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Mourret. Histoire générale de l'Église. 1921. Volume 6

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    17T\0DUGTI0N

    On dsigne gnralement sous le nom d'Ancien Rgime lergime politique et social des nations europennes pendant leadeux derniers sicles qui ont prcd la Rvolution *.

    Cette priode est surtout caractrise par l'avnement des mo-narchies absolues, par la centralisation des services administra-tifs, par l'affaiblissement ou la disparition des franchises provin-ciales et communales.Au premier abord, rien de plus majestueusement ordonn. EnAllemagne, en France, en Espagne et en Angleterre, le Roi, d-

    barrass des comptitions fodales, commande en matre. L'uni-formit rgne dans les lois. Les deux tendances, traditionnelleet novatrice, qui s'taient heurtes dans les murs de la Renais-sance, semblent avoir trouv leur quilibre stable.On aurait tort de porter un jugement dfinitif sur l'AncienRgime d'aprs cette organisation extrieure. Bien des coutumestraditionnelles j sont encore trs vivantes : les Lgistes n'ontpas russi les abolir, et l'autorit royale hsite les combattre. Qui voudrait juger le gouvernement de ce temps-l par le re-cueil de ses lois, crit Alexis de Tocqueville, tomberait dans les(erreurs les plus ridicules. Une rgle rigide, une pratique molle :iAncien Rgime est l tout entier *. Ce dualisme est la source

    1. L'Ancien Rgime ne disparait pas partout au mme instant. Quand il tombe enFrance en 1789, la politique de Joseph II lui a port un coup mortel en Autriclie. Ilpersistera en Espagne jusqu'en 1810, et se perptuera plus longtemps encore en An-igleterre.

    2. A. DE TocQDEViLLB, L'Ancien Rgime et la Rvolution, 4 d., p. 121. t Alexis deTocqueville s'est tromp sur d'autres points, dit M. Gautherot ; mais il a vu juste surelui-l. Gustave Gaotheeot, Deuxime confrence donne l'Institut catholiqule Paris sur l'Histoire de la Rvolution (notes dactylographies, p. 5)

    nit..gn. de l'Egliee. VL - ^ 1

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    2 INTRODUCTIONd'un malaise profond. Le seig'neur, qm veut maintenir ses privi-lc"-es, sans remplir dsormais les charges sociales qui en taientla compensation, devient impopulaire. Le paysan, devenu pro-pritaire foncier, est fier de son ascension ; mais il souffre deVimpt qui l'atteint directement, et en murmure. L'esprit d'auto-nomie et d'indpendance, qui avait trouv dans les institutionsmdivales sa satisfaction lgitime et sa rgle ncessaire, grondesourdement. En France, une des institutions les plus tradition-nelles, le Parlement, devient parfois un foyer d'agitation rvolu-tionnaire.La situation religieuse de l'Ancien Rgime prsente la mme

    complexit. Une priode qm a donn la chaire chrtienneBossuet, la science catholique Petau, Mabillon et Thomassin,est bien, certains points de vue, une priode d'apoge. Peud'poques, d'ailleurs, se sont pos*4e plus grands problmes re-lio-ieux, et ont dpens plus de gnie les rsoudre. C'est toutela question des rapports de l'Eglise avec l'Etat qui se dbat dansla querelle du gallicanisme. Ce sont les fondements mmes desdogmes et de la morale qui font l'objet des disputes du jans-nisme. A propos du quitisme, Bossuet et Fnelon abordent lesdonnes les plus dlicates de l'asctique et de la mystique. C'esttoute la mthode d'vanglisation des indles qui est en causedans le conflit des jsuites et des dominicains. C'est toute l'apo-loglicj[ue que le gnie de Pascal cherche rajeunir. Dams la criseintrieure qui mine le protestantisme, Leibniz et Spener essaientde remonter l'essence mme du christianisme ; et c'est le fonde-ment mme de l'ordre surnaturel que les apologistes du xvm^ si-cle ont dfendre contre le disme de Voltaire et de Rous-seau. Qu'on ouvre les Mmoires et les correspondances du.temps : la question religieuse y domine presque toujours.On est oblig de convenir cependant que, mme auvii sicle, chez un trop grand nombre d'mes, la religion est

    plus officielle que spontane, plus extrieure que profonde, plusde mode que d'instinct. D'ailleurs, des courants schismatiques,hrtiques et irrligieux, issus pour la plupart de l'hrsie pro-testante et destins tre un jour capts par la franc-maonnerie

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    INTRODUCTION Odu xviTi sicle, traversent l'Ancien Rgime. C'est un semi-pro-testantisme que la doctrine de Jansnius et de Saint-Cyran,lorsqu'elle prne si fort le serf-arbitre et rclame si haut contrela corruption de l'Eglise. Semi-protestantisme, le gallicanismeparlementaire, quand il proclame l'indpendance absolue despouvoirs civils l'gard de Piome et leur droit d'interventioixdans les affaires purement ecclsiastiques. Semi-protestantisme,le quitisrrte de Molinos et de M Guyon, dans la mesure oil enseigne les rapports directs avec Dieu et l'inutilit de l'effortpersomael. Et qu.'est-c

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    6 NOTICE BIBLIOGRAPHIQUELes Papes des xvii et xviii^ sicles n'ont pas d'historiens compa-

    rables Baronius ; mais on lira avec profit Ciacconius, Vit et resgest Pontijicum Romanorum, t. IX, Rome, 1677 ; Guarnacci,Vit et res gest Pont. Rom. et cardin. a Clmente X ad Clementem X/,2 vol., Rome, 1751 et Piatti, Storia critico-cronologica dei RomaniPontefici fino a Clmente XIII, Naples, 1763-1770.MM. H. Hemmer, X. Le Bachelet et J. de la Servire ont pu-bli, dans le Dictionnaire de thologie catholique de Vacakt-Man-GENOT, les notices des Papes Clment VIII, Alexandre VII, Cl-ment IX, Clment X, Alexandre VIII, Clment XI, Benot XIII,Clment XII, Benoit XIV, Clment XIII et Clment XIV. Immicha publi, en 1899, Berlin, Papst Innocenz XI.

    III. L'important ou\T'ag8 du P. Gams, Sries episcoporumEcclesi catholic, 1 vol. in-4, avec deux supplments, renseigne surl'piscopat catholique du monde entier. La Gallia Christiana donnedes notices prcises sur les voques et abbs de France.

    IV. La plupart des Ordres rehgieux ont publi leur histoirelittraire. Il faut citer, entre autres, la Bibliotheca universa francis-cana, refonte des Scriptores Ordinis Minorum de Wadding, lesScriptores Ordinis Prdicatorum de Qdtif et Echard, 2 vol. in-fol.,Paris, 1719-1721, la Bibliothque de la Compagnie de Jsus, par lesPres Augustin et Aloys de Backer, revue et complte par leP. Carlos Sommervogel, 10 vol. in-4, 1892-1903, la Bibliothquesulpicienne de L. Bertrand, 3 vol. in-8, Paris, 1900, et VEssai debibliographie oratorienne, par A.-M.-P. Ingold, 1 vol. in-8, Paris,1880-1882.V. M. Marshall a donn une histoire gnrale des Missions

    chrtiennes, trad. franaise par de Waziers, 2 vol. in-8, Paris, 1865.L'omTage publi en 1900-1903, sous la direction du P. Piolet, S.J.,et qui porte le titre de Les Missions catholiques au XIX^ sicle, 4 voLin-4, donne l'histoire de chaque mission, raconte par un missionnairedu pays et constitue ainsi une histoire gnrale des Missions mise aupoint des plus rcents travaux. Des ordres religieux et des congr-gations ont publi l'histoire particulire de leurs missions. Telles sontLes Missions dominicaines dans VExtrme-Orient, par le P. Andr-Marie, 2 vol. in-12, Paris, 1865, Vllistoire universelle des Missionsfranciscaines, d'aprs le P. Marcellin de Civezza, traduite et rema-nie par le P. Victor-Bernardin de Rouen, 4 vol. in-8, Paris, 1898,VAtas des missions de la Socit des Missions trangres, par le

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    NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE 7P. A. Launay, Lille, 1890 et YHistoire Gnrale de la Socit desMissions trangres, par le mme, 3 vol. in-8, Paris, 1894. Crti-KEAU-JoLY, dans son Histoire de la Compagnie de Jsus, t. III, p. 285et s., donne un tableau des missions des jsuites en Orient.VI. Les rapports des divers Etats chrtiens avec l'Eglise se

    trouvent dans les Relations des ambassadeurs. On a publi en 1877, Venise, dans les Relazioni degli Stati europi, deux volumes deRelazioni di Roma, et RI. Hanotaux a pubU Paris, en 1888, dansle Recueil des instructioTis donnes aux ambassadeurs de France depuisle trait de Westphalie jusqu'' la Rvolution, un premier volume .'Ins-tructions donnes aux ambassadeurs de Rome. Roskovany avait djdonn, en 1847, ses Monumenta cctholica pro independentia pr^testatisecclesiasticx ab imperio civili. En ce qui concerne la France, les Ar-chives du ministre des Affaires trangres contiennent les plus pr-cieux documents sous forme de Correspondances diplomatiques et deMmoires rdigs par les ambassadeurs. Nous remercions vivementM. Farges, directeur des Archives, dont les indications nous ont permisd'claircir plusieurs points historiques par l'examen des pices ori-ginales.

    VII. Sur le mouvement intellectuel, les institutions et les hommesremarquables des xvii et xviii^ sicles, on consultera avec fruitJanssen, UAllemagne et la Rforme, t. VII, Cantu, Les hrtiquesd'hune, t. V, et VHistoire de Cent ans, t. I, Lingard, Histoire d'An-gleterre, le Kirchenlexikon de Wetzer et Welte, 2^ dition, revuepar Hergenroether et Kaulen, Fribourg-en-Brisgau, 13 vol. in-8,1889-1903, MoRONi, Dizionario di erudizione, 103 vol. in-8, plus3 vol. de tables, Venise, 1840-1879, le Grand dictionnaire historiquede MoRRi, dition Drouet, Paris, 1759, 10 vol. in-fol., le Diction'naire universel des sciences ecclsiastiques du P. Richard, 5 vol. in-fol.,Paris, 1760-1762 et le tome iv de VHistoire de la Charit parM. Lon Lallemand, Paris, 1910. Pour ce qui concerne spciale-ment la France, on consultera VEssai historique sur V influence dela Religion en France pendant le XV11^ sicle, par M. Picot, 2 vol.in-8, Paris, 1824, la Collection des procs-verbaux des Assembles duclerg de France depuis 1560, 9 vol. in-fol., Paris, 1767-1778, le Re-cueil des actes, titres et mmoires concernant le clerg de France (enabrg Mmoires du clerg), 12 vol., Paris, 1716, le Recueil gnraldes anciennes lois franaises, par Isambert, Jourdan et Decrusy,29 vol. in-8, la Bibliothque historique de la France, par le P. Le-

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    8 FOTICE BIBLIOGRAPHIQUELONG, rdite par Fevret de Fontette, 5 vol. in-fol., 1778, LaFacult de thologie de Paris et ses docteurs les plus clbres, priodemoderne, par M. l'abb Fret, 7 vol. in-8, 1905-1909, les ouvra-ges de M. l'abb Houssaye sur le cardinal de Brulle, de M. Faillonet de M. Momer sur Jean-Jacques Olior, de M. Emmanuel deBroglie sur saint Vincent de Paul, de M. Strowski, sur saintFranois de Sales et sur Pascal, de M. Rbelliau, sur Bossuet, deM. E. de BuoGLiE sur Mabillon et Monlfaucon.

