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MAGAZINE D’INFORMATION RÉGIONALE JANVIER 2009 - N°95 - 3 EUROS N E W S D ' I L L BIMESTRIEL - CENTRE UNIVERSITAIRE D’ENSEIGNEMENT DU JOURNALISME - N˚ ISSN 0996-9624 N E W S D ' I L L MAGAZINE D’INFORMATION RÉGIONALE JANVIER 2009 - N°95 - 3 EUROS Arrimée au pays de Bade, l’économie alsacienne peut craindre une réplique sur les rives du Rhin 2009 Avis de séisme

NEWS D'ILL

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MAGAZINE D’INFORMATION RÉGIONALEJANVIER 2009 - N°95 - 3 EUROS

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NEWS D'ILLMAGAZINE D’INFORMATION RÉGIONALEJANVIER 2009 - N°95 - 3 EUROS

Arrimée au pays de Bade, l’économie alsacienne peut craindre une réplique

sur les rives du Rhin

2009 Avis de séisme

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Sommaire

NEWS D'ILLCENTRE

UNIVERSITAIRE

D’ENSEIGNEMENT DU

JOURNALISME -UNIVERSITÉ DE

STRASBOURG

11, rue du Mal Juin 67043 StrasbourgTél: 03 88 14 45 34Fax: 03 88 14 45 35E-mail : [email protected]://cuej.u-strasbg.frhttp://mcsinfo.u-strasbg.frDIRECTEUR DE LA

PUBLICATION :Alain Chanel.ENCADREMENT : AlainChanel, Sophie Dufau, Nicole Gauthier, Christian Losson, StéphaniePeurière.RÉDACTEUR EN CHEF :Lilian Alemagna.RESPONSABLE

ICONOGRAPHIQUE :Stéphanie Goutte.RESPONSABLE

MULTIMÉDIA :Anaëlle PencheRÉALISATION : Sophie Albanési, Lilian Alemagna, Floriane Andrey,Anette Bender, Isabelle Bertinet, Julie Bienvenu, Aurélien Breton,Gaëlle Dietrich, Olivier Devos, Julien Fournier, Mathieu Galtier, Florent Godard, Stéphanie Goutte, Anne Ilcinkas, SophieLebrun, Anne-SophieLegge, Pierre Manière,Elsa Marnette, AnaëllePenche, Imke Plesch,Adrien Potocnjak,Amaury Prieur, Amandine Schmitt,Christophe Zoïa.PHOTO DE UNE : Anne Ilcinkas.INFOGRAPHIES :Floriane Andrey, .Julie Bienvenu, Anaëlle Penche.DESSINS :Thomas PoczetyIMPRESSION : Realgraphic, Belfort.

La récession en partage

Le Dossier L’actualité décryptée en cinq minutes par les étudiants du CUEJ.

2 - JANVIER 2009 - n°95 - NEWS D’ILL

L’Alsace et le Bade-Wurtemberg face à la crise

Et demain ?

Le château de cartes de l’automobile P.6

LIRE AUSSI : Alsace - Bade Wurtemberg : les lois de l’attraction, p.4 En images, l’effet dominos ou pourquoi les banques américaines ne font pas les affaires des coiffeurs alsaciens, p.5.

LIRE AUSSI : Rastatt est suspendue aux annonces de Mercedes, p.6 - A Orbey, le sous-traitant en sous régime, p. 7 - Les ouvriers de Peugeot ne savourent pas leur repos, p.8 - Et pendant ce temps,Neuenburg crée des emplois, p.9 - La bonne recette de Smart, p.9 - Réactions en chaîne, p. 9 - Les routiersredoutent la grande braderie, p.10 - Le transport fluvial entre deux eaux, p.10.

Banquier échaudé craint le prêt P.11

LIRE AUSSI : Oséo se porte garant, p.11 - La vie en bleu pour les épargnants, p. 12 - Les écureuils d’outre-Rhinmultiplient leurs provisions, p. 13. - Deux milliards d’euros de perte prévus pour la Banque régionale du Bade, p.13.

ImmobileLIRE AUSSI : A Obernai, la fin de l’âge de pierre, p.15 - Les bailleurs sociaux épargnés, p.15 - En Forêt noire, jusqu’ici, l’artisanat va bien, p.16, Le spleen des immigrés, p.16 - Intérimaires galères, p.17 - Les collectivités françaisescomptent leurs sous... - ... les villes allemandes chiffrent leurs pertes, p.17 - Le vert bientôt mûr, p.18Concurrence féroce entre les scieries rhénanes, p.18.

Surexposés au surendettement P.19

LIRE AUSSI : Le mont-de-piété : distribanque d’urgence, p.19 - Les dons qui chutent, p.20 - Le trompe-l’œil du discount, p.20 - Le tourisme en sursis, p.21 - Bon marché, p.21.

Visions croisées - Economistes et entrepreneurs des deux rives livrent leurs prévisions. P.22-23

Tous les samedis à 7h47 sur France Bleu Alsace, (101.4 dans le Bas-Rhin, 102.6 dans le Haut-Rhin). Egalement téléchargeable sur www.bleualsace.com

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CERTES, la formule estconvenue. Mais en cesdébuts de ralentissementconjoncturel en Europe,elle est une nouvelle foisd’actualité : « Lorsque

l’économie allemande tousse,l’Alsace s’enrhume. » Voisine de la grande région duBade-Wurtemberg, six fois pluspeuplée, quatre fois plus grande etsept fois plus riche, l’Alsace alongtemps vu son développementéconomique profiter du dyna-misme du cousin allemand. Maiselle a aussi beaucoup souffertlorsque la machine industrielle segrippait outre-Rhin. Avec unecroissance en recul de 0,5% autroisième trimestre 2008, l’Alle-magne est entrée en récession.

Un champion défait. LeBade-Wurtemberg, loco-motive du pays avec sacroissance à 2,5% en2007 et son taux de cho-mâge à 3,9%, va lui aussi êtretouché par le ralentissementéconomique. « Personne ne doitêtre surpris si notre économieconnaît dans le futur un dévelop-pement plus faible que lamoyenne nationale », a pré-venu début décembre ErnstPfister, le ministre de l’Econo-mie du Land. Si le Bade-Wurtemberg connaîttoujours le plein emploi, pourla première fois depuis 2006,son taux de chômage esten légère hausse et la ré-gion s’attend à connaîtreune croissance « prochede zéro » pour 2009.L’une des raisons ma-jeures de ce coup de fa-tigue rencontré parl’économie badoise est labaisse des exportations réa-lisées par ses entreprises.Fières de leur statut de« champions du monde »dans ce secteur, elles sontvictimes du ralentissementde la demande mondiale : -20% vers les Etats-Unis, -7% en direction du Japon.Dans le même temps, lescarnets de com-mandes à l’exportdans l’industrie ont

chuté en octobre de 32%. Au vudes liens historiques entre les deuxterritoires (lire p.4), le ralentisse-ment économique qui touche au-jourd’hui l’Allemagne risque doncde marquer aussi l’Alsace. « Dansune crise de cette ampleur, mêmeune région riche et dynamiquecomme le Rhin supérieur va souf-frir », prévient Elie Cohen, direc-teur de recherche en économie auCNRS.La récession allemande devraitainsi freiner, voire stopper, lesinvestissements badois en Al-sace. Selon des chiffres de laBanque de France, 260 entreprisesdu Bade-Wurtemberg sont actuel-lement présentes en Alsace. Au to-tal, elles emploient près de 17 000personnes, dont 65% de

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La récession en partageEgalement traversés par la crise, l’Alsace et le Bade-Wurtemberg ne déploient pas les mêmes lignes de défense. D’autant que l’Alsace est directement dépendante des capacités de résistance de son voisin.

personnels ouvriers.Depuis 2000,un ralentissement est déjà vi-sible : seules quatre entreprisesallemandes se sont installées enAlsace en huit ans. Preuve dudéséquilibre avec le voisin ba-dois, seulement 69 firmes alsa-ciennes sont implantées danstoute l’Al-lemagne.

Les 26 300 travailleurs frontaliersalsaciens qui traversent chaque jourle Rhin sont aussi concernés parcette crise. A l’image des ouvriersdes usines Mercedes de Rastatt (lirep.6-7), ils occupent des postes peuqualifiés, donc sensibles aux sou-bresauts de la conjoncture.

Chômage en hausse. Jusqu’àprésent, le manque de main-d’œuvre dans la région frontalière

avait permis à nombre de tra-vailleurs français ne trouvantpas d’emploi en Alsace de sereporter sur les entreprises etusines voisines. Avec lahausse du chômage attenduedans les prochains trimestres

côté allemand, le recoursà ces travailleurs devraitêtre moins important.

Même si l’on est en-core loin d’un ef-fondrement del’économie ré-gionale, l’Alsacesubit déjà les ef-

fets de ce ra-lentissementde la conjonc-

ture. Son taux dechomâge a aug-

menté en octobre de0,2 point, à 6,6%.

Le tissu d’entreprises alsacienétant à majorité industriel etavec des emplois à qualifica-tion moyenne, la région estd’autant plus vulnérable. La

crise touche déjà le secteurautomobile (lire p.6 à 9),l’immobilier et le secteur

du bâtiment (lire p. 14 à18). D’autres domaines seretrouvent également endifficulté comme l’indus-trie du bois. Des entreprises dont leterrain de jeu était le mar-ché français lll

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2008 (1)20072006200520042003200220012000 Sources de la carte : INSEE, Statistisches Landesamt BadenWürttemberg,Conférence du Rhin supérieur.

Alsace- 1 737 145 habitants- 8 280 km2

- Préfecture: Strasbourg- PIB/habitant 26532 euros (2007) - Exportations/habitant :13 200 euros (2007) - Taux de croissance :3,2% (2007)

Bade-Wurtemberg- 10 754 191 habitants- 35 751 km2

- Capitale : Stuttgart- PIB/habitant :31 400 euros (2007) - Exportations/habitant :14 500 euros (2007)- Taux de croissance :3,5% (2007)

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lll et européen se retrouventaujourd’hui concurrencées pardes géants allemands de retouren Europe à cause du ralentisse-ment de la demande améri-caine. Pour preuve, la Franceest redevenue au dernier tri-mestre la première destinationdes produits badois.

21e en Europe. Pour faireface à la récession, nombred’entreprises badoises redé-ploient leurs exportations versl’Union européenne (+4%)mais privilégient surtout lespays émergents avec la Chine

(+31%), la Russie (+27%) ouencore le Brésil (+24%). Outrece pari sur l’étranger, le Bade-Wurtemberg compte sur l’essorde son industrie verte. Eolien,solaire, géothermie, le sud dupays de Bade développe cestechnologies depuis dix ans.Avec l’industrie automobile,chimique et pharmaceutique, lesecteur industriel des énergiesrenouvelables a permis à la ré-gion de relancer son économie àune époque où son taux de cho-mâge frôlait les 9%, en 1997. « L’Alsace doit continuer à dé-velopper des pôles de compétiti-

vité dans les biotechnologies,l’automobile verte, l’industriepharmaceutique, préconiseRené Kahn, économiste à l’Uni-versité de Strasbourg. Elle subitles effets d’une crise écono-mique mondiale à un momentoù elle était structurellementfragile. Elle doit réussir sa mu-tation industrielle grâce à uneélévation du niveau de forma-tion de ses travailleurs. » Maisà l’inverse du Bade-Wurtem-berg, région d’Europe qui in-vestit le plus dans la rechercheet le développement, l’Est de laFrance n’occupe que la 21e

place de ce classement établipar l’Union européenne. « L’Al-sace n’a pas encore le profild’une grande région tertiaire etest désormais moins attractiveque d’autres territoires », es-time René Kahn.Les choix de développementfaits par le Bade-Wurtemberg àla fin des années 1990 devien-nent ainsi, dix ans plus tard,ses atouts. C’est la voie quedevrait emprunter l’Alsace sielle veut être, dans le futur,moins dépendante des aléas deson voisin

Lilian Alemagna

Alsace–Bade-Wurtemberg : les lois de l’attractionDepuis 150 ans, les économies des deux rives sont intimement liées. D’abord moteur, l’Alsace est rapidementdépassée par le dynamisme badois.

DÈS le XIXe siècle, l’Alsaceet le Bade-Wurtemberg ontentretenu des liens étroits.

Parfois réticents, parfois deman-deurs, les acteurs de l’économiealsacienne ont vu leur territoiremodelé par l’influence alle-mande. En contrepartie, cegrand voisin a su attirer de lamain-d’œuvre sur son sol quandson industrie en manquait. La crise actuelle trouve des réso-nances dans l’histoire des deuxrégions. Déjà, à l’époque de larévolution industrielle, les Alle-mands passent la frontière pours’installer en Alsace. La causede cette attraction, la filière tex-tile qui fleurit dans le Haut-Rhindès 1746, et particulièrementdans les usines de Mulhousedont les toiles indiennes circu-lent au sein d’un commercemondialisé. Cette réussite attire les ouvriersmais aussi les cadres badois voi-sins qui viennent en Alsace pourse former. Lorsque l’industriali-sation allemande commencedans les années 1830, la ten-dance s’inverse.

L’ A l l e m a g n e d e v a n t .« L’ Allemagne débute avec re-tard sa révolution industrielle.Mais ses industries prennent ra-pidement leur essor grâce à unfort taux d’alphabétisation, àune émigration massive vers lesvilles et à l’extraction du char-bon de la Ruhr », explique Mi-chel Hau, historien, spécialistede l’économie du Rhin supé-rieur. L’économie allemandeprend alors le pas sur sa voisine,et pour longtemps. En 1870, l’annexion de l’Alsaceà son grand voisin oblige les ac-teurs de l’économie à se recon-vertir vers le marché allemandou à quitter la région. Dans lesecteur financier, beaucoup debourgeois francophiles tententde résister aux banques alle-mandes. Ils créent des établisse-ments à caractère régional ou lo-cal, comme la Banqued’Alsace-Lorraine ou la Sociétégénérale alsacienne de banque.Dès 1871, le secteur bancaire al-lemand tente de s’implanter àStrasbourg. C’est l’arrivée de laBanque de Prusse, qui rencontreun succès limité. La fin du XIXe

siècle marque l’essor de l’indus-

trie automobile. Ma-this fonde son atelieren 1904 et connaîtune forte expansion,notamment grâce auxexportations dans lesautres Länder.Quelques entreprisesallemandes s’instal-lent en Alsace, tellesDaimler-Mercredesou les camions Büs-sing de Braunsch-weig, investissant descapitaux et em-ployant de la main-d’œuvre alsacienne,devenue allemande.L’interdépendance entre lesdeux régions est telle que la crisedes années 1930 touche à partségales les deux côtés du Rhin.Le Bade-Wurtemberg souffreplus tôt que l’Alsace, à cause del’importance de ses exportationsvers les Etats-Unis. Commedans la crise actuelle, l’industrieautomobile, Mathis et Bugatticôté alsacien, Daimler à Stutt-gart et Mannheim, voit leur acti-vité diminuer fortement. Cette période marque aussi lepremier recul du textile en Al-sace. Le Haut-Rhin est plus tou-ché car il a une industrie peu di-versifiée, surtout centré sur lafilière laine et le tissage. Plu-sieurs usines et sous-traitantsmettent la clé sous la porte. Desconsidérations politiques affai-blissent également l’économiealsacienne avec le « glacis » misen place par les entreprises. L’ar-rivée d’Hitler en Allemagne etl’incertitude militaire entraînentl’arrêt des investissements enAlsace-Lorraine. Après la Seconde Guerre mon-diale, le Bade-Wurtemberg seremet plus facilement que l’Al-sace. La dizaine de gravières ré-parties dans toute la plaine estutilisée pour reconstruire Alsaceet Bade-Wurtemberg. Certaines entreprises françaisesn’arrivent pas à se relever et dé-posent le bilan, telles Mathis quis’était reconvertie dans la fabri-cation d’obus. Elle sera reprisepar Citroën en 1953. En re-vanche, ce qui reste de l’indus-trie du textile se maintientjusque dans les années 1950avant de s’effondrer. Quelquesgrosses entreprises fusionnent, à

l’image de DMC et Thiriez &Cartier-Bresson en 1961, maistoutes les petites usines des val-lées de la Bruche et du val deVillé ferment entre 1954 et1968. En cause, des outils deproduction vieillissants.

Quand l’Alsace s’adapte.Les ouvriers licenciés partentalors en masse travailler dans lesplaines. Ils trouvent à s’em-ployer dans la sous-traitance au-tomobile, les meubles, le papier-carton ou les médicaments. Unecapacité de reconversion quis’est vérifiée dans l’histoire alsa-cienne, selon Michel Hau, et quipourrait aider la région à réadap-ter son tissu économique à lacrise actuelle.Le contexte économique fran-çais, inflation et dévaluationssuccessives du franc, fait aug-menter le flux de travailleursfrontaliers vers l’Allemagne. LeBade-Wurtemberg, en plein

« miracle économique » de-puis le début des années 1950,devient extrêmement attractifavec une inflation inférieure à2% et un taux de chômage in-férieur à 1%. Le besoin de main-d’œuvre àl’est du Rhin profite aux tra-vailleurs alsaciens embauchéssur l’autre rive. Mais cette pé-riode d’euphorie s’estompe àla fin des années 1960 – avecune croissance nulle en1966 – et s’aggrave avec lechoc pétrolier de 1973. SelonGert Kollmer von Oheimb-Loup, professeur d’histoireéconomique à l’université deHohenheim, ces difficultésobligent l’économie alle-mande à développer de nou-velles technologies dans l’au-tomobile et l’informatique.Le même phénomène est per-ceptible dans les années 2000lorsque le ralentissement éco-nomique accélère les investis-sements allemands dans lesénergies renouvelables.

Choc en retard. A l’in-verse, le choc pétrolier de1973 est ressenti en Alsaceavec retard. Alors que le chô-mage de masse s’installe enFrance, Strasbourg et sa ré-gion voient leurs emplois aug-menter jusqu’en 1981. Maisen l’espace de cinq ans, lechômage triple, la fermeturedes industries (textile, cuir,BTP) n’étant pas contrée parun développement de l’emploitertiaire. La réunification allemande de1990 crée des inquiétudes côtéfrançais. Les travailleurs alsa-ciens employés outre-Rhincraignent de perdre leur em-ploi au profit des populationsde l’ancienne RDA. Une peurinfondée, puisque l’ouverturede ce nouveau marché qu’estl’Allemagne de l’Est crée unappel d’air pour l’économiealsacienne. Sa balance com-merciale s’inverse et devientpositive. Surtout, 3000 nou-veaux travailleurs frontalierssont embauchés sur l’autrerive. En 1999, ils étaient 36500 à traverser la frontière,soit le plus haut niveau jamaisatteint.

