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© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Saoudi) Archives of Cardiovascular Diseases Supplements (2011) 3 217-224 Les tachycardies ventriculaires épicardiques Epicardial ventricular tachycardia MOTS CLÉS Exploration électrophysiologique ; Arythmie ; Tachycardie ventriculaire ; Ablation par cathéter KEYWORDS Electrophysiologic study; Ventricular tachycardia; Arrhythmia; Catheter ablation N. Saoudi*, M. Mahjoub, D.G. Latcu Service de cardiologie, centre hospitalier Princesse Grace, 1 av. Pasteur, 98012 principauté de Monaco cedex Résumé Une tachycardie ventriculaire peut être dite « épicardique » si le foyer, ou son circuit, comprend une portion épicardique, rendant par là même son ablation possible par une approche épicardique. Les étiologies sont multiples et seront présentées successivement dans cet article. La cartographie épicardique a révolutionné l’approche et la prise en charge du diagnostic et de l’ablation par cathéter des tachycardies ventriculaires. Elle a permis de mieux comprendre certains échecs de l’approche ablative endocardique. La ponction péricardique en dehors de tout épanchement et à titre purement diagnostique n’est pas sans danger mais doit maintenant faire partie des techniques utilisées de façon routinière dans les centres spécialisés de rythmologie. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary A ventricular tachycardia may be referred to as epicardial if its focus, or part of its circuit encompasses the epicardium. Various ætiologies are described in this article. Epicardial mapping has revolutionized the diagnosis and management of VT, and has allowed understanding of failures of the endocardial approach in many instances. The pericardial approach is not devoid of risks but has become a major tool in the electrophysiologist armamentarium. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. Saoudi)

Archives of Cardiovascular Diseases Supplements (2011) 3 217-224

Les tachycardies ventriculaires épicardiques

Epicardial ventricular tachycardia

MOTS CLÉSExploration électrophysiologique ;Arythmie ;Tachycardie ventriculaire ;Ablation par cathéter

KEYWORDSElectrophysiologic study;Ventricular tachycardia;Arrhythmia;Catheter ablation

N. Saoudi*, M. Mahjoub, D.G. Latcu

Service de cardiologie, centre hospitalier Princesse Grace, 1 av. Pasteur, 98012 principauté de Monaco cedex

RésuméUne tachycardie ventriculaire peut être dite « épicardique » si le foyer, ou son circuit, comprend une portion épicardique, rendant par là même son ablation possible par une approche épicardique. Les étiologies sont multiples et seront présentées successivement dans cet article. La cartographie épicardique a révolutionné l’approche et la prise en charge du diagnostic et de l’ablation par cathéter des tachycardies ventriculaires. Elle a permis de mieux comprendre certains échecs de l’approche ablative endocardique. La ponction péricardique en dehors de tout épanchement et à titre purement diagnostique n’est pas sans danger mais doit maintenant faire partie des techniques utilisées de façon routinière dans les centres spécialisés de rythmologie.© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

SummaryA ventricular tachycardia may be referred to as epicardial if its focus, or part of its circuit encompasses the epicardium. Various ætiologies are described in this article. Epicardial mapping has revolutionized the diagnosis and management of VT, and has allowed understanding of failures of the endocardial approach in many instances. The pericardial approach is not devoid of risks but has become a major tool in the electrophysiologist armamentarium.© 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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l’anatomie du péricarde et l’atténuation des signaux liée à la graisse basale ou aux vaisseaux coronaires. Un exemple de la position de la sonde de cartographie est donné dans

Introduction

Les tachycardies ventriculaires (TV) qui relèvent d’un traite-ment par ablation par radiofréquence sont, dans l’immense majorité, des cas cartographiées par voie endocardique. Le ventricule gauche est en effet facile d’accès par voie artérielle rétrograde ou après ponction trans-septale. Cette approche, qui s’est largement répandue à partir du début des années 1990, est basée sur le concept de la grande prédominance d’une portion des circuits réentrants à l’origine de ces tachycardies dans la zone endocardique ou sous-endocardique. C’est le cas des bres survivant après un infarctus du myocarde cheminant dans un tissu hétérogène où coalternent de la brose post-nécrotique et des îlots de cellules survivantes. La recherche de potentiels fragmentés et les techniques de cartographie par entraîne-ment permettent, dans un grand nombre de cas, l’ablation de ces tachycardies par la création de lésions appropriées interrompant la zone de conduction lente de ces circuits de réentrée. Cependant, il n’existe pas de série d’ablation utilisant cette approche qui soit constamment couronnée de succès.

