement sur la performance de l’activité en ergothérapie, in ‘‘Expériences en ergothérapie’’, ( Septembre 2008 ), vingt et unième série, n°14, Sauramps médical, 22

3 MOREL-BRACQ M.-C., IWAMA M., Un nouveau modèle en ergothérapie : Le modèle kawa ( rivière ), in ‘‘Expériences en ergothérapie’’, ( Septembre 2008 ), vingt et unième série, n°14, Sauramps médical, 27-29

4 MOREL-BRACQ M.-C., IWAMA M., Un nouveau modèle en ergothérapie : Le modèle kawa ( rivière ), in ‘‘Expériences en ergothérapie’’, ( Septembre 2008 ), vingt et unième série, n°14, Sauramps médical, 28

5 ARNHOLZ I., SUREAU P., ( 2008 ), L’éducation thérapeutique du patient, in ‘‘Nouveau guide de pratique en ergothérapie : entre concepts et réalités’’, ( 2008 ), Solal, ergothérapies, 180-183

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pétences dans la gestion des répercussions de sa maladie et de ses traitements. Cela suppose l’expérimentation personnelle et le fait que le patient soit toujours volontaire et décisionnaire dans sa prise en charge ( réelle volonté de s’assumer tout seul ). D’autre part, ce processus doit prendre en compte les facteurs qui interfèrent la gestion nor-male de la maladie de la personne, c’est-à-dire l’état émotionnel de cette dernière, son vécu, ses représentations de la maladie et de son traitement.

Question de rechercheLa question qui a guidé notre travail est la suivante : Quel type d’outil l’ergothérapeute pourrait-il utiliser pour permettre à la personne atteinte de polyarthrite rhumatoïde de prendre conscience du « chemin » qu’elle a parcouru et de ce qu’elle doit encore parcou-rir dans son processus d’éducation thérapeutique ?

Afin de répondre à notre question-problème, nous avons émis l’hypothèse que :

Un entretien semi dirigé basé sur le modèle Kawa permettrait à la personne : de se cen-trer sur son « chemin » de vie, de symboliser ses forces et ses difficultés par des images, de nommer ses forces et ses difficultés, d’identifier ses objectifs réalistes dans son pro-cessus d’éducation thérapeutique et d’identifier ses moyens réalistes pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés.

Méthodologie

Population cibleNotre étude a été réalisée auprès de cinq personnes atteintes de polyarthrite rhuma-toïde du Service de Rhumatologie, à l’Hôpital Universitaire Brugmann. Les personnes choisies devaient comprendre la langue française afin que nous nous trouvions dans des conditions les plus optimales possibles et avoir un rendez-vous chez le rhumatolo-gue prévu dans la période Février-Mars 2010 ( période de notre stage ).

Modalités pratiques de l’entretienPour créer notre entretien, nous avons choisi de nous baser sur l’ouvrage de QUIVY et VAN CAMPENHOUDT ( 2006 )6.

Nous avons proposé aux patients un entretien que l’on appelle semi dirigé ou semi directif, en prenant comme référence le modèle kawa pour organiser le processus de dialogue et en utilisant des photographies et/ou le dessin pour la visualisation de la symbolique. Nous avons choisi d’utiliser un entretien semi directif car il nous permet d’avoir un contact direct avec le patient et offre la possibilité de s’exprimer ouverte-ment sur un thème donné par le thérapeute.

Lors de cet entretien, nous avons préféré retranscrire le discours de la personne.

L’entretien semi dirigé s’est fait dans un local de travail de l’ergothérapeute du service de rhumatologie. Pour cet entretien, nous avons estimé une séance d’une heure.

6 QUIVY R., VAN CAMPENHOUDT L., ( 2006 ), Manuel de recherche en sciences sociales, 3ème édition, Dunod, Psycho Sup, Paris, 253 p.

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Nous avons élaboré un guide d’entretien afin de percevoir les répercussions de la mala-die ( le vécu ) sur la vie quotidienne de la personne malade chronique. Le modèle Kawa prenant en compte la culture de la personne, nous avons ajouté cette dimension à no-tre guide d’entretien. Les divers thèmes que nous voulons soulever sont les suivants : la culture, les symptômes et le traitement, les répercussions de la maladie sur la vie professionnelle, les répercussions psychologiques de la maladie, les répercussions de la maladie dans les activités de loisirs, les répercussions de la maladie dans les activités d’entretien personnel, ainsi que l’environnement de la personne.