Elsa Marnette

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Le textile etl’automobile,deuxactivitésétendards del’Alsace.Aujourd’hui lapremière adisparu,l’avenir de laseconde estincertain. (A gauche :tisserie deMulhouse,1902. A droite,affichepublicitairede Mathis,1933).

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Leconcession-naireMercedes àKehl. Lesventes dugroupe ontchuté de26,6% ennovembre.

AEMO Automation, à Sau-sheim, travaille pour les sous-traitants automobiles, mais in-tervient aussi dans la chimie etla pharmacie. Marc Nass, chefd’entreprise, a décidé, lui,d’axer le travail de son entre-prise sur des structures qui nesont pas côtées en bourse pouréviter la crise. A Schirmeck,

TRW subit directement l’impactdes baisses de production chezles constructeurs. Mais la direc-tion a choisi de mettre « le pa-quet sur la formation et la re-cherche-déve loppement »pendant cette période difficile.Michel Aubry, secrétaire généralde la CFDT Bas-Rhin et em-ployé chez TRW, veut rester op-

Le château de cartes de l’automobileChute des ventes, carnets de commandes vides, haussedes stocks : les signes d’essouflement se multiplient.

ACTUELLEMENT, onproduit 1100 véhiculespar jour contre 1500 enseptembre et 1600 enjuin », confie Eric Du-peron, le responsable

communication de PSA Peu-geot Citroën Mulhouse. Lesimmatriculations de voituresparticulières du groupe ontchuté de 17,1% en novembre.Le chômage partiel et l’allon-gement des vacances de Noëls’ajoutent à la suppressiond’équipes, au renvoi d’environ500 intérimaires pour pallier labaisse de la demande. A celas’ajoutera la contribution dusite de Mulhouse au plan desuppression de 3550 emplois enFrance, via des départs volon-taires. Les responsables du siteGeneral Motors de Strasbourg,symbole de l’investissementaméricain en Alsace en passed’être vendu, ont prévu unebaisse du volume de productionde 20%. Les employés ont étémis d’office au chômage tech-nique durant 18 jours.

L’effet domino. Dans leBade-Wurtemberg, Mercedeset Porsche n’échappent pas àcette mauvaise passe. SiPorsche a annoncé le meilleurrésultat de son histoire avecun bénéfice de 8,57 milliardsd’euros grâce au rachat d’ac-tions Volkswagen, le construc-teur allemand a connu un ra-lentissement de sa productionet une chute des ventes de18%. L’usine principale à Zuf-fenhausen, près de Stuttgart,pourrait même fermer huitjours d’ici fin janvier, mettantplus de la moitié des employésau chômage technique. De soncôté, Mercedes-Benz table surdes journées chômées, la ré-duction du travail hebdoma-daire à 30 heures : ses ventesont chuté de 26,6% en no-vembre. Daimler prévoit 570suppressions de CDD et decontrats d’intérimaires à Ras-tatt et à Gaggenau.Dans le Bade-Wurtemberg,240 000 personnes répartiesdans 817 entreprises travaillentpour l’automobile, soit près de5% des actifs du Land. Cette in-dustrie est le cinquième secteuren terme d’emplois. En Alsace,elle représente 15% de l’emploiindustriel en Alsace et draineprès de 90 000 emplois. PSAMulhouse est le premier em-ployeur alsacien avec 10 170

salariés et s’appuie sur près de200 fournisseurs dans la région.

Retour aux 35 heures. Denombreuses entreprises – équi-pementiers et sous-traitants –dépendent de cette industrie.En Alsace, 70% des PME tra-vaillent exclusivement pourPSA. Et quand PSA tourne mal,ce sont les sous-traitants quis’écroulent. C’est pour tenterd’enrayer cet effondrement enchaîne que le gouvernementfrançais a mis en place uneprime à la casse des voituresanciennes en cas d’achat d’unvéhicule neuf.Les mesures de chômage tech-nique se multiplient aussi chezles fournisseurs. A Benfeld,Adecut fabrique des pare-soleilet des ailerons pour les voitures.« La baisse des commandes aété brutale, nous avons dû re-passer aux 35 heures », affirmeBernard Rinckwald, le gérant.Si aucun emploi n’est menacé àcourt terme dans cette entre-prise, d’autres ont déjà renvoyéles intérimaires ou les CDD.Mahle Pistons France à Inger-sheim a fermé une ligne de pro-duction diesel : 69 contrats d’in-térim ont été supprimés.Dans le Bade-Wurtemberg, « lerefus des banques d’accorder descrédits pourraient mettre 30%des sous-traitants dans des situa-tions graves d’endettement, af-firme Vinzenz Schwegmann, di-recteur de l’entreprise de conseilAlix Partners. Il y a un risque dehausse du nombre de faillites en2009. ». Les sous-traitants alle-mands sont dans la même situa-tion que leurs confrères alsa-ciens. L’entreprise Micronas, àFribourg, fabrique des pucesélectroniques. Elle a enregistrésept déficits au cours des huitderniers trimestres et a dû se sé-parer de plus de la moitié de sesintérimaires. Il en est de mêmedans tous les secteurs dépendantde l’automobile, l’électronique,le métal, la plasturgie, etc.

Se diversifier. Pourtant,quelques entreprises arrivent àtirer leur épingle du jeu. Se-come, à Benfeld, compte 17 em-ployés et fabrique des moulespour objets en tous genres.« L’industrie automobile necompte que pour un tiers dansnotre chiffre d’affaires », af-firme Bernard Rinckwald, le gé-rant. « La crise va assainir lemarché », ajoute-t-il, confiant.

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timiste : « Même si on a eu descoupes d’effectifs à l’usine(ndlr: une équipe de 45 per-sonnes a été supprimée), lorsquela reprise sera là, on veut êtrecapable de produire 23 ou 24millions de soupapes commeavant. » Seule inconnue du pro-blème : la date de la reprise.

Floriane Andrey

Rastatt est suspendue aux annonces de Mercedes1680 frontaliers se sentent particulièrement vulnérables.

FACE à une demande enbaisse, Mercedes a adapté saproduction dans toutes ses

usines allemandes. À Rastatt,d’où sortent les classes A et B– l’entrée de gamme chez Mer-cedes – 120 contrats d’intérimn’ont pas été reconduits débutdécembre et les vacances deNoël ont été prolongées– quatre semaines au lieu dedeux. Au moment du change-ment d’équipes, on évited’aborder le sujet. « Qu’est-cequ’on pourrait bien dire ? inter-roge Michael*, visiblementénervé. Tout ce qu’on sait, c’estce qu’on lit dans les journaux. »

Tête des mauvais jours. Les6500 ouvriers sont bringueba-lés entre rumeurs anxiogènes etdéclarations parcimonieuses del’usine-mère. Dimitri, arrivéd’Europe de l’Est il y a une di-zaine d’années, a choisi de res-ter positif : « Au moins j’auraiplus de temps avec mafamille. » Peter, à la mainte-nance, s’estime à l’abri :« Même si les chaînes de pro-duction sont arrêtées, nous, àla maintenance, nous auronstoujours du travail », dit-il.Chez Ian, dont le CDD expire

en septembre 2009, laconfiance en l’avenir se teintemême de naïveté. « D’ici là, lasituation sera revenue à la nor-male et je serai embauché. »Ce vendredi après-midi, porte 6,les ouvriers qui regagnent leurvoitureontplutôt la têtedesmau-vais jours. « Plus de vacances àNoël, c’est sympa mais ce n’estpas très bon signe », soupire Bri-gitte, une des 1680Alsaciens quitraversent la frontière chaquejour pour venir à l’usine. « La si-tuation est stressante : on a dumal à se projeter dans l’avenir »,enrage Kristin. Une premièrepour la jeune femme qui travailledepuis dix ans sur la chaîne deproduction. Ses collègues crai-gnent surtout l’instauration duchômage partiel. « J’ai peurparce que j’ai ma famille à nour-rir », explique Gerhard, dont lafemme reste à la maison pours’occuper des enfants.Hans, lui, a entendu les pre-miers échos sur des négocia-tions en cours entre le comitéd’entreprise et la direction. « Ilest question de chômage tech-nique ou de passer à 30 heuresde travail hebdomadaires, rap-porte-t-il. Pour nous, dans tousles cas, cela signifierait une

Mark IVcomptait 65intérimairesenseptembre. Iln’y en a plusaucun.

Anne

Ilcin

kasi/

CUEJ

perte de salaire de 300 à 500euros par mois. » Le chômagetechnique sévit déjà dans uneautre usine du groupe Daimler,à Sindelfingen.

Ambiance mitigée. Mer-cedes, dont l’usine de 16 hec-tares trône à la bordure ouest dela ville, est le premier em-ployeur de la circonscription.La ville de Rastatt toute entièreest suspendue aux prochainesdécisions du comité d’adminis-tration de Daimler.Dans la Kaiserstrasse, l’artèrecommerçante de la ville, les en-seignes craignent de voir leurclientèle s’amenuiser. Au barEinstein, la patronne a déjàconstaté une baisse de la fréquen-tation depuis septembre. « On aperdu 15% de notre chiffre d’af-faires, se lamente-t-elle.Etencasde chômage technique chez Mer-cedes, on perdra encore plus.Mais difficile de dire combien. »Seul espoir pour tous : uneconvention collective protègeune partie des ouvriers embau-chés en CDI de tout licenciementéconomique jusqu’en 2011.

Aurélien BretonImke Plesch

*Tous les prénoms ont été modifiés.

A Orbey, le sous-traitant en sous régime

IL y a encore quelques mois, onentendait sans arrêt des ca-mions faire des aller-retours.

Maintenant, c’est beaucoupplus calme », remarquent Marieet Thérèse depuis leur jardin.Ces retraitées habitent à deuxpas de l’usine Mark IV d’Orbey(Haut-Rhin). Elles discutent auretour des courses et s’inquiè-tent depuis quelques mois de labaisse d’activité de l’entreprise.Situé à l’entrée du village, aucœur de la vallée de la Weiss, lesous-traitant automobile fa-brique des pièces pour moteurs.Fort de 380 salariés, il constituele premier pourvoyeur d’em-plois de cette commune de prèsde 4000 habitants.

Un grand coup de frein. 13heures, changement d’équipes.Ouvriers en bleu de travail etemployés quittent l’usine.« Avant les congés d’été, toutlaissait penser qu’on aurait be-soin de plus d’intérimaires queprévu, témoigne Fabine De-guise, déléguée syndicaleCFTC. Mais au retour, ce fut lacatastrophe, le grand coup defrein des constructeurs automo-biles. La chute a été brutale eton a licencié une centaine d’in-térimaires. » Comme de nom-breux équipementiers, Mark IVa été touché de plein fouet par ladiminution des commandes desténors du secteurs. Avec en tête

PSA et BMW, qui pèsent res-pectivement 40% et 35% duchiffre d’affaires de l’entreprise.Pour la première fois depuisl’installation de l’entreprise àOrbey, l’usine fermera sesportes deux semaines pour lescongés de Noël. « On sait qued’ici fin février, on devraitavoir 22 jours de chômagetechnique : dix en décembre,huit en janvier et quatre en fé-vrier », égrènent Myriam etSandra, deux trentenaires de lavallée, qui travaillent sur leschaînes de montage. Rémuné-rées 1350 euros brut par mois,elles toucheront moité moins enpériode de chômage technique.

« Que restera-t-il ? » « Jesuis salarié ici depuis 12 ans.C’est la première fois qu’on esttouché par la crise », renchéritDavid, qui habite Kaysersberg,à 10 kilomètres d’Orbey. Cetechnicien ajusteur craint « descoupes d’effectif après février ».

Dans la vallée, personnen’ose imaginer la fermetured’une usine installée depuisprès de 50 ans. « Il m’est ar-rivé de coiffer des clients, inté-rimaires chez Mark IV. Ilsétaient soucieux. Mais au vil-lage, on pense que ça ne du-rera pas », veut croire Isa-belle, entre deux coups deciseaux. « Mark IV est le seulemployeur pour les gens non-qualifiés du coin, s’emporteBénédicte, habitante de la val-lée. Et ils sont nombreux à Or-bey et dans les villages auxalentours. Sans Mark IV, querestera-t-il ? »« Heureusement le village vitaussi grâce à l’hôtellerie etau tourisme », soutient Lau-rence, salariée de Mark IV.Elle se ravise : « Même siavec la crise les gens vont sû-rement hésiter à partir en va-cances... »

Pierre ManièreAnaëlle Penche

Mark IV produit pour PSA et BMW.Toute la vallée de la Weiss dépendde sa santé.

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Ü Sous-traitance :Opération consis-tant à produiredes biens ou desservices pour lecompte d’uneautre entreprise.

Ü Forme desous-traitance,l’équipemen-tier est une en-treprise fabri-quant des biensdestinés àconstruired'autres biens.Principalementutilisé dans lesecteur de l'auto-mobile. Parexemple, un équi-pementier auto-mobile fournitvolants, entraî-neur d'essuie-glace, carters,chapeaux de pa-lier...

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Ü Chômage : Il s’agit des personnesde 15 ans et plus, privées d’emploi et enrecherchant un. Sa mesure est com-plexe. Les frontières entre emploi, chô-mage et inactivité ne sont pas toujoursfaciles à établir. Il existe en France deux

Ils ont évité le chômage technique. Mais le doute s’installe.

Les ouvriers de Peugeot ne savourent pas leur repos

Les chaînes de montage tournent au ralenti et les parkings de stockage de voitures neuves ne désemplissent pas.

IL est 17 heures et l’usinePeugeot est éteinte. A l’en-trée de Sausheim, le long del’autoroute A36 qui mène deBâle à Mulhouse, la circula-tion est fluide. D’habitude, à

cette heure-là, les voitures dessalariés de l’entreprise automo-bile ralentissent le trafic. Pas cevendredi de novembre qui res-semble à un mois d’août. Lesite, d’où sortent habituelle-ment chaque jour 1096 voituresmoyenne gamme de PSA, desC4 (Citroën), des 206 et des308 (Peugeot), est en veillejusqu’en janvier. Depuis la finde l’été, la dernière industriemulhousienne est à son tourmal en point, après la fermeturedu textile et des mines de po-tasse.Les premiers signes de fai-blesse sont apparus à l’été2008, quand la direction a an-noncé aux 10 020 salariésmulhousiens qu’ils n’auraient

pas quatre semaines de congéau mois d’août, comme chaqueannée, mais cinq, et quel’usine ne reprendrait sa pro-duction que la première se-maine de septembre.L’information a surpris, d’au-tant que Peugeot avait embau-ché plus de 1000 intérimairesau printemps, et que pour toutle monde, c’était preuve debonne santé. Depuis, chaqueréunion mensuelle du comitéd’établissement (CE) dicte lenombre de jours de repos forcédu mois suivant. Fin novembre,certains en étaient à leur tren-tième jour non travaillé. La plu-part d’entre eux ne travailleraque deux semaines en dé-cembre.

Stocks coûteux. L’usine estmorte, mais les parkings devoitures neuves qui la jouxtentfont le plein. Le niveau destock, coûteux, est inhabituel.

Chez Peugeot, une voiturecommandée est une voitureproduite. Les ouvriers n’y com-prennent plus rien : « Il paraîtqu’en ce moment, pour unecommande, cinq voitures sontfabriquées », commente un an-cien de l’entreprise.Il en faudrait plus pour ébranlerles Peugeot, qui ont vu leurusine survivre à différents pas-sages à vide : « Peugeot est unebonne marque, qui a toujourssu prendre les bons virages aubon moment, poursuit l’ouvrier.Par exemple, la 205 nous a sau-vés au début des années 90. »

Démotivation. Ces journéesde repos forcé sontrémunérées : grâce à un accordsyndical signé en 2005, les em-ployés restent chez eux, maissont payés normalement, sansêtre obligés de compenser la to-talité des heures non effectuées.Le soir, la télévision relaye lacrise, et la dégringolade del’automobile : « On ne peut passe plaindre, comparé à Re-nault. On touche du bois, on nesait pas combien de temps çava durer », remarque Béatrice(1) une ouvrière de la chaînepeinture, dans l’entreprise de-puis plus de dix ans.

Car derrière l’insouciance appa-rente, les salariés prennent toutdoucement conscience de la gra-vité de la situation. Cette formede chômage technique les désta-bilise, et en démotive certains :« Travailler deux jours au mi-lieu d’une semaine de chômage,ça ne peut qu’amener à de lamauvaise qualité, admet unesyndicaliste. Personnellement,je n’achèterai pas une voitureconstruite en ce moment. » L’unde ses collègues poursuit : « Onsait pertinemment que PSA n’estpas là pour nous payer à rienfaire. On sait aussi qu’à un mo-ment donné, ils vont nous direstop. Le problème, c’est qu’onne sait pas quand. »Les plus pessimistes en arriventà évoquer – sans y croire – la fer-meture de l’usine. « Je préfére-rais perdre un peu d’argent tousles mois et être sûre de gardermon travail à la sortie de lacrise », ajoute Béatrice. Déjà, lesite mulhousien prête des ou-vriers à celui de Sochaux, distantd’une cinquantaine de kilo-mètres. Le vieil ouvrier s’in-quiète : « Si Mulhouse ferme, ondevra quitter l’Alsace pour allertravailler en France. »

Stéphanie Goutte(1) Le prénom a été modifié.

unités de mesure : les statistiques men-suelles du ministère du Travail, élaboréesà partir des fichiers de l’ANPE, et l’éva-luation du Bureau international du tra-vail (BIT), qui en donne une définitionplus large.

Ü Chômage technique - Kurzar-beit : Situation des salariés lorsqu’uneentreprise réduit son activité au-des-sous de l’horaire légal ou arrête mo-mentanément tout ou partie de son ac-tivité sans pour autant licencier ses

salariés. Le système d’indemnisation duchômage technique permet de gérerune baisse d’activité ponctuelle. En Al-lemagne, la différence avec le salairenet normal est compensée par l’agencepour l’emploi à hauteur de 60%.

Lionel Vadam / Le Pays

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Un tiersdes SmartFortwoproduitesse vendaux Etats-Unis. DR/Smart

La dernière petite citadineséduit les Américains.

LA récession ici, connais pas ! »,plaisantent des ouvriers del’usine Smart d’Hambach (Mo-

selle). Alors que les constructeurset équipementiers automobilessont confrontés à une baisse d’acti-vité sans précédent, l’ambiance estau beau fixe dans cette filiale deMercedes. « Le carnet de commande est garniet le climat social au top, sourit unouvrier. Lorsqu’on voit desgroupes comme PSA et Renaulttailler dans leurs effectifs et ré-duire leur production, c’est sûr, onse sent un peu privilégié. »« Le travail ne manquepas : presque tous les salariés(près de 800 à l’usine) sont à 39heures par semaine », témoigneJulien. « Je suis intérimaire chezSmart depuis trois mois et demi,explique Sébastien. Je suis plutôtconfiant pour le renouvellement demon contrat. » Ici, 22 intérimaires

ont été embauchés en CDIen octobre. La direc-

tion s’est engagée àrecruter de dix à

quinze per-sonnes sup-plémentaires

dans lesprochainesannées.« D e p u i s

début dé-cembre, on a accéléré les cadencessur les chaînes de montage pourfabriquer 3000 véhicules supplé-mentaires », claironnent Philippeet Pascal. La production journalière de la ci-tadine passe ainsi de 600 à 612 vé-hicules. Au total, 138 000 véhi-cules auront été produits lors del’exercice 2008, contre 102 000l’an passé.