    Sur l'importante Compagnie du Saint-Sao'emcnt, qui joua un rle8i actif dans la renaissance catholique du xvii^ sicle, on tudieraavant tout les Annales du comte d'ARCENSON, publies par DomBeauchet-Filleau, en 1900, l'tude de M. Raoul Allier, la Cabaledes dvots, dont le titre indique l'inspiration, les articles publis parM. RBELLIAU, dans la Revue des Deux-Mondes, en 1903, 1908 et1909, sur Un pisode de Vhisioire religieuse du XVII^ sicle, et lesarticles publis sur le mme sujet dans les Etudes par le P. Clair etle P. Brucker.

    VIII. L'ouvrage de M. Charles Grin, Recherches historiquessur VAssemble de 1682 reste la base des tudes qui peuvent trefaites sur le gallicanisme du xvii sicle. Plusieurs de ses conclusionsont t nanmoins combattues par l'abb Loyson, UAssemble duclerg de France de 1682, Paris, 1870. Voir aussi Gaillardin, Histoirede Louis XIV, 4 vol., et Ch. Grin, Louis XIV et le Saint-Sige,2 vol. La publication rcente, faite par M. Mention, de deux volumesde Documents relatifs aux rapports du clerg avec la royaut, de 1662 1789, Paris, 1893-1903, complte la collection des documents pu-blie par Desmarais, en 1706, dans son Histoire des dmls de lacour de France avec la cour de Rome.

    IX. La bibliographie du jansnisme est trs abondante et for-merait un gros volume. On ne peut se dispenser de consulter deuxouvrages composs la mme poque, probablement dans la mmemaison \ et sous des inspirations tout opposes: les Mmoires du cha-noine Hermant, dits en 1905 par M. Gazier, 6 vol. in-8, et lesMmoires du P. Rapin, dits par L. Aubineau, en 1865, 3 vol. in-8.On doit y ajouter YHistoire du jansnisme, par le P. Rapin, ditepar DoMNECH, 1 vol., Vllistoire gnrale de Port-Royal, par Dom

    1. Dans l'htel Lamoignon, o se trouvait le P. Rapin, comme prcepteur, el rsidail souvent, comme ami, M. Hermant.

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    NOTICE BIBLIOGRAniIQUE 9Clmencet, 10 vol. in-12, 1755-1757, les uvres de Jansnius, deSaint-Cyran, d'Amauld et de Quesnol. Le Port-Royal de Sainte-Beuve, 7 vol. m-12,est moins une histoire du jansnisme, qu'unevaste et curieuse enqute conduite avec un art consomm et une rarepntration, mais sans unit de plan ni d'inspiration, traverstoutes les manifestations de la vie religieuse et littraire au xvii^ sicle.Les deux premiers volumes sont empreints d'une gravit respec-tueuse l'gard du christianisme ; au tome troisime, la partialit del'auteur l'gard du jansnisme l'entrane trop souvent, et son scepti-cisme religieux y apparat. Enfin, certains passages des tomes v etVI ressemblent trop un article de journal ou un pamphlet. Letome VII est une table des matires trs complte et fort utile consul-ter. M. l'abb Fuzet, aujourd'hui archevque de Rouen, a rectifi uncertain nombre d'assertions de Sainte-Beuve dans son livre Les jan-snistes du XVII^ sicle, leur histoire et leur dernier historien, M. Sainte-Beuve, un vol. in-8, Paris, 1876. M. l'abb Paquier a tudi plus par-ticulirement le dogme et la morale jansnistes dans son ouvrage, Lejansnisme, tude doctrinale, un vol. in-12, Paris, 1909.

    X. Les ouvrages de M. Gustave Bord sur la Franc-Maonnerie,de l'abb Barruel sur le Jacobinisme, du P. Deschamps sur lesSocits secrtes, de M. Perrens sur les libertins en France auXVII sicle, de M. Roustan sur les philosophes au xviii sicle, deM. Crousl sur Voltaire, de M. Jules Lemaitre sur Jean-JacquesRousseau, montrent le mouvement croissant de l'incrdulit et dela rvolution sous l'Ancien Rgime.XL Les biograpliies de saint Alphonse de Liguori, de saint Cl-ment-Mario Hofbauer, de saint Benot-Joseph Labre, du P. Brydaine,de M. de la Motte, vque d'Amiens, et de la vnrable Louise deFrance, les divers ouvrages de M. de Ribbe et de M, Babeau sur lasocit de l'ancienne France donnent une ide des forces catho-liques qui persistaient dans les mes et dans les institutions au mo-ment o se prparait la tourmente rvolutionnaire.

    Les ouvrages plus spciaux seront cits au bas des pages.

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    HISTOIRE GNRALE DE L'GLISE

    PROIIERE PARTIELa Renaissance catholique.

    CHAPITRE PREMIERLl GOUVERNEMENT DES PAPES PENDANT LA PRFJJIRE MOITI

    DU x^^I SICLE(1600-165S)

    Le XVI* sicle s'tait clos par des crmonies grandioses. Le LejablM^tjubil de 1600 avait amen Rome plus de trois millions de p-lerins. Au dclin de ce sicle, o l'on avait vu tant d'outragesprodigus au Pontife romain et o les guerres de religion avaientsi profondment boulevers les peuples de l'Europe, les catho-liques du monde entier avaient senti le besoin de se grouper plustroitement autour du Pre commun des fidles et de lui manifes-ter publiquement leurs hommages de fidle soumission *. \

    1. Le jour qui' donna le commencement au xvu' sicle, dit un Annaliste de cettepoque donna pareillement aux Chrestfens une nouvelle vie par le Grand Jubil, quifut ouvert avec l'anne. Jamais Rome ne se crut plu? glorieuse qu'en ces douze moisqu'elle vit dans l'enceinte de ses murailles presque toute l'Europe soumise aux piedsde son Pasteur, le Souverain de l'Eglise, pour recevoir de sa bouche les instructions do

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    12 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISEEtat de l'Eu- La grandeur de ce spectacle n'avait point empch le Papedu xvli sicle. Clme.nt VIII d'envisager d'iin il clairvoyant la ralit de la si-tuation. L'hrsie pro Lestante semblait dfinitivement implante

    dans les pays du nord : elle rgnait en souveraine en Allemagne,du Rhin la Yistule, du Mein la Mer du Nord et la Bal-tique ; insolemment triomphante en Angleterre, elle y multi-pliait les lois les plus draconiennes contre les catholiques ; elletait prpondrante dans la Scandina\'ie et dans les Pays-Bas ;des treize cantons de la Suisse, elle en avait gagn plus de six sa cause. Les nations restes catholiques ne formaient plus,d'autre part, cette uniti puissante, hirarchiquement organiseautour du Pape et de l'empereur, que le Moyen Age avait con-nue : l'Espagne, politiquement tablie au nord et au sud de l'Ita-lie, y exciait de plus en plus les susceptibilits des tats ind-pendants : la rpublique de Venise, le grand duch de Toscane,le duch de Savoie, aspiraient une situation autonome ; les tatssecondaires de l'Italie s'orientaient de divers cts, suivant les

    L'Eglise, aban circonstances du moment ; la Hongrie, jadis boulevard de TEu-pays du Nord, 'ops chrtienne, tait ruine par les sectes hrtiques, troublemal dfendue p^j, |^^g incursions incessantes des Turcs. Deux nations seulement,par ceux du i _ 'liidi, ne ren- la France et l'Autriche, paraissaient capables de prendre endeux appuis main la cause de l'Eglise. La France tait profondment di\d-

    ^tnciieetla"* ^^^ ^ ^^^ vrai, dsorganise dans ses institutions, ruine par desFrance. dissensions et des guerres, dont l'Edit de Nantes, trop favorableaux protestants, semblait devoir perptuer les causes ; maisl'Europe avait appris connatre son roi vaillant, gnreux, ha-

    Ilenri IV et bile politique autant que soldat intrpide, et l'on pouvait avoirRodolphe- ^ ^ .^ j^ 1 X confaance que les privilges accordes par lui ses anciens core-ligionnaires ne seraient que provisoires, que le zle du nouveauconverti se manifesterait de plus en plus en faveur de l'Eglisesalul, et de ses mains, quoy que goteuses, les thrsors de la terre ot du ciel. On y vitun grand nombre de Huguenots, qui firent le voyage par curiosit et non par dvotion,Bans apprhender les rigueurs de l'Inquisition, qui cessent l'an du Jubil ; et lorsqu'ilsviront ce Vieillard vnrable, qui visitait tous les jours les glises, se prosternait auxpie-ls des aptres et des martyrs, recevait les plerins, servait les pauvres table, en-tendait leur confession, ils ne crurent plu que le Pape ft l'Antchrist... 11 y en eutjusqu' trente-six qui abjurrent leurs erreurs devant le Pape et firent profession defv c.ilholiqMe en l'Eglise de Saint-Louys, avec Armand, ministre de Genve, qui lesavait l'onduils. > Les vies, murs et actions des Papes de. Rome, composes par B. Pl.v-TiN\, traduites par le Sieur Cou lon, Paris, IGl, t. 11, p. 194-196. On voit, parce rcit,quf^ l'jinruV U>00 tait :e!i.-ie cominenror le xvii'= sicle et non finir le xvi*. Voir dedtails plus ci.-consLaucis dans A1lr.\tori, Annali d'Iialin, t. X, p. 567-568.

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    LA RENAISSANCE CATHOLIQUE 13catholique. L'empereur d'Autriche tait ce Rodolphe II, que sesprtentions intellectuelles distrayaient si souvent de la politiqueet dont le caractre impulsif, tour tour indolent et agit, sem-blait peu fait pour une action nergique et persvrante : mais porce et fal-il appartenait cette puissante maison des Habsbourg, dont les . i^'*^^*,.deux branches, l'espagnole et l'autrichienne, s'taient appli-

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    du Saint-Sige.

    ^14 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISEd'inquitude agitaient le monde chtien. La faveur croissanteaccorde par Clment VIII son neveu, le cardinal Pierre Aldo-brandini, avait mu la courp nitificale et la noblesse romaine ; lavivacit de la querelle qui s'tait leve entre les thomistes del'Ordre de Saint-Dominique et les molinistes de la Compagniede Jsus, compliquait les difficults de la situation politique deproccupations d'un ordre plus intime. Deux projets de censuredu livre de Molina, rdigs en 1598 et 1600, agitaient l'opi-nion. Une condamnation du molinisme n'allait-elle pas fairedchoir du rang prpondrant qu'elle occupait dans l'EgUsela vaillante Compagnie de Jsus ? '.

