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Neutralisation et syncrétisme Author(s): André Martinet Source: La Linguistique, Vol. 4, Fasc. 1 (1968), pp. 1-20 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30248086 . Accessed: 14/06/2014 11:49 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to La Linguistique. http://www.jstor.org This content downloaded from 62.122.73.34 on Sat, 14 Jun 2014 11:49:32 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Neutralisation et syncrétisme

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Neutralisation et syncrétismeAuthor(s): André MartinetSource: La Linguistique, Vol. 4, Fasc. 1 (1968), pp. 1-20Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/30248086 .

Accessed: 14/06/2014 11:49

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NEUTRALISATION ET SYNCRETISME

par ANDRE MARTINET

Le concept de neutralisation, comme celui d'archiphon`me qui en d6rive, est loin d'etre d'un emploi universel dans l'usage linguistique contemporain. Il est en effet de ceux qui ne trouvent leur justification que dans le cadre d'une linguistique fonctiona- liste, c'est-a-dire chez des chercheurs qui ont reconnu que les unit6s linguistiques sont des valeurs et que ces valeurs se fondent sur la contribution de chacune a l'tablissement de la communication.

Pour saisir l'importance de ce concept et, mieux, son carac- thre n6cessaire, il faut avoir compris que, dans l'6tude d'un

comportement humain, ce n'est pas la nature des faits direc- tement observables qui compte, mais ce qu'ils manifestent des intentions des sujets en cause. La linguistique pr6phonologique avait, de faqon simpliste, en accord avec l'id6alisme ambiant, identifi6 cette opposition de faits et d'intentions avec celle de la forme et du sens, aspect laicis6 de celle de la lettre et de l'esprit. La grande leqon de la phonologie est d'avoir montr6 que la distinction entre ce qui tombe sous le sens et ce qui est humainement valable vaut, dans le langage, non point pour opposer la forme et le sens, mais ' l'interieur meme de la forme pour distinguer entre ce qui est identifiable comme un choix du locuteur, c'est-ai-dire linguistiquement pertinent, et ce qui ne l'est pas, ou, mieux encore, pour 6tablir parmi les 6l6ments de cette forme une hierarchie fondee sur leur fonction dans le processus de communication. C'est ce message de la phonologie qu'on a pu chercher a condenser en disant que la r6alit6 linguis- tique ne se confond pas avec la realit6 physique. Une affirma- tion de ce type est, dans l'esprit de ceux qui la font, a prendre au pied de la lettre, les intentions de l'homme 6tant aussi reelles que les vibrations de l'air resultant du jeu des organes de la

parole. Elle est, au mieux, consid6ree comme une favon de parler ou une boutade par ceux qui identifient realit6 et ce qui tombe directement sous le sens, ceux pour qui une structure

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est n6cessairement une vue de l'esprit puisqu'ils ne sauraient imaginer, derriere l'apparence de l'6difice, la realit6 des pres- sions de toutes sortes qui en assurent I'existence. Ce sont, bien entendu, les memes personnes qui accepteront difficilement la notion que deux sons, physiquement aussi peu dissemblables

qu'il est possible de l'etre, puissent tre interpr6tes linguisti- quement comme des r6alit6s diff6rentes. Or, c'est bien A quoi aboutit I'application de la neutralisation lorsque, par exemple, un [t] qui s'entend dans un contexte oh [d] n'existe pas est consid"r6 comme autre chose, comme une autre unit6, qu'un [t] r6alis6 dans une position oi [d] est 6galement attest6.

En gros, on peut dire que le concept de neutralisation n'a aucun sens pour ceux qui d6finissent le phoneme comme une famille de sons physiquement analogues, en distribution compl6- mentaire, alors qu'il s'impose naturellement a ceux pour qui la notion d'opposition, c'est-A-dire, en phonologie, la possi- bilit6 de distinguer un signifiant d'un autre signifiant, prime celle de phoneme. S'il doit y avoir opposition pour qu'il y ait

phonemes distincts, l'impossibilit6 syst6matique de r6aliser une opposition dans un contexte phonique bien caract6ris6 doit necessairement tre relevie et mise en valeur. La situation est encore plus nette si l'on d6finit le phoneme comme une somme de traits pertinents d6gages par opposition : si /t/ est d6fini comme apical, non nasal et sourd, c'est qu'il s'oppose notamment A /d/ apical, non nasal et sonore. LA ohi des occlusives

apicales sans vibration glottale, prononc6es donc [t], s'opposent A des labiales et des dorsales analogues ([p], [k]) et A des nasales

apicales ([n]), mais oih les locuteurs ne sauraient distinguer une sonore de la sourde, un [t] se d6finira comme apical et non

nasal, mais ne sera plus sourd de fagon distinctive. Il sera, phonologiquement, ce qui est commun A /t/ et A /d/ la oih ils

s'opposent, c'est-A-dire apical et non nasal. Il ne sera plus /t/, mais une realisation de l'archiphoneme /t-d/.

La conception du phoneme comme une famille de sons, qui remonte, en derniere analyse, A Daniel Jones, est celle qui a, de fa*on g6nerale, pr6valu chez les structuralistes americains. Elle avait, aupres d'antimentalistes, I'avantage de faire l'6co- nomie du recours A la signification qu'implique la commutation.

Mais, par son simplisme, elle pr6parait la reaction id6aliste qui nous a valu le transformationisme contemporain. Pour

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ceux qui ne distinguent pas entre realite physique et realit6

linguistique, la tentation peut etre grande de rechercher, par des moyens dont on peut parfois mettre en doute le caractere

scientifique, une (< structure profonde ) au-dela de la realit6 superficielle des presentations de l'6cole bloomfieldienne. Il

n'y a certes pas identit6 entre la << r6alit6 linguistique ) des fonctionalistes et la (( structure profonde ) des chomskyens. Mais on comprendra que les theories transformationnelles et

gen6ratives n'aient pas, aux yeux de fonctionalistes avertis, le caractere d'enrichissement qu'elles avaient n6cessairement

pour de jeunes linguistes ambricains nourris au sobre brouet de leurs maitres structuralistes.

Il ne saurait tre question de presenter ici une theorie

complete de la neutralisation phonologique ni de rappeler, dans le detail, les difficult6s qu'on peut rencontrer, en pratique, pour delimiter exactement son champ. On reviendra seulement sur deux points : un premier sur lequel il est necessaire d'insister pour preparer la discussion qui s'instaurera ci-dessous relati- vement i l'utilisation du concept de neutralisation sur le plan de la premiere articulation du langage; un second, qui touche aux rapports entre la neutralisation et les alternances, ou une mise en garde paralt indispensable.