Maintien des commandes. Al’origine de ce succès, le maintiendes commandes en Europe (no-tamment en Allemagne et en Ita-lie), mais surtout, le lancement,début 2008, de la Smart Fortwosur le marché américain. « On ex-porte environ un tiers de la pro-duction aux Etats-Unis, expliqueAdbelhamid Ghermi, déléguésyndical CGT. Il y a un véritableengouement pour cette petite ci-tadine de luxe qui consommepeu. »L’exercice 2009 s’annonce toutaussi florissant : Smart mise no-tamment sur la commercialisationde sa citadine en Chine et au Bré-sil pour doper ses ventes. Du côté des syndicats, en re-vanche, on redoute la possibilitéd’une délocalisation de la produc-tion si les commandes améri-caines devaient dépasser les com-mandes européennes. « Mercedesdispose déjà d’une usine au Bré-sil. Une délocalisation diminue-rait les frais de transport et lesdélais de livraisons aux Etats-Unis, souligne AdbelhamidGhermi. On reste donc attentif. »

Pierre Manière

Et pendant ce temps, Neuenburg crée des emplois

NEUENBURG, petite villeallemande de 12000 habi-tants, proche des frontières

suisse et française, a tout bon.Un taux de chômage déjà équi-valent au plein emploi et desentreprises ne cessent de venirs’y installer. Le maire JoachimSchuster, 52 ans, reçoit en per-sonne les investisseurs poten-tiels pour parler affaires. Pas-sionné de football, il se laisseguider par les principes du jeu– compétition, esprit d’équipe,fair-play – pour promouvoir saville. Avec succès.

Des sièges pour 308. Ré-cemment, Neuenburg a rem-porté une partie importante.L’équipementier américain

Johnson Controls a décidé d’yfaire construire une nouvelleusine pour 50 millions d’euros.A partir de janvier y seront fa-briqués des sièges pour les Peu-geot 308. « Ce sont 300 nou-veaux emplois pour notre ville,se réjouit Joachim Schuster, etjusqu’à 600 dans quelques an-nées. » Johnson Controls fera partiedes plus gros employeurs de laville, des emplois qu’aurait purécupérer le fournisseur fran-cais Faurecia, installé à Marc-kolsheim. Mais PSA a préféréNeuenburg à l’Alsace.« PSA cherche à diversifier sesfournisseurs pour gagner en in-dépendance, explique le maire.En plus, nous offrons des condi-

tions idéales. Nous sommes si-tués au carrefour de l’Europe ettrès bien reliés aux réseaux detransports. La semaine de 40heures est la norme dans nosentreprises et puis les ouvriersallemands font tout de mêmemoins souvent la grève que leurcollègues français. » Au final,les Francais y gagnent aussi. Lamoitié des postes chez JohnsonControls sera occupée par destransfrontaliers.

Production arrêtée. Resteà voir si Johnson Controlspourra maintenir les effectifsprévus l’an prochain. Malgréson dynamisme, Neuenburg nesera pas épargnée par la criseéconomique, d’autant plus queles employeurs-clé de la ville– les équipementiers automo-biles Johnson Controls et Vi-bracoustic, les entreprisespharmaceutiques Losan etRexam ou encore l’entreprisede construction M-tec – agis-sent sur des marchés particu-lièrement fragilisés. Les premiers signes de la ré-cession s’annoncent déjà. Unemployé de Losan confirmeque la société se sépare d’unegrande partie de ses intéri-maires. Des rumeurs courentégalement sur Vibracoustic,presque 500 employés àNeuenburg. La production de-vait être interrompue pendantquatre semaines autour deNoël. Alors que certaines en-treprises font face à des diffi-cultés, d´autres continuent às’implanter à Neuenburg.

Dynamisme. WaldemarScherer, responsable de diffé-rents chantiers dans toute la ré-gion du Bade-Wurtemberg,s’étonne à chaque fois qu’ilvient superviser une construc-tion sur la commune. « Les deuxzones industrielles ont une taillecomplètement surdimensionnéepour une petite ville commeNeuenburg, juge-t-il. Elle faitpreuve d’un dynamisme impres-sionnant et cela malgré lecontexte économique actuel. » Ce dynamisme, ils sont nom-breux à l’attribuer à la volontéet au leadership de JoachimSchuster, maire depuis 1991.L’édile est une star par ici. Enmai, l’équipe nationale de foot-ball des maires, que Schusterentraîne, a même remporté lacoupe d’Europe en battant lesItaliens en finale. Une belle victoire même si leshabitants auraient, selon Schus-ter, préféré gagner contrel’équipe française. « Un peu decompétition avec nos voisinsfrançais nous fait du bien,pense-t-il. Cela nous force àfaire des efforts et à innover, cequi nous aidera à nous en sor-tir. » La preuve : un nouveauchantier vient d’ouvrir à deuxpas de l’usine Johnson Controls.

Anne-Sophie Legge

De nouveaux ateliers s’installent sur sa zone industrielle.

ÀHabsheim, la vie écono-mique est rythmée parl’usine Peugeot toute

proche. L’entreprise AfigFoessel retraite, depuis trenteans, les eaux chargées en mé-tal qui ont servi à la produc-tion de pièces métalliques.« L’usine Peugeot de Vesoul asuspendu récemment tous sesprojets avec nous, constateDominique Buzaré, le chef del’entreprise. « Nous devionsnotamment leur fournir uneinstallation d’électro-coagu-lation pour la fabrication desressorts. »« L’activité va se ralentir en dé-cembre, c’est sûr, mais nousavons des commandes jusqu’enavril 2009 », poursuit le sous-traitant. Dans les ateliers del’entreprise, des produits atten-dent d’être livrés. DominiqueBuzaré connaît déjà cette si-tuation : il n’en est pas à sapremière crise économique.« Dans notre métier, c’estquand ça redémarre que noussommes touchés. » Lorsque lesentreprises disposent de nou-veau de liquidités, elles ne ré-investissent pas en prioritédans le traitement des eaux.Optimiste malgré tout, il es-time aussi que « la crise est unbon moyen de faire marcher laconcurrence ». Une sorte desélection naturelle, plaide-t-il,« qui permet à une sociétéd’évoluer et de revoir tout sonprocess ».

Licenciements. De l’autrecôté du Rhin, des entreprises dusecteur ont déjà commencé à li-cencier. À Laufenburg, à lafrontière entre l’Allemagne etla Suisse, l’usine H.C Starck aannoncé début novembre lasuppression de trente postes àcause d’une forte baisse de lademande. « Nous produisonsdes composants pour les pis-tons et cylindres, précise An-

dreas Becker, président du co-mité d’entreprise. Depuisquelques semaines, la demandea fortement baissé. » 150 autresemplois pourraient être mena-cés dans les cinq usines alle-mandes du groupe.Chez Peguform, les 1200 ou-vriers de l’usine de Bötzingen, à15 km de Fribourg, sont en chô-mage partiel depuis plusieurssemaines. « La situation évoluede jour en jour, raconte GerhardAmann, le responsable du co-mité d’entreprise. Dans lecontexte actuel, où les construc-teurs communiquent de moinsen moins, il est difficile de fairedes pronostics pour les mois àvenir. » Actuellement, il se mo-bilise pour empêcher un licen-ciement massif.

Contrats annulés. Les PMEne sont pas les seules à souffrirde la baisse de la demande dusecteur automobile. BASF, pourqui l’industrie automobile repré-sente 10 à 15% du chiffre d’af-faires, connaît des difficultésanalogues. « Plusieurs de nosclients ont annulé des contrats àla dernière minute », expliqueWolfgang Daniel, président ad-joint du comité d’entreprise del’usine de Ludwigshafen.Les premières mesures sonttombées mi-novembre : 80 uni-tés de production ont été fer-mées temporairement, et 100autres ont adopté des mesurespour ralentir la production. Cesmesures concernent 20 000 em-ployés dans le monde entier,dont 5000 au siège de Ludwig-shafen. Il n’est pas encorequestion de chômage techniqueou de licenciements. PourWolfgang Daniel, président ad-joint du comité d’entreprise del’usine de Ludwigshafen,« rien n’est exclu si la demandecontinue de baisser ».

Aurélien BretonStéphanie Goutte

Réactions en chaîneLa chimie automobile perd des contrats.

La bonne recettede Smart

l Vadam / Le Pays

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des organisations syndicalesdes transports routiers automo-biles (Unostra), qui s’attend àune baisse de 20 à 30% duchiffre d’affaires dans le sec-teur routier fin décembre. Lasituation des entreprises, déjàfragilisée par l’augmentationdu coût du pétrole et des tarifsde péage, est aggravée par larécession, une crise à laquelleelles ne s’attendaient pas. « Jusqu’en 2007 le transportconnaissait une pleine crois-sance, affirme-t-on à la Direc-tion régionale de l’équipement.La crise 2008 est une rupturepour le secteur. » En Alle-magne, les entreprises sem-blent mieux armées face au ra-lentissement économique. Ellesbénéficient de la bonne santédes exportations et compensentavec l’international la baissed'activité sur leur territoire. Mais en France, d'après leschiffres de la Fédération natio-nale des transports routiers, lesdéfaillances d’entreprises ontaugmenté de 168% audeuxième trimestre 2008 parrapport à la même période en2007 et de 63% au troisièmetrimestre.Les PME sont les plus tou-chées. Siltrans Logistique,transporteur de Colmar, vientde déposer le bilan. Ses 41 sa-lariés espèrent un reclassem-ment au sein du groupe Par-mentier Logistique qui détenaitl’entreprise. Mais les grandsgroupes nationaux ne sont pasnon plus épargnés. Geodis-Cal-berson avoue une activité en ré-cession de 7 à 15%. Alors les transporteurs cher-chent la parade. Les épouxClauss ont dû modifier leur fa-çon de travailler. « Si les clientsne viennent plus vers nous,nous allons vers eux », ex-plique Christine Clauss. Depuis

« Avant on pouvait négocier,raconte Christine Clauss. Main-tenant, le prix affiché dans lesannonces est à prendre ou àlaisser. » Mastrangelo Pino ren-chérit : « Avec la crise, le prixprime sur le service. Les clientsfont même du chantage : “Sivous ne me faites pas unmeilleur prix, je vais voirailleurs !” »En mai 2009, sept nouveauxpays de l'Union européenne(Pologne, Hongrie, Républiquetchèque, Slovaquie, Estonie,Lettonie et Lituanie) obtien-dront le droit de caboter (voirlexique) en France. Au détourd’un trajet entre la Pologne et lePortugal, ils pourront desservirdes lignes françaises sans appli-quer le droit du travail national.Dans ce contexte, les transpor-teurs appréhendent 2009comme une année noire.

Isabelle Bertinet Anaëlle Penche

Les routiers redoutent la grande braderieLes entreprises ont vu leur chiffre d’affaires chuter de 20 à 30% et les clients poussent les prix à la baisse.

PAS de téléphone quisonne, pas de fax quibipe. Dans le bureaudes Transports Clauss,l'ambiance de ce ven-dredi de novembre est

plutôt calme. Cette entreprisefamiliale de Betschdorf, quicompte 18 chauffeurs routiers,vit une journée difficile. « Si enfin de matinée, nos camions nesont pas complets pour lundi, ledébut de la semaine prochainesera très compliqué » , redouteJean-Claude Clauss, le patron. Depuis sa création en 1983,c'est la première fois que l'éta-blissement connaît des difficul-tés. Il y a seulement un an, l'en-treprise manquait de chauffeurstant les commandes affluaient.Depuis septembre, deux à troiscamions reposent dans les lo-caux de l'entreprise. « Nousnous attendons à une baisse de10 à 15% de notre chiffre d’af-faires pour cette fin d'année,prévoit Christine Clauss, res-ponsable commerciale. Avant,nous transportions l'équivalentde deux camions de marchan-dises par jour pour un fabri-cant de palettes en bois. Depuisla fin de l'été, nous sommespassés à un camion. »

Crise inattendue. CyrilKrumeich, routier depuis huitans dans l’entreprise,constate : « Nous avons moinsde travail et nos camions sontmoins chargés. Je sais que jerisque d'être licencié. »Comme les Transports Clauss,une multitude d’entreprises detransport routier, fluvial, aérienou ferroviaire connaissent de-puis trois mois des difficultés.« Les transports dépendentbeaucoup de l’activité de l’in-dustrie et du bâtiment », ex-plique Pierre Mathis, représen-tant local de l’Union nationale

septembre, elle et son mari pas-sent plusieurs heures par jour, àrepérer sur un logiciel debourse de fret les offres entemps réel.

Dépendance totale. AuxTransports Klein de Sélestat,cet été, quatre chauffeurs ontquitté l’entreprise. Si la situa-tion n’évolue pas, ils ne serontpas remplacés. Comme beau-coup d’autres, l’entreprise im-pose congés et récupérationsdu temps de travail en périodede basse activité. MastrangeloPino, responsable d’exploita-tion aux Transports Taglangd’Obernai, se refuse à une telleoption. Il préfère relancer sesclients et répondre à tous lesappels d’offres. Totalement dépendantes del’industrie, les entreprises sa-vent que la crise exacerbe laconcurrence et permet auxclients d’imposer leurs tarifs.

COMME les routiers, lestransporteurs fluviaux souf-frent de la baisse de com-

mandes venues de l’automobileet du bâtiment. Les statistiquesmensuelles du Port autonome deStrasbourg indiquent une baissedu trafic de marchandises de4,5% depuis le mois de juin, parrapport à l’année dernière. Ducôté allemand, le port de Karls-ruhe a connu une baisse de 5,7%au mois de septembre par rap-port à 2007. Logique, selon ledirecteur commercial du port deStrasbourg, Jean-Marc Uhr-weiller : « Ce qui passe surl’eau vient de la route et de lavoie ferrée. Si les autres sec-teurs du transport vont mal,alors le fluvial aussi. On voitqu’il y a plus de conteneurs àmoitié vides sur les bateaux,mais je ne pense pas que la si-tuation puisse empirer. » Pour

l’instant, les transporteurs flu-viaux prétendent disposerd’atouts pour compenser en par-tie ces pertes. « On récupère lemanque à gagner sur d’autresproduits, comme l’énergie, ex-plique Jean-Marie Meyer, ins-pecteur de l’armement à laCompagnie française de naviga-tion rhénane. Le transport depétrole et de charbon marchetrès bien, surtout en hiver. »Contrairement au transport rou-tier, le fluvial concerne d’im-portantes quantités et unegrande diversité de marchan-dises. « On travaille égalementavec de gros contrats signés surle long terme. Tant qu’ils cou-rent, la crise ne nous toucherapas », ajoute Jean-Marie Meyer.Pour la suite, les compagniesfluviales veulent croire au re-bond de l’activité économique.

I.B et A.P

Le transport fluvial entre deux eaux

Ü Entreprisedéfaillante :Une entrepriseest en situa-tion de dé-faillance ou dedépôt de bilanà partir dumoment oùune procédurede redresse-ment judiciaireest ouverte àson encontre.Cette procé-dure intervientlorsqu'une en-treprise est enétat de cessa-tion de paie-ment.Ü Caboter :Dans le droitdu transportroutier, le ca-botageconsiste à en-voyer un rou-tier travaillerdans un autrepays où lecoût du travailest plus impor-tant. Il est en-cadré par unerègementationprotectionnistevisant à limiterla concurrencedéloyale.

Grâce aux contrats sur le long terme, la voie d’eau résiste mieux.

Les entreprises de transport s’attendent à une année noire. An

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Pétrole et charbon pourrait compenser la baisse des produits manufacturés.

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L’ENVIRONNEMENT achangé », « la situations’est durcie »... La plu-part des banquiers alsa-ciens le concède volon-tiers : il est devenu très

difficile pour un particulier ouune entreprise d’obtenir un cré-dit et, quand c’est le cas, de lenégocier à des conditions avan-tageuses.« L’approche risque n’est plusla même », commente JulieSchubetzer, directrice d’uneagence strasbourgeoise de laSociété générale. Un constatsimple aux conséquences mul-tiples. L’apport personnel,qu’un client doit systématique-ment présenter dans le cadred’une demande de prêt immo-bilier, a par exemple été revu àla hausse. S’il veut acheter unemaison, un particulier devra dé-sormais poser sur la table 10,15, voire 20% de la valeur dubien en question. Il y a encorequelques mois, il suffisait par-fois que le cumul de tous lescrédits et des charges payés parle foyer ne dépasse pas 33% deses revenus.A l’égard des entreprises, lesbanques adoptent une attitudeidentique. « Les PME vontmoins bien, leurs résultats sontmoins bons, il est donc normalqu’il y ait un retour moinssouple de notre part, souligne

Alimenté par la Caisse desdépôts et consignations(CDC), la banque publiqueOséo peut accorder un crédità une entreprise, à conditiond’avoir le concours d’unebanque. Récemment, l’Etat afait passer les moyens d’Oséode 4 à 6 milliards d’euros. L’enveloppe del’établissement financier aégalement été relevée de 2milliards d’euros pour lacontre-garantie de prêt : Oséopartage alors avec une banquele risque d’un crédit accordéà une PME en se portantcaution à hauteur de 50%, enmoyenne, du montant du prêt.« En Alsace, en 2007, 800dossiers sur 1700 étaientrelatifs à des créations

d’entreprise, se souvientBernard Nicaise, le directeurrégional d’Oséo. Nousn’avons pas encore établi dechiffres pour cette année,mais nous savons déjà quecette part a très largementdiminué. »Désormais, Oséo estdavantage sollicité par desentreprises de taille moyenne.« Entre le 31 juillet et le 31octobre 2008, nous avonsgaranti 21 millions d’eurosde prêts alors que nous nousétions portés caution pour 6millions d’euros l’annéedernière sur la mêmepériode », témoigne BernardNicaise.

