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Terminale SES – Documents de cours avec Manuel Hachette – LGF – P. Savoye Page 1 PARTIE 2 : SOCIOLOGIE THEME 2 : Intégration, conflit et changement social Le programme de première vous a permis de comprendre comment la socialisation transmettait des normes et des valeurs et conduisait à la formation de l’identité de l’individu. Nous allons poursuivre le raisonnement en nous interrogeant sur l’intégration sociale. En effet, si la socialisation contribue à la formation de l’identité individuelle, comment l’individu s’intègre-t-il au groupe, à la société ? Section 1 : Quels liens sociaux dans les sociétés où s’affirme le primat de l’individu ? Notions Term. : Solidarité mécanique / organique, cohésion sociale. Rappel de 1 ère : socialisation, sociabilité, anomie, désaffiliation, disqualification, réseaux sociaux.. Après avoir présenté l'évolution des formes de solidarité selon Durkheim, on montrera que les liens nouveaux liés à la complémentarité des fonctions sociales n'ont pas fait pour autant disparaître ceux qui reposent sur le partage de croyances et de valeurs communes. On traitera plus particulièrement de l'évolution du rôle des instances d'intégration (famille, école, travail) dans les sociétés contemporaines et on se demandera si cette évolution ne remet pas en cause l'intégration sociale. Trouvez des exemples qui mettent en évidence que les transformations de la société sont à l’origine de nouvelles formes de solidarité… A. Les transformations du lien social 1) Les liens sociaux et la montée de l’individualisme 1- Qu’est-ce que le lien social ? Expression abondamment utilisée dans les médias sans être vraiment définie, le lien social est ce qui permet aux individus de vivre ensemble et de "faire société". Comment fait une société pour "tenir" et ne pas déliter alors qu'elle rassemble des groupes différents, dont les positions, les intérêts et les convictions divergent ? Les sociologues ont trouvé une expression pour répondre à cette question : le "lien social". C'est lui qui permet aux sociétés de perdurer. Si l'on devait utiliser une image, on pourrait dire qu'il est le ciment de la société, c'est-à- dire l'ensemble des relations, des normes et des valeurs communes qui lient les individus les uns aux autres, les rendent solidaires et assurent la cohésion sociale (1). Le lien social peut s'exprimer de différentes façons : une discussion, une conversation téléphonique, un chat sur Internet, un repas de quartier ... Autant d'occasions d'échanger et ainsi de créer du lien, autant de relations possibles qui peuvent se tisser entre deux personnes seulement, comme entre les membres d'un groupe, d'une communauté ou d'une même société. Le lien social ne naît pas spontanément, il est le résultat de l'intégration qui se construit dans des lieux comme la famille, l'école ou le travail. Composante essentielle de la qualité de vie et de l'épanouissement des individus, il n'est pas mesurable en tant que tel. Lucie Baune, « Le lien social, ciment du vivre ensemble », Alternatives économiques, n° 261, sept. 2007 1. État d'une société unie par des valeurs ou des règles de vie communes, acceptées par tous. Elle correspond à la solidarité d'un groupe fortement intégré. En découlent l'existence de buts communs, l'attraction des individus les uns par rapport aux autres et l'attachement de chacun au groupe. Q1 Définissez la notion de « lien social » et « d’instance d’intégration ». Q2 Comment pourrait-on essayer de mesurer le lien social ? Q3 Liez les notions suivantes : cohésion sociale, socialisation, intégration, lien social 2- La montée de l’individualisme Aujourd'hui [ ...], on utilise les qualificatifs « individuel » et « social » sans y réfléchir davantage. [ ... ] Il faut faire un rieux effort de distanciation de soi-même pour se rendre compte qu'il y a des sociétés, et qu'il y a eu des stades d'évolution de sa propre société où les qualificatifs « individuel » et « social » n'existent ou n'existaient pas sous leur forme actuelle, et pour se demander ensuite quelle destinée, quelle évolution sociale ont contribué à ce qu'ils entrent et demeurent en usage. [ ... ] Le terme « individu » lui-même a aujourd'hui essentiellement pour fonction d'exprimer que toute personne humaine, dans toutes les parties du monde, est ou doit être un être autonome qui commande sa propre vie, et en même temps que toute personne humaine est à certains égards différente de toutes les autres, ou peut-être, là encore, qu'elle devrait ltre. La structure des sociétés évoluées de notre temps a pour trait caractéristique d'accorder une plus grande valeur à ce par quoi les hommes se différencient les uns des autres, à leur « identité » du « je », qu'à ce qu'ils ont en commun, leur « identité du nous ». [ ... ] Mais ce type d'équilibre entre le nous et le moi, cette très nette inflexion au profit de l'identité du moi est tout sauf évidente. Aux stades anrieurs de la société, l'identité du nous n'a que trop souvent primé sur l'identité du moi. N. Elias, La Société des individus (1987), Pocket, 2004 Q1 En prenant l'exemple du mariage, illustrez le passage souligné. Q2 Que signifie la notion d'individu ? Q3 Pourquoi peut-on dire que l'individualisme est un phénomène historiquement daté ?

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PARTIE 2 : SOCIOLOGIE THEME 2 : Intégration, conflit et changement social

Le programme de première vous a permis de comprendre comment la socialisation transmettait des normes et des valeurs et conduisait à la formation de l’identité de l’individu. Nous allons poursuivre le raisonnement en nous interrogeant sur l’intégration sociale. En effet, si la socialisation contribue à la formation de l’identité individuelle, comment l’individu s’intègre-t-il au groupe, à la société ?

