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DU VENDREDI 30 JANVIER AU JEUDI 5 FÉVRIER 2015 - N O 117 - 3 QUEL ARGENT POUR LES PME ? Les banques resteront « la » solution pour les PME. Entretien exclusif avec M.-C. Capobianco (BNP Paribas). P. 11 INNOVER Des déchets plastiques recyclés en îlots de verdure à l’antivirus en ligne. TOUR DU MONDE P. 16-17 MARCHÉ DES CAPITAUX Dominique Cerutti, DG d’Euronext, croit à un nouveau « cycle durable et positif ». Entretien exclusif. P. 8-9 SPÉCIAL FORMATION DES ÉCOLES « HYBRIDES » POUR LA GÉNÉRATION NUMÉRIQUE Nouveaux parcours diplômants, profusion de mastères, MOOCs innombrables… une nouvelle voie royale s’ouvre à la jeunesse qui se destine aux métiers du numérique. Dossier. P. 20-25 L 15174 - 117 - F: 3,00 « LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE GESTE DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. » ENTREPRISES LA CYBERGUERRE EST DÉCLARÉE! La récente attaque contre Sony Pictures l’a montré : plus personne, nulle part, n’est à l’abri du piratage informatique. Enquête. P. 18-19 MÉTROPOLES STRASBOURG, L’EUROMÉTROPOLE La capitale alsacienne veut s’organiser pour consolider son statut européen. En aura-t-elle les moyens ? P. 26 GRAND EMPRUNT FINANCER DES PROJETS D’AVENIR Selon Odile Renaud- Basso, DGA de la CDC, un 3 e Programme d’investissements d’avenir serait utile pour financer des projets porteurs. Entretien. P. 14 PORTRAIT QUENTIN LIN À 26 ans, le cofondateur de Dune Tek va lancer un smartphone de qualité mais à bas prix. P. 30 Retrouvez notre TOUR DU MONDE DE L’INNOVATION En partenariat avec P. 16-17 Du Bourget, où il désigna en janvier 2012 la finance comme son principal « adversaire », au Forum 2015 de Davos trois ans plus tard, François Hollande a fait volte-face : pour lui, la « bonne finance » est devenue la meilleure alliée des entreprises, des plus grandes aux start-up. NOTRE DOSSIER PAGES 4 à 13 Comment NC ƓPCPEG devient son amie LE GRAND RETOURNEMENT © AFP PHOTO / FABRICE COFFRINI CAC 40 +50 % depuis 2012 Taux à 10 ans 0,5 %

NC PCPEG - isabelleboucq.files.wordpress.com · Guy Mamou-Mani. L’Université de techno-logie de Compiègne (UTC) ... Pour conduire la transformation numérique des entreprises

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DU VENDREDI 30 JANVIER AU JEUDI 5 FÉVRIER 2015 - NO 117 - 3 €

QUEL ARGENT POUR LES PME ?Les banques resteront « la » solution pour les PME. Entretien exclusif avec M.-C. Capobianco (BNP Paribas). P. 11

INNOVERDes déchets plastiques recyclés en îlots de verdure à l’antivirus en ligne. TOUR DU MONDE P. 16-17

MARCHÉ DES CAPITAUXDominique Cerutti, DG d’Euronext, croit à un nouveau « cycle durable et positif ». Entretien exclusif. P. 8-9

SPÉCIAL FORMATION

DES ÉCOLES « HYBRIDES » POUR LA GÉNÉRATION NUMÉRIQUENouveaux parcours diplômants, profusion de mastères, MOOCs innombrables… une nouvelle voie royale s’ouvre à la jeunesse qui se destine aux métiers du numérique. Dossier. P. 20-25

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ENTREPRISES

LA CYBERGUERRE EST DÉCLARÉE !La récente attaque contre Sony Pictures l’a montré : plus personne, nulle part, n’est à l’abri du piratage informatique. Enquête. P. 18-19

MÉTROPOLES

STRASBOURG, L’EUROMÉTROPOLELa capitale alsacienne veut s’organiser pour consolider son statut européen. En aura-t-elle les moyens ? P. 26

GRAND EMPRUNT

FINANCER DES PROJETS D’AVENIRSelon Odile Renaud-Basso, DGA de la CDC, un 3e Programme d’investissements d’avenir serait utile pour financer des projets porteurs. Entretien. P. 14

PORTRAIT

QUENTIN LIN

À 26 ans, le cofondateur de Dune Tek va lancer un smartphone de qualité mais à bas prix. P. 30

Retrouvez notre

TOUR DU MONDE

DE L’INNOVATIONEn partenariat avec

P. 16-17

Du Bourget, où il désigna en janvier 2012 la finance comme son principal « adversaire »,

au Forum 2015 de Davos trois ans plus tard, François Hollande a fait volte-face : pour lui,

la « bonne finance » est devenue la meilleure alliée des entreprises, des plus grandes aux start-up.