Amaury PrieurOlivier Devos

ce chargé d’affaires profession-nelles dans une banque stras-bourgeoise, qui souhaite garderl’anonymat. Il y a un déclasse-ment général des entreprises.Celles qui étaient tangentes etréussissaient à s’en sortir il y aquelques mois ne peuvent plussuivre aujourd’hui. Nous de-vons tenir compte de cet effetcrise. »

Etaler les créances. Rece-veur des finances à la Trésore-rie générale de Strasbourg, Si-mon Boyer est régulièrementconfronté à des cas d’entre-prises endettées aux carnets decommandes vides. La Commis-sion des chefs de services fi-nanciers (CCSF) reçoit chaquesemaine une à deux demandesd’étalement des créances so-ciales et fiscales. « La durée du délai accordé estcertes variable, mais elle peutatteindre 24 mois dans certainscas, précise-t-il. Quand lesbanques lâchent les entre-prises, quand les fournisseursveulent systématiquement êtrepayés comptant, il ne reste plusqu’une solution : ne pas payerses charges. » Et d’ajouter :« On peut s’attendre à une ex-plosion des demandes dès lemois de janvier 2009. La CCSFva bientôt jouer le rôle d’un or-ganisme de crédit ! »

Oséo se porte garant

La garantie de 360 milliardsd’euros, consentie par l’Etataux banques afin que celles-ciassument leur rôle de pour-voyeuse de liquidités, a-t-elleproduit l’effet escompté sur leterrain ? « Concrètement, nousn’avons reçu aucun cadeau,conteste Bernard Sadoun, res-ponsable de la communicationau Crédit mutuel Est Europe.Au niveau national, notre

groupe a touché 1,2 milliardd’euros sous forme de prêt,mais le taux appliqué est de8,5%. Ce n’est pas ça qui vanous encourager à faire desprêts à de bonnes conditions. »Les banques se sont pourtantengagées officiellement danscette voie, en promettant unehausse de 3 à 4% (soit 75 mil-liards d’euros) du montant totaldes crédits accordés aux lll

Banquier échaudé craint le prêtLa Banque de France joue les arbitres et tente de relancer le crédit.

Particuliers et entreprises font de plus en plus appel au médiateur de crédit et aux sociétés de courtage pour alimenter leur trésorerie.

Ü Le médiateurdu crédit esthabituellementle directeur dela Banque deFrance du dé-partement. Enpériode d'acti-vité normale,son rôle est deveiller auxconditionsd'admissiondes crédits. Encette périodede crise, il es-saye aucontraire defaciliter l'ac-cession auprêt.

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lll entreprises et aux parti-culiers. Parce qu’il n’a pasfait un « chèque en blanc ».l’Etat s’est donné les moyensde parvenir à ses fins. Dans chaque département, ledirecteur de la Banque deFrance occupe désormais lafonction de médiateur ducrédit. Sa mission ? Rétablirle contact entre les banqueset les entreprises.

La mode du courtage. Ledirecteur de la Banque deFrance de Strasbourg, HenriJulien, fait partie des quatredélégués qui entourent le mé-diateur national René Ricol,chargé de coordonner le dis-positif et d’étudier les dos-siers les plus compliqués. Enson absence, Anne Winter-halter, son adjointe, prendconnaissance des dossiersdans le Bas-Rhin. Environ 25cas lui seraient déjà parve-nus. « L’idée est intéres-sante, mais notre position estassez inconfortable, estime-t-elle. Habituellement, nousdemandons aux banques derespecter des directives surla manière dont elles donnentdes crédits aux entreprises.Aujourd’hui, nous devons lespousser à en accorder. Il fauttrouver le dosage adéquat. »A l’échelle du Haut-Rhin,Claude Mouquin, directeurde la Banque de France deMulhouse, estime que la ten-dance est davantage à l’ac-ceptation des dossiers qu’àleur refus. « Nous en avonsreçu une vingtaine, et la ma-jorité d’entre eux sont éli-gibles. Mais nous traitonsavant tout les conséquencesde la crise financière. Nousne souhaitons pas soutenirles entreprises en difficultédepuis plusieurs années. »

Le “scoring”. Pour lesparticuliers, il n’existe pasencore de dispositif simi-laire. Le courtage est devenuune solution à la mode. « Lacrise nous arrange bien »,sourit Cyril Haertelmeyer,directeur de l’agence colma-rienne du site internetMeilleurtaux.com. En deuxmois d’activité dans le Haut-Rhin, il s’est penché sur 35cas, émanant essentiellementde la tranche d’âge 25-40ans. « Les clients peuventavoir un projet sain et trèsmal le présenter, relate cetancien directeur d’agencechez BNP Paribas à Obernaiet Sélestat. Notre mission estde mettre en avant les atouts.C’est ce qu’on appelle le“scoring”, dans le jargonbancaire. Même sans apportpersonnel, il est encore envi-sageable de décrocher unprêt sur 30 ans. »Certaines caractéristiques res-tent cependant rédhibitoires.« On exige un minimum denos sociétaires, confie Ber-nard Sadoun. Avec un Smic, ilest impossible d’acquérir unbien immobilier. On dit systé-matiquement non. »

Olivier Devos Amaury Prieur

LORSQUE les marchés s'affo-lent et que les épargnants n'ycomprennent plus grand

chose, les placements en boursen'ont plus la cote. Jugés moinsaléatoires, les placements sansrisque sont pris d'assaut. Vain-queur haut la main, le livret A.De l'argent que l'on peut retirer àtout moment, des intérêts défis-calisés : la formule a explosé en2008. 1,7 million de livrets ontété ouverts en France depuis ledébut de l'année à la Caissed'épargne et à la Banque postale. Le montant total déposé sur leslivrets A atteint 12,5 milliardsd'euros, trois à quatre fois plusque les années précédentes, se-lon le portail d'études de marchéXerfi. Et le phénomène s'accé-lère avec l’aggravation de lacrise : sur le seul mois d'octobre,plus de 2 milliards d'euros ontété collectés.

1,3 milliard d’euros. Pourun Alsacien, le placement sûrpar excellence, c’est le livretbleu du Crédit mutuel. Labanque détient les comptes d'unAlsacien sur deux, et 70% desactifs bancaires de la région.Dans les villages, on entend direque « chaque Alsacien naît avecson livret bleu ». Identique au li-vret A, il a doublé sa collecteentre 2007 et 2008 : déjà 1,3milliard d'euros déposés entre le1er janvier et le 31 octobre. PourBernard Sadoun, du Crédit mu-tuel, « le nombre d'ouverturesde livrets n’a pas augmenté,mais les sommes déposées ontexplosé, surtout grâce à l'aug-mentation du taux. »Le taux d'intérêt, pour le livretbleu comme pour le livret A, estpassé de 3,5% à 4% le 1er août2008. Deux millions de Françaisont atteint le plafond de 15 300

La vie en bleu pour les épargnantsEn Alsace, les dépôts sur les comptes épargne ont doublé entre 2007 et 2008.

euros. Le placement leur rap-porte au moins 612 euros paran. L'aggravation de la crise fi-nancière a achevé de convaincreles quelque 48 millions de Fran-çais titulaires d'un livret A d'ydéposer une partie de leurs éco-nomies.

Fin du monopole. Le 1er

janvier 2009 marquera la fin dumonopole de la Caissed’épargne et de la Banque pos-tale sur le livret A. Un enjeu detaille pour les banques qui dé-barquent sur un marché enpleine croissance. La sociétégénérale a lancé son « livretavant-première », le CIC un« livret A sup », le Crédit agri-cole propose un taux« boosté ». Les formules déjàdisponibles se transformerontsystématiquement en livrets Acomplets au 1er janvier. Pour lesbanques qui le proposent déjà,le problème est différent. « Nous allons tout faire pourgarder nos livrets, estime uneresponsable syndicale de laCaisse d'épargne d'Alsace. Çava être la grande guerre. »

Les bons du trésor. Le li-vret A a aussi ses limites : unseul livret, plafonné, par per-sonne. De quoi décourager uneclientèle plus aisée qui peut setourner par exemple sur les

UnAlsaciensur deuxdétient uncompte auCréditmutuel. Labanquepropose lelivret bleu.

bons du trésor. Indexés sur ladette de l’Etat, ils rapportententre 3,5% et 5,5% de lasomme engagée.Le risque est minimal : peu dechances que l'Etat françaisfasse faillite. « La demande aété multipliée par quatre oucinq, estime le conseiller. Maisil faut dire que l’on partait detrès bas. » La banque Barclays,elle, tisse depuis 2007 un nou-veau réseau de « banques d'ap-partement », une premièremondiale. La cible visée : uneclientèle disposant d'au moins50 000 euros d'épargne. Lesagences sont en fait installéesdans des appartements de100 m2 situés en plein cœur devilles françaises de taillemoyenne. Les clients sont reçusau salon ou dans le bureau : unenvironnement chaleureux loindes boxes en verres d’uneagence classique. Ils y sontconseillés personnellement surleurs placements. Pour Guillaume Touze, quimène le projet, c'est le momentidéal : « La période est propiceau déve loppemen t de cesbanques. Les gens ont besoinqu'on les aide si ça va mal. »Barclays vient d'ouvrir deuxbanques d'appartement, à Mul-house et Colmar.

Olivier DevosAmaury Prieur

La loi interdit le cumul d'un livret A et d'un livret Bleu. Mais une dispositionprévoit qu'un épargnant ayant ouvert ses deux livrets avant le 1er septembre1979 peut les conserver. En Alsace, cette disposition prend un sens particu-lier. « Les Alsaciens dispersent fréquemment leur argent dans plusieursbanques », explique Laurent Weill, économiste à l'Université de Strasbourg.La loi de modernisation de l'économie, qui généralise le livret A, fait craindreà ces multi-détenteurs de perdre le droit au cumul. Le ministère des Financesse veut rassurant et affirme que l’avantage sera maintenu.

Le cumul des livrets maintenu

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d’épargne est désormais mon-trée en exemple.

« Depuis 1960, je suis àla Sparkasse et je n'aijamais eu de problèmeavec cette banque. Jeleur fais confiance dansla manière dont ils gè-rent mon argent, té-moigne une cliente.Dans la situation ac-tuelle, j'espère seule-ment qu'ils vont conti-

nuer à s'en occuper avecprécaution. »

Pas assez informés. Seulecritique énoncée par les clients :le peu d'informations délivréesaux personnes détenant des por-

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Elle a voulu jouer dans la cour desgrands et se retrouve désormais aubord de la faillite. La banque régio-nale du Bade-Wurtemberg (LBBW)devrait, selon les experts, enregistrerdes pertes de plus de 2 milliardsd'euros en 2008. Cette banque à ca-pitaux publics (détenue à majorité

par les caisses d’épargne régionales,le Land du Bade-Wurtemberg et laville de Stuttgart) est victime de sesinvestissements dans des banquesislandaises ou bien auprès de Leh-mann Brothers aujourd'hui enfaillite. La LBBW, une des princi-pales sources de financement des

grandes entreprises et des collectivi-tés publiques de la région, doit dé-sormais renflouer ses caisses si elleveut continuer à financer l’écono-mie régionale. Le 21 novembre, ellea reçu 5 milliards d'euros de la partde ses actionnaires, une somme quipourrait être complétée par 15 mil-

liards issus du fonds de sauvegardebancaire mis en place par le gouver-nement allemand. Pour refaire sur-face sur le marché mondial, labanque publique cherche aussi à fu-sionner avec une autre banque ré-gionale en grande difficulté, sa voi-sine bavaroise BayernLB.

Deux milliards de pertes prévues pour la banque régionale du Bade

Les écureuils d’outre-Rhin multiplient leurs provisions Forts de 2,3 milliards d’euros de dépôts, les caisses d’épargne ont accordé 6,7% de crédits en plus.

SICHERHEIT, Sicherheit,Sicherheit. » « Sécurité »,le mot est répété à l’envi

par les responsables commu-nication des caisses d’épargnedu Bade-Wurtemberg. « Lasécurité des fonds déposés parnos clients a toujours éténotre priorité. La crise finan-cière nous renforce dans notremanière de gérer l’argent denos clients. » Hartmut Ste-phan, responsable du bureaumarketing de la filiale de laSparkasse* de Kehl-Hanauer-land, peut afficher un largesourire.D’autres établissements finan-ciers de la région allemande duBade-Wurtemberg sont en dif-ficulté à cause d’investisse-ments hasardeux dans plusieursbanques internationales, au-jourd'hui en faillite. Les caissesd’épargne, elles, enregistrentune augmentation des dépôtsde leurs clients et récupèrent denouveaux épargnants.

Historique. Pour le seulmois d'octobre, plus de 2,3 mil-liards d’euros sont rentrés dansles caisses de ces établisse-ments détenus par des capitauxpublics. Selon la direction de labanque, cette hausse serait laplus importante de sonhistoire : les 55 filiales de la ré-gion détiennent désormais 102milliards d’euros de dépôts,soit une augmentation de prèsde 5% sur un an. « Depuis ledébut de la crise financière,beaucoup de clients sont pré-occupés par la sécurité de leurargent et déposent de l'épargnesur leurs comptes », témoigneAxel Fahner, responsable desconseillers financiers de la fi-liale kehloise.

Même chose du côté du crédit :la direction de la banque an-nonce avoir accordé plus de94,5 milliards d’euros en oc-tobre, dont plus de 43 milliardsaux entreprises du Bade-Wurtemberg. Soit uneaugmentation de 6,7%en un an. Les caissesd’épargne ne peuventaccorder de prêtsqu’en fonction dumontant de leurs dé-pôts. Plus de 95% desbénéficiaires de cescrédits sont des entre-preneurs ou bien desparticuliers.

Zéro subprime.Ces structures ban-caires souhaitent ren-forcer leur rôle d'ac-teur économique « quiveut soutenir le finan-cement des entreprisesmais également desparticuliers ». A l’in-verse des banques pri-vées ou des grandesbanques régionales, telle laLBBW de Stuttgart dont lespertes pour l’année2008 seront importantes(lire ci-dessus), lescaisses d’épargne n’ontpas investi dans des pro-duits financiers de typesubprime. « Nous nefaisons pas d’affairesavec des produits dontnous ne comprenonspas le fonctionne-ment », souligne Hartmut Ste-fan, pas mécontent de voirl’image de ses concurrents enprendre un coup. Jugée conser-vatrice, timorée, voire poussié-reuse il y a encore quelquesmois, la gestion des caisses

tefeuilles d’actions dans unedes filiales des caissesd’épargne, la DekaBank. La chute des cours en bourseleur a fait perdre une partie deleur patrimoine. « Je pensequ’ils n’ont pas assez éclairéles clients d’un certain âge quiavaient peur de refuser uneproposition de leur conseillerbancaire, lance Sonia Holtz, fi-dèle de l’établissement depuis17 ans. J’ai perdu beaucoupd’argent en bourse, mais ils nesont pas responsables non plusde la chute des cours. »

Lilian Alemagna

*Nom des caisses d'épargne alle-mandes.

« Nous netraitons pasde produitsdont nous

ne compre-nons pas lefonctionne-

ment. »

Ü Caisses d'épargneCes structures régionales(Sparkassen), au nombrede 500 en Allemagne, ré-cupèrent l'épargne deleurs clients (PME et parti-culiers) pour financer lescrédits. C'est la banquenuméro 1 des petites en-treprises avec 42% desPME allemandes financéeschez eux.

Ü Courtage Il s'agit d’un lien entredeux parties pour uneopération la plupart dutemps financière. Dans lecourtage immobilier, lescouriters font l'intermé-diaire entre le prêteur et

l'emprunteur. Leur but estd'apporter de nouveauxclients aux banques etd'obtenir de meilleurs tauxpour leurs clients.

Ü Produits structurésEmprunt indexé sur uncours de produit ou demonnaie. En dessous d'uncertain cours, il est fixe, audessus, il suit la courbe as-cendante du cours.

Ü Produits toxiquesUn produit structuré in-dexé sur des cours poten-tiellement très fluctuants(par exemple euros/dol-lars) au vu de la situationactuelle des marchés.

Ü Subprime C'est un crédit à risque al-loué à des personnes peusolvables, à un taux trèsélevé pour l'emprunteur,donc très solvable pour leprêteur. Celui-ci compensele risque de non-rembour-sement, risque cependantlimité par la garantie hypo-thécaire prise sur le loge-ment.Pour que le crédit reste in-téressant pour l'emprun-teur, des montages sophis-tiqués avec des tauxvariables et des produits fi-nanciers complexes pou-vaient permettre de main-tenir des taux bas endébut de prêt.

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« Chez nous, votreargent est en

sécurité » : cettebanderole s’étiresur la façade du

théâtre deFribourg.

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A unesemaine du gaokao,dans unesalle de classed’un lycéeshanghaien.

LE monde de l’immobilierdésespère. « Les projetsen cours sont maintenus,mais aucun nouveau pro-gramme de constructionn’est lancé », affirme

Christian Jacob, secrétaire géné-ral de la Cellule économique duBTP. Particuliers et promoteursn’investissent plus. La vente delogements neufs commercialiséspar les promoteurs a plongé deplus de 50% au troisième tri-mestre 2008 par rapport à l’andernier. « Depuis six mois, lesbanques exigent que 50% desbiens soient vendus avant d'ac-corder les prêts aux promoteurs,contre 30 à 40% auparavant »,estime Thomas Leclercq, prési-dent du conseil régional de l’im-mobilier d’Alsace.Le Bade-Wurtemberg, qui restel’une des régions les plus stablesd’Allemagne, connaît aussi desdifficultés. Selon l’office des sta-tistiques du Land, le nombre depermis de construire d’apparte-ments neufs diminue. Et ce, de-puis quelques années.

