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31 Insee Dossier Picardie n°9 - novembre 2015 Perte accélérée de biodiversité es atteintes aux écosystèmes mettent en péril nombre d'habitats et, ce faisant, d'espèces végétales et animales. La variété des paysages s'amenuise en Picardie : les prairies notamment n'occupent que la moitié de l'espace qu'elles représentent en France. Les zones humides ne constituent plus qu'un espace restreint. La Picardie bénéficie toutefois d'un continuum forestier qui va du sud vers le nord est de la région et d'un littoral biologiquement riche. La Baie de Somme est d'ailleurs classée Grand site de France. Sa géographie diverse et privilégiée, en métropole et outre mer confère à la France un des patrimoines naturels les plus riches d'Europe et la situe au huitième rang mondial pour le nombre d'espèces menacées qu'elle renferme. La Picardie comprend aussi des espèces à protéger comme le Phoque veau-marin ou le Râle des genêts. Le suivi des espèces d'oiseaux communs laisse à penser que l'homogénéisation des paysages provoque, en Picardie comme en France, une homogénéisation des espèces. En réponse à la perte de biodiversité, accélérée par les pratiques humaines, la préservation des espaces naturels se fait à l'échelle internationale avec en particulier, la Convention Ramsar pour la sauvegarde des zones humides, européenne avec le réseau des Sites Natura 2000 (qui couvre 56 % du territoire régional), et national avec le réseau des parc nationaux, régionaux ou littoraux. En outre, pour relier certains habitats fragmentés, des continuités écologiques sont mises en place, sous l'appellation "Trame verte et bleue". Anne Évrard (Dreal), Jean-Marc Mierlot (Insee) L La biodiversité représente l’ensemble du monde vivant dans lequel se distinguent trois niveaux d'organisation : la diversité génétique, la diversité des espèces et la diversité des écosystèmes. Le concept de biodiversité inclut également les différen- tes interactions entre ces trois niveaux. L'homme a toujours utilisé les ressources naturelles pour assurer son développe- ment et a désormais colonisé la quasi-to- talité des espaces à sa disposition. De nos jours, la pression subie par les écosystè- mes est telle que de nombreux habitats et espèces sont en déclin. Recul des prairies et des milieux herbacés En Picardie, les milieux ont été plus ou moins touchés par leur fragmentation et par l'homogénéisation des paysages. La surface des prairies rétrécit continûment depuis les années 1990. Entre 2006 et 2012, elle a encore reculé de 0,4 %. En 2012, les prairies occupent 8 % du terri- toire régional, moitié moins qu'à l'échelle nationale (données Corine Land Cover). Elles se trouvent essentiellement en Thié- rache, sur le littoral et dans les vallées al- luviales de l'Oise. Les paysages de bocage, qui abritent une flore et une faune parti- culièrement riches, ont fortement régressé aussi, se limitant presque à certaines zo- nes du Pays de Bray et de Thiérache. Les autres milieux à végétation arbustive et/ou herbacée font partie des espaces na- turels qui ont le plus reculé entre 2006 et 2012. Les pelouses calcicoles, héritage du pastoralisme et de l'élevage traditionnel, sont en forte régression : les trois cinquiè- mes de leur surface se trouvent sur le camp de Sissonne. Les landes, qui se dévelop- pent sur un sol acide, ne représentent plus que 500 ha, cantonnés dans le Laonnois, le Valois, le Tardenois et le Pays de Bray. Des zones humides fragiles En Picardie, les zones humides (marais, tourbières, vasières, forêts alluviales,…) occupent en 2012 un petit espace (0,5 % du territoire, contre 0,3 % du territoire métropolitain). Leur position, à l'interface des milieux terrestre et aquatique, leur confère pourtant un rôle important dans la régulation des débits des cours d'eau et de l'épuration des eaux. Les zones humi- des contribuent ainsi à la gestion de la ressource en eau. Elles sont essentielles au développement des amphibiens, insec- tes, oiseaux et poissons qui y trouvent des sites indispensables à leur reproduction. Après avoir reculé dans les années 1990, leur surface se stabilise depuis 2000. Dif- férents usages et activités s'y exercent : tourisme, élevage, conchyliculture, pisci- culture, activités naturalistes, chasse,… Elles sont soumises également à des pres- sions multiples qui les fragilisent, voire les menacent de disparition : actions de drainage et de remblaiement, aménage- ments lourds (infrastructures routières, urbanisation), pollutions des eaux ou en- core prolifération d'espèces animales ou végétales exotiques envahissantes. Des inventaires répertoriant les zones humi- des sont initiés depuis plusieurs années dans les bassins hydrographiques, dans le cadre des Schémas d'aménagement et de gestion des eaux (Sage) notamment. Un continuum forestier du sud de la Picardie vers le nord est Les forêts occupent 16 % du territoire pi- card, surface en légère augmentation par rapport à 2006. Cette surface boisée est proportionnellement inférieure à la moyenne (26 %), mais bénéficie d'une grande variété de formation, essentielle- ment des feuillus, et d'un remarquable continuum forestier (près de 120 km du sud de la Picardie vers le nord est) (figure 32). Ces bois et forêts renferment des es- pèces animales diverses, dont certaines sont emblématiques comme le chat sau- vage, les chauves-souris, ou certains co- léoptères remarquables. Les surfaces boisées hors forêts (haies, ali- gnements d'arbres, bosquets) reculent ré- gulièrement. Ces éléments naturels épars, ponctuels ou linéaires, de moins en moins présents dans les paysages agricoles ou urbains, sont pourtant favorables comme habitats naturels, ou comme connexions entre les milieux naturels. La Baie de Somme, labellisée Grand site de France La Picardie présente des milieux marins et littoraux hors du commun. Le littoral, interface entre la terre et la mer, est un lieu de grande diversité biologique et paysa- gère. Il est soumis à de fortes pressions naturelles et humaines (tourisme depuis les années 1930, transport, pêche). La Baie de Somme accueille des myriades d'oiseaux ainsi que des colonies de pho- ques veaux marins et de phoques gris. Le littoral présente une succession de faciès variés, falaises, galets, estuaires, massifs dunaires. La baie de Somme et ses abords représentent une halte pour les oiseaux migrateurs. Elle est également une terre de tradition pour l'élevage extensif, la pêche et la chasse. La Baie de Somme bé- néficie du Label Grand site de France ga- rantissant l'adéquation entre préservation des patrimoines culturel et naturel, et ac- cueil touristique. Des corridors écologiques pour relier des habitats fragmentés L'homogénéisation des paysages, mais aussi leur fragmentation, fragilise les mi- lieux et leur diversité. Les réseaux rou- tiers et ferroviaires sont un des principaux responsables de la fragmentation des ha- bitats naturels, par leur largeur imperméa-

