1
6 I LUNDI 1 ER DÉCEMBRE 2008 I La Croix I I MONDE I Le Brésil, terre d’asile pour les malades du sida Alors que la Journée mondiale de lutte contre le sida est l’occasion de faire le point sur la pandémie, reportage au Brésil, où l’accès gratuit aux traitements attire de plus en plus d’Européens SÃO PAULO De notre correspondant « S oyez le bienvenu ; pour retirer vos médicaments, c’est ici dans le couloir de droite », informe le jeune homme avec un grand sourire aux lèvres. Paulo, « agent d’accueil médical », est posté à l’entrée d’un des hôpitaux les plus réputés d’Amérique du Sud, l’Institut d’infectiologie Emilio Ribas de São Paulo. Ici, 5 000 personnes atteintes du sida et du virus HIV sont suivies dans le plus grand centre de dépistage et de traitement du Brésil. L’endroit compte 300 médecins et 200 lits. Lors de sa création il y a plus d’un siècle, cet hôpital public servait de « maison d’isolement », comme lors des épidémies de grippe espagnole ou de rougeole. Aujourd’hui, le lieu est ouvert à tous, sans discrimination. Car depuis 1996, l’accès universel aux antirétroviraux est inscrit dans la loi brésilienne. Résultat : de plus en plus d’étrangers et notamment d’Européens viennent se faire traiter au Brésil. Il y aurait environ 1 200 « exilés médicaux » dans le pays, dont 500 à São Paulo et 250 à Rio de Janeiro, les deux principales villes du pays. La plupart sont des clandestins sans permis de séjour, notamment ceux venus d’Afrique et d’Europe. Les Portu- gais et les Italiens sont les plus nombreux, suivis des Colombiens, des Paraguayens ou encore des Argentins. Des Angolais, des Chinois, des Hongrois mais également des Français sont recensés par les services de santé brésiliens. Au centre Emilio-Ribas, 53 malades sont étrangers. « Beaucoup viennent ici, car le traitement ne coûte rien, alors qu’il est sou- vent très cher ailleurs, explique Sebastiao André de Felice, directeur de l’Institut. Il y a aussi une raison psychologique. Le sida continue d’être une maladie honteuse, fortement stigmatisante. Certains viennent en quelque sorte se cacher au Brésil. Bien souvent, la famille, les amis ne savent même pas qu’ils sont malades. » Il faut ajouter la facilité d’obtention des médicaments, puisqu’un simple document d’identité est demandé pour bénéficier d’un traitement. « Nous sommes médecins et non agents de la police fédérale, que le malade soit clandestin ou non, cela n’est pas notre affaire ! », précise le docteur Felice. Cha- que mois, le patient vient à la pharmacie centrale de l’hôpital pour retirer ses anti- rétroviraux. Tous les quatre mois, il subit une série d’examens de routine. Chaque malade sous traitement coûte à l’État 2 500 dollars par an. « L’étranger n’a rien qui le distingue des autres patients, précise Tamara Newman Souza, directrice du ser- vice d’urgence. Il n’est pas plus gravement atteint et le traitement n’est pas différent. Il peut arriver que le stade d’avancement de la maladie soit important, mais ceci n’est pas spécifique à cette catégorie de patients. Le virus n’a pas de nationalité. » Le Brésil, qui produit ses propres médi- caments génériques, est le seul État du Sud à avoir maîtrisé l’épidémie. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) autorise dé- sormais les États à casser les brevets des grands laboratoires pharmaceutiques lors- qu’il y a « urgence nationale » . En 2001, le Lamivudina, copie deux fois moins chère de l’Epivir commercialisé par Glaxo Welcome, a été le premier médicament antirétroviral générique mis sur le marché brésilien. Début 2009, le Brésil va commencer à pro- duire une copie d’un autre antirétroviral, l’Efavirenz de la société Merck. Des copies du Tenofovir ainsi que du Ritonavir sont d’ores et déjà à l’étude. Brasilia annonce désormais 181 000 personnes traitées sur un total de 230 000 dont l’état de santé nécessiterait la mise sous antirétrovi- raux, soit un taux de couverture de 78 %. En comparaison, ce taux est de 27 % en Afrique du Sud. Actuellement, au Brésil, 600 000 per- sonnes sont séropositives ou malades du sida. Depuis 1980, 205 409 personnes sont mortes