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Tel pourrait être, en quelques mots, l’objectif de cette exposition que la Mairie du 18 e a le plaisir de vous présenter. Le 18 e a en effet 150 ans cette année. L’occasion nous est donnée de retracer un siècle et demi d’histoire qui nous concerne tous, habitant comme visiteur, tant il reflète l’histoire de notre pays. Au 19 e siècle, il connut une augmentation du nombre de sites industriels. Insurgé pendant la Commune, il se redressera après les deux guerres mon- diales. Creuset des vagues migratoires provinciales et mondiales, le 18 e est à l’image d’une France métissée et fière de sa jeunesse. Lieu de création, il est un des centres artistiques du début du 20 e en accueillant à Montmartre les plus grands peintres, sculpteurs, musiciens et écrivains internationaux. Aujourd’hui encore, le 18 e est connu dans le monde entier et attire des millions de visiteurs. Si le 18 e témoigne des grands repères chronologiques de l’Histoire de France, il se distingue aussi par ses singularités. Avec près de 200.000 habitants aujourd’hui, il reste l’un des arrondissements les plus peuplés de Paris. Ceci explique sans aucun doute la vitalité de sa jeunesse, la présence des étudiants, sa diversité culturelle et sa vivacité économique. Ces 150 ans forment donc une histoire populaire de la France et qui souligne la formidable capacité d’intégration et de brassage des générations que permet Paris. Et sans aucun doute, le 18 e saura prendre le tournant écologique et urbain du 21 siècle. Avec notamment la ZAC Pajol et prochainement le Grand Projet de Renouvellement Urbain Paris Nord-Est, il possède un réel potentiel de développement urbain et de création d’espaces verts. Le tramway qui desservira dans quelques années le boulevard des maréchaux, et les liaisons qui faciliteront les passages vers les communes limitrophes, augurent de riches coopérations dans le cadre de Paris Métropole. Et maintenant, si nous imaginions le 18 e dans 150 ans ? 150 ans Connaître le passé pour comprendre le présent et mieux vivre l’avenir.

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Tel pourrait être, en quelques mots, l’objectif de cette exposition que

la Mairie du 18e a le plaisir de vous présenter.

Le 18e a en effet 150 ans cette année. L’occasion nous est donnée de

retracer un siècle et demi d’histoire qui nous concerne tous, habitant

comme visiteur, tant il reflète l’histoire de notre pays. Au 19e siècle, il

connut une augmentation du nombre de sites industriels. Insurgé

pendant la Commune, il se redressera après les deux guerres mon-

diales. Creuset des vagues migratoires provinciales et mondiales,

le 18e est à l’image d’une France métissée et fière de sa jeunesse.

Lieu de création, il est un des centres artistiques du début du 20e

en accueillant à Montmartre les plus grands peintres, sculpteurs,

musiciens et écrivains internationaux. Aujourd’hui encore, le 18e est

connu dans le monde entier et attire des millions de visiteurs.

Si le 18e témoigne des grands repères chronologiques de l’Histoire

de France, il se distingue aussi par ses singularités. Avec près de

200.000 habitants aujourd’hui, il reste l’un des arrondissements les

plus peuplés de Paris. Ceci explique sans aucun doute la vitalité de

sa jeunesse, la présence des étudiants, sa diversité culturelle et sa

vivacité économique.

Ces 150 ans forment donc une histoire populaire de la France et qui

souligne la formidable capacité d’intégration et de brassage des

générations que permet Paris.

Et sans aucun doute, le 18e saura prendre le tournant écologique et

urbain du 21 siècle. Avec notamment la ZAC Pajol et prochainement

le Grand Projet de Renouvellement Urbain Paris Nord-Est, il possède

un réel potentiel de développement urbain et de création d’espaces

verts. Le tramway qui desservira dans quelques années le boulevard

des maréchaux, et les liaisons qui faciliteront les passages vers les

communes limitrophes, augurent de riches coopérations dans le

cadre de Paris Métropole.

Et maintenant, si nous imaginions le 18e dans 150 ans ?

150ans

Connaître le passé pour comprendre le présent et mieux vivre l’avenir.

Le 1er janvier 1860 : Paris s’agranditCarte officielle du département de Paris après l’annexion des communes limitrophes (Mairie de Paris).

À cette date, Paris, passe de 12 à 20 arrondissements. La loi votée le 16 juin 1859 avait fixé ce jour pour repousser de plusieurs kilomètres les limites de la capitale, englobant au passage onze communes et une partie de plusieurs autres.

