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Annales de pathologie (2011) 31, 390—395 HISTOSÉMINAIRE SFP Pathologie oesophagienne et gastrique : lésions néoplasiques précoces. Cas n o 8. Une tumeur endocrine de l’estomac Oesophageal and gastric pathology: Early neoplastic lesions. Case n o 8. An endocrine tumour of the stomach Jean-Yves Scoazec Service d’anatomie pathologique, hôpital Édouard-Herriot, 5, place d’Arsonval, 69437 Lyon, France Accepté pour publication le 4 juin 2011 Disponible sur Internet le 15 septembre 2011 Renseignements cliniques Femme de 62 ans. Surveillance d’une gastrite chronique atrophique. Découverte endosco- pique d’une lésion polypoïde située dans la région fundique, sous le cardia. Résection endoscopique par mucosectomie. Diagnostic Tumeur endocrine bien différenciée de l’estomac, développée dans le cadre d’une gastrite atrophique chronique avec métaplasie intestinale (type I). Description macroscopique Il a été communiqué une pièce de résection endoscopique mesurant 11 mm dans son plus grand diamètre. Il existait une lésion nodulaire de 6 mm de diamètre déformant la muqueuse en surface. Le fragment a été inclus en totalité en trois sections sagittales. Adresse e-mail : [email protected] 0242-6498/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2011.07.009

Pathologie oesophagienne et gastrique : lésions néoplasiques précoces. Cas no 8. Une tumeur endocrine de l’estomac

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ISTOSÉMINAIRE SFP

athologie oesophagienne et gastrique : lésionséoplasiques précoces. Cas no 8. Une tumeurndocrine de l’estomac

esophageal and gastric pathology: Early neoplastic lesions. Case no 8. Anndocrine tumour of the stomach

Jean-Yves Scoazec

Service d’anatomie pathologique, hôpital Édouard-Herriot, 5, place d’Arsonval,69437 Lyon, France

Accepté pour publication le 4 juin 2011Disponible sur Internet le 15 septembre 2011

Renseignements cliniques

Femme de 62 ans. Surveillance d’une gastrite chronique atrophique. Découverte endosco-pique d’une lésion polypoïde située dans la région fundique, sous le cardia. Résectionendoscopique par mucosectomie.

Diagnostic

Tumeur endocrine bien différenciée de l’estomac, développée dans le cadre d’une gastriteatrophique chronique avec métaplasie intestinale (type I).

Description macroscopique

Il a été communiqué une pièce de résection endoscopique mesurant 11 mm dans sonplus grand diamètre. Il existait une lésion nodulaire de 6 mm de diamètre déformant lamuqueuse en surface. Le fragment a été inclus en totalité en trois sections sagittales.

Adresse e-mail : [email protected]

242-6498/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.annpat.2011.07.009

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Figure 2. Lésion tumorale nodulaire de 6 mm développée dans lamuqueuse fundique (HES, grandissement original : × 120).Nodular tumor mass, measuring 6 mm in diameter, developedwithin the gastric mucosa (HES, original magnification: × 120).

évalué à l’aide de l’anticorps MIB-1 (Ki67), était inférieur à1 % (Fig. 5).

L’immunodétection de la chromogranine A et de lasynaptophysine confirmait l’existence, dans la muqueusegastrique de voisinage, d’une hyperplasie linéaire et micro-nodulaire des cellules endocrines (Fig. 6).

Commentaires

Il s’agit d’un exemple typique d’une pathologie fréquente :une petite lésion tumorale endocrine gastrique, de mor-phologie bien différenciée, vraisemblablement à cellulesendocrines enterochromaffines-like ([ECL], terme désignantles cellules spécialisées dans la sécrétion d’histamine), sur-venant dans un contexte de gastrite chronique atrophique

Figure 1. Aspect de gastrite chronique atrophique avec métapla-sie intestinale (HES, grandissement original : × 250).Chronic atrophic gastritis with intestinal metaplasia (HES, originalmagnification: × 250).

Description microscopique

La résection endoscopique a intéressé la muqueuse, lamusculaire muqueuse et la partie adjacente de la sous-muqueuse. La muqueuse gastrique de surface était de typefundique. Elle était remaniée par des lésions de gastritechronique peu active, avec atrophie glandulaire modérée etprésence de larges foyers de métaplasie intestinale (Fig. 1).Il existait également une hyperplasie des cellules pariétalesdans les glandes fundiques et une tendance à la proli-fération des glandes et à une dilatation de leur collet,rappelant ce que l’on observe dans les polypes glandulo-

kystiques.