Perte accélérée de biodiversité L - INSEE

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Page 1: Perte accélérée de biodiversité L - INSEE

31Insee Dossier Picardie n°9 - novembre 2015

Perte accélérée de biodiversitées atteintes aux écosystèmes mettent en péril nombre d'habitats et, ce faisant, d'espèces végétales et animales. La variété despaysages s'amenuise en Picardie : les prairies notamment n'occupent que la moitié de l'espace qu'elles représentent en France. Leszones humides ne constituent plus qu'un espace restreint. La Picardie bénéficie toutefois d'un continuum forestier qui va du sud vers

le nord est de la région et d'un littoral biologiquement riche. La Baie de Somme est d'ailleurs classée Grand site de France.Sa géographie diverse et privilégiée, en métropole et outre mer confère à la France un des patrimoines naturels les plus riches d'Europe etla situe au huitième rang mondial pour le nombre d'espèces menacées qu'elle renferme. La Picardie comprend aussi des espèces à protégercomme le Phoque veau-marin ou le Râle des genêts. Le suivi des espèces d'oiseaux communs laisse à penser que l'homogénéisation despaysages provoque, en Picardie comme en France, une homogénéisation des espèces.En réponse à la perte de biodiversité, accélérée par les pratiques humaines, la préservation des espaces naturels se fait à l'échelleinternationale avec en particulier, la Convention Ramsar pour la sauvegarde des zones humides, européenne avec le réseau des Sites Natura2000 (qui couvre 56 % du territoire régional), et national avec le réseau des parc nationaux, régionaux ou littoraux. En outre, pour relier certainshabitats fragmentés, des continuités écologiques sont mises en place, sous l'appellation "Trame verte et bleue".