Le neuf à la peine. Lors dutroisième trimestre 2008, laconstruction d’environ 6600 ap-partements a été autorisée, soit2,2% de moins que l’année pas-sée. Une diminution que l’agentimmobilier Doris Müller vitchaque jour. A Bad Krozingen,au sud de Fribourg, ImmobilienGmbH connaît une importantebaisse des ventes d’appartementsneufs depuis septembre : « Noustravaillons nuit et jour mais iln’y a plus de demande. Beau-

coup d’immeubles restentvides. » Doris Müller s'avoue in-quiète pour les mois à venir :« De nombreux acquéreurs po-tentiels n’investiront plus. Ils onttendance à attendre et à louer. »Jusque-là épargnés, les biens deprestige commencent à être tou-chés, même si les prix continuentà augmenter à Stuttgart. « De-puis la crise financière, desclients hésitent, parce qu’ils ontperdu de l'argent sur les marchésfinanciers », explique AlfredHildebrandt, directeur des ventesde l’agence Wohnbau-Studio.Richard Brüning, lui, affiche sasérénité. Installé à Kehl depuis25 ans, il s’est spécialisé dans laclientèle strasbourgeoise. « J'at-tends une baisse d'environ 20%du chiffre d'affaires. Cela dit, jene devrais pas être trop touché,car mes clients sont surtout desfonctionnaires. Ils ont un revenuassuré. »En Alsace, l’équation est lamême : toujours autant de man-dats, moins d’acquéreurs poten-tiels. Jacques Garnier, présidentde la Chambre des notaires duBas-Rhin, estime que « depuisaoût, les actes de vente ont chutéd'environ 30% ». Les agents im-mobiliers confirment, unanimes.Les délais de vente s’allongent,les acheteurs sont frileux. « Au-paravant, pour vendre une mai-son, je faisais cinq visites en unesemaine, aujourd’hui, je n’enfais plus qu’une seule sur quinzejours », précise Michaël Lantz,employé à l’agence AugusteImmo à Haguenau. Selon GérardDurr, président de la Chambre

syndicale des professionnels del’immobilier d’Alsace, les cré-dits, de plus en plus difficiles àobtenir, précipitent la crise im-mobilière. « Il y a six mois, lesprêts étaient accordés, mêmesans apport personnel, rappelle-t-il. Aujourd’hui, le banquier hé-site car l’endettement est plusfort. Après la mode des créditssur 30 ans, on revient à des prêtsplus courts avec 10 à 15% d’ap-port. La souplesse des banquiersaura duré deux ans. »

Retour au juste prix. L’im-mobilier d’entreprise n'est pasépargné. En 2008, on compte 15milliards d’euros d’investisse-ments en France, tout juste lamoitié de ceux de 2007. La CUSévolue à contre-courant de latendance nationale. « Beaucoupde programmes avaient été lan-cés et achetés par des investis-seurs, explique Yves Noblet, di-recteur associé de la région Estchez AtisReal. L’offre a généréla demande. Orange s'est établidans l'immeuble Crystal Park àSchiltigheim et la Caissed'épargne va s'installer dans8500 m2 au-dessus du centrecommercial Rivétoile. Il nousfaut donc profiter de ce dyna-misme artificiel pour remplir lesbureaux vacants. Nous devonspar exemple vendre les 12 000m2 vides de l'Aéroparc, la zoned'activité d'Entzheim. »Le Bade-Wurtemberg a connu deson côté une hausse de 15% despermis de construire dans l’im-mobilier d’entreprise en 2008. Siles prix de l’immobilier semblent

en baisse, l'ensemble de la pro-fession parle plutôt d’un réajuste-ment. « Entre 2002 et 2007, lesprix avaient explosé. Parfois lesbiens étaient affichés à 30% au-dessus de leur valeur, et on trou-vait toujours des gens pour ache-ter, juge Olivier Drouot, directeurde l’agence Century 21 de Mul-house. On revient aux prix réels.Tout se vend, il suffit que ce soitau juste prix. Même la maison aubord de l’autoroute avec la voieferrée derrière. »Quant aux collectivités locales,leur situation ne rassure pas lemilieu. Traditionnellementgrandes donneuses d'ordres, ellesdevraient limiter leurs com-mandes en 2009 (lire p.17).

Des artisans menacés. L'en-semble des métiers de l’immobi-lier et de la construction setrouve affecté. Architectes, géo-mètres, maçons, couvreurs... Ilsreprésentent près de 53 000 em-ployés, soit 10% de l’ensembledes salariés alsaciens. « Les pro-moteurs nationaux se retirentdéjà de la région, précise Tho-mas Leclercq. Kaufman &Broad a annoncé mi-octobre lafermeture de son agence stras-bourgeoise d'ici à 2010. C’esttoute la chaîne qui est menacéeet surtout les artisans du BTP.Ça passe inaperçu car les per-sonnes sont souvent employéesen CDD ou en intérim. Si cela sepassait dans une grande entre-prise, ce serait la grève assu-rée. » Les artisans du BTP secontentent de vider leurs carnetsde commandes. « On ne reçoit

ImmobileProjets avortés, acheteurs frileux. En Alsace, les ventesde logements neufs ont plongé de moitié au troisièmetrimestre 2008, tandis que la demande s’essouffle dans le Bade-Wurtemberg.

Plus de 500logementsdevraientsortir de

terre au parcdes

Roselièresd’Obernai.

Lesacquéreurs

ne sebousculent

pas.

Ü Les pro-moteurs immobiliersprennent encharge laconstructionde bâtimentsen vue de lesrevendre à desaccédants à lapropriété.

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plus qu’une proposition toutesles trois semaines, contre unepar semaine habituellement »,raconte un employé d’Arc-en-couleur, entreprise de peinturesituée à Bischwiller. LaChambre des métiers de Fri-bourg estime que les PME duBTP seront frappées de pleinfouet par la crise dans trois à sixmois. D'ici là, pour pallier cettebaisse de demandes, BernardVlym, directeur d’une entreprisede peinture, a trouvé la riposte :baisser ses devis de 10 à 15%.Les agences immobilières pa-raissent tirer leur épingle du jeu.En septembre et octobre, seulesdix d'entre elles ont fermé leursportes en Alsace. « Ça peut êtreune bonne chose, ça permetd’épurer la profession, re-marque Olivier Drouot. Trop degens se sont lancés dans l’aven-ture, sans compétence, ils ontdonné une mauvaise image quia nui au métier. »C’est pour mieux former les fu-turs promoteurs, agents immo-biliers et gestionnaires de syn-dics qu’une licence spécialisée aété lancée à l’université RobertSchuman à la rentrée. Lenombre d’étudiants a été limité à14. « On veut sauver tout lemonde. Les professionnels pen-sent que le marché strasbour-geois peut absorber cet effec-tif », indique Bruno Trescher,responsable de la formation.

Plus attentionnés. Pour ré-sister à la crise, tous les moyenssont bons, des plus sérieux auxgadgets. « On redevient de véri-tables agents immobiliers, dé-clare Olivier Bierry, présidentd’Orpi Bas-Rhin. Les agencesmettent en place des instrumentsparfois surprenants : alerte surles téléphones mobiles, suivi enligne des dossiers, bons de ré-duction dans des grandes sur-faces de bricolage, etc. A Kehl,on compte sur la situation trans-frontalière. Richard Brüning en-visage de placer ses petites an-nonces immobilières dans unmagazine français.Des deux côtés du Rhin, per-sonne ne se prononce sur l'avenir.Pour tenter de l’influencer, legouvernement français a multi-plié par deux le nombre de prêtsà taux zéro et annoncé la relancede logements sociaux. « Ce quiaggrave la situation, c’est que lesecteur de l’immobilier n’estplus prévisible, explique AlfredHildebrandt. Autrefois, les af-faires allaient toujours bien versla fin de l’année, au moment oùles acquéreurs consultent leursconseillers fiscaux. Aujourd’hui,on ne peut plus prédire les mois àgros chiffre d’affaires. » La pro-fession se rassure en brandissantles chiffres de l’Insee. Grâce àson solde migratoire positif, l’Al-sace aurait besoin de 9000 nou-veaux logements par an jusqu’en2030. Thomas Leclercq croit à lareprise : « Les gens auront tou-jours besoin de se loger. Tout lemilieu table sur un redémarrageavec des prix forts. 2009 ne peutpas être pire que 2008. »

Sophie Albanesi Anette Bender

Amandine Schmitt

A Obernai, la fin de l’âge de pierre

Ü Financer l'acquisitiond'un nouveau logement, enattendant que la vente del'ancien se concrétise : c’estl’objectif du crédit-relais.Il est accordé sur une pé-riode de deux ans maximum.Le capital est soit rembourséen une fois, lorsque le bienancien est vendu, soit conso-

lidé par un crédit à longterme.

Ü Les taux d'intérêtfixes ne varient pas pendanttoute la durée de l'emprunt. Al’inverse, les taux variablespeuvent évoluer suivant lecours de la monnaie ou du pro-duit sur lequel ils sont indexés.

Al’entrée d’Obernai, ungrand panneau publicitaireinterpelle les automobi-

listes : « Vivre à Obernai ! Leparc des Roselières. Un nouvelespace de vie. » Pour l’instant,l'emplacement de ce futur lotis-sement situé à quelques kilo-mètres du centre a plutôt des al-lures de terrain vague. Sur les21 hectares de terrain, lesherbes folles sont à la fête entreles allées goudronnées. Aucœur de la zone, trois préfabri-qués. Collés les uns aux autres,les promoteurs – Stradim, Icadeet Alcys résidences – marquentleur présence sur le site.« Venez au chaud », invite Vir-ginie Le Tiec, commerciale deStradim, ravie d’avoir de la vi-site. « On a un ou deux pas-sages par semaine, c’est peu »,concède-t-elle. Pour sa voisine,Claudine Berthier, d'Icade,même constat : « Je n'ai eu au-cun contact depuis deux mois. »Pour passer le temps, les deuxconcurrentes se sont mises à lalecture : Chagrin d'école pourl'une et la trilogie Milleniumpour l'autre. Chez Alcys, lecommercial ne se déplace qu'encas de rendez-vous.

Frilosité des banques. Plusde 500 logements doivent enprincipe se construire ici. On enest loin, même si chez Stradimdes travaux sont en cours. « Lescinq premières maisons ont étécommercialisées en février-mars 2008, ça s’est bien vendu,détaille Virginie Le Tiec. Au-jourd’hui, on a baissé les prixde 3 à 5%, mais on n’a venduque deux maisons depuis lemois de juillet. »Chez Alcys et Icade, les loge-ments vendus sur plan se comp-tent sur les doigts d’une main.Les promoteurs dénoncent lesbanques qui ne prêtentplus : « En l’espace de six mois,j’ai eu trois annulations à causedu refus des banques. C’est

beaucoup. En 2006-2007, jen’en ai eu aucune », expliqueClaudine Berthier.Les seules constructions vi-sibles : une dizaine de maisonsindividuelles dont les terrainsont été achetés à la Ville par desparticuliers. Sabri Vural fait lestrois huit de nuit à l’usine Kro-nenbourg. Le reste du temps, iltravaille sur son terrain achetéen février : isolation, plâtre,chauffage, carrelage... « Sij'avais pu vendre mon apparte-ment, j'aurais fait appel à desentreprises, confie-t-il. Mais lesbanques ont refusé un prêt àceux qui voulaient l’acheter et jen'ai pas obtenu de prêt-relais. »Comme lui, ils sont nombreuxau parc des Roselières à venirtravailler sur le chantier de leurmaison pendant leur tempslibre. « Le plus cher, c’est lamain-d’œuvre, alors comme jesuis bon bricoleur, je participe àla construction de la maison »,confirme, pelle à la main, Ab-delkader Bellaha, responsabled’un cabinet d’expert comp-table. « Les deux tiers des lotsréservés aux particuliers ont étévendus. Seuls les terrains lesplus grands n'ont pas trouvépreneur », estime Yann Jovelet,à la direction de l’aménagementet de l’équipement de la Ville.

Projet abandonné. En Al-sace, on a constaté au troisièmetrimestre 2008, par rapport à lamême période l'an dernier, unebaisse de 44% des permis deconstruire pour le collectif, etde seulement 9% pour l’habitatindividuel. Récemment, le pro-moteur SPCIA a dû abandonnerles 13 maisons de ville prévuessur le « domaine des vignes » àObernai. « Nous n’avons pasobtenu la pré-commercialisa-tion nécessaire, explique Jean-Jacques Ghigonetti, directeurdes ventes. C’était excentré etles coûts plus élevés queprévu. » A l'inverse, Kléber Im-

mobilier se félicite de la réus-site de ses projets à Obernai.« Tout est vendu », s'exclame lepatron. C’était en 2005-2006 : « On a eu la chance deles sortir au bon moment. »

Mises en vente retardées.En 2005 toujours, BouyguesImmobilier avait acquis un ter-rain au Mont national, sur leshauteurs de la ville, pour 3,2millions d’euros. Son projetavait remporté le concourslancé par la Ville : normesHQE, accessibilité pour leshandicapés, architecture inté-grée au paysage, etc. « Le pro-jet était trop en avance, estimeYann Jovelet. Il répondait auxnormes de 2010, mais pas auxattentes des clients qui vou-laient quelque chose de plusclassique. » Le promoteur a revu sa copie àla baisse à deux reprises, afin demieux s’adapter aux contraintesfinancières et techniques. « Onne lance pas tout de suite lacommercialisation, afin de fina-liser le projet, explique FlorenceHauvette-Schaetzle, responsablede l’agence strasbourgeoise deBouygues Immobilier. On at-tend également que le stockbaisse sur Obernai car il y a denombreuses opérations, commeles Roselières. » Le dernier pro-jet en date n’est toujours pas fi-nalisé. Les deux panneaux pu-blicitaires qui marquent l’entréedu site devraient rester viergesencore quelques mois.Entre les arbres et les hautesherbes, une grue s'active pour-tant en haut du coteau. Depuisdeux mois, une maison de plusde 600 m2 avec quatre étages etascenseur privé se construit.Dimitri Pierrat, du cabinet d'ar-chitecture en charge de laconstruction pour un particulierde la région, sourit : « Tout lemonde ne subit pas la crise. »

Julie BienvenuMathieu Galtier

Les bailleurs sociaux épargnésForts d’un financement stable, les organismes HLM alsaciens veulent profiter de la baisse des prix pour reprendre 1700 logements aux promoteurs.

ALORS que les promoteursimmobiliers font grise mine,les bailleurs sociaux sem-

blent moins touchés par la crise.Leur principal financeur n’estpas une banque commerciale,mais une institution stable : laCaisse des dépôts et consigna-tions. « La CDC centralise les

dépôts des livrets d'épargne quel'on transforme en prêts à longterme (parfois jusqu'à 50 ans)pour les bailleurs sociaux », ex-plique Antoine Bréhard, direc-teur régional de la CDC. Les or-ganismes HLM ne font doncqu'exceptionnellement appelaux banques pour lever des

fonds. CUS Habitat emprunteauprès de Dexia, du Crédit mu-tuel ou des Caisses d’épargnepour réparer des ascenseurs ouacheter des immeubles. « Maiscela se fait de manière très mar-ginale, précise-t-on à l'office. Eton emprunte surtout à tauxfixe. » lll

Révisé trois fois à la baisse, un projet immobilier n’a toujours pas trouvé preneur.

Ü Orga-nisme publicou privé, lebailleur so-cial a pourmission laconstruction,l'aménage-ment, l'attri-bution et lagestion du lo-gement social.

4e trim. 2007

Evolution des logements neufs mis en vente en Alsace

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500

1000

1500

2000

3e trim. 2007

1er trim. 2008

2e trim. 2008

3e trim. 2008

Bas-Rhin

Haut-Rhin

Source : DRE

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16 - JANVIER 2009 - n°95 - NEWS D’ILL

Ü PME :Petites etmoyennes en-treprises. EnFrance commeen Allemagne,il n'existe pasde définitionunique. La dé-finition del'Union euro-péenne fixe à250 le nombremaximum desalariés. L'in-dépendanceest un autrecritère desPME: elles nedoivent pasappartenir àun grandgroupe.

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En Forêt noire, jusqu’ici, l’artisanat va bien...Dotées d’un capital solide, beaucoup de PME misent sur l’innovation.

D’UN geste ample, ErnstSchleh montre l’atelier decharpentes qu’il a repris de

son père il y a vingt ans : « Monentreprise ? Elle va bien,merci ! Les commandes sontmême légèrement au-dessus dela moyenne cette année » ABaiersbronn, en pleine Forêtnoire, la crise lui semble bienlointaine. A quelques kilo-mètres de là, à Obertal, Chris-tian et Katja Bachhäubl feuillet-tent leur carnet de commandes :rempli pour les six mois à venir.Leur entreprise, Südwestsolar,spécialisée dans les installationssolaires et photovoltaïques, de-vrait encore voir son chiffred’affaires doubler en 2008.« C’est paradoxal, estimeChristian Bachhäubl. D’uncôté, l’Allemagne est entrée en

récession. De l’autre, les pre-miers trimestres ont été excep-tionnels en terme d’exportationet de chiffre d’affaires... Les pe-tites entreprises restent surcette bonne impression et semontrent satisfaites. »

Témoignages optimistes. Ala chambre des métiers deKarlsruhe, le paradoxe n’étonnepersonne : « L’artisanat est tou-jours touché avec un effet de re-tard. Les premiers impacts n’ar-riveront qu’en mars 2009, maisje ne crois pas à une vraie crise.Disons qu’on part d’un niveautrès élevé et qu’on va descendred’un cran », estime MathildeSchneider. Conseillère juri-dique, elle accompagne leschefs d’entreprises qui ont dé-veloppé des activités à l’étran-

ger ou qui envisagent de le faire.De ses rencontres avec les arti-sans des environs, elle recueillesurtout des témoignages opti-mistes : « Depuis 2005, on a eude très bonnes années pendantlesquelles les entreprises ontconsolidé leurs finances, si bienqu’aujourd'hui elles peuventfaire face à la crise bancaire. Enrevanche, celles qui n’y sont pasparvenues vont avoir très vitedes difficultés. Les banques re-fusent de leur prêter. »Le Bade-Wurtemberg compte460 000 petites et moyennesentreprises. Souvent familiales,elles sont dotées d’un capitalsolide et misent sur l’innova-tion. Selon Bernd Gierden, del’association professionnelledu bâtiment du Südbaden,même leur taille est un atout :« Les plus petites entreprisessont souvent plus flexibles etplus résistantes que celles quiont 200 salariés et beaucoup demachines. » De plus, les artisans du Bade-Wurtemberg exportent peu etne subissent pas la mauvaiseconjoncture internationale deplein fouet. Katja Bachhäublaimerait bien s’implanter enAlsace : « C’est le seul marchéqui vaudrait vraiment lecoup », explique-t-elle. Maiselle se heurte à un problème.Dans le BTP, les entreprises al-lemandes qui veulent exporteren France doivent souscrireune assurance supplémentairepour pouvoir garantir la qualitéde la construction. Pour cetteraison, beaucoup de petites en-treprises renoncent à tenter leurchance en Alsace.

Gaëlle Dietrich

Ces deux derniers mois, un électricienet un couvreur ont baissé les rideauxde leurs boutiques dans la région deColmar. Ils sont retournés dans leurpays d’origine : la Turquie. La cause ?La crise du BTP, qui atteint particuliè-rement les très petites entreprises. « Jeconnaissais très bien ces artisans, ex-plique Bora Yuksel, dirigeant d’unesociété de couvreur-zingueur. Onjouait dans la même équipe de foot. »L’entreprise de cet amateur du ballonrond, Oscar toiture, située à Inger-sheim, connaît également de fortesdifficultés. Les demandes de devissont passées d’une dizaine à deux parsemaine. Un seul chantier est inscriten décembre « mais cela ne représenteque deux semaines de travail. Depuisdeux mois, je me verse un salaire de

1000 euros environ ». 20 000 euros decrédit, une conjoncture morose, desjournées de travail éreintantes, etc. Os-kan Deniz, arrivé en France il y a dixans et associé de Bora Yuksel, n’estpas loin de rejoindre ses compatriotessur le chemin du retour : « Je connaisBora depuis dix ans. On travaillaitpour le même patron. On rêvait defonder notre société. Avec le recul, jeregrette cette décision. Surtout qu’enTurquie les constructions poussentcomme des champignons. Une partiede ma famille est dans l’immobilier,les affaires marchent bien. Mais si jeretourne là-bas un jour, c’est pourmonter ma propre boîte. » Pour ne pasvivre un éventuel retour comme unéchec.