Au sein de la muqueuse, il existait une formation tumo-rale nodulaire de 6 mm de diamètre environ (Fig. 2),formée par des massifs constitués de cellules de morpho-logie endocrine, monomorphes, à cytoplasme relativementabondant et à noyau régulier, contenant une chromatinefine (Fig. 3). Les massifs tumoraux étaient séparés pardes cloisons fibreuses bien vascularisées. Il était observémoins d’une mitose par dix champs à fort grandissement.Il n’était pas observé d’aspect suspect d’embole vascu-laire.

La lésion occupait toute l’épaisseur de la muqueuse. Elleétait au contact de la musculaire muqueuse sans l’envahir.Il n’existait pas d’envahissement de la sous-muqueuse. Leslimites latérales et profonde de résection étaient en tissusain, avec des marges satisfaisantes.

L’étude immuno-histochimique confirmait la natureneuro-endocrine de la prolifération tumorale, dont lescellules exprimaient de manière intense et homogène lachromogranine A (Fig. 4) et la synaptophysine. Parmi leshormones testées, incluant la gastrine, la somatostatine,la ghréline et la calcitonine, aucune n’était détectée dansles conditions techniques utilisées. L’index de prolifération,

Figure 3. Aspect typique d’une tumeur neuro-endocrine biendifférenciée, formée de cellules monomorphes, à cytoplasme abon-dant, disposées en massifs séparés par des cloisons fibro-vasculaires(HES, grandissement original : × 180).Typical aspect of well differentiated neuroendocrine tumor, com-posed by monomorphic cells, with abundant cytoplasm, arranged innests separated by fibrovascular septa (HES, original magnification:× 180).

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igure 4. Expression de la chromogranine A par les cellules tumo-ales (Immunoperoxydase, grandissement original : × 140).xpression of chromogranin A by tumor cells (Immunoperoxidase,riginal magnification: × 140).

undique avec hyperplasie endocrine, chez un patient pro-ablement consommateur de médicaments anti-acides.

Cette observation donne l’occasion de faire le point sures stades précoces de la tumorigenèse endocrine gastriquet sur leur pathogénie, mais aussi de rappeler les principese classification et de prise en charge des tumeurs endo-rines gastriques.

es cellules endocrines de la muqueuseastrique

a muqueuse gastrique contient plusieurs populations deellules endocrines, différant par leur localisation et leuronction. Les deux principales populations sont : les cel-ules ECL de la muqueuse fundique, sécrétant de l’histamine

igure 5. Index Ki67 évalué à 1 % (Immunoperoxydase, grandisse-ent original : × 140).i67 index at 1% (Immunoperoxidase, original magnification:140).

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igure 6. Hyperplasie endocrine linéaire et micronodulaire dansa muqueuse adjacente, mise en évidence par l’immunodétectione la chromogranine A (Immunoperoxydase, grandissement origi-al : × 160).inear and micronodular endocrine hyperplasia in the adjacentucosa, evidenced by chromogranin A immunodetection (Immuno-eroxidase, original magnification: × 160).

mais aussi des peptides comme la pancréastatine et le pep-ide YY), et les cellules G de la muqueuse antrale, sécrétante la gastrine. Il existe d’autres types de cellules endocrinesans l’estomac, comme :les cellules D, sécrétant de la somatostatine, capabled’inhiber la sécrétion de gastrine et celle d’histamine parun mécanisme paracrine ;les cellules D1, secrétant le VIP et le GIP ;les cellules entérochromaffines, sécrétant la sérotonineet la motiline ;les cellules sécrétant la ghréline. . .

Les cellules ECL ont la particularité de donnerréquemment naissance à des lésions hyperplasiques et néo-lasiques, notamment dans le contexte d’hypergastrinémiesrimitives ou secondaires. La classification des lésions desellules ECL a donné lieu à de multiples travaux. Nous en

appellerons les grandes lignes.

lassification des lésions des cellulesnterochromaffines-like

l est aujourd’hui admis que les lésions endocrines gas-riques à cellules ECL se développent selon une séquenceyperplasie-dysplasie-néoplasie qui a été bien caractériséela fois chez l’homme et dans des modèles animaux [1].

ne classification histopathologique a été proposée et vali-ée [2] pour refléter ce concept et souligner l‘augmentationrogressive du risque de malignité associé à la progressiones lésions histologiques.