Sur cette carte, les anciennes limites de Paris sont déterminées par le liseré central en bleu. Les nouvelles sont marquées par un tracé rouge foncé. Les communes de Montmartre et La Chapelle sont supprimées, ainsi qu’Auteuil, Les Batignolles, La Villette, Belleville, Charonne, Bercy, Vaugirard et Grenelle.

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Les anciens villagesCarte postale de l’ancienne mairie de la commune de Montmartre (G. Jouhet)

Le 18e réunit désormais les anciens villages de Montmartre et de La Chapelle, ainsi qu’une petite partie des Batignolles et de Saint-Ouen. La première mairie de Montmartre se trouvait place du Tertre. Elle a été déplacée en 1837 dans un bâtiment neuf place des Abbesses.

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Les anciens villagesCarte postale de l’ancienne mairie de La Chapelle (G. Jouhet) 3La mairie de La Chapelle, rue Marx Dormoy à l’angle de la rue Doudeauville, avait été inaugurée en 1845. À sa place on trouve aujourd’hui le collège Marx Dormoy.

Auparavant, Paris était entouré par un mur construit à l’emplacement des actuels “boulevards de ceinture” : au nord les boulevards des Batignolles, de Clichy, de Rochechouart, de La Chapelle et de La Villette. Cette “ceinture”, appelée “murs des fermiers généraux”, avait été construite en 1782-1783 pour empêcher les fraudes : il fallait payer “l’octroi”, une taxe sur toutes les marchandises à l’entrée dans la capitale. Cette taxe était récoltée pour le roi par les très impopulaires “fermiers généraux”.

La chute du murDémolition du mur des fermiers généraux (Musée de Montmartre) 4

En 1860, Paris s’élargit jusqu’aux fortifications. Celles-ci avaient été construites entre 1842 et 1844 sur décision du roi Louis-Philippe par le gouvernement que dirigeait alors Adolphe Thiers. Cette enceinte fortifiée était située au niveau des actuels boulevards dits des maréchaux (donc du boulevard Ney pour le 18e d’aujourd’hui) à environ deux kilomètres des limites du Paris d’alors.

Outre la capitale, plusieurs villages et même des zones agricoles se trouvaient à l’intérieur de ce rempart. Les autorités militaires avaient en outre exigé le maintien d’un espace sans construction à l’intérieur comme à l’extérieur de ces remparts.

La nouvelle frontièreLes fortification militaires de la Porte de Montmartre vers 1905. Au second plan, on peut percevoir les immeubles à l’entrée de la rue du Poteau (G. Jouhet)5

À l’intérieur des nouvelles fortifications, la campagne perd rapidement du terrain : entre 1841 et 1856, la population des communes autour de Paris a déjà triplé, dépassant les 350 000 habitants, et ce n’est qu’un début. La révolution industrielle attire vers les villes des dizaines de milliers de paysans pauvres. La construction des fortifications exige une importante main

d’œuvre, tout comme celle de la ligne de chemin de fer Paris-Lille. Enfin, à partir de 1953, le baron Haussmann, le préfet du département de la Seine fraîchement nommé par Napoléon III, entame une série de grands travaux dans la capitale. Il fait détruire les quartiers insalubres, chassant du même coup leurs habitants vers la périphérie où les logements sont moins chers.

Dans le 18e, les constructions se multiplient d’abord dans la partie sud, autour des anciens villages de Montmartre et de la Chapelle, tandis des fermes et des maisons de campagne subsistent au nord.

Le boom économique : Une urbanisation intensive…Sur cette carte établie peu après la création du 18e, le réseau des rues est beaucoup plus dense dans le Sud, déjà urbanisé, que dans le Nord encore agricole (G. Jouhet)6

...et une industrialisation rapideLigne du chemin de fer Nord (G. Jouhet)

La construction du chemin de fer du Nord entre Paris et Lille débute en 1840, celle de l’est vers Strasbourg suit de près. Autour des voies ferrées qui traversent l’arrondissement, à la Goutte d’Or et à La Chapelle, toute une activité liée au chemin de fer vient s’installer : dépôts de train, ateliers d’entretien des voies et de réparation des machines, gares de marchandises, entrepôts…

À l’angle des rues de Suez et de Panama, l’usine de machine à vapeur d’Antoine Pauwels existe depuis 1836, tout comme celle de François Cavé, près de la rue qui porte son nom. Léon Serpollet installera plus tard, en 1886, son usine de moteurs à vapeur pour voiture, puis pour tramway, rue des Cloys. Plus tard son épouse offrira les terrains de l’usine à la ville qui les a transformés en un grand square, baptisé du nom de l’industriel.

