Nouvelles 87 Survival

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    Survivalles nouvelles de

    avril 2013

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    Som

    maire

    Peuples froces?

    Echos des campagnes

    Les pleurs des mres rsonnent

    dans les villages

    Ernesto Morgado-Belo

    Portfolio

    John White

    Comment la sparation entre

    lhomme et la nature peut mener

    au suicide?

    Joanna Eede

    Alain Gheerbrant

    Anne Proenza

    Monsieur le prsident, je viens

    vous dire la douleur de la nature

    Nlida Ayay

    Action urgente : un gant ptrolier

    menace les Indiens dAmazonie

    Survival

    Les Nouvelles de Survival n87, avril 2013

    Prix de ce numro : 4 abonnement : 15

    Directeur de la publication : J.-P. Razon

    Rdaction : S. Baillon, D. Dauzier, J.-P. Razon

    Imprimerie : Corlet, Cond-sur-Noireau

    ISSN : 1154-1210 CP : 1009G89188

    Dpt lgal : 2me trimestre 2013

    Survival International (France)

    Association reconnue dutilit publique

    Illustration couverture : John White Trustees ofthe British Museum

    Merci au British Museum, Londres.

    Le supplment de limpression en quadrichromie de

    ce numro a t gnreusement offert par notre

    imprimeur.

    Ce numro peut tre lu en ligne ou tlcharg en

    format PDF ladresse suivante :

    www.survivalfrance.org/actu/publication

    Survival International France

    18 rue Ernest et Henri Rousselle

    Paris 75013

    T (33) 1 42 41 47 62

    [email protected]

    Survival aide les peuples

    indignes dfendre leur vie,

    protger leurs terres et

    dterminer leur propre avenir

    Survivalles nouvelles de A

    lpoque coloniale, la reprsentation du colonis comme un treprimitif et archaque rest la lisire de lanimalit et de

    lhumanit a servi de justification aux pires abus, aux spoliationset la violence. Depuis lors, limaginaire occidental continue,pour des raisons qui ne sont dailleurs pas si loignes main-mise sur les terres, les ressources et accessoirement les mes,

    accompagne dun racisme tenace de renforcer lide que les indignes sont desauvages et froces guerriers sanguinaires. Lexemple le plus rcent nous e st fournipar un anthropologue amricain controvers, Napoleon Chagnon, qui a travaillchez les Yanomami du Venezuela dans les annes 1960 et dont le nouveau livreautobiographique1, vient de susciter une vague internationale de protestations, tantdu monde universitaire que des Indiens yanomami. Dans un prcdent livre publien 1968, Yanomam : T he Fierce People (Yanomami : le peuple froce) il affublait cesIndiens dune image sensationnaliste, les dcrivant comme des gens sournois,agressifs, inquitants, froces, en constant tat de guerre les uns contre les autres.

    Si les thories de Chagnon ne jouissent plus aujourdhui du moindre crdit chez

    les ethnologues, elles sont cependant une source importante dinspiration pour denombreux ouvrages rcents de vulgarisation scientifique publis par des auteurs telsque Jared Diamond2 qui prtend sa suite que la plupart des peuples indignes,dont les Yanomami, vivent dans un tat de guerre permanent et appelle lintervention de lEtat pour leur apporter la paix, ou bien Stephen Pinker3,thoricien de la psychologie volutive, qui rpand les ides les plus nausabondes surle mythe du sauvage brutal.

    Loin dtre anodines, les spculations de Chagnon ont eu des consquencesdsastreuses sur les Yanomami. A la fin des annes 1970, la dictature militairebrsilienne qui refusait de dlimiter leur territoire a t directement influence parlide que les Yanomami taient bien trop hostiles les uns envers les autres pourpouvoir cohabiter dans un tel espace. Dans les annes 1990, le gouvernementbritannique refusa de financer un projet dducation pour les Yanomami, sous leprtexte que tout projet en leur faveur devait avant tout privilgier la rduction de laviolence.

    Il ne fait aucun doute que de telles ides ont t, et seront encore, utilises lencontre des peuples indignes pour faire rejaillir le mythe du sauvage cruel afin depouvoir les exploiter en toute impunit. Cest pourquoi une organisation commeSurvival reste et restera encore longtemps indispensable pour faire disparatre desmentalits les strotypes et les prjugs qui renforcent lide que, contrairement nous, les peuples indignes nauraient pas volu depuis des gnrations et seraientrests figs dans le temps, tels des reliques primitives dun pass rvolu destines disparatre.I

    Voir en ligne le dossier consacr ces livres, les ractions des Yanomami et desscientifiques spcialistes des Yanomami : www.survivalfrance.org/textes/3276

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    Peuples froces?

    PARIS LONDRES MILAN MADRID BERLIN AMSTERDAM SAN FRANCISCO

    En couverture : Les Secotan, leur manire de pcher.Aquarelle de John White, Caroline du Nord, 1585. Trustees of the British Museum

    1. NapoleonChagnon, NobleSavages : My Life

    Among Two

    Dangerous Tribes -

    The Yanomam and

    the Anthropologists,Simon & Schuster,2012.