NOTRE DOSSIER PAGES 4 à 13

Comment

devient son amie

LE GRAND RETOURNEMENT

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CAC 40+50 %depuis 2012

Taux à 10 ans0,5 %

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SPÉCIAL FORMATIONLA TRIBUNE - VENDREDI 30 JANVIER 2015 - NO 117 - WWW.LATRIBUNE.FR

«N ous sommes confrontés à un paradoxe avec simulta-nément une pénurie de développeurs

et 40!000 informaticiens au chômage, qui n’ont pas pu évoluer avec les nouvelles tech-nologies », se désole Guy Mamou-Mani, président du Syntec numérique qui fédère 1!200 entreprises créatrices de 10!000 nou-veaux emplois tous les ans. Ajoutez à cela, une étude américaine, citée par le pré-sident de Microsoft France Alain Crozier, qui prédit que 60!% des étudiants rempli-ront des fonctions qui n’existent pas aujourd’hui, et on comprend que les écoles ont du pain sur la planche pour former les jeunes aux métiers d’avenir dans le numé-rique. En passant, Guy Mamou-Mani rap-pelle que sa fédération mène des actions pour requalifier certains de ces informati-ciens laissés sur le carreau.Car voilà, l’informatique et le numérique ne font pas vibrer les jeunes, et encore moins les filles. « Quand ils ont 18 en maths, ils veulent faire médecine où il y a 3 !000 candidats pour 300 postes. Il faut orienter les jeunes là où il y a du boulot », s’insurge le président du Syntec numé-

rique. « Ce n’est pas par hasard que Google et les autres viennent chasser nos jeunes. Nous avons de très bonnes écoles. Le pro-blème est de les remplir. »

LES MÉTIERS NUMÉRIQUES EN MANQUE DE CANDIDATS

Jean-Marie Chesneaux, le président de la Conférence des directeurs d’écoles fran-çaises d’ingénieurs (CDEFI) est sur la même longueur d’onde. « On n’arrive pas à faire face à la demande en ingénieurs, les entreprises ne réussissent pas à trouver des Bac!5 et ça s’aggrave. Il faut faire connaître le numérique car c’est difficile de s’orienter vers quelque chose qu’on ne connaît pas », résume-t-il. Quant à l’adoption du numé-rique dans les cursus, elle évolue constam-ment. Depuis dix ans, la Commission des titres d’ingénieurs (CTI) qui habilite les formations d’ingénieurs, stipule les connaissances minimales en matière de numérique. Dans l’école que dirige par ailleurs Jean-Marie Chesneaux, Polytech Paris-UPMC, « pour les deux formations axées sur le numérique, la moitié des cours n’existait pas il y a quinze ans ».Christian Colmant est délégué général de l’association Pasc@line qui cherche à pro-

mouvoir l’attractivité des formations et des métiers du numériques auprès des jeunes. Il décrit les Smac (social, mobile, analytics et cloud) comme le moteur de l’innovation, et regrette que cet acronyme n’inclue pas la sécurité. « On peut aussi parler du neuro-marketing, cette capacité à proposer des offres sur votre comportement cognitif, et qui n’est pas encore enseigné. » Pour lui, on néglige à tort les formations Bac+2 ou +3 : « Après les erreurs de l’externalisation, on réinternalise le développement. On a besoin de BTS, DUT et licences pro. »Parmi les bonnes écoles que le monde nous envie, d’après le patron du Syntec numérique, l’Épita, école d’ingénieurs pri-vée dont il parraine la promo 2015. Fabrice Bardèche est vice-président exécutif du Groupe Ionis (Épita, Épitech, SupInter-net…). « Le système éducatif français est à la traîne, mais il est en train de comprendre qu’il doit évoluer. Il y a quinze ans, quand nous mettions le prof au milieu des étudiants, on était des vilains. Avec les MOOCs, c’est en train de changer », juge-t-il. Passage obli-gatoire à l’international (« On ne peut pas penser le numérique sans penser internatio-nal »), pédagogie par projet, collaboration avec des écoles de commerce pour stimu-ler la collaboration, voici quelques ingré-dients de la recette prônée par Fabrice Bardèche.

« INGÉNIEUR HYBRIDE », LE PROFIL QUI SÉDUIT

« Centrale Lille, les Insa, l’Isen, Ensimag à Grenoble pour l’Internet des objets, l’UTC. Il n’y a que l’embarras du choix », énumère Guy Mamou-Mani. L’Université de techno-logie de Compiègne (UTC) a justement été parmi les pionniers pour inventer des ingé-nieurs mutants en mélangeant des bache-liers littéraires et scientifiques dans son cursus humanités et technologie, dont la troisième promotion de 25 étudiants a fait sa rentrée en septembre dernier. « L’objec-tif est de proposer une voie pour aller vers un ingénieur hybride, sciences humaines et sciences de l’ingénieur. Il s’agit de penser la technologie au service de l’homme et de la société », explique Nicolas Salzmann, qui en est responsable. L’UTC a voulu répondre à une demande des lycéens litté-raires dépourvus de débouchés scienti-fiques, aux entreprises en quête de profils plus ouverts pour penser les conséquences des « objets sociaux techniques », et à une envie interne de réconcilier sciences et philosophie comme au siècle des Lumières, selon son président Alain Storck. Après un tronc commun de trois ans, ces étudiants,

DOSSIER RÉALISÉ PAR ISABELLE BOUCQ

dont 60!% de jeunes filles, poursuivront en cycle ingénieur.Une hybridation qui séduit de plus en plus. À la Sorbonne, l’historien Stéphane Lamassé et son équipe ont imaginé le Master 2 Mimo (métiers informatiques et maîtrise d’ouvrage) ouvert à des profils littéraires et scientifiques. Avec le soutien du CFA AFIA, ce cursus en alternance n’est « ni de l’informatique au rabais, ni des sciences humaines comme vernis ». La seconde promotion – 22 jeunes dont 80!% d’étudiantes – est en train de se frotter à la réalité de l’entreprise à Sanofi, Orange, la SNCF ou encore Canal !+. «  C’est un double bain dans l’entreprise et dans l’ap-prentissage du code. Et ils souffrent… », admet Stéphane Lamassé. « À quels métiers les prépare-t-on!? Ils ont une ouverture telle-ment forte que c’est difficile à dire. L’entre-prise augmentée aura besoin de prothèses SHS », affirme le responsable pédago-gique. Il n’est pas peu fier que ses pre-miers diplômés aient trouvé des emplois très bien payés, « mieux qu’un professeur débutant ». Comme cette femme formée initialement à la traduction, embauchée dans une SSII – pardon, une ESN (entre-prise de services du numérique), selon la nouvelle terminologie en vigueur.

