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Actualités pharmaceutiques n° 540 novembre 2014 10 questions de comptoir © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2014.09.002 On vous demande, sachez répondre C ette rubrique, “questions de comptoir”, est conçue pour vous apporter des éléments de réponse éclairée face aux multiples questions que vous posent quotidiennement vos patients au comptoir de l’officine, dans le vaste domaine de la santé. Je viens d’apprendre que j’étais enceinte. Or j’ai pris des médicaments récemment. Y a-t'il un risque pour mon enfant ? F La réponse du pharmacien Jusqu’à l’implantation, qui s’achève au 12 e jour après la conception, les échanges entre l’embryon et la mère sont relativement pauvres. Il est donc admis que, durant cette période, le retentissement d’un agent exogène a des consé- quences minimes sur le futur bébé. Cette période, appelée péri-implantatoire, est caractérisée par la loi du “tout ou rien” : soit l’embryon est expulsé (fausse couche), soit il reste viable, exempt de séquelles. Attention, il faut cependant prendre en compte la demi-vie d’élimination du médicament. En effet, malgré l’arrêt d’un traitement pendant cette phase précoce, l’embryon peut être exposé si la demi-vie d’élimination du produit est longue. Or, il est dit que le médicament est éliminé au bout de cinq demi-vies. En résumé, si la date correspondant à la dernière prise du médicament additionnée de cinq demi-vies de ce dernier est antérieure à la date de conception additionnée de 12 jours, le risque est absent. Si la date du début de la grossesse n’est pas connue, il suffit de prendre comme référence celle du premier jour des dernières règles, d’additionner le nombre de jours du cycle habituel et de soustraire 14 jours. Tératogénicité Jérémy VONO a, * Docteur en pharmacie Marine ROUSSIN b Docteur en pharmacie *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Vono). a Pharmacie centrale, 30 place de l'Église, 23200 Gouzon, France b 5 rue de Viblac, 87100 Limoges, France © DR © Elsevier Masson SAS © Fotolia.com Je pense que mon enfant a la varicelle. Puis-je utiliser de l’aspirine ou de l’ibuprofène pour traiter la fièvre et du talc pour assécher les boutons ? F La réponse du pharmacien En raison du risque de survenue d’un syndrome de Reye, qui associe une atteinte cérébrale non inflammatoire et une atteinte hépatique, il est contre- indiqué d’administrer de l’aspirine chez l’enfant de moins de 16 ans. De même, un traitement par anti- inflammatoires non stéroïdiens (AINS) destiné à la prise en charge de la fièvre et/ou de la douleur n’est pas recommandé chez l’enfant atteint de varicelle en prévention des complications infectieuses parfois graves des lésions cutanées. En cas de varicelle ou de suspicion de varicelle, il convient de recourir en première intention au paracétamol comme antal- gique et antipyrétique en raison de sa bonne tolé- rance aux doses thérapeutiques. En cas de prurit, seuls les antihistaminiques doivent être utilisés pour leur effet antiprurigineux. La chlorhexidine est utile pour prévenir la surinfection. Aucun autre produit (talc, crème, pommade ou gel) ne doit être appliqué sur la peau. Le talc est même considéré comme un facteur de surinfection cutanée (entraînant des nécroses parfois profondes) en cas de varicelle. Afin de soulager l'enfant, il est préconisé de lui faire prendre des bains quotidiens ou biquotidiens à l’eau tiède en utilisant un savon dermatologique ne contenant pas d’antiseptique. Il est aussi utile de couper ses ongles courts, afin de réduire le risque de surinfection bactérienne par grattage, et de privilégier le port de vêtements amples, confortables, légers et, de préférence, en coton. Prise en charge de la varicelle © DR R

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Actualités pharmaceutiques

• n° 540 • novembre 2014 •10

questions de comptoir

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2014.09.002

On vous demande, sachez répondre

C ette rubrique, “questions de comptoir”, est conçue pour vous apporter des éléments de réponse éclairée face aux multiples questions

que vous posent quotidiennement vos patients au comptoir de l’officine, dans le vaste domaine de la santé.