Section 1 : Quels liens sociaux dans les sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?

Notions Term. :

Solidarité mécanique / organique, cohésion sociale.

Rappel de 1ère :

socialisation, sociabilité, anomie, désaffiliation, disqualification, réseaux sociaux..

Après avoir présenté l'évolution des formes de solidarité selon Durkheim, on montrera que les liens nouveaux liés à la complémentarité des fonctions sociales n'ont pas fait pour autant disparaître ceux qui reposent sur le partage de croyances et de valeurs communes. On traitera plus particulièrement de l'évolution du rôle des instances d'intégration (famille, école, travail) dans les sociétés contemporaines et on se demandera si cette évolution ne remet pas en cause l'intégration sociale.

Trouvez des exemples qui mettent en évidence que les transformations de la société sont à l’origine de nouvelles formes de solidarité…

A. Les transformations du lien social 1) Les liens sociaux et la montée de l’individualisme

1- Qu’est-ce que le lien social ? Expression abondamment utilisée dans les médias sans être vraiment définie, le lien social est ce qui permet aux individus de vivre ensemble et de "faire société". Comment fait une société pour "tenir" et ne pas déliter alors qu'elle rassemble des groupes différents, dont les positions, les intérêts et les convictions divergent ? Les sociologues ont trouvé une expression pour répondre à cette question : le "lien social". C'est lui qui permet aux sociétés de perdurer. Si l'on devait utiliser une image, on pourrait dire qu'il est le ciment de la société, c'est-à-dire l'ensemble des relations, des normes et des valeurs communes qui lient les individus les uns aux autres, les rendent solidaires et assurent la cohésion sociale (1). Le lien social peut s'exprimer de différentes façons : une discussion, une conversation téléphonique, un chat sur Internet, un repas de quartier ... Autant d'occasions d'échanger et ainsi de créer du lien, autant de relations possibles qui peuvent se tisser entre deux personnes seulement, comme entre les membres d'un groupe, d'une communauté ou d'une même société. Le lien social ne naît pas spontanément, il est le résultat de l'intégration qui se construit dans des lieux comme la famille, l'école ou le travail. Composante essentielle de la qualité de vie et de l'épanouissement des individus, il n'est pas mesurable en tant que tel.

Lucie Baune, « Le lien social, ciment du vivre ensemble », Alternatives économiques, n° 261, sept. 2007

1. État d'une société unie par des valeurs ou des règles de vie communes, acceptées par tous. Elle correspond à la solidarité d'un groupe fortement intégré. En découlent l'existence de buts communs, l'attraction des individus les uns par rapport aux autres et l'attachement de chacun au groupe.

Q1 Définissez la notion de « lien social » et « d’instance d’intégration ». Q2 Comment pourrait-on essayer de mesurer le lien social ? Q3 Liez les notions suivantes : cohésion sociale, socialisation, intégration, lien social

2- La montée de l’individualisme

Aujourd'hui [ ...], on utilise les qualificatifs « individuel » et « social » sans y réfléchir davantage. [ ... ] Il faut faire un sérieux effort de distanciation de soi-même pour se rendre compte qu'il y a des sociétés, et qu'il y a eu des stades d'évolution de sa propre société où les qualificatifs « individuel » et « social » n'existent ou n'existaient pas sous leur forme actuelle, et pour se demander ensuite quelle destinée, quelle évolution sociale ont contribué à ce qu'ils entrent et demeurent en usage. [ ... ] Le terme « individu » lui-même a aujourd'hui essentiellement pour fonction d'exprimer que toute personne humaine, dans toutes les parties du monde, est ou doit être un être autonome qui commande sa propre vie, et en même temps que toute personne humaine est à certains égards différente de toutes les autres, ou peut-être, là encore, qu'elle devrait l'être. La structure des sociétés évoluées de notre temps a pour trait caractéristique d'accorder une plus grande valeur à ce par quoi les hommes se différencient les uns des autres, à leur « identité » du « je », qu'à ce qu'ils ont en commun, leur « identité du nous ». [ ... ] Mais ce type d'équilibre entre le nous et le moi, cette très nette inflexion au profit de l'identité du moi est tout sauf évidente. Aux stades antérieurs de la société, l'identité du nous n'a que trop souvent primé sur l'identité du moi.

N. Elias, La Société des individus (1987), Pocket, 2004

Q1 En prenant l'exemple du mariage, illustrez le passage souligné. Q2 Que signifie la notion d'individu ? Q3 Pourquoi peut-on dire que l'individualisme est un phénomène historiquement daté ?

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Les liens sociaux sont constitués de toutes les relations nouées entre une personne et les groupes sociaux

auxquels elle appartient : famille, communauté religieuse, voisinage, nation ... La cohésion sociale correspond à la solidarité d’un groupe fortement intégré. La force du lien social favorise la cohésion du groupe ou de la société. La socialisation se fait par le biais d’instances où se tissent des liens qui favorisent l’intégration sociale. L'individualisme est le fait que les membres de la société se considèrent comme autonomes par rapport à leurs groupes d’appartenance.