Si l’impossibilité de créer une lésion de volume suf sant pour annihiler signi cativement le circuit de réentrée est une cause théoriquement possible, la possible localisation épicardique ou sous-épicardique du circuit de réentrée en constitue une autre [1,2]. Cette notion a été mise en évidence par une cartographie chirurgicale dès le début des années 1990 [3].

Dé nition des tachycardies ventriculaires épicardiques

On peut considérer qu’une tachycardie est épicardique si le foyer, ou si son circuit, comprend une portion épicardique, rendant par là même son ablation possible par une approche épicardique. Les étiologies sont multiples et seront présen-tées successivement dans cet article.

La cartographie épicardique transcutanée

Cette approche de cartographie a été réalisée pour la première fois par Sosa en 1996 [4]. La plupart du temps est utilisée une aiguille épidurale qui, après anesthésie locale, est introduite par voie sous-xyphoïdienne et est manœuvrée en injectant de petites quantités de produit de contraste au fur et à mesure que l’aiguille est délicatement poussée vers l’espace péricardique (schématiquement visant légèrement en dedans de l’épaule gauche). Lorsque l’aiguille pénètre l’espace péricardique, un ressaut est parfois ressenti et l’injection du produit radio-opaque se répand immédiatement sur cet espace pour entourer le cœur (Fig. 1). Un long guide en J est alors introduit qui précèdera l’introduction d’un long désilet permettant l’introduction de la sonde proprement dite. Celle-ci pourra alors chemi-ner librement dans l’espace péricardique, autorisant une cartographie précise de l’épicarde, limitée seulement par

Figure 1. Injection dans l’espace péricardique (vue de face). Un introducteur, dont l’ombre est visible en bas de l’image, a été introduit par voie sous-xyphoïdienne dans l’espace péricardique. L’injection de produit de contraste permet à celui-ci d’entourer l’ombre cardiaque.

Figure 2. Sonde à navigation magnétique manœuvrée dans l’espace péricardique.

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Dans la littérature française, il est de coutume de citer la tachycardie répétitive monomorphe de Gallavardin [7]. Celle-ci représente près de 80 % des TV idiopathiques et est stéréotypée dans sa survenue clinique. Il s’agit d’extrasystoles ventriculaires isolées ou en doublet, ou de tachycardie ven-triculaire non soutenue, voire soutenue, survenant sur cœur apparemment sain. Elle est appelée tachycardie répétitive monomorphe et sa morphologie électrocardiographique évoque l’origine infundibulaire. L’aspect de retard gauche est constant avec une transition le plus souvent en V3 et l’axe est vertical (Fig. 3). La tachycardie apparaît sans extrasystole auriculaire (ESA) ou ventriculaire déclenchante et la forme décrite par Gallavardin comprend surtout des ESV isolées ou des salves non soutenues. Plus volontiers soutenue en est la forme paroxys-tique induite par l’effort ou l’émotion. Ces tachycardies sont sensibles à l’injection d’adénosine, inconstamment déclenchées par la stimulation ventriculaire programmée et ne sont pas entraînables par les techniques de stimulation lorsqu’elles sont établies. L’ensemble n’évoque pas un mécanisme de réentrée mais plutôt une activité déclenchée. La présentation clinique est très variable : de l’absence totale de symptôme à l’existence de palpitations marquées, voire de signes généraux (malaise, syncope). Elles sont généralement bénignes et tout le problème est de s’assurer de l’intégrité anatomique du cœur et de l’absence de dysplasie ventriculaire droite arythmogène.

L’ablation est facilement réalisée par approche endo-cardique dans l’infundibulum pulmonaire à un site où un électrocardiogramme bipolaire précède largement le début du QRS de surface, avec une dé ection unipolaire initia-lement entièrement négative (Fig. 4). Dans la mesure où l’enregistrement d’une défection QS unipolaire se fait sur une zone plus large que le point de sortie endocardique, l’inversion symétrique de la dé ection initiale des électro-grammes bipolaires a été proposée et augmente la valeur productive du succès de l’ablation [8].