    Situation pr Au lendemain des grandes ftes jubilaires de 1600, plus d'unpondrante nuage obscurcissait donc encore l'horizon de l'Eglise '. Mais la si-tuation du Saint-Sige tait, somme toute, solidement tablie.Les dcrets du Concile de Trente et les mesures prises par lesPapes rformateurs de la fin du xvi sicle avaient port leursfruits. La Papaut n'tait plus ce pouvoir faible, discut, met-tant les chefs de l'Eglise dans la ncessit de s'appuyer sur leursproches ou sur des factions, dont les influences opposes sesuccdaient alternativement, aprs s'tre vivement combattues.Clment Vlll avait t l'lu de tous et continuait la politique duPape dfunt. C'tait un rsultat d'une importance considrable,et qui allait se prolonger sous les pontificats suivants. La Pa-paut n'tait pas seule bnficier de cette transformation. Lesconvoitises et les ambitions individuelles taient obliges dsor-

    1. La lassitude et le malaise, produits par ces longues et ardentes discussions, appa-raissent dans les relations des chroniques contemporaines.t Quelques docteurs s'chauf-fent davantage soutenir dans leurs chaires leurs opinions touchant la grce par desdisputes ambitieuses, qu' conserver ou tabhr les mes des fidles dans la possessionde cette grce par une condescendance chrestienne. Cette question fut agite avecbeaucoup de chaleur en prsence du Pape, mais non dcide, sans autre fruit de la vic-toire que le dsavantage des deux partis, l'un band en apparence contre Plagius etl'autre contre Calvin, et peut-tre tous deux arms contre l'Esprit de Jsus-Christ,qui est un esprit d'union et d'unit. Ciaconius, Vie de Clment VIII, dans la Conti-nuation de Platina, Vie des Papes, t. II, p. 198-199.2. On pourrait croire, voir l'importance donne de nos jours au supplice de Gior-dano Bruno, que cet vnement, arriv le 15 fvrier 1600, avait profondment mul'opinion des contemporains. En ralit, l'excution de Bruno excita peu de sympa-thie pour la victim.e et on ne s'aperoit pas que l'autorit du Pape et de l'Eglise enaient souffert. Ce n'est qu'au xix sicle que des rudits ont plus ou moins exalt laTaleur scientifique des ouvrages de Giordano Bruno. Un de ses plus ardents admira-teurs, M. Harold Hoffding, lui fait gloire d'avoir conu le plus grand systme phUo-Bophique qu'ait difi la Renaissance (Harold Hoffding, Hist. de la phil. moderne,trad. BoRDiER, Paris, 1906, 1. 1, p. 115) ; mais Bayle le taxait d' absurde i et dclaraitgs doctrines i mille loi& plus obscures que tout ce que les sectateurs de Thomas

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    LA RENAISSANCE CATHOLIQUE 15mais de se rprimer, et l'entourage du Pape devait forcments'harmoniser avec les nouvelles conditions du gouvernement del'Eglise. Le npotisme, cette plaie des ges prcdents, avaitsubi ime transformation notable sous l'action d Paul IV et dePie V : de fodal, il tait devenu simplement nobiliaire et finan-cier ; et les circonstances nouvelles, dfavorables cette institu-tion, devaient en amener bientt la disparition complte '.

    II

    Le pontife laborieux, austre et profondment pieux qui occu- ament MUpait la chaire de Saint-Pierre au commencement du sicle, avait (1^92-1605).^ VI f 11 1 Caractre g-tout ce qu il lallait pour en maintenir la suprme autorit aux nral de sa po-yeux des princes et des peuples. Clment VIII ^, qui s'honorait litique.d'tre l'ami de Philippe de Nri et qui s'agenouillait chaque jouraux pieds du cardinal Baronius pour lui faire sa confession,n'avait point la puissance d'intelligence et de volont de Sixte-Quint, dont il se glorifiait d'avoir t le disciple ; mais il avait cur de poursuivre la politique du grand Pape. Ses vues taientgrandes et leves. Son pontificat n'est pas sans quelque analogieavec celui de Boniface VIII, qui, au dbut du xiv^ sicle, alorsque les Lgistes de Philippe le Bel sapaient l'difice social duMoyen Age, prit en main la dfense des institutions de la Ghr-d'Aquin et de Jean Scot ont dit de plus incomprhensible , Bayle, Dict. hist. et crt.,au mot Brunus. Giordano Bruno, n en 1548 Nola, prs de Naples, entra en 1563, l'ge de quinze ans, au noviciat des dominicains. On raconte que, dnonc comme h-rtique en 1576, il prcipita son accusateur dans le Tibre. Ce qui est certain, c'est qu'ils'enfuit alors de son couvent et mena une vie errante en Italie, en France, en Alle-magne et en Angleterre. Successivement chass de Paris, de Londres et de Strasbourg,excommuni par les calvinistes de Genve et par les luthriens de Helmstadt, il futcondamn par l'Inquisition romaine, comme hrtique obstin, la dgradation etbrl vif, le 19 fvrier 1600. Voir Previti, Giordano Bruno e suoi tempi, Prato, 1887 ;H. DE l'Epinois, Jordano Bruno, dans la Rev. des qu. hist., t. XLII, 1887, p. 180-191 ;Dict. Apologtique, au mot Bruno.1. Le npotisme ne disparatra compltement que sous Innocent XII, la fin duXVII sicle. On rencontrera encore, pendant quelque temps, les deux neveux favoris,l'un dans le Sacr Collge et l'autre dans l'administration civile ; d'aprs l'usage !cardinal neveu est inligible, mais il a une grande influence dans l'lection du succes-seur. Cf. Ranke, Hist. de la Papaut, 1. IV, ch. vi.

    2. Hippolyte Aldobrandini, proclam Pape le 20 janvier 1592'80Tis le nom de Cl-ment VIII, tait n en 1536 Fano, dans les Etats de l'Eglise, d'une illustre famillflorentine. Sixte Quint l'avait fait cardinal en 1585 et l'avait envoy comme lgat eaPologne en 1586, Cd, Dict, de thol, de Yaca.'(t-Maiigenot, au mot Clment YIII,

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    16 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISBlienl. En 1600, au moment mme o le plus grand des crivainsespagnols burinait, avec je ne sais quelle ironie sympathique, lacaricature du chevalier *, l'esprit chevaleresque des temps passshanlaitla cour de Clment VIII.

    Le gnreux Pontife fit de cet esprit la principale inspirationde sa politique. L'empire ottoman, toujours en guerre avec laHongrie, sans cesse troubl par des rvoltes en Asie, min parla corruption du srail, semblait s'alaiblir de plus en plus. Rallierautour du Chef de l'Eglise les nations chrtiennes pour une nou-\elle croisade, fut le projet de Clment VIII. Le roi de France, qui tait destine la conduite de l'expdition, fit dfaut' ; mais,par contre, il accepta volontiers l'arbitrage de la Papaut dansla conclusion de la paix de Vervins qui, en Io98, mettait unetrve, sinon une fin, la lutte sculaire de la France contrel'Espagne. Trois ans plus tard. Clment VIII intervenait uneseconde fois pour rconcilier le roi de France et le duc de Savoiepar le trait de Lyon '. Par ces actes le Pape continuait les tradi-tions du vieux droit pontifical dans les conflits internationaux.Henri IV, reconnaissant, soutenait en prince chrtien les droitsdu Saint-Sige et l'aidait triompher de Csar d'Est dans larevendication du duch de Ferrare, rclam par Clment VIIIcomme fief apostolique.

    11 WsWe h Ces services allaient-ils suffire dterminer une orientation'c^tierAu- ^c ^"^ I)olitique pontificale du ct de la France? C'tait aban-ijjHioila donner par l-mme l'Autriche et l'Espagne. Le projet valait

    qu'on y rflcht. Le colosse espagnol, qui, sous Philippe II, avaitexerc une pression si lourde sur l'Europe, fort de la puissancede l'or, dont il dtenait les sources, et du prestige de la croix,qu'il essayait d'accaparer son profit, semblait alors, d'unemarche lente et sre, devoir briser toutes les indpendancesnationales et refaire, avec les dbris de la chrtient soumise auPape, une chrtient nouvelle domine par les Habsbourg. Legrand empire qui enserrait Rome et la France par ses royaumes,

    1. Le roman de Cervantes, Don Quichotte, dont l'influence devait tre considrable6ur le mouvement des ides, parut en 1605.

    2. Quarante-deux lettres d'Henri IV, dcouvertes dans les Archives du prince Boria,permettent de suivre la politique du roi de France dans cette affaire. Aprs de vaguespromesses, il se droba l'invitation de Clment VI II. Henri IV pensait qu'une al-liance avec le sultan servirait davantage les intrts du commerce franais et des mis*ions callioliques en Orient.

    3. Ml-qatobi, Annali d'Ilalia, t. XI, p. 1-3.

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    LE GOUVEilNEMENT DES PAPES, ETC. 17ses fiefs, ses prsides, ses allis, ne serait-il pas le dernier boule-vard de l'Eglise contre l'hrsie ? Chevaleresque, mais timide,Clment VIII hsitait prendre un parti.Un habile diplomate, galement dvou la France et LecaH^vil'Eglise, Arnaud d'Ossat, le tira de ses incertitudes et lui montra ^^dSll.-'rprudemment la voie suivre. Il n'est point vrai, malgr ce qu'en '* Fra.-.co.affirme Sully en ses Mmoires, qu'Henri IV et conu alors legrand dessein de rorganiser l'Europe en une vaste rpubliquechrtienne, o les trois religions, catholique, luthrienne et calvi-niste, auraient form une puissante fdration contre le Moscovitebarbare et le Turc infidle ; la politique du roi barnais tait troppratique pour se livrer ces rves aventureux ' ; mais elle n'enmritait que plus d'altenlion. Trs Saint Pre, crivait d'Ossat,le Pape et la cour de Rome peuvent faire beaucoup de bien auroi (de France)... et le roi d'Espagne, avec toute sa puissance etemployant toutes ses forces tant par terre que par mer, ne vouspeut pas tant nuire comme fait cctle cour en son sant... Le roi(de France) doit tenir pour certain que comme ses affaires ironten France, ainsi iront-elles Rome.

    Celui qui crivait ces lignes, qui voyait si bien ce qu'il y avaitde factice dans le grand dploiement des forces matrielles dol'Espagne et ce qu'il y avait de rserve fconde dans les rcssources de son pays, tait l'humble fils d'un compagnon mar6

    1. Les historiens ont longlemps discut sur le Grand dessein d'Henri IV. Jusqu'ences derniers temps on ne mettait pa? en doiile la ralit de ce grand projet, loni-uemontexpos par SuJly dans ses Mmoires ou (Economies royales, passim, partir de 1503jusqu'en 1609. Voir Petitot, Collection de Mmoires relatifs l'hist. de France t. II-VIII. II faudr.ait, di.-;ait M. Wolowski, dans un rapport lu dans la sance pu'bliauedes cinq Acadmies le 14 aot 18G0, il faudrait accuser Sully de la plus audacieuse desfalsifications, pour rejeter ces tmoignages, ces paroles, ces documents, qui tou> con-duisent au mme rsultat. Mais tandis que M. Poirson, dans son Histoire du rgne deHenri IV, 2 dit., t. IV, p. 16, ne voyait dans le Grand Dessein qu'un moyen derapprocher et de runir en faisceau les principauts rformes, pour les opposer auparti catholique , M. Mercier de LacoraLe, dans son tude sur Henri IV et sa politiquep. 409, y dcouvrait l'intention d'arriver une politique absolument et exclusivementcatholique. On ne considre plus aujourd'hui ce projet que comme un roman imaginde toutes pices par Sully disgraci et vieillissant. Tandis qu'il assistait, oisif et inu-tile, au succs de la politique dirige par Richelieu contre la maison d'Autriche, il dul68 dire et il finit par croire qu'Henri IV, s'il avait vcu, aurait aussi bien fait.' sinoomieux ; et il mit tous ses soins, et nul scrupule, le persuader la postrit. H. Ma.-BiJOL, dans YHist. de France de Lavisse, t. VI, 2 partie, p. 125. De fait, on n'tpas trouv trace d'un projet pareil dans les archives des puissances catholiques ouprotestantes ; plusieurs chiffres donnes par Sully ont t reconnus inexacts deslettres entires ont t fabriques de toutes pices ; dans d'autres, des phrases rela-tives au Grand Dessein ont t habilement intercales. Cf. Gh. PfisTER Les Econo'mies royales de Sully et le Grand Dessein de Henri I V,

    Hist. ga. de l'ExHse. VI.