Il est, du point de vue theorique, indiff6rent que la suspen- sion de l'opposition qu'on d6signe comme une neutralisation se manifeste : 10 comme dans l'exemple classique pr6sent6 ci-dessus, sous une forme constante qui est physiquement analogue a celle d'un des phonemes en position de diff6rencia- tion (p. ex., I'archiphoneme se realise toujours comme [t] et

jamais comme [d]); 20 sous une forme variable comme l'un ou l'autre des phonemes en cause (p. ex. I'archiphoneme se realise tant6t comme [t] tantot comme [d] selon l'humeur du

moment); 30 comme un son intermediaire entre les realisations normales des deux phonemes (p. ex., I'archiphoneme se realise comme une apicale sourde faible intermediaire entre [t] et [d]); 40 comme l'un ou l'autre des phonemes en cause, mais selon le contexte (p. ex., [t] devant consonne phonologiquement sourde, [d] devant consonne phonologiquement sonore) ; 50 sous une des formes consideries jusqu'ici selon les positions de neu-

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tralisation et selon les locuteurs. Ce qui est essentiel et d6cisif est que l'opposition, dans un contexte d6fini en termes stricte- ment phoniques ou en fonction des limites des signifiants, n'a plus la possibilit6 de s'exercer.

Un exemple reel fera peut-,tre mieux comprendre ce qu'im- plique ce point de vue aussi bien sur le plan pratique que sur le plan th6orique : dans le francais g6n6ralement pratiqu6 a Paris, on peut dire que l'opposition entre /e/ et /e/ est neutra- lis6e partout ailleurs qu'a la finale de mot : alors qu'on distingue prd de pros, donner de donnait et que les sujets savent tres bien s'ils prononcent les, mes, gai, quai avec /e/ ou avec /r/, on prononce de la meme faqon p&cheur et picheur, et l'on ne saurait articuler perdre avec un [e] ferm6. Si l'on met a part ceux, assez nombreux sans doute, chez qui l'orthographe et l'analogie entrainent un [e] dans la premiere syllabe de descendre et de mettez, il y a accord entre les locuteurs pour neutraliser, mais large disaccord sur la faqon dont la neutralisation se rea- lise dans les diff6rentes positions. Si, en syllabe fermie, la neutralisation en [e] est g6ndrale, trois comportements distincts ont 't6 releves en ce qui concerne les syllabes ouvertes non finales : 10 la voyelle est toujours fermee, done [e] dans la pre- miere syllabe de descendre, te', 6tait; 20 la voyelle est toujours moyenne, c'est-a-dire intermediaire entre [e] et [e] ; 30 la voyelle est fermee si celle de la syllabe suivante est de faible degr6 d'ouverture, done ft", b"ni avec une premiere syllabe en [e]; elle est ouverte si celle de la syllabe suivante est de grand degr6 d'aperture, done -tait, ftang, maison avec [e] dans la premiere syllabe. Ce dernier mode, que ceux qui l'avaient observe en premier avaient pr6sent6 comme la regle, ne doit pas en r6alit'

gtre le fait de plus du quart des sujets'. Ce qu'impliquent ces faits, pour l'usage parisien du frangais,

est qu'on n'y saurait, pour la comprehension de ce qu'on entend, retirer aucun profit des diffirences de timbre entre les voyelles moyennes d'avant non arrondies ailleurs qu'a la finale, puisque tous les 6lements de determination du timbre se trouvent dans le contexte : nature ouverte ou ferm6e de la syllabe ou qualit6 de la voyelle de la syllabe suivante. Il en resulte que les sujets sont habitues des leur enfance a ne pas tenir compte, en posi-

1. Voir Andre MARTINET, La prononciation du franpais contemporain, Paris, 1945, p. 140-142.

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tion neutralisante, des variations de timbre dans la zone [e-e]. Ceux-lt memes qui ne font pas riellement la neutralisation, en ce qu'ils prononcent, par exemple, descend avec un [e] et dicent avec un [e], ne s'attendent ni a ce que les autres les

imitent, ni a ce qu'ils pergoivent les distinctions du type /desa/ ~ /desd/. Fonctionnellement, la favon dont se r6alise la neutralisation n'importe pas. Seule est decisive l'impossi. bilit6 de realiser l'opposition qui caracterise l'usage majoritaire et qui, en derniere analyse, determine le fonctionnement de la

langue pour l'ensemble de la communaut6. Ii est un autre aspect du problame de la neutralisation

phonologique o7u il convient de priciser le cadre th'orique de

l'analyse pour 6viter les errances qui, de proche en proche, ont

abouti, chez certains, a la remise en question des principes memes de l'analyse phonologique. Pour constater qu'une oppo- sition distinctive ne fonctionne pas dans un contexte phonique d6termin6, on digage par la commutation toutes les unites

susceptibles d'assurer, dans ce contexte, la diff6renciation des unites lexicales on grammaticales, et, par comparaison avec la situation dans d'autres contextes, on s'apergoit qu'une oppo- sition distinctive, attestie ailleurs, n'apparaft pas ici. Il n'y a, bien entendu, neutralisation que dans la mesure oih les membres de l'opposition en question sont en rapport exclusif, c'est-a-dire ont en commun un ensemble de traits distinctifs qu'ils sont les seuls ' avoir en commun. Dans le cas, classique, de la neutrali- sation " la finale d'une opposition /t/ ~ /d/, la base commune est, en general, facile a d6terminer; en russe, par exemple, elle consiste en apicalit6 (/t-d/ ~ /p-b/ et /k-g/), non nasalit6 (/t-d/ ~ /n/), et non palatalit6 (/t-d/j /t'-d'/). Mais il y a des situations oi l'tablissement de cette base ne peut se faire qu'en faisant intervenir tous les contextes possibles ou, au moins, plus de deux d'entre eux. Soit, en franqais de Paris, les voyelles d'arriere en syllabe finale non couverte : on en distingue trois, dans pou, pot et pas, par exemple, phonetiquement [u], [o] et [c], qu'on pourra d6finir respectivement comme fermie, moyenne et ouverte. En syllabe finale couverte, on peut d6gager quatre unitis, dans poule, pOle, Paul, pale, par exemple, phon6- tiquement [u], [o], [a] et [oc]. Rien ne nous permet de decider si, a la finale non couverte, c'est l'opposition /o/ ~ /o/ qui est neutralis6e ou l'opposition /o/ /~/; dans le premier cas la

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base serait < voyelle d'arriere moyenne ,, dans le second < voyelle

d'arriere ouverte ,. Toutefois, si nous considerons un troisieme contexte, devant /r/ de la meme syllabe, on obtient de nouveau trois unites, comme a la finale non couverte, mais avec une

voyelle moyenne de timbre [a], par exemple dans bourre, bord, barre. Le [o] de pot et le [a] de bord 6tant, I'un et l'autre, des moyennes, nous pouvons poser une base commune < voyelle d'arriere moyenne , et considerer que aI oh l'on ne distingue que trois voyelles, c'est l'opposition /o/ ~ /a/ qui est neu- tralis6e. On aura intr~rt a remplacer les notations /o/ et /o/ par /6/ et /6/ ce qui nous permettra de noter par /o/ l'archipho- neme 1l oih il se r6alise, par exemple dans pot /po/ et bord /bor/.