Les lésions hyperplasiques sont réparties en plusieursous-groupes [2,3] (Tableau 1) :

hyperplasie simple, caractérisée par une augmentationsignificative du nombre de cellules endocrines, qui res-tent cependant dispersées ou regroupées en amas trèslocalisés de moins de cinq cellules ;hyperplasie linéaire, définie par la présence d’au moinsdeux rangées continues de cinq cellules endocrines ouplus, de localisation strictement intraglandulaire, par mil-limètre linéaire de muqueuse ;

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Tableau 1 Classification des lésions hyperplasiques des cellules enterochromaffin-like de la muqueuse gastrique.Classification of enterochromaffin-like hyperplasias of the gastric mucosa.

Type d’hyperplasie Critères Distribution descellules endocrines

Grade

Simple Augmentation du nombre decellules endocrines

Dispersées ou en amasde < 5 cellules

Léger à sévère

Linéaire Au moins deux rangées linéairesde > 5 cellules/mm de muqueuse

Topographieintraglandulaire

Léger (< 10 % desglandes) à sévère(> 50 %)

Micronodulaire Amas nodulaires de > 5 cellules Topographieinter-glandulaire

Léger (1—2/mm) àsévère (> 5/mm)

Adénomatoïde Juxtaposition de > 5 nodulesadjacents

• hyperplasie micronodulaire, définie par la présenced’amas nodulaires de cinq cellules endocrines ou plus, delocalisation inter-glandulaire ;

• hyperplasie adénomatoïde, caractérisée par la juxtaposi-tion de plusieurs micronodules adjacents (Fig. 7).

Les lésions dysplasiques sont définies par la tendanceà la fusion de micronodules endocrines initialement indé-pendants et à l’apparition progressive d’un stroma propre(Fig. 8).

Les lésions considérées comme authentiquement néopla-siques correspondent à des tumeurs endocrines localementinvasives. Leur classification s’effectue selon les critèresde la classification OMS 2010 des tumeurs endocrines diges-tives (en rappelant éventuellement entre parenthèses laclassification 2000, plus familière aux cliniciens) et leur sta-dification s’effectue selon les critères TNM.

Pathogénie des lésions des cellulesenterochromaffines-like

L’hyperplasie des cellules ECL est habituellement uneréponse à l’existence d’une hypergastrinémie, secondaireou primitive. Pour comprendre le lien entre hypergastri-némie et cellules ECL [4], il faut rappeler les mécanismesrégulant la sécrétion acide gastrique.

Figure 7. Hyperplasie endocrine micronodulaire en muqueusegastrique, mise en évidence par l’immunodétection de la chromo-granine A (Immunoperoxydase, grandissement original : × 120).Micronodular endocrine hyperplasia in the gastric mucosa, evi-denced by chromogranin A immunodetection (Immunoperoxidase,original magnification: × 120).

Figure 8. Dysplasie endocrine en muqueuse gastrique : amas de

cellules endocrines exprimant la chromogranine A associé à unstroma bien développé (Immunoperoxydase, grandissement origi-nal : × 280).Endocrine dysplasia in gastric mucosa: endocrine nest expressingchromogranin A associated with a well-developed stroma (Immu-noperoxidase, original magnification: × 280).

Hypergastrinémie et hyperplasie des cellulesenterochromaffines-likeLa sécrétion acide est une composante essentielle du rôlejoué par l’estomac dans la digestion des aliments. Elle estassurée par une population de cellules épithéliales spé-cialisées, les cellules pariétales, dont la distribution estrestreinte à la muqueuse fundique (ou oxyntique, selon lanomenclature anglo-saxonne), qui tapisse le corps gastriqueet la grosse tubérosité. Les cellules pariétales sont caracté-risées par le développement d’un canalicule intracellulaire,formé aux dépens de la membrane apicale ; la paroi dece canalicule contient de grandes quantités d’une pompeà protons, capable d’excréter à l’extérieur de la cellulede grandes quantités d’ions H+. La sécrétion des ions H+

par les cellules pariétales gastriques est étroitement régu-lée [4]. Elle est notamment stimulée par l’acétylcholine,l’histamine et la gastrine. L’acétylcholine provient des