Anne Évrard (Dreal), Jean-Marc Mierlot (Insee)

L

La biodiversité représente l’ensemble dumonde vivant dans lequel se distinguenttrois niveaux d'organisation : la diversitégénétique, la diversité des espèces et ladiversité des écosystèmes. Le concept debiodiversité inclut également les différen-tes interactions entre ces trois niveaux.L'homme a toujours utilisé les ressourcesnaturelles pour assurer son développe-ment et a désormais colonisé la quasi-to-talité des espaces à sa disposition. De nosjours, la pression subie par les écosystè-mes est telle que de nombreux habitats etespèces sont en déclin.

Recul des prairieset des milieux herbacés

En Picardie, les milieux ont été plus oumoins touchés par leur fragmentation etpar l'homogénéisation des paysages. Lasurface des prairies rétrécit continûmentdepuis les années 1990. Entre 2006 et2012, elle a encore reculé de 0,4 %. En2012, les prairies occupent 8 % du terri-toire régional, moitié moins qu'à l'échellenationale (données Corine Land Cover).Elles se trouvent essentiellement en Thié-rache, sur le littoral et dans les vallées al-luviales de l'Oise. Les paysages de bocage,qui abritent une flore et une faune parti-culièrement riches, ont fortement régresséaussi, se limitant presque à certaines zo-nes du Pays de Bray et de Thiérache.Les autres milieux à végétation arbustiveet/ou herbacée font partie des espaces na-turels qui ont le plus reculé entre 2006 et2012. Les pelouses calcicoles, héritage dupastoralisme et de l'élevage traditionnel,sont en forte régression : les trois cinquiè-mes de leur surface se trouvent sur le campde Sissonne. Les landes, qui se dévelop-pent sur un sol acide, ne représentent plusque 500 ha, cantonnés dans le Laonnois,le Valois, le Tardenois et le Pays deBray.

Des zones humides fragiles

En Picardie, les zones humides (marais,tourbières, vasières, forêts alluviales,…)occupent en 2012 un petit espace (0,5 %du territoire, contre 0,3 % du territoiremétropolitain). Leur position, à l'interfacedes milieux terrestre et aquatique, leurconfère pourtant un rôle important dansla régulation des débits des cours d'eau etde l'épuration des eaux. Les zones humi-des contribuent ainsi à la gestion de laressource en eau. Elles sont essentiellesau développement des amphibiens, insec-tes, oiseaux et poissons qui y trouvent dessites indispensables à leur reproduction.Après avoir reculé dans les années 1990,leur surface se stabilise depuis 2000. Dif-férents usages et activités s'y exercent :tourisme, élevage, conchyliculture, pisci-culture, activités naturalistes, chasse,…Elles sont soumises également à des pres-sions multiples qui les fragilisent, voireles menacent de disparition : actions dedrainage et de remblaiement, aménage-ments lourds (infrastructures routières,urbanisation), pollutions des eaux ou en-core prolifération d'espèces animales ouvégétales exotiques envahissantes. Desinventaires répertoriant les zones humi-des sont initiés depuis plusieurs annéesdans les bassins hydrographiques, dans lecadre des Schémas d'aménagement et degestion des eaux (Sage) notamment.

Un continuum forestier du sudde la Picardie vers le nord est

Les forêts occupent 16 % du territoire pi-card, surface en légère augmentation parrapport à 2006. Cette surface boisée estproportionnellement inférieure à lamoyenne (26 %), mais bénéficie d'unegrande variété de formation, essentielle-ment des feuillus, et d'un remarquablecontinuum forestier (près de 120 km dusud de la Picardie vers le nord est) (figure32). Ces bois et forêts renferment des es-

pèces animales diverses, dont certainessont emblématiques comme le chat sau-vage, les chauves-souris, ou certains co-léoptères remarquables.Les surfaces boisées hors forêts (haies, ali-gnements d'arbres, bosquets) reculent ré-gulièrement. Ces éléments naturels épars,ponctuels ou linéaires, de moins en moinsprésents dans les paysages agricoles ouurbains, sont pourtant favorables commehabitats naturels, ou comme connexionsentre les milieux naturels.