Dans la pratique, il n'est pas rare qu'on pose des neutrali- sations sans prendre tant de precautions. On constate l'exis- tence de certaines alternances d6termin6es par le contexte

phonique : au f6minin sotte [sot] avec [a], correspond le mas- culin sot [so] avec [o]; en poussant l'examen, on constate

qu'un [a] non final correspond toujours a [o] lorsque dispa- raissent les segments qui l'emp chaient d' tre final (loterie [btri], mais lot [lo], potage [potai], mais pot [po], etc.); fina- lement, on v6rifie que [a] n'apparait jamais a la finale. Ce sont les alternances [a]/[o] dont on 6tait parti qui suggerent que c'est l'opposition /a/ ~ /o/ qui se neutralise A la finale. Il y a, ici, coincidence entre les r6sultats obtenus en pratique en

partant des alternances et ceux qui r6sultent de l'application de la seule procedure th6oriquement recommandable. Mais il

n'en est pas toujours ainsi. Soit le systeme vocalique du russe dans sa forme la moins

influenc6e par la graphie. Sous l'accent, il comporte cinq phonemes : deux ferm6s /i/ et /u/, deux moyens /e/ et /o/ et un ouvert /a/. En position pr6accentuelle apres consonne dure, l'inventaire se r6duit a deux voyelles ferm6es et une voyelle ouverte, toutes plus ou moins centralis6es par rapport aux realisations des phonemes ferm6s et ouverts sous l'accent. Nous les noterons arbitrairement [i], [ii] et [A] et, pour autant que nous devons y voir des unit6s phonologiques distinctes,

/i/, /(i/ et /a/. Rien ne nous permet de discerner quelles oppo- sitions se sont neutralisees en passant d'un contexte a un autre : /if/ /e/ et /u/~ /o/ on /e/ ~ /a/ et /o/ ~ /a/ ? L'inter- vention d'autres contextes neutralisants ne nous donnerait

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aucune indication supplkmentaire. Nous ne pouvons, nous ne devons donc pas poser de neutralisation parce que nous n'avons aucun moyen de digager une base commune.

Si, maintenant, nous partons des alternances, une d'elles

s'impose a nous par sa fr6quence; c'est celle de /o/ en syllabe accentu'e avec ce que nous avons not" /a/ en position pre- accentuelle, celle qu'on constate en passant du nominatif /stol/ au g6nitif /st~la/ et dans des milliers d'autres paires analogues, celle qui s'impose a tout 6tudiant du russe a qui l'on signale que l'o de la graphie, ailleurs que sous l'accent, se prononce [a] ou [a]. Le conditionnement de cette alternance peut tre consi- d6r6 comme partiellement phonologique dans ce sens qu'arti- culer un [o] en syllabe preaccentuelle ne fait pas partie des habitudes articulatoires des Russes moscovites. Mais il n'y a aucun automatisme phonologique qui fait passer /o/ a /a/ plut6t qu'~ i/ oun /i/. On constate, en fait, qu'd c6te de l'alter- nance /o/ ~/a/ (attest6e apres consonne dure) on rencontre, moins fr*quemment sans doute, mais dans des conditions tout a fait analogues, une alternance /o/ ~ /i/(attestie apr-s consonne

molle), par exemple, dans sela /s'ola/, nom. pluriel, qui s'oppose a selo /s'ilo/, nom. singulier du mot qui d6signe le village. Rien, dans la phonologie du russe, n'empacherait un nominatif /stol/ d'avoir un g6nitif */stila/ ou */stiila/ et un pluriel /s'ol6/ de

correspondre a un singulier */s'(jlo/. C'est dans la morphologie de la langue qu'il n'y a pas place pour ces alternances.

En conclusion, si l'examen de certaines alternances peut indiquer ohi l'on a des chances de relever des neutralisations, les alternances, meme de conditionnement largement phonique, ne sont jamais la preuve qu'on ait affaire A une neutralisation. Dans le cas du russe, une fois posees les unites /a/, /o/, /oe/, /eu/, /if/,/a/, /i/ et /ii/, on laissera a la morphologie le soin de pr6ciser comment les unites d'un type alternent avec les unitis de l'autre au cours de la flexion et de la d rivation. Le signe de la br ve

que nous avons utilis6 pour marquer les unitis du second type n'est pas a interpreter comme le symbole d'un archiphoneme, mais comme un rappel qu'une unite comme /a/ qui ne s'oppose plus qu' /i/ et a /i~/ ne saurait s'identifier a /a/ qui s'oppose, lui, a quatre autres phonemes vocaliques. Pour revenir sur un

exemple pr'sent6 ci-dessus, ce n'est pas l'alternance /o/-/o/ de sotte, sottise-sot qui fait la preuve de la neutralisation de

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l'opposition /o/~ /0o/ i la finale, mais la n6cessit6 fonctionnelle d'interpriter /a/ et /o/ comme des unitis d'ouverture moyenne, dans bord ([baa]) tout comme dans pot ([po]).

Il est bon de pr6ciser de nouveau qu'il n'etait pas question, ici, de r6soudre tous les probl]mes que pose l'tablissement de la base commune indispensable pour qu'on puisse parler de neutralisation, mais de marquer que des alternances, meme conditionnies phonologiquement, c'est-a-dire d6terminees par l'incapacit6 pour les locuteurs de r6aliser certains types arti- culatoires dans un contexte dftermin6, ne suffisent pas a jus- tifier l'emploi du concept de neutralisation. Il ne s'agit pas de faire couvrir, au nom d'un vain souci d'6conomie terminolo-

gique, le plus grand champ possible a un concept au risque d'en estomper les contours, mais bien de le garder disponible dans toute sa rigueur afin de caract riser avec precision certains des traits d'une langue.