la g. 2. En l’absence de chirurgie préalable ou de tout autre processus in ammatoire, la sonde pourra alors bouger très facilement dans l’espace péricardique, permettant une cartographie des ventricules, mais aussi d’une grande partie des oreillettes. Cette technique a véritablement révolutionné la cartographie et l’ablation des tachycardies ventriculaires, mais elle est encore considérée comme délicate et n’est pas réalisée dans tous les laboratoires. Elle est grevée d’un taux de complication majeure chiffré à 5 % dans une récente étude multicentrique composée essentiellement d’un saignement intrapéricardique supérieur à 80 cm3 survenant de façon aiguë ou d’une sténose coronaire dans 0,6 % des cas [5]. Des complications mineures surviennent, comme la ponction ventriculaire droite sans conséquence dans 17 % des cas, le cathétérisme pleural dans 1,5 % des cas, alors que la douleur thoracique est quasi constante. Plus tardivement, une réaction péricardique majeure, une tamponnade tardive ou un infarctus du myocarde ont pu survenir mais restent exceptionnels.

En cas de chirurgie préalable, d’échec de l’accès par ponction ou lorsque le site déterminé pour l’ablation est jugé trop proche des artères coronaires ou du nerf phrénique, un accès chirurgical au péricarde peut être réalisé [6].

Les tachycardies ventriculaires (TV) idiopathiques à axe inférieur

Ces tachycardies (TV) sont grossièrement originaires de la base du cœur dans une zone comprenant l’infundibulum pulmonaire, ou la partie supravalvulaire basse de l’artère pulmonaire, les sinus de Valsalva, la chambre de chasse ventriculaire gauche et les veines coronaires (grande veine cardiaque ou veine interventriculaire antérieure).

Figure 3. TV en salves de Gallavardin typique.

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d’explorer cette zone épicardique de la chambre de chasse ventriculaire gauche. Les tachycardies qui naissent dans cette région peuvent être ablatées si la cartographie est satisfaisante en délivrant des tirs de radiofréquence dans la grande veine cardiaque [13] ou directement sur l’épicarde après ponction péricardique [14]

Obel rapporte le cas de cinq patients chez qui un foyer épicardique a pu être ablaté par des tirs de radiofréquence ou par cryothérapie dans cette veine [13]. Si l’axe de ces tachycardies ventriculaires est toujours vertical, le QRS est plus souvent celui d’un retard droit que d’un retard gauc he. Si tous les cas montrent une transition précoce de l’onde R en dérivations précordiales, l’onde S est fréquemment absente en V6. En fait, l’ECG est fréquemment semblable à celui des sinus de Valsalva gauche. Du fait de la proximité de l’artère interventriculaire antérieure, il est conseillé de délivrer de faibles niveaux d’énergie (20 watts). L’ablation à cet endroit n’est pas sans risque puisque des lésions du tronc commun de l’artère coronaire gauche ont été décrites en cas d’ablation à l’intérieur ou proche du sinus de Valsalva gauche.

Si l’abord de la région basale antérieure du ventricule gauche n’est pas possible par le système veineux coronaire, la région peut être directement cartographiée par l’approche péricardique chirurgicale ou par ponction. Dans une récente série de 27 patients avec arythmie ventriculaire originaire du sommet ventriculaire gauche, 14 ont été ablatés dans la grande veine cardiaque et par voie épicardique chez 4 [14]. Il faut noter que cette région est divisée par la grande veine cardiaque en une région inférieure, où la cartographie est possible, et une région supérieure, qui est inaccessible du fait de la trop grande proximité des vaisseaux artériels coronaires

Les TV des sinus de Valsalva (Cusps aortiques).

Elles ont été décrites à la n des années 1990 [9] et leur ablation est maintenant régulièrement pratiquée [10,11]. L’électrogramme local y est plus précoce que dans le ven-tricule droit et à l’ECG de surface, le QRS est d’une largeur identique (de l’ordre de 160 ms) mais les durées de l’onde R et le rapport d’amplitude R/S sont signi cativement plus grands lorsque l’origine est dans la racine aortique plutôt que dans l’infundibulum pulmonaire. Il est cependant dif cile d’isoler un critère électrocardiographique prédisant avec certitude l’origine gauche de l’origine droite.

Plus récemment, Yamada, qui a étudié 265 patients avec TV idiopathique à axe inférieur, trouve une origine dans les cusps aortiques dans 44 cas (17 %). La grande majorité naît de la cusp gauche (24 cas), plus rarement de la cusp droite (14 cas), à la jonction cusp droite et gauche (5 cas) ou exceptionnellement de la cusp non coronaire [12].