LA RUÉE VERS L’OR NOIR DES MÉGADONNÉES

Les données sont la vedette incontestée des nouveaux programmes, aussi bien en formation initiale que continue. À l’École polytechnique, Erwan Le Pennec est por-teur de la chaire data scientist, soutenue par les industriels Keyrus, Orange et Thales. Deux objectifs : former des ingénieurs en données (data scientists) pour répondre à

Il manquerait 900 000 développeurs en Europe. Pour conduire la transformation numérique des entreprises et de la société, il faut plus de stars du code bien sûr, mais aussi des « bilingues » technologie-affaires qui inventeront de nouveaux usages responsables. La difficile mission des écoles est d’anticiper le mouvement. Avec leurs lourdeurs inévitables, leurs liens forts avec les entreprises, leurs profs passionnés, certaines relèvent le défi. D’autres exploitent le filon.

D

Avec 40 000 demandes pour

1 300 places à l’Epitech,

le Groupe Ionis n’a pas trop

de mal à attirer des jeunes…

À droite : des étudiants

d’Hetic participent

à un Hackathon pour la SNCF.

Depuis, Hedi Smida (à gauche)

a lancé sa start-up.

© DRLa promo 2013 de la Web@cademy célèbre deux ans d’études acharnées et de belles perspectives d’emploi pour des jeunes qui avaient tous décroché de l’école. © DR

@kelloucq

MUTATION

I 21LA TRIBUNE - VENDREDI 30 JANVIER 2015 - NO 117 - WWW.LATRIBUNE.FR

la demande en explosion (en France, près de 9 milliards d’euros en 2020 et plus de 130!000 emplois, selon le point d’étape sur les 34 plans de la nouvelle France indus-trielle, en juillet dernier), mais aussi inventer les algorithmes qui serviront de sésame pour exploiter les mégadonnées. « Nous venons de terminer notre premier certificat d’école “Data Sciences Starter Pro-gram” avec 20 personnes qui avaient entre cinq et quinze ans d’expérience en entreprise, côté IT ou côté marketing. La prochaine ses-sion aura lieu au printemps », explique Erwan Le Pennec. Si l’école propose un parcours sur les sciences des données à ses étudiants, les plus pointus peuvent suivre le tout nouveau mastère « Mathé-matiques pour la science des masses de données ». Et dans ce domaine, les jeunes diplômés s’arrachent à des salaires annuels autour de 50!000 euros. « Il n’y a rien de nouveau, mais le volume et la com-plexité exigent de nouvelles méthodes. Ces métiers demandent un large spectre de connaissances et une réorganisation de l’en-treprise pour faire parler des départements qui ne se parlaient pas », conclut Erwan Le Pennec.Depuis sa création en 1999 à Angoulême à l’initiative du Cnam Poitou-Charentes, l’Enjmin (École nationale du jeu et des médias interactifs numériques) forme la fine fleur des développeurs de jeux vidéo. Après une diversification dans les métiers du transmédia, l’école a lancé cette année un diplôme d ’ i n g é n i e u r p a r apprentissage bap-tisé STNM (sciences et technologies des médias

numériques) pour former des architectes technologiques qui développeront aussi bien des moteurs de jeu vidéo que des interfaces pour Thales et la DCN, des infrastructures pour les systèmes urbains ou notre chariot de supermarché connecté. Après Angoulême en 2014, la formation

pourrait bien être propo-sée à Toulon et Paris pro-chainement pour faire face à la d e m a n d e . L’Enjmin, qui é t a i t à l’étroit, vient de déména-

ger sur les bords de la Charente, dans un grand espace de 4!500 m2 doté de studios audio-vidéo et de capture de mouvement, d’un plateau projet et d’espaces de travail plus confortables. Dans une ancienne pape-terie, tout un symbole… « Quand on a lancé l’Enjmin, on n’avait pas de référentiel univer-sitaire, mais une vision des métiers et de leurs responsabilités », explique Stéphane Natkin, le directeur de l’école. « Quand on sent des points communs émerger, c’est qu’une cer-taine maturité apparaît. Il faut alors délimi-ter le périmètre », décrit celui qui a récem-ment participé à une étude sur la création d’une école transmédia et une ville intel-ligente dans la région Paca (deux diplômes, avec l’université de Toulon et l’Amu, devraient ouvrir à la rentrée 2016). « Créer un nouveau diplôme en France est lourd, mais pas plus que dans les autres pays. En revanche, le financement est difficile », constate-t-il. Devant la demande dans les nouveaux métiers du numérique, il admet que les écoles privées ont explosé : « Cer-

taines sont très bonnes, comme l’ancien SupIn-foGames devenu Rubika, ou les écoles des CCI comme les Gobelins, sur un modèle mixte. Il n’y a pas trop d’élèves et ils sortent avec des compétences. »