3- Ex. : La religion à la carte

Le phénomène de la religion « à la carte » ne concerne pas seulement les adhérents des divers courants spiritualistes, orientaux et ésotériques, qui restent minoritaires, il touche également les religions instituées. En France, 58 % des Français se disent catholiques. Mais, [...] seulement 74 % d'entre eux affirment qu'ils croient en Dieu, 32 % en une vie après la mort, 39 % au péché. Au bilan, seuls 21 % d'entre eux adhèrent à l'ensemble de ces principes. Or il s'agit là de points élémentaires de la religion chrétienne. Pour ce qui est de la pratique cultuelle, 43 % de ces catholiques ne vont même pas à l'Église une fois par an. Aux États-Unis, l'appartenance à une religion est dominante : 94 % des gens en ont une. L'athéisme est pratiquement inconnu (1%). Mais, selon une enquête [...] auprès de personnes nées juste après la Seconde Guerre mondiale, l'affiliation religieuse y est particulièrement mobile : 42 % avaient changé de confession au cours de leur vie, 33 % étaient restés fidèles à leur confession d'origine, et 25 % y étaient retournés après un détour ailleurs. Ces faits vont de pair avec l'idée, largement approuvée dans ce pays, que la religion est une affaire de croyance et de convenance personnelle.

N. Journet, « La religion "à la carte" », Sciences humaines, H.S. n°36, 2002

Q1 Donnez un exemple de « religion instituée ». Q2 Pourquoi l'auteur parle-t-il de « religion à la carte » ? Q3 Que peut-on en déduire sur la place respective du « nous » du « je » dans la religion ?

4- Une cohésion sociale vue comme fragilisée

Q1 A partir des données, montrez que la montée de l’individualisme constitue la principale explication retenue par les personnes interrogées.

2) L’évolution des formes de solidarité et la division du travail E. Durkheim distingue solidarité mécanique et solidarité organique. L’essor de la division du travail favorise la montée

de l’individualisme. Certes, ceci fragilise la solidarité mécanique mais conduit en même temps à l’émergence d’une solidarité organique.

a) Solidarité mécanique et solidarité organique → Documents 3 et 4 p.257. Répondre aux questions proposées.

Q1 Complétez le tableau suivant :

Solidarité mécanique Solidarité organique

Type de société

Caractéristiques

Origine de la cohésion sociale

Conscience collective

Type de droit

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Pour E. Durkheim, le développement de la division sociale du travail est à l’origine de l’évolution des formes

de solidarités. La division sociale du travail est un phénomène lié au développement de la taille des sociétés qui sont alors conduites à spécialiser les rôles et les fonctions (politiques, économiques, religieuses, sociales de leurs membres. La division du travail produit alors de la solidarité, des liens durables entre les individus car ces derniers ont besoin les uns des autres.

La solidarité mécanique, typique des sociétés traditionnelles de taille réduite, est une solidarité de similitude. L’absence de division du travail, l’indifférenciation sociale font que les individus sont interchangeables et leurs croyances identiques. La solidarité organique, caractéristique des sociétés industrielles, est un lien par complémentarité : la division sociale du travail entraîne une interdépendance entre les individus.

La montée de l’individualisme transforme le lien social : elle peut engendrer des comportements de retrait des individus, déstabiliser leur intégration, voire provoquer l’isolement. Cependant l’individualisme peut aussi être créateur de lien social reposant non plus sur la contrainte mais sur le libre choix et le partage

Récapitulatifs : Question de cours : Comment, selon E. Durkheim, la division du travail peut-elle

créer du lien social ? Synthèse : Montrez quelles sont les différentes sources du lien social ?

b) Un risque d’anomie

5- Un risque d’anomie Mais si, en théorie, l'intensification de la division du travail doit augmenter la solidarité et l'interdépendance entre les membres d'une société, si l'interdépendance entre les individus a normalement pour conséquence la dépendance de chaque individu particulier à l'égard d'un ensemble de règles implicites ou explicites, on constate cependant que la division du travail peut avoir des conséquences inverses. Ainsi, la spécialisation dans le domaine des activités intellectuelles conduit le savant non à la solidarité mais à l'isolement. Comme il lui est impossible d'embrasser la totalité de sa discipline, le mathématicien va dans certains cas extrêmes, selon l'exemple de Durkheim, passer son existence à la résolution d'une équation particulière. Mais il existe une autre forme de la division du travail anomique, c'est celle qui résulte du développement économique. Le développement de la production et des marchés fait que l'harmonisation des actions économiques devient impossible. La règle du producteur est non plus, comme autrefois, de produire en fonction de besoins repérables, mais de produire le plus possible. D'où les crises qui agitent les systèmes économiques. D'où, aussi, les conflits sociaux qui résultent, d'une part, de ce que le travailleur est limité à des tâches restreintes, d'autre part, de ce que les contacts entre les acteurs qui participent à la production deviennent, par la division du travail, non plus étroits, mais plus lâches.

R. Boudon, « Anomie», Encyclopédie universalis, 2014.

Q1 Dans les sociétés modernes, les dirigeants d'entreprise et les salariés partagent-ils les mêmes normes et valeurs ? Q2 Quel est le point commun entre le mathématicien et le travailleur décrits par Durkheim ? Q2 En quoi la spécialisation peut-elle conduire à l'isolement ? Q3 En utilisant vos réponses aux questions 9 et 11, expliquez pourquoi la division du travail peut être source d'anomie.

c) Le maintien d’une solidarité mécanique dans les sociétés modernes 6- Les « bandes des cités »