7

Et ce n’est pas tout : au bout de la rue de l’Evangile, une très grande usine de production de gaz d’éclairage fût construite. Elle alimentait encore Paris à la fin de la seconde guerre mondiale. De nombreux habitants se souviennent de ses grands gazomètres sphériques qu’on apercevait de très loin.

Ils ne disparurent qu’en 1978, lorsque débutèrent sur ce site les travaux de création de la zone d’activités industriellesCap 18.

...et une industrialisation rapideL’usine à gaz au bout de la rue de l’Évangile en 1978, peu de temps avant sa démolition (Pavillon de l’Arsenal)8

Parmi les nombreuses autres entreprises industrielles de l’arrondissement, on trouvait une fabrique de chocolat rue Championnet, une usine de scaphandres rue Marcadet, une de pianos rue Marx-Dormoy. Entre le boulevard Ornano et la rue Baudelique, une grosse laiterie approvisionnait

une grande partie de Paris (par la suite la Sécurité Sociale installa des locaux sur cet emplacement). Côté agriculture, il ne reste plus que quelques cultures maraîchères au nord de l’arrondissement qui ne résis-teront pas longtemps à la pression de l’urbanisation :

il faut toujours plus de logements pour une population majoritairement ouvrière en constante augmentation.

...et une industrialisation rapideLa distillerie Debrise Frères, fondée en 1844. Cette usine, au 107 rue de La Chapelle, distribuait ses alcools et liqueurs dans tous Paris et ses environs. Une usine se trouvait également avenue du président Wilson à la Plaine-Saint-Denis (G. Jouhet)9

“Le progrès entraînant dans sa course le commerce et l’industrie” : tel est le thème de la sculpture monu-mentale que l’on peut toujours admirer sur la façade des anciennes galeries Dufayel, rue de Clignancourt. Cet immense magasin, le premier de ce type, avait ouvert dès 1856. Il abritait en outre un théâtre,

des salons. Il fût aussi le premier à proposer à ses clients une sorte de crédit à la consommation. Il était si célèbre qu’on venait le visiter depuis de lointaines provinces. Dans ses murs sont aujourd’hui installés une grande banque et des appartements d’habitation.

Non loin de là, au pied du Sacré Cœur, un disciple de l’architecte Baltard édifia en 1868 un beau marché couvert, la Halle Saint Pierre. C’est aujourd’hui un musée, mais tout autour de nombreux magasins forment le plus grand pôle de commerce textile du pays.

Des commerces innovantsLes magasins Dufayel (G. Jouhet)10

Avant même l’extension de Paris, la commune de Montmartre et plus encore celle de La Chapelle ont accueilli de nouvelles populations venant soit du cœur de la capitale, soit de différentes régions de France. Beaucoup ne parlaient pas le français, mais le dialecte de leur région d’origine.

En 1871 sont arrivés des milliers d’Alsaciens et de Lorrains qui refusaient l’annexion par l’Allemagne de leur province après la défaite de la France en 1870. Ces réfugiés parlaient eux aussi un dialecte très différent du français, beaucoup plus proche de la langue allemande.

Par la suite sont venus des Polonais et des Russes, en particulier des juifs fuyant les pogroms dans leurs pays. Pour la plupart, ces nouveaux arrivants n’apportaient dans leurs bagages que le strict minimum et les indigents étaient nombreux dans la population de l’arrondissement.

Les vagues d’immigrationGravure parue dans un journal de 1888 : réfectoire populaire du quartier des Grandes Carrières à Montmartre. L’établissement se trouvait à l’angle des rues Joseph de Maistre et des Grandes Carrières. Il pouvait nourrir jusqu’à 800 personnes par jour de pain et de café chaud. On y trouvait la bohème montmartroise, les ouvriers et les petites mains de l’arrondissement ainsi que les migrants de France et d’Europe venus chercher un peu de réconfort (G. Jouhet)11

À partir de 1920, la France fait venir des travailleurs d’Afrique du Nord : il faut reconstruire le pays et la population masculine a été décimée par la première Guerre. Ils viennent en nombre à s’installer dans le 18e, en particulier à la Goutte d’Or. Ils vivent en célibataire dans des hôtels meublés et envoient une grande partie

de leur salaire à leur famille restée au pays. À partir de 1976, ils seront autorisés par décret à faire venir en France leur épouse et leurs enfants mineurs.

Cinquante ans plus tard, ils sont rejoints par des immigrés d’origine subsaharienne et d’autres

régions du monde. Le 18e rassemble des habitants de plus de cinquante nationalités, en particulier d’Asie du Sud Est, de Chine, de l’Inde et du Sri Lanka. La communauté tamoule dispose de temples rue Philippe de Girard et rue du Département.