Les TV épicardiques de la chambre de chasse ventriculaire gauche

Après la valve de Vieussens, le sinus coronaire devient la grande veine cardiaque qui bifurque antérieurement le long de la surface épicardique de la chambre de chasse antérobasale du ventricule gauche. Celle-ci passe sous la base de l’auricule gauche et le sinus de Valsalva gauche. La grande veine cardiaque devient alors la veine interven-triculaire antérieure satellite de l’artère du même nom. La cartographie de la grande veine cardiaque va donc permettre

Figure 4. ESV infundibulaire de Gallavardin. À gauche, bigéminisme ventriculaire d’allure infundibulaire permanent alternant avec doublets et triplets (non montrés). À droite, la sonde d’ablation enregistre un électrogramme local précédent de 36 ms le début du QRS de surface, et pour lequel le pôle distal unipolaire est entièrement négatif, suggérant le positionnement sur la source de l’arythmie.

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Les tachycardies ventriculaires en présence d’une cardiopathie

En 2004, Beruezzo, de l’équipe de Josep Brugada, rapporte le cas de neuf patients porteurs d’une insuf sance cardiaque avancée avec fraction d’éjection à 24 % chez qui le ventricule droit endocardique et le ventricule épicardique en regard ont été stimulés [21]. Les critères électrocardiographiques identi ant l’origine épicardique de la stimulation étaient l’existence d’une pseudo-onde delta (particulièrement en précordiales), un retard de la dé exion intrinsécoïde marqué en V2, un intervalle début de l’onde R-nadir de l’onde S particulièrement prolongé et une durée globale du QRS plus large. Dans cette même série, 69 patients présentant des tachycardies ventriculaires sont rapportés, parmi lesquels 14 ont été ablatés avec succès à l’épicarde après échec d’un essai d’ablation endocardique. Là encore, l’existence d’une pseudo onde delta supérieure à 34 ms, le retard de la dé exion intrinsécoïde supérieure à 85 ms et l’intervalle en début de l’onde R-nadir de l’onde S supérieur à 121 ms identi e fortement avec une bonne sensibilité spéci cité l’origine épicardique.

Le diagnostic électrocardiographique de l’origine épicar-dique peut être schématiquement retrouvé par l’analyse des ondes Q pertachycardiques. Ainsi, s’il existe une onde Q en D1 mais pas d’onde Q dans les dérivations inférieures, l’ori-gine est basale supérieure ventriculaire gauche. À l’opposé, s’il existe des ondes Q inférieures, l’origine a toute chance d’être inférieure. Une tachycardie ventriculaire apicale épicardique aura une onde Q en V2 [22].

Les TV épicardiques après infarctus du myocarde

L’origine épicardique des TV post-infarctus est connue de longue date et remonte à la période de la chirurgie de cette condition pathologique. Ainsi, Svenson rapporte 85 TV chez 30 patients à distance d’un infarctus du myocarde chez qui la TV a été terminée par photocoagulation. Chez 10 de ces patients, l’ablation épicardique a été requise pour au moins une TV. Un anévrysme VG était présent chez 70 % des patients dont l’ablation a été couronnée de succès par l’endocarde mais seulement chez 10 % si l’épicarde était impliqué. Dans 90 % des cas de TV épicardique, l’infarctus était lié à l’artère circon exe ou coronaire droite [23].

Les TV épicardiques sur cardiomyopathie

Celles-ci sont relativement fréquentes dans les myocardiopa-thies non ischémiques. Elles sont suspectées sur l’aspect ECG et sur la résistance à l’ablation par voie endocardique. En cartographie épicardique, il existe une zone de bas voltage, des zones de bas voltage, parfois dif ciles à distinguer, liées à la graisse épicardique, mais incorporant très souvent des potentiels fragmentés, dédoublés et tardifs, souvent localisés dans la région latéralobasale ventriculaire gauche [24,25]. La g. 5 en donne un exemple.

ou d’une haute impédance. Les tachycardies de cette région sont caractérisées par un retard droit, et l’absence d’onde S en V5 ou V6 suggère une origine dans la zone inaccessible.

