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Rhumatos • avril 2016 • vol. 13 • numéro 115 711 © D.R. © Robert Kneschke - Fotolia DOSSIER Outils de mesure du risque de fracture à la ménopause

Outils de mesure du risque de fracture à la ménopause

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Rhumatos • avril 2016 • vol. 13 • numéro 115 711

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Outils de mesuredu risque de fracture

à la ménopause

DOSSIER

72 RHUMATOS • avril 2016 • vol. 13 • numéro 1153

*Hôpital Cochin, Service de rhumatologie, Paris

L’ostéoporose est une maladie diffuse du squelette compro-

mettant sa résistance prédisposant à un risque accru de fractures. Ce n’est donc pas seulement le dia-gnostic d’ostéoporose qui inté-

de la minéralisation. La densité minérale osseuse est mesurée par densitométrie à double éner-gie par rayon X et comparée au pic de densité minérale osseuse de sujets sains. La qualité peut être appréciée par la biopsie osseuse qui n’est pas réalisable en routine du fait de son caractère invasif.

Outils de mesure du risque de fracture à la ménopauseLes intégrer au diagnostic d’ostéoporose

Dr Catherine Cormier*

resse le médecin, mais le risque fracturaire. La résistance du sque-lette intègre en effet deux para-mètres  : la quantité du minéral ou densité minérale osseuse et la qualité de l’os qui est la résultante de l’architecture, du remodelage osseux, de l’accumulation de dom-mages osseux (microfractures) et

RésuméPour une prise en charge globale du risque frac-turaire chez la femme ménopausée, on utilise les outils d’évaluation de l’ostéoporose. Les ou-tils d’évaluation sont principalement l’ostéoden-sitométrie parfaitement validée en termes de risque fracturaire. Les autres outils sont les radiographies de la colonne vertébrale dorsale et lombaire pour identifier des fractures verté-brales suspectées sur des douleurs ou une perte de taille. Cette identification peut être faite sur le densitomètre par le Vertebral Fracture Assess-ment (VFA) sans avoir recours à des radiogra-phies, ce qui limite les radiations. L’ostéoden-sitométrie permet également la mesure de la longueur du col qui est un facteur indépendant de la masse osseuse et des facteurs cliniques. Les autres explorations comme les ultrasons, le scanner, l’IRM sont des outils de recherche non applicables en routine. En revanche, le Trabecu-lar Bone Score (TBS), qui est un index de quan-tification des variations de niveaux de gris sur l’image d’acquisition du rachis en densitométrie, est utilisable en routine du fait de son caractère indépendant de la densitométrie et des facteurs

de risque clinique. Les marqueurs du remode-lage osseux sont une aide à la décision théra-peutique, mais il n’est pas clair qu’ils soient réellement indépendants de la masse osseuse et des facteurs cliniques. Récemment, se sont développés des outils de pré-diction des fractures sur une période de 10 ans, en particulier, le score de FRAX. Il est utilisable à l’échelon individuel avec quelques limites (que le clinicien doit connaître) et est particulièrement utile dans les situations de risque modéré. Après cette évaluation du risque fracturaire, la première étape devant la découverte d’une ostéoporose est d’écarter des causes secondaires qui béné-ficieraient d’un traitement spécifique de chaque pathologie. Ce sont les explorations biologiques avec, en particulier, une mesure des paramètres phosphocalciques de base et des hormones cal-ciotropes, qui sont particulièrement utiles pour écarter des endocrinopathies, et les anomalies métaboliques à corriger avant d’envisager des interventions thérapeutiques par des médica-ments qui ont prouvé leur efficacité en termes d’épargne fracturaire.

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On ne dispose, pour approcher la qualité osseuse, que des mar-queurs du remodelage osseux et de techniques mesurant indirec-tement la microarchitecture dont certaines, comme le TBS, sont à un stade d’évaluation suffisant pour être intégrées dans les outils composites d’évaluation du risque de fracture. C’est devant une frac-ture pour un faible traumatisme associé à une densité minérale osseuse basse et/ou devant une densité minérale osseuse basse répondant au critère d’ostéopo-rose densitométrique, mesure réalisée du fait de la présence de facteurs de risque de fracture, que l’on retiendra le diagnostic d’os-téoporose. On réalisera alors une recherche clinique et biologique pour écarter le diagnostic d’ostéo-porose secondaire, terme utilisé par les Anglo-saxons, également appelée ostéopathie fragilisante, qu’elle soit métabolique, maligne ou génotypique, avant de retenir le diagnostic d’ostéoporose primi-tive. La décision thérapeutique sera prise en fonction de la cause et

dans l’ostéoporose primitive en confrontant le résultat de la den-sitométrie, l’existence de fracture pour un faible traumatisme et les autres facteurs de risque de frac-ture, que l’on classera en frac-ture sévère (vertébrale, extrémité supérieure du fémur, de l’humé-rus, fémur distal, tibia proximal, 3  côtes simultanées, bassin) et non sévère (poignets et autres sites). Le score de FRAX établi par l’OMS est actuellement utilisé pour faciliter cette démarche. Les traitements seront choisis en fonction du risque fracturaire. Chez la femme de moins de 60 ans en l’absence de fracture sévère, on privilégiera le traitement hor-monal de la ménopause, seul traitement de prévention primaire quand cela est possible.

OUTILS D’ÉVALUATION DE L’OSTÉOPOROSE

■■ L’ABSORPTIOMÉTRIE BI-PHOTONIQUE À RAYONS X (DXA) MESURE LA DENSITÉ MINÉRALE OSSEUSE (DMO)

> La techniqueL’ostéodensitométrie ou absorp-tiométrie consiste à mesurer l’at-ténuation des radiations par une région osseuse. Cette atténuation (absorption) est proportionnelle à la quantité de tissus mous et osseux rencontrés. La comparai-son de cette atténuation avec celle obtenue par un étalonnage per-met d’évaluer la masse minérale osseuse. L’ostéodensitométrie bi-photonique à rayons X (DXA) se révèle indiscutablement comme étant la technique la plus perfor-mante quant à la réalisation de la mesure de la quantité d’os miné-ralisé. De nombreuses études prospectives conduites chez la femme ménopausée ont montré qu’une DMO basse était associée à une augmentation du risque de fracture (1).