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    18 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISEchal-ferrant, n en 1333, au pied des Pyrnes, de souche gas-conne ou barnaise. L'Eglise en avait fait un cardinal et le roi deFrance un ambassadeur*. Ses ides sages et modres prvalurentauprs de Clment VIII, et, sans faire rompre le Saint-Sigeavec l'Autriche et l'Espagne, le rapprochrent autant que pos-sible de la France.Le Souverain Pontife espra im moment que l'Angleterre lui

    donnerait les mmes consolations. A l'avnement de Jacques I*'",en 1603, il adressa au nouveau roi de sincres salutations etenvoya la reine, qu'il savait tre secrtement catholique, unelettre des plus confiantes. Mais la fameuse Conspiration despoudres allait bientt servir de prtexte la plus odieuse pers-cution et ruiner les esprances du Pape*,

    ftformesde Dans l'administration de ses Etats et dans le gouvernementdment VIII. spirituel de l'Eglise, l'activit de Clment VIII put s'exercer pluslibrement et d'une manire plus efficace. Peu de Pontifes s'entou-rrent de cardinaux aussi minents. A ct de d'Ossat, dont lavertu galait le talent. Clment fit entrer dans le Sacr Collgel'illustre du Perron, que la lecture des Pres avait converti del'hrsie calviniste la foi catholique et dont l'loquence persua-sive avait ramen tant d;^. protestants l'Eglise ; le savant Tolet,dont les ouvrages devaient runir dans un mme sentimentd'admiration Bossuet et Richard Simon ; Bellarmin, le Matre dela controverse ; Baronius, le Maitre de l'histoire ecclsiastique .

    1. t Ce que nous appelons la carrire diplomatique n'existait pas cette poque,au moins en France ; tout au plus y avait-il quoique chose d'approchant dans la rpu-blique de Venise et dans le service du roi d'Espagne. Un grand seigneur se rendait une cour pour un objet dfini, avec une mission individuelle et temporaire, il attachait sa suite des gentilshommes pour l'apparat, des serviteurs intimes, des clercs le plussouvent, pour la rdaction des critures. A ct de ces ambassades, des agents bn-voles s'entremettaient. A Rome, o venaient aboutir et s'enchevtrer toutes les ngo-ciations de la chrtient, les agents officieux taient lgion... Pour la France, en parti-culier, ce fut une tradition constante d'entretenir Rome des prlats romains restsbons et actifs Franais... Pendant vingt-cinq ans cette tradition n'eut pas de gardienplus heureux et plus adroit que l'abb d'Ossat. E.-M. de Voguk, Le cardinal d'Ossat,nslsi Revue des Deux-Mondes du l^'' mai 1S95, p. 211. Cf. A. Decert, Ze cardinald'Ossat, sa vie et ses ngociations, Paris, 1804 On sait le cas fait du cardinal d'Ossatpar Fnelon dans sa Lettre r Acadmie, et l'estime en laquelle le tient La Bruyre,qui, dans son chapitre des Jugements, n'hsite pas placer le ngociateur d'Henri IVentre Ximns et Richelieu.

    2. Fu crcduto da molli, et anche da Papa Clmente VIII, che la religione cattolicaavesse a montar sul Trono con questo Re. Si trovarono ben ingannati. Muratori, AnnalliSI, 10.

    3. CiACONius, Vil et res geslae Pontificum et cardinalium, 4 vol. ia-f, Rome, 1677,t, IV, col. 277, et 8.

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    LA RENAISSANCE CATHOLIQUE l)Aid parles conseils de ces ^ands hommes, Clment A'III rvilisades rformes importintes : il fit une nouvelle rpartition desimpts dans les Etais de l'Eglise, plaa les revenus des com-munes sous une inspection spciale, et soumit les barons unejustice svre. Attentif la stricte observation des rcf^es cano-niques et litur^ques, il publia de nouvelles ditions de l'Index ',du Pontifical*, du Crmonial des Evques % du brviaire* et dumissel*. Par une bulle du 25 novembre 1592, il institua l'adora-tion des Quarante Heures *. 11 dfendit de rciter, dans les olllcesliturgiques, toutes autres litanies que celles des saints et deNotre-Dame de Loretle'', dicta contre les duellistes les peinesles plus svres '. Sa sollicitude ^e porta particulirement sur lesfidles du rite grec ; en 1595, il accueillit avec bont les dlgusde l'Eglise ruthne, qui venaient traiter de leur union avecRome ; il leur demanda leur adhsion aux dcrets du concile deFlorence et concda au mtropolitain le droit de consacrer les.vques pour les siges qui viendraient vaquer, mais tout nou-veau mtropolitain lu devrait demander la confirmation de sonlection Rome ' ; une bulle rgla d'une manire gnrale lesrgles liturgiques qu'observaient les Grecs tablis en Italie".

    Pour la plupart de ses rformes. Clment VII 1 ne jugea pas propos de faire dlibrer les congrgations cardinalices que SixteQuint avait savamment organises autour du Chef de l'Eglise. 11s'tait rendu compte des lenteui-s quHm pareil procd risquaitd'entraner, et son entourage ne lui sut pas mauvais gr de cettepratique ; mais mesure que le Pape avanait en ge, on s'aperut influence duqu'un de ses neveux, le cardinal Pierre Aldobrandini, prenait, Aid^^"^^DLdans l'administration de l'Eglise, une place de plus en plus pr-pondrante. L'habilet exceptionnelle du cardinal neveu dans lesaffaires expliquait le rle q .e le Pape lui laissait prendre. Maisla noblesse romaine s'mut. La famille Farnse, qu'une rivalit

    1. CocQTJELiNES, Bullarium, t. V, 2^ pars, p. 82.2. Jbid., p. 92.3. Ibid., p. 301.4. Jbid., p. 422.5 Bull., 3 pars p. 54.6. CoGQUELiNES, BuUarfum, t. V, 1* pars, p. 411,7. Ibid., t. V, 3 par?, p. 129.8. Ibid., t. IV, 1 pars, p. 386.9. Ibid., t. IV, 2* pars, p. 87. La mms anne, le patriarche copte d'Alexandrie Utune dmarche semblible.10. Ibid., i. IV, 2 pars, p. 72.

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    20 HISTOIRE GNRALE DE L*GLISEancienne opposait celle des Aldobrandini, devint le centre d'unmouvement d'opposition qui dgnra en mouvement de rvolte.Cavalieri et nobili affluaient au palais Farnse. Il fallait, disait-

    Les Farnse on, dlivrer le Pape et l'Eglise de la captivit dans laquelle lesAid*b*^ dTi tenait le cardinal Aldobrandini. On gagna plusieurs membres duSacr Collge. Les Aldobrandini taient connus comme ayant un

    penchant pour la France ; les Farnse se rallirent bruyammentaux Espagnols ; quelques bandes de troupes espagnoles, appelespar eux, se montrrent mme sur la frontire napolitaine, et l'onse demanda si les tristes luttes de factions, qui avaient ensan-glant Rome aux xiv* et xv^ sicles, n'allaient pas se renouvelertout coup. C'et t la ruine de la politique pacificatrice inau-gure par Clment VIII, qui avait russi jusque-l tmoignersa sympathie la France sans rompre avec les Habsbourg. Lasagesse du cardinal Farnse et l'habilet du cardinal Aldobran-dini russirent empcher un clat. Tandis qu'Aldobrandini,exploitant la haine de l'Espagnol, qui se rveillait si vile en Italie chaque ingrence abusive de l'tranger, ralliait les Etats de lapninsule en une ligue redoutable sous la protection de la France',le cardinal Farnse se retirait dignement dans ses domaines deCastro, o son adversaire le laissait se consoler de son chec parles ovations enthousiastes de ses amis '.

    Ces incidents assombrirent les derniers jours de Clment VIII.La mort du cardinal dOssat, survenue sur ces entrefaites, en1604, lui porta xin coup trs douloureux, il en tomba malade,dit-on. Au commencement de 1605, la recrudescence del longue

    Mort de querelle thologique, un moment assoupie, qui divisait les domi-Qent VIII nicains et les jsuites, augmenta ses proccupations. On le sup-pliait de se prononcer pour ou contre les molinistes '. La fivreintermittente, dont le Pape tait atteint, s'aggrava tout coup.Il mourut le 3 mars 1605, l'ge de 69 ans *.

    1. Lettre de du Perron Henri IV, 25 janvier 1605.2 MuRATORi, Annali, XI, 15.3. Clment VIII penchait manifestement vers l'opinion thomiste. Cependant, s*fl

    faut en croire un de ses confidents intimes, le cardinal Monopolio, son ide ne fut ja-mais de condamner Molina, mais de dfinir certaines doctrines de saint Augustin ga-lement admises par les deux partis. II mourut sans avoir rien dcid. Cf. J. de la Sib-TiiRB, dans le Diei. de thol. de Vacant-Mangbnot, au mot Clment VJIIt4 lIuBATOBi, Annali d^Italia, X. XI, p. 16.

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    LA RENAISSANCE CATHOLIQUE 21

    III

    Les soixante-deux membres du Sacr Collge entrrent en con-clave le 14 mars 1605, Parmi tant d'illustres cardinaux, qui Le conclarallait-on confier les clefs de Pierre? Les regards se portrent surBaronius et sur Bellarmin. Baronius avait presque achev sesmonumentales Annales ecclsiastiques, et, non moins que sa vasterudition, les admirables vertus qui lui ont valu le titre de Vn-rable, semblaient le dsigner au choix de ses collgues ' ; maisl'Espagne reprochait l'impartial annaliste de s'tre prononccontre les prtentions espagnoles en Sicile et d'avoir inclin versla France l'esprit de Clment VIII ^ Bref, la cour de Madrids'opposait foTmellement son lection. Toutes les controversesde l'poque avaient t pour Bellarmin l'occasion de manifesterla profondeur de sa science et l'actiA'it de son zle ; mais sonattitude dans l'affaire des congrgations de Auxiliis, son interven-tion auprs de Clment VIII pour empcher une condamnationdu molinisme, lui avaient alin les esprits de plusieurs de sescollgues'. L'illustre jsuite obtint nanmoins dix voix au premierscrutin. Le savant oratorien en avait vingt ; le second tour lui endonna trente-sept *. Les deux grands hommes taient galementau-dessus de toute ambition personnelle. S il suffisait de leverde terre un ftu pour tre Pape, disait Bellarmin, je ne me bais-serais pas pour le prendre ^ ; Baronius, qui il ne manquait quetrois voix pour rendre son lection canonique, dtourna sesamis de voter pour lui ; et, dans un dsir unanime d'assurer lapaix l'Eglise, toutes les voix du conclave se portrent sur le

    1. Cf. G. Calenzio, La vtta egli scritti del eard. C. Baronio, 1 vol. in 8, Roma, 1909.2. Baronius, confesseur de Clment VIII, avait us de .son influence pouj faciliter la

    rconciliation d'Henri IV avec l'Eglise. Des relations sympathiques u-ntre le Pape el leroi de France avaient t la consquence de cet vnement, el les Espagnols en fai-saient un reproche Baronius.