des suites de la maladie. Lueur d’espoir, la durée de vie post-diagnostic est passée dans les dix dernières années de 58 à 108 mois. Le malade vit deux fois plus longtemps. STEVE CARPENTIER « Beaucoup viennent ici car le traitement ne coûte rien alors qu’il est souvent très cher ailleurs. » Des tests de dépistage rapide à l’essai en France L’association Aides vient d’obtenir l’autorisation de mener une étude sur l’utilisation d’un test permettant d’obtenir un résultat en une demi-heure C omment favoriser le dépistage précoce de l’infection par le virus du sida ? Cette question est, depuis plusieurs années, au cœur des préoccupations des acteurs de la lutte contre la maladie en France. Certes, notre pays a aujourd’hui la chance de disposer de traitements antirétroviraux qui, comme le souligne l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), permettent d’ « assurer aux personnes séropositives une espérance de vie proche de celle de la population générale » . Le problème est qu’un nombre encore relative- ment important de personnes découvrent trop tardivement leur contamination et, de ce fait, accèdent aux médicaments à un moment où l’infection est déjà bien avancée. Selon les der- nières estimations, en France, environ 36 000 séropositifs ignorent qu’ils sont infectés ou ne se font pas suivre médicalement. C’est la raison pour laquelle des associations et des médecins plaident avec vigueur pour développer de nouvelles formes de dépis- tage, permettant d’inciter ces séropositifs qui s’ignorent à faire le test. Ce message a été entendu par la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, qui vient de donner son feu vert à une étude visant à expérimenter des tests de dépistage rapide. Cette étude, qui a débuté à la mi-novembre, sera conduite sous la respon- sabilité de l’ANRS et de l’association Aides, à Montpellier auprès d’une population d’homo- sexuels masculins. « Aujourd’hui, un certain nombre d’homosexuels, qui prennent des ris- ques répétés, hésitent à aller dans les structures classiques de dépistage car ils ont l’impression d’être jugés ou le sentiment qu’on leur y fait la morale », explique Bruno Spire, président d’Aides. Selon lui, ces personnes iront plus fa- cilement faire un test dans une « association où ils seront accueillis par des gens qui savent ce que c’est que de vivre avec une prise de risque ». Les personnes volontaires pour participer à l’étude se verront donc proposer un test rapide, simple d’utilisation. « Il suffit de pi- quer le bout du doigt pour obtenir une goutte de sang qu’on dépose ensuite sur un réactif. Le résultat est ensuite disponible au bout d’une demi-heure seulement. S’il est positif, il faut faire une confirmation avec un test classique », explique un des coordinateurs de l’étude, le professeur Yazdan Yazdanpanah, de l’hôpital de Tourcoing. Cette rapidité est un réel atout aux yeux du docteur François Bourdillon (hô- pital de la Pitié-Salpêtrière), vice-président du Conseil national du sida. « Aujourd’hui, dans les centres de dépistage classique, il faut attendre plusieurs jours avant d’avoir le résultat du test, explique-t-il. La conséquence est que beaucoup de gens viennent faire le test mais ensuite ne reviennent pas chercher le résultat. » Cette expérimentation marque un tournant dans l’histoire du dépistage du virus du sida. Actuellement, les tests de dépistage du VIH (cinq millions en France chaque année) sont uniquement réalisés sur prescription d’un médecin avec une prise de sang effectuée par un infirmier ou un laborantin. Là, pour la première fois, le test pourra être effectué sous la responsabilité d’acteurs associatifs, qui auront bien sûr reçu une solide formation. « Les personnes qui viendront faire le test bénéficie- ront d’une écoute, d’un soutien et de conseils de prévention avant et après la réalisation du test », explique Patrick Pico, de l’association Aides- Montpellier. Ces tests rapides seront également expérimentés dans certains services d’urgence des hôpitaux, avant que les autorités sanitaires décident, au vu des différents résultats obte- nus, s’il est ou non