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erminaisons nerveuses localisées dans la muqueuse gas-rique. L’histamine agit par un mécanisme paracrine ; ellest sécrétée au voisinage des cellules pariétales par uneopulation de cellules endocrines spécialisées, les cellulesCL, localisées au fond des glandes de la muqueuse fun-ique. L’histamine agit sur les cellules pariétales par le biaise la stimulation d’un récepteur spécifique de type H2. Laastrine agit par un mécanisme hormonal. Elle est produiteans l’antre gastrique par une population de cellules endo-rines spécialisées, les cellules G ; la sécrétion physiologiquee gastrine est induite par l’augmentation du pH antral. Laastrine a plusieurs effets complémentaires :

elle stimule directement les cellules pariétales pour aug-menter la sécrétion d’ions H+ ;elle stimule la sécrétion d’histamine par les cellules ECLde la muqueuse fundique ;elle exerce un rôle trophique sur les cellules ECL, vis-à-vis desquelles elle se comporte comme un facteur decroissance et de prolifération.

Physiologiquement, la production de gastrine s’élèvehaque fois que la sécrétion acide gastrique est insuffi-ante. Ce mécanisme est amplifié lors des atrophies de lauqueuse gastrique fundique, telles que celles observées

u cours de la maladie de Biermer : la disparition des cel-ules principales entraîne une diminution de la production’acide par l’estomac ; cette achlorhydrie entraîne à sonour une augmentation réactionnelle de la production deastrine ; l’hypergastrinémie qui en résulte provoque uneyperstimulation des cellules ECL et une augmentation pro-ressive de leur nombre : c’est elle qui est responsable de’hyperplasie des cellules ECL, première étape du processuse tumorigenèse endocrine gastrique.

Les hypergastrinémies secondaires à l’atrophie gastriqueont extrêmement fréquentes et banales. Au contraire,es hypergastrinémies primitives, dues à une productionxcessive de gastrine par des cellules endocrines tumo-ales, comme au cours du syndrome de Zollinger-Ellison,ont exceptionnelles. Elles entraînent le même phénomène’hyperplasie des cellules ECL, susceptible de favoriser’émergence de lésions authentiquement néoplasiques.

raitements anti-acides et cellules endocrinesastriqueses médicaments anti-acides actuellement commercialisésgissent à deux niveaux pour bloquer le processus de sécré-ion acide par les cellules pariétales [1] :

les anti-histaminiques H2 agissent indirectement enbloquant la stimulation des cellules pariétales parl’histamine, elle-même produite lcoalement par les cel-lules ECL ;les inhibiteurs de la pompe à protons agissent directe-ment en bloquant le système de transport impliqué dansla sécrétion des ions H+ par les cellules pariétales. Endiminuant la sécrétion acide, ces médicaments, s’ils sontefficaces, sont susceptibles d’induire une hypergastriné-mie secondaire.

Il existe des signes histologiques suggérant la prise d’anti-écrétoires dans l’observation présentée : hyperplasie desellules pariétales [5,6], aspect d’hyperplasie glandulo-ystique dans la muqueuse de voisinage [7]. Peut-il existern lien entre la prise d’anti-acides, probable chez cetteatiente, et la survenue d’une tumeur endocrine ?

Des études toxicologiques chez l’animal avaient faitraindre un risque d’augmentation de la survenue de

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umeurs endocrines chez les patients consommant desraitements anti-acides : l’impact sur la santé publiqueurait pu être majeur, puisque ces médicaments font par-ie des médicaments les plus consommés. Heureusement,e risque a été clairement surestimé. Il existe désormais unecul important et des séries bien documentées permettant’évaluer correctement les effets des traitements anti-cides au long cours sur les cellules ECL gastriques [8—10].es seules lésions observées sont des lésions d’hyperplasiendocrinienne, le plus souvent linéaire ou micro nodulaire,xceptionnellement adénomatoïde. Elles sont observées,elon les séries et les pathologies associées, chez 10 à 48 %es patients sous traitement anti-acide au long cours ; laévérité et l’incidence des lésions sont comparables sousraitement par anti-H2 ou par inhibiteurs de la pompe àrotons. Aucune lésion endocrine interprétée comme dys-lasique ou néoplasique n’a été rapportée, en dehors deuelques cas exceptionnels de tumeurs carcinoïdes chez desalades présentant une prédisposition génétique (notam-ent dans le cadre de syndrome de néoplasie endocrinienneultiple de type 1, NEM1) [4].Le mécanisme des lésions d’hyperplasie des cellules ECL

bservé au cours des traitements anti-acides chez l’hommest discuté. Une première hypothèse est qu’elle est,omme chez le rat, la conséquence de l’hypergastrinémieecondaire à la diminution de la sécrétion acide induitear le traitement. Toutefois, l’hypergastrinémie observéeous traitement anti-acide chez l’homme est habituelle-ent modeste et probablement insuffisante pour expliquer