Le Z-score représente la diffé-rence entre la valeur mesurée et la valeur moyenne théorique ajus-tée pour l’âge et le sexe, exprimée en fraction d’écart-type. Le T-score est la différence entre la valeur mesurée et la moyenne

AbstractFracture risk tools with menopause.For a comprehensive treatment of fracture risk in postmeno-pausal women, using the assessment of osteoporosis tools. The assessment tools are mainly bone densitometry fully validated in terms of fracture risk. Other tools are X-rays of the dorsal and lumbar spine to identify vertebral fractures suspected of pain or loss of height. This identification can be made on the densitome-ter by Vertebral Fracture Assessment (VFA) without using X-rays, which limits radiation. Bone densitometry also allows the measu-rement of cervical length is an independent factor in bone mass and clinical factors. Other explorations such as ultrasound, CT scan, MRI are not applicable in routine research tools. By against the Trabecular Bone Score (TBS), which is an index of quantiza-tion of the gray level variations on the image acquisition of the spine densitometry is used routinely due to its independence of

densitometry and clinical risk factors. The bone turnover mar-kers are an aid to therapeutic decision, but it is not clear that they are truly independent of bone mass and clinical factors. Recently others tools have been developed, in particular, the FRAX score. It can be used at the individual level with some limitations that the clinician needs to know and is particularly useful in mode-rate-risk situations. After the assessment of fracture risk, the first step before the discovery of osteoporosis is to exclude secon-dary causes that would benefit from a specific treatment of each pathology. These are the biological explorations in particular a measure of basic calcium phosphate calciotropic parameters and hormones that are particularly useful to rule out endocrine disor-ders and metabolic abnormalities corrected before considering therapeutic interventions with drugs that have proven effective in terms fracture of savings.

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de masse osseuse de sujets jeunes considérés comme nor-maux et également exprimé en fraction d’écart-type. Le T-score est indépendant de l’âge.

Un rapport de l’OMS (2) utilise le T-score pour établir la définition de l’ostéoporose chez la femme post-ménopausée caucasienne basée sur une diminution de la DMO sans attendre la survenue de fracture. L’ostéoporose est définie comme une réduction de DMO supérieure à 2,5 déviations standard (DS) en dessous de la masse osseuse de femmes jeunes normales, c’est-à-dire un T-score inférieur ou égal à -2,5 DS. Une DMO abaissée (ostéopénie) est définie par un T-score compris entre -1 et -2,5 DS. Lorsque la diminution de la DMO s’accompagne de fracture(s), on parle alors d’ostéoporose sévère ou compliquée. Pour le seuil diagnostique (≤-2,5 T-score), on estime que 30 % des femmes de plus de 50 ans ou plus l’atteindront dans les années qui leur restent à vivre.

Pour les femmes en préméno-pause, les hommes de moins de 50  ans et dans les groupes eth-niques non caucasiens, on retient le diagnostic de DMO anormale quand le Z-score est inférieur ou égal à -2.

> Sites de mesureIl est recommandé de réaliser la mesure de la densité minérale os-seuse sur 2 sites : 1 site trabécu-laire (rachis lombaire, radius ul-tradistal) et un site cortical (fémur ou 1/3 proximal du radius). Chez le sujet âgé ou chez le sujet atteint d’une pathologie rachidienne sus-

ceptible de fausser les résultats de l’examen, on privilégiera les sites autres que rachidiens.

RachisC’est le site ayant le plus impor-tant contenu d’os trabéculaire et où le remodelage osseux est le plus important, donc un site où les anomalies seront les plus pré-coces. C’est par ailleurs le site le moins influencé par la position de la patiente. Il convient de vérifier le centrage de l’image sur le rachis et la rectitude de celui-ci et de dis-poser d’au moins 2 vertèbres ana-lysables, au mieux 4 de L1 à L4. Il existe des limites à cet examen, en particulier des fausses augmenta-tions de DMO en cas d’arthrose, de fracture/tassement vertébral, de calcification de l’aorte. De ce fait après 65-70 ans, le rachis devient moins souvent exploitable.

Fémur (Fig. 1)C’est le fémur proximal qui est mesuré avec 2 zones principales : la zone totale et le col du fémur sont les zones les plus prédictives du risque fracturaire. On vérifiera la position du membre inférieur et que le degré de rotation du membre inférieur soit satisfaisant. Habituellement, la mesure du col est inférieure à celle du total, si

ce n’est pas le cas on retiendra la mesure du total du fémur.

RadiusLa mesure intéressera le radius ultradistal qui représente princi-palement l’os trabéculaire et la partie distale qui est plus riche en os cortical. Sa mesure ne sera pas systématique en post-ménopause, mais seulement réalisée quand les sites rachidiens et fémoraux ne permettent pas de conclure. Il existe une situation dans laquelle le site radial sera fait systéma-tiquement  : l’hyperparathyroïdie primitive qui présente une atteinte préférentielle sur le radius distal.Le diagnostic d’ostéoporose en post-ménopause sera retenu quand au moins un site est < -2,5 T-score.

Reproductibilité des mesures Pour l’interprétation du suivi, seuls sont strictement compa-rables les examens d’un patient correctement positionné, d’un même système technique, d’une même machine, d’une même zone osseuse, exploités avec le même logiciel et analysés de la même fa-çon. Deux examens sont considé-rés comme différents seulement à partir de 2,8 fois le coefficient de variation du site exploré (en valeur

FIGURE 1 - Mesure de la DMO du fémur.