L’entretien s’est composé de quatre étapes bien distinctes :

Première étape : Accueil

Cette étape consistait en l’accueil de la personne et à rappeler la durée prévue de l’en-tretien ( une heure ).

Deuxième étape : Explications

Nous expliquions brièvement le cadre de l’entretien au patient ( présentation succincte du modèle Kawa : métaphore de la rivière comme représentation symbolique de la vie ) et nous rappelions l’objectif de l’entretien en soulignant l’intérêt de celui-ci à partir de notre vision de thérapeute.

Troisième étape : Visualisation de son parcours de vie dans les photographies de rivières

Nous avons choisi d’utiliser le dessin ou la photographie comme support visuel pour aider à la symbolisation. Ils sont propres à chacun de nous et dépendent de l’interpréta-tion personnelle et du rapport que nous entretenons avec l’image qu’ils reflètent.

Nous avons présenté dix photographies, extraites de « Le monde entre ciel et terre »7, de rivière en entier vues du ciel afin que le patient puisse choisir celle qui, pour lui, le représente au mieux, au lieu de dessiner. Par ailleurs, si le patient souhaitait constituer lui-même l’image du parcours de sa vie alors nous lui laissions la possibilité de dessiner sa propre rivière.

Suite à la décision du patient, nous lui demandions d’expliquer son choix et de se sou-venir des évènements qui se sont produits tout au long de sa vie, tout en suivant le cours de la rivière et nous en prenions notes. Ensuite, nous sollicitions le patient afin qu’il définisse trois points, sur la photographie qu’il avait choisie ou sur son dessin, qu’il déterminait comme le début de sa rivière, comme son état actuel et comme la fin de sa rivière afin d’appréhender son parcours de vie.

Quatrième étape : Moment présent

Visualisation de ses ressources et obstacles aujourd’hui

Pour cette étape, nous mettions à disposition du patient dix coupes de rivière que nous avions schématisées en supposant des situations différentes. Ces différentes coupes de rivière variaient donc en fonction : des espaces vides, de la taille, du nombre et de la disposition ( entassement ou dispersion ) des différents éléments. En revanche, ce choix n’étant pas exhaustif, le patient pouvait utiliser une coupe vide pour indiquer lui-même les différents aspects de son expérience de vie actuelle.

7 LAVAGNO E., Le monde entre ciel et terre, National Geographic, Entre ciel et terre, ( 20 Octobre 2005 ), 640 p.

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Lors de la construction de la rivière ou de la consultation de la photographie, les struc-tures qui étaient présentes sur le schéma ou le dessin pouvaient être discutées avec le patient en termes de leur importance et de leur pertinence. Cette discussion était suivie par un dialogue qui consistait à savoir comment les problèmes étaient entrelacés et reliés entre eux pour former l’environnement social et physique de la personne.

Identification des changements possibles

Cette étape était structurée par un échange entre le patient et le thérapeute et concen-tré sur la représentation symbolique que le patient avait faite de sa vie. Nous avons constitué ce dialogue sur base de la signification des grandeurs, des endroits relatifs et des liens entre les différents éléments qui composent la rivière. Cette ultime étape consistait à explorer avec la personne ses points forts ( ses ressources ) et ses points faibles ( ses difficultés ) afin de bien les situer puis de les identifier.

Moyens d’évaluationquestionnaire donné au patient en fin de séance nous a permis d’analyser le

ressenti et la perception du patient sur l’intérêt de l’entretien en lien avec son par-cours de vie. Les questions de cette évaluation étaient :

– Pouvez-vous donner trois mots qui vous viennent à l’esprit après cet entretien ?

– Que s’est-il passé pour vous pendant cet entretien ? ( Exprimer votre vécu par rapport à l’entretien )

– Avez-vous trouvé intéressant le fait de pouvoir utiliser des photographies de riviè-res pour exprimer votre chemin de vie ? Pourquoi ?

– Avez-vous trouvé intéressant d’utiliser la coupe de rivière pour exprimer votre situation de vie actuelle ?

– Voyez-vous « plus clair » par rapport à votre situation de vie actuelle ? Pourquoi ?