    2. Jared DiamondThe World Until

    Yesterday. What can

    we learn from

    TraditionalSocieties?, Viking2013

    3. Steven PinkerThe Better Angels of

    Our Nature : Why

    Violence Has

    Declined, Viking2011

    www.survivalfrance.org

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    ParaguayUne multinationale espagnole

    sous pression

    Survival a invit les actionnaires deGrupo San Jos, le gant espagnol dela construction, retirer leursinvestissements dans cette compagnieaprs la preuve, apporte par desimages satellite, de l'implication de safiliale argentine dans la destructiond'un territoire habit par des Indiens

    isols ayoreo-totobiegosode. LesAyoreo dj contacts revendiquentdepuis plus de vingt ans la propritdu territoire occup par cettecompagnie, craignant pour lesmembres isols de leur groupe quisont forcs de fuir au fur et mesureque leur fort est dtruite par lesbulldozers.

    IndeLeve de l'embargo sur les

    safaris humains

    Alors qu'en janvier dernier la Coursuprme indienne avait provisoirementinterdit l'accs la route qui traverse

    la rserve des Jarawa dans les lesAndaman, elle a finalement faitmarche arrire dbut mars. Cettedcision est un coup dur pour lesJarawa, dont le territoire est

    quotidiennement envahi de touristesen mal dexotisme. Lexploitation desJarawa travers les safaris humainsest la cible dune campagne que mneSurvival depuis trois ansconjointement avec une ONG locale.

    Sri LankaAppel aux Nations-Unies

    Le 15 mars dernier, dans le cadre desa 22me session, le Conseil des droitsde l'homme des Nations-Unies adiscut de la situation des droitshumains au Sri Lanka. Survival aexhort le Conseil exiger dugouvernement sri-lankais qu'ilreconnaisse et garantisse les droits desWanniyala-Aetto. Ces derniers luttentpour survivre sur ce qui reste de leursterres, l'est du Sri Lanka, aprs avoirt dplacs et installs par legouvernement dans des villages. Ils nepeuvent plus pratiquer la chasse et lacueillette et sont encore aujourd'huispolis de leurs terres au profit descolons qui continuent d'tre rinstallsdans la rgion. Plusieurs Wanniyala-Aetto ont t tus, battus ou arrtspar les gardes forestiers pour avoirchass sur leurs terres ancestrales.

    BotswanaNouvelle bataille juridique

    Les Bushmen ont dcid d'intenter unprocs au gouvernement pour leuravoir illgalement refus l'accs leurterritoire ancestral dans la Rserve duKalahari central. En 2006, les 700Bushmen qui avaient t expulss de larserve quatre ans auparavant avaientgagn un long procs contre le

    gouvernement devant la Haute Courbotswanaise et obtenu le droit d'yretourner. Depuis lors, legouvernement n'a pas mnag sesefforts pour limiter le nombre deBushmen autoriss rsider dans larserve. Ce sera la troisime fois queles Bushmen sont forcs de recouriraux tribunaux dans leur lutte pourvivre en paix sur leur terre.

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    BrsilEnqute sur les Aw isols

    La Funai, le dpartement des affairesindignes du gouvernement brsilien,a annonc en fvrier qu'elle enverraitune quipe de spcialistes enquter surla situation des Aw isols dans l'Etatdu Maranho dont le territoire estenvahi par des bcherons clandestins.Cette initiative est la premire actionconcrte entreprise par le

    gouvernement suite la pressionexerce par Survival.

    Violences sur les Guarani

    Le 13 janvier, les Indiens guarani ontclbr le 10me anniversaire de lamort de Marcos Veron, brutalementassassin pour avoir men laroccupation dune partie du territoireancestral de sa communaut dansl'Etat du Mato Grosso do Sul. Cetassassinat perptr par les hommes demain d'un propritaire terrien avaitsuscit l'indignation de l'opinionpublique internationale parce querest impuni. Mais la violence na pascess pour autant. Ainsi en fvrier

    dernier, la mort dun adolescent de 15ans abattu par le propritaire du ranchqui occupe une partie du territoire desa communaut, a soulev la colredes Guarani qui ont envoy ce mois-ci

    une dlgation Brasilia pourdnoncer 'le mpris total' et les'violations permanentes des droitshumains' dont ils sont victimes.

    ProuRecul de l'exploration gazire

    Le gant gazier argentin Pluspetrol afait marche arrire sur l'expansion duprojet Camisea, au sud-est du Prou,dans un site riche en biodiversit etclass au patrimoine mondial del'Unesco, suite un scandalemdiatique soulev dbut fvrier par lequotidien britannique The Guardian etSurvival International. Camisea, quiest l'un des plus grands projetsd'exploitation de gaz natureld'Amazonie, est en grande partie situdans la rserve Nahua-Nanti crepour protger les Indiens isols qui yvivent.

    VenezuelaAssassinat d'un leader indien

    Sabino Romero, un leader yukpa, at assassin le 3 mars dernier dans laSierra de Perij, une rgionmontagneuse l'ouest du Venezuela, la frontire colombienne. Le bureau

    du procureur de la Rpubliquevnzulienne a ouvert une enqutepour lucider le crime. Sabino taitl'un des leaders yukpa les plusprestigieux et avait courageusementmen campagne pour les droitsterritoriaux de son peuple durant denombreuses annes. Il taitconstamment menac par les hommesde main des leveurs qui occupent leterritoire yukpa et qui s'opposent leurs revendications.

    ColombieUn juge ordonne la suspension

    d'une mine

    Dans une initiative sans prcdentvisant protger le territoire desIndiens embera-kato, un jugecolombien a suspendu des concessionsminires dans le dpartement duChoc, au nord-ouest de la Colombie.Le tribunal a ordonn l'vacuation dupersonnel minier et de son matrieljusqu' ce que la lgalit desconcessions soit prouve. Un rapportdu gouvernement colombien datant de2011 tablit que 63% des concessionsminires du pays sont illgales et quece taux atteint 99,2% dans le Choc.