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absolue 30 mg). Compte tenu de la perte physiologique de masse os-seuse et de ce seuil de détection, il n’est pas licite de faire une nou-velle DMO avant 2 à 5  ans après l’examen précédent en cas d’os-téoporose post-ménopausique. En cas d’ostéoporose cortisonique, d’hyperparathyroïdie primitive, la perte osseuse est plus rapide et des DMO plus rapprochées pour-ront être justifiées.Pour chaque diminution d’une déviation standard de DMO, le risque de fracture incidente est multiplié par 1,5 à 3. La perte en DMO, estimée par 2 tests à moins de 5 ans d’intervalle, ne prédit pas un risque de fractures majeures incidentes indépendamment du résultat de DMO actuel. Ceci s’ex-plique par l’importance de l’erreur de mesure (3). En revanche, une perte rapide est prédictive du risque de mortalité post-fracture chez l’homme et la femme (4).

> Pièges de la DMO• La fiabilité des mesures va dé-pendre d’une part du contrôle jour-nalier du fantôme, qui est le témoin permettant de vérifier l’aspect mé-canique de la machine, et la bonne reconnaissance des contours donc l’exactitude de la mesure. Cette fiabilité est vérifiée par un contrôle de qualité centralisé par des orga-nismes agréés par l’ANSM (ex-Afs-saps). D’autre part, cette fiabilité dépendra du bon positionnement du patient et d’un choix adéquat de la zone d’intérêt.

• L’interprétation correcte néces-site de disposer de courbes de référence satisfaisantes  : elles doivent être établies avec une population française, au minimum européenne. En cas de DMO de contrôle, on vérifiera que ce sont

les mêmes sites qui sont exami-nés, dans la même position avec les mêmes courbes de normalité.

• Les artefacts seront recherchés pour éliminer les fausses aug-mentations de la DMO dues à une arthrose, une scoliose, un tasse-ment vertébral, une prothèse. On éliminera des fausses diminu-tions liées à des artefacts dans les tissus mous servant de ligne de base : examen récent avec pro-duit de contraste (< 8  j), calculs rénaux. On s’attachera également à éliminer les artefacts liés à la taille < 1,45 m : la DMO est sous-estimée, > 1,75 m : elle est sures-timée.

> Pour qui la DMO doit-elle être pratiquée ?Il a été recommandé par l’Anaes (5) de réaliser une DMO dans certaines conditions qui ont été retenues comme conditions de remboursement par la Sécurité sociale :

• Dans la population générale, quels que soient l’âge et le sexe : devant la découverte radiologique d’une fracture vertébrale, devant un antécédent personnel de frac-ture périphérique survenue sans traumatisme majeur (en excluant

les fractures de la face, des or-teils, des doigts, et du rachis cer-vical), devant des antécédents de pathologies inductrices d’ostéo-porose : hypogonadisme prolongé (incluant l’androgénoprivation chirurgicale ou médicamenteuse par exemple GnRh), hyperthyroï-die évolutive non traitée, hyper-corticisme, hyperparathyroïdie primitive, ostéogenèse imparfaite ou de traitements inducteurs d’ostéoporose, en particulier de corticothérapie prescrite pour une durée d’au moins 3 mois consécu-tifs, à une dose > 7,5 mg/j d’équi-valents prednisone.

• Chez les femmes ménopausées, y compris pour les femmes sous traitement hormonal de la méno-pause, les indications supplémen-taires sont les cas d’antécédents de fracture de l’extrémité supé-rieure du fémur chez un parent au 1er degré, de ménopause précoce avant 40 ans, d’un indice de masse corporelle  <  19  kg/m2 et d’anté-cédents de prise de corticoïdes d’une durée d’au moins 3 mois consécutifs, à une dose > 7,5 mg/j d’équivalent prednisone.

Il n’est pas recommandé de réaliser une ostéodensitométrie de façon systématique en particulier chez

FIGURE 2 - Radiographies rachis dorsal et lombaire de profil chez les femmes ménopausées.

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des femmes sans traitement hor-monal substitutif sans facteur de risque, car cette attitude de dépis-tage de masse n’est pas validée en termes d’efficacité antifracturaire  : il faudra donc discuter au cas par cas la réalisation de celle-ci dans cette situation et prévenir le patient du non-remboursement de la me-sure. Une seule étude, critiquable dans sa méthodologie, apporte des arguments pour une mesure systématique (6) et l’ensemble des consensus exige des facteurs de risque ou ne rend systématique la densitométrie qu’après 65 ans.

Les autres techniques

> Les radiographies du rachis dorsal et lombaireElles ne permettent de quantifier la densité osseuse que trop tardi-vement par manque de sensibilité, mais elles sont utiles au diagnos-tic de fracture vertébrale et de leur sévérité (7). Elles seront réalisées quand on constatera une perte de taille de plus de 3 cm, en sachant que la probabilité de trouver des fractures vertébrales est très forte quand la perte de taille est supé-rieure à 6 cm. Il est donc très im-portant de mesurer régulièrement les patients et cela devrait être fait systématiquement lors de chaque densitométrie.

> Outils disponibles sur le densitomètre• La mesure sur les appareils de densitométrie du Vertebral Frac-ture Assessment (VFA) permet d’identifier des fractures verté-brales et est réalisée en même temps que la DMO ce qui limite l’irradiation (Fig. 2).• La mesure du corps entier n’est pas plus performante que la DMO du rachis et du fémur.

• La mesure de la longueur du col fémoral définie entre la base du grand trochanter et le bord inté-rieur du bassin est prédictrice de la fracture de hanche, indépen-damment de la DMO et du FRAX (voir plus loin) surtout chez la femme de moins de 70  ans non ostéoporotique (8).

> Les ultrasonsLa mesure par ultrasons réalisée au niveau de sites périphériques ne peut être utilisée pour le dia-gnostic d’ostéoporose ni pour surveiller des traitements, car les mesures ultrasonores ne sont pas corrélées à la DMO (9). Cependant c’est un outil prédisant le risque fracturaire aussi bien que la DMO. Même après prise en compte de la DMO, ils restent prédictifs des fractures (10). Cependant, les ultrasons sont moins bons prédic-teurs que la DMO du fémur pour les fractures de hanches et leur valeur prédictive diminue avec le temps (11), ce qui rend délicate leur introduction dans des outils mixtes de prédictivité. Ils refléte-raient outre la densité minérale osseuse, l’élasticité et la struc-ture osseuse pouvant aussi être

le témoin de modification de la microarchitecture. La facilité de leur réalisation pourrait en faire un outil de dépistage de masse quand la densitométrie n’est pas disponible à proximité.