Ces jeunes [les membres des bandes] distinguent « l'espace interdit » de « l'autorisé », décrivent des lieux sécurisants et d'autres moins. L'espace est inaccessible lorsqu'il est situé à proximité du quartier « ennemi ». L'intrusion dans la cité adverse est considérée comme une entreprise aléatoire et des plus risquées. Les intrusions sont donc rares et risquées, elles feront l'objet de longues et fastidieuses discussions et les participants seront distingués. Pour les « intrus », les gains symboliques (1) sont à la hauteur des dangers. Les acteurs dont le statut et la position sociale sont imbriqués à la réputation de leur bande, de leur quartier doivent donc s'engager dans la défense, la fabrique et l'entretien du prestige collectif. Ces acteurs ont intériorisé les obligations de solidarité, corollaire du droit à la protection. Il existe un certain nombre de situations où l'entraide et le soutien des pairs est une obligation : Kodé : « Les liens entre nous, on était tous des frères, on était tous des frères, je veux dire qu'on se faisait tous confiance, c'est-à-dire qu'on savait qu'on bougeait pour telle ou telle personne, on faisait confiance c'est-à-dire que demain s'il se passait quelque chose, cette personne serait prête à bouger pour nous, c'est comme ça les potes, c'était vraiment ça les potes, comme les 5 doigts d'une main, les 10 doigts en fait les 2 mains assemblées ».

M. Mohammed, La Formation des bandes, PUF, 2011

1. Il peut s'agir, par exemple, d'un prestige accru, d'un statut social renforcé ou d'une estime de soi plus forte.

Q1 Quel critère détermine l'appartenance à une bande plutôt qu'à une autre ? Q2 Quels sont les « gains symboliques » auxquels fait référence la phrase soulignée ? Q3 En quoi peut-on dire que les membres d'une bande sont des « pairs » ? Q4 Montrez que la solidarité entre les membres d'une bande vient plutôt de la similitude.

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Le passage de la solidarité mécanique à la solidarité organique amène à la question du maintien du lien social. En effet si les individus sont différents, qu’est-ce qui les lie désormais ? Avec le développement de la société industrielle, Durkheim craint que ne se développe une société individualiste avec une diminution de la conscience collective au profit de la conscience individuelle. Sa crainte est que la société se désagrège, que le lien social diminue. Il craint que les individus composant la société tombent dans l’anomie c’est-à-dire un dérèglement social provenant d’une insuffisance de coordination entre les différents organes de la société, où du fait que les individus, seuls face à leurs désirs ne savent plus comment conduire leurs actions. Il y a donc eu une l’évolution progressive et sur le très long terme conduisant au passage d’une forme de solidarité à l’autre. Néanmoins cette évolution n’a pas conduit à une disparition de la solidarité mécanique de notre société. Elle a en effet décliné pour la société dans son ensemble mais s’est maintenue pour des groupes sociaux plus restreints (voisinage, famille…).

B. L’intégration sociale en péril ?

Les instances d’intégration sont l’ensemble des lieux, des institutions autour desquelles se nouent les liens sociaux. Ces liens sont créés dès la socialisation avec la transmission des normes et des valeurs de la société. Ainsi les instances de socialisation sont créatrices de solidarité et plus généralement de lien social. Seulement, il semble aujourd’hui que certaines de ces instances traversent une crise.

1) L’intégration familiale en crise ? a) La famille se recompose

Q1 Mesurez l’évolution du nombre de mariages et de divorces en France de 1970 et 2012. Q2 Pour l’année 2012, faîtes le rapport entre nombre de mariages et nombre de divorces. Comment peut-on interpréter le résultat ? Q3 Quelle est la part des enfants qui ne résident pas en famille traditionnelle en 2011 ? Q4 Comment la part d’enfants en famille non traditionnelle a-t-elle évoluer en 12 ans ?

Depuis le début des années 70, on constate une diminution du nombre de mariages et une augmentation du nombre de divorces ce qui atteste d’une décomposition de la famille sous sa forme traditionnelle. Pour autant la famille ne se décompose pas en tant que telle, elle se transforme, se recompose. Quelles conséquences sur le rôle intégrateur de cette institution ?

b) La famille intègre-t-elle moins ?

La capacité d’intégration de la famille est fragilisée du fait de ses transformations. Les individus peuvent se sentir moins liés et voire isolés du fait des divorces et du célibat qui ont progressé. En 2011, 47 % des individus disent se sentir « souvent « ou « parfois » seuls. Cette proportion est très élevée chez les personnes ayant de bas revenus (72 %), les familles monoparentales (63 %) et les personnes âgées de 70 ans et plus (57 %). Le divorce appauvrit les couples qui se séparent, en particulier quand l’un des deux ne travaille pas. Les difficultés économiques et sociales dépendent ainsi notamment de la situation familiale : il existe par exemple une sur-représentativité des familles monoparentales parmi les allocataires du RSA. De manière plus générale, ce type de famille connaît davantage de difficultés. Les enfants peuvent se retrouver dans des situations difficiles et parfois perdre le contact avec le parent qui n’en a pas la garde. Une rupture familiale peut enclencher un processus d’exclusion sociale si elle coïncide par exemple avec une rupture professionnelle. Si dans certains cas la fragilisation des liens conjugaux peut entraîner des difficultés économiques et sociales, dans le même temps, la parentèle, c’est-à-dire le réseau des parents, joue un rôle de plus en plus important dans la vie des individus.

→ Documents 3 et 4 p.261. Répondre aux questions proposées.

Récapitulatifs : Question de cours : À quoi le processus d’individualisation sociale correspond-il ? Synthèse : Montrez que les solidarités familiales se maintiennent malgré le

changement des formes de famille.