opportun d’autoriser leur utilisation à une plus grande échelle. PIERRE BIENVAULT Cette expérimentation marque un tournant dans l’histoire du dépistage du virus du sida. V DROIT DE SUITE Après l’annulation du Sommet UE-Chine qui devait avoir lieu aujourd’hui à Lyon, Pékin montre plus que jamais sa fermeté. BARCELONE De notre envoyé spécial « La crise entre la Chine et l’Union européenne est sans précédent et nous déplorons l’annulation du sommet Chine-UE même si la rela- tion bilatérale doit se poursuivre ». Pour Étienne Reuter, directeur gé- néral des Relations extérieurs de la Commission européenne, en charge de la Chine, Hong Kong et Macao, il ne fait aucun doute que la crise diplomatique actuelle avec la Chine aura des conséquences poli- tiques sérieuses à court terme. Invité au Forum Chine-Europe par la Fondation pour le progrès de l’homme (FPH), organisatrice de cette conférence visant à renforcer les liens des sociétés civiles euro- péenne et chinoise, Étienne Reu- ter n’a pu que souligner l’urgence « d’une meilleure compréhension entre cet énorme pays chinois et l’entité européenne ». L’annulation du sommet est « un très sérieux pas en arrière dans nos relations », regrette-t-il. Pour l’organisa- teur de ce Forum, Pierre Calame, secrétaire géné- ral de la Fondation pour le pro- grès de l’homme, « la crise n’est pas européenne : elle concerne directement le président Sarkozy et la Chine ». Engagé depuis trois ans dans l’organisation annuelle de ce Forum Chine-Europe qui rassemble des représentants des sociétés civiles chinoise et européenne, Pierre Calame voit dans cette crise le « stéréotype de l’incompréhension entre les deux puissances » et justifie plus que jamais le dialogue civil. « Pour nous Chinois, le sujet du Tibet reste d’une extrême sensibi- lité, explique un fonctionnaire de Pékin. La Chine ne lâchera ja- mais le Tibet. En annulant le som- met, elle a voulu exprimer son mécontentement afin que l’UE comprenne bien sa posi- tion. » Par ailleurs, cela lui permet également d’unifier son opinion publique autour d’un enjeu na- tional, le Tibet, alors que le pays subit la crise économique et que l’équilibre social n’a jamais été autant menacé. « Nous allons devoir réagir ha- bilement, assure Étienne Reuter, car nous sommes tristes des deux côtés. Il est encore trop tôt pour savoir comment mais il va falloir encore dialoguer et mieux s’expli- quer. » Pierre Calame, lui, y trouve une raison supplémentaire de ren- forcer les liens avec la Chine : « La Chine a certes commis une erreur politique en annulant le sommet et elle a voulu montrer ses muscles, mais notre Forum doit encore tra- vailler afin de “déconstruire l’image de l’ennemi”. Il faut être clair sur le long terme : nos défis communs sont bien supérieurs à nos différences. » DORIAN MALOVIC La Chine se sert de l’Europe pour montrer ses muscles Le « stéréotype de l’incompréhension entre les deux puissances ». Carla Bruni-Sarkozy s’engage d Carla Bruni-Sarkozy devrait préciser aujourd’hui le rôle qu’elle entend jouer auprès du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. L’épouse du chef de l’État va en effet s’engager aux côtés du Fonds mondial qui, depuis sa création en 2002, a engagé 14,9 milliards de dol- lars dans 140 pays pour soutenir des programmes de prévention et de soins contre les trois maladies. Environ 6 500 personnes ont découvert leur séropositivité au VIH en 2007 en France, soit une baisse des nouveaux cas, sauf chez les homosexuels, selon le Bulletin épidémiologique hebdo- madaire (BEH) du ministère de la santé publié aujourd’hui. Indignation après l’exécution d’un scientifique chinois d Les autorités chinoises ont mis à mort vendredi Wo Weihan, un biochimiste de 59 ans. Un acte aussitôt condamné par les États- Unis et l’Union européenne. Il avait été arrêté en 2005 à Pékin sous l’accusation d’avoir transmis à Taïpei des renseignements de nature militaire, dont des copies de plans de missiles. Le scientifique, qui clamait son innocence, avait été condamné à mort en mai 2007 pour diffusion de secrets d’État, à l’issue d’un procès non transparent .