La Baie de Somme,labellisée Grand site de France

La Picardie présente des milieux marinset littoraux hors du commun. Le littoral,interface entre la terre et la mer, est un lieude grande diversité biologique et paysa-gère. Il est soumis à de fortes pressionsnaturelles et humaines (tourisme depuisles années 1930, transport, pêche). La Baiede Somme accueille des myriadesd'oiseaux ainsi que des colonies de pho-ques veaux marins et de phoques gris. Lelittoral présente une succession de facièsvariés, falaises, galets, estuaires, massifsdunaires. La baie de Somme et ses abordsreprésentent une halte pour les oiseauxmigrateurs. Elle est également une terrede tradition pour l'élevage extensif, lapêche et la chasse. La Baie de Somme bé-néficie du Label Grand site de France ga-rantissant l'adéquation entre préservationdes patrimoines culturel et naturel, et ac-cueil touristique.

Des corridors écologiquespour relier des habitats fragmentés

L'homogénéisation des paysages, maisaussi leur fragmentation, fragilise les mi-lieux et leur diversité. Les réseaux rou-tiers et ferroviaires sont un des principauxresponsables de la fragmentation des ha-bitats naturels, par leur largeur imperméa-

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32 Insee Dossier Picardie n°9 - novembre 2015

Perte accélérée de biodiversité

Une diversité de paysages à préserver32

N

Données : source : BD Carto ® - © IGN / DREALDate de réalisation : 2015Cette carte est une représentation de la réalité, elle peut comporter des approximations et des simplifcations.En aucun cas, elle n’a de portée règlementaire.

Rochers, éboulis, terrains nus

Bocages, prairies

Cultures (grandes cultures, vignobles...)Pelouses (calcicoles, sabulicoles,délaissés urbains et ruraux)Landes

Bois et forêts

Cours d’eau

Mares, marais, étangs et tourbières(incluant les gravières)Falaise vive

Falaise morte

Dunes

Estuaires et milieu marin

Abbeville

Amiens

Beauvais

Clermont

Senlis

Péronne

Saint-Quentin

Compiègne

Soissons

Château-Thierry

Laon

0 10 20 30 50

Kilomètres

40

Authie

Bresle

Oise

Thérain

Aisne

Somme

Principaux milieux naturels de Picardie

bilisée, les glissières de sécurité, barrièresou clôtures qui les longent, et par le traficdes véhicules qui y circulent. La régionest traversée par des infrastructures detransport d'importance internationale etnationale : 550 km d'autoroutes, 380 kmde routes nationales, 13 800 km de routesdépartementales, 1 400 km de réseau ferré(dont 150 km de lignes à grande vitesse).Ce cloisonnement des milieux naturels estnéfaste à l'accomplissement du cycle devie de nombreuses espèces.La Trame verte et bleue est un réseau forméde continuités écologiques terrestres etaquatiques : des corridors relient entre euxdes réservoirs de biodiversité. Lescrapauducs, par exemple, sont des canauxpassant sous une route, pour permettre lepassage des batraciens. Ces continuitésécologiques doivent permettre aux espè-ces animales et végétales, dont la préser-vation ou la remise en bon état constitueun enjeu national ou régional, d'assurerleur cycle de vie et de s'adapter. Elles sontidentifiées par l'État et les collectivités ter-ritoriales et retranscrites dans le Schémarégional de cohérence écologique initiéen 2010.Parmi les opérations mises en œuvre pourpréserver la biodiversité et les paysages,les mesures agro-environnementales, en

conformité avec la réglementation com-munautaire, visent à encourager les agri-culteurs à employer des méthodes de pro-duction agricole respectueuses de l'envi-ronnement, telles que la préservation deszones humides et des prairies permanen-tes, la protection des races menacées, l'en-tretien de bosquets, d'arbres isolés oude mares. Ces mesures prennent la formed'un engagement contractuel de cinq ansentre l'État et l'exploitant, accompagnéd'aides.