– Avez-vous découvert de nouvelles ressources auxquelles vous n’auriez pas pen-sé ? Si oui, lesquelles ?

– Lors de cet entretien, avez-vous eu l’impression de pouvoir donner votre avis ? Si oui, comment ? Si non, qu’est-ce qui vous en a empêché ?

– Etes-vous satisfait de cet entretien ? Pourquoi ?

– Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Nous avons utilisé une grille d’observation pour relever les observations faites en ce qui concerne les diverses attitudes ( d’ouverture, de fermeture, d’angoisse, de stress… ) adoptées par le patient.

RésultatsNous remarquons que toutes les personnes ont préféré et choisi la photographie comme moyen de visualisation plutôt que le dessin. En effet, les personnes nous ont dit ne pas être capables de dessiner ou ne pas être à l’aise avec le dessin. Concernant la photographie de rivière en son entier, chaque personne en a choisi une différente. Par contre, deux personnes ont choisi le même schéma de coupe de la rivière.

Les thèmes abordés lors de la représentation du parcours de vie ( photographie de rivière en son entier ), qui ressortent à travers les cinq entretiens, sont très variés :

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Figure 1. Thèmes abordés lors de la représentation du parcours de vie en fonction du nombre de participants

Nous vous proposons deux graphiques reprenant les thèmes abordés lors de la repré-sentation de la situation de vie actuelle ( schéma de la coupe de la rivière ) qui ressor-tent à travers les cinq entretiens ; l’un reprenant les aspects positifs et l’autre les aspects négatifs.

Figure 2. Aspects positifs lors de la représentation de la situation de vie actuelle en fonction du nombre de participants

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Figure 3. Aspects négatifs abordés lors de la représentation de sa situation de vie actuelle en fonction du nombre de participants

Les dimensions qui ressortent, à travers les cinq questionnaires, par rapport au vécu de l’entretien sont, pour quatre personnes, à consonance positive : « agréable », « en parler », « soulagement ». Nous observons aussi que la confrontation de la situation ac-tuelle avec l’image de la rivière semble aider trois personnes sur les six, dont deux d’une manière plus conséquente. Les personnes qui ne se sentent pas aidées déclarent dispo-ser de suffisamment de clarté par rapport à leur situation de vie. Les cinq participants déclarent avoir pu donner leur avis lors de l’entretien ; ce qui nous laisse à penser que la personne a besoin d’être participante dans sa relation avec le soignant puisque notre travail s’inscrit dans ce cadre-ci.

Les cinq participants sont satisfaits de leur entretien. Les raisons qui dominent sont : se sentir écouté, renvoyer à une problématique personnelle et le bien-être d’en parler. Puis, nous remarquons qu’un prolongement est souhaité par les cinq personnes, soit par l’intermédiaire d’un autre entretien soit dans l’utilisation de l’entretien dans le quo-tidien ; dans le sens où certaines personnes reprendront certains éléments de l’entre-tien pour faire des liens entre leur état de santé et leur environnement.

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Discussion

Apports identifiés lors de l’entretienGrâce au questionnaire d’évaluation, les personnes qui ont participé à cette étude ont identifié les apports suivants : entamer une discussion, d’ouvrir la conversation, pren-dre conscience de sa situation de vie et la compréhension de soi, relativiser l’impor-tance des difficultés que nous rencontrons, s’exprimer, « en parler », l’introspection et un retour sur soi.

Par rapport à nos hypothèses de départ, la perception et l’identification des difficultés et éventuelles ressources ressortent à travers chaque entretien. Chaque personne a été capable d’identifier ses besoins et ses attentes grâce à la symbolisation de la rivière.

Concernant l’identification d’objectifs et de moyens, nous prenons conscience que certaines personnes ne peuvent identifier et déterminer elles-mêmes leurs objectifs et leurs moyens, dans le cadre d’un seul et unique entretien d’une durée d’une heure.