NF06

Embed Size (px)

DESCRIPTION

I LUNDI 1 ER DÉCEMBRE 2008 I La Croix I I MONDE I Le Brésil, terre d’asile pour les malades du sida « Beaucoup viennent ici car le traitement ne coûte rien alors qu’il est souvent très cher ailleurs. » Cette expérimentation marque un tournant dans l’histoire du dépistage du virus du sida. L’association Aides vient d’obtenir l’autorisation de mener une étude sur l’utilisation d’un test permettant d’obtenir un résultat en une demi-heure

Citation preview

Page 1: NF06

6 I LUNDI 1ER DÉCEMBRE 2008 I La Croix II MONDE ILe Brésil, terre d’asilepour les malades du sidaAlors que la Journée mondiale de lutte contre le sida est l’occasion de faire le point sur la pandémie, reportage au Brésil, où l’accès gratuit aux traitements attirede plus en plus d’Européens

SÃO PAULODe notre correspondant

«Soyez le bienvenu ; pour retirer vos médicaments, c’est ici dans le couloir de droite », informe le

jeune homme avec un grand sourire aux lèvres. Paulo, « agent d’accueil médical », est posté à l’entrée d’un des hôpitaux les plus réputés d’Amérique du Sud, l’Institut d’infectiologie Emilio Ribas de São Paulo. Ici, 5 000 personnes atteintes du sida et du virus HIV sont suivies dans le plus grand centre de dépistage et de traitement du Brésil. L’endroit compte 300 médecins et 200 lits. Lors de sa création il y a plus d’un siècle, cet hôpital public servait de « maison d’isolement », comme lors des épidémies de grippe espagnole ou de rougeole. Aujourd’hui, le lieu est ouvert à tous, sans discrimination. Car depuis 1996, l’accès universel aux antirétroviraux est inscrit dans la loi brésilienne. Résultat : de plus en plus d’étrangers et notamment d’Européens viennent se faire traiter au Brésil.

Il y aurait environ 1 200 « exilés médicaux » dans le pays, dont 500 à São Paulo et 250 à Rio de Janeiro, les deux principales villes du pays. La plupart sont des clandestins sans permis de séjour, notamment ceux venus d’Afrique et d’Europe. Les Portu-gais et les Italiens sont les plus nombreux, suivis des Colombiens, des Paraguayens ou encore des Argentins. Des Angolais, des Chinois, des Hongrois mais également des Français sont recensés par les services de santé brésiliens.

Au centre Emilio-Ribas, 53 malades sont étrangers. « Beaucoup viennent ici, car le traitement ne coûte rien, alors qu’il est sou-vent très cher ailleurs, explique Sebastiao André de Felice, directeur de l’Institut. Il y a aussi une raison psychologique. Le sida continue d’être une maladie honteuse, fortement stigmatisante. Certains viennent en quelque sorte se cacher au Brésil. Bien souvent, la famille, les amis ne savent même pas qu’ils sont malades. »

Il faut ajouter la facilité d’obtention des

médicaments, puisqu’un simple document d’identité est demandé pour bénéficier d’un traitement. « Nous sommes médecins et non agents de la police fédérale, que le malade soit clandestin ou non, cela n’est pas notre affaire ! », précise le docteur Felice. Cha-que mois, le patient vient à la pharmacie centrale de l’hôpital pour retirer ses anti-rétroviraux. Tous les quatre mois, il subit une série d’examens de routine. Chaque malade sous traitement coûte à l’État 2 500 dollars par an. « L’étranger n’a rien qui le distingue des autres patients, précise Tamara Newman Souza, directrice du ser-vice d’urgence. Il n’est pas plus gravement atteint et le traitement n’est pas différent. Il peut arriver que le stade d’avancement de la maladie soit important, mais ceci n’est pas spécifique à cette catégorie de patients. Le virus n’a pas de nationalité. »

Le Brésil, qui produit ses propres médi-caments génériques, est le seul État du Sud à avoir maîtrisé l’épidémie. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) autorise dé-sormais les États à casser les brevets des grands laboratoires pharmaceutiques lors-qu’il y a « urgence nationale ». En 2001, le Lamivudina, copie deux fois moins chère de l’Epivir commercialisé par Glaxo Welcome, a été le premier médicament antirétroviral générique mis sur le marché brésilien.

Début 2009, le Brésil va commencer à pro-duire une copie d’un autre antirétroviral, l’Efavirenz de la société Merck. Des copies du Tenofovir ainsi que du Ritonavir sont d’ores et déjà à l’étude. Brasilia annonce désormais 181 000 personnes traitées sur un total de 230 000 dont l’état de santé nécessiterait la mise sous antirétrovi-raux, soit un taux de couverture de 78 %. En comparaison, ce taux est de 27 % en Afrique du Sud.