Les vagues d’immigration Ces femmes tamoules et leur familles défilent dans une procession joyeuse et colorées tous les ans dans le quartier La Chapelle au mois de septembre.Ce rendez-vous attire tous les ans les fidèles à Ganesh mais aussi des milliers de visiteurs (Photo Thierry Nectoux)12

Bals, cabarets et cinémaLe bal de l’Assommoir (G. Jouhet)

13On n’était pas riche, mais on aimait s’amuser dans les communes autour de Paris. Pour éviter de payer l’octroi, les taxes sur les marchandises à l’entrée de la capitale, beaucoup de guinguettes, restaurants et cabarets s’étaient installés de l’autre côté des “barrières” comme on appelait les portes de Paris. Certains étaient plutôt modestes, comme le Lapin Agile du Père Frédé, d’autres plus cossus comme le Moulin Rouge. On allait y danser, par exemple au bal de l’Assommoir à l’Elysée Montmartre.

Après la suppression de l’octroi et l’élargissement de Paris, les Parisiens ont gardé l’habitude de grimper sur la Butte Montmartre pour aller faire la fête. On allait aussi écouter les chansonniers au Chat Noir, dont le plus célèbre, Aristide Bruant, fit la réputation du lieu avec des humoristes tel Alphonse Allais.

Bals, cabarets et cinéma Le vrai Chat noir (G. Jouhet) 14

Bals, cabarets et cinéma les trois baudets aujourd’hui (Gordon)15Cette tradition des arts de la scène est toujours vivace dans le 18e d’aujourd’hui qui compte plusd’une vingtaine de théâtres et salles de spectacle parmi les plus célèbres de Paris. C’est notamment le cas des trois baudets, créé en 1947 par Jacques Canetti,

un formidable découvreur de talents qui imposa, entre autres artistes, Georges Brassens, Jacques Brel, Guy Béart, Serge Gainsbourg, Boris Vian, Claude Nougaro, Henri Salvador... Et aussi des humoristes comme Pierre Dac,

Francis Blanche, Raymond Devos, Jean Yanne...Fermé en 1967, devenu ensuite une salle de spectacle érotique, les trois baudets ont rouvert leurs portes en 2009 avec l’aide de la Ville pour retrouver sa vocation initiale.

Au début du 20e siècle, le 18e arrondissement fût aussi à la pointe pour le 7e art. D’une part avec l’ouverture en 1927 des studios de tournage de films de la rue Francœur, devenus en 1929 les studios Pathé ; ces locaux abritent depuis 1999 une célèbre école de cinéma, la Femis. D’autre part avec la construction en 1930 de l’immense Gaumont Palace, le plus grand

cinéma du monde avec 6000 places, entre le pont Caulaincourt et la place Clichy ; il fût édifié sur l’emplacement de l’Hippodrome de Montmartre qui accueillait déjà depuis 1907 des projections de films.

Le Gaumont Palace fût rasé en 1972, remplacé par un centre commercial et des hôtels. La firme Gaumont a depuis rouvert en 1994 un grand complexe de douze salles, le Pathé Wepler, dans une autre partie de la place Clichy. Mais des dizaines de salles d’autrefois dans le 18e, seul survit, depuis 1928, le célèbre Studio 28 de la rue Tholozé.

La fin des salles de cinéma Le Gaumont Palace (Roger Henrard / Musée Carnavalet / Roger-Viollet)16

Au nord des Grandes Carrières, rue Marcadet, et même sur le versant nord de Montmartre, ont subsisté longtemps des campements de chiffonniers. Ils jouaient alors un rôle clé dans la cité car ils assuraient une grande part du ramassage des ordures

qu’ils triaient et dont ils revendaient les marchandises récupérables au Marché aux Puces de Saint Ouen, à la porte de Clignancourt. En 1884, le préfet Poubelle instaure un ramassage organisé des ordures, ce qui réduit beaucoup leurs ressources.

Des chiffonniers aux biffinsChiffonniers aux puces (G. Jouhet)17

Aujourd’hui encore, les biffins récupèrent dans nos poubelles et celles des magasins de quoi gagner quelques euros en revendant les produits encore utilisables. La mairie a accepté de leur fournir un cadre légal en leur réservant un espace de vente sous le pont

de l’avenue de la Porte Montmartre. Ils y disposent de cent places du samedi au lundi sur lesquelles ils peuvent vendre en toute légalité des objets de récupération à condition de s’engager à respecter la Charte de l’association gestionnaire.

Celle-ci leur propose en outre un accompagnement social pour aider à leur insertion.