    3. Voir dans Serry, Hist. cong. de Auxiliis, liv. Il, cap. XXVI, la lettre confiden-tielle crite par Bellarmin pour dissuader de toutes ses forces le Pape Cluieul Viil detrancher la question si complexe des effets de la grce. Plusieurs cardinaux, entreautres le card nal Passionei, lui reprochrent cette occasion de soutenir ses vues \>v-fionnelles et les intrts de son Ord.e. Mais, lors du procs de sa canonisation, le pro-moteur de la foi dclara n'avoir rien lui reprocher de ce fait. Cf. X, Le Bacuelst,dans le Dict. de thologie de Vacant-Mangenot, t. II, coL 56?,

    4. Platina-Coulon, t. II, p. 203.5. Le Bachelet, Ihid., col. 568.

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    22 HISTOIRE GNRALE DE L GLISEElection de cardinal Alexandre de Mdicis, qui prit le nom de Lon XI.

    (3 av^ les). C'tait un vieillard de soixanle-dix ans, libral, magnifique etaffable, qui unissait toutes les grandes qualits de sa race cellesd'une austrit connue de tous et d'une parfaite droiture'. Lafamille de Mdicis, qui, en moins d'un sicle, avait donn desimpratrices l'Allemagne, deux reines la France, des femmes to\is les plus grands princes de l'Europe et quatre SouverainsPontifes l'Eglise romaine, semblait devoir runir les sympa-tliies de toutes les nations. En France, on exulta. Le roj deFrance, dit une chronique, fit faire des feux de joie Paris, lescloches sonnrent, les glises retentirent de cantiques, et lescanons de l'Arsenal tirrent, publiant par ces bouches de feu lapart que ce grand Prince prenait la dignit de ce grandPape' .

    n mnrt aprf Cette joie universelle fut de courte dure. A son retour de ladePontificat. prise de possession de Saint-Jean de Latran, le Pape fut pris

    d'une fivre qui l'obligea s'aliter. Son grand ge, le sentimentdes lourdes responsabilits de sa charge aggravrent sa maladie.Il mourut le 29 avril 1605, aprs ^ngt-six jours peine de pon-tificat. Sur son lit de mort, comme on l'entretenait d'intrtstemporels : Laissez-moi, dit-il, m'occuper uniquement deschoses ternelles. Son lvation, due l'abngation de deuxgrands hommes, et sa mort admirable laissaient au monde chr-tien de prcieux exemples. Ce fut tout le fruit de son phmrepassage sur le sige de saint Pierre.Au nouveau conclave, qui se runit le 8 mai, l'influence deBaronius fut prpondrante. Il en profita pour diriger les voix de

    ses collgues sur le nom de Bellarmin, qui refusa son tourtoute candidature. Sa qualit de jsuite, au milieu des vives con-troverses qui divisaient alors les esprits, et sans doute renduson action difficile '.

    EleHon de C'est alors que l'attention du cardinal Aldobrandini se porta(16 mS' 1605) ^^^ ^^ cardinal Camille Borghse, dont les travaux ne pouvaientrivaliser d'clat avec ceux des Baronius et des Bellarmin, mais

    1. D'AvEiGNY, Mmotres chronologiques, anne 1605.2. Platina-Couloh, t. II, p. 203.3. Plus tard en 1614, alors qu'il pouvait croire l're des disputes dfinitivement

    c'ose par le dcret du 1' dcembre 1611 ,imposant silence aux thomistes et aux moli-nistes, Bellarmin crivait : t Je fais vu, si je suis lu Souverain Pontife, de n'leveraucun de mes parents ou de mes proches, i C*'. X. Le Baceelet, Dict. de ihiol., II, 568*

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    LA RENAISSANCE CATHOLIQUE 23dont la vie laborieuse et digne avait gagn l'estime de tous. Iltait g de cinquante-cinq ans, mais paraissait peine en avoirqua/ante. D'une taille leve et majestueuse, tout, dans sa d- Caractre dtmarche et dans sa physionomie, prvenait en sa faveur. La vie '^^'^***'* '^*P*retire et silencieuse qu'il avait mene jusque-l l'avait tenu eqdehors de toutes les intrigues de parti. On vantait en lui lapuret irrprochable de sa vie, son amour des choses de la reli-gion, et l'lvation de son esprit, qui semblait le destiner con-cevoir et raliser de grandes choses* . Les Franais et lesEspagnols accueillirent sa candidature, prsente par le cardinalneveu de Clment VIII, avec autant de faveur que les Allemandset les Italiens. On avait tout lieu d'esprer qu'il continuerait lapolitique de l'avant-dernier Pape. Au soir du 16 mai 1605, il futlu l'unanimit des suffrages, et prit le nom de Paul V.De la profession de jurisconsulte et d'avocat, qu'il avait exerced'abord, Paul V avait conserv l'habitude de la prcision juri-dique, un grand respect des lois civiles et canoniques, un gottrs prononc pour les rglementations fermes et prcises.

    Ds les premiers jours, il apparut que l'attention du iio^i^'^au jj ^^ ^^^^Pape se porterait bien moins sur les protestants, qui attaquaient paiement soo-,_ ,.,,, , .,.., attention sur1 Lglise du dehors, que sur les mauvais chrtiens, qui la com- les dsordrespromettaient au dedans. Camille Borghse avait eu l'occasion, "^pEg^a, *dans plusieurs mmoires juridiques, de montrer son zle d-fendre les droits de la Papaut et du clerg. Les circonstances deson lection ne firent qu'augmenter ce zle. Elu sans intriguepar le vote unanime de ses collgues, il se plut, toute sa vie, considrer son lvation au Pontificat comme un appel direct dela Providence. 11 se disait l'lu de Dieu et non des hommes. J'ai t lev ce Sige, disait-il, non par les hommes, maispar l'Esprit divin, avec le devoir de conserver les immunits del'Eglise, les privilges de Dieu : dans ma conscience, je suis tenude consacrer toutes mes forces dlivrer l'Eglise de l'usurpationet de la violence ; j'aime mieux exposer ma vie, que d'tre obligde rendre compte un jour de la ngligence de mes devoirs, ,lorsque je serai appel au tribunal de Dieu*.

    Cette conscience de Paul V dans l'application rigoureuse deslois se manifesta ds le dbat de ?on ponticaL

    1. MuKATORi, Annall, ann. 1605, t. XI, p. 14.2 Ranke, II, 419.

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    24 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISECori'IamnalioQ A Rome, comme partout ailleurs cette poque, la lgislation

    Pi"cinardi punissait de la peine de mort le crime de lse-majest. Or, peucoupable de ^q temps aprs l'avnement de Paul V, la police pontificalelse-majest ^ ^ ... . . , .tnvers la per- dcouvrit qu'un certain Piccinardi, natif de Crmone, avait com-atiiient VIII. pos sur le Pape Clment VIII un violent pamphlet, dans lequel

    le Pontife dfunt tait compar l'empereur Tibre. L'crit, nonencore livr^ au public, circulait en cachette, comme un fermentde dsordre et de rbellion. Paul V fut sans piti pour cette cri-minelle insulte l'autorit ; il fit un exemple : Piccinardi eut latte tranche sur le pont Saint-Ange.

    Paul V veille On trembla, dans l'entourage du Pape et ailleurs. Les plusBiHcie^du^"^ graves infractions la discipline taient devenues trs frquentes.concile de Les sa":es prescriptions du concile de Trente sur la rsidenceTrente sur la . . ,rsidence talent loin d'tre observes dans le haut clerg et mme parmi

    ercs. j^g membres du Sacr Collge ; et les svres sanctions pro-mulgues dans le chapitre P*" de la XXIIP session comtreles non rsidents, quels que fussent leurs dignits et leursprivilges , restaient comme une menace suspendue sur la ttedes dlinquants. Le concile avait dclar tout clerc non rsident coupable de pch mortel et passible de diverses peines, quiallaient jusqu' la saisie des revenus au profit des pauvres et ladposition' . Un jurisconsulte scrupuleux comme Paul V nepouvait oublier ces textes formels, ni les laisser lettre morte.Leur application ne se fit pas attendre. Le 17 mai 1G06, le car-dinal du Perron crit Villeroj : Le Pape a fait entendre cesjours passez que sa volont estait que tous ses cardinaux quiavaient des eveschez j allassent, ou bien les rsignassent, ou ymissent des coadjuteurs . Le Pape rappela galement les pres-crlplions canoniques, qui interdisaient d'employer les revenusd'Eglise ses usages personnels. Sur ces deux points, il nevoulut entendre aucune excuse. La plupart des cardinaux en fauteretournrent leur rsidence

    ;quelques-uns sollicitrent un dlai ;d'autres, pour ne pas quitter Rome, rsignrent leurs bnfices.

    Mais, ds cette anne 1606, le vaillant Pontife avait t solli-cit de porter son nergie dans trois grandes affaires extrieures :la lutte contre "Venise, la perscution des catholiques en Angle-terre et le conflit religieux qui allait faire natre en Allemagne laguerre de Trente ans.

    1. Concilii Tridentinl canonet et dcrta, sess, XXIII, D rejormatlone, cap. I.

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    LA RENAISSAISCE CATHOUQUE 25

    IV

    La riche et superbe Venise tait souvent entre en conflit avec La gueirt, ,-v , . . r 1 1 1 coutre Yenisiles rpes, et presque toujours pour se laire le champion desdroits de l'Etat contre l'Eglise. Frappe des foudres en 1483 parSixte IV et en lo09 par Jules II, elle n'avait jamais permis lapublication de la fameuse bulle In cna Domini et n'avait pascraint, malgr les protestations de Clment VIII, de reconnatrepour roi de France Henri IV encore excommuni. Au dbut duxvii^ sicle, la fre Rpublique semblait vouloir se consoler dela dcadence de son commerce ' et du dclin de sa gloire artis-tique -, par une attitude de plus en plus hautaine l'gard de laPapaut. Le 10 janvier 1603, le snat vnitien dfendit de btir Le snat vni.des glises, des couvents et des hpitaux sans sa permission ; le ax"droU5 et26 mars 1G05, il interdit l'alination des biens possds par les a"x immuntjlaques en faveur des ecclsiastiques. Peu de temps aprs, le tiques,snat lit arrter deux ecclsiastiques, Scipion Sarrasin, voquede Vicence, et Brandolino Valdemarino, abb de Nervze, et,contre les prescriptions formelles du droit canonique, attribua laconnaissance de leur procs la justice sculire \ Or, au clia-pitre XX Je sa XXV* session, le concile de Trente avait solennelle-ment rappel aux empereurs, rois, rpubliques et chefs de toutordre et de toute dignit , le respect d aux liberts, immu-nits et juridictions propres au clerg* . Conseill par Bellarminet par Baronius *, Paul V demanda la Rpublique de Veni?e,avec menace de censure en cas de refus, la rvocation desordonnances et la remise des deux accuss au nonce apostolique.Le snat ayant rpondu qu'il ne tenait que de Dieu le pouvoirde faire des lois, le Pape assembla un consistoire, dans lequelquarante cardinaux, sur quarante et im, aprs avoir entendu

    1. Cette dcadence avait t rendue presque irrmdiable par l'incendie de son ar-senal en 1S9 et par le malheureux trait qu'elle avait t oblige de conf'lure en 1573avec les Turcs.

    2. Le dernier de ses grands peintres, Le Tintoret, tait mort en 1594 ; AlexandraVarotari et les deux frres da Ponte continuaient sans clat les traditions artistiquesdu Titien, de Paul Vronse et du Tintoret.

    3 Mlratori, Annali, ann. 1605, t. XI, p. li,4. Conc. Trid., sess. XXV, cap. XX.5. MuRATOHi, Annali, t. XI, p. 20.

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    26 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISEl'expos des faits par Baronius, dclarrent qu'on ne pouvaituser de mnagements dans cette affaire sans trahir les droits del'Eglise '.