42 ET WEB@CADÉMIE, LES TRUBLIONS

D’aucuns – le groupe Ionis pour le nom-mer – accusent l’école 42 de Xavier Niel d’avoir copié leur modèle de pédagogie par projets. Difficile de nier que Nicolas Sadi-rac, diplômé entre autres de l’Épita, a lancé Épitech au sein du groupe en 1999, avant d’inventer la Web@cadémie et de prendre la direction de 42, voici presque deux ans. Une autre vision de 42 est que Xavier Niel finance un vivier de développeurs, unique-ment pour alimenter ses propres besoins en développeurs. « Le système éducatif est performant dans une économie centralisée, mais a du mal à passer à une économie plus créative. Nous, on répare et on améliore dans le domaine de l’informatique. On fabrique des créatifs, adaptables et collaboratifs », résume Nicolas Sadirac. « En France et ailleurs, on aime répliquer les compétences du prof. Chez nous, pas de cours

et pas de prof. Pas de promo non plus, on avance à son rythme. L’erreur à la mode est de former des jeunes multicompétences qui sont moyens dans les deux domaines », assène-t-il encore en citant en exemple la Singularity Academy dans la Silicon Val-ley… Vous connaissez l’histoire de la jeune fille qui vendait des hamsters et qui, grâce à la Web@cadémie, cartonne maintenant chez Free!? Il existe plusieurs versions, car plusieurs histoires vraies ont servi à fabri-quer cette fable qui raconte comment des jeunes filles pleines de talent sont souvent très mal orientées… Sophie Viger, la direc-trice de Web@cadémie au sein de Zup-deCo, a des histoires de ce genre à la pelle. L’école de l’insertion par le numérique tend une perche aux décrocheurs scolaires entre 18 et 25 ans et les amène, avec bien-veillance plutôt qu’en les plongeant dans la fameuse « piscine » chère à l’Epitech et à 42, à développer leurs talents au cours d’une formation gratuite en deux ans. « Dans deux à trois ans, notre but est de for-mer 300 à 600 jeunes chaque année. Ce n’est pas une deuxième chance pour eux, mais plu-tôt la première chance. Il faut un travail énorme, une vraie implication », explique Sophie Viger qui semble elle-même habitée par sa mission. ■

130 000 c’est le nombre d’ingénieurs en données (data scientists) qui manquent à la France, soit un réel gisement de postes à pourvoir pour les jeunes qui choisiraient ce métier.

UNE ÉCOLE POUR QUOI FAIRE ?«L es lycéens pensent qu’une école va leur apporter une somme

de savoirs. C’est une erreur. De mon école d’ingénieur, l’Efrei, je retiens le côté humain plus que le côté technique. Je crois au

modèle classique d’éducation pour mettre en relation physique des gens qui ont des intérêts communs », affirme Mathieu Nebra, qui est pourtant le cofondateur d’Open Classrooms (voir l’article sur les MOOCs, p. 25). ■

22 ISPÉCIAL FORMATION

LA TRIBUNE - VENDREDI 30 JANVIER 2015 - NO 117 - WWW.LATRIBUNE.FR

Les formations à la pointe des nouvelles technologiesLes formations à la pointe des nouvelles technologies

INSA Centre Val de LoireBourges, Blois

Entre autres, sécuritéet technologies informatiques, génie des systèmesindustriels et énergie.

Concours INSA.

1 700 à terme(fusion de deux écoles en 2014).

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INSA Toulouse

Huit spécialités dont informatique et réseaux, génie mathématique et modélisation.

Concours INSA, sur titre,apprentissage.

2 354.

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CESIPrésent dans une vingtainede villes en France.

• Plusieurs spécialités dontinformatique et systèmesd’information.

• Titres de niveau III (équivalent Bac + 2) à ingénieur.

Formation continue depuis 1969 et formation initiale depuis 2004 (EXIA, l’École Supérieure en informatique), y compris apprentissage et alternance.

Plus de 20 000 ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise formés chaque année.

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Telecom ParisTechParis-Saclay, Sophia-Antipolis

Le collège de l’innovation par le numérique. Cycle ingénieur, masters, mastères spécialisés, doctorats

Concours commun Mines Pont, admission par voie universitaire.

Plus de 1 500.

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SupelecGif-sur-Yvette, Metz, Rennes

« Information, énergie,systèmes ».Ingénieur, master recherche, mastères spécialiséset formation continue.

Concours et voie universitaire (L2, L3, DUT).

Environ 1 500.

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ESIEAIvry-sur-Seine, Laval

« École d’ingénieurs du monde numérique ». Filières systèmes d’information et systèmes embarqués. Ingénieur, mastères spécialisés en sécurité informatique

Concours, voie universitaire, apprentissage.

Plus de 1 000.

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Groupe HEI ISA ISENLille/Châteauroux

Innovation et transdisciplinarité, pédagogie par projets, label. Humanités école d’ingénieur et licences, licences professionnelles, masters.

Prépa intégrée, apprentissage.

2 100 (HEI)1 170 (ISA)650 (ISEN)

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INSA(Institut national des sciences appliquées) Rennes

• Sept spécialités d’ingénieursdont génie mathématique (double diplôme ingénieur data scientist), systèmes et réseaux de communication…

• École d’ingénieur et masters recherche, doctorats.

Après deux ans de fi lière géné-raliste, un bac + 2 ou une CPGE.

1 700.

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ESEOAngers

Technologies de l’information et de la communication, une option biomédicale avecle CHU et la faculté demédecine. Certifi cation Voltaire obligatoire (orthographe),école privée à but non lucratif.

Admission post-bac ou en cycle d’ingénieur.

1 200

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ENSICAEN

Option informatique,deux options : monétiqueet sécurité informatique /image et multimédia.

Admissions sur concours communs Polytechnique, CPGE ou L2.

750.

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EIGSI

Huit dominantes dont intégration des réseaux et des systèmes d’information.

Post-bac, voie universitaire, apprentissage.

900.

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La Rochelle, Casablanca

INSA Lyon

Douze fi lières dont informatique, bio-informatique et modélisation ou télécoms, services et usages. École d’ingénieur et masters recherche, doctorats.