    4

    Echos des campagnes

    Nous invitons nos lecteurs

    se reporter notre site

    internet o toutes ces

    informations paraissent sous

    une forme plus dtaille.

    www.survivalfrance.org

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    rester informs en temps rel

    de nos actions et des

    communiqus et actualits

    que nous diffusons quasi

    quotidiennement.

    Chasseurs aw. F iona Watson/Survival

    Marcos Veron Joo Ripper/Survival

    Fillette embera dans un campement de rfugisfuyant la violence Wikipedia.

    Sabino Romero Homo et Natura

    Les Jarawa sur la route touristique Ariberto De Blason/Survival

    Chasseur wanniyala-aetto. Survival

    Une mre et son enfant dans le Kalahari SurvivalGuiejna, une femme ayoreo chasse par les

    bulldozers. Survival

    Indiens nanti Survival

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    par Ernesto Morgado-Belo*

    Au Brsil, l'irruption d'unevirose non-identifie qui adj caus la mort de deuxenfants hupd'h, aggrave unesituation de sant djalarmante dans les villagesamrindiens du haut rioNegro. Les Hupd'h(galement connus sous lenom de Maku) du village deTat Dh/Taracu Igarap, desleaders amrindiens de largion du haut rio Negro,des anthropologues, deslinguistes et desprofessionnels de santdnoncent dans une lettreouverte le dcs deplusieurs enfants hupd'h etla situation dramatique,dans le domaine de

    l'assistance mdico-sanitaire, laquelle sontconfrontes les populationsamrindiennes du haut RioNegro, dans l'Etatd'Amazonas au Brsil.

    *Anthropologue, EREA du LESC (UMR 7186,CNRS & Universit de Paris Ouest Nanterre).

    Les pleurs desmres rsonnentdans les villageshupdh. Cespleurs sont

    assourdissants. Les pres portent leursfillettes dans leurs bras. Au cimetire oncreuse des nouvelles tombes. Deux en-fants sont encore morts. Deux petites fil-les que nous avons vues sourire, bavarderet gambader dans les maisons. Elles com-menaient connatre le monde, les rivi-res, les sentiers de la fort. Leurs mes,rcemment arrives du Lac de lait, ontt protges contre toutes les maladiescauses par les Gens-poissons, par le Ton-

    nerre, par les Gens-serpents. Malheureu-sement elles nont pas rsist auxmaladies des Blancs.

    Cest en ces termes que souvre unelettre ouverte du Collectif BUOPES (Mo-bilisation en dfense de la sant indigne)et de la FOIRN (Fdration des Organi-sations Indignes du Rio Negro) dnon-ant la situation dramatique despopulations amrindiennes du haut rioNegro, au Brsil.

    Les Hupdh

    Les Hupdh dont la population taitestime 1 500 personnes en 2010 vi-vent dans la fort pluviale du nord-ouestamazonien. Leur territoire traditionnelstend dans les zones dinterfluve desrios Vaups, Tiqui et Papuri. Leurs vil-lages se situent lintrieur de la fort et lcart des grandes rivires, ce qui rendlaccs plus difficile pour les quipes desant. Lethnonyme Hupdh signifiedans leur langue les gens et leur atta-chement un mode de vie centr sur lachasse, la cueillette et la pche au curde la fort tropicale est mis en videncepar leur affirmation ndh Hupdh sug-

    an ny (Nous, Hupdh, vivons dans lafort).

    Le enqutes de sant montrent queparmi les 23 peuples indignes du HautRio Negro, les Hupdh dtiennent lin-dice de sant le plus bas. On observe uncadre gnral de grave malnutrition (sur-tout infantile), un taux de mortalit in-fantile trs lev, un fort taux de mortalitli aux maladies infectieuses-parasitaireset aux infections respiratoires a igus,une incidence proccupante du tra-chome, une maladie oculaire pouvantmener la ccit et une augmentationalarmante des cas de suicide juvnile.Ainsi, si les 1 500 Hupdh reprsentent

    moins de 5% de la population indignede la rgion (32 000), ils font lobjet de22% des vacuations mdico-sanitairesdurgence vers un centre urbain. Si lon

    ajoute cela le fait que les cas graves sontgnralement sous-estims par lesHupdh et donc que la prise en chargeeffective ne reprsente pas la totalit descas, on a une ide plus prcise de ltatdplorable de la sant chez eux.

    Au cours du seul mois de janvier 2013,dans le village hupdh de Tat Dh/Ta-racu Igarap, deux enfants sont mortsdune maladie infectieuse virale non-identifie (avec les symptmes de grippeet diarrhe) et treize autres enfants enont t gravement atteints. Ces dcs et

    Les pleurs des mres

    rsonnent dans les villagesMenaces sur la sant des Indiens hupdh

    Maison hupdh Ernesto Morgado-Belo

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    les cas des enfants malades ont t signa-ls au Secrtariat spcial la sant indi-gne (SESAI) du ministre brsilien dela Sant le 18 janvier 2013. Depuis lan-ne 2008, les maladies infectieuses et lemanque de mdicaments et de soins m-dicaux ont tu au moins 12 enfantshupdh et ont touch plusieurs dizainesdautres enfants et dadultes dans les vil-lages amrindiens de la rgion du rio Ne-gro. Le 5 fvrier 2013, le procureur dela Rpublique, Araujo Junior, a aff irmque ltat de sant des peuples indig-nes est critique, non seulement dans largion du haut rio Negro, mais dans len-semble du territoire brsilien. La politi-que de sant vis--vis des peuplesindignes est confronte des graves pro-blmes de gestion [] et lirruption r-cente de virose chez les Hupdh nestpas un cas unique dans la rgion du hautrio Negro (Source Agncia Brasil).