’hyperplasie endocrinienne. Une deuxième hypothèse estu’il ne s’agisse en fait que de lésions secondaires associéesl’atrophie glandulaire. En effet, les lésions d’hyperplasie

es cellules ECL observées au cours des traitements anti-cides sont plus fréquentes chez les patients âgés de pluse 60 ans et en cas d’association à une gastrite chro-ique active à Helicobacter pylori [8,9,11]. L’hyperplasiees cellules ECL serait donc largement indépendante de’hypergastrinémie et les aspects histologiques observéseraient artificiellement majorés par l’atrophie des autresopulations épithéliales normalement présentes dans leslandes fundiques [11].

umeurs à cellules enterochromaffines-like :eur place dans le cadre des tumeursndocrines gastriques

es tumeurs à cellules ECL sont les plus fréquentes desumeurs endocrines gastriques. Celles-ci sont classées enrois groupes, en fonction du contexte clinique, identifiablesotamment grâce à l’étude histologique de la muqueuseastrique non tumorale [12] :

les tumeurs endocrines de type I, fréquentes, sont asso-ciées à une gastrite atrophique chronique ; elles sonttoujours à cellules ECL ; elles sont de petite taille, mul-tiples, souvent superficielles à l’examen histologique etde bon pronostic : le risque de dissémination ganglion-naire est très faible. Les biopsies en muqueuse fundiquemacroscopiquement normale sont indispensables : ellesconfirment l’existence d’une gastrite chronique atro-phique associée à une hyperplasie des cellules ECL dedegré variable, alors que la muqueuse antrale est histo-logiquement normale, en dehors d’une hyperplasie descellules G à gastrine, qui ne peut être identifiée que parimmuno-histochimie ;

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Pathologie oesophagienne et gastrique : lésions néoplasiques pré

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Figure 9. Multiples tumeurs endocrines dans une muqueusegastrique hypertrophique, dans le cadre d’un syndrome deZollinger-Ellison (HES, original magnification : × 60).Multiple endocrine tumors in hypertrophic gastric mucosa, associa-ted with Zollinger-Ellison syndrome (HES, grandissement original:× 60).

• les tumeurs endocrines de type II surviennent dans uncontexte de syndrome de Zollinger-Ellison. Elles sontrares, également toujours formées par des cellules ECL ;elles sont de bon pronostic ; leur présentation endosco-pique et histologique est similaire à celle des tumeurs detype I ; la muqueuse fundique de voisinage est le siège delésions de gastropathie hypertrophique avec hyperplasiedes cellules ECL (Fig. 9) ;

• les tumeurs endocrines de type III, sporadiques, sontrares, uniques, souvent invasives. La muqueuse non tumo-rale ne présente pas d’hyperplasie des cellules ECL ni delésions de gastrite chronique atrophique ou de gastritehypertrophique. Les tumeurs de ce type sont exception-nellement à cellules ECL. Elles sont souvent agressives,avec un risque de dissémination métastatique ganglion-naire important.

Il est extrêmement important de bien distinguer les

trois types de tumeurs endocrines gastriques afin d’évaluercorrectement les risques évolutifs : faible risque de mali-gnité pour les types I et II, risque élevé pour le type III,et déterminer la stratégie thérapeutique la plus adaptée :résection endoscopique des lésions les plus volumineuses etsurveillance régulière pour les tumeurs de type I et II, gas-trectomie avec curage ganglionnaire pour les tumeurs detype III.

Déclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

POINTS IMPORTANTS À RETENIR

• Les cellules endocrines gastriques ECL, secrétantl’histamine impliquée dans la régulation de laproduction d’acide chlorhydrique par les cellulesfundiques, peuvent donner naissance à deslésions hyperplasiques puis néoplasiques en casd’hypergastrinémie secondaire ou primitive.

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• Les tumeurs survenant dans ce contexte (types Iet II) sont habituellement bénignes et d’évolutionlocale.

• Elles doivent être distinguées des tumeursendocrines sporadiques (type III) qui comportentun risque de malignité élevée.

• La distinction entre les différents typesanatomocliniques de tumeurs endocrinesgastriques repose notamment sur l’analyse de lamuqueuse gastrique de voisinage : la réalisationde biopsies en dehors des lésions tumorales estdonc indispensable.

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