> Le QCT (Quantitative Computed Tomography)Il est réalisé au rachis lombaire, au fémur et en périphérie, poignet et tibia distal et permet d’identifier les compartiments trabéculaire et cortical, permet de réaliser une mesure de densité volumétrique et d’approcher la microstructure. Cependant, il n’est pas validé pour le diagnostic ni pour juger l’efficacité des thérapeutiques de l’ostéoporose et est plus irradiant que la DMO (12). Il existe une rela-tion entre pQCT et les fractures incidentes, mais la relation est atténuée après ajustement pour la DMO ce qui n’en fait pas un outil utilisable en routine (13).

> Le TBS (Trabecular Bone Score) (Fig. 3)Le TBS est un index de quantifica-tion des variations de niveau de gris sur l’image d’acquisition du rachis en densitométrie. Il s’agit d’un index

L’indice TBS et la trabéculographie sont obtenus par ré-analyse d’un examen DXApour la région de mesure considérée (par exemple L1-L4)

ENTRÉE DXA_TBS SORTIE

La trabéculographie

L’indice TBSTBS L1-L4 1,046 [mm-1]

Ré-analyse automatique et instantanée de

l’examen DXA

Algorithme TBS

Analysed’image

Examen Rachis AP

Une forte valeur de TBS reflète une bonne microarchitecture Une faible valeur de TBS reflète une microarchitecture dégradée

FIGURE 3 - La trabéculométrie : l’indice TBS et la trabéculographie.

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indirect d’évaluation de la microar-chitecture trabéculaire. Un TBS bas est associé à une augmentation du risque de fracture prévalente et in-cidente, indépendamment des don-nées densitométriques au rachis et au fémur et indépendamment du FRAX (13). Par contre, bien que le TBS soit influencé par les traite-ments antiostéoporotiques, l’ampli-tude des changements est moindre que celle observée sur les densito-métries du rachis et il n’est pas clair si les changements de TBS sont reliés à une réduction du risque de fracture (14).

> Autres outils en cours d’évaluationLa distance d’indentation mesurée au tibia permet d’identifier des alté-rations osseuses non détectées en DXA. L’IRM de haute résolution et l’analyse fractale permettent une étude de l’os cortical (13). Ce sont des outils en cours de validation.

> Marqueurs biologiques En dehors des paramètres du métabolisme phosphocalcique qui permettront de dépister certaines causes d’ostéoporose secondaire, les marqueurs osseux mesurent le degré du remodelage osseux qui influence fortement le degré de minéralisation osseuse, donc la qualité osseuse. Quelle que soit son étiologie, une perte osseuse est la conséquence d’une balance négative entre l’activité des ostéo-blastes (formation osseuse) et celle des ostéoclastes (résorp-tion osseuse). Des dosages bio-logiques permettant d’évaluer l’activité de ces 2 types cellulaires et appelés marqueurs du remo-delage osseux ont été développés ces 15 dernières années. On les classe traditionnellement en mar-queurs de la formation (les plus

intéressants sont l’ostéocalcine, la phosphatase alcaline osseuse et le P1NP) ou en marqueurs de la résorption (les plus intéressants sont les télopeptides CTX et NTX).

Un groupe d’experts (regroupant l’International Osteoporosis Foun-dation et l’International Federa-tion of Clinical Chemistry ainsi que la Laboratory Medicine) propose d’utiliser préférentiellement le PINP pour évaluer la formation osseuse et le CTX pour évaluer la résorption (15). Ce groupe a publié une méta-analyse évaluant les re-lations avec le risque de fracture (16). Ils concluent à une associa-tion modérée, mais significative incluant le risque de fracture de hanche (RR de 1,18 à 1,23), cepen-dant sans que l’on puisse affir-mer l’indépendance par rapport à la DMO. Des marqueurs récents sont en évaluation : la sclérostine (inhibiteur de la formation) est positivement associée au risque de fracture en post-ménopause dans l’étude prospective CEOR (17), mais pas dans l’étude OFELY qui regroupe des femmes d’âge moyen 67 ans. La périostine dans cette cohorte OFELY de femmes jeunes (18) est associée au risque de fracture indépendamment de la DMO chez les femmes qui sont à la fois dans le plus haut quartile de périostine et avec une DMO du fé-mur inférieure à -2,5 T-score (19). Pour ces 2 derniers paramètres, il s’agit de résultats prometteurs comme pour d’autres paramètres indépendants du métabolisme osseux comme le taux d’urate, de natrémie, de marqueurs de l’in-flammation, mais d’autres études sont nécessaires. Les hormones calciotropes  25OHD et PTH sont associées au risque fracturaire dans de nombreuses études (taux

bas de 25OHD isolé ou associé à un taux élevé de PTH augmente le risque de fracture) et peuvent être facilement corrigés avec une réduction des fractures non verté-brales (20).

En pratique, en premier lieu on corrigera les anomalies des hor-mones calciotropes, puis on pour-ra doser les marqueurs de résorp-tion. Comme les études françaises apportent des arguments en faveur d’une prédictivité des mar-queurs de résorption sur le risque de fracture, cela incite à propo-ser un traitement quand ils sont élevés ou au contraire de propo-ser une abstention thérapeutique s’ils sont normaux en situation limite de FRAX par exemple (voir plus loin), mais ceci n’est pas un consensus international.

> La biopsie osseuseInutilisable en routine, c’est un outil très utile pour comprendre la physiologie des ostéoporoses et l’effet des traitements. Des tra-vaux sur le degré de minéralisa-tion et l’index d’hétérogénéité de celle-ci permettent d’expliquer les variations de DMO, notam-ment sous antirésorbeurs et sont des paramètres importants à côté de l’étude quantitative au niveau tissulaire de la masse osseuse et de l’étude de la microarchitecture osseuse.