    Depuis 2008 au moins, le mouvementindigne du haut rio Negro lutte contrela carence dactions dassistance mdico-sanitaire destines aux peuples indig-

    nes des municipalits de So Gabriel daCachoeira, Santa Isabel do Rio Negroet Barcelos. Il dnonce aussi la gestionchaotique et le manque criant dinfra-structures du District sanitaire spcial

    indigne du rio Negro (DSEI-RN) et deses 25 ples-bases de sant, dissminsdans limmense territoire des six bassinshydrographiques qui composent la r-gion du rio Negro. Ils exigent aussi que lapolitique nationale dattention la santdes peuples indignes (dcret n 3156 du27/8/99) soit effectivement applique etdemandent la mise en place dune politi-que dattention diffrencie et transcultu-relle qui, en suivant la perspectiveamrindienne sur le bien-tre et la sant,

    ne soit pas uniquement centre sur lamaladie, mais sur la prvention et la pro-motion de la sant.

    Il est esprer que laction du mou-vement indigne et des organisations in-dignistes et non-gouvernementales,jointe la mobilisation et la pression delopinion publique brsilienne et inter-nationale, permettra de renverser lasituation dsolante de la sant amrin-dienne dans le haut rio Negro en gnralet chez les Hupdh en particulier.

    En ce dbut du XXIe sicle et unmoment o daucuns ftent lmergencedu Brsil comme cinquime puissanceconomique mondiale et prparent lesfutures clbrations dune Coupe demonde de football et des Jeux Olympi-ques, la mort denfants amrindiens pardes maladies techniquement contrla-bles ne peut pas tre tolre. Les peuplesamrindiens nauront pas grand-chose clbrer tant quune politique de santefficace et respectueuse de leurs particu-larits socio-culturelles ne sera pas active-ment mise en uvre.I

    Enfants hupdh Marta Filipek

    Deux enfants sontencore morts. Deux

    petites filles quenous avons vuessourire, bavarder etgambader dans les

    maisons.

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    En 1585, lAnglaisJohn White,gouverneur delune despremires coloniesnord-amricainesen Virginie, fit

    un voyage enCaroline du Nordavec son compagnonSir Walter Raleigh la recherche decolons anglaisdisparus. Au coursde ce voyage ilrencontra lespacifiques Indienssecotan etrapporta une sriedaquarelles dunegrande prcision.On connat ainsiles vtements, lesornements, lesarmes, les outils,les crmonies etles villages de cepeuple quidisparut avant la

    fin du XVIIe

    sicle.

    Ci-contre : GuerrierPage de droite, en haut :Danseurs, en bas gauche :Lhomme volant, en bas droite: Mre et sa fille.

    Trustees of the British Museum.

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    Portfolio

    John White

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    la nouvelle situation et la supporter.Quand vous tes si proche de la nature,que vous tes entour de forts, vous avezla vie, vous avez tout, dit un Guarani.La rinstallation force signifie que toutdevient rien une preuve que de nom-breux peuples indignes ont subie, et laquelle bien dautres sont encoreconfronts Alors, vous devenez spiri-tuellement vide, poursuit-il.

    Au Canada, le taux de suicide chez lesInnu est tout aussi lev. Il y a seulement50 ans, les Innu taient encore nomades.Ils pratiquaient la migration saisonnire travers les forts de saules et dpinettesdu Nitassinan, leur territoire ancestralsubarctique, y chassaient le caribou, lori-gnal et le petit gibier. Cette terre nordiquede forts labyrinthes et de riviressinueuses tait la leur depuis 7500 ans,elle a forg leur histoire, leurs compten-ces, leur cosmologie et leur langue et ren-forc leur singularit en tant que socit

    humaine. La terre fait partie de notrevie, dit George Rich, un Innu. Tout cequi est reli la terre symbolise liden-tit innu qui vous tes en tant qutrehumain.

    Au cours des annes 1950 et 1960, legouvernement canadien et lglise ca-tholique, persuads quils savaient mieuxque les Innu ce qui tait bon pour eux, lescontraignirent se sdentariser et sta-blir dans des communauts fixes. Ainsi,brims dans leur existence mme en tantque ples rpliques dun monde euro-pen quils ne comprenaient pas et nevoulaient pas, plongs dans un no-manslandde confusion culturelle et de dses-poir existentiel, les Innu devinrent vitedpressifs. Linhalation dessence devintune habitude courante chez les enfants.Les chasseurs, privs de mouvement, delibert, de sens et de but, se dprcirentde plus en plus et sombrrent dans lal-coolisme. Autrefois, lorsque les services

    sociaux demandaient un Innu quelletait son occupation, il rpondait : chas-seur. Maintenant, il dit : chmeur, d-plore Jean-Pierre Ashini, un Innu.

    La dpression a t exacerbe par lechangement radical dune alimentationnaturelle riche en protines une autrecharge de sucre ainsi que par la diminu-tion dexercice physique. Le passage sou-dain du rgime alimentaire de gibier,poisson et cueillette celui de la nourri-ture occidentale obtenue au supermar-ch est un facteur de risque importantli la dtrioration de la sant mentaledes peuples circumpolaires, dnoncelanthropologue Colin Samson, qui atravaill avec les Innu pendant plusieursdcennies.