Identi cation de la chambre d’origine dans les TV d’allure infundibulaire

Dans une série de 33 patients ablatés de tachycardie ven-triculaire d’allure infundibulaire, une transition en V3 est retrouvée chez 19 d’entre eux (58 %). Chez 11 de ces patients (58 %), la cartographie a été initiée et l’ablation réalisée avec succès dans l’infundibulum pulmonaire. Les patients restants ont été ablatés avec succès de l’endocarde de la chambre de chasse du ventricule gauche (3), des sinus de Valsalva (2), du sinus coronaire (1), de l’épicarde après ponction péricardique (1) et du tronc de l’artère pulmonaire (1) [15]. L’aspect électrocardiographique ne rend donc pas évident au premier coup d’œil la chambre d’origine d’une tachycardie ventriculaire idiopathique. Ceci est encore aggravé par les variations connues et importantes dans le placement des électrodes [16,17], ainsi que les variations de la morphologie de l’amplitude des QRS d’origine respiratoire.

Récemment, Betensky, de l’équipe de Philadelphie, analy-sant l’aspect électrocardiographique de surface des patients porteurs de tachycardie ventriculaire d’allure infundibulaire avec transition en V3, identi e un algorithme permettant de résoudre ce problème : le rapport de transition V2 [18]. Dans cette dérivation, le rapport amplitude de R sur amplitude de R + S de l’extrasystole ventriculaire est divisé par le même rapport du complexe d’origine sinusale. Ainsi, en dessous de la valeur seuil de 0,6, la chambre d’origine sera le ventricule droit et, au-dessus, le ventricule gauche. L’analyse pros-pective de 21 tachycardies ventriculaires ou extrasystoles ventriculaires ablatées con rme ce rapport déduit des tracés de l’expérience préalable avec une valeur positive de 91 % pour une origine ventriculaire gauche. De cette excellente analyse, il ressort que si la transition est plus tardive en tachycardie ventriculaire qu’en rythme sinusal, la chambre d’origine est toujours le ventricule droit. De même, si le rapport V2 est supérieur ou égal à 0,6, la chambre d’origine est le ventricule gauche alors que dans le cas inverse c’est l’infundibulum pulmonaire. De manière similaire un index de transition a aussi été proposé [19].

Identi cation de la localisation épicardique dans les TV d’allure infundibulaire

Daniels a rapporté une série de TV idiopathiques périvas-culaires naissant à distance du sinus de Valsalva [20]. Il a identi é l’index de défection maximale, qui, s’il est supé-rieur à 0,55, identi e l’origine ventriculaire gauche satellite des veines cardiaques avec une sensibilité de 100 % et une spéci cité de 98,7. Dans cette série de 138 patients, 12 TV naissaient ainsi à plus de 10 mm des sinus de Valsalva et l’ablation a été réalisée par le sinus coronaire ou le péricarde dans 11 cas sur 12. L’activation du QRS était toujours ralentie en dérivations précordiales, et nous reverrons l’importance de ce critère plus bas.

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ou de potentiels tardifs a été réalisée. Dans 77 % des cas où une anomalie épicardique était présente, l’endocarde opposé était normal, et dans 85 % des cas, l’ablation était inef cace. Au terme d’un suivi d’un peu plus d’un an et demi, 77 % n’ont pas présenté de récidive après ablation épicardique.

Plus récemment, le même groupe rapporte le résultat de la cartographie endocardique unipolaire en temps qu’élé-ment diagnostique de l’origine épicardique d’une tachycardie ventriculaire. Chez les patients ayant béné cié d’une carto-graphie endocardique unipolaire et épicardique bipolaire, il existe une concordance des zones de bas voltage dans 82 % des cas, la zone endocardique unipolaire de bas voltage étant toujours directement opposée à celle épicardique bipolaire de bas voltage. Ceci constitue une information de toute première importance dans la décision de cartographie de l’épicarde [27].

La dysplasie ventriculaire droite arythmogène

Le caractère dif cile de l’ablation par voie endocardique est connu depuis longtemps, suggérant que l’intégralité du circuit ne concerne pas cette structure. L’apparition de la cartographie épicardique a grandement amélioré l’ablation de cette tachycardie. Chez 13 patients, une cartographie en voltage endocardique et épicardique en rythme sinusal a été réalisée [26]. L’ablation épicardique a été réalisée après échec de l’ablation endocardique. Dans cette série, le bas voltage bipolaire (inférieur à 1 mV sur l’épicarde et à 1,5 mV sur l’endocarde) a toujours été beaucoup plus étendu à l’épicarde (85 versus 38 cm²). Il existait constamment des électrogrammes tardifs et fragmentés. L’ablation de 27 TV épicardiques a été réalisée, basée sur les notions de cartographie d’activation, d’entraînement ou de topostimulation. Parfois, une ablation focale, linéaire