    Eicommmuni- La ligne de conduite du Pape tait toute trace. Le 17 avrilcation du doge 1(506, Leonardo, doe:e de Venise, et tous les membres du snatet de? membres .' ' o ' ^ i-du Snat, taient dclars excommunis et la Rpublique mise en interdit ,si dans le dlai de vingt-quatre jours les rclamations du Papen'avaient pas reu satisfaction. Le doge rpondit par l'injonctiondonne tous les prtres, sculiers et rguliers, de continuerl'exercice du culte sous peine d'exil. Le clerg sculier, plustroitement dpendant de l'autorit civile, se soumit en partie ;mais les capucins, les thatins et les jsuites refusrent en massed'obir aux injonctions du snat et furent expulss.

    L'affaire est L'affaire faillit prendre les proportions d'un conflit europen,prendre les ^^ mme temps que d'un schisme religieux. Le Pape ayantproportions youlu, l'exemple de Sixte IV et de Jules II, recourir aux armes1 un conflit eu- ' ^ 'ropen. temporelles et lever des troupes, le roi d'Angleterre, Jacques I**",

    et les Hollandais menacrent d'envoyer une flotte au secours deVenise ; les gallicans de France se dclarrent pour la Rpu-blique ; la cause de Venise tait leurs yeux la cause de l'ind-pendance des Etats en face de la tyrannie pontificale.

    Fra Paolo A Venise mme, cette cause trouva un champion redoutable'dfense de la* ^^^^^ ^^ personne d'un religieux servite, Fra Paolo Sarpi, qui sutRpublique mettre au service de l'orgueilleuse Rpublique et des idescontre le Pape d'indpendance dont elle tait le porte-drapeau, les ressources deson esprit prodigieusement fcond et actif. C'est tort que Bayle,

    Bossuet et Voltaire, se fondant sur des faits peu authentiquesrapports par le P. Daniel et par Burnet, ont vu dans Sarpi unprotestant et mme un athe. Prdestination radical, presque l'gal de Calvin, le fougueux religieux servite l'est sans con-

    Paolo ^Sarpi^.^ ^^^^^ ' mais ses ides sur ce point de doctrine, comme sesattaques passionnes contre la curie romaine, ses ironies mor-dantes et ses attaques injustes contre l'Eglise, s'expliquent suffi-samment par son caractre aigri, taciturne, port au fatalisme, etpar cette indomptable fiert du patriotisme vnitien, que ladcadence de la Rpublique n'avait fait qu'exasprer chez laplupart de ses compatriotes et qui semblait avoir atteint chez lui

    i. D'AvaiCHY, Mmoires chronologiques et dogmatiques, ann. 1605, d. de 1781, 1. 1.p. 24-25. . . . Il

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    LA RENAISSANCE CATHOLIQUE 27le paroxysme de la susceptibilit. N Venise le 14 aot 15d2,la rare pniration de son esprit et sa prodigieuse mmoire luiavaient valu les plus prcoces succs. Accueilli avec faveur parSixte-Quint, li de bonne heure avec Bellarmin, en correspon-dance avec les plus grands savants de l'poque, Casaubon, Sau-maise, Vossius, Bacon, Grolius, ami intime de Galile, quil'appelait son matre et son pre, Fra Paolo Sarpi apparat, audbut du xvu sicle, comme un esprit encyclopdique et commeun puissant initiateur. S'il n'a pas dcouvert la circulation dusang trente ans avant Harvey, comme on l'a prtendu, il a cer-tainement corrig et dpass Franois Vite en algbre, prcdGilbert dans l'tude de la dclinaison et des variations de l'ai-guille aimante, devanc Hunter au sujet des effets de l'airinsuffl dans les poumons en cas de mort apparente, remarqu lepremier les phnomnes de dilatation et de contraction de lachorode dans l'il de tous les animaux. Sa connaissance deslangues anciennes et orientales n'tait pas moins merveilleuse ;sa science thologique lui avait valu le titre de thologiendu duc de Mantoue et une chaire de thologie dans cette ville.

    Tel tait l'homme que le snat de Venise nomma, en 1606,thologien canoniste de la rpublique. Il tait de la taille desplus grands agitateurs que l'Eglise ait rencontrs dans le coursdes sicles. Son premier acte fut la publication, en 1606, d'unTrait de VInterdit, o, dans un style clair, incisif et plein ga campagned'nergie, il s'appliquait dmontrer le mal fond de l'interven- ment^con^re"lation pontificale dans les affaires de son pays. Sa popularit fut ds Papaut,lors immense, et son crdit dans les affaires de l'Etat, presquesans mesure. On le vit ngocier une alliance avec la jeune rpu-blique de Hollande, multiplier les mmoires sur toutes les ques-tions courantes de politique, de religion et d'administration ; etces travaux ne l'empchaient pas de rdiger sa fameuse Histoiredu concile de Trente^ avec tout le fiel de son me irrite, et unparti pris de dnigrement qu'on ne peut contester, mais aussiavec un talent qui le plaa au premier rang des historiens del'Italie, immdiatement aprs Machiavel. Son ami Dominis devaitla publier Londres en 1619, au grand scandale de l'Eglise;mais en ce moment le conflit vnitien avait heureusement prisfin, grce l'intervention du roi de France Henri IV.

    Cette intervention fut une des plus merveilleuses tactiques de

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    23 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISEIntervention la politique fine et souple du Barnais. Le duc de Savoie faisaitd'Iienri IV.

    ^fy-j-jp gQ^g niain ses services aux Vnitiens ; les ducs d'Urbin etde Modne penchaient de leur ct ; le roi d'Espagne, pressen-tant que la plupart des Etats allaient se rallier la cause deVenise comme la cause commune des princes contre les empi-tements de Rome, tergiversait pniblement, promettant au Papeson secours tout en exhortant les snateurs vnitiens dfendreleurs droits ; Henri IV s'olfrit alors comme mdiateur dans cetteaffaire. Le Pape, qui se voyait en prsence d'une situationpresque inextrical;le, et les Vnitiens, qui ne pouvaient se m-fier du roi de France, dont ils avaient si spontanment accueillil'avnement, acceptrent l'arbitrage. Au grand dpit de l'Es-

    6on arbitrage pagne, qui fut carte, le cardinal de Joyeuse, envoy plnipo-^mcra n'nT'ir tcntiaire d'Henri IV, fit accepter un accommodement. Le snatluUe. remit l'autorit ecclsiastique les deux ecclsiastiques pri-

    sonniers et dclara retirer le manifeste qu'il avait publi contreles censures, mais refusa obstinment d'tendre le bnfice del'amnistie aux jsuites, qu'il croyait avoir t les instigateurs dela rsistance ; et, le 30 avril 1607, le Pape leva l'excommunica-tion et l'interdit prononc contre Venise *.

    nlrjtfons avec Les affaires d'Angleterre commandrent Paul V une attitude""*'"' ^*^^' plus ferme. La question des rapports du temporel et du spiri-

    tuel s'y posa en effet de telle sorte que toute quivoque devait entre carte tout prix.Ds l'origine du schisme, le gouvernement anglais avait pr-

    tendu exiger des catholiques le serment de suprmatie, parlequel on reconnaissait que la souveraine autorit, tant dans leschoses spiritvielles que dans les temporelles, appartient au roiseul' . Aprs la dcouverte de la Conspiration des poudres ,le roi Jacques P"", voulant condamner plus spcialement l'opiniondes catholiques, qui regardaient son autorit temporelle commesubordonne celle du Pape, fit adopter par les deux chambresune nouvelle formule de serment.

    1. Sur la lutte de Paul V contre la Rpublique de Venise, voir Muratout, Annai,606, 1607, t. XI, p. 19 et s. Plati.\a-Coulon, t. II, p. 209-210. D'Avrigny,hlinioires, t. I, ann. 1G05, p. 24-28.

    2. Voir la formule entire dans Suarez, Defensio fidei, lib. VI, promium ei Bellar-lii:v, Responsio ad Apologiam, prxambul. Cf. Lingard, Hist. d'Angleterre, t. VII,p. 403, 481, 483, 582.

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    LA RENAISSANCE CATHOLIQUE 29Tous les catholiques ou suspects de catholicisme seraient Le sermentd' all-obligs de dclarer, sur la demande des autorits locales, non geaace.

    plus seulement, comme beaucoup de catholiques l'avaient pro-fess sous Elisabeth, que le roi ne peut tre dpos par le Pa[)e,mais de j^lus que toute doctrine contraire est impie et hr-tique . Je reconnais devant Dieu, devaient-ils dire, leroi Jacques comme notre souverain matre... Je jure quej'abhorre de tout mon cur, comme impie et hrtique, cettedoctrine et proposition, que les princes excommimis ou pi'ivsde leurs Etats par le Pape peuvent tre dposs ou tus par leurssujets ou par quelque autre personne que ce soit. Je crois aussiet suis persuad en ma conscience que ni le Pape ni aucuneautre personne n'a le pouvoir de me relever de ce serment oid'aucune de ses parties. Je reconnais que ce serment m'ts>lgitimement demand par une juste et pleine autorit... No-nobstant toute dclaration ou sentence d'excommunication ou de -; ;dposition, je garderai foi et allgeance sa Majest et sessuccesseurs. C'est ce qu'on appela le serment d'allgeance[allfjiance, fidlit). Or, il advint que les catholiques d'Angle-terre, admirablement unis jusque-l, se divisrent propos de lalgitimit de ce nouveau serment. Les uns, y voyant la repro-duction, en termes quivoques, du serment de suprmatie, lecondamnrent; d'autres, n'y dcouvrant que la promesse d'uneobissance purement civile et la condamnation d'une doctrinetrs contestable, soutinrent qu'on pouvait le prter sans scru-pule. Par un bref du 22 septembre 1606, Paul V condamna leserment d'allgeance comme contenant plusieurs choses con-traires la foi et au salut* . Cette condamnation consternaplusieurs fidles, car les peines portes contre les rfractairestaient terribles : prison perptuelle et confiscation des pro-prits. L'arcliiprtre Black-wel, vieillard timor, ne put s'ima-giner que le bref du Pape tait authentique ; en tout cas, pensa-t-il, il ne parat avoir t rdig que sur un faux expos et nocontient certainement qu'un conseil : Blackwell refusa, pources motifs, de promulguer le document pontifical. Paul V,

    1. Reconnatre devant Dieu le roi Jacques comme un sourain matre, sans dis-tinction du temporel et du spirituel, condamner comme impie et hrtique une opinionthologique libre, et dclarer de plus que le serment tait exig, par une juste et pleineautorit ; de telles dclarations taient sans contredit contraires la foi et au $alut.

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    30 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISEaverti renouvela sa condamnation par un second bref, du 22 sep-tembre 1607*. Quand cette seconde lettre arriva en Angleterre,Tarchiprtre avait dj obtempr l'ordre royal ; mais lesfidles se soumirent au bref du Pape et beaucoup souffrirent laperscution pour leur refus de prter le serment condamn *.