Actuellement, au Brésil, 600 000 per-sonnes sont séropositives ou malades du sida. Depuis 1980, 205 409 personnes sont mortes des suites de la maladie. Lueur d’espoir, la durée de vie post-diagnostic est passée dans les dix dernières années de 58 à 108 mois. Le malade vit deux fois plus longtemps.

STEVE CARPENTIER

« Beaucoup viennent ici car le traitement ne coûte rien alors qu’il est souvent très cher ailleurs. »

Des tests de dépistage rapideà l’essai en FranceL’association Aides vient d’obtenir l’autorisation de mener une étudesur l’utilisation d’un testpermettant d’obtenir un résultaten une demi-heure

Comment favoriser le dépistage précoce de l’infection par le virus du sida ? Cette question est, depuis plusieurs années,

au cœur des préoccupations des acteurs de la lutte contre la maladie en France. Certes, notre pays a aujourd’hui la chance de disposer de traitements antirétroviraux qui, comme le souligne l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), permettent d’« assurer aux personnes séropositives une espérance de vie proche de celle de la population générale ». Le problème est qu’un nombre encore relative-ment important de personnes découvrent trop tardivement leur contamination et, de ce fait, accèdent aux médicaments à un moment où l’infection est déjà bien avancée. Selon les der-nières estimations, en France, environ 36 000 séropositifs ignorent qu’ils sont infectés ou ne se font pas suivre médicalement.

C’est la raison pour laquelle des associations et des médecins plaident avec vigueur pour développer de nouvelles formes de dépis-tage, permettant d’inciter ces séropositifs qui s’ignorent à faire le test. Ce message a été entendu par la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, qui vient de donner son feu vert à une étude visant à expérimenter des tests de dépistage rapide. Cette étude, qui a débuté à la mi-novembre, sera conduite sous la respon-sabilité de l’ANRS et de l’association Aides, à Montpellier auprès d’une population d’homo-sexuels masculins. « Aujourd’hui, un certain nombre d’homosexuels, qui prennent des ris-ques répétés, hésitent à aller dans les structures classiques de dépistage car ils ont l’impression d’être jugés ou le sentiment qu’on leur y fait la morale », explique Bruno Spire, président d’Aides. Selon lui, ces personnes iront plus fa-cilement faire un test dans une « association où ils seront accueillis par des gens qui savent ce

que c’est que de vivre avec une prise de risque ».Les personnes volontaires pour participer

à l’étude se verront donc proposer un test rapide, simple d’utilisation. « Il suffit de pi-quer le bout du doigt pour obtenir une goutte de sang qu’on dépose ensuite sur un réactif. Le résultat est ensuite disponible au bout d’une demi-heure seulement. S’il est positif, il faut faire une confirmation avec un test classique », explique un des coordinateurs de l’étude, le professeur Yazdan Yazdanpanah, de l’hôpital de Tourcoing. Cette rapidité est un réel atout aux yeux du docteur François Bourdillon (hô-pital de la Pitié-Salpêtrière), vice-président du Conseil national du sida. « Aujourd’hui, dans les centres de dépistage classique, il faut attendre plusieurs jours avant d’avoir le résultat du test, explique-t-il. La conséquence est que beaucoup de gens viennent faire le test mais ensuite ne reviennent pas chercher le résultat. »

Cette expérimentation marque un tournant dans l’histoire du dépistage du virus du sida. Actuellement, les tests de dépistage du VIH (cinq millions en France chaque année) sont

uniquement réalisés sur prescription d’un médecin avec une prise de sang effectuée par un infirmier ou un laborantin. Là, pour la première fois, le test pourra être effectué sous la responsabilité d’acteurs associatifs, qui auront bien sûr reçu une solide formation. « Les personnes qui viendront faire le test bénéficie-ront d’une écoute, d’un soutien et de conseils de prévention avant et après la réalisation du test », explique Patrick Pico, de l’association Aides-Montpellier. Ces tests rapides seront également expérimentés dans certains services d’urgence des hôpitaux, avant que les autorités sanitaires décident, au vu des différents résultats obte-nus, s’il est ou non opportun d’autoriser leur utilisation à une plus grande échelle.