Je viens d’apprendre que j’étais enceinte. Or j’ai pris des médicaments récemment. Y a-t'il un risque pour mon enfant ?

F La réponse du pharmacien

Jusqu’à l’implantation, qui s’achève au 12e jour après la conception, les échanges entre l’embryon et la mère sont relativement pauvres. Il est donc admis que, durant cette période, le retentissement d’un agent exogène a des consé-quences minimes sur le futur bébé. Cette période, appelée péri-implantatoire, est caractérisée par la loi du “tout ou rien” : soit l’embryon est expulsé (fausse couche), soit il reste viable, exempt de séquelles. Attention, il faut cependant prendre en compte la demi-vie d’élimination du médicament. En effet,

malgré l’arrêt d’un traitement pendant cette phase précoce, l’embryon peut être exposé si la demi-vie d’élimination du produit est longue. Or, il est dit

que le médicament est éliminé au bout de cinq demi-vies. En résumé, si la date

correspondant à la dernière prise du médicament additionnée de cinq demi-vies de ce dernier est antérieure à la date de conception additionnée de 12 jours, le risque est absent. Si la date du début de la grossesse n’est pas connue, il suffit de prendre comme référence celle du premier jour des dernières règles, d’additionner le nombre de jours du cycle habituel et de soustraire 14 jours.

Tératogénicité

Jérémy VONOa,*Docteur en pharmacie

Marine ROUSSINb

Docteur en pharmacie

*Auteur correspondant.Adresse e-mail :

[email protected] (J. Vono).

aPharmacie centrale, 30 place de l'Église,

23200 Gouzon, Franceb5 rue de Viblac,

87100 Limoges, France

© DR

© Elsevier Masson SAS

© Fotolia.com

Je pense que mon enfant a la varicelle. Puis-je utiliser de l’aspirine ou de l’ibuprofène pour traiter la fièvre et du talc pour assécher les boutons ?

F La réponse du pharmacien

En raison du risque de survenue d’un syndrome de Reye, qui associe une atteinte cérébrale non inflammatoire et une atteinte hépatique, il est contre-indiqué d’administrer de l’aspirine chez l’enfant de moins de 16 ans. De même, un traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) destiné à la prise en charge de la fièvre et/ou de la douleur n’est pas recommandé chez l’enfant atteint de varicelle en prévention des complications infectieuses parfois graves des lésions cutanées. En cas de varicelle ou de suspicion de varicelle, il convient de recourir en première intention au paracétamol comme antal-gique et antipyrétique en raison de sa bonne tolé-rance aux doses thérapeutiques. En cas de prurit,

seuls les antihistaminiques doivent être utilisés pour leur effet antiprurigineux. La chlorhexidine est utile pour prévenir la sur infection. Aucun autre produit (talc, crème, pommade ou gel) ne doit être appliqué sur la peau. Le talc est même considéré comme un facteur de surinfection cutanée (entraînant des nécroses parfois profondes) en cas de varicelle. Afin de soulager l'enfant, il est préconisé de lui faire prendre des bains quotidiens ou biquotidiens à l’eau tiède en utilisant un savon dermato logique ne contenant pas d’antiseptique. Il est aussi utile de couper ses ongles courts, afin de réduire le risque de surinfection bactérienne par grattage, et de privilégier le port de vêtements amples, confortables, légers et, de préférence, en coton.

Prise en charge de la varicelle

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Page 2: On vous demande, sachez répondre

Actualités pharmaceutiques

• n° 540 • novembre 2014 • 11

questions de comptoir

Quels sont les médicaments susceptibles de provoquer des hypoglycémies ?