Des chiffonniers aux biffinsSur le Carré des biffins Porte de Montmartre, quelques objets vont connaître une seconde vie (Davide Giudice)18

En septembre 1871, après la défaite des troupes de Napoléon III à Sedan, les armées prussienne et allemande encerclent Paris, affamant sa population. On mange les chevaux, puis les rats. Les gens modestes, comme ceux du 18e, souffrent plus encore : ils ne peuvent se payer les rares denrées vendues à prix d’or, comme la viande des animaux du Jardin des Plantes.

Pour surveiller les mouvements des soldats ennemis, un phare est installé en haut de la Butte, dont le faisceau lumineux éclaire à des kilomètres à la ronde.

19 Trois guerres et une insurrection : La guerre de 1870 Le phare de défense de Paris pendant la guerre de 1870. Vues intérieure et extérieure du phare de défense (G. Jouhet)

Le 18 mars 1871, alors que les Prussiens campent encore aux abords de la capitale, les troupes versaillaises partent à l’assaut de Montmartre pour s’emparer des 171 canons qui y sont entreposés. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Louise Michel, institutrice dans l’arrondissement, dont Georges Clemenceau est le jeune maire, prévient ses camarades du comité de vigilance. On sonne le tocsin, les tambours

battent le rappel. La butte est envahie par une foule de gardes nationaux, de femmes, vieillards et enfants. L’armée refuse de tirer pour se dégager et fraternise avec le peuple. Les canons restent aux mains des communards. C’est le début de l’insurrection de La Commune.De nombreux clubs s’ouvrent aux citoyens : le club de la Révolution à l’église Saint-Bernard de la Chapelle,

le club de la Boule Noire. On y débat de la révolution sociale, de l’égalité des sexes, de la prostitution… Mais le 22 mai, les Versaillais entrent en masse dans Paris. Une division se dirige vers Montmartre. Malgré une défense héroïque, les canons sont repris par les “légalistes”. Thiers peut alors se réjouir : “Qui tient Montmartre, tient Paris”.

La Commune Communards et Versaillais place Pigalle le 18 mars 1871 (G. Jouhet)20

“Eh toi la haut ! Lâche ta bombe, qu’on aille dîner !” C’est ainsi que les gamins accueillent les “Taube”, les premiers avions allemands qui font leur apparition dans le ciel de Paris en 1914. Nul ne songe encore à se mettre à l’abri. Une foule de badauds envahit les “fortif” à Clignancourt pour guetter ces grands oiseaux.

Quatre ans plus tard ce ne sera plus la même histoire. Les bombardements aériens par les avions Gothas et les Zeppelin feront de nombreuses victimes. Mais c’est surtout la “Grosse Bertha” qui va causer les plus grandes frayeurs : trois énormes pièces d’artillerie tirent sur Paris depuis la ligne de front à 100 km.

Le 12 avril 1918, plusieurs obus tombent sur la rue de la Chapelle et sur la rue Riquet faisant un mort et plusieurs blessés.

À l’armistice presque 15 000 jeunes hommes du 18e seront morts au combat.

21 La première guerre mondialeLa double page d’un des cahiers recensant les hommes du 18e morts au combat (Mairie du 18e).

En juillet 1942, Sarah Kofman a 8 ans. Celle qui allait devenir l’une des grandes philosophes françaises vit alors avec ses parents et ses quatre frères et sœurs dans un petit appartement de la rue Ordener. Elle porte, comme le reste de la famille, l’étoile jaune depuis le mois précédent. Le 16, à l’aube, son père, Bereck, rabbin de la synagogue de la rue Duc, est arrêté

par la police au cours de la grande rafle du Vel d’hiv, comme le seront 13000 autres juifs parisiens, puis il est conduit au camp de Drancy avant d’être déporté à Auschwitz. De lui, Sarah, qui trouvera refuge avec sa mère jusqu’à la fin de la guerre dans l’appartement d’une ancienne voisine, rue Labat, ne conservera qu’un stylo.

Plus de 700 enfants juifs scolarisés dans le 18e ne purent échapper à la rafle. Aucun d’entre eux ne revint de déportation. Une centaine de plaques posées dans les écoles honore leur mémoire et une stèle, dans le square Serpollet, rappelle le souvenir des 90 enfants, trop jeunes pour être scolarisés, qui ont aussi disparu.

La seconde guerre mondialeLa plaque du square Serpollet à la mémoire des enfants juifs morts en déportation (Mairie du 18e/C. Anquet)22

Si Paris fût relativement épargné par les destructions de la guerre, les habitants du 18e ont connu eux aussi les ravages des bombardements, comme ces maisons proches du Sacré Cœur.