■■ LES OUTILS COMPOSITES DE PRÉDICTION DE FRACTURE ET PARTICULIÈREMENT LE SCORE DE FRAX (Tab. 1)La moitié des individus fracturés ne sont pas ostéoporotiques en DMO. Pour évaluer le risque frac-turaire, des outils ont été déve-loppés incluant des paramètres cliniques, le plus utilisé en Europe

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78 RHUMATOS • avril 2016 • vol. 13 • numéro 1153

est le score de FRAX (21). Validé sur 11 cohortes, soit un million de patients/année, il évalue le risque fracturaire à 10  ans en tenant compte de l’âge, du sexe, du BMI, des fractures par fragilité anté-rieure, de l’histoire parentale de fracture de hanche, de l’utilisation prolongée de glucocorticoïdes, de l’existence de polyarthrite rhuma-toïde, de tabagisme actuel, d’ap-port de 3 à plus d’unités d’alcool par jour, de l’existence d’ostéopo-rose secondaire et de manière op-tionnelle de la DMO du col fémoral. Ce score a été établi à partir de co-hortes regroupant 59 644 hommes et femmes d’âge moyen 63  ans avec 75  % de femmes. Dans leur suivi de 250  000 années/femme, ces cohortes ont enregistré 3  318  fractures ostéoporotiques et 1 141 fractures de hanche (22). Les cohortes se trouvaient en Australie (Dubbo), aux États-Unis (Rochester), au Japon (Hiroshima)

et plusieurs en Europe, une aux Pays-Bas, les cohortes EVOS et EPOS regroupant 13 centres euro-péens, les cohortes françaises, EPIDOS et OFELY, une cohorte finlandaise, une anglaise de Shef-field et deux suédoises. Il faut donc utiliser le score en fonction de la situation géographique. L’hétéro-généité géographique du risque fracturaire a été prise en compte. La France est à risque fracturaire modéré alors que la Suède est à très haut risque, le Royaume-Uni à haut risque et le Vénézuéla à bas risque.

C’est un outil intéressant pour la décision de prise en charge thérapeutique, mais dont il faut connaître les limites. Il existe des études discordantes avec le score FRAX dans des populations peu représentées comme les femmes en début de ménopause. En effet les cohortes utilisées comme vali-

dation du score ont une moyenne d’âge de 63 ans. Ainsi dans l’étude DOPS (23) de moyenne d’âge 50 ans sans THM, on constate un risque supérieur au FRAX ce qui pourrait s’expliquer par la prise de THM par certaines femmes des cohortes de FRAX. Dans une cohorte toulousaine, le FRAX n’apporte rien de plus qu’une DMO (24). Cependant, l’absence de nombreuses cohortes de femmes en post-ménopause immédiate ne permet pas de conclure que le FRAX est vraiment utile. Le score de FRAX sera donc comme pour toutes les femmes en post-mé-nopause le seul outil réellement utilisable.

Le FRAX sans la DMO sous-éva-lue le risque par rapport à celui utilisant la DMO avec une aug-mentation importante du risque absolu pour les T-scores très bas et pour les âges les plus élevés.

TABLEAU 1 – LE SCORE DE FRAX.Détails des cohortes étudiées par méta-analyses des facteurs de risques.

Cohortes Nombre % femmes

Personnes-années

Sans fracture

Fracture de la hanche

Fracture ostéo porotique

Âge moyen (années)

CaMos 9 101 69 25 834 571 40 307 62DOES 2 089 61 15 994 519 103 407 70EPIDOS 1 183 100 3 947 NR 291 NR 82EVOS/EPOS 13 490 52 40 681 719 50 719 64Gothenburg I 7 065 100 29 603 440 29 312 59Gothenburg II 1 970 59 15 201 350 271 350 78Hiroshima 2 603 70 9 825 187 32 90 64Kuopio 11 691 100 56 091 1 043 NR NR 52OFELY 430 100 2 144 50 NR NR 64Rochester 1 001 65 6 227 289 42 244 56Rotterdam 6 851 59 39 593 861 220 646 69Sheffield 2 170 100 6 894 292 63 243 80TOTAL 59 644 75 252 034 5 321 1 141 3 318 63NR : non rapporté ; EVOS, European Vertebral Osteoporosis Study ; EPOS, European Prospective Osteoporosis Study ; CaMos, Canadien Multicentre Osteopo-rosis Study ; DOES, Dubbo Osteoporosis Epidemiology Study ; OFELY, L’os des femmes de Lyon ; EPIDOS, Épidémiologie de l’ostéoporose.

Outils de mesure du risque de fracture à la ménopause

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Ainsi, à 45  ans le risque absolu augmente de 3,8 % entre 0 et -2 T-score et de 8,4 % entre -2 et -4 T-score, alors qu’il augmente de 11,2 % et de 24 % pour ces mêmes T-scores à 70  ans. Il existe des discordances entre la DMO du rachis et du fémur et c’est celle du fémur qui est utilisée pour le score de FRAX. On sait qu’une grande discordance est identi-fiée comme un plus haut risque de fracture (25). Ainsi, à partir de 10 cohortes on constate d’une part, une discordance de plus de 2DS chez 2,5  % des femmes et une discordance de 1 à 2 DS chez 21 % et d’autre part, pour chaque DS, il y a 9 % d’augmentation du risque de fracture (26). Il faudra donc tenir compte à l’échelon in-dividuel de ces situations de dis-cordance. Pour le calcul du score, il est possible de remplacer la région du col, quand elle n’est pas disponible ou artefactée, par la région totale de la hanche, car ceci a pu être comparé sur cer-taines cohortes.

Certains facteurs, comme les os-

téoporoses secondaires, n’ont pu être testés indépendamment, car pas suffisamment fréquents, bien que reconnus comme facteurs de risque : l’hyperthyroïdie, l’hypothy-roïdie trop traitée, les insuffisances en hormones sexuelles, l’hypogo-nadisme ou la ménopause précoce (< 45 ans), le diabète de type 1, la malnutrition chronique ou la ma-labsorption ou une maladie hépa-tique. Elles ont été regroupées. Ont été individualisées la polyarthrite rhumatoïde et la corticothérapie de plus de 3 mois à plus de 5 mg.