Préserver les habitatspour protéger les espèces

La disparition ou la régression de labiodiversité sont essentiellement imputa-bles à l'activité humaine : la modificationdes pratiques agricoles ou forestières quiaffectent des espaces de grande valeur éco-logique, la pollution des milieux aquati-ques, l'artificialisation des sols par l'étale-ment urbain.En Picardie, certaines espèces sont consi-dérées comme particulièrement importan-tes d'un point de vue patrimonial, pourdes raisons scientifiques, écologiques ouculturelles et pour les protéger, il faut pré-server leurs habitats naturels. Par exem-ples :

La France au 8e rang mondial des payshébergeant le plus d'espèces menacées

Le territoire métropolitain recoupe quatre desneufs domaines biogéographiques terrestres pré-sents au sein de l'Union européenne (atlantique,continental, méditerranéen et alpin), et deux descinq domaines biogéographiques marins de l'Union(atlantique et méditerranéen), ce qui favorise unetrès importante diversité des habitats. La Franceabrite 61 % des habitats d'intérêt communautaireprésents sur le territoire de l'Union européenne,c'est-à-dire les habitats qui y sont rares ou endanger de disparition.

La France possède l'un des patrimoines natu-rels les plus riches d'Europe. Avec l'Italie, l'Espa-gne et la Grèce, elle fait partie des quatre Étatsmembres les plus diversifiés en mammifères parexemple, avec plus d'une centaine d'espèces con-nues. Elle se situe au huitième rang mondial despays hébergeant le plus grand nombre d'espècesanimales et végétales menacées. Ce constat ré-sulte principalement des menaces pesant sur l'im-portante biodiversité des collectivités d'outre-mer,mais aussi sur les espaces méditerranéens quireprésentent également un point chaud debiodiversité.

Au total, en France métropolitaine, 1 881 es-pèces bénéficient du statut d'espèce protégée. Enmétropole, 20 % des espèces de vertébrés éva-luées par l'Union Internationale pour la Conserva-tion de la Nature (UICN) sont considérées commemenacées : 11 espèces de mammifères (9 %), 73oiseaux nicheurs (26 %), 7 reptiles (19 %), 7 am-phibiens (21 %), 15 espèces de poissons d'eaudouce (22 %), 11 requins, raies et chimères (13 %).Sont aussi menacés 17 % des orchidées, 6 % despapillons de jour et 28 % des crustacés d'eau douce.

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33Insee Dossier Picardie n°9 - novembre 2015

Perte accélérée de biodiversité

- Le Phoque veau-marin était présent engrand nombre en Picardie mais a disparuau début du XXe siècle, victime de lachasse. Depuis 1986, une petite popula-tion s'est réinstallée en Baie de Somme.Une seconde espèce, le phoque gris estégalement présente. Elle supporte mal lesdérangements et la pollution.

- La Chouette chevêche assez communeen Picardie mais vulnérable, dont la pré-servation est liée à celle du bocage et aumaintien des vergers, des prairies, des ar-bres têtards, à la plantation de haies et à laconservation des arbres creux.

- Concernant la flore, le Liparis de Loesel,orchidée exceptionnelle, en danger en Pi-cardie, se rencontre sur sol humide et pau-vre en nutriments. Elle souffre de l'aban-don des pratiques de pâturage et de fau-chage.

Phoque veau-marin (phoca vitulina) - Photo Xavier D.(Le Hourdel, Baie de Somme) via Wikimedia Commons

Butor étoilé (Botaurus stellaris) -By böhringer friedrich,via Wikimedia Commons))

Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale) -By Gilles San Martin via Wikimedia Commons

Sonneur à ventre jaune (Bombina variegata) -Par Waugsberg via Wikimedia Commons

Liparis de Loesel (Liparis Loeselii) -By Hans Stieglitz via WikimediaCommons

21 espèces de chiroptères présentes en PicardiePar leur position en bout de chaîne alimentaire, les chau-

ves-souris (ou chiroptères) sont, comme les oiseaux, de bonsindicateurs de l'état écologique des milieux naturels. Elles sonten effet très sensibles à l'altération des écosystèmes danslesquels elles vivent. Les effectifs des 34 espèces recenséessur le territoire français, sur les 36 présentes en Europe, ontfortement décliné au cours du XXe siècle à cause de la raréfac-tion de leur nourriture, de la destruction de leurs habitats, de lapollution lumineuse. En 2009, un tiers des espèces de chiroptè-res est menacé ou quasi-menacé en France métropolitaine,selon l'Union internationale pour la conservation de la nature

(UICN) et le Muséum national d'histoire naturelle. Leur préservation dépend de la conservation des gîtesd'hibernation et d'estivage (grottes, caves, anciennes carrières, arbres creux, granges, combles rendusaccessibles), de leurs habitats de chasse et des corridors qui les relient. Aucun département n'abrite latotalité des espèces, certaines ne sont présentes que dans un département comme le Murin du Maghreb enCorse ou le Rhinolophe de Méhely dans l'Hérault. En Picardie, 21 espèces de chiroptères sont présentes(Murin de Daubenton, Murin de Bechstein, Grand Rinolophe, Petit Rinolophe…).