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2) L’école est-elle encore un facteur d’intégration ? a) L’École, une instance privilégiée d’intégration

Dans les années 1880, l’école républicaine bénéficie d’une forte légitimité en offrant des garanties d’équité dans une société où l’injustice domine. La démocratisation de l’enseignement est en marche et un nombre toujours croissant d’individus accède à l’enseignement primaire puis secondaire et enfin supérieur. La proportion de bacheliers dans une génération était de 5 % en 1950, 20 % en 1970, 43,5 % en 1990 et de 67,10 % en 2010. Le nombre des étudiants bascule aussi de façon spectaculaire, d’un million dans les années 1980 à plus de deux millions aujourd’hui : À la rentrée 2010, 2 318 700 étudiants sont inscrits dans l’enseignement supérieur en France. Plus généralement l’école est une instance privilégiée de socialisation qui permet les apprentissages indispensables à la vie sociale par intégration des normes, conduites et valeurs et l’insertion dans le monde du travail, lui-même instance de socialisation secondaire. Les règles sociales et politiques, les valeurs morales et civiques en vigueur dans le système scolaire sont inculquées dès le plus jeune âge aux enfants scolarisés.

→ Document 1 et 2a p.262. Répondre aux questions proposées.

b) L’École face à de nombreux défis → Document 2b p.262. Répondre aux questions proposées.

8- Des valeurs scolaires parfois contradictoires … Les familles et les élèves prennent de plus en plus conscience de la nécessité de la formation initiale pour l’intégration professionnelle et donc sociale. Les jeunes le savent : S’ils réussissent à l’école, ils ne sont pas sûrs d’avoir du travail - mais s’ils échouent ils n’en auront sûrement pas. […] Ce faisant, l’école a changé de nature. Elle est devenue passage obligé, condition nécessaire de l’insertion professionnelle et donc de l’intégration sociale. L’échec à l’école devient donc plus dramatique qu’auparavant. […]. Désormais ; l’enjeu de la réussite scolaire angoisse aussi bien les jeunes que leur famille. […] Cela a des conséquences au niveau de l’éducation morale et civique. Développer l’esprit de concurrence évitera l’exclusion...à ceux qui auront appris à se battre - au besoin en piétinant les autres. Cela débouche sur une société au pouvoir de personnes qui ne considéreront pas la convivialité comme une valeur et l’exclusion comme un mal. L’école est ici confrontée à une contradiction entre une certaine forme d’efficacité basée sur la compétitivité et une certaine éthique de la citoyenneté et de la solidarité.

Jacques Natanson L’école, facteur d’exclusion ou d’intégration ? , Revue Le Portique

Q1 Quel rôle a désormais l’école dans l’insertion professionnelle ? Q2 Quelle conséquence cela a-t-il sur les valeurs implicitement transmises ?

L’école doit faire face à de multiples défis afin de lutter contre l’échec scolaire. Cette lutte est d’autant plus difficile que l’école doit prendre en charge des populations d’élèves hétérogènes (exemples : décrocheurs, issus de l’immigration…) et les conduire à une qualification. La réussite scolaire, en rendant plus aisée l’intégration des individus sur le marché du travail est révélatrice de l’importance la fonction de certification (par les diplômes) de l’école. Cependant, la possession d’un diplôme n’entraîne pas mécaniquement l’obtention d’un emploi correspondant au niveau de qualification atteint. En effet, avec les difficultés d’insertion professionnelle, de nombreux jeunes subissent une déqualification à l’embauche. Enfin, de nombreuses enquêtes ont montré que l’on assiste à une démocratisation quantitative plus que qualitative. Ainsi, les inégalités face à l’école demeurent. Les enfants d’ouvriers sont moins souvent bacheliers que les enfants de cadres, et « choisissent » des filières plus courtes. (Rappel) L’école est selon le sociologue P Bourdieu « une instance légitimée de reproduction sociale ». En véhiculant la « culture » des classes dominantes et en ignorant les différences culturelles qui existent entre les élèves, elle privilégie les enfants issus de milieux favorisés. À l’inverse, les enfants des classes populaires ne se « retrouvent » pas dans cette culture étrangère souvent calquée, et devront franchir de nombreux obstacles durant leur scolarité. L’école transmet donc parfois des valeurs en opposition avec la culture des élèves, mais est elle-même porteuse de contradiction dans les valeurs qu’elle transmet et qui semblent contradictoires (compétitivité versus solidarité).

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3) Le travail : vers une perte d’intégration ? Rempart contre l’exclusion, le travail représente une des sphères privilégiées d’intégration. Ce rôle s’est vu conforter après la guerre quand développement du salariat rimait avec emplois stables et garanties sociales. Mais qu’en est-il aujourd’hui face à la hausse du chômage et à la précarisation de l’emploi ?

a) Le travail : au fondement du lien social

9- Pourquoi travaille-t-on ? La question paraît presque incongrue dans une société où le travail salarié est devenu, pour l’immense majorité de la population, la condition d’accès à un revenu. Il occupe une place tellement centrale qu’il est un élément essentiel du statut social. […] Le travail, c’est le bonheur ? À la question « Qu’est-ce qui est pour vous le plus important pour être heureux ?», les actifs citent dans 31,7 % des cas le travail. Avoir un travail est aujourd’hui, dans le monde des adultes, un élément essentiel du bonheur, juste après la santé (42,2 %) et la famille (35,7 %). Cela n’a pas toujours été le cas. « Nous appartenons depuis peu de temps (moins de deux siècles) à des sociétés fondées sur le travail », explique Dominique Méda. Le travail, chez les Grecs ou au Moyen Âge, ne se distinguait pas des autres activités ou était réservé aux esclaves et aux serfs.[…] Le travail salarié est ainsi devenu la source essentielle de revenus. […] ces revenus assurent à celui qui les perçoit une autonomie sur le plan économique. Cette autonomie dépend du niveau de ces revenus, lequel façonne en partie les modes de vie, en donnant ou non accès à certains biens et services. Avec le développement de la société salariale, les revenus du travail ne se limitent plus au seul salaire net. Petit à petit (notamment après la Seconde Guerre mondiale en France), la protection sociale qui lui est associée est étendue : remboursement des dépenses maladie, retraite et indemnisation chômage notamment. En outre, le rapport salarial inclut une part d’avenir : même dans un contexte de précarité croissante de l’emploi, tout salarié espère, sinon faire une carrière, au moins améliorer sa condition. Outre un revenu, le travail est un des éléments qui déterminent la position des individus dans la société, à travers, par exemple, les responsabilités exercées, le type de métier, le lieu de l’activité. Cette position se construit au fil du temps : le travail joue un rôle d’intégration sociale, avec notamment l’apprentissage des normes de la vie en société et la construction d’un capital de relations sociales, par exemple.