L’un des plus terribles toucha le quartier de La Chapelle et la rue Championnet dans la nuit du 20 au 21 avril 1944, tuant 641 personnes. Les alliés visaient les voies ferrées mais de nombreux immeubles furent détruits. Le 26 août suivant, au lendemain de la Libération de Paris, les Allemands en fuite lancèrent des obus incendiaires sur la capitale. Parmi les victimes, treize infirmières de l’hôpital Bichat touché par les bombes.

La LibérationLes ruines derrière le Sacré Cœur après un bombardement (G. Jouhet)

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La LibérationMairie du 18e le 19 août 1944, premier jour de l’insurrection parisienne avec occupation des mairies (G. Jouhet)24Les troupes alliées entrèrent dans Paris le 24 août 1944, mais dès le 17 août, les postiers du 18e votaient la grève insurrectionnelle. Le 18 août, des affiches signées du colonel Rol-Tanguy, chef des FFI de Paris, appelait les Parisiens à la révolte. Appel entendu : le même jour, des résistants occupent un garage de la rue Marcadet pour en faire le poste de commandement des FFI de l’arrondissement ; les Allemands estiment le quartier trop dangereux et se regroupent, abandonnant une partie de leurs positions. Le 19 août, malgré des mitraillages boulevard Barbès, les drapeaux tricolores ressortent de leurs cachettes et fleurissent aux fenêtres : en premier lieu sur les façades des mairies, des ministères, des commissariats, des sièges des journaux et de la préfecture de police occupés dans tout Paris par les résistants. Le maire du 18e vint même au balcon de la mairie pour s’adresser à la population.

Dès l’annexion des communes voisines, le préfet Haussmann y a étendu sa politique d’urbanisme. La démolition du mur des fermiers généraux a permis de créer de larges boulevards. Haussmann a aussi ouvert de grands axes dans le 18e à travers le dédale de petites rues des anciennes communes -

les boulevards Barbès et Ornano, la rue Ordener, la rue Caulaincourt, l’avenue de Saint-Ouen.

Le pont Caulaincourt au dessus du cimetière de Montmartre sera achevé plus tard, en 1888. Les nouvelles artères sont plantées d’arbres et bordées

d’immeubles élégants. Haussmann crée ainsi une ville plus aérée, s’efforce de développer une certaine mixité sociale… et permet une intervention plus rapide des forces de l’ordre en cas de troubles.

150 ans de changements - L’urbanisme et l’habitat socialLa construction du pont Caulaincourt (G. Jouhet)25

À partir de 1894, le conseil municipal de Paris décide l’assainissement des “îlots insalubres” de la capitale. Le deuxième sur la liste est l’îlot Blémont, entre la rue du Ruisseau et la rue Letort. À la place est construite une cité HBM (habitations à bon marché, l’ancêtre

des HLM). L’ensemble est réalisé en trois tranches entre 1929 et 1933 : de beaux immeubles que l’on peut encore admirer aujourd’hui. D’autres cités sont construites sur l’emplacement des fortifications après leur démolition, autour des boulevards dits des maréchaux, dans le 18e

le boulevard Ney. La première est celle de la porte Montmartre, achevée en 1926. La cité Charles Hermite le sera en 1934.

L’urbanisme et l’habitat socialLes habitations à bon marché (HBM) boulevard Ney (G. Jouhet)26

27Les fortifications, qui n’avaient plus un rôle militaire, étaient devenues un lieu de promenade pour les habi-tants du 18e et le restèrent après la première guerre. Mais, dès 1882, des voix s’élèvent pour demander la démolition des fortifications. La discussion durera près de vingt ans.

Des fortifs au périphLes anciennes fortifications en 1858 en limite de Montmartre (G. Jouhet)

En 1912, une convention entre la Ville et l’État attri-bue à Paris les terrains ainsi libérés contre rétribution. La première guerre mondiale interrompt le processus et le premier coup de pioche des démolisseurs ne sera donné qu’en juillet 1919 porte de Clignancourt.

Mais les travaux s’étendront sur vingt ans : le bastion 39, à l’emplacement de l’actuel hôpital Bichat sera rasé en 1938.Aujourd’hui un accueil d’urgence pour les sans abris est installé dans un des bâtiments de la caserne

Clignancourt.

Des fortifs au périphLes casernes Clignancourt vers 1900 (LL/Roger-Violle)28

Les remparts seront remplacés par des boulevards, bordés d’immeubles HBM et d’immeubles privés et même de casernes, qui formeront une nouvelle ceinture autour de Paris. Mais il restait encore des friches au delà de ces boulevards car les autorités militaires avaient exigé des zones sans

constructions de part et d’autre des fortifications : c’est là que sera construit le boulevard périphérique. Les travaux commenceront en 1958. La partie nord ne sera achevée qu’en 1966.