PIERRE BIENVAULT

Cette expérimentationmarque un tournant dans l’histoiredu dépistage du virus du sida.

VDROIT DE SUITE

Après l’annulation du Sommet UE-Chine qui devait avoir lieu aujourd’hui à Lyon, Pékin montre plus que jamais sa fermeté.

BARCELONEDe notre envoyé spécial

« La crise entre la Chine et l’Union européenne est sans précédent et nous déplorons l’annulation du sommet Chine-UE même si la rela-tion bilatérale doit se poursuivre ». Pour Étienne Reuter, directeur gé-néral des Relations extérieurs de la Commission européenne, en charge de la Chine, Hong Kong et Macao, il ne fait aucun doute que la crise diplomatique actuelle avec la Chine aura des conséquences poli-tiques sérieuses à court terme.

Invité au Forum Chine-Europe par la Fondation pour le progrès de

l’homme (FPH), organisatrice de cette conférence visant à renforcer les liens des sociétés civiles euro-péenne et chinoise, Étienne Reu-ter n’a pu que souligner l’urgence « d’une meilleure compréhension entre cet énorme pays chinois et l’entité européenne ». L’annulation du sommet est « un très sérieux pas en arrière dans nos relations », regrette-t-il.

Pour l’organisa-teur de ce Forum, Pierre Calame, secrétaire géné-ral de la Fondation pour le pro-grès de l’homme, « la crise n’est pas européenne : elle concerne directement le président Sarkozy et la Chine ». Engagé depuis trois ans dans l’organisation annuelle de ce Forum Chine-Europe qui

rassemble des représentants des sociétés civiles chinoise et européenne, Pierre Calame voit dans cette crise le « stéréotype de l’incompréhension entre les deux puissances » et justifie plus que jamais le dialogue civil.

« Pour nous Chinois, le sujet du Tibet reste d’une extrême sensibi-

lité, explique un fonctionnaire de Pékin. La Chine ne lâchera ja-mais le Tibet. En annulant le som-met, elle a voulu

exprimer son mécontentement afin que l’UE comprenne bien sa posi-tion. » Par ailleurs, cela lui permet également d’unifier son opinion publique autour d’un enjeu na-tional, le Tibet, alors que le pays subit la crise économique et que

l’équilibre social n’a jamais été autant menacé.

« Nous allons devoir réagir ha-bilement, assure Étienne Reuter, car nous sommes tristes des deux côtés. Il est encore trop tôt pour savoir comment mais il va falloir encore dialoguer et mieux s’expli-quer. » Pierre Calame, lui, y trouve une raison supplémentaire de ren-

forcer les liens avec la Chine : « La Chine a certes commis une erreur politique en annulant le sommet et elle a voulu montrer ses muscles, mais notre Forum doit encore tra-vailler afin de “déconstruire l’image de l’ennemi”. Il faut être clair sur le long terme : nos défis communs sont bien supérieurs à nos différences. »

DORIAN MALOVIC

La Chine se sert de l’Europe pour montrer ses muscles

Le « stéréotypede l’incompréhensionentre les deux puissances ».

Carla Bruni-Sarkozy s’engage

d Carla Bruni-Sarkozy devrait préciser aujourd’hui le rôle qu’elle entend jouer auprès du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. L’épouse du chef de l’État va en effet

s’engager aux côtés du Fonds mondial qui, depuis sa création en 2002, a engagé 14,9 milliards de dol-lars dans 140 pays pour soutenir des programmes de prévention et de soins contre les trois maladies.Environ 6 500 personnes ont découvert leur séropositivité au VIH en 2007 en France, soit une baisse des nouveaux cas, sauf chez les homosexuels, selon le Bulletin épidémiologique hebdo-madaire (BEH) du ministère de la santé publié aujourd’hui.

Indignation après l’exécution d’un scientifique chinois

dLes autorités chinoises ont mis à mort vendredi Wo Weihan, un biochimiste de 59 ans. Un acte aussitôt condamné par les États-

Unis et l’Union européenne. Il avait été arrêté en 2005 à Pékin sous l’accusation d’avoir transmis à Taïpei des renseignements de nature militaire, dont des copies de plans de missiles. Le scientifique, qui clamait son innocence, avait été condamné à mort en mai 2007 pour diffusion de secrets d’État, à l’issue d’un procès non transparent.