C'est le meme souci de precision qui etait a la source de l'enquate faite en 1956 aupr's de linguistes de divers pays pour tenter de priciser dans quel sens il convenait de restreindre l'emploi du terme de neutralisation en rif6rence aux unites, non plus distinctives, mais significatives du langage. Les

reponses, nombreuses et varides, ont 6t6 publides dans le deuxieme volume des Travaux de l'Institut de Linguistique. Genevieve Corriard, chargee de d6gager les conclusions de

l'enqu te, a proc6d6 avec une parfaite objectivit2 : en face de la variet6 des opinions exprimees, elle n'a fait qu'esquisser des prises de position personnelle et a finalement conclu en se demandant s'il 6tait indiqu6 d'appliquer A un autre domaine les outils ( qui ont 6t6 forges par la phonologie et pour la pho- nologie ). Il y a 1l, certainement, une reaction tres saine en face des exces des partisans de l'isomorphisme des deux plans du

langage. Mais il reste licite et meme recommand6 de comparer le comportement des deux types d'unitis linguistiques fonda- mentales :les unitis distinctives, c'est-a-dire, avant tout, les

phonemes, et les unitis significatives, essentiellement les mo- nemes. S'il se trouve que, mis A part le caractere distinctif des uns,

2. TIL 2 (Paris, 1957), p. 165-182.

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significatif des autres, phonemes et monemes sont soumis a des limitations d'emploi analogues, rien ne saurait empecher d'em-

ployer, pour ces limitations, le meme terme dans les deux cas. La condition premiere pour qu'on puisse, sur le plan des

unit6s distinctives, parler de neutralisation est que, dans un contexte d6fini en termes phoniques, la fonction distinctive d'une opposition ne s'exerce plus.

Nous poserons que, parallelement, la condition premiere pour qu'on puisse, sur le plan des unites significatives, parler de neutralisation est que, dans un contexte d6fini en termes d'unit-s douses de sens, la fonction significative d'une oppo- sition ne s'exerce plus.

On objectera peut-_tre que nous jouons ici sur le terme < significatif ) et que ce terme, employe pour d6signer certaines

unites, ne doit pas faire oublier que ces unites sont (( a double face ), qu'elles ont une forme et un sens, et que nous donnons arbitrairement ici le pas au sens sur la forme. Mais ce serait oublier que la fonction du mon me est strictement significative; seul son signifi6 nous importe, puisque, accidents homonymiques mis A part, ce sont les unites distinctives (phonemes, tons) de son signifiant qui assurent son identite formelle.

Nous avons vu ci-dessus dans quelles conditions, fort varides, la fonction distinctive d'une opposition ne s'exerce plus. II nous faut dfterminer, ici, dans quelles conditions la fonction signi- ficative d'une opposition cesse de s'exercer. On pense tout d'abord au cas oui, en combinaison avec certaines unites signi- ficatives, le signifiant d'un moneme reqoit la meme forme que celui d'un autre moname : lorsque, par exemple, en combinaison avec le signe du latin qui d6signe el'tre humain (homo, homin-) et le moneme de pluriel, le signifiant du datif, dans -ibus, ne se distingue pas de celui de l'ablatif. Puisqu'il n'y a plus moyen, dans ce cas, de distinguer formellement entre les deux monemes, ne peut-on supposer que ceci empachera la fonction significative de s'exercer ? Si j'entends dire : Je cherche un homme qui travaille..., comme, en combinaison avec travailler et la troisieme

personne du singulier, il n'y a pas de distinction formelle entre le moneme indicatif et le moneme subjonctif, je ne peux pas savoir s'il s'agit d'un homme qui travaille effectivement au moment oih l'on parle ou de quelqu'un qui consentirait a tra- vailler. Toutefois, il ne faut pas oublier que le fonctionnement

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du langage suppose au moins deux interlocuteurs, un locuteur et un auditeur. Dans le cas que nous venons de considerer, l'auditeur peut tre dans l'incertitude, mais le locuteur sait parfaitement s'il a employe l'indicatif ou le subjonctif. La preuve en est que si l'auditeur lui fait part de son incertitude, il 6liminera l'ambiguit6 en ajoutant ( en ce moment ) ou en employant un auxiliaire comme veuille ou puisse oui se manifeste le mon"me subjonctif. Si contexte et situation n'interviennent pas, comme ils le font le plus souvent dans un cas de ce genre, il y aura un rat6 dans la communication. C'est ai, sans doute, qu'il convient de distinguer entre a fonctionnement ) et e fonc- tion ) : l'homonymie partielle aboutira

' un fonctionnement

d6fectueux sans que la fonction distinctive de l'opposition soit atteinte. L'auditeur, aussi bien que le locuteur, sait parfaite- ment que travaille, dans je cherche un homme qui travaille, implique ou un indicatif ou un subjonctif, et nullement une unit6 linguistique qui couvre l'un et l'autre. En d'autres termes, dans le contexte conside6r, il y a toujours choix entre un mode ou l'autre mode, on aurait tort de parler, dans ce cas, de neu- tralisation. Il existe d'ailleurs, pour d6signer les homonymies partielles du type considere ici, une d6signation traditionnelle, celle de syncr6tisme. Il y a syncritisme des formes de datif et d'ablatif latin en combinaison avec le pluriel; il y a syncr6- tisme des formes du nominatif et de l'accusatif latin pour tous les noms dits neutres; il y a, en frangais, syncritisme des formes du subjonctif et de l'indicatif au singulier et a la 3e per- sonne du pluriel pour les verbes dits du ( premier groupe > A une exception pres.

On h6site A~ d6crire le syncr6tisme comme un accident, car ce terme pourrait sugg6rer qu'il n'affecte pas la structure de la

langue. Il s'agit bien d'un trait stable de sa morphologie. On dira plut6t qu'il represente une d6ficience qui complique le fonctionnement de la langue, encore qu'il n'aboutisse qu'excep- tionnellement a la confusion, du fait de la redondance naturelle du langage humain. Il y a certainement un rapport a 4tablir entre la frequence des syncretismes dans la morphologie nomi- nale du latin et son effondrement subsequent, en face de la stabilit6 d'un systeme de conjugaison o i les confusions formelles 6taient nettement plus limities.