    La disparition dun mode de vie qui-libr a aggrav les problmes lis lasant ce qui est souvent le cas de laplupart des groupes qui ont t dplacs et sap les bases d une b onne s ant

    1110

    Je veux que nos enfantsredeviennent comme ilstaient avant, lorsque toutallait bien.Avant, commele dit Dilma Modesto, uneagente de sant guarani duBrsil, ctait lorsque les

    Guarani chassaient librement sur leurs terres etplantaient du manioc et du mas dans leursjardins. Ctait avant quon leur vole leur fortet quon la transforme en vastes tendues dle-vage bovin, en champs de soja ou en planta-tions de canne sucre.

    Avant, ctait lorsquils prouvaient encorede la fiert et quils avaient le contrle de leurvie, avant quils ne soient rduits vivre sous

    des lambeaux de toiles en plastique, le long deroutes poussireuses et condamns boire deleau pollue dans des bidons en plastique.

    En fait, lorsque tout allait bien, ctait bienavant que les enfants guarani ne commencent se suicider. Ces trente dernires annes, plusde 625 Indiens guarani se sont donn la mort.ce qui rend leur taux de suicide 19 fois pluslev que la moyenne nationale du Brsil. Lesjeunes adultes de moins de 30 a ns l e plus

    jeune navait que 9 ans reprsentant 85%de ces suicides.

    La perte et la destruction de leurs terres sont la racine de ce tragique tat de souffrance.Car pour les Guarani comme pour la plupartdes peuples indignes la terre est tout. Cestelle qui les nourrit et les abrite, qui faonneleurs langages, leurs ides sur le monde et leuridentit. Cest galement le lieu de spulture deleurs anctres et lhritage de leurs enfants. Laterre, cest tout simplement ce quils sont. Lafrontire entre le monde naturel qui les en-toure et leur monde intrieur est en ralitbien mince.

    Jadis, la terre des Guarani stendait sur unesuperficie de quelque 350 000 km2 de forts

    et de plaines. Ils sont aujourdhui entasss surde minuscules parcelles de terre. Les Guaranise suicident parce quils nont plus de terre,dplore une femme, Avant, nous tions libres.Maintenant nous ne le sommes plus. Alors nosjeunes gens regardent autour deux, se ren-dent compte que nous navons plus rien, sas-soient, se mettent penser, se perdent etfinalement se suicident.

    Ces dernires annes, on a beaucoup crit propos des effets dvastateurs de cette ruptureavec le monde naturel sur le psychisme hu-main. Le philosophe Paul Shepard, brillantpionnier de lcologie et auteur de Nature and

    Madness (Nature et folie), 1992, tait convaincuque la destruction cologique a eu des rper-cussions trs profondes sur notre stabilit men-tale en tant quespce.

    Les peuples indignes sont sans doute lesmieux placs pour comprendre les effetsngatifs de ce divorce davec le monde naturel.En rgle gnrale, lidentit dun peuple indi-gne se construit au fil des gnrations dansune relation symbiotique avec son environne-ment immdiat. Quand il est contraint dequitter sa terre, le changement est souvent bientrop soudain pour que lesprit puisse sadapter

    Comment la sparation entrel'homme et la nature peut menerau suicide

    p

    ar Jo

    anna Eede*

    Les Innu ont t sdentariss deforce dans des villages o, tout en

    perdant laccs leur territoire et lecontrle sur celui-ci, ils ont perdu le

    sens de leur vie et leur identit.

    Dominick Tyler/Survival

    *Editorialiste, Survival International

    Campement guarani au bord dune route, Brsil. Rodrigo Baleira/Survival

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    Alain Gheerbrant estmort le jeudi 21 f-vrier 2013 Paris, lge de quatre-vingt-douze ans. Cethomme qui se vou-

    lait libre et il le fut, a t tour tour etsouvent en mme temps crivain, pote,diteur, aventur ier, explorateur, ethnolo-gue, cinaste, musicologue, voyageur, pas-seur, bon vivant, curieux, rvolt

    Une chose est sre, cest que ce capteur

    assoiff de la rumeur du monde naimaitpas les tiquettes. Et sil avait d se re-connatre dans une dfinition de luimme ceut t celle de pote. Le potedeLhomme ouvert, un recueil de textescrits pendant la guerre, quil publia vingt quatre ans (Andr Fontaine, 1945)et qui, envoy Andr Breton NewYork, lui valut en retour une lettre dusurraliste disant ce qui reprsente pourmoi la chance de 1945 cest vous. Et lepote deLhomme trou, dernier ouvragerenfermant une slection des pomes quiont jalonn sa vie, (Sabine Wespieser,2010), parce que, expliquait-il chama-nes et potes sont tous des hommestrous, ils nous apportent la libert dontnous avons besoin.