La non-prise en compte des frac-tures vertébrales sous-évalue le risque. Les fractures vertébrales constituent un facteur de risque important pour prédire la surve-nue d’événements ostéoporotiques majeurs et de fracture de hanche. Pourtant, l’existence d’une fracture vertébrale sur les radiographies n’a pas été prise en compte dans le risque de fracture incidente, car seules 3 cohortes (Hiroshima, EVOS, Rotterdam) avaient réalisé des radiographies dans le suivi. Cependant la fracture vertébrale

est un facteur de prédiction très puissant et les situations de frac-tures vertébrales cliniques et mor-phométriques sont donc sous-es-timées par le score de FRAX. Ceci incite à mesurer les patientes et à tenir compte des épisodes cli-niques confirmés par des radio-graphies, comme étant en rapport avec des fractures vertébrales.

D’autres facteurs n’ont pas été pris en compte en plus des fac-teurs cliniques comme les mar-queurs du remodelage osseux et les mesures par ultrasons, bien que ces deux facteurs soient pré-dictifs du risque de fracture, plus ou moins indépendamment de la densitométrie. Les cohortes du modèle FRAX possédant ces in-formations étaient trop peu nom-breuses. Les auteurs envisagent d’améliorer le modèle si d’autres études s’ajoutent dans les années à venir. Il est à noter que les co-hortes françaises incluses dans le modèle possèdent ces informa-tions en particulier sur les mar-queurs osseux. Le clinicien pour-rait donc en tenir compte.

40

30

20

10

01,0 1,1 1,2 1,3

TBS

FRAX haut

FRAX haut

Probabilité de fracture à 10 ans (%)

1,4 1,5

50 ans et probabilité sans TBS 4,6 %50 ans et probabilité sans TBS 21,0 % 80 ans et probabilité sans TBS 4,6 % 80 ans et probabilité sans TBS 21,0

Probabilité de fracture ostéoporotique majeure à 10 ans chez les femmes (%) (McCloskey E et al. Calcif Tissue Int 2015).

20T-score -2,0

Probabilité de fracture à 10 ans (%)

Âge (années)

T-score +1,015

10

50 60 70 80

5

0

Variabilité du FRAX en fonction du TBS du T-score et de l’âge : plus d’impact

quand la DMO du col est abaissée.

Effet de l’ajustement pour faible et forte valeur de TBS plus marqué à 50 ans qu’à

80 ans et pour des FRAX plus élevés.

FIGURE 4 - TBS facteur d’ajustement du FRAX.

DOSSIER

80 RHUMATOS • avril 2016 • vol. 13 • numéro 1153

En revanche, le TBS vient d’être incorporé comme outil d’ajuste-ment du FRAX. En effet, le TBS reste un prédicteur de fracture ostéoporotique majeure significa-tif après ajustement pour les fac-teurs cliniques du FRAX et la DMO du fémur chez des femmes de 40 à 100  ans d’une cohorte cana-dienne (27). L’impact du TBS est plus important quand la DMO du col du fémur est abaissée. L’impact de l’ajustement par le TBS sur le risque de fracture est plus impor-tant chez les femmes de 50  ans que chez les femmes de 80 ans et chez les femmes à score de FRAX plus élevé (Fig. 4). Ceci fait du TBS un outil utile dans les situations à risque modéré pour reclassifier le risque. Par exemple, une femme de 58 ans, qui a une fracture du poi-gnet et dont la DMO du col fémoral est à un T-score de -2, a un score de FRAX pour les fractures majeures de 7,1 %, juste limite pour décider d’une thérapeutique ostéoporo-tique si le THM est contre-indiqué. Un TBS modérément abaissé (par ex. 1,195), suggérant une microar-chitecture altérée, va augmenter le risque de fracture avec un score de FRAX modifié par le TBS à 9 % alors que si le TBS est normal supérieur pour l’âge (par ex. 1,4) témoignant d’une microarchitecture conser-vée, le risque sera diminué avec un score de FRAX modifié par le TBS à 6,3 % ce qui pourra faire conseiller d’attendre pour débuter un traite-ment de l’ostéoporose avec rééva-luation dans 2 à 3 ans si le THM ne peut être utilisé (Fig. 5).

L’autre limitation, et c’est vrai éga-lement pour tous les outils de pré-diction, est que la prédiction est limitée à 10  ans. Un travail fran-çais montre que le risque à 20 ans reste significatif pour une DMO

basse et une histoire de fracture de hanche chez les parents (28).

Le FRAX sans DMO comme les autres outils cliniques auraient pu aider à la sélection pour adresser des patientes pour faire une DMO. Chez les femmes de 50 à 64 ans, l’utilisation des outils cliniques de prédiction est à peine meilleure que la chance. Certains para-mètres comme l’absence de prise de THM et l’existence de troubles climatériques semblent améliorer la rentabilité d’un triage (29-30). L’indication de proposer de faire une densitométrie est arbitraire et varie en fonction des pays.

Au total, le score de FRAX est techniquement utilisable avec quelques limites dont le clini-cien doit tenir compte face à un patient. Mais la force de ce score réside surtout dans le fait d’avoir été validé sur 11 cohortes, ce qui correspond à un million de pa-tients/année et qu’il est perfec-tible (ex. ajustement par le TBS). Même si les seuils d’intervention thérapeutique restent à amélio-rer, ce score est utilisé dans les recommandations récentes pour l’utilisation des traitements dans des situations à risque modéré  : fracture non sévère et/ou T-score supérieur à -3. Le seuil d’inter-vention est la valeur de FRAX qui correspond au risque calculé des femmes de même âge ayant déjà fait une fracture (22).