Concours Insa, sur titre,apprentissage.

5 400.

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L’université de technologie de Troyes (UTT)

École d’ingénieurs, masters, licences pros, doctorat. Son centre expert contre la cybercriminalité et licence professionnelle « enquêteur technologies numériques » pour les membres des forces de l’ordre francophones spécialisés dans la lutte contre la cybercriminalité.

En cycle ingénieur, titulaire d’un bac scientifi que (cursus en cinq ans). Accès en 3e année avec DUT, BTS ou L2.Apprentissage possible.

N. C.

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EMSI Grenoble

Master (« manager des SI »), mastères spécialisés(management technologiqueet innovation, big data,stratégie Internetet management du Web…).

Admission à Bac + 3/4.

N.C.

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Grenoble École de Management

UTBM

École d’ingénieurs, masters, doctorat dont spécialités Informatique (possible en apprentissage), ingénierie et management des systèmes industriels.

Sur dossier et entretienen post-bac, après une classe prépa ou en admission parallèle.

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Université de technologie de Belfort-Montbéliard

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Telecom ParisTechSupelec

CESI

ESIEA

EMSI Grenoble

INSA Lyon

INSA Toulouse

INSA Centre Val de Loire

EIGSI

ESEO

INSA

ENSICAEN

Groupe HEI ISA ISEN

UTBM

UTT

Voici un panel,forcément partiel,de 15 écoles etuniversités membres de l’associationPasc@line qui ontpris la révolutionnumérique à brasle corps.

I 23LA TRIBUNE - VENDREDI 30 JANVIER 2015 - NO 117 - WWW.LATRIBUNE.FR

ELoïc Peyrache, directeur délégué d’HEC, rappelle que ses étudiants ne seront jamais des opérationnels du code, mais que l’école leur propose de développer leur culture numérique au

contact d’autres étudiants de l’Épitech ou de 42, ainsi que grâce à des certificats optionnels comme Digital Innovation for Business qui prépare à la création d’entreprises du Web. Il recense des initiatives tous azimuts, une nouvelle chaire « Stratégie Digital et Big Data » avec Axa, une major « Management des nouvelles technologies » tournée vers le marketing numérique et la transformation, une académie d’e-commerce pour les élèves de la grande école. « Nous sommes en train de parachever la mise en place de notre centre du numérique qui va rassembler toutes nos initia-tives », annonce-t-il. « Comme les entreprises sont perdues devant ces questions, nos étudiants apportent beaucoup en tant qu’utilisateurs. » Et de prévenir qu’un programme consacré à la science des données « titille » l’école.À HEC, 2014 fut l’année des MOOCs avec deux premiers cours hébergés par Coursera, et qui ont fait un carton grâce à des appre-nants particulièrement assidus : « Understan-ding Europe » (3!500 certificats délivrés) et « Évaluation financière » (1!500). Du coup, Vanessa Klein, responsable de l’innovation technologique et des MOOCs à HEC, lance en ce mois de janvier quatre nouveaux cours, dont « Time to reorganize » pour comprendre le sentiment d’appartenance entre organisa-tions et individus, ou encore « Créer sa start-up technologique ».« En marketing numérique, il y a une demande pour des postes opérationnels à Bac!+!3 », confirme Corinne Rougeau-Muller, qui dirige le programme Bachelor à l’ISC Paris Business School. D’où un programme e-business axé sur la relation client et un autre en manage-ment des systèmes d’information. « Ce sont des formations qui ne négligent pas les fondamen-taux avec un enseignement de qualité, car on ne réserve pas la dream team aux programmes grande école. À la sortie, ils trouvent un travail rapidement. »

BESOIN DE « TRADUCTEURS » POUR LE TRAVAIL EN ÉQUIPE

Pour la demande en managers, des mastères s’attachent à former des « traducteurs » entre les ingénieurs et le reste de l’entreprise dans la transformation du travail en équipe. Comme le constate Thierry Delécolle, ensei-gnant à l’ISC, « les directions marketing ont récupéré des budgets qui allaient à la direction informatique. Avec des applications SaaS assez intuitives, elles sont devenues plus autonomes pour gérer des campagnes multicanaux. Mais on manque encore de gens pour traduire les données en plans d’action et en faits pertinents utilisables par les managers. » Côté MBA, l’ISC accueille des professionnels en quête d’une compé-tence numérique, comme ce directeur régio-nal d’un laboratoire pharmaceutique qui est

aujourd’hui responsable de l’accompagne-ment des pharmaciens dans le virage Internet.Hetic, école privée créée il y a treize ans pour décloisonner les frontières entre technologie, marketing et design, est en train d’ouvrir un MBA centré sur le luxe. L’école, qui tous les ans remanie entièrement 40!% de son cursus et revoit les autres 60!%, proposait déjà des parcours Bac!+!2 et +!3 en design Web, en 3D et en marketing social. Selon Damien Jordan, diplômé de l’école embauché au marketing, Hetic met l’accent sur la culture générale, la ponctualité, l’orthographe, la bienveillance… Du coup, agences Web, annonceurs et start-up viennent depuis les États-Unis pour recruter ces diplômés qui ont aussi un beau palmarès aux Favourite Website Awards (FWA), une référence en matière de création Internet.

