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246 Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 246-7 Séminaire FMC Moisissures de l’environnement intérieur et pathologies respiratoires D. Charpin enquête « Logement » de l’Insee, réalisée en 2002 [1] auprès d’un échantillon national représentatif de 32 000 loge- ments, a conclu que l’excès d’humidité est, de loin, le défaut de logement le plus fréquemment rencontré. Quelles peuvent être les conséquences respiratoires de la présence de moisissu- res ? Nous les passons en revue en prenant comme fil conduc- teur le mécanisme d’action de la moisissure. Mécanisme infectieux La moisissure pénètre dans l’organisme par les voies res- piratoires et s’y multiplie. De là, elle peut éventuellement pas- ser dans le torrent circulatoire et aller coloniser d’autres organes. Certains agents fongiques particulièrement virulents (coccidioidiomycose, histoplasmose, blastomycose) peuvent atteindre des sujets en bonne santé. Ceci dit, les infections fongiques concernent le plus souvent des sujets immunodé- primés et peuvent être qualifiées d’opportunistes. La plus con- nue est l’aspergillose invasive. Mécanisme immunologique Trois types différents d’affections ont été décrits : 1) la mycose broncho-pulmonaire allergique, dont le type de description est l’aspergillose broncho-pulmonaire allergique. Elle consiste en une réaction allergique de type I (IgE dépen- dante) et de type III (IgG dépendante) à l’égard de moisissures du genre Aspergillus. Le même mécanisme est impliqué dans la sinusite allergique fongique ; 2) l’alvéolite allergique extrinsèque, secondaire à des moisissu- res inhalées le plus souvent sur le lieu de travail. Le diagnostic s’appuie en particulier sur la mise en évidence de précipitines sériques (IgG) mais la physiopathologie de l’affection fait essen- tiellement intervenir une réaction d’hypersensibilité retardée ; [email protected] Service de pneumologie-allergologie, Hôpital Nord, et EA 1784, Pôle Méditerranée des Sciences de l’Environnement, Marseille, France. Correspondance : D. Charpin Service de pneumologie-allergologie, Hôpital Nord, chemin des Bourrelly, 13915 Marseille cedex 20. L’

Moisissures de l’environnement intérieur et pathologies respiratoires

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Page 1: Moisissures de l’environnement intérieur et pathologies respiratoires

246 Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 246-7

Séminaire FMC

Moisissures de l’environnement intérieur et pathologies respiratoires

D. Charpin

enquête « Logement » de l’Insee, réalisée en 2002 [1]auprès d’un échantillon national représentatif de 32 000 loge-ments, a conclu que l’excès d’humidité est, de loin, le défautde logement le plus fréquemment rencontré. Quelles peuventêtre les conséquences respiratoires de la présence de moisissu-res ? Nous les passons en revue en prenant comme fil conduc-teur le mécanisme d’action de la moisissure.

Mécanisme infectieux

La moisissure pénètre dans l’organisme par les voies res-piratoires et s’y multiplie. De là, elle peut éventuellement pas-ser dans le torrent circulatoire et aller coloniser d’autresorganes. Certains agents fongiques particulièrement virulents(coccidioidiomycose, histoplasmose, blastomycose) peuventatteindre des sujets en bonne santé. Ceci dit, les infectionsfongiques concernent le plus souvent des sujets immunodé-primés et peuvent être qualifiées d’opportunistes. La plus con-nue est l’aspergillose invasive.

Mécanisme immunologique

Trois types différents d’affections ont été décrits :1) la mycose broncho-pulmonaire allergique, dont le type dedescription est l’aspergillose broncho-pulmonaire allergique.Elle consiste en une réaction allergique de type I (IgE dépen-dante) et de type III (IgG dépendante) à l’égard de moisissuresdu genre Aspergillus. Le même mécanisme est impliqué dans lasinusite allergique fongique ;2) l’alvéolite allergique extrinsèque, secondaire à des moisissu-res inhalées le plus souvent sur le lieu de travail. Le diagnostics’appuie en particulier sur la mise en évidence de précipitinessériques (IgG) mais la physiopathologie de l’affection fait essen-tiellement intervenir une réaction d’hypersensibilité retardée ;[email protected]

Service de pneumologie-allergologie, Hôpital Nord, et EA 1784, Pôle Méditerranée des Sciences de l’Environnement, Marseille, France.

Correspondance : D. Charpin Service de pneumologie-allergologie, Hôpital Nord, chemin des Bourrelly, 13915 Marseille cedex 20.