Des fortifs au périphLa construction du périphérique à la Porte d’Aubervilliers vers 1965 (Roger Henrard/Musée Carnavalet/Roger-Viollet)29

Dès 1852, le gouvernement décidait la construction d’une boucle de chemin de fer de 32 km autour de Paris. L’objectif est de relier les gares des différentes lignes

privées de chemin de fer entrant dans Paris. La partie nord de cette ligne fût la première ouverte, entre Batignolles et La Chapelle, avec une gare avenue

de Saint-Ouen et une autre boulevard Ornano.

Les transportsLe chemin de fer de ceinture : la gare de l’avenue de Saint-Ouen en 1889 (Albert Broise/Musée Carnavalet/Roger-Viollet)30

Les trains de voyageurs ne circulent plus depuis 1950 sur cette “petite ceinture” et le secteur était jonché de débris divers. Mais sur les pentes, de chaque côté des rails, fleurissent désormais des jardins partagés : les Jardins du Ruisseau. Habitants du quartier et enfants des écoles voisines y cultivent leurs petits carrés. Les abeilles de leurs deux ruches viennent y butiner les fleurs

Le jardin des ruisseaux(Nathalie Guyon)31

En 1901, devant le succès de la ligne de métro n° 1 entre Vincennes et Neuilly, les travaux de la ligne 2 démarrent le long des boulevards de ceinture qui ont remplacé le mur des fermiers généraux.La partie nord de la ligne 4 n’ouvrira qu’en 1908 jusqu’au Châtelet et ne passera la Seine qu’un an plus tard en raison des difficiles travaux sous le fleuve. La ligne Nord-Sud - aujourd’hui ligne 12 - ou-vrira en 1910, avec une station battant des records de profondeur aux Abbesses. Le tronçon Saint La-zare-Porte de Saint Ouen de l’actuelle ligne 13 en 1911 et celui vers Porte de Clichy en 1912. Mais c’est seulement en 1976 que le rattachement de plu-sieurs lignes créera la ligne 13 traversant tout Paris.

Les transports Vue en coupe de la station de métro Abbesses (G. Jouhet)32

Pendant des années, plusieurs lignes d’omnibus à cheval continuent encore de relier certains quartiers. Les moteurs à vapeur de Léon Serpollet équipèrent aussi certains tramways, jusqu’à ce que le moteur à explosion ne les détrône. Les premiers autobus

furent mis en circulation en 1906 et les omnibus à chevaux disparurent en 1913. Le siège de la Compagnie des Petites Voitures était installé rue Ordener, au niveau de l’actuel square Clignancourt. La Compagnie Générale des Omnibus à chevaux avait installé son dépôt

rue de Suez, à l’emplacement rue de Suez, à la place de l’ancienne usine Pauwels. La RATP le récupérera à sa création, en 1949.

Les transports Les omnibus à chevaux à Barbès (Albert Harlingue/Roger-Viollet)33

L’Île-de-France détient le record des régions françaises en matière d’embouteillage avec 80% des bouchons d’un kilomètre et plus. Pendant plusieurs décennies,

les autorités se sont efforcées d’adapter la ville à la voiture sans parvenir à fluidifier la circulation. Dans les années 60, les voitures s’alignaient sur six files le long du boulevard

Barbès. Depuis on a pris conscience des conséquences néfastes pour la santé des gaz d’échappement, du bruit et du stress.

Les transports Embouteillage sur le boulevard Barbès en… 1962 ! C’est le règne de la voiture (Roger-Viollet)34

Aujourd’hui, la circulation sur le boulevard Barbès comme sur beaucoup de grands axes a été réduite à quatre files. Les trottoirs ont été élargis et accueillent des pistes cyclables. Surtout, l’accent est mis plus que jamais sur le développement des transports en commun

Les transports Photo du boulevard Barbès aujourd’hui 35

À chaque siècle ses grands projets. Aujourd’hui le 18e est engagé dans plusieurs grands chantiers.La réhabilitation du quartier Château Rouge a démarré en 2002. Elle concerne plusieurs dizaines d’immeubles, la plupart entièrement reconstruits, quelques uns réhabilités.

À terme, ce vaste chantier permettra de créer 360 nouveaux logements sociaux et une soixantaine de locaux d’activité.