    Au moment mme o le roi d'Angleterre rallumait la perscu-Relations avec tion contre les catholiques, l'attention du Souvenir Pontife taitl'AUemagne. ^^^^^^^^ g^^ij.^^ ^^ ct de l'Allemagne. Le M avril 1606, Do-L'meute de nauwrth, ville impriale mixte, les catholiques ayant organism^viTSoG) "^^ procession solennelle, les protestants s'taient ameuts,avaient dispers le cortge et pill l'glise ^ Le fait tait peu im-

    portant en apparence ; mais il rvlait aux yeux des politiquesaviss un tat de tension redoutable sur lequel il n'tait plus pos-sible de se faire illusion. La crise tait la fois politique et reli-gieuse. Tandis, en effet, que l'ide de l'empire apparaissait beau-

    ^s conditions coup d'esprits comme le seul moyen possible de sauvegarderpolitiques et l'hffmonie allemande, l'oligarchie des princes tait un fait quireligieuses de . . .l'Allemagne s'imposait de plus en plus. Les princes protestants, enrichis parporte^ de cet les dpouilles des biens ecclsiastiques, tenaient plus que jamais

    iocideot. ^ ^euT autonomie ; et les princes catholiques, dont plusieursavaient reconquis par de vigoureux efforts l'unit religieuse dansleurs domaines, ne consentaient plus s'effacer devant un Matre ;les lgistes plaidaient maintenant en leur faveur ; le livre de Slei-dan, De statu religionis et reipublicx, devenait leur manuel dedroit politique. Des conflits d'ordre religieux aggravaient la si-tuation. La clause du rservt ecclsiastique, stipule la paixd'Augsbourg, en vertu de laquelle tout bnficiaire passant lareligion luthrienne devait abandonner ses biens *, tait cons-

    1. C'est la date donne par Dupuis, dans son Histoire ecclitlatlque du xvii* sicle,D'AvRicNY donne la date du 23 aot, Mmoires, t. I, p. 29.2. Sur la porte des deux brefs de Paul V, voir Gosselin, Pouvoir du Pape auMoyen Age, d. de 1846, p. 588-599, 738-751.3. Janssen-Pastor, t. V, p. 294-299.4. CBftvBiAT, Hist. de la Guerre de trente an, 1. 1, p. 10-12,

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    LA RENAISSANCE CATHOLIQUE 31tamment viole par les protestants '. L'irritation tait surtout

    , extrme chez les calvinistes. Dj nombreux en Allemagne, ilssubissaient tous les inconvnients des traits sans bnficier d'au-cun avantage ; car toutes les clauses favorables avaient t dic-tes en faveur des luthriens. La haine de l'empire s'unissait eneux la haine de l'Eglise catholique *. L'agitation sourde qui seperptua en grandissant, de lo50 1605, fut principalement leuruvre.

    L'empereur Rodolphe ne se dissimula pas la gravit du pril, Rpression s^et se dcida pour une rpression nergique. Aprs avoir mis la pl/rempereurville de Donauwrth au ban de l'empire, il chargea le duc Maxi- Rodolphe,milieu de Bavire d'excuter la sentence. Maximilien, princed'un gnie mle et pntrant, excellent administrateur, guerrierinfatigable, dont la tte tait remplie des projets politiques lesplus grandioses ' , tait tout dsign pour prendre en main ladirection des forces catholiques de l'Allemagne. A ct de lui, Les dfenseursl'archiduc Ferdinand, dont l'inbranlable fermet d'me tait de J'Eghse'

    . , eo AUemagae.fonde sur une foi profonde, le vieil vque de Wurzbourg, quiavait fait la premire tentative de contre-rforme, et le princelectoral de Mayence, dont l'influence tait considrable danstout l'empire, formaient l'tat-major d'un groupement que lesvnements politiques et religieux avaient form comme d'eux-mmes et qui semblait tout prt prendre la dfense de l'Eglisecontre les entreprises des protestants.

    L'Europe entire, les documents diplomatiques de cettepoque en font foi, pressentait l'clat d'un grand conflit *. Laprise de Donauwrth par Maximilien fut bientt suivie de la for-mation Alhausen, en 1608, de la Ligue vanglique, qui rallia l^ , jj^^^les princes protestants sous la direction de l'lecteur palatin Fr- vangliqua tdric ^. C'tait un prince grave, un peu mlancolique et fier,mais plein de hautes penses et possdant assez d'empire surlui-mme pour se mettre en garde contre les habitudes de vie re-

    1. Cf. Alzog, Hist. universelle de VEglise, trad. Goschler, t. III, p. 267.2. Janssen-Pastor, L'Allemagne et la Rforme, trad. Paris, t. V, p. 525-552.3. Ranke, III, 76. Cf Charvriat, Hisl. de la Guerre de Trente ans, t. I, p. 30-31.4. Voir notamment Advis sur les causes des mouvements de l'Europe, envoy aux rois

    t princes pour la conservation de leurs royaumes et principauts, prsent au roy trschrtien par le comte de Furstemberg, ambassadeur de l'empereur ; insr dans leMercure Franois, t. IX, p. 342.

    5. Janssbn-Pastob, V, 297-303. Charvriat, I, 42-44.

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    32 HISTOIRE GNRALE DE L GLISElche qui rgnaient alors parmi les seigneurs allemands '. Leprinces catholiques rpondirent par la formation, en 1609, de la

    La Ligue de Lijue de Wurzbourg , dont Maxiniilien de Bavire fut proclam^"^g"''* le chef*. La guerre tait imminente. L'assassinat d'Henri IV,

    dont les ennemis de l'empereur escomptaient l'appui, les dcon-certa ; mais un secours leur vint bientt de la Bohme et ranimaleur courage.

    La Dfnes- Le protestantisme, ayant trouv en Bohme l'appui des Utra-Prague ; ou- quistes *, y avait fait de grands progrs. Il y avait obtenu de"JiJe'^'di^ Maxiniilien II la libert du culte, et de Rodolphe II, en 1606, desTrente ans Lettres de Majest, accordant tous les seigneurs, chevaliers etvilles qui avaient embrass la Rforme, les mmes droits qu'aux

    catholiques. Un rescrit imprial leur concdait expressment lafacult de construire des glises protestantes sur un sol catho-lique. Ces concessions n'aboutirent qu' rendre les Tchques plusfiers et plus prsomptueux. L'tat politique de la Bohme favo-risait d'ailleurs l'esprit d'anarchie ; une oligarchie fodale, aussidure envers ses infrieurs qu'arrogante l'gard du chef de l'em-pire, avait rduit les paysans au servage ' : l'irritation tait par-tout et la cohsion nulle part. En 1617 et 1018, les vassaux del'archevque de Prague, Hrob (Klostergrab), et les habitants dela ville de Broumov (Braunau), ayant, malgr l'opposition deleurs seigneurs, construit des temples, l'empereur ordonna de lesfermer, le privilge imprial ne s'appliquant qu'aux seigneurset non leurs vassaux. Les protestants tchques protestrent,invoquant les rgles de leur vieux droit public national, qui con-sidrait, disaient-ils, les biens ecclsiastiques comme domainesde la nation. La rponse de Rodolphe fut menaante. Ds lors lamort des deux gouverneurs de la ville de Prague, Martinitz etSlavata, qui on imputait la rponse de l'empereur, fut dcide.Le 23 m.ai 1618, des conjurs les ayant rencontrs dans le vieuxchteau des Hratchany, qui dresse sa menaante silhouette surla rive gauche de la Moldau, les prcipitrent par les fentres,dune hauteur de quatre-vingts pieds. C'est ce qu'on appela la

    1. Ranke, III, 71.2. CnAavRiAT, I, 44-45.3. C'tait une scission du parti des Ilus^ites.4. Sur la situation politique et sociale de la Bohme 4 cette poque, voir une lud

    pciale de CHAavaiT, t. I, Appendice, p. 553-556.

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    L renaissance catholique 33Dfenestration de Prague '. La guerre de Trente ans tait d-chane.La disparition de l'empereur Mathias. prince faible et inca- Avn-^mcnt dpable, mort le 20 mars 1019, et l'avnement l'empire de Ferdi- Ferdinand ilnand, duc de Styrie, qui prit le nom de Ferdinand II, accentua

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    34 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISEeldelacam- pa2:ne romaine. Cet tat tenait aux conditions d'instabilit de la^ufaine" population, gravitant presque tout entire autour des grandes fa*

    milles et suivant leur fortune. Une foule d'employs, de clients,et de gens sans aveu, condottires et bravi, allait et venait, cons-tiluant un pril permanent. Paul V s'appliqua subvenir auxmi-sCres les plus urgentes et surtout fixer au sol les familles. IlLtit des greniers publics, dit le continuateur de Platina, accordades privilges particuliers aux laboureurs comme aux pres nour-riciers de la terre, et pourvut la sret des citoyens par unejustice svre qu'il fit des assassins et des voleurs publics, quitremblaient et prenaient la fuite au seul nom de Paul, comme les

    Fon zle pou.- oiseaux de nui' se cachent la lumire du soleil *. Paul V,nl^ent de la vie voulant porter le remde la racine du mal, s'appliqua surtout ciiicLieuae. favoriser l'instruction catchistique des fidles ^. Pensant que

    l'exemple des ecclsiastiques serait la plus efficace des exhorta-tions, il veilla l'observation des rgles publies par le Concilede Trente sur la vie des clercs ; donna des instructions prcisesau clerg de Rome *, et choisit les vques parmi les religieux lesplus rguliers *. En canonisant saint Charles Borrome, et enba-tiiianl saint Ignace de Loyola, saint Franois Xavier, saint Phi-lippe de Nri et sainte Trse, il proposa au culte et l'imitationdes fidles les plus admirables exemples de saintet ^

    Il favorise le Paul V ne ngligea pas de favoriser la science et les arts. 11inenides^scien- enrichit de nombreux volumes la bibliothque vaticane, dcrtaces et des ails. ^ g dans tous les ordres religieux seraient riges des chaires de

    langue hbraque, latine et grecque, et dans chaque universitune chaire de langue arabe. Ce grand Pape, dit une noticecontemporaine, a aplani des coteaux dans toute la ville, ouvertde larges points de vue partout o il y avait des sinuosits, etconstruit d'immenses places, rendues plus magnifiques par lesnouveaux difices qu'il a fait lever tout autour. Les chapellesqu'il a fait btir avaient l'air de basiliques, les basiliques taientgrandes comme des temples, et les temples ressemblaient des

    1. Platiha-Coulom, t. II, p. 207.2. Bzovius, Paulus Quintus, 1 voL ia-8, Romse, 1626, cap. XXIV, p. 31,3. Bzovius, ch. XXII, p. 29.4. Bzovius, c. xxi.5. Sur son zle pour les missions trangres voir Bzovius, c, xxv et xziz,PlatiitaCouiON, II, 208, Nous en parlerons plus loin,

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    LA RENAISSANCE CATHOLIQUE 3omontagnes de marbre '. Mais aucune des uvres rl'art excutessous son inspiration n'excita p^us l'enthousiasme de ses contem-porains que l'achvement de la basilique de Saint-Pierre. Il d- Il achve laplaisait Paul V, ami des splendeurs grandioses, que la basi- SJnt-Pierre*lique vaticane n'et point la forme d'une croix latine et n'atteigntpas la longueur de la basilique primitive. Alais il fallait pour celarompre l'harmonie voulue par liramante et par Michel-Ange.'L'architecte Charles ^Jaderne accepta cette tche redoulai;le. Lesproportions de l'difice furent dcmcsui'nient agrandies. Unenorme faade, tenant la fois d'un arc de triomphe et d'unemuraille de palais, masqua l'lan superbe de la coupolo, crasales charmants souvenirs du },Ioyen-Age que les artistes primi-

    tifs avaient voulu sauvegarder, mais, somme toute, l'enserable dutemple donna l'impression d'une grandeur colossale et Paul Vput crire firement son nom, en lettres gigantesques, au fron-tispice du grand temple de la chrtient ; l'uvre oii s'taientconcentrs la pense et l'effort de la Renaissance tait ache-ve *.La passion des splendeurs fut le faible de ce grand Pape. Mal- ii favori. e etheureusement, il ne se borna pas les prodiguer aux glises et *p"ooLas.*^*aux monuments de la cit ; il en combla les demeures de ses ne-veux : les pierreries, les meubles prcieux, les carrosses magni-fiques, la riche vaisselle, s'accumulrent dans les villas Borghseet Rospigliosi, construites par son neveu, le fastueux Scipion ;la famille des Borghse devint, grce aux faveurs du Pontife, laplus riche et la plus puissante des familles de Rome. La mortsurprit Paul V le 28 janvier 1621. 11 eut le temps de se recom- Mort dmandera Dieu et termina, dans les sentiments d'une pit fer- Pau; vc2.s laa-' i vier IwJi).vente, un pontificat qui, malgr quelques taches, fut vraimentglorieux pour l'Eglise et pour la civilisation.