Mathieu Galtier

Le spleen des immigrés

Les carnets de commande des artisans allemands ne désemplissent pas.

lll Une solvabilité qui a in-cité le gouvernement à lancercet automne l’opération« 30 000 logements ». Ce planpropose aux organismes HLMde racheter aux promoteurs im-mobiliers des projets dont lestravaux n’ont pas commencéfaute d’acquéreurs privés.L’objectif est de favoriser l’em-ploi dans le BTP, tout en per-mettant aux bailleurs sociauxde combler une partie du déficitstructurel de logements HLM.

Rachats de projets. En Al-sace, les organismes HLMsouhaitent reprendre 1700 lo-gements, selon l'Areal, l'Asso-ciation régionale des bailleurssociaux. Mais il ne s’agit paspour les organismes HLM derécupérer n’importe quel pro-jet des promoteurs immobi-liers : « Pour des logementsdans la CUS, on peut mettrejusqu'à 1950 euros au mètrecarré, à la campagne jusqu'à1700 euros », explique AlainRamdani, directeur de l'Areal.Jean-Jacques Ghigonetti, di-recteur des ventes du promo-teur SPCIA, lui, situe « le vraiprix » entre 2200 et 2500 eu-ros le mètre carré, en fonctiondu quartier.Deuxième impératif, le labelHPE (Haute performance éner-gétique) doit être respecté : leshabitations HLM doivent ré-pondre à des obligations entermes d’isolation, de chauf-fage... Enfin, troisième condi-tion, la localisation des futurslogements : « Les bailleurssouhaitent racheter des ter-rains sur le territoire de la CUSoù la demande est la plus forte.Or beaucoup de projets despromoteurs sont situés dansdes zones à faible attractivitépour de futurs locataires »,poursuit Alain Ramdani.Peu de propositions de promo-teurs répondent aux contraintesdes organismes HLM. Mis àpart 3F Alsace Immobilier, ennégociation pour racheter 600logements dans la région, laplupart des bailleurs sociauxd’Alsace n’ont pas manifestéd’enthousiasme. Mais ils espè-rent que les malheurs des pro-moteurs feront leur bonne for-tune : « Quand l'immobilierprivé va bien, les entreprisesde BTP ne répondent mêmepas à nos appels d'offre. Ellesse servent de nous commed'une variable d'ajustement. Ils'agit désormais de revenir àdes prix acceptables », espèreGabrielle Koch, directriced’Habitat de l’Ill. Ce sentiment est largement par-tagé au sein de la profession,qui prévoit une augmentationde la demande de logement so-cial, consécutive au resserre-ment des crédits bancaires.Marcel Diehl, directeur de 3FAlsace Immobilier, l’affirme :« Le logement social n'a jamaiseu autant d'avenir qu'aujour-d'hui. » Cela devrait encore ral-longer la liste d’attente des17 000 ménages souhaitant ac-céder au logement social sur leterritoire de la CUS.

Anne IlcinkasElsa Marnette

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NEWS D’ILL - n°95 - JANVIER 2009 - 17

Ü Intéri-maires : Ilssont souventutilisés par lesentreprisespour adapterleur produc-tion. Au troi-sième tri-mestre 2008,ils étaient3188 dans leBTP en Alsace.

Les collectivités françaises comptent leurs sous...

LES entreprises du BTP peu-vent-elles être maintenues àflot par les collectivités lo-

cales ? Mairies, départementset régions sont traditionnelle-ment de gros pourvoyeurs detravaux. Mais alors que le sec-teur de la construction fléchit,les donneurs d’ordre publicsaccusent eux aussi les contre-coups de la crise.Les droits de mutation, cestaxes perçues par lenotaire pour lecompte des collecti-vités lors de chaquevente immobilière,vont diminuer.« Pour 2009, nousperdrons de 5 à 8millions d’euros dedroits de mutation »,détaille de son côtéChristian Schmitt, di-recteur adjoint des fi-nances au Conseilgénéral du Haut-Rhin. Or cette taxereprésente un peumoins de 10% dubudget de la collecti-vité départementale.

De nouvelles charges. Ma-rie-Hélène Yoh-Recham, direc-trice des finances de la Commu-nauté de communes de l’IleNapoléon – où est implantéPSA – s’inquiète pour sa partd’un autre manque à gagner fis-cal : « S’il y a des licenciements,comme ça devrait être le caschez Peugeot, la taxe profes-sionnelle, qui est assise sur lenombre de salariés, va baisser. »Mais, au-delà de la diminutiondes rentrées d’impôts, les col-

lectivités craignent surtout unehausse des dépenses. « Lenombre de titulaires du Revenuminimum d’insertion et du re-venu de solidarité active, (quisera mis en place au 1er janvier2009) va augmenter, ce qui im-plique de nouvelles chargespour nous », note Alain Aba-die, attaché à la direction finan-cière du Conseil général duBas-Rhin. Le Conseil régional

va pour sa part accroître de3,5% son budget dédié à la re-conversion des salariés et àl’aide aux entreprises qui fontface à la crise. « Et ça peut en-core s’aggraver l’année pro-chaine », signale le directeurdes finances, Florian Ripert.

Crédits toxiques. La co-lonne des dépenses s’alourdiraaussi pour les collectivités quiont souscrit des crédits structu-rés. Les plus toxiques de cescrédits sont adossés à des taux

très variables. « Avec les fluc-tuations des bourses, on pas-sait d’un taux d’intérêt de3,5% à des taux de 5, 7 ou 10%en quelques jours ! », raconteMarc Ensminger, directeur fi-nancier de la Communauté decommunes de Sélestat. Consé-quence : 100 000 euros d’inté-rêts en plus pour la Commu-nauté de communes deSélestat, 110 000 euros pour la

Ville de Saverne,dont le budget def o n c t i o n n e m e n ts’élève à 13 millionsd’euros.Les relations entreles banques et leursemprunteurs ne sontpas au beau fixe.« Les établissementsbancaires nous pro-posent des taux decrédits inaccep-tables », certifie undirecteur financier.« Les taux ont aug-menté de plus de 1%depuis l’andernier », assure ledirecteur des fi-

nances de la mairie de Saint-Louis (Haut-Rhin). Ce manqued’argent frais pourraitconduire la mairie de Stras-bourg à retarder certains tra-vaux. A Horbourg-Wihr, prèsde Colmar, « nous avons réha-bilité un centre de pompiers aulieu d’en construire un nou-veau, précise le directeur géné-ral des services, RaymondMeyer. Cela nous a permisd’économiser 500 à 600 000euros. »

Christophe Zoïa

...les villes allemandes chiffrent leurs pertes

DANS le Bade-Wurtemberg,les communes jouent enbourse. Conséquence di-

recte, plusieurs d’entre ellesont été touchées par la crise fi-nancière venue des Etats-Unis.Certaines villes comme Fri-bourg, Mannheim et Karlsruheavaient placé une partie de leurargent auprès de la filiale alle-mande de Lehman Brothers.Fribourg y avait investi 47 mil-lions d’euros. Ils devraient êtrerestitués par le fonds public degarantie de dépôt, « mais on nesait toujours pas quand on re-cevra l’argent – c’est unesomme importante qui manqueactuellement dans notre bud-get », déplore Edith Lamers-dorf, l’attachée de presse de lamairie de Fribourg.Les « crossboarder leasing »constituent l’autre champ d’ac-tivité financière des municipa-lités à l’étranger. Certainesvilles, comme Stuttgart, Mann-

heim et Ludwigsburg, ont cédépour une durée de 99 ans lesdroits de propriété de leurs ré-seaux d’eau ou leurs stationsd’épuration à des banquesaméricaines, devenant alors leslocataires de leurs propres in-frastructures.

Hausse de l’eau. Depuis lacrise boursière, les établisse-ments bancaires américainsimposent une révision de cescontrats. A titre d’exemple,cette restructuration va coûter23 millions d’euros à l’associa-tion de droit public des eaux duBade-Wurtemberg qui re-groupe 250 communes. Le prixde l’eau devrait augmenter de4,4% en 2009 dans les com-munes membres.Les communes devraient aussiêtre lourdement handicapéespar une forte baisse de la taxeprofessionnelle (TP). En Alle-magne, cette taxe est basée sur

les bénéfices des entreprises etreprésente une source de finan-cement essentielle pour lescommunes.« Deux tiers de notre TP vientdes banques et de l’industried’automobile », deux secteursparticulièrement touchés, ex-plique Volker Schaible, tréso-rier de Stuttgart, où la baissepourra représenter 200 à 300millions d’euros dans le budget2009.A Ludwigsburg, à 12 km de lacapitale du Bade-Wurtemberg,plusieurs grandes entreprisesont déjà demandé à recalculerle montant de leurs versementsen raison d’une baisse attenduede leur chiffre d’affaires, af-firme Harald Kistler, trésorierde la Ville. « Au printemps,quand les entreprises y verrontplus clair, on décidera du ca-lendrier et des priorités de nosinvestissements. »

Imke Plesch

Intérimairesgalère

SUR sa moto, Kevin remontela rue du Faubourg-de-Pierre à Strasbourg, s’arrê-

tant devant chaque vitrined’agence d’intérim, à la re-cherche d’une mission dans leBTP. « La semaine dernièrej’étais sur un chantier, je posaisdes câbles électriques. L’entre-prise m’avait promis du travailpour plusieurs semaines. Aubout d’une seule, on m’a ditque c’était fini. Dans lesagences c’est le même dis-cours : “C’est la crise dans lebâtiment, on vous appelleramais n’y croyez pas trop”. »Mickaël, 19 ans à peine, tientlui aussi un discours blasé :« Dans le bâtiment, mainte-nant, il faut être qualifié, sinontu n’as rien. J’en suis à maquatrième agence : les seulespropositions, c’est pour êtregrutier. Mais pour ça, il faut undiplôme. » Sans qualification,les intérimaires frappent à laporte de la dizaine d’agencesd’intérim le long de la rue :« Manutention, boulangerie,tapisserie, préparateur de com-mandes, etc. Je prends toutmais il n’y a rien nulle part,lance Bekaï, pressé de tenter sachance chez le concurrent, unepochette de CV à la main. Monprofil ne les intéresse pas : pasassez qualifié. »Même ton amer chez les res-ponsables du travail temporairede la région. Ils chiffrent de 30à 40% leur perte de chiffred’affaires dans le BTP depuis larentrée. « Nos intérimaires re-présentent un quart de la massesalariale des entreprises dugros œuvre, précise Lionel Le-chat, le responsable de l’agenceVediorBis à Mulhouse. Cesdernières s’en débarrassent dèsqu’il y a un ralentissement. »Son concurrent strasbourgeoisde Crit Intérim, Pierre Katz, ré-sume l’état du marché : « C’estl’encéphalogramme plat : lesseules offres disponibles sontdes missions ponctuelles d’unou deux jours. » Les agenceslocales se montrent un peumoins résignées. « Nos clientssont surtout des entreprises desecond œuvre qui offrent dutravail, détaille Guy Honecker,d’Europact Intérim à Hague-nau. Car la rénovation n’estpas encore sinistrée. »Outre-Rhin, le travail intéri-maire dans le BTP est interditdepuis 1982. Pourtant, nom-breuses sont les agences fran-çaises à proposer des missionsen Allemagne : « Les autoritésautorisent cette petite entorseau droit », confie Markus Bic-kar, responsable du secteur al-lemand pour Crit Intérim. Detoute façon, le marché du Bade-Wurtemberg n’est pas au mieuxlui non plus.

Mathieu Galtier

Leur précaritécontractuelle en fait les premiers touchés.

Le crédit est plus cher, les dépenses augmentent, les rentrées fiscales sont réduites.

A Horbourg-Wihr, 600 000 euros économisés avec uneréhabilitation de la caserne plutôt qu’une construction.

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Jeu en bourse, «crossboarder leasing»... Les communes du Bade-Wurtembergsont handicapées par leurs choix stratégiques et financiers.

Ü Taxeprofession-nelle : EnFrance, elle estcalculée sur lavaleur locativedes im-meubles pos-sédés par uneentreprise surle territoired'une collecti-vité. Elle in-tègre aussi lavaleur desautres immo-bilisationscorporelles(ordinateurs,machines...)et le nombrede salariés. EnAllemagne,elle est direc-tement liéeaux bénéficesenregistrés parles entreprises,et donc à laconjonctureéconomique.Depuis cetteannée, lemontant d'im-position debase corres-pond à 3,5%du bénéficenet réalisé parles entreprises.

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WEBERHAUS, lea-der allemand del’éco-habitat, et ses870 employés s’at-tendent à ressentir larécession en 2009.

Mais Hardy Rose, cadre com-mercial, reste confiant : « L’in-vestissement est plus importantque pour une construction clas-sique, admet Hardy Rose, maisles gens savent que les facturesd´électricité et de chauffage se-ront moins élevées, et qu’aprèsquelques années, ils rentrerontdans leurs frais. » La haussedu prix du pétrole, de 2004 àjuillet 2008, a laissé des traces,et l'intérêt pour l’éco-habitat,malgré un surcoût estimé de 5 à15%, grandit.

Français peu sensibles.L’entreprise prend en charge l’en-semble de la maison, de saconception à sa fabrication. Fin2008, elle aura livré 625 mai-sons « clé en main ». 20 à 25%de sa production est exportéeen Europe. En revanche, mêmesi son siège est à une vingtainede kilomètres de Strasbourg etqu’une antenne est installée àEckbolsheim, elle compte trèspeu de clients alsaciens. « LesFrançais sont encore peu sen-sibles aux questions écolo-giques, regrette Hardy Rose.Alors que pour certains Alle-mands, économiser l’énergieest tellement important qu’ilsfinissent presque par

construire leur mai-son en fonction du chauffageplutôt que l’inverse. »« Le marché du solaire devraitdoubler dans les deux ans quiviennent », calcule ChristaMohr, qui dirige une entreprised’installation de panneaux so-laires à Fribourg. La Ville vientde débloquer 1,35 million d’eu-ros pour transformer deuxécoles et un gymnase en « bâti-ments passifs ». En France, François Liermann,consultant Qualité environne-mentale du bâtiment pour laCommunauté urbaine de Stras-bourg, affirme que la construc-tion verte « n’est ancrée nidans la demande ni dansl'offre ». Pourtant, il estime quedans 30 à 40 ans, quand le prixde l’énergie aura doublé, lesbâtiments classiques « vau-dront deux fois moins ». Christophe Moschberger estanimateur du réseau durableCluster Alsace Energivie, créépour développer la filière du-

ans et une TVA réduite sur lesmatériaux écologiques. PourPhilippe Klein, président del'Union des architectes du Bas-Rhin et de l'Union régionaledes syndicats d'architectes, sespécialiser dans la constructionenvironnementale « est une desmeilleures façons de sortir dela crise », car au vu du déve-loppement futur de la filière,« le besoin n’est pas satisfait. »Et de résumer : « C'est un pa-radoxe de la crise. Tout lemonde dit qu'il faut réduire lesbudgets, mais sur le longterme, le développement du-rable, plus coûteux, est plusperformant ».

Une expansion freinée. Sil’avenir appartient auxconstructions écologiques, leprésent est plus mitigé. ChezBio espace construction, entre-prise alsacienne spécialiséedans « l'habitat biologique »,les appels de clients intéresséspar la démarche écologique nediminuent pas. Cependant,« les banques bloquent les em-prunts, certains clients n'arri-vent pas à revendre leur pro-priété », explique RémiFlorian, pionnier de l’éco-habi-tat alsacien, qui dirige la so-ciété depuis trente ans. L’en-treprise FNO construction,convertie depuis trois ans à labasse consommation, fait lemême constat. Face à la diffi-culté d’obtenir un prêt impor-tant, les clients se tournent versla rénovation. « C'est plus fa-cile d'obtenir un prêt pour20 000 euros », observeGuillaume Scheffler, techni-cien chiffreur.

Gaëlle Dietrich Anne-Sophie Legge

Adrien Potocnjak-Vaillant

rable alsa-cienne. Selon lui,

entre le « keynésia-nisme vert » annoncé par Jean-Louis Borloo, la systématisa-tion de la construction basseconsommation à partir de 2012et la proximité de l’Allemagne,« tout indique que le secteur vadémarrer de manière fulgu-rante » en Alsace. D’autantque les mesures du Grenelle del’environnement vont renforcerla tendance. Le secteur du bâti-ment, responsable d’un quartdes émissions de CO2 et de40% de la consommationd’énergie, a été particulière-ment ciblé. Financé à hauteurde 300 millions d’euros parl’Etat, un « éco-prêt », négociépour février, permettra l’em-prunt à taux zéro de 30 000 eu-ros, sans conditions, pour cou-vrir le coût d’une rénovation oude la mise aux norme basseconsommation. Autres mesures prévues, uneexonération d'impôt sur sept

Le vert bientôt mûr

Concurrence féroce entre les scieries rhénanesBaisse de la demande mondiale et spéculation coupent les bras des bûcherons réduits au marché européen.

L’éco-habitat, perçu comme une valeur refuge,semble légèrement épargné.

LE plus dur est devantnous. » De son bureau quiconserve les images de l’en-

treprise familiale lancée en1942, René Maechler s’efforcede jauger l’impact de la crise.« Le 15 octobre, il y a eu unecassure. Comme si c’était lescongés » , se souvient-il. RenéMaechler connaît pourtant sonaffaire. Président des scieursd’Alsace et vice-président de laFédération nationale du bois etde l’organisation européennedes scieries, il emploie unetrentaine de personnes à Souf-flenheim, dans le Bas-Rhin :« J‘ai déjà vécu des crises,mais elles étaient locales. Çan’allait pas trop en Francemais ça marchait bien en Alle-magne. Mais une crise de cetteampleur, jamais. » La filièrebois fait vivre 20 000 per-sonnes en Alsace. Et les scie-ries régionales, qui emploient2000 salariés, ont connu unechute d’activité de 10 à 15%depuis quelques mois. Même sicelles qui travaillent les rési-neux utilisés, notamment pourle gros œuvre, ont pu être tou-chées plus tôt. Un choc qui ne

s’arrête pas à la frontière. L’in-dustrie du bois, qui concerneune personne sur quatre dans laForêt noire « est gravementtouchée, reconnaît Günther Hu-ber, PDG d’une scierie de 40salariés à Oppenau. Le secteurne s’en remettra pas avantdeux ans ».