L’avenirLes grands travaux porte d’Aubervilliers (Parimage)36

Construits en 1926, les bâtiments industriels de la Halle Pajol servaient autrefois d’entrepôts à la SNCF. Délaissée par les chemins de fer, elle fût ensuite occupée par des artistes, en particulier des sculpteurs qui trouvaient sous sa toiture à armature métallique un espace aux dimensions exceptionnelles pour leur travail.

La Mairie de Paris en est propriétaire depuis décembre 2004 et a lancé un projet d’envergure pour revaloriser le bâtiment et les friches ferroviaires qui l’entourent. Du côté de la rue d’Aubervilliers, un parc de 42000 m2 a été inauguré en mai 2007. Un poumon vert dans ce quartier qui en avait bien besoin. Cultivé sans pesticide, il comporte des espaces de jeux pour enfants et ados et des circuits de promenades pour tous.

L’avenir La halle Pajol il y a quelques années (JLeroy/SCC/DU)37

Sur les autres friches de la Halle Pajol vont être construits un IUT, une bibliothèque, une auberge de jeunesse, des espaces verts et un pôle d’entreprises. Et, sur le toit de la Halle, une centrale photovoltaïque de 3500 m2, la première de cette taille en centre ville en France.

Dans ce même secteur, la construction d’un nouveau collège est déjà terminée (le collège Aimé Césaire) et l’établissement a ouvert ses portes à la rentrée 2010.

L’avenir Le projet de halle Pajol telle qu’elle est prévue à l’horizon 201238

Le projet le plus ambitieux est sans conteste celui de Paris Nord-Est avec la création d’un quartier intercommunal enjambant le périphérique pour réunir Paris, Aubervilliers et Saint Denis. Il couvre un territoire de 200 hectares entre le canal de l’Ourcq à l’est, dans le 19e, les voies ferrées de la gare du nord à l’ouest, le périphérique et les quartiers sud des deux communes limitrophes.

Un territoire cloisonné par de grands axes (périphérique, boulevards des Maréchaux, voies ferrées) avec une circulation chargée pour desservir de nombreux entrepôts.

Pour améliorer la qualité de vie des habitants, il est prévu de le désenclaver par une amélioration du réseau de transports en commun et la création de nouvelles

circulations, plus «“douces”, entre les quartier et les communes riveraines. En outre un pôle d’activités économiques devrait permettre la création d’emplois dans le secteur tertiaire.

Le 18e demain : intercommunal, solidaire et durable.Vue aérienne du secteur Paris Nord Est (JLeroy\SCC\DU) …39

Aujourd’hui en plein chantier dans sa partie nord, le tramway doit relier en 2012 la porte de la Chapelle à la porte d’Ivry, c’est à dire au premier tronçon du T3 ; celui-ci fonctionne depuis décembre 2006 au sud de Paris, entre la Porte d’Ivry et le pont du Garigliano. Le prolongement de la ligne jusqu’à la porte d’Asnières est prévu pour 2016.

À terme, ce tramway T3 permettra des correspondances avec les différentes lignes de métro de l’arrondissement au niveau des Portes de La Chapelle, de Clignancourt et de Saint Ouen, et aussi avec le Tram’y vers Saint-Denis et Villetaneuse. En outre, dans le cadre du projet Paris Nord-Est, une nouvelle gare proche du T3 est désormais envisagée près de la Porte

d’Aubervilliers pour le RER E qui, jusqu’ici, traverse le 18e sans s’y arrêter, filant vers Magenta et Haussmann.

La construction du chemin de fer métropolitainPhotomontage : proposition d’architecte (DR Mairie de Paris/RATP)40

Les études actuelles des urbanistes concernent trois secteurs. Dans celui de Chapelle International, entre les voies ferrées et la rue de La Chapelle, un nouveau quartier sera construit sur les actuels entrepôts de la SNCF. Il comprendra notamment des immeubles d’habitation et de bureaux, les futurs bâtiments de l’université Paris I Sorbonne et une halle de fret ferroviaire.

Dans le secteur intercommunal de la Gare des Mines et du Stade des Fillettes, le périphérique sera recouvert et aménagé : on pourra aller du boulevard Ney à Saint-Denis par des itinéraires plus plaisants. Les trois grands terrains de jeux vont être remodelés, un quatrième sera créé au bord du périphérique.

Des promenades relieront aussi les différentes parties du secteur dit Chapelle-Charbon, actuellement enclavé entre la rue de l’Evangile et les entrepôts du boulevard Ney. De nouveaux logements et des espaces publics y seront créés.Un tel chantier va prendre des années. Les plans com-mencent seulement à se dessiner et leurs concepteurs s’efforcent d’imaginer des quartiers où il fera bon vivre.

(Mairie de Paris/ Dusapin-Leclercq)41