« LE NUMÉRIQUE S’IMMISCE PARTOUT »

François Trouillet est directeur de l’Em-siGrenoble, l’école consacrée au Manage-ment des Systèmes d’Information au sein de Grenoble École de management (GEM). À la rentrée dernière, il a lancé un mastère spécialisé « Big data : analyse, management et valorisation responsable » avec l’Ensimag (Grenoble INP). « Ce sont des métiers sexy, mais un flou s’est installé. Nous, nous formons des data scientists à moitié sur l’analyse et à moitié sur la création de valeur et l’utilisation responsable des don-nées. Il faut se plonger dans les données pour raconter une histoire. » De son côté, le bon vieux directeur des systèmes d’informa-tion, muni d’une vision sur les enjeux d’Internet, devient un manager des trans-formations numériques. « On forme des managers bilingues qui deviennent chefs de projet, entrepreneurs, consultants, résume le directeur. Dans notre réflexion sur l’école de l’avenir à GEM, le numérique est omni-présent, il s’immisce partout. »Professeure de knowledge management et digital technologies à Skema Business School, Mélanie Ciussi est également res-ponsable de l’innovation pédagogique.

« Regardez mon titre, il n’existait pas il y a dix ans. La formation et les enseignants sont dans une mouvance », souligne-t-elle. « Pour la formation initiale, on a des ensei-gnements spécifiques associés à ces nouvelles compétences et une intégration aux fonda-mentaux qui sont tous touchés. » Mais le format des cours doit aussi prendre un coup de jeune : en début de

Explosion des banques de données comportementales à transformer en plans d’action, outils qui changent l’organisation du travail, bouleversement de la relation entre les marques et les consommateurs qu’il faut toucher avec des stratégies sur mesure, nouveaux modèles économiques à inventer sur le Web et le mobile… les futurs managers ne manquent pas de défis.

L

NOUVELLE VAGUE

première année, les étudiants participent à un séminaire d’une semaine avec un challenge rassemblant les cinq campus de l’école (bientôt six avec le Brésil) pour créer des entreprises innovantes dans le knowledge management. « Trois heures dans un amphi, ce n’est plus possible. Ils sont tous sur Facebook », constate l ’ensei-gnante. « Là, ils pratiquent la collaboration avec une finale digne de l’Euro-vision. En deuxième année, ils ont fait pen-dant trois mois un wiki collaboratif avec Movilab, dans le cadre d’une enquête vidéo auprès de chefs d’entre-prise, sur le thème de la performance durable. Le but est qu’ils soient toujours en posture d’acteurs. » En plus d’inspirer les étu-diants, la mission de Mélanie Ciussi consiste aussi à accompagner les ensei-gnants, collectivement et individuelle-ment, pour faire de la veille partagée ou pour enrichir leurs cours. Elle songe même très sérieusement à les initier au théâtre.

L’École de management

des systèmes d’Information

de Grenoble (EMSI) forme

des managers bilingues, futurs chefs de projets,

entrepreneurs ou encore

consultants. © DR

En partenariat avec

Inscriptions et renseignements : [email protected]

THIBAUD SIMPHALDirecteur Général Uber France

En présence de notre invité

Sur le thème

Vendredi 13 février 2015 de 8h30 à 10h00Accueil café à partir de 8h00

CCI Paris Ile-de-France27, avenue de Friedland - Paris 8e

« MOBILITÉ ET TRANSPORTS : JUSQU’OÙ IRA UBER ?»

5 000c’est, en 2014, le nombre de certifiés HEC ayant suivi les deux premiers MOOCs hébergés par Coursera. Un carton !

24 ISPÉCIAL FORMATION

LA TRIBUNE - VENDREDI 30 JANVIER 2015 - NO 117 - WWW.LATRIBUNE.FR

Dans ses cours de marketing à l’Insead, David Dubois aborde plusieurs tendances clé. « Le social media listening [veille de la répu-tation des marques sur le Net, ndlr], la viralité et le community building [développement de communautés] révolutionnent les méthodes de management. » Pour preuve, l’étude qu’il vient de publier sur L’Oréal et l’art d’écouter ses consommateurs en ligne.

L’ÉQUIPE MARKETING DANS UNE « WAR ROOM »

Il parle aussi à ses étudiants de ces « war rooms » où des créatifs inventent des conte-nus validés en trente secondes pour coller à un événement, comme le Super Bowl, ou bien il les plonge dans le cauchemar d’une marque confrontée à une campagne de tweets néga-tifs. À venir en mai, un nouveau cours sur le numérique et le luxe.Dauphine s’apprête à lancer un Executive Master « Management de la valorisation de la recherche et du transfert », en partenariat avec le Réseau Curie, pour les gens de ter-rain ayant au moins cinq ans d’expérience et un Bac!+!4, et qui devrait démarrer à la rentrée 2015, pour quarante-deux jours de formation. Dauphine a aussi lancé en 2013 un certificat de « data science » pour doter les professionnels de compétences de « data miner ». La boucle est bouclée. ■ I. B.

ISC Paris dispose de toute

une gamme de formations

dont les Bachelors,

très prisées par les bacheliers.

© DR

L’ENFANCE DE LA CULTURE NUMÉRIQUE

L’Éducation nationale et les organismes qui ont œuvré pour

mettre en place l’option ISN (Informatique et sciences du numérique) viennent de publier les chiffres 2014-2015 : près de 50 % des classes de terminale S offrent désormais cette option, contre 30 % en 2012. Pendant deux heures par semaine, 17 313 lycéens et lycéennes en France se frottent au code et aux algorithmes avec des professeurs formés. « Le but est de développer chez les jeunes une culture du numérique et de l’informatique pour les préparer à des études scientifiques », rappelle Christian Colmant, délégué général de l’association Pasc@line. Les académies de Caen, Montpellier et Nice sont les bons élèves de l’ISN. C’est un début.Jeune enseignante dans les années 1980, Michèle Drechsler est tombée dans le numérique avec le plan informatique pour tous. Aujourd’hui, elle occupe l’un des trois seuls postes d’inspecteur de l’Éducation nationale conseiller TIC auprès d’un recteur. Dans son académie, Tours-Orléans, on code dès la maternelle avec ScratchJr, on travaille l’orthographe

grâce à des « Twictées » sur Twitter et on apprend l’usage raisonné des réseaux sociaux grâce à un jeu sérieux développé maison pour les 9-12 ans. « Il faut que le numérique entre dans les classes. C’est une pédagogie pleine de sens pour mieux rentrer dans les apprentissages », martèle-t-elle. Des idées en phase avec le grand plan numérique de la ministre de l’Éducation nationale.