    A vingt cinq ans, dans le Saint-Ger-main de la Libration, parce quil penseque la littrature est aussi une uvre col-lective il monte les Editions K. Un Ovniditorial de trois ans dexistence (1945-1948), dont la quinzaine de titres sontautant de trsors. Il multiplie les rencon-tres dterminantes : Henri Parisot, Ben-jamin Perret, Jean Carteret, Hans Arp,Camille Bryen, Georges Bataille, mais

    surtout Antonin Arthaud, qui, dans sajeunesse a rencontr les Indiens tarahu-maras du Mexique. Gheerbrant partira,comme sa suite, sur les traces des In-diens dAmazonie la recherche de ce

    langage davant le langage dont lui par-lait lhomme de thtre et quil espretrouver chez les peuples premiers. En1948 il senvole donc pour la Colombie.Pendant six mois, Bogot, il commencepar se rendre tous les jours linstitutethnographique de la capitale. Il metainsi le doigt sur le massif jamais explorde la Sierra Parima. Cest l, aux confinsde la Colombie, du Venezuela et du Br-sil, aux sources du grand f leuve Orno-que, quaura lieu sa fameuse expditionOrnoque-Amazone. La traverse de laSierra Parima durera quatorze mois,marqus par la rencontre de plusieurstribus indiennes jusque l inconnues dontles Guaharibos aujourdhui appels lesYanomami. Gheerbrant en rapporte unlivre quasi culte, devenu un classique dela littrature : Ornoque-Amazone 1948-1950 (Gallimard 1952, rdit en 1992),

    ainsi que le film documentaire :Des hom-mes quon appelle sauvages (95).

    A son retour, Claude Levi-Strauss luipropose dintgrer son laboratoire de re-cherche afin dtudier les peintures ru-pestres dAmazonie dcouvertes pendantlexpdition Ornoque-Amazone. Maiscet autodidacte invtr refuse commesil craignait de devenir un ethnologuepatent.

    Cela ne lempche pas de parcourir lemonde la dcouverte de socits nou-

    velles, au Congo, en Turquie, au Came-roun, Cuba. A chaque voyage, ilremplit dinfinis carnets de notes et rap-porte livre, film, ou enregistrement (ras-sembls aujourdhui la BibliothqueNationale).

    En 1996, il retourne en Colombiepour restituer aux Indiens piaroa les ri-tuels dinitiation de leurs anctres quilavait films un demi sicle plus tt. Dansson loft parisien de la Bastille, ou danssa maison de Monells en Catalogne, ac-compagn de sa femme Edwige, ses pen-ses revenaient toujours aux Indiens, auxChamanes, qui le lui rendaient bien. R-cemment il avait encore reu un messagedes Indiens piaroa de Colombie, sin-quitant de sa sant.

    On lui doit aussi le fameuxDictionnairedes Symboles (avec Jean Chevalier, Laffont1969),La transversale, ses mmoires (ActesSud, 1995), ou ce merveilleux petit livre

    LAmazone, un gant bless(Dcouvertes Gal-limard, 1998, remis jour en 2005) otout est dj dit sur la mi se sac du plusvaste cosystme du monde.I

    Anne Proenza, mars 2013

    Alain GheerbrantNous avons demand Anne Proenza, journaliste Courrier International etamie proche dAlain Gheerbrant qui vient de nous quitter de retracer pour nos

    lecteurs les grands traits de la vie de cet homme hors du commun. Fidle ami de

    Survival depuis la cration de la branche franaise la fin des annes 1970, il a

    toujours soutenu notre organisation quil estimait indispensable devant la

    situation qui tait faite aux Indiens quil avait ctoys. En fvrier 2011, nous

    lavions invit prsenter son film Des hommes quon appelle sauvages. Il avait

    su captiver une salle comble et enthousiaste de sa chaleureuse prsence.

    Disparition

    12

    mentale. Lestime de soi, le sentimentque sa vie a un but et un sens, le besoindespoir et dtre considr avec bien-

    veillance par les autres, tout ceci a dis-paru, emport par le violent mpris desautorits vis--vis de ces modes de vietraditionnels. La nourriture, lair et leausont incontestablement essentiels toutevie. Mais la scurit, lestime de soi, lerespect, lamour et lappartenance nesont pas loin derrire ces besoins physio-logiques fondamentaux et sont essentiels lpanouissement de tout tre humain.Aussi, lorsque le mode de vie des Innufut jug arrir par les autorits, lors-que leurs croyances religieuses furent ri-diculises et assimiles un culte dudiable par lEglise, lorsque leurs ides etleurs opinions furent rejetes parce quesans valeur, ils fi nirent par y croire. Les-prit innu, dj mis mal sen trouva en-core plus affaibli. Si on vous dit que votremode de vie ne vaut rien, que pouvez-vous faire? demande un Innu.

    Malheureusement, les Guarani et lesInnu ne sont pas les seuls dans ce cas.Durant des sicles, la sant mentale denombreux groupes indignes a t anni-hile par des envahisseurs qui ne pou-vaient pas supporter (ou ne voulaient pas,car le racisme et le dni culturel ont t

    des outils utiles depuis lpoque colonialepour semparer des terres et des ressour-ces) que les gens qui vivent dune ma-

    nire distincte, choisissent encore desvoies diffrentes pour progresser sur lechemin de la vie comme lexpliquait lechef ponca Standing Bear.

    Dans son livre Tribal Peoples for Tomor-rows World(Les peuples indignes dansle monde de demain), Freeman Press, Al-cester, 2011, le directeur de Survival, Ste-phen Corry, fait valoir que si les peuplesindignes ont fait des choix qui diffrentde la plupart de ceux des socits indus-trialises prfrant la mobilit la s-dentarit, la chasse ou llevage lagriculture, nambitionnant nullementde samliorerpar laccumulation de ri-chesses, ils ne sont pas pour autant plusarrirs que nimporte qui dautre. Cenest pas seulement de la vanit de la partdune socit de se croire plus avanceou civilise quune autre grce ses ri-chesses matrielles ou ses progrs tech-nologiques cest une illusion. Vous avezvotre manire, a dit Nietzsche, jai mamanire. Quant la bonne manire, la manire correcte et la seule manire,elle nexiste pas.