« Nous nous entretuons. »René Maechler raconte « lacrise des subprimes » qui aconduit à « la baisse de la de-mande aux Etats-Unis ». Il re-vient sur « la stratégie » desgrandes scieries allemandes,(qui y exportaient 80% de leurproduction) de se rabattre sur lemarché européen. Il évoqueaussi ces « entreprises chinoisesqui vendaient leur parquetoutre-Atlantique » et font demême. Conséquence, uneconcurrence féroce pour les fa-bricants de parquet et lesgrandes scieries, dont deux sontbasées en Alsace. « Nous nousentretuons », reconnaît GûntherHuber. Autre difficulté, le prixdu bois vendu aux scieries parles collectivités du Bade-Wur-temberg (qui possèdent 63% des

espaces forestiers) est plus élevéque dans le reste du pays. « Lesscieries allemandes réduisentleurs capacités », constate RenéMaechler. C’est le cas de KarlStreit, à Hausach dans l’Orte-nau. Sa production a plongé deplus de 10% en 2008 et il s’estdéjà séparé de 20 de ses 95 sala-riés.Composé en majorité de petiteset moyennes d’entreprises, lesecteur des scieries alsacienneséchappe pour l’instant à cescoupes claires. Mais les socié-tés souffrent de la baisse de lademande intérieure.

Diversifier l’offre. Lecontexte actuel se traduit par legel des mises en chantier. C’estle solde à payer, aussi, aprèsdeux ans de spéculation, consé-quence de la flambée des ma-tières premières. « En 2007 etjusqu’au printemps 2008, négo-ciants, grande distribution, fa-bricants de parquet et profes-sionnels ont fortementaugmenté leurs stocks antici-pant un boom des prix, expliqueRené Maechler. Du coup, iIsont réduit leurs achats de bois

scié ne conservant qu’un stocklimité qu’ils alimentent aucompte-goutte ». A la baisse descommandes dues au ralentisse-ment de la construction s’ajouteune autre baisse due aux effetsde la spéculation.Pour rebondir, René Maechlerlorgne désormais sur l’essor del’habitat écologique et sur lesmarchés de niche (des com-mandes sur mesure pour lesparticuliers et les distribu-teurs). Ces « moutons à cinqpattes » comme il les appelle,que les professionnels délais-saient il y a encore peu. Unediversification vers laquelles’orientent aussi les entrepre-neurs allemands, non sans uneréelle angoisse. « En près de140 ans d’existence, nousavons traversé deux guerres etla crise de 1929, confie KlausHenne, PDG de la scierie KarlStreit. J’espère que nous survi-vrons à celle de 2009. » Dansplusieurs scieries de l’Ortenau,les fêtes de Noël organiséespar les entreprises ont été an-nulées.

Florent GodardImke Plesch

ÜGrenellede l'environ-nement : Lesdébats organi-sés en octobre2007 sur lethème du dé-veloppementdurable ontdébouché surune premièreloi d’orienta-tion, adoptéele 21 octobre2008. En fé-vrier 2009, leParlement dis-cutera d’undeuxièmetexte, destinéà étendre lebonus-malusécologique,taxer les poidslourds et en-courager laconstructionverte.

ÜLogementbasseconsomma-tion :Il consommemoins de 50kWh/m2/an. En2012, ce serala norme. La« maison pas-sive » produitau moins au-tant d’énergiequ’elle n’enconsomme.

ÜCiblesHQE : Mesuresindicatives vi-sant à dimnuerles impacts en-vironnemen-taux de laconstruction :consommationénergétique,orientation dubâtiment, in-sertion paysa-gère, consom-mation d'eauou qualité del'air intérieur.

Rémi Florian,fondateur de

l’entreprise alsacienneBio espace

construction, devantune « maisonbiologique »

à Vendenheim.

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NEWS D’ILL - n°95 - JANVIER 2009 - 19

UNE dizaine de personnes sepresse aux comptoirs despetits boxes en verre

opaque du Crédit municipal deStrasbourg cet après-midi dedécembre. Depuis juin dernier,le seul mont-de-piété d'Alsacene désemplit pas. L'établisse-ment, qui propose aux particu-liers un prêt en échange d'ob-jets en tout genre, a vu sa

Ü Particularitérégionale, en Al-sace et en Mo-selle, un individupeut déclarer safaillite civile.Une dispositionhéritée du droitallemand quipermet au tribu-nal d’annuler ladette d’une per-sonne. Cetteprocédure quiévite de passerpar la commis-sion de suren-dettement de laBanque deFrance concerneenviron un mil-lier de per-sonnes par an.

Ü Surendet-tementSituation où ledébiteur est ma-nifestementdans l'impossibi-lité de faire faceà l'ensemble deses dettes nonprofessionnelles.

Surexposés au surendettementLoyers plus chers, travail précaire : les difficultés financières des particuliers vont se multiplier.

CRÉDITER son comptede plusieurs milliersd’euros en quelquesclics ou à l’aide d’unesimple signature dansune grande surface,

rien n’est plus simple. Ces cré-dits à la consommation, dontles taux dépassent parfois 18%,sont la cause principale du sur-endettement. Ils touchent 90%des familles dont s’occupe Cre-sus Alsace, la chambre régio-nale du surendettement dans larégion. Eric Sander, son prési-dent, estime que « les situa-tions d’impasse financière vontsuivre la courbe du chômage etexploser ».Brahim, 35 ans, a fait appel àl’association. Il vient juste deperdre son emploi de plongeurdans un bar. Il est empêtré dansdes crédits depuis 2005. « J’aimême emprunté pour me lan-cer dans l’astrologie, raconte-t-il. Mais ça n’a pas marché. »Son ardoise s’élève aujour-d’hui à 10 000 euros, auprès dedifférents organismes de crédit.Aidé par Cresus, il cherche àétaler son remboursement, endemandant un moratoire à laBanque de France.En privé, les banquiers esti-ment aujourd’hui que la criseaura au moins eu un impactpositif. « On laissait les genss’endetter beaucoup trop, té-moigne un chargé d’affairesd’une banque strasbourgeoise.Aujourd’hui, on respecte des

principes qu’on avait perdusde vue. » Les banquiers pren-nent systématiquement encompte le « reste à vivre »,après déduction du rembour-sement. Un credo facile à res-pecter ? Pas sûr. « Le pro-blème, c’est que le banquierne peut pas voir les différentscrédits contractés auprès desmagasins, s’agace Eric San-der. Ça fait longtemps qu’onse bat pour créer un “fichierpositif” : un répertoire natio-nal des crédits aux particu-liers, où les prêts à la consom-mation seraient recensés. »

Nouveaux précaires. Chris-tian Fassnacht, assistantconcierge dans une école, a faitles frais de ces crédits facilesd’accès. Après son divorce en2004, il a voulu se lancer dansla revente de voitures d’occa-sion, entraîné par un voisin sur-endetté qui avait besoin de luipour emprunter de l’argent.« J’étais fragile psychologique-ment, raconte-t-il. J’ai multipliéles crédits à la consommation,jusqu’à 17 000 euros. » Aujour-d’hui dans l’impasse, il n’a ja-mais vu le début d’un rembour-sement et regrette d’avoir faitconfiance à un homme qu’il neconnaissait pas.La crise a aussi fait apparaîtreune nouvelle forme de suren-dettement, les propriétairesprécaires. « Des demandes re-latives aux crédits immobliers

sont apparues il y a deux mois,constate Marie-Capucine Vin-cent, juriste à Cresus. Le plussouvent, ce sont des crédits àtaux variables, et des proprié-taires qui ont vu le montant deleurs mensualités bondir. »Les locataires ne sont pas épar-gnés par la crise. Selon AlainRamdani, directeur de l’Areal,l’association régionale des or-ganismes HLM, la part des im-payés dans les loyers perçus« est passée de 1,5% à 2,5% enun an ». L’inquiétude est parta-gée par plusieurs bailleurs so-ciaux. Chez CUS Habitat etHabitat de Haute-Alsace, leproblème est déjà perceptible

Le mont-de-piété : distribanque d’urgence« Sûr et sans délai » : le Crédit municipal connaîtune hausse de 14% de la fréquentation.

fréquentation et les montantsalloués aux clients augmenterde près de 14% par rapport àl'année précédente.Davantage de jeunes et de per-sonnes âgées : c'est la tendancequ'observe depuis six mois Pe-lagie Muller, directrice par in-térim du Crédit municipal deStrasbourg. « Les mois de sep-tembre à décembre sont lll

depuis un an. « Lorsque j’ai dûchoisir entre payer mon loyeret nourrir mes enfants, j’aichoisi mes enfants », témoigneJeannine à l’occasion d’une ré-union d’information organiséepar Cresus Alsace. « La paupérisation des famillesest visible », estime CatherineGeng, responsable logement àla Confédération syndicale desfamilles - CSF -, qui voitd’ailleurs arriver de plus enplus de gens dans son local duquartier de l’Ill : dix par jourl’an dernier, plus d’une quin-zaine depuis le début de 2008.

Olivier DevosAmaury Prieur

Le crédit municipal propose des solutions pour les exclus bancaires.

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20 - JANVIER 2009 - n°95 - NEWS D’ILL

Les dons qui chutentLes associations peinent à satisfaire les demandes.

QUAND Liliane Huder, pré-sidente de la fédérationd'Alsace du Secours popu-

laire, a reçu la lettre de Ray-mond*, elle a, dit-elle, été« émue aux larmes ». Cet im-portant donateur de 84 ans te-nait à s’excuser. Par crainte defins de mois difficiles à boucleren 2009, il sera moins généreuxcette année.« Pour la campagne de sep-tembre-octobre, on a observéune diminution des dons de30 % par rapport à la même pé-riode en 2007 », constate Li-liane Huder. En poste depuishuit ans, elle juge cette situationinédite. Au Secours catholique(Caritas), où la moitié du bud-get provient des dons, le tasse-ment, pas encore chiffré,semble plus léger. Raoul Gill-mann, responsable de Caritas enAlsace, souligne que « quandon sent que les temps vont êtredurs, on privilégie la solidaritéfamiliale avant de faire desdons hors de ce cercle ».Baisse des ressources et... aug-mentation de la demande. AuSecours populaire, Liliane Hu-der estime que le nombre de

personnes reçues chaque jourest passé d'une vingtaine en oc-tobre-novembre 2007 à unetrentaine pour la même périodeen 2008. Au service « bébés »des Restos du cœur, Géraldine,bénévole, fait le mêmeconstat : « Une augmentationde 20% par rapport à l’anpassé. Depuis quelques mois,beaucoup plus de mamans fontappel à nous pour récupérerdes couches, du lait, des vête-ments et de la nourriture pourleurs enfants. »

Nouveau public. Déléguégénéral de la Banque alimen-taire du Bas-Rhin depuis 2001,Alain Blumenroeder confirme :« Sur le plan national, on noteune augmentation de 10%.Dans le Bas-Rhin, des ménagesqui ne venaient qu'une seulefois par mois passent mainte-nant jusqu'à trois fois. » Il ar-rive parfois que les associationsn'aient pas les moyens d'aidertout le monde, comme à l'an-tenne mulhousienne de Caritas.Il y a quelques semaines, celle-ci a dû refuser 22 personnesdans la même journée.

Si les familles monoparentaleset les personnes en marge de lasociété (demandeurs d'asile,chômeurs...) restent le « cœurde cible » des associations cari-tatives, la crise actuelle fait ap-paraître un nouveau public.« Beaucoup de personnes âgéesfont appel à nous, notammentpour de l'aide alimentaire, carleur retraite ne leur permet plusde payer les charges », expliqueRaoul Gillmann.

Iceberg. « On voit aussi venirdes travailleurs ayant une situa-tion stable mais qui restentpauvres (caissières, femmes deménage...). Malgré leur emploi,ces personnes ont des retards deloyers et du mal à se nourrir demanière équilibrée », ajoute Li-liane Huder. Pour tous, la situa-tion actuelle s’apparente à un ice-berg. « C'est en mars 2009 qu’onverra à quel point les gens sonttouchés et qu’on pourra faire lebilan », prévoit Raoul Gillmann.Encore plus inquiétant : les as-sociations voient revenir verselles des personnes qui ont eubesoin de leurs services, puisavaient fini par s'en sortir entrouvant un emploi. La crise lesa de nouveau plongées dansune situation de précarité.

Julien Fournier*prénom modifié

Le trompe-l’œil du discount Les Français franchissent toujours le Rhin malgré la réduction des écarts de prix.

UN kilo de pâtes à moins decinquante centimes et unetablette de chocolat pour le

même prix. Au Lidl de Colmar,rue du Ladhof, de grandes pan-cartes jaune et orange fluo an-noncent des prix cassés. Syl-vain, 52 ans, et sa femmedéambulent dans les allées,comparant les marques, produitaprès produit, un samedi après-midi de novembre. « Ça faitcinq ans que l'on fait noscourses ici une fois par se-maine, raconte ce magasinier deColmar. De temps en temps, onva au Lidl à Breisach en Alle-magne. C'est encore moins cheret on trouve la même qualité. »Moins cher ? Pas si sûr. D'aprèsune étude de l'institut Euro-

info-conso menée de juin à dé-cembre 2008, la différence deprix sur l'alimentation entre lesdeux pays s'est estompée.« L'année dernière, 65% desproduits du panier de la ména-gère coûtaient moins en Alle-magne, explique Martine Méri-geau, directrice de l'organismede consommateurs. Aujour-d'hui, la situation a changé : lelait, les pâtes ou le riz sont pluschers outre-Rhin. »

Inflation.Aux yeux de PeterHauk, ministre de la Consom-mation du Bade-Wurtemberg,la réduction des écarts pro-vient de l'inflation. « Les pro-duits alimentaires sont soumisà une rude concurrence en Al-

lemagne, explique-t-il. Commeles marges sont limitées, lahausse des prix en 2007 a étéimmédiatement répercutée. Unimpact qui n'a pas eu la mêmeampleur en France. »Pourtant, sur le parking du Lidlde l'autre côté de la frontière,près de la moitié de la centainede voitures en stationnementporte des plaques immatricu-lées 68. « Je ne fais mescourses qu'en Allemagne, ex-plique Sabine, 56 ans, en rem-plissant son coffre. Je vois sur-tout la différence sur lechocolat et sur les produits debeauté : le maquillage et lessoins du visage peuvent êtrequasiment à moitié prix parrapport à la grande distribu-tion française. »

Compétitivité. Un constatqui rejoint les observations deMartine Mérigeau : « Unebombe de laque de marquefrançaise est vendue plus de8 euros en France contre3,50 euros de l'autre côté duRhin. » Mais pourquoi ?Pour Jean-Claude Fournet, di-recteur du Auchan d'Illkirch, laloi Chatel permettra bientôt dedevenir plus compétitif dans cesecteur. « Pour l’instant, lesfournisseurs imposent leurs prixaux distributeurs, déclare-t-il.Bientôt nous pourrons, commenos homologues allemands, né-gocier et faire baisser les prix.C'est à ce moment-là que laguerre entre magasins fronta-liers va vraiment commencer. »

Julien FournierSophie Lebrun

lll souvent une périoded'affluence mais là, il y a foule,confie-t-elle. Les exclus ban-caires ont toujours fait partiedu cœur de cible de notre clien-tèle. Mais de plus en plus depersonnes qui travaillent ontrecours à nos services parcequ'elles ne s'en sortent pas. »Martin, 43 ans, est employé. Ilavait besoin de « cash » rapide-ment. Après avoir longtempshésité face aux nombreusesoffres de crédit, il a frappé à laporte de cet établissement ban-caire public où le prêt moyens’élève à 430 euros, sur recom-mandation d’un ami. « J'aiamené quelques babioles, un ta-bleau, raconte-t-il à la sortie desa première visite. C'est vrai-ment intéressant. Pour un inté-rêt de 1% pour les six premiersmois, ils gardent mes affaires etje peux les récupérer quand jeveux. » Contrairement à d'autresqui préfèrent étaler le rembour-sement, il a choisi de payer enune seule fois.Le Crédit municipal n'est plusseulement l'endroit où l'on metau clou la montre de grand-papa pour payer les réparationsde la voiture. Les clients yvoient un établissement deconfiance qui permet d'obtenirdes liquidités sans risque.

39 000 biens. Leïla vient de-puis quelques années, quandelle a besoin d'argent. « C'estsûr et sans délai, déclare cettejeune intérimaire de 30 ans.J'amène des bijoux, c'est toutce que je possède ayant de lavaleur. Je les laisse au moinssix mois. » Ces derniers temps,elle avoue être venue plus sou-vent : « La fin de l'année esttoujours difficile, mais celle-cil'est encore plus. »En décembre, le coffre contenaitquelque 39 000 biens contre36 000 l'an dernier à la mêmeépoque. Une augmentation quis'est accompagnée d'une diversi-fication croissante : verres decristal, napoléons, bijoux maisaussi tabernacles, fauteuils, ta-bleaux ou encore poupées et ins-truments de musique. « Unejeune étudiante amène sa gui-tare à la fin de chaque mois de-puis le début de l'année scolaire,raconte Pelagie Muller. Et ellerevient la chercher quelquesjours après, une fois qu'elle abouclé son budget. »

Enchères. La hausse de fré-quentation se ressent aussi dansles ventes aux enchères. Contrai-rement aux autres établissementsde France qui délèguent ce ser-vice, le Crédit municipal deStrasbourg propose la mise envente directe des objets. Le clientspécifie qu'il ne veut pas le récu-pérer et au bout de trois mois, lebien est inscrit pour la prochainevente aux enchères. « Cela luilaisse le temps de changer d'avis,explique Pelagie Muller. Maisdepuis cet été, on a du mal à toutvendre dans les délais. » Ce quientraîne un retard dans l'écoule-ment des stocks, même si lesventes ne concernent que 5% desbiens qui transitent par le coffredu Crédit municipal.

Sophie Lebrun

Ü Depuis lafin 2007, lesTVA deFrance etd'Allemagneconvergent. Lamajorité desproduits ali-mentaires esttaxée à hau-teur de 5,5%dans l'hexa-gone, contre7% outre-Rhin. Le cho-colat reste àce niveau enAllemagnemais est assu-jetti à unetaxe de19,60% enFrance. La TVAdes boissonsalcoolisées estde 19% et19,60%, toutcomme lesproduits d'en-tretien, d'hy-giène, de par-fumerie ainsique les jouetset l'electromé-nager.

Peter Hauk, Martine Mérigeau et Jean-Louis Hoerlé (président de la Chambre decommerce et de l’industrie) présentent l’étude de consommation d’Euro-Info-Conso.

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Bon marché Du producteur au consommateur, les légumes de proximitégagnent du terrain.