À travers les résultats des questionnaires, nous pouvons remarquer que le mot « écou-te » revient souvent. En effet, nous avons observé que l’écoute nous a permis de : lais-ser parler le patient, percevoir l’état émotionnel de celui-ci, concentrer notre attention, établir un lien entre le patient et nous-mêmes, respecter la liberté du patient. De plus, notre entretien que nous qualifions de discussion « ouverte » et confiante n’est ni ex-haustif ni définitif mais il nous offre notamment un « portrait » de chaque personne à un moment. Au cours de notre pratique, nous avons également remarqué qu’outre ses difficultés, la personne expose son « monde culturel » et ses facteurs internes ( ses croyances, ses représentations, ses attitudes ainsi que ses valeurs ) ; la culture de la per-sonne informant le soignant sur les différents ressentis et vécus de la personne.

Faire le point sur sa situation de vie, raconter son histoire et comprendre son vécu semblent répondre à un besoin nécessaire pour les personnes atteintes de maladie chronique. Ceci nous donne alors à penser que cette étape est importante pour ces personnes, dans leur cheminement avec la maladie puisque l’entretien leur a permis d’être prises en compte dans leur singularité. De cette façon, cet entretien ne devrait donc certainement pas être définitif ( unique ) et nécessiterait alors un réajustement en fonction de l’évolution de la personne et de sa maladie.

Limites de notre méthodologie d’entretienL’entretien que nous avons proposé nécessite une bonne capacité de communication, la participation active de la personne afin de recueillir des informations ainsi qu’une relation privilégiée entre la personne et le soignant lors de l’explication et de l’interpré-tation de la métaphore. En effet, cette démarche semble difficile à envisager avec une personne ne comprenant pas ou très peu notre langue.

Nous ajouterions à cela le fait que certaines personnes pourraient être réticentes par rapport à la symbolique de la rivière parce que la métaphore leur apparaît comme am-biguë et déconcertante.

Au cours de notre pratique, nous nous sommes rendus compte que la création d’un guide d’entretien est nécessaire pour ce type de démarche ; néanmoins, nous n’avons pas dû l’utiliser pendant les séances que nous avons menées.

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Limites de notre étudeNotre travail doit être pondéré par le nombre restreint de personnes impliquées dans notre étude.

À ce jour, l’explication détaillée du modèle Kawa n’est écrite uniquement en Anglais. Etant de langue maternelle française, il est possible que nous n’ayons pas compris convenablement toutes les subtilités de ce modèle. De fait, nous n’avions pas de certi-tude quand à la fidélité de nos propos ( la bonne interprétation ).

ConclusionAu travers des cinq entretiens que nous avons eus, nous pouvons confirmer nos trois premières hypothèses : un entretien semi dirigé basé sur le modèle Kawa permet à la personne atteinte de polyarthrite rhumatoïde de se centrer sur son « chemin » de vie, de symboliser ses forces et ses difficultés par des images ainsi que de les nommer. Mais il serait nécessaire de prévoir plusieurs entretiens avec les mêmes personnes pour pou-voir explorer et voir s’il y aurait possibilité de confirmer nos deux dernières hypothèses concernant l’identification des objectifs réalistes dans son processus d’éducation théra-peutique et des moyens réalistes pour atteindre les objectifs fixés.

Notre expérience montre l’importance et la pertinence d’une méthodologie pour me-ner un entretien semi dirigé. En effet, il ressort de notre travail que l’entretien, construit sur base du modèle Kawa à l’aide d’un support visuel et d’un guide d’entretien, permet aux personnes d’exposer des dimensions habituellement peu exprimées et approfon-dies de cette façon. Ainsi, elles peuvent parler de leur vécu, accéder à une meilleure compréhension d’elle-même et pour certaines, prendre conscience de leur parcours de vie. En conséquence, ces personnes se sentent écoutées.

À travers notre travail de réflexion, nous prenons conscience du pragmatisme de la mé-thodologie d’entretien proposée et nous réalisons son intérêt, c’est-à-dire l’importance d’élaborer un entretien fondé sur le recueil d’informations et laissant une place capitale à l’expression de la personne dans le cadre de l’éducation thérapeutique ; la place étant laissée à l’expérience subjective de la maladie.

Pour conclure, par cet entretien, nous avons offert à la personne malade chronique une autre façon de parler et de prendre conscience de son parcours de vie lié à la maladie. En tant que professionnel, nous pouvons opter pour une place de « facilitateur » et nous devenons, pour la personne, le « témoin » de son vécu et de son évolution afin de lui proposer, par la suite, un accompagnement adapté avec sa pleine participation et qui aura du sens pour elle.

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