    Pour les peuples indignes, il ne peut yavoir de sant mentale stable sans la terre

    et la possibilit de matriser son propreavenir. Ainsi, la rponse leur dsespoirse trouve dans des solutions relativement

    simples : la terre et lautodtermination.Les statistiques montrent que lorsque cespeuples vivent dune faon autonome surleurs propres terres, ils sont en bien meil-leure sant que ceux qui ont t dracinset qui on a impos le progrs. Silspeuvent jouir pleinement de leurs terres,la plupart des peuples indignes ne sontpas particulirement fragiles crit Ste-phen Corry. Ils sont aussi capables desurvivre et de sadapter de nouvellescirconstances que nimporte lequel den-tre nous.

    Le filmLa terre des hommes rouges Bird-watchers dpeint dune faon trs mou-vante le processus de dpossessionterritoriale des Guarani. Lorsque leurchef est pris partie par un colon agres-sif de troisime gnration qui revendi-que ses terres ancestrales, il se penche,ramasse une poigne de terre rouge etcommence la manger. En un seul gestesimple, il dmontre ainsi que sa terre etson groupe sont indissociables.

    Nous, les Indiens, nous sommescomme les plantes, disait Marta Gua-rani, comment pourrions-nous vivre sansnotre terre, sans notre sol? I

    Lestime de soi, le sentiment que sa vie a un but et un sens, le besoin despoir et dtre considr avec

    bienveillance par les autres... tout ceci a disparu.Photo : un an guarani, Fiona Watson/Survival

    DR

  • 7/30/2019 Nouvelles 87 Survival

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    Monsieur le prsident, si vous preniezseulement une journe pour constatercomment ils dtruisent notrePachamama je suis sre que vous enreviendriez attrist et alors vous com-prendriez quils ont eux aussi une vie etquils ressentent aussi de la douleurquand on les dtruit.

    Monsieur le prsident, lors de votrecampagne lectorale vous avezdemand: Quest-ce qui est plus impor-tant, leau ou lor? et nous avons tousrpondu : Leau et que nous dfendrionsleau sur la terre et tout ce que la naturea nous offrir.

    Mais aujourdhui, une fois arriv aupouvoir, vous avez oubli. Est-ce parceque vous tes entour de gens richesappartenant la sphre du pouvoir co-nomique? Il est temps de revenir vers vosfrres qui se battent et donnent leur viepour leau, pour dfendre le peu qui restepour lavenir. Ne continuez pas trahirceux qui vous ont amen au pouvoir.

    Monsieur le prsident, vous savez quela plus grande partie de lor sert fabri-

    quer des bijoux et cest pour cela quonprend la vie tout tre vivant de lanature, il est si injuste de ne pas avoir dereprsentant pour nous dfendre, nousnous sentons abandonns par le gouver-nement, on dirait que nous vivons dansles limbes o affluent tous les trangers

    ambitieux qui sinstallent o ils veulent.Et en plus, ils nous imposent leurs coutu-mes sans sen rendre compte.

    Monsieur le prsident, il est tempsdagir, de remettre les pieds sur terre et derevenir la ralit. Pour vivre ainsi enharmonie avec la nature et surtout enpaix. Au nom de la Pachamama, je vousdemande darrter cette destruction, de

    ne plus continuer exploiter et empoi-sonner nos ressources naturelles.

    Savez-vous pourquoi? Parce que leau,la terre, souffrent de se voir sales et mala-des, nos collines, quand on les dtruit,ressentent la douleur comme un trehumain lorsquon lui te un organe. Lesanimaux sauvages nont plus dendroito vivre et les paysans que nous dfen-dons se sentent abandonns quand onne les coute pas. Cest pourquoi je vousdemande darrter cela. Parce que, avectout lor que vous extrayez, on ne peutni vivre ni manger. La richesse ne mne rien de bon. Lorsque cela se produit, et

    sans doute vous le savez, il est beaucouptrop tard. Mais il faut maintenant quevous ralisiez, peut-tre pour la premirefois dans votre vie, et avec le pouvoir quevous dtenez, quil est temps darrtercela pour notre avenir.

    Dans le cas contraire, ceux qui vien-dront vous haront parce quils naurontpas davenir. Dfendez le Prou de tousles mauvais trangers qui veulent ledtruire. I

    15

    Monsieur le prsi-dent, je vous criscette lettre laquelle je joinsun Yakumama

    [un grand anaconda, esprit de leau enquechua] invisible que je vous envoiedepuis Cajamarca qui, je lespre, vousaidera rflchir.

    Jcris comme toute femme qui pense lavenir et la nature, cest dire lApu [dieu protecteur], au Yakumama et la Pachamama [la Terre-Mre].

    Monsieur le prsident, nos ressourcesnaturelles ont, pendant des sicles, timmodrment exploites, mais cela napas apport le dveloppement notrepays. Les seuls en avoir bnfici sontles grands, les millionnaires, les gens depouvoir, ceux qui exploitent aussi bien

    leurs frres pruviens que nos ressourcesnaturelles et leur font croire au dvelop-pement et vous savez aussi bien que nousque cest faux.

    Cest pourquoi je viens vous dire ladouleur de la nature. Leau, la terre, lesApus sacrs souffrent et sont contaminsparce que leurs enfants les souillent, lestuent en pensant que cela les sortira de la

    misre et pourtant, la seule chose quilsleur ont apporte cest la destruction.