LES vertus de l’économie so-ciale et solidaire se révèle-raient-elles en période de

crise ? Réaction face aux excèsdes intermédiaires de la« chaîne alimentaire », volontéde revenir à des modes deconsommation plus durables, oudésir de soutenir les producteurslocaux déprimés par la chutedes cours, les Associations pourle maintien de l’agriculture pay-sanne (Amap) commencent às’affranchir de la niche réservéeà une poignée de militants.« Plus de 1000 personnes en bé-néficient, estime Djémal Abbas,trésorier et membre fondateurd’Amap Alsace. Et l’offre nesuit pas la demande. »Au 66 avenue des Vosges àStrasbourg, les consommateurslocaux viennent chaque jeudis’approvisionner en légumesdans leur relais de distribution.Ici on ne paie pas, tout est déjàréglé d’avance au producteur.Lui reçoit l’assurance d’un fi-nancement pour la saison à ve-nir et le consommateur paye auprix « juste » des produits quirespectent une charte environ-nementale, voire des produitslabellisés bio. « Quand on tra-

vaille avec la grande distribu-tion, on vit un peu au jour lejour, explique Raphaël Gas-ser. On ne sait pas quellequantité de marchandises onva pouvoir commercialiser eton n’a aucune idée du prixd’achat. On ne peut rien pla-nifier... » Ce jeune chef d’ex-ploitation, installé à Wolsch-willer distribue ses légumessur le parking du stade defootball de l’Ill à Mulhouse.Pour Raphaël, qui énumère lesbénéfices du passage à lavente alternative, il y a eu « unavant et un après » : « Avant,si l’on ramenait mon salaireau taux horaire, j’étais loin detoucher le Smic. On étaitstressés, toujours obligés depousser les gens pour avoirune certaine rentablilité. Ilfallait constamment y aller àfond pour joindre les deuxbouts. Depuis quelques mois,on a allégé le travail des sala-riés. Aujourd’hui, on peut tra-vailler normalement. » C’est l’avantage de l’Amap :avec l’argent économisé par lasuppression des intermé-diaires, il est plus facile de fi-nancer une production bio ou

respectueuse de l’environne-ment (moins productive et quinécessite plus de main-d’œuvre)et augmenter les salaires desemployés. L’achat de produitslocaux contribue également àréduire les émissions de CO2liées au transport de marchan-dises. Les consommateurs, eux,qui viennent récupérer leur pa-nier dans les relais de distribu-tion, redécouvrent des légumes.« Il y en a même que nous neconnaissions pas: le rutabagapar exemple », s’amuse Lau-rent, à Mulhouse. « Ça nousoblige à consommer des lé-gumes et à ouvrir des livres decuisine, confient Murielle et sonmari, et c’est aussi un meilleurrapport qualité-prix.»

Forte progression. La for-mule Amap connaît aujourd’huiune forte expansion. De palettede produits : légumes, fruits,fromages, viandes de porc etd’agneau, même des truites. Derelais d’approvisionnement :leur nombre a doublé en un andans le Bas-Rhin pour atteindrela quinzaine. Introuvable l’anpassé dans le sud Alsace, la fi-lière nourrit désormais près de400 familles. À tel point que lademande dépasse l’offre.Trois nouvelles structures de-vraient ouvrir d’ici avril àSoultz, Ungersheim et Gueb-willer. À Strasbourg, l’Amapdes Vosges affiche aujourd’huicomplet. Implanté depuis seule-ment quelques mois à Mul-house, Raphaël Gasser a déjàune liste d’attente d’une tren-taine de personnes. « Si onavait assez d’agriculteurs, ondoublerait le nombre de relaisen deux mois », estime DjémalAbbas.Au delà des Amap, le principe del’achat direct séduit des paysanslassés de voir leur productionvendue souvent à perte. « Lesgens veulent de la proximité, lespaniers et les ventes chez le pro-ducteur se développent, assureDenis Digel, président de la sec-tion fruits et légumes de la FD-SEA du Bas-Rhin. La fréquenta-tion est en hausse de près de30% dans le magasin de mon ex-ploitation. »

Transformation difficile.Comment expliquer, alors, lapénurie de paysans ? « Il estparfois difficile quand on estspécialisé dans la céréale d’ac-compagner sa culture de plu-sieurs légumes, analyse Chris-tine Schaub, conseillèrespécialisée en agriculture biolo-gique à la Chambre d’agricul-ture du Bas-Rhin. Cela requiertdes investissements en matérielpour la récolte, la plantation, lestockage. »Une mutation qui prend dutemps. « Il faut faire connaîtrele principe, trouver des lieux dedistribution, toute une organi-sation pour s’associer àd’autres producteurs », détailleRaphaël Gasser. Pas simple.Lui a mis six mois à transfor-mer son exploitation pour ré-pondre aux besoins des Amap.Aujourd’hui, il a décidé d’allerplus loin et de passer au bio.

Florent Godard

Le tourismeen sursisLes professionnelss’attendent à un effetretard dans deux ans.

DANS la région, le flux de tou-ristes ne tarit pas. Depuisseptembre, le taux d’occupa-

tion des hôtels en Alsace eststable, autour de 67%. Selonl’Observatoire régional du tou-risme, les réservations pour dé-cembre étaient satisfaisantes etles week-end se sont vendus faci-lement. Pour le premier week-end du marché de Noël à Stras-bourg, « les commerçants parlentde 30% de visiteurs de plus quel’année dernière », confie l’em-ployée de l’Office du tourisme. Avec 2 millions de visiteurs at-tendus, « les fêtes de fin d’an-née sont une bonne périodepour se rendre compte de l’atti-tude des particuliers », affirmeune employée de l’hôtel Holi-day Inn à Strasbourg. Selon uneétude réalisée par le cabinet De-loitte, Noël reste une périodeatypique où les consommateurslaissent libre cours à leurs en-vies malgré les difficultés éco-nomiques. Seul souci pour leshôteliers : leur clientèle d’af-faires. « Les sociétés vont déca-ler leurs besoins en terme deséminaires et se pencherontsurtout sur des hôtels demoindre qualité », redoutel’employée d’Holiday Inn.

Week-ends en région. CôtéBade-Wurtemberg, le nombre denuitées augmente de 0,4% parrapport à septembre 2007. « Lacrise pourrait favoriser le tou-risme local si les gens ne peuventplus se permettre des voyages àl’étranger », espère WolfgangWeiler, responsable de la com-munication de la SchwarzwaldTourismus GmbH, entreprise quifavorise le développement tou-ristique en Forêt noire.La famille Mack, propriétaired’Europapark, pôle touristiquemajeur dans le Rhin supérieur,va investir 35 millions pour unnouveau grand huit de 40 mètresde haut. Il s’agit du plus grandinvestissement depuis la créa-tion du parc d’attractions il y a33 ans à Rust. En haute saison,le parc compte jusqu’à 3000 em-ployés auxquels s’ajoutent indi-rectement jusqu’à 8000 emplois. Le petit aéroport Black Forest àLahr a profité de sa proximitéavec le parc pour obtenir sa li-cence pour le transport régulierde passagers. « Les vols charteren provenance de Vienne sonttoujours pleins, explique ElkeGünther, responsable marketingde l’aéroport. Ce partenariatnous assure des vols régulierssur lesquels nous pouvons comp-ter. » Malgré l’optimisme de ri-gueur, Wolfgang Weiler rapellequ’ « au cours des crises pas-sées, la baisse d’activité dans letourisme est toujours arrivéeavec un ou deux ans de retard ».

Floriane AndreyAnne-Sophie Legge

Tous les jeudis, les consommateurs locaux viennent chercher leurs légumes.

Ü Econo-mie socialeet solidaire :Elle regroupeles activitéséconomiquesqui ne sont nides entreprisescapitalistes, nides servicespublics. Asso-ciations, socié-tés coopéra-tives... ont unstatut qui meten avantl'homme plutôtque le capital, la non-recherche deprofit, une finalité d'intérêt géné-ral et d'utilité sociale.

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Antoine Bureth, maître deconférence en économie à l’uni-versité de Mulhouse :

«SALARIÉS relativementbien formés, climat social

apaisé et position géographiquestratégique : ces avantages, spé-cifiques à l’Alsace, ne disparaî-tront pas avec le ralentissementéconomique. Si les conditions de crédit s’amé-liorent et les acteurs boursiers re-trouvent la raison, la crise ne de-vrait pas durer. Et la région nedevrait pas être beaucoup tou-chée. Mais, en ces temps d’incertitude,les licenciements sont davantageacceptés. Par exemple, dansl’automobile, la crise a bon dos.Si Peugeot a des milliers de voi-tures en stock, ça ne date pasd’hier ! Ses difficultés sontstructurelles : ses lignes de pro-duction sont obsolètes.Même tendance dans le secteurimmobilier, où nous arrivons à lafin d’un cycle. Agences, promo-teurs : nombreux sont ceux quiont profité du boom immobilier.Le secteur va être épuré, seulsles plus costauds et les plus sainsrésisteront. L’immobilier souffred’un manque de confiance. Dèsque les taux de crédit baisserontà nouveau, ce qui devrait être ra-pidement le cas, les acheteurstergiverseront moins. L’argentexiste, c’est seulement l’achatqui est remis à plus tard.Le domaine des transports de-vrait être l’un des plus touchésen ces temps difficiles. Avec destaux de marge à 0,5%, les trans-porteurs sont déjà dans une si-tuation de survie. La crise vientaggraver un contexte des plusdélicats. Le secteur bancaire souffre àl’échelle nationale. Mais jen’imagine pas que les banquesvont licencier ici. L’Alsace esttout de même la deuxième ré-gion la plus riche de France.L’important dans les mois à ve-nir sera de soutenir les actions derecherche et développement,surtout dans l’automobile. »

«LA crise que nous vivonsaujourd’hui permet d’as-

sainir les marchés. Le pétrole etles matières premières parexemple, telles quele laiton que nousutilisons, affichentà nouveau des prixraisonnables.Après chaque crise,on observe unehausse du pouvoird’achat, et l’avène-ment de nouvellestechnologies. Denouveaux marchésvont voir le jour.Dès aujourd’hui, ilfaut miser sur la re-cherche et le déve-loppement. Je faispartie, avecd’autres chefs d’en-treprises, du pôle« véhicules du fu-tur », qui regroupe250 PME et PMIdu Grand Est. Onsort nos antennes, pour voirquels seront les marchés de2009, et comment nous posi-tionner.

L’avenir, ce sont les véhiculespropres, électriques ou hy-brides, comme cette voiture,testée à Antibes, qui adopte le

même principe quele Vélib’. Le pare-soleil va-t-il rester dans cesvoitures du futur ?Je compte investir300 000 euros pourrenouveler mes ma-chines d’ici 2010.Dans l’idéal, c’estun million d’eurosque j’aimerais dé-penser pour de nou-velles presses.Nous serions alorsau top de notre mé-tier.D’ici deux ans, cesnouveaux véhiculesseront produits demanière indus-trielle, à plus de10 000 exem-plaires. Les sous-

traitants s’intéresseront à notresavoir-faire. »

Propos recueillis parStéphanie Goutte

Bernard Rinckwald anticipe l’arrivée de nouvellestechnologies et fait le pari de la voiture propre.

« On sort nos antennes pourvoir les marchés de 2009 »

La crise a bon dos...mais frappera durement Pour Antoine Bureth, l’économie paie aujourd’hui ses erreurspassées. Jean-Alain Héraud prévoit une année 2009 difficile.

Bernard Rinckwaldà la tête de deux PME,Sécome et Adécut.Outilleur, il fabrique,entre autres, des pare-soleil pourl’automobile.

Et demain ? Recherche et développement, innovation, performance, compétitivité consolidée, écologie : mots-clés de l’économie du Rhin supérieur.

Jean-Alain Héraud, profes-seur d’économie à l’Universitéde Strasbourg :

«L’ALSACE est une régionplus industrielle que la

moyenne. Les services, qui sesont développés, sont souventliés à ce secteur d’activités. Or,la manufacture va particulière-ment souffrir de la crise. L’Al-sace sera sans doute davantagetouchée. L’automobile subira la crise.Prévoyants, les constructeurs li-cencient aujourd’hui pour anti-ciper le ralentissement de de-main. 2009 ne sera donc pascatastrophique en termes deperte d’emplois. On peut êtreplus inquiet pour les nombreuxsous-traitants. La chute dans le bâtiment auraaussi de lourdes conséquences.Le BTP est en effet au centred’échanges avec l’industrie dumétal, du verre, de la chimie, del’électricité, de l’électronique,etc. Certains petits promoteurs,pas assez solides, risquent lafaillite. Si les prix d’achat bais-sent de 20% après avoir aug-menté de 30% ces dernières an-nées, on reviendrait à des prixbasés sur la valeur réelle dubien. Et les futurs propriétairesseront sans doute heureux de bé-néficier d’une chute des prix...Le mobilier de bureau, auquel onpense peu, devrait lui aussi souf-frir de la crise. Steelcase, un desleaders mondiaux du secteur, a saprincipale base européenne àStrasbourg. Il va lui être difficilede faire face à la baisse prévisiblede la demande des entreprises.Mais des pans importants del’économie alsacienne devraientêtre épargnés : commerce, ad-ministration, universités, ter-tiaire ou tourisme. Les étudiantsne réviseront pas moins et lesmalades iront au moins autant àl’hôpital en 2009. »

Propos recueillis parSophie Albanesi

Elsa MarnetteChristophe Zoia

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Jean-AlainHéraud estdoyen de lafaculté des

scienceséconomiques

et de gestion.

AntoineBureth estspécialiste del’économieindustrielle.

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NEWS D’ILL - n°95 - JANVIER 2009 - 23

«MON chiffre d’affairesdouble tous les ans. Mais

je m’attends à ce que la crois-sance ralentisse dans les pro-chaines années.C’est même sou-haitable. Para-doxalement, le pirescénario, c’est unecroissance trop ra-pide du marché.Beaucoup seraienttentés de créer leurentreprise unique-ment par appât dugain. Sans véri-table savoir-faire.Chez Südwestso-lar, on a une lignedirectrice et on s’ytient. Pas questiond’installer un pan-neau solaire ou unepompe à chaleur àtout prix, sans dis-cernement. Notrecrédibilité reposesur la qualité de notre expertise. De plus, le dynamisme del’économie verte doit beaucoupau soutien politique. Le Bade-Wurtemberg propose des aides

aux personnes qui installent unmode de chauffage écologiquechez eux. Cette politique sou-tient la demande, même en

temps de crise. Avant de créer Süd-westsolar, j’étaischauffagiste. L’en-treprise où je tra-vaillais investissaittantôt dans le fuel,tantôt dans le gaz,au gré du prix desénergies. Cette ma-nière de faire necorrespondait pas àma philosophie. En2003, j’ai donc dé-cidé de faire dutout-écologique. Àl’époque, c’étaitnouveau. Il y avaitbeaucoup d’idéa-lisme dans ma dé-marche. Mais je neregrette pas monchoix, d’autant que

les énergies renouvelables sontdevenues économiquement trèsrentables. »

Propos recueillis parGaëlle Dietrich

Simon Kaiser, responsabledes politiques fiscales, du tra-vail et des finances à laChambre du commerce et del’industrie (CCI) de Fribourg :

«NOUS essayons de ne pasrendre la crise plus impor-

tante qu’elle ne l’est en réalité.Après trois ans d'essorconjoncturel, l’économie setrouvait à un niveau exception-nellement haut. Quelques indicateurs écono-miques suffisent à résumercette situation. L’Allemagnen’avait plus connu un chiffredu chômage aussi bas – moinsde 3 millions de chômeurs enoctobre – depuis 1992.370 000 postes sont toujoursvacants, un chiffre qui a doublédepuis le début de l'année2005. Et, finalement, même sile PIB baissait de 10% aujour-d’hui, il serait au niveau de2005.Nous ne cherchons pas à nierles difficultés actuelles, quidevraient se poursuivre en2009. Mais nous lesexpliquons principalement parune surchauffe générale del’économie depuis plusieursmois : de nombreusesentreprises manquaient depersonnel qualifié, le prix dupétrole est parti en flèche et lesdélais de livraison se sontallongés progressivement. Ce qui nous attend n’est doncpas une crise, à proprementparler, mais une phase deconsolidation de l’économie àun niveau élevé. Lesconstructeurs automobiles etleurs sous-traitants connaîtrontsûrement une année difficile,avec de nouvelles baisses decommandes. Ce constat ne se vérifie pasforcément pour toutes lesentreprises de constructionmécanique du Bade-Wurtemberg. Dans cedomaine, nous avons beaucoupde groupes industriels qui sontdes leaders mondiaux, le plussouvent sur des marchés deniche. Dans une phase deralentissement, ils profiteronttoujours de leur réputation.Pour le BTP, tout dépendra dutemps que durera leralentissement général.Dans l’industrie, les mesuresde chômage technique de-vraient permettre de rééquili-brer le nombre d’heures sup-plémentaires accumulées surles comptes épargne-temps.

Nous ne nous attendons doncpas à avoir une vague de licen-ciements massifs en 2009.Dans certaines branches, lesentreprises continuent à recher-cher du personnel qualifié. Etla crise ne devrait rien changerà cette situation dans un futurproche. Du coup, le licencie-ment d'employés qualifiés de-vrait toujours rester une solu-tion de dernier recours.Dans la région, il est faux decomparer la situation actuelle àla crise de 1929. La situationn’est pas aussi sombre qu’àl’époque. Notre économie estaujourd’hui tirée par un tissude PME qui sont bien établiesdans toutes les branches,comme dans la construction demachines ou l’électrotech-nique. Beaucoup de ces entreprisesont utilisé les années de booméconomique pour augmenterleurs capitaux propres, adapterleur gamme de produits ets'orienter vers de nouveauxmarchés. Cette flexibilité acontribué à les rendre pluscompétitives dans le mondeentier et pourrait se transfor-mer en avantage dans lecontexte actuel. Du coup, lenombre de faillites ne devraitpas augmenter l'année pro-chaine.Enfin, le facteur psychologiquecontinuera d’avoir une in-fluence importante sur les mar-chés. L’Etat, par ses mesuresde soutien aux secteurs del’économie en difficulté, auradonc un rôle décisif à jouerdans la relance del’économie. »

Propos recueillis parAnette Bender

« Le pire scénario, c’est une croissance trop rapide » Christian Bachhäubl redoute l’emballement du marché des énergies renouvelables.

« La flexibilité : un avantage pourles PME en 2009 »Pour Simon Kaiser, l’industrie automobile badoiseva souffrir, pas les marchés de niche.

Christian Bachhäublest directeur deSüdwestsolar, uneentreprise spécialiséedans les énergiesrenouvelables.

Simon Kaiser envisage l’avenirsereinement pour l’économiedu Bade-Wurtemberg.

Au centre, le groschantier de2009 :reconstruirele systèmeéconomiquerhénan.

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ompétitivité consolidée, écologie : mots-clés de l’économie du Rhin supérieur.

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