Louis MAURIN Alternatives Economiques Hors-série n° 044 - avril 2000 www.alternatives-economiques.fr

Q1 Complétez le texte suivant afin de mettre en évidence les avantages procurés par le travail salarié. Vous utiliserez les termes : droits sociaux, intégration sociale, statut social, norme, revenus, consommation, identité sociale, autonome.

Le travail salarié procure des ................................. qui permettent d’accéder à la ............................... La consommation est en effet devenue une ......................... de notre société, et ne pas pouvoir y accéder reflète des difficultés ......... ....................... Ces revenus rendent par ailleurs l’individu .......................... d’un point de vue économique. Le travail salarié procure des ............................ (prestations sociales, droits au versement d’une pension de retraite, allocations de chômage …). Le travail salarié est un élément central du ...................... et définit ...................... des individus. L’identité sociale se construit au fil du temps à travers les mécanismes de la socialisation dont le travail salarié en est une instance, en ce sens il participe donc à la transmission et à l’intériorisation des normes permettant à l’individu de vivre en société. Enfin, le travail salarié est une instance de sociabilité permettant d’établir tout un réseau de relations sociales (relations professionnelles, amicales.).

Le travail intègre l’individu pour plusieurs raisons : - Il caractérise l’identité sociale de l’individu et ce d’autant plus que le travail reste une norme. Il lui procure aussi une certaine utilité sociale. - Il est une instance de socialisation car il permet l’apprentissage de la vie avec les autres, la coopération entre les individus, les échanges, en ce sens - Il contribue donc à intégrer les individus. - Il contribue à tisser des relations sociales (professionnelles, syndicales, amicales…) - Il permet aussi de donner une certaine utilité sociale (je sers à quelque chose). - Il permet par le revenu qu’il procure d’avoir accès à la consommation qui est une norme collective de notre société. Le travail n’est pas seulement source de revenu. Il participe également à l’intégration sociale des individus. Il permet de se construire une identité professionnelle et permet de rendre compte de l’utilité sociale de chaque individu. De par les revenus qu’il permet de se procurer, le travail donne accès à la société de consommation et consommer permet également de se faire connaître socialement. Le travail assure aussi des droits sociaux qui sont la preuve de la solidarité entre les individus. Puis, à l’intérieur même du travail, il y a des échanges entre les individus.

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b) Les évolutions du marché du travail remettent en cause l’intégration par le travail

Q1 Quel est le type de contrat qui reste le plus fréquent ? Q2 Comment la structure des emplois salariés a-t-elle évolué entre 1982 et 2012 ? Q3 Montrez que certaines populations sont plus touchées que d’autres par la montée des emplois précaires.

La montée du chômage mais aussi la diversité des formes d’emploi et plus particulièrement l’apparition des emplois précaires contribuent à faire perdre de sa capacité intégratrice au travail. Au sein des entreprises on assiste à une différenciation des statuts. Les salariés précaires ont davantage de difficultés à s’intégrer à l’entreprise mais plus généralement à la société du fait d’un modèle social qui n’a pas pris en compte ces évolutions. Il en découle un affaiblissement des collectifs de travail pourtant vecteur de solidarité et d’intégration.

Récapitulatifs 4 : À compléter :

A complétez … Emplois en CDI Emplois précaires Rémunération Droits du salarié (protection sociale, formation, congés …)

Sociabilité au travail et vie sociale Intégration

Question de cours : Sous quelles formes la fragilisation du lien social par le travail se

manifeste-t-elle aujourd’hui ? Synthèse : Montrez que la précarisation de l’emploi entraîne une précarisation

sociale.

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C. Le lien social à l’épreuve 1) Le processus d’exclusion

La montée du chômage et la précarisation des emplois peuvent faire basculer des individus dans la pauvreté. Mais un processus d’exclusion ne se déclenche que si cette fragilisation économique s’accompagne de la rupture progressive d’autres liens sociaux. 12- Pauvreté selon le statut d’activité et la structure familiale

Une personne est pauvre si son niveau de vie est inférieur à 60% du niveau de vie médian. Le taux de pauvreté mesure la proportion d’individus situés en dessous de ce seuil de pauvreté. Q1 Faîtes une phrase avec les données entourées. Q2 Peut-on être travailleur et pauvre ? Q3 Montrez que le taux de pauvreté dépend du statut social et de la structure familiale