ÉCARTER UNE CAUSE D’OSTÉOPOROSE SECONDAIRE OU D’OSTÉOPATHIE FRAGILISANTEDe toute manière, avant d’envisa-ger des thérapeutiques, il faudra

rechercher des causes d’ostéo-porose secondaire et des facteurs de risque sur lesquels on pourrait agir et qui augmentent le risque de fracture. C’est la raison pour laquelle une exploration biolo-gique minimum avant d’envisager un traitement est fondamentale (31). Une exploration du métabo-lisme phosphocalcique de base comportant calcémie, phospho-rémie, créatinine dans le sang et dans les urines, un dosage de vitamine  D (25OHD) pour écarter une ostéomalacie, sera réalisé et un dosage de PTH pour écarter le diagnostic d’hyperparathyroïdie primitive. Devant une hypercalciu-rie, outre une hyperparathyroïdie primitive qui peut être évoquée, on recherchera une fuite tubulaire de calcium qui est un facteur de risque d’ostéoporose. Les autres paramètres biologiques  : numé-ration, électrophorèse, protéinu-rie seront utiles pour écarter une gammapathie monoclonale ou un cancer. Le dosage de TSH sera utile en cas de signes cliniques d’hyperthyroïdie et systématique chez la femme âgée. Si un dia-gnostic d’ostéoporose secondaire est porté, sa prise en charge sera suffisante pour traiter l’ostéopo-rose. C’est vrai y compris dans les formes modérées d’hyperparathy-roïdies primitives (32).

Une enquête alimentaire sur les apports calciques sera néces-saire pour corriger les déficits calciques éventuels, de même que le dosage de vitamine D permettra de corriger les insuffisances en vitamine D. Il existe maintenant un consensus pour retenir la valeur de 30 ng/ml (ou 75 mmol/l) comme valeur souhaitable de 25OHD pour réduire le risque de fracture (20). En effet l’insuffisance vitamino-

Outils de mesure du risque de fracture à la ménopause

Rhumatos • avril 2016 • vol. 13 • numéro 115 811

calcique est responsable d’une balance calcique négative avec une hyperparathyroïdie secon-daire et une augmentation du remodelage osseux, aggravant la perte osseuse post-ménopau-sique. Des études montrent une réduction de cette hyperparathy-roïdie secondaire par apport de calcium et de vitamine D et une ré-duction de la perte osseuse d’en-viron 50 % (surtout à distance de la ménopause  : la perte osseuse de la carence œstrogénique res-tant prépondérante dans les 2  à 5  ans qui suivent la ménopause). De plus l’élévation de la PTH est responsable d’une augmentation du risque de fracture (33) (Fig. 6 et Tab.  2). En l’absence d’anomalie

biologique, on recherchera des histoires familiales de fractures et d’autres anomalies orientant vers des ostéopathies fragilisantes génétiques comme l’ostéogenèse imparfaite.

DU DIAGNOSTIC PAR LES OUTILS AU SEUIL D’INTERVENTION THÉRAPEUTIQUEPour un niveau donné de den-sité minérale osseuse (DMO), le risque de fracture varie avec l’âge (34), la présence d’autres facteurs de risque  : antécédent person-nel et familial de fracture, l’index de masse corporelle, les mala-dies à retentissement osseux,

le risque de chute, le taux des marqueurs biologiques du remo-delage osseux. Le seuil d’inter-vention sera donc en particulier modulé en fonction du niveau de DMO, de l’âge et de la présence de fractures ostéoporotiques (c’est-à-dire survenant pour un faible traumatisme, défini par l’équiva-lence de l’énergie d’une chute de sa hauteur). Le risque de fracture incidente est en effet multiplié par 2 à 10 lorsqu’une ou plusieurs fractures vertébrales prévalentes sont présentes (35). En présence d’une fracture vertébrale préva-lente, l’âge est également fonda-mental. Le risque de fracture inci-dente qui est multiplié par 5 chez la femme de 65 ans par rapport à

FIGURE 5 - Calcul du FRAX.

DOSSIER

82 RHUMATOS • avril 2016 • vol. 13 • numéro 1153

TABLEAU 2 - ESTIMATION DU RISQUE DE FRACTURE SELON LE TAUX DE PTH PLASMATIQUE DE BASE (> 4,5 VS < 4,5 PMOL/L) : HR 95 %, IC 95 %.

Nombre de fractures HR (IC 95 %)PTH < 4,5 PTH > 4,5 Non ajusté Ajusté

Sans fracture 169 (25 %) 116 (34 %) 1,41 (1,11-1,79)** 1,52 (1,18-1,95)**Sans fracture ostéoporotique 111 (17 %) 86 (25 %) 1,59 (1,20-2,10)** 1,69 (1,25-2,29)**

Fracture clinique (FC)Sans FC 146 (22 %) 98 (29 %) 1,38 (1,07-1,78)* 1,50 (1,14-1,97)**Ostéoporose 87 (13 %) 68 (20 %) 1,61 (1,17-2,21)** 1,75 (1,24-2,46)**p < 0,05, **p < 0,0116 ans de suivi cohorte DOPS Femmes, 51 ans âge moyen

TABLEAU 3 - FRACTURE DU POIGNET PRÉVALENTE ET FRACTURE VERTÉBRALE INCIDENTE.Cohorte SOF F > 65 ans sur 3,7 ans5,4 % fractures vertébrales incidentes radiologiquesMais OR Sans F. poignet Avec F. poignetDMO normale 1,04 (0,35-3,06) 1,9 % 1,9 %Ostéopénique 1,34 (0,88-2,05) 4,5 % 6 %Ostéoporotique 1,41 (0,9-2,17) 9,9 % 14 %P = 0,93 NSDonc fracture du poignet prédit fracture vertébrale, mais modestement indépendamment de la DMO. Schousboe JBMR2004

1,0

0,9

0,8

0,7

0 2 000

Fractures cliniques ostéoporotiques :HR 1,61 ; IC 95 % 1,17-2,21 ; p < 0,01

PTH < 4,5PTH > 4,5

4 000Jours

Surv

ie s

ans

frac

ture

6 000

FIGURE 6 - Survie sans fracture selon l’état de PTH. Les taux de PTH sont en picomoles par litre.