En parallèle, grandes entreprises informatiques et associations s’activent. Microsoft, par exemple, vient d’annoncer une flopée d’actions pour démocratiser l’apprentissage du code et encourager les talents du numérique : un « Buddy

Tour » de France avec le robot des Français Blue Frog pour initier les élèves au code, Imagine Kids (version junior de sa compétition Imagine Cup à laquelle les classes de 7-14 ans peuvent s’inscrire jusqu’au 13 février pour créer leurs propres jeux vidéo) ou encore Digigirlz qui a pour objectif d’attirer les collégiennes vers les métiers du numérique.Au sein des associations, le ton est plus libertaire. Avant les « Coding Dojo » débarqués à Paris il y a un an exactement, il y avait les « Coding goûters » lancés par trois papas qui voulaient s’amuser à coder avec leurs enfants. Organisés dans plusieurs villes de France, ces après-midi ponctués

d’un goûter sont des espaces d’exploration pour les enfants qui apprennent aux côtés de leurs parents. « Ce qui m’intéresse avec les enfants, c’est leur donner le goût d’apprendre, d’être autonomes et de faire des erreurs », explique Benoît Parsy, un papa geek qui a rejoint le mouvement. Entre autres au moyen des Lego MindStorms, qu’il juge parfaits pour initier les enfants à la robotique et qu’il a aussi introduit au collège de sa fille. « Il ne s’agit pas d’en faire de futurs ingénieurs, mais qu’ils comprennent les ressorts, les bogues, les possibilités de faire autre chose avec les objets. » En somme, qu’ils deviennent de vrais geeks ! ■

En cette année scolaire, pendant deux heures par semaine, 17 313 lycéens et lycéennes en France se frottent au code et aux algorithmes, avec des professeurs formés.© FOTOLIA

I 25LA TRIBUNE - VENDREDI 30 JANVIER 2015 - NO 117 - WWW.LATRIBUNE.FR

Répertorier les meilleurs MOOCs!? La tâche est tita-nesque. Entre les 900 cours proposés par une centaine d’universités internationales et françaises sur la plateforme

du chef de file Coursera, ou encore ceux dis-ponibles sur edX (MIT, Harvard, Berkeley…), toutes les disciplines sont concernées. C’est à ne plus savoir où donner de la tête. Dans ce domaine en explosion, il y a déjà des vétérans, comme Mathieu Nebra et Pierre Dubuc. En 1999, Mathieu Nebra a 13 ans et lance le Site du Zéro pour aider des copains à apprendre la programmation. Dix ans plus tard, ce site occupe à temps plein le jeune ingénieur fraî-chement diplômé de l’Efrei et son partenaire Pierre Dubuc, major de l’Insa Lyon. En 2013, ils adoptent le nom OpenClassrooms pour mieux coller à leur communauté grandissante de « roomies » de 9 à 77 ans qui suivent des milliers de cours disponibles sur le code, le design, le numérique ou l’entrepreneuriat.

DES PARCOURS DIPLÔMANTS, AU RYTHME DES ÉTUDIANTS

« Nous avons des étudiants qui sont bloqués parce qu’ils ont loupé un cours, et d’autres très brillants qui veulent avancer plus vite. Nous avons des décideurs qui ont besoin de comprendre. Depuis un an, nous avons des gens en reconversion qui ont entendu qu’il y avait du travail dans l’infor-matique », décrit Mathieu Nebra. Quand quelqu’un lui écrit qu’un cours de manage-ment de communautés sur OpenClassrooms lui a permis de décrocher un travail, le jeune entrepreneur est aux anges. « Nous allons vers des parcours diplômants, mais à votre rythme. Nous sommes en contact avec les OPCA et avec Pôle Emploi. » La société est en train de fignoler son dossier pour accéder au saint Graal du Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), un dossier dont l’examen pourrait prendre jusqu’à vingt-quatre mois… Pour une start-up qui a une idée en début de semaine et évalue les résultats en fin de semaine, le choc des cultures est énorme. Selon le modèle classique, les cours d’Open-Classrooms sont gratuits. Un compte pre-mium à 20 euros mensuels délivre une certi-