Peu importe, en synchronie, l'origine du syncr6tisme. Celui

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du datif et de l'ablatif latins combine le r6sultat d'6volutions

phoniques (par ex. -6 provenant de *-5i et de -5d) et d'exten- sions analogiques. La confusion formelle du nominatif et de l'accusatif neutres ne fait sans doute que refl6ter une indiff6- renciation plus ancienne chez des substantifs qui n'6taient, avec le verbe, qu'en rapport de premier d6terminant, sans jamais fonctionner comme agent a d6sinence en -s (mare uIdet (( vision de la mer )) [il] voit la mer ), mare patet ( 6vidence de la mer (, ( la mer est li )), en face de lupus uIdet a vision par le loup ), ( le loup voit ), par exemple, (( la mer )))3. 11 va sans dire

qu'en d6pit des illustrations latines, l'indiff6renciation est a postuler pour des 6tats de langue beaucoup plus anciens et non attest6s. Seul compte le fait qu't lui seul le signifiant du moneme ne permet plus son identification, sans que pour cela son identit6 soit affect6e, ni chez le locuteur ni chez l'auditeur. Celui-ci, qui sait bien qu'un datif est toujours autre chose qu'un ablatif, mis en face d'un -6 ou d'un -ibus ambigu, est invit6 a chercher dans le contexte ou la situation les 616ments qui permettront l'identification du moneme en cause.

Une homonymie partielle n'est donc jamais a consid6rer comme une neutralisation. Elle n'est, bien entendu, pas n6ces- sairement a consid6rer comme un syncr6tisme : en franpais le moneme a aller ) pr6sente, en combinaison avec le moneme ( futur , le signifiant [i] formellement identique a celui de l'adverbe de lieu y, mais il n'est pas question de parler, dans ce cas, d'un syncr6tisme. Si ce terme doit r6pondre a un besoin, il convient, bien entendu, de le r6server aux cas oi une partie au moins des contextes oih figurent les deux formes identiques est la meme, c'est-a-dire pr6sente les memes signes (les memes signifiants et les m6mes signifi6s) : il vaut la peine de signaler l'identit6 formelle de l'indicatif et du subjonctif dans certains cas, parce que le moneme indicatif et le moneme subjonctif se combinent avec les memes monemes d'une meme classe dite verbale et qu'ils sont, dans ces combinaisons, mutuellement exclusifs. Nous retrouverons ci-dessous le meme type de condi- tionnement pour ce que nous d6signerons comme la neutrali- sation, et ceci contribue a expliquer la difficult6 qu'ont certains a concevoir nettement la diff6rence entre syncr6tisme et neutra-

3. Cf. Andr6 MARTINET, Linguistique structurale et grammaire comparde, TIL 1 (1956), p. 16.

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12 ANDRE MARTINET

lisation. Hjelmslev a toujours confondu l'un et I'autre sous le terme de syncr6tisme4, employ6 certainement, de pr6f6rence A neutralisation, pour marquer ses distances vis-h-vis de la

phonologie pragoise.

En face du syncr6tisme et de 1'indiff6renciation formelle

qu'il implique, il y a des cas oh la fonction significative d'une

opposition cesse de s'exercer parce que, dans un contexte

significatif d6termin6, le choix entre l'un et I'autre terme de

l'opposition n'a plus de sens. On pourrait etre tent6 d'inter-

pr6ter cette derniere formulation de faqon restrictive en pre- cisant qu'en position de neutralisation on peut rencontrer

indiff6remment l'un ou l'autre terme, sans que la pr6sence de l'un ou de l'autre affecte en rien le sens du message. Ceci

rappelle certains cas de neutralisation phonologique oh l'on entend des r6alisations variables qui rappellent aussi bien un

phoneme que I'autre. En allemand, par exemple, oih a l'initiale P'opposition entre /s/ et /z/ est neutralis6e, il y a des usages oji, dans cette position, il semble qu'on entende indiffiremment [s] ou [z]. Mais lorsqu'on pousse l'observation assez loin, les situations de ce type se r6velent, sinon exceptionnelles, tout au moins difficiles a identifier a coup sir, aussi bien sur le plan des phonemes que sur celui des unit6s significatives. Le choix de l'une ou I'autre des formes possibles est, en phonologie, presque toujours d6termin6 par le d6tail du contexte ou encore

par le niveau du style adopt6 : en allemand du Sud, [z-] au lieu de [s-] pourra etre d6termin6 par la nature phonique de ce qui pr6cade dans le discours ou par le d6sir, conscient ou non, d'imiter des personnes, socialement sup6rieures, qui ne connaissent que [z-] initial. En mati*re de monemes, on pourra toujours arguer que l'emploi des deux formes n'est pas s6man- tiquement indiff6rent : apres il n'est pas vrai que on aura aussi bien le subjonctif que l'indicatif, mais chacun voudra trouver une diff6rence de sens entre il n'est pas vrai qu'il est un imbe#cile et il n'est pas vrai qu'il soit un imbecile, et comment le d6nier absolument ? La oui, d6cid6ment, on ne saurait d6gager une diffirence de sens, on pourra g6n6ralement faire valoir une dif-

4. Cf. Notes sur les oppositions supprimables, TCLP 8 (Prague, 1939), p. 51-57, en Particulier 54-55.

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f6rence de style : c'est eux qui l'ont vu, ce sont eux qui l'ont vu, c'est-a-dire qu'il n'y a pas indiff.renciation totale5.

Si nous devons justifier l'emploi du concept de neutrali- sation dans le cas des unites significatives en recherchant le

parallelisme avec celui des phonemes, il n'y a pas grand-chose a gagner a une interpretation restrictive de la formule ( le choix entre l'un et I'autre terme n'a plus de sens )). II faut, comme en phonologie, faire abstraction de la fa dont se realise l'unit6 indiff6rencide - dirons-nous l'archimoneme ? - en position de neutralisation. Mais, mame si nous devons en faire abstraction, il est bon de passer en revue, comme nous l'avons fait ci-dessus pour la phonologie, les diff6rents types de r6alisation et ceci, en recherchant, sur le plan des unites significatives, les 6quivalents des situations relev6es sur celui des unites distinctives.