13- De la pauvreté à l’exclusion Aujourd’hui, la notion d'exclusion a supplanté celle de pauvreté. Jusqu'en 1980 environ, la pauvreté n'est pas synonyme d'exclusion. Bien sûr, les plus pauvres sont relégués dans des cités de transit ou des bidonvilles. Le terme exclusion n'est pas non plus absent de la littérature savante. [ ... ] [Mais] si le terme désigne déjà les laissés-pour-compte de la prospérité, il renvoie [ ... ] à des catégories de population bien particulières : handicapés, personnes âgées, inadaptés sociaux. Or, dorénavant, on parle beaucoup moins d'exclus que d'exclusion, glissement sémantique qui n'a rien d'anecdotique : outre qu'il signifie qu'à un état (de pauvreté) on s'intéresse davantage au phénomène qui le produit (l'exclusion), il indique que personne ou presque n'est considéré comme étant à l'abri du problème. Par exclusion, on entend ainsi « l'accumulation, l'enchainement des revers qui précipitent un individu ou une famille entière dans le dénuement et parfois dans la rue : perte de l'emploi, deuil, divorce, séparation, perte de logement... De cet enchaînement résultent l'exclusion, la mise à l'écart de tout un réseau d'échanges sociaux affectifs, une perte de repères, une incapacité à se projeter dans l'avenir », selon Xavier Emmanuelli. C'est dire si la substitution de la notion d'exclusion à celle de pauvreté traduit non seulement des changements dans le régime de la pauvreté mais aussi dans le regard qu'on porte sur elle : elle opère en effet un déplacement de l'attention, autrefois focalisée sur la dimension économique de l'extrême pauvreté, vers sa dimension sociale et psychologique. Car, selon X. Emmanuelli, ce dont souffrent plus encore les exclus, C'est ce qu'il appelle « la maladie du lien ». On comprendra dès lors que les personnes les plus économiquement démunies ne soient pas les seules ni même forcément les principales personnes à être exposées au risque d'exclusion. C'est bien plutôt la rupture du lien social qui est le point commun des multiples trajectoires de l'exclusion. D. Dulong, « Exclusion », Encyclopedia Universalis, « Comment peut-on définir le processus d'exclusion ? »

Q1 Pourquoi peut-on dire que la pauvreté est une cause parmi d'autres du processus d'exclusion ? Q2 Comment interpréter le fait que « dorénavant, on parle beaucoup moins d'exclus que d’exclusion » ? Q3 Comment expliquer qu’aujourd’hui on « parle beaucoup moins d’exclus que de l’exclusion » ?

14- Un lien social fragilisé : le cas des SDF Dans le contexte français urbain contemporain, on observe que les SDF vivent en interdépendance avec les passants, les commerçants, les policiers, les travailleurs sociaux qui circulent ou qui exercent leurs fonctions dans l'espace public. Entre ces acteurs, au moins entre ceux qui se croisent régulièrement, des conventions peuvent être établies, des normes peuvent être forgées, des rites peuvent être respectés. C'est, par exemple, ce qui se passe entre les agents des services de sécurité des espaces de transport et les SDF qui peuvent s'y trouver. Ils s'entreprennent, se testent et apprennent à coopérer. Il s'agit, pour les premiers, de limiter la présence des seconds, notamment à certaines heures et à certains endroits. Il s'agit, pour les seconds, d'accéder aux ressources qu'ils recherchent (dont la sécurité produite par les premiers). On peut trouver ces

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modes d'arrangements, parfois même dans les quartiers les plus élégants et/ou les plus touristiques, entre des patrons de bars et des sans-abri qui vivent à côté de ces établissements. À la fois gêneur, mais également consommateur, le SDF doit être pris en compte avec une considération singulière par les serveurs. Réciproquement, le SDF doit s'ajuster sur des comportements et des horaires pour pouvoir continuer à fréquenter ce lieu. [ ... ] Dans ces exemples, patrons de bar et policiers, comme dans d'innombrables autres contextes d'interactions (avec des manifestations de reconnaissance à des donateurs, avec des discours affligés ou violents en face de travailleurs sociaux, avec des sourires auprès d'enfants, etc.), et SDF agissent en réciprocité, en fonction de motivations, d'idées et d'appréciations de la situation. [ ... ] Les SDF peuvent ne pas avoir d'emploi, ni de logement stable, ni de relations avec leur famille. Cependant il y a de nouvelles affiliations, de nouveaux liens qui se créent, se consolident, se brisent, se reconstituent. Dit autrement, l'acteur social SDF entretient des liens sociaux relâchés, mais il ne peut valablement être considéré définitivement comme « hors-social », en situation de « mort sociale ». Son lien d'intégration, c'est-à-dire sa socialisation dans des groupes, peut s'être radicalement modifié, mais il n'y a pas pour autant absence de toute forme d'intégration. J. Daman, « "Désocialisés" et "désaffiliés". Remarques à partir du cas des SDF », Les Cahiers français, n° 314, 2003.

Q1 Montrez que les personnes sans domicile fixe continuent à respecter certaines normes ou certaines conventions. Q2 Peut-on dire que les personnes sans domicile fixe ont rompu tout lien social ? Q3 En quoi ce texte illustre-t-il l'affirmation selon laquelle l'exclusion est un processus plutôt qu'un état ?