    Dans notrejalca (zone forestire inter-mdiaire) il ny a plus cette faune sylves-tre qui lhabitait comme la belette, lerenard, le hullway, la moufette, la viscache,le cerf, entre autres animaux; on nen-tend presque plus le sifflement de lherbesche, et on ne trouve plus aucune plantemdicinale, maintenant, les gens vont lapharmacie.

    14

    Mine dor de Yanacocha, Cajamarca DR

    Quest-ce qui

    est le plus

    important,

    leau ou

    lor?

    Monsieur le prsident, jeviens vous dire la douleur

    de la nature

    Une mouvante lettremanuscrite d'une jeune

    femme quechua, Nlida AyayChiln, du village dePorcon situ sur les

    hautes terres de laprovince de Cajamarca, aunord du Prou, adresse le

    6 fvrier dernier auprsident pruvien Ollanta

    Humala a t largementrelaye par les rseaux

    sociaux de tout le pays.

    Lentreprise minireYanacocha exploite une

    mine dor ciel ouvert Cajamarca, 850 km de

    Lima. Lextraction de plusde 500 000 tonnes de

    minerai par jour 3 500mtres d'altitude prs dessources du rio Chonta dont

    les eaux coulent sur leversant amazonien des

    Andes vers le Maraon,dtruit les montagnes,

    pollue les cours deau etles nappes phratiques.

    Lettre de Nlida AyAy auprsident pruvien Ollanta

    Humala

    Cajamarca, 6 fvrier 2013

    Leau ne se vend pas, elle se dfend.Manifestation contre la mine en 2012 Cajamarca, DR

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    Action urgenteUn gant ptrolier canadien menace

    des Indiens dAmazonie

    P

    lus dune centaine de reprsen-tants du peuple matss du Brsilet du Prou se sont rassembls le9 mars dernier pour exiger le

    retrait dune compagnie cana-dienne qui sapprte dvaster leurs forts etmettre en pril la vie de groupes dIndiensisols. Le gant ptrolier Pacific Rubiales adj commenc lexploration dune conces-sion qui se trouve en plein cur dune rserveprvue pour les Indiens i sols.

    Les Matss, qui reprsentent unepopulation denviron 2 200 person-nes, vivent de part et dautre de lafrontire entre le Brsil et le Prou.Connus avec la tribu voisine des Matiscomme le peuple du jaguar en raisonde leurs peintures faciales et de leurstatouages, les Matss ont t contactsdans les annes 1960 et sont, depuislors, exposs aux maladies introduitespar les trangers. Les groupes isols

    sont galement gravement menacspar ces maladies contre lesquelles ilsont peu ou pas dimmunit.

    Malgr son engagement garantir lesdroits de ses citoyens indiens, le gouverne-ment pruvien a donn le feu vert ce projetdun montant de prs de 28 millions deuros.La compagnie ouvrira des centaines de kilo-mtres de lignes sismiques travers la forto vivent les Indiens isols et y forera despuits dexploration.

    Le gouvernement a galement accord cette compagnie une licence dexplorationptrolire dans une autre concession situe enplein cur du territoire des Matss.

    Lexploitation ptrolire aura aussi desimpacts de lautre ct de la frontire, dans lavalle brsilienne du Javari o vivent plu-sieurs groupes isols, les tests sismiques et lespuits dexploration risquant de polluer lessources de plusieurs rivires et daffecter lafaune et la flore dont ces groupes dpendent.

    Les Matss appellent au soutiendes organisations de la socit civile,brsiliennes, pruviennes et interna-tionales.

    LEtat canadien a t fond sur laspoliation des territoires indignespar les colons europens qui intro-duisirent des maladies inconnues,semparrent du contrle des res-sources naturelles et furent responsa-bles de lextinction de groupes

    entiers. Aujourdhui, une compagniecanadienne est sur le point de rp-

    ter cette triste page de lhistoire colonialeavec les Indiens amazoniens.

    Ecrivez au prsident pruvien en vousinspirant du modle de lettre ci-contre oucrivez librement. Vous pouvez galementenvoyer directement votre lettre depuis lapage de notre site consacre cette campa-gne : www.survivalfrance.org/matses

    Le ptrole

    polluera les

    sources de

    nos rivires.

    Que vont

    devenir les

    poissons?

    Quelle eau

    boiront nos

    animaux?

    Ecrivez au prsident

    pruvien pour lexhor-

    ter annuler les

    contrats signs avec

    Pacific Rubiales.

    M. Ollanta HumalaPresidente de la

    Repblica del PerPalacio de GobiernoPlaza de ArmasLima 1Prou

    Monsieur le Prsident,Je suis extrmementproccup(e) par la situa-tion des Matss et desIndiens isols du nord duProu.La compagnie ptrolirePacific Rubiales a djcommenc ses travauxdexploration dans le bloc135 malgr les protesta-tions des Indiens matssqui vivent sur ces terres.Le bloc 135 se situe dansune zone destine deve-nir une rserve pour pro-tger les tribus isoles.Une deuxime conces-sion, le bloc 137, a taccorde au cur du ter-ritoire lgal des Matss.Toute activit extractivedans cette rgion viole lesdroits la terre et la viedes Matss, mais metgalement en danger lavie des Indiens isols quiy vivent.Je vous prie instamment

    de faire cesser les activitsde cette compagnie danscette rgion et de fairerespecter les lois nationa-les en vigueur garantis-sant les droits des peuplesindignes.Je vous prie dagrer,Monsieur le Prsident,lexpression de ma hauteconsidration.

    Indien matss Survival