On envisagera, tout d'abord, le cas oji, dans une certaine

position de neutralisation, n'est jamais attestee que la forme d'une des unites en cause. Ainsi, apres il faut que, seules se trouvent les formes du subjonctif : il faut que je fasse... Tradi- tionnellement, ces formes de subjonctif sont dites (( subjonctif )

puisqu'on estime y retrouver non seulement la forme (fasse au lieu de fais), mais 6galement le sens du subjonctif. Toutefois, il y a Ia illusion : que je fasse, apr s il faut, n'a aucune valeur modale definie qui ne soit impliquee par il faut. Il n'y a de sens

que 1 ohi il y a choix du locuteur, et le choix, en matiere de mode, 6tait ici limit6 aux formes en fass- qui permettent I'expression du sujet, ou a l'infinitif qui ne le permet pas. Il n'y a, entre il faut que je fasse et il faut faire, que la diff6rence

apport6e par le pronom sujet de premiere personne dans que je fasse. Mises a part des nuances stylistiques tenant au carac- tare litt6raire du premier 6nonc6, il n'y a aucune diff6rence de sens entre il me faut faire et il faut que je fasse. L'utilisation du concept de neutralisation permet ici de localiser exactement dans il faut ce qu'on pourrait vouloir designer comme le trait

5. On relbvera toutefois, ci-dessous, dans le texte m6me de l'article, l'6noncb suivant: il faut... qu'elles aient une base commune qu'elles sont les seules d prdsenter ohf I'auteur a employb l'indicatif dans la dernibre proposition, mais ofh l'attrac- tion du subjonctif prdc6dent ou, si l'on veut, le fait que la troisime proposition implique bien le mbme type de limitation que la deuxibme, semble autoriser l'emploi de la forme subjonctive. Mais, en fait, tout l'effet de sens se trouve dans il faut. Il y a done neutralisation dans la troisibme proposition, comme dans la deuxibme ofh le choix du subjonctif est force ,mais avec libert6 du choix de la forme.

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significatif de ,, subjonctivit6 ,, s'il est prouv' qu'il y ait syn-

chroniquement une base commune a l'effet de sens contenu dans il faut que je fasse et celui qui se d6gage du subjonctif dans les contextes oih il s'oppose a l'indicatif.

La deuxieme possibilit6 est celle, d6ja discut6e ci-dessus, d'un emploi indiff6renci6 de l'une on l'autre forme en position de neutralisation et qu'on pourrait vouloir illustrer au moyen d'il n'est pas vrai qu'il est, il n'est pas vrai qu'il soit.

La troisieme possibilit6 a envisager est celle oii l'on trouve- rait, en position de neutralisation, une forme diff6rente de celles des deux unites en opposition. Sur le plan phonologique ceci

correspond A une r6alisation interm6diaire entre celles des deux

phonemes en opposition. Mais, ici, la notion de forme interm6- diaire n'a guere de sens, parce que la forme des signifiants en cause n'a d'intiret que globalement, c'est-a-dire comme sus-

ceptible d'identifier le segment d'6nonc6 comme, par exemple, un indicatif ou un subjonctif. Il importe peu que le subjonctif soit marqu6 comme tel par le seul -i- de nous donnions ou par la conjonction de -i- et d'une modification du radical verbal dans nous fassions; il reste formellement identifiable dans les deux cas. En phonologie, une r6alisation intermidiaire est reconnue comme telle du fait de variations non discretes, ce qui donne un sens au terme

,( interm6diaire . Ici, la forme consiste en une succession d'unit6s discretes qui exercent indi- viduellement leur fonction distinctive; un phoneme diff6rent dans une sequence fait, d'un signifiant, un tout autre signifiant : chameau /famo/ ne peut gtre dit (( interm6diaire ) entre chapeau /sapo/ et rameau /ramo/.

Ne retenant donc que la possibilit6 d'une forme diff6rente de celles qui sont attest6es 1l oui existe l'opposition, on peut sans doute imaginer une situation oih, dans un contexte d6ter- min6, ne seraient attest6es ni les formes caract6ristiques d'un moneme A, ni celles d'un moneme B, mais d'autres formes qui sembleraient n'avoir de sens que ce qu'on peut estimer etre la base commune ' A et a B. Nous trouverons ci-dessous, un cas oi, dans la mesure oih l'on peut parler de neutralisation, c'est bien ainsi que se pr6sente l'aspect formel du probleme.

Restent, pour compl6ter le parall6lisme avec les situations relev6es en phonologie, a considerer, d'une part, les cas ohi dans diff6rentes positions de neutralisation la seule forme attest6e

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est ici, celle d'une des deux unit6s, l1, celle de l'autre, d'autre

part, ceux ohi la fagon dont se r6alise la neutralisation varie selon les locuteurs. L'opposition de l'indicatif et du subjonctif en franqais fournit de nouveau les illustrations necessaires : dans certains contextes, et notamment apres il est certain que, oh l'on ne saurait choisir entre indicatif et subjonctif, la forme attestee est celle de l'indicatif; dans d'autres contextes, et notamment apres ilfaut que, oih il y a 6galement neutralisation, la forme attest6e est celle du subjonctif. Apres il semble que, un sujet (moi-meme) neutralise en n'employant que la forme du subjonctif; un autre sujet (Jean Porte6) neutralise en

employant indiff6remment les formes de l'un ou l'autre mode. En r6sum6, la neutralisation, dans le domaine qui nous

int6resse ici, semble surtout se realiser en retenant, dans un contexte determin6, la forme d'un des membres de l'opposition a l'exclusion de l'autre et d'une forme diff6rente de l'une et de l'autre.

Nous avons vu que, pour qu'on puisse, en phonologie, parler de neutralisation, il faut que les unit6s neutralisables soient en rapport exclusif, c'est-a-dire qu'elles aient une base commune

qu'elles sont les seules a presenter. Cette base commune s'exprime en termes de traits distinctifs. Il est toujours utile de rappeler que base commune et, par consequent, neutrali- sation, ne se limitent pas aux paires de phonemes : en espagnol, les phonemes /m/, /n/, /liA, dont la base commune est le trait de nasalite, voient leurs oppositions neutralis6es a la finale de syllabe. Que sera, sur le plan qui nous interesse ici, la base commune et que seront les traits significatifs qui la composent ? En phonologie, la base commune s'6tablit par opposition avec les autres phonemes susceptibles d'apparaltre dans le meme contexte : la base commune qui fonde l'archiphoneme /t-d/ en russe r6sulte des oppositions avec /n/, avec /t'/ et /d'/, avec /p/, /b/, /k/, /g/, etc., qui nous fournissent les traits non nasal, dur et apical communs A /t-d/ et qu'ils sont les seuls a pr6senter ensemble. En ce qui concerne les monenes, la situation est fort diff6rente, d'abord parce que nous ne disposons pas d'une technique g6n6ralement admise pour identifier les traits