fication et depuis peu un compte premium plus à 300 euros par mois permet de s’atta-cher les services d’un mentor. Dans l’ensei-gnement en ligne, l’humain revient au galop.Un autre vétéran est le MOOC « connecti-viste  » ITyPA (Internet tout y est pour apprendre) dont la troisième saison s’est conclue en décembre. Simon Carolan, le doc-torant de Centrale Nantes qui pilote désor-mais ce MOOC pionnier en France, énumère les dernières innovations au service d’un public qui se diversifie. « On donne au maxi-mum la parole aux participants avec des webi-nars et des défis qui font partie de la “gamefica-tion” des MOOCs. On a également inversé la semaine en commençant le vendredi pour mieux correspondre à leurs rythmes de vie. Nous tra-vaillons avec Speach Me, une start-up nantaise, pour la plate-forme, la production et l’héberge-ment. » Bilan chiffré de la saison 3 : 1!000 ins-crits, 500 participants réguliers et 250 très actifs. « Il y a eu une chute du nombre d’inscrits dans les MOOCs d’écoles car il y a beaucoup de concurrence. Je connais deux MOOCs franco-phones et deux anglophones sur notre thème. » Une effervescence qui n’est pas pour lui déplaire, tout comme la nouvelle tendance des « MOOCs » au sens de massive open offline courses. « Il faut prendre en compte tous ceux qui n’ont pas accès à Internet, car le principe est d’ouvrir le savoir à tous. Nous montons un projet au Gabon en coconstruction avec les gens sur place. L’idée est d’utiliser des clés USB et des liseuses, mais surtout des réseaux humains pour interagir localement, et avec une interaction mon-diale quand ils sont connectés. »Répondre aux besoins d’un public plus jeune est une autre direction prometteuse –  aujourd’hui, 80!% des participants aux MOOCs ont un niveau Bac!+!3 ou plus. Le jeune doctorant cite le MOOC Philo de Pythagora pour réviser le bac. « On n’a jamais autant parlé de pédagogie que depuis le début des MOOCs, s’enthousiasme Simon Carolan. L’ingénierie pédagogique est un métier qui a moins de dix ans, avec beaucoup de formations universitaires qui apparaissent, comme à l’uni-versité de Poitiers. » Et encore un nouveau métier!!Dans l’entreprise aussi, les MOOCs bouil-lonnent. « Les universités ne sont plus les seuls à détenir un savoir, c’est la démocratisation de l’accès au savoir », constate-t-il. Le phéno-

mène a d’ailleurs engendré un nouvel acro-nyme : les SPOC (small private online courses). L’UTC réfléchit à l’effet du numérique sur les processus conduisant à l’innovation. MOOC ou SPOC, le président Alain Storck hésite. « Un SPOC contribuerait à faire vivre notre éco-système de l’innovation en Picardie. La logique du MOOC est la visibilité, c’est un outil de com-munication », distingue-t-il.

UNE AMBITION À L’ÉCHELLE DE L’ESPACE FRANCOPHONE

Faisons état du bilan de l’initiative France Université numérique (FUN) en faveur des MOOCs. En octobre dernier, dix mois après le lancement par le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, on en comptabilisait 53 issus de diverses universités et écoles, et rassemblant plus de 400!000 apprenants. Début janvier, la secrétaire d’État Geneviève Fioraso annonçait la disponibilité de 37 nou-veaux MOOCs d’ici au mois de mars : 19 cours nouveaux et 18 autres qui reviennent pour une nouvelle saison, de la philosophie

au management, de l’histoire à l’entrepreneu-riat. Parmi les nouveautés : « @ddict!? MOOC collaboratif sur nos usages du numérique » de l'université de Nantes!; « Bien archiver : la réponse au désordre numérique » de l'univer-sité Paris X Nanterre!; « Fondamentaux pour le big data » de l'Institut Mines-Télécom ou encore « Écrivez votre premier programme avec Java », du CNAM. Mais aussi, pour les soignants franco-phones, le très actuel « Apprendre à vaincre ensemble Ebola », coproduit par l'univer-sité de Genève et l'Université numé-rique francophone des sciences du sport (UNF3S) et de la santé avec l’Agence univer-sitaire de la Francophonie et l’Organisation mondiale de la santé. Car les priorités de la FUN pour 2015 sont la coproduction de MOOCs dans les pays francophones, le déve-loppement de MOOCs pour la formation continue et le soutien aux nouvelles pédago-gies, comme les classes inversées. ■ I. B.

Les MOOCs, ou massive online open courses,

proposent des contenus

en ligne dans toutes

les disciplines. Cette activité en pleine expansion

vise à toucher le plus grand

nombre. C’est une voie de la

démocratisation de l’accès au savoir.

© FOTOLIA

LES MOOCS SOUS LE MICROSCOPE D’UN CHERCHEUR

Maxime Jore, enseignant-chercheur et coordinateur

de l’apprentissage numérique à Novancia Business School Paris, a écrit sa thèse de doctorat sur l’apprenance et la proactivité ! « Pour apprendre, il faut vouloir, savoir et pouvoir apprendre », résume-t-il lors d’une présentation matinale devant un groupe de RH et de formateurs au sein de l’école. « L’apprenance, c’est une attitude, une disposition affective, cognitive et

conative favorable à l’acte d’apprendre. » L’ingrédient « vouloir » de la recette. Mais la collaboration, le partage, la transparence, typiques des MOOCs, ont changé la donne. « Le professeur n’est plus the sage on the stage. C’est le guy on the side », ajoute-t-il. « Dans les MOOCs, la seule révolution est le “M” », affirme-t-il. Lui aussi constate les tendances nouvelles : COOC (corporate open online classes) comme ceux d’Orange sur des thèmes généraux, SPOC

(small private) genre de master class avec un expert, ou encore le « learning analytics » qui pourrait améliorer le taux d’achèvement des MOOC en stimulant les apprenants. Mais en courant le risque de les enfermer dans certains sujets par application des principes de la recommanda-tion chers à Amazon… Pour sa part, Maxime Jore a entrepris des travaux de recherche sur les MOOCs en étudiant le cas d’une école réputée. À suivre… ■ I. B.

L C

400 000apprenants, et même plus, suivaient les MOOCs de la FUN, en octobre 2014, dix mois seulement après son lancement.

L’ingénierie pédagogique vit une véritable révolution : le savoir n’est plus confiné dans les universités, il se répand à la vitesse de la fibre sur le Net. Et son potentiel semble infini…