L’

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Moisissures de l’environnement intérieur et pathologies respiratoires

© 2007 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 247

3) la rhinite et/ou un asthme allergique, de mécanisme IgE dé-pendant. Les patients atopiques sont souvent sensibilisés vis-à-visdes allergènes fongiques. La possibilité d’exacerbations d’unasthme, en relation avec l’exposition à des moisissures extérieu-res, a été bien documentée, et d’une manière générale, la sensibi-lisation vis-à-vis des allergènes fongiques atmosphériques est unfacteur de risque d’asthme aigu grave et d’asthme sévère [2]. Enrevanche, des incertitudes persistent sur la responsabilité d’uneexposition à des moisissures domestiques dans la modulation del’asthme, de l’eczéma atopique ou de la rhinite allergique. Ces in-certitudes tiennent à la difficulté de mener des études fiables, carles moisissures renferment de très nombreux allergènes capablesd’induire une réponse à IgE. De plus, la réactivité croisée entreces allergènes est considérable, et la production allergénique dif-fère, non seulement entre espèces fongiques, mais aussi entresouches d’une même espèce, ceci en fonction des conditions deculture. Enfin, l’on dispose de peu de patients bien typés pourréaliser une bonne standardisation biologique [3].

Mécanisme irritatif

Est considérée comme irritante toute substance qui induitun effet inflammatoire transitoire sur un tissu vivant par actionchimique de contact. L’effet clinique peut consister en une irri-tation passagère des yeux et des voies respiratoires supérieureset inférieures. On en décrit deux groupes : 1) les substancesvolatiles ou composés organiques volatils (COV) microbiens,responsables de l’odeur de moisi. Ils sont représentés par denombreuses familles chimiques : alcools, cétones, aldéhydes,esters, lactones, terpènes, hydrocarbures aliphatiques et aroma-tiques, etc. Dans l’habitat, ils sont pris en compte dans lamesure des COV totaux, si bien qu’il n’est pas possible à cejour d’évaluer leur contribution propre. 2) les particules d’ori-gine fongique (spores, débris de mycélium) qui ne deviennentvolatiles que lorsque la moisissure sèche ; la réaction inflamma-toire qu’elles induisent semble liée à la présence de glycans et demannans au sein de leur structure biochimique.

Mécanisme toxique

La réalité de la production de mycotoxines par certainessouches de moisissures (parfois appelées abusivement « moisis-sures toxiques ») est incontestable. Les plus étudiées et les plusagressives sont représentées par la famille des trichothécènesmacrocycliques. Le point de débat est celui de la toxicité respi-ratoire, pour l’homme, de moisissures domestiques capables desécréter des mycotoxines. Celles-ci ont été identifiées dans deslogements contaminés par certaines moisissures [4], et égale-ment dans le sang et les urines de personnes occupant ces loge-ments. La question est aujourd’hui de savoir si ces mycotoxines,

aux concentrations détectées, sont ou non capables d’induiredes effets pathologiques : hémorragies alvéolaires chez le nou-veau-né, syndrome des bâtiments malsains, divers symptômesrespiratoires, neuro-psychiques ou généraux. Les études menéesà ce sujet sont sujettes à caution pour plusieurs raisons : diffi-culté de mesure de l’exposition à ces mycotoxines, absence despécificité des tableaux cliniques, existence de nombreux fac-teurs de confusion représentés par les autres aéro-contaminantsprésents dans ces logements insalubres.

En conclusion

Le rôle des moisissures de l’environnement intérieur enpathologie respiratoire reste un sujet d’étude très ouvert, etdont les implications en terme de santé publique sont particu-lièrement importantes. Il devrait pouvoir se clarifier dansl’avenir grâce à une meilleure quantification de l’exposition età une étude clinique plus fine de la santé des occupants delogements contaminés par des moisissures.

QCM – Réponses page 264

I. – Citer, parmi les mécanismes d’action possibles des moisissures, celui qui n’a pas été mis en évidence :

A) allergisantB) toxiqueC) reprotoxiqueD) opportuniste

II. – Les allergènes fongiques répondent aux caractéristiques suivantes, sauf une, laquelle ?

A) pour la plupart bien standardisésB) fréquence élevée de réactions croisées entre euxC) différence qualitative entre différentes souchesD) la même souche peut produire différents

métabolites en fonction des conditions de culture

Références

1 Chesnel H : La qualité des logements. L’humidité est le défaut le plusfréquent. Insee Première N° 971, Juin 2004.

2 Zureik M, Neukirch C, Leynaert B, et al. : Sensitisation to airbornemoulds and severity of asthma: cross-sectional study from the Euro-pean Community respiratory health survey. BMJ 2002 ; 325 : 411-4.

3 Frew AJ: Mold allergy: Some progress made, more needed. J AllergyClin Immunol 2006 ; 113 : 216-218.

4 Charpin-Kadouch C, Felipo R, Maurel G, Rossello-Quéralt J,Ramadour M, Dumon H, Botta A, Charpin D : Mycotoxin identifi-cation in moldy dwellings. J Appl Toxicol (sous presse).