2) Désaffiliation et disqualification sociales La pauvreté et le chômage, la fragilisation des liens sociaux peuvent conduire à la désaffiliation sociale. Si les personnes bénéficient d’un soutien institutionnel, celui-ci s’accompagne souvent d’une stigmatisation qui conduit à la disqualification sociale. 14- Le concept de désaffiliation sociale Il y a une connexion forte entre le statut du travail et la protection sociale, surtout en France. Il en découle logiquement qu'un affaiblissement, une dégradation des conditions de travail, plus exactement même de la condition de travailleur, ont des implications directes sur les protections. La « crise » amorcée au début des années 1970 réside dans l'effritement, le « détricotage » de ces protections attachées au travail, qui donnaient à la fois une protection sociale forte et étendue, mais qui se répercutaient jusqu'au statut de l'individu lui-même, qui se trouve déstabilisé, condamné à nouveau, souvent, à vivre au « jour la journée » comme on disait autrefois. Si l'on dit qu'un « jeune de banlieue » est un « exclu », qu'un « SDF » est un « exclu », qu'un chômeur de longue durée est un « exclu », qu'est-ce que l'on a dit ? Pas grand-chose, si ce n'est qu'ils ne sont pas au centre de la vie sociale mais sur ses bords. Mais personne n'est en réalité totalement en dehors de la vie sociale, et ce qu'il faut essayer de penser, c'est le rapport différent que certains peuvent avoir vis-à-vis de la structure sociale. Et ce qui me paraît intéressant du point de vue analytique, plutôt que de se cantonner à un « mot-valise » confondant différentes situations et leur conférant une fausse impression de fixité, c'est en réalité de reconstruire des trajectoires qui peuvent mener à ce que l'on appelle aujourd'hui l'« exclusion », et qui passent par diverses situations de vulnérabilité. D'où la proposition que j'avais émise de parler de « désaffiliation » plutôt que d'« exclusion » pour inciter à reconstruire cette dynamique et essayer de comprendre la relation de la marge au centre qui se constitue au travers de ces situations de précarité. Il me semble essentiel de la penser en termes de trajectoires plutôt que d'états. Les travaux sur ces questions ouvrent quelques pistes. Il y a à la fois un rapport au travail et un rapport à ce que l'on peut appeler l'insertion sociale, qui renvoie à la famille, à l'environnement etc. On pourrait dire que les relations que l'on qualifie « d'exclusion » renvoient à un double manque, une perte à la fois par rapport au travail et par rapport à ce contexte des protections rapprochées -la famille, le voisinage, etc.

R. Castel, « Individus, risques et supports collectifs », Idées économiques et sociales, n°171, mars 2013

Q1 Pourquoi l'auteur préfère-t-il utiliser le terme de désaffiliation plutôt que celui d'exclusion ? Q2 Quelles sont les évolutions du marché du travail qui peuvent expliquer la perte des protections liées à l'emploi ? Q3 L'absence prolongée d'emploi conduit-elle nécessairement à la désaffiliation ?

15- Les trois phase de la disqualification sociale La fragilité correspond à l'apprentissage de la disqualification sociale. Les personnes déclassées à la suite d'un échec professionnel ou qui ne parviennent pas à accéder à un emploi prennent progressivement conscience de la distance qui les sépare de la grande majorité de la population. Elles ont le sentiment que l'échec qui les accable est visible par tout le monde. [Elles] préfèrent conserver une distance vis-à-vis des travailleurs sociaux. L'entrée dans les réseaux de l'assistance est perçue par [ces personnes] comme un renoncement à un « vrai » statut social et la perte progressive de la dignité. [ ... ] La dépendance est la phase de prise en charge régulière des difficultés par les services d'action sociale. La plupart des personnes qu'elle concerne ont renoncé à exercer un emploi. Si l'on écarte les cas où l'assistance

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est justifiée par le handicap physique ou mental ou l'invalidité, c'est toujours après une phase plus ou moins longue de découragement et de lassitude que les personnes qui ont connu un déclassement se tournent vers les assistantes sociales. Elles acceptent l'idée d'être dépendantes et d'entretenir des relations régulières avec les services d'action sociale pour obtenir une garantie de revenu et des aides diverses parce qu'il leur est impossible de faire autrement. Il ne leur reste plus qu'à accepter les contraintes du statut d'assisté. Commence alors pour elles une autre carrière au cours de laquelle leur personnalité se transforme rapidement. Elles font l'apprentissage de rôles sociaux correspondant aux attentes spécifiques des travailleurs sociaux. Ce mode d'intégration permet de conserver des liens sociaux. Ceux qui font l'expérience de la dépendance recherchent des compensations à leurs échecs en essayant de faire valoir leur identité parentale, leur capacité à entretenir leur foyer, à exercer diverses activités dans leur voisinage (entraide, petits travaux de solidarité, etc.). À cette phase de dépendance peut aussi en succéder une autre, caractérisée par la rupture du lien social, en particulier lorsque les aides cessent et que les personnes qui en font l'expérience sont confrontées à un cumul de handicaps. Elles peuvent sortir du filet ultime de la protection sociale et connaître ensuite des situations de plus en plus marginales où la misère est synonyme de désocialisation.

S. Paugam, Les Formes élémentaires de la pauvreté, PUF, coll. « Le lien social », 2005

Q1 Quelles sont les trois phases identifiées par l'auteur dans le processus de disqualification sociale ? Précisez, pour chacune de ces trois phases, si les personnes concernées bénéficient de mesures d'assistance. Q2 Pour chaque phase, peut-on dire qu'il y a rupture totale du lien social ? Q3 En quoi peut-on dire que le processus de disqualification sociale est un processus d'intériorisation du stigmate ?

16- Les regards des français sur les chômeurs et les pauvres

Q1 Faites une phrase avec les données de l'année 2014. Q2 Montrez, par des calculs de votre choix, que le regard porté sur les chômeurs s'est durci entre 2009 et 2014. Q3 Dans quel contexte économique ce durcissement du regard s'est-il produit ? Q4 En quoi ce doc. illustre-t-il le processus de disqualification sociale ?

Fiche MEMO-SOCIO à compléter