la femme sans fracture vertébrale prévalente, est multiplié par 9 chez la femme de 75 ans (36). Pour les fractures périphériques qui sont également un facteur de risque de fractures incidentes, des nuances sont à apporter en fonction de leur type. Si on prend l’exemple de la fracture du poignet qui est très prédictive d’une DMO basse, sa présence ou son absence ne semble pas modifier le risque de fracture vertébrale incidente (37) (Tab.  3). Du fait de l’augmentation de la mortalité de certaines frac-tures ostéoporotiques, le concept de fractures sévères a été retenu dans les dernières recommanda-tions françaises (38). C’est sur un seul travail (ce qui peut être criti-quable) de Bliuc (4) (Fig. 7) que les fractures suivantes sont retenues comme sévères dans les recom-mandations françaises  (Fig.  8) : l’extrémité supérieure du fémur, de l’humérus, du pelvis, du fémur distal, de trois côtes simultanées, du tibia proximal et bien sûr des vertèbres. Ce concept de frac-tures sévères permet de ne pas surtraiter des femmes présentant des fractures peu sévères comme le poignet ou une côte isolée. Trois grandes catégories sont proposées dans les recomman-

Outils de mesure du risque de fracture à la ménopause

Rhumatos • avril 2016 • vol. 13 • numéro 115 831

FRACTURESSÉVÈRES

TRAITEMENT

≤ -3VertèbreExtrémité supérieure de fémur,

Extrémité supérieure de l’humérus, fémur distal, tibiaproximal, 3 côtes simultanées,bassin

T-score > -3

Calcul du FRAX pourfracture majeure

FRACTURES MINEURES(poignet, autres sites)

FACTEUR(S) DE RISQUE D’OSTÉOPOROSEET/OU CHUTE DE MOINS DE 1 AN

FRACTURESSÉVÈRES

TRAITEMENT

≤ -3VertèbreExtrémité supérieure de fémur,

Extrémité supérieure del’humérus, fémur distal, tibiaproximal, 3 côtes simultanées,bassin

T-score > -3

Calcul du FRAX pourfracture majeure

FRACTURES MINEURES(poignet, autres sites)

FACTEUR(S) DE RISQUE D’OSTÉOPOROSEET/OU CHUTE DE MOINS DE 1 AN

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1,0

Prob

abili

té d

e su

vie

Années

Log-rank P < 0,001

Femmes

Âge ≥ 75 ans

5 10 15 20

No. à risque Population générale 679 438 226 120 Fracture de la hanche 158 41 16 4 Fracture vertébrale 205 75 16 3 Fracture majeure 101 50 20 2 Fracture mineure 176 86 38 8

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1,0

Prob

abili

té d

e su

vie

Années

Log-rank P < 0,001

Hommes

5 10 15 20

No. à risque Population générale 389 217 99 36 Fracture de la hanche 49 5 0 0 Fracture vertébrale 81 15 3 1 Fracture majeure 44 13 3 1 Fracture mineure 55 18 2 1

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1,0

Prob

abili

té d

e su

rvie

Années

Log-rank P < 0,001

Femmes

Âge < 75 ans

5 10 15 20

No. à risque Population générale 1 566 331 1 145 684 Fracture de la hanche 25 13 9 3 Fracture vertébrale 78 52 22 7 Fracture majeure 53 33 17 3 Fracture mineure 156 134 92 35

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1,0

Prob

abili

té d

e su

rvie

Années

Log-rank P < 0,001

Hommes

5 10 15 20

No. à risque Population générale 1 371 1 17 927 560 Fracture de la hanche 14 8 3 1 Fracture vertébrale 26 13 7 3 Fracture majeure 25 16 10 2 Fracture mineure 49 42 27 13

Population généraleFracture de la hancheFracture vertébraleFracture majeureFracture mineure

Bliuc JAMA 09

Vertèbre Hanche

Fracture mineure Fracture majeure

dations françaises pour débuter un traitement : 1) présence d’une fracture sévère, 2) présence d’une fracture non sévère ou de fac-teurs de risque d’ostéoporose ou de chute si la DMO est inférieure à -3 T-score, 3) si la DMO est supé-rieure à -3, on calculera le score de FRAX de la patiente. Les recommandations françaises proposent de traiter quand le T-score est supérieur à -3 pour un seuil correspondant au risque de femmes du même âge ayant déjà fait une fracture (Fig. 9). Pour des femmes de 55 ans, on re-tient comme seuil thérapeutique conseillé un FRAX de 6 %, de 6,9 % à 60 ans, 9,3  % à 65 ans, 13  % à 70 ans.

FIGURE 7 - Fractures sévères : bassin, fémur distal, tibia proximal, 3 côtes, humérus et mortalité.

FIGURE 8 - Recommandations françaises du concept de fractures sévères.

DOSSIER

84 RHUMATOS • avril 2016 • vol. 13 • numéro 1153

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Risque des femmes de même âge ayant fait une fracture

(NOG www.shef.ac.uk/NOGG), (Kanis 2008)

4035

50 55 60 65 70 75 80 85 90 Âge(années)

Seuil d’interventionthérapeutique

Risque de fracturemajeure à 10 ans (%)

3025201510

50

55 ans = 6 % 60 ans = 7 % 65 ans = 9,3 %

70 ans = 13 % 75 ans = 19 % 80 ans = 27 %

FIGURE 9 - Seuil d’intervention du FRAX.

CONCLUSIONL’utilisation des outils du risque frac-turaire à l’échelon des populations est bien validée. À l’échelon indivi-duel, le praticien pourra apporter des ajustements au cas par cas. ■

✖ L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Mots-clés Densité minérale osseuse, Outils de prédiction du risque de fracture, Tech-nique d’imagerie, Marqueurs biolo-giques, FRAX, TBS, QTC

Keywords Bone mineral density, Prediction of fracture risk tools, Imaging technique, Biomarkers, FRAX, TBS, QTC