6. Cf. TIL 2, p. 95.

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significatifs et, d'autre part, parce que, si les phonemes exercent leur fonction distinctive dans un contexte bien d6termin6, il n'en va pas toujours de meme de la fonction significative des mondmes : un moneme datif exercera sa fonction significative quel que soit le contexte dans lequel il apparait Al'interieur d'une proposition : c l'homme, ii a donni l'argent, ii a donne' l'argent a l'homme, etc. Aussi ne peut-on pas dire que le datif

s'oppose I l'accusatif, parce que dans le cadre (la proposition) oh ils fonctionnent, l'un et I'autre coexistent sans difficult' comme le suggere l'exemple pr6cedent. II n'y a donc pas oppo- sition entre datif et accusatif et l'on ne saurait envisager la possibilite d'une neutralisation, puisque la neutralisation

implique qu'une opposition ne s'exerce plus. Pour qu'on puisse parler de neutralisation d'opposition significative, il est indis-

pensable qu'il y ait reellement opposition, c'est-a-dire que, dans le cadre oui ils exercent leur fonction, la presence d'un membre exclue I'autre : en rapport avec un substantif, on peut employer le moneme de singulier on le moneme de pluriel, l'un excluant l'autre, un substantif ne pouvant, en m8me temps, < otre au singulier et e 8tre au pluriel ; aussi peut-on parler d'une neutralisation de l'opposition singulier-pluriel, par exemple dans Pl'y]ment bataille du syntheme champ de bataillel et dans le cheval de gendarmerie a cheval oih il n'est pas question qu'il y ait eu, d'une part, plus d'une bataille et, d'autre part, un seul cheval, et ofi pourtant la forme est celle du singulier dans les deux cas; il y aura egalement neutralisation chez les

pluralia tantum, comme les fundrailles, les tenebres, oiu la forme est celle du pluriel. La base commune est naturellement ici la notion de nombre. Elle n'est pas analysable en traits distincts, comme c'est souvent le cas pour les phonemes, et ceci pour la raison 6vidente que le systeme, ou, si l'on vent, la classe des unit6s opposables se reduit ici aux deux termes en cause et

qu'il n'y a pas d'autres oppositions qui permettraient une ana-

lyse de la base commune. Notons d'ailleurs que, dans le cadre d'un systeme a unit s beaucoup plus nombreuses, les nasales de l'espagnol ont galement une base inanalysable, la nasalit6.

Ici, comme en phonologie, la determination de la base commune peut tre une operation delicate dont le resultat

7. L'exemple est d'Eric BUYSSENS, TIL 2, p. 33; I'illustration suivante est 1l pour indiquer que la neutralisation vaut pour I'usage parld de la langue.

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NEUTRALISATION ET SYNCRETISME 17

reste sujet a discussion. Nous avons op6r6 ci-dessus comme si, en frangais, l'indicatif et le subjonctif 6taient, sans doute

possible, en rapport exclusif. Mais il n'est pas facile de d6gager une base commune qu'ils soient les seuls a presenter : si les modes non personnels peuvent tre 6cartis comme n'apparais- sant pas dans les memes contextes qu'eux, P'existence de

l'imp ratif et du conditionnel complique beaucoup la situation. II faudrait peut-8tre dire qu'apres il faut que ce sont toutes les

oppositions entre modes personnels qui sont neutralisees, et si le conditionnel doit finalement tre consider6 comme un mode au meme titre que l'indicatif et le subjonctif, l'absence de ce dernier apres il est certain que ne pourrait plus etre inter-

pr tye comme une neutralisation. Le d6sir d'6tendre la notion de neutralisation dans le champ

des unites significatives se heurte parfois au fait que l'on h'site souvent dans la segmentation de l'enonc6 en monemes. Il y a d'abord la question de savoir si l'on a, dans certains cas, affaire a l'opposition de deux monemes ou a celle d'un moneme A zero. Nous avons ci-dessus oper6 avec un moneme indicatif et un mondme subjonctif, mais il serait licite d'opposer un moneme modal subjonctif i l'absence de mode, de la meme favon qu'on peut parfaitement d6cr6ter que le (( present ) francais est, en fait, absence de temps, de telle sorte que, dans je donne ~ je donnerai, on a, dans le premier membre, formel- lement et simantiquement, le moneme pronominal et le mon me verbal i l'exclusion de toute autre unit6 significative. Toute- fois les hesitations qu'on peut avoir en ces matieres affectent les formulations sans mettre en cause la possibilit6 de poser une neutralisation. Dire que le moneme indicatif n'existe pas est equivalent a poser qu'il est la base modale commune.

Il est moins facile de se tirer d'affaire la oih se pose la ques- tion un ou deux monemes ? Doit-on, par exemple dans nous donnons, parler d'un moneme unique /nu...6/ d6signe arbitraire- ment comme (( premiere personne du pluriel ), ou nous faut-il identifier deux monemes, un de premiere personne et l'autre de pluriel, alors que la forme n'incite guere I l'analyse (un peu plus cependant dans nous avons /nuz...5/ oui la liaison en /z/ suggere un pluriel) et que nous ne correspond que tres exceptionnellement a une pluralit6 de je ? Dans le syst"me verbal du franqais, on distingue entre deux passes repr6sentes

LA LINGUISTIQUE, I 2

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dans la langue parl6e par l'imparfait, je donnais et le passe dit compos6, j'ai donne. Si l'analyse de la forme /d6nl/ ne semble guere faire difficultY, il faut renoncer a toute segmen- tation formelle dans le cas de ai donnea ed6n6/ si l'on desire rester sur le plan de la synchronie, et considerer l'ensemble comme l'amalgame d'un certain nombre de monbmes. On y reconnait facilement le moname (( donner ) commun aux deux formes en cause. On pourrait aussi retrouver de part et d'autre un moneme << passe ) dont le signifiant serait amalgame dans le /e/ de donnais a celui d'un moname < imparfait ) et confondu dans /ed6n6/ avec un moneme ( non imparfait ,). Ceci voudrait dire qu'on reconnaft,

N

c8t6 des temps, I'existence en franmais de deux aspects verbaux. Temps et aspects representeraient deux classes distinctes, et non point des unitis mutuellement exclusives. Dans ces conditions, on constaterait que l'opposition imparfait N non imparfait est neutralisee dans les contextes

comportant le moneme present et le mon'me futur. Noter, par exemple, I'indiff6renciation dans Mon pere travaille; je n'entre pas et la diff6renciation dans Mon pare travaillait; je ne suis pas entres. Ce serait aI un bel exemple d'une neutrali- sation oii le produit de la neutralisation aurait une forme (z6ro), distincte de celle qui se manifeste dans les amalgames /-e/ et

/ed6n6/ lorsque l'opposition d'aspect n'est pas neutralis6e. La base commune serait bien entendu la notion d'aspect commune a imparfait et non-imparfait.