Figure 5. TV sur myocardiopathie non ischémique à fraction d’éjection conservée. Homme sportif de 55 ans présentant des ESV et des malaises d’effort fréquents depuis plusieurs années. Lors d’une exploration électrophysiologique l’ECG du panneau de gauche est enregistré. La TV à type de retard droit est particulière par son aspect QS basal, correspondant à l’IRM a une zone breuse epi et mid myocardique basolatérale. La cartographie endocardique ne montre pas de potentiels précoces pertachycardiques. La cartographie épicardique (panneau en bas à gauche) permet d’enregistrer des potentiels hyperprécoces (-65 ms) et fragmentés. La topostimulation reproduit parfaitement la TV et l’ablation a été ef cace, sans aucune récidive et sans traitement après un suivi de plus de trois ans.

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(Endosense) ; Interventions ponctuelles : activités de conseil (Sorin) ; Conférences : invitations en qualité d’intervenant (Stereotaxis) ; Conférences : invitations en qualité d’auditeur (Boehringer, Biosense Webster) ; Versements substantiels au budget d’une institution dont vous êtes responsable (Biosense Webster, Sorin, Medtronic, Boston Scienti c, Sano , St Jude Medica, Biotronik).

M. Mahjoub : L’auteur déclare n’avoir aucun con it d’intérêts pour cet article.

D.G. Latcu : Essais cliniques : en qualité de co- investigateur, expérimentateur non principal, collaborateur à l’étude (Endosense) ; Conférences : invitations en qualité d’intervenant (Sano -Aventis, Biotronik, Biosense-Webster) ; Conférences : invitations en qualité d’auditeur (Sorin Group).

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Les TV sur anévrysme ventriculaire gauche à coronaires normales

En 2003, Yang rapporte le cas de quatre patients porteurs de tachycardie ventriculaire d’effort à retard droit. La cartographie endocardique en rythme sinusal était normale et l’ablation basée sur la topostimulation inef cace. La source, lors de la cartographie endocardique, semblait couvrir une large zone et l’ablation endocardique était inef cace. Il existait des potentiels épicardiques anormaux dans la région anévrismale en cartographie épicardique et l’ablation a été ef cace dans les trois cas où elle a été réalisée [28].

Le syndrome de Brugada

S’il est connu depuis de nombreuses années que la portion antérieure de l’infundibulum pulmonaire est une zone critique du syndrome de Brugada, c’est très récemment que Nademanee a prouvé l’importance de l’épicarde dans la genèse de l’arythmie. Chez neuf hommes de 38 ans implantés par un dé brillateur pour brillation ventricu-laire récidivante dans le cadre d’un syndrome de Brugada, l’appareil était fréquemment sollicité (4 FE par mois en moyenne). Le Brugada était toujours de type 1 et les tachycardies ventriculaires ou brillations ventriculaires étaient inductibles. La cartographie épicardique montre des voltages anormalement bas, des électrogrammes prolongés fragmentés et tardifs uniquement sur la face antérieure épicardique de l’infundibulum pulmonaire. Après ablation, la tachycardie ventriculaire est rendue inductible dans sept cas sur neuf (78 %). L’aspect de Brugada se normalise dans 89 % des cas et le suivi à 20 mois est sans récidive tel qu’objectivé par le dé brillateur [29].

Conclusion

La cartographie épicardique a révolutionné l’approche et la prise en charge du diagnostic et de l’ablation par cathéter des tachycardies ventriculaires. Elle a permis de mieux comprendre certains échecs de l’approche ablative endo-cardique et de décrire de nouveaux types de tachycardie dont l’approche ablative est spéci que. L’apprentissage de la ponction péricardique en dehors de tout épanchement et à titre purement diagnostique n’est pas sans danger mais devra certainement maintenant faire partie des techniques utilisées de façon routinière dans les centres spécialisés de rythmologie.

Déclarations d’intérêts :

N. Saoudi : Intérêts financiers dans une entreprise (Endosense) ; Essais cliniques : en qualité de co- investigateur, expérimentateur non principal, collaborateur à l’étude

Page 8: New Les tachycardies ventriculaires épicardiques · 2017. 3. 3. · Les tachycardies ventriculaires épicardiques 219 Dans la littérature française, il est de coutume de citer

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