    VIIDans le conclave cni suivit la mort de Paul "V, le choix du Sa- , ,. .

    P^ ' Election decr Collge, aprs s tre port sur le cardinal Bellarmin, qui re- Grgoire XV1. Vita Pauli V compendlose scripta, Manuscrit de la bibliothque Barberini, citparRANKE, ni, 242.2. Eugne Prat, Le Vatican, les Papes et la civilisation, Paris, 1895, d. illustr,

    p. 616.Si Ranm, III, 200-201, d'aprs les documeats d'archives, cits en note.

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    36 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISE(9 fvrier1621).

    Pwtrait dunouveau Pape

    Il parvient,par ses ngo-ciations, assurer auxprinces catho-liques d'Alle-magne la pr-pondrancepolitique.

    fusa une fois de plus la charge pontificale, et sur le cardinalFrdric Borrome, qui dclina pareillement l'honneur de la tiare,se fixa sur le cardinal Alexandre Ludovisi, archevque de Bologne,ancien nonce pontifical en Savoie, qui prit le nom de Grgoiue XV(9 fvrier 1621). C'tait un vieillard maladif, de chtive appa-rence, le visage ple, les yeux teints ; mais il excellait dansl'tude de la jurisprudence ; sa nonciature en Suisse avait rvlsa prudence et son habilet ; initi aux alTaires par le Pape dfuntet li d'amiti avec les Borghse, il tait prpar continuer lapolitique extrieure de Paul V, qui consistait favoriser le pro-slytisme catholique de l'Autriche sans mcontenter la France ;trs attach aux ordres religieux et en particulier la Compagniede Jsus, qui l'avait lev, on pouvait esprer qu'il mettrait profit cette nouvelle force de rgnration dans le gouvernementde l'Eglise. On savait, du reste, qu'il aurait ct de lui un jeunehomme de vingt-cinq ans, son neveu, Ludovic Ludovisi, en quises ennemis mmes s'accordaient reconnatre un remarquabletalent pour la direction des affaires. Celui-ci tait un de ces es-prits actifs et dlis, qui savent toujours trouver un expdientdans les difficults les plus compliques ; il possdait aussi cecourage tranquille qui fait marcher droit sur les obstacles, dsqu'on a prvu la probabilit de les surmonter. L'activit du neveusupplerait, pensait-on, la faiblesse de l'oncle, et la sagesse duvieillard corrigerait les imprudences du jeune homme.

    Si tels furent les calculs des membres du conclave lorsqu'ilsabandonnrent la candidature d'un Bellarmin et d'un FrdricBorrome, pour lire le vieil archevque de Bologne, l'vnementles justifia pleinement. La premire proccupation du nouveauPape fut de profiter de la situation qui venait d'tre faite l'Eglise par la victoire des catholiques la Montagne-Blanche. Nous devons appliquer toutes nos penses, dit une de ses pre-mires instructions, tirer autant d'avantages qu'il sera possiblede cet heureux changement et de !a victoire qui nous est acquise. L'occasion de raliser ce projet ne tarda pas s'offrir lui. Ferdi-nand II avait promis de confrer au duc Maximilien de Bavirele Palatinat en cas de succs de la campagne qu'ils avaient en-treprise. Or, la ralisation de cette promesse avait, au point devue cathoHque, une importance capitale. La situation de l'Alle-magne tait telle que les voix catholiques et les voix protestantes

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    " LA RENAISSANCE CATHOLIQUE 37e contrebalanaient dans le conseil des princes lecteurs. Que lePalatinat cht au duc de Bavire, et la majorit tait acquiseaux catholiques. Mais les difficults taient de dcider le roid'Es-pajjne accomplir sa promesse, de prvenir les oppositions desprinces de l'Europe, d'amener l'empereur garantir de son auto-rit suprme cette importante translation. De longues ngocia-tions, dans lesquelles la cour romaine fut admirablement serviepar un habile capucin, Frre Hyacinthe, aboutirent enfin, le 25 f-vrier 1623, faire dfrer l'lectorat du Palatinat au duc Maxi-milien de Bavire, mais litre purement personnel, les droits des -hritiers naturels du Palatinat se trouvant rservs pour l'aA'enir.Le vieux Pape, en apprenant cette nouvelle, exulta de joie : Lafille de Sion, crivit-il, peut maintenant secouer de sa tte lescendres de deuil et revtir ses habits de fte '.

    Mais il importait, en mme temps que l'on consolidait sur la u rige en tn*-tte de l'empereur le titre de dfenseur de l'Eglise, de ne pas *p?sco 'Y^^'abandonner les relations de bonne entente avec la France. Le Pari.roi Louis XUI avait adress au Pape une demande pour obte-nir que le sige piscopal de Paris ft rig en mtropole. Cediocse de Paris qui, depuis son premier vque saint Denis,disait-on, avait t gouvern par cent sept vques, dontneuf avaient reu la pourpre et dont sept taient vnrs commedes saints, ce vnrable chapitre, qui avait vu six de ses membresmonter sur le trne de saint Pierre *, ne mritaient-ils pas leshonneurs attachs au titre archipiscopal ? Grgoire XV fit droit cette requte, et attribua la mtropole de Paris les vchs

    1. Cit par Ranke, III, 92. Un des premiers actes de l'empereur fut d'ordonner auxprotestants, par un dit du 26 mars 1627, d'embrasser le catholicisme ou d'migrerdans un dlai de quatre semaines. Ces me.sures, dit l'historien de la guerre de Trenteans, sont en dsaccord avec les principes politiques suivis de notre temps, mais ellestaient conformes aux principes politiques admis partout au xyii sicle Si l'on con-sidre que le dogme religieux tait, pour l'immense majorit des hommes, le seul prin-cipe de la morale et du droit, et qu'un seul changement dans le dogme produisait unchangement dans la vie civile et politique, il parat trs difficile de refuser aux gou-vernements d'alors tout droit de contrainte en cette matire Charvriat, 502

    2 Boniface Vlll dclare, dans une bulle du 18 dcembre 1206, avoir reu la dignitde chanoine de l'Eglise de Paris. Le ncrolo^e de Paris mentionne, comme ayant ap-partenu au chapitre parisien, cinq autres Papes : Grgoire IX (Obit au 22 aot),Adrien V (3 aot), Innocent VI (8 sept), Grgoire XI (27 mars) et Clment VII(17 septembre).Les vives oppositions faites par le chapitre de Sens, de qui dpendait jusque l ladio

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    38 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISEd'Orlans, de Meaux et de Chartres '.Le 5 septembre de la mmeanne, il donnait un nouveau gage de bienveillance la cour deFrance en levant la dignit cardinalice l'aumnier de la reineMarie de Mdicis, Armand de Richelieu, jeune prlat de 36 ans peine, qui devait bientt devenir le matre des affaires de la

    I recourt k France et peu prs l'arbitre de celles de l'Europe.la France pour Des vnements plus importants resserrrent l'union qui rap-obtenir la , i -r. i i -n t r\ ttprotection des prochait la Papaut du royaume de rrance. Le sultan Osman U

    d'Orient. venait de prir tragiquement le 20 mai 1622, assassin par sesjanissaires aux Sept-Tours, et le rgne de Moustafa P"" s'annonaitcomme un temps d'effroyable anarchie ^. Grgoire, qui avait coni-menc des ngociations avec Osman l'effet d'en obtenir la pro-tection des missions catholiques en Barbarie, craignit de voirsombrer dans la rvolution ottomane le rsultat de tous ses efforts.Or, les relations diplomatiques entre la Porte et la France taientalors trs satisfaisantes. Depuis Franois 1*"", les rois de France,pour soulager peut-tre leur conscience de cette entente avec l'Is-lam qu'on leur avait souvent reproche du ct de Piome, avaient,suivant l'heureuse expression d'un historien, employ la protec-tion du christianisme l'alliance qui semblait la renier * . Depuis153 S, par des conventions que l'orgueil ottoman se plut appe-ler des capitulations de la France, mais par lesquelles c'taitl'Islam lui-mme qui capitulait, l'influence franaise s'tait soli-dement tablie en Orient. Le Pape n'hsita pas y avoir recours.Rappelant au fils d'Henri IV que, nagure, dans les rgences deBarbarie, notamment Alger, des protgs du roi de Francen'avaient d leur salut qu' l'intervention de religieux envoyspar Paul V, il demandait Louis XIII de rendre au Saint-Sigebienfait pour bienfait. Les troubles qui ensanglantrent le rgnedu sultan ^ourad IV (1623-16i0) ne permirent pas l'interven-tion du roi de France de produire tous les rsultats dsirables,mais le rapprochement tabli entre la France et le Saint-Sigetait acquis.

    Servir la cause de l'Eglise en s'opposant l'hgmonie de la

    t. 5u?Z,t. V, 5 pars, p. 67.2. A. Rambald, dans Vflist. Gn., t. V, p. 850-851.8. Etienne Lamy, La France du Lei'ant, p. 57;4. E. Lam, liid., p. 61-C2.

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    LA RENAISSANCE CATHOLIQUE 39maison d'Autriche : tel tait l'objectif de la politique franaise *.Identifier les intrts catholiques avec ses propres intrts : tellesemblait tre l'ambition de la maison des Habsbourg. Les deuxprtentions rivales se heurtrent en Italie, dans la valle du Mi-lanais. En 1621, les catholiques de la Valteline, conquis par les L'affaire de ItGrisons protestants et perscuts dans l'exercice de leur foi,s'taient soulevs avec violence contre leurs oppresseurs, leurrendant massacre pour massacre, sang pour sang ^ Mais la Val-teline, alTranchie des Grisons, retombait sous la domination es-pagnole. C'tait le rtablissement de la terrible ligne stratgiquequi permettait aux Habsbourg de faire communiquer leurs pos-sessions d'Autriche avec les possessions espagnoles de l'Italie.La France avait lieu de tout craindre. Le trait de Madrid, signpar Philippe 111 et Bassompierre le 15 avril 1621, qui restitua laValteline aux Grisons, en exigeant de ceux-ci des conditions etdes garanties difficiles tenir, ne rsolvait pas la difficult. Il ap-parut alors que Grgoire XV pouvait seul rsoudre le conflit parun arbitrage. Le Pape, considrant que la paix du monde dpen-dait de son intervention, accepta la proposition qui lui fut faite.Tout tait mur pour un arrangement dfinitif, ayant pour base Grgoire XVl'indpendance de la Valteline, lorsque la mort de Grgoire XV ^proposition*arrta les pourparlers *, d'arbitrage,

    VIII

    Les ngociations diplomatiques ne forment pas l'uvre la plus Les rformeimportante du court et fcond pontificat de Grgoire XV. Sa cons- Grgoire XY,titution du 15 novembre 1621 sur l'lection du Pape, celle du22 juin 1622 sur la Propagande elles diverses mesures qu'il pritpour raviver la pit des mes chrtiennes, firent de son