Rien n'empeche toutefois d'op6rer, comme on le fait tra- ditionnellement, avec deux mon'mes, (( imparfait n) et (( pass6 compose6 ) faisant partie l'un et I'autre de la classe des temps au m8me titre que le present et le futur. Dans ce cas, il ne peut plus etre question de neutralisation.

Tout ceci veut dire que les difficult6s qu'on 6prouve a d6li- miter et plus g6n6ralement

' identifier les signifiants de mondme conduisent a ne pas savoir si tel aspect significatif, ici ( pass6 e, doit etre attribu6 au contexte (premiere solution) ou consid6r6 comme non pertinent a lui seul (deuxieme solution). Si la ques- tion peut se poser parfois, sur le plan des unit6s distinctives de savoir ce qu'on doit considerer comme concomitant, c'est-A- dire comme un seul phoneme, ou successif, c'est-a-dire comme

8. L'exemple est, de nouveau, celui d'Eric BUYSSENS, ibid., p. 34.

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une suite de phonemes, le problhme est beaucoup plus complexe en matiere de monemes oih la frequence de l'amalgame des

signifiants et la difficulte de cerner des traits significatifs rend un peu illusoire tout critere fonde sur la concomitance et laisse la porte ouverte h des analyses tres divergentes. Sur le plan phonologique, on distingue facilement entre la neutralisation

oh c'est l'environnement du phoneme qui est responsable, et les cas oui, a l'interieur d'un phoneme, la presence d'un trait distinctif rend inopdrante une distinction qui sert ailleurs, dans la langue, a distinguer les phonemes les uns des autres ; lorsque, par exemple, la presence, dans l'/n/ du franqais, du trait de nasalit6 y entraine l'invalidit6 de l'opposition sourde - sonore si largement mise a profit dans le reste du systeme consonan-

tique9. Dans le domaine des unites significatives, rien n'empe- cherait de considerer un trait ayant sur ses voisins la meme influence comme un mon*me independant qui fournirait le contexte responsable de la neutralisation. Il convient toutefois de relever que, dans le lexique, on rencontre des unites compor- tant des traits significatifs distincts, mais qu'on ne saurait en aucune faqon analyser en monemes dont l'un pourrait fournir le contexte responsable d'une neutralisation dans laquelle un autre est impliqu6. L'anglais nous offre une bonne illustration d'un cas oh il pourrait etre tentant d'invoquer la neutralisation, mais oih la notion d'amalgame, justifiee en syntaxe, mais non en synth6matique10, ne saurait permettre l'tablissement d'un contexte neutralisant. Il s'agit du trio dog, bitch et puppyn, respectivement (( chien )), ( chienne )) et (( chiot ), mais sans les apparentements 6tymologiques qui pourraient, en frangais, inciter ' une analyse des formes. Ce qu'on constate dans dog, bitch et puppy, c'est que l'addition (( chien )) du trait (( jeune a elimine la possibilite de l'addition du trait < male )) ou du trait

( femelle ). Si (( jeune )) pouvait tre interpret6 comme contexte, il y aurait, dans ce contexte, neutralisation de l'opposition de sexe. En fait, il ne semble pas plus justifi6 de voir ici, dans (( jeune ), un contexte, qu'il l'6tait, ci-dessus, dans le cas du /n/ frangais, d'interpreter < nasalit6 )) dans le meme sens.

9. C'est 1'exemple qui a servi & Martin S. RUIPPIREz ; cf. TIL 2, p. 9-10. 10. Cf. Syntagme et synthbmes, La Linguistique, 1967, 2, p. 11, et Composition,

ddrivation et monlmes dans la Marchand Festschrifl (A paraltre), p. 144-145. 11. L'exemple est de H. R. ROBINS, TIL, 2, p. 112.

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Sur le plan des 6l"ments grammaticaux, on trouve en franqais un cas oit l'on pourrait etre tent6 de parler de neutralisation, mais oii l'impossibilit6 totale de degager un contexte neutrali- sant 6carte absolument toute utilisation de cette notion. II s'agit du pronom on o i tous les traits qui distinguent les pronoms personnels sujets se trouvent 6liminds. On peut l4gitimement dire que on est la base commune de ces pronoms, mais comme on

s'emploie dans tous les contextes oh apparaissent les autres pro. noms, on ne saurait d6terminer les conditions d'environnement

particulieres indispensables pour qu'on puisse parler de neutra- lisation. En consequence l'emploi de cette notion est ici exclu.

*

A l'issue de ce long examen, on peut l6gitimement se demander s'il est recommandable d'utiliser sur le plan des monemes la notion de neutralisation, avec la rigueur sur laquelle il faut insister lorsqu'il s'agit d'unit6s distinctives. Il y a incontestablement des cas oih le parall6lisme est assez net pour justifier l'extension du terme. Mais s'il est souvent difficile de convaincre ses auditeurs que le [t] final d'un mot russe n'est

pas le phoneme /t/, il sera probablement impossible de faire admettre que la forme fasse, dans il faut qu'il fasse, ne doit pas gtre d6signie comme un subjonctif. Il est evidemment beau-

coup plus simple et < naturel a de dire qu'ilfaut que ( se construit avec le subjonctif ) que de le presenter comme un contexte neutralisant. Ce qu'il est important de retenir, a ce sujet, c'est que la forme fasse n'apporte rien ici sur le plan modal qui ne soit exprim6 par il faut. Il sera plus simple et probablement plus profitable d'enseigner que le subjonctif, dans des cas de ce genre, n'est pas l'objet d'un choix, plut6t que d'affirmer

qu'on n'a pas affaire ici ' un subjonctif. Toutefois, si l'on a scrupule a recommander un emploi

extensif et rigoureux du concept de neutralisation en matiere d'unitis significatives, on n'hisitera pas a faire, de la distinc- tion entre syncritisme et neutralisation, une pierre angulaire de l'analyse linguistique. Le syncr6tisme ressortit totalement '

la morphologie definie comme l'6tude de la variation des signi- fiants. La neutralisation, telle que nous l'avons identifide dans les pages qui precedent, appartient tout entiere a la syntaxe.

Sorbonne.

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