F La réponse du pharmacien

En dehors des antidiabétiques qui entraînent implicitement un risque accru d’hypoglycémie, de nombreux médi-caments sont susceptibles de provoquer une diminution de la glycémie. Le mécanisme peut être direct, par augmentation de la sécrétion d’insuline, ou par inhibition de la néoglucogenèse. Mais cer-tains médicaments peuvent induire indirectement une hypoglycémie en potentialisant des agents anti-diabétiques, par compétition au niveau des protéines de liaison plasmatiques ou des cytochromes CYP2C8 et CYP2C9. Des cas d’hypo glycémie ont été rap-portés avec certains anti-infectieux antibiotiques (ceftriaxone, ciprofloxacine, cotrimoxazole, doxy-cycline, isoniazide), antiviraux (entécavir, ganciclovir, stavudine…), antifongiques (ké toconazole, vorico-nazole) et antiparasitaires (pentamidine, quinine, méfloquine, hydroxychloroquine, sulfa doxine/

pyrimé thamine). L’hypoglycémie peut éga-lement survenir au cours de traitements à visée cardiologique comme avec les inhibi-teurs de l’enzyme de conversion (captopril, lisinopril, énalapril) ou les anti-arythmiques (amiodarone, cibenzoline, disopyramide).

Des hypoglycémies ont aussi été observées sous bêtabloquants après un jeûne prolongé ou

un exercice physique intense, mais elles peuvent être masquées chez les sujets diabétiques qui pren-nent ces médicaments. Les antidépresseurs de type inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine peuvent induire ce type de réaction en stimulant la sécrétion d’insuline. Les interférons, certains antalgiques (indométacine, aspirine, tramadol) et antiépileptiques (gabapentine, phé nytoï ne, topi-ramate…) peuvent également être incriminés1.

1 Glasser L, Alt-Tebacher M, Schlienger JL. Iatrogenic hypoglycemias. Médecine des maladies métaboliques. 2011;5:377-81.

Médicaments et risque d’hypoglycémie

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Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas

avoir de confl its d’intérêts en

relation avec cet article.

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Quelle est la différence entre une peau sèche et une peau déshydratée ?

F La réponse du pharmacien

Il est important de faire la différence entre une peau sèche et une peau déshydratée car ces deux pro-blèmes ne se traitent pas de la même manière. Une peau sèche souffre d'un déficit de lipides, tandis qu’une peau déshydratée manque tout simplement d’eau. La déshydratation peut apparaître à tout âge et sur n’importe quel type de peau (sèche, normale ou mixte). Elle est souvent liée à une réaction à des facteurs externes comme le climat, l’alimentation ou une patho-logie. La peau est alors terne, rêche et rugueuse au toucher ; elle manque de souplesse, est inconfor-table et des ridules de déshydratation peuvent appa-raître. Une sensation de tiraillement survient, surtout après la toilette ou la douche. La peau sèche relève, en revanche, d’un problème plus profond : elle ne

sécrète plus assez de lipides en raison d’un déséqui-libre lipidique du ciment intercellulaire et des mem-branes cellulaires. Elle est alors dans l’impossibilité de remplir son rôle de barrière, ce qui entraîne une

perte en eau importante. La peau sèche manque de souplesse et de confort, a tendance à tirailler tout au long de la journée, est fragile et faci-

lement irritable. Elle est sujette à l’apparition de rides précoces et à une perte d’élasticité. Visuellement,

le teint est clair et manque d’éclat à cause d’une déficience en sébum, la peau

réfléchissant mal la lumière. Le grain de peau paraît fin et serré. Des rougeurs, des squames

ou des dartres peuvent facilement se développer. Au toucher, la peau semble froide et fine, avec un pli cutané mince. Elle est souvent rêche et peut pré-senter des stries de déshydratation. Apporter des agents hydratants ne pas sera donc pas suffisant, il faudra aussi utiliser des agents relipidants.

Sècheresse ou déshydratation

© DR© DR