Pipistrelle commune - Photo François Schawaab

Chouette chevêche(Athene noctua) -par Tony Hisgett via Wikimedia Commons

Râle des genêts (Crex crex) - By Richard Crossleyvia Wikimedia Commons

- Le Butor étoilé, oiseau échassier en dan-ger critique d'extinction en France, dontquelques spécimens sont encore présentssur la côte picarde. Sa préservation passepar la création ou la restauration des rose-lières et la gestion des niveaux d'eau.

- Le Râle des genêts surtout présent dansdes prairies qu'il faut donc maintenir, ainsique des espaces non fauchés ou fauchésplus tardivement.

- Le Sonneur à ventre jaune, appartenantà la famille des amphibiens, est rare et vul-nérable en Picardie. Uniquement présentau sud de l'Aisne, en milieu forestier oudans les bocages et les prairies, il se repro-duit dans les ornières humides, les mareset les fossés. Lui sont favorables la créa-tion ou l'entretien des mares.

- Des espèces de libellules (l'Agrion deMercure), de papillons (l'Azuré de lacroisette), de poissons (l'Anguille euro-péenne).

Certaines espèces présentes en France sontidentifiées essentiellement en Picardiecomme la Bythinelle des moulins, tout pe-tit escargot aquatique qui ne vit pratique-ment que dans l'Aisne. La majorité de cesespèces sont végétales comme l'anémonesauvage dont la plus importante popula-tion française connue est abritée dans lecamp de Sissonne.

Vers une homogénéisationdes espèces d'oiseaux communs ?

Le suivi des espèces dites "communes" estaussi nécessaire à la compréhension desévolutions en cours de la biodiversité quecelui des espèces patrimoniales. Ainsi, lesdonnées recueillies par le programme deSuivi temporel des oiseaux communs(Stoc), mis en place par le Muséum Natio-nal d'Histoire Naturelle, sont importantespour connaître l'état des écosystèmes etcomprendre les modifications qu'ils subis-sent. Les oiseaux apparaissent commeétant de bons indicateurs de l'état de labiodiversité du fait de leur position éle-vée dans la chaîne alimentaire. Parmi les65 espèces recensées, figurent par exem-ples l'Alouette des champs (Alaudaarvensis, caractéristique des milieux agri-coles), le Pic épeiche (Dendrocopos ma-jor, typique des milieux forestiers), le Moi-neau domestique (Passer domesticus, enmilieu urbanisé) ou le Merle noir (Turdusmerula, espèce généraliste).D'après ce suivi, les espèces généralistesprésentent des effectifs en nette hausse cesdix dernières années dans toutes les ré-gions sauf en Aquitaine et en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Cette progression estde 24 % en Picardie.Les espèces spécialistes des milieux fo-restiers déclinent dans 15 régions sur 21.C'est dans ces milieux que ces espèces re-culent le plus en Picardie (de 8 %). La si-tuation est plus contrastée pour les espè-ces de milieux agricoles, avec de fortsécarts entre régions. Une majorité d'entreelles présentent une dynamique négative

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34 Insee Dossier Picardie n°9 - novembre 2015

Perte accélérée de biodiversité

(-3 % en Picardie), et seulement cinq ré-gions affichent une tendance positive. Lesécarts entre régions peuvent s'expliquerpar le caractère local des principaux fac-teurs qui influent sur l'évolution des ef-fectifs des espèces agricoles (modifica-tions du paysage agricole, fragmentationet destruction d'habitats). À l'inverse, lesfacteurs qui affectent les espèces forestiè-res et généralistes sont de nature plus glo-bale, comme le changement climatique.Les espèces des milieux bâtis présententelles aussi des situations très différentes :elles progressent dans six régions seule-ment entre 2001 et 2009, en Picardie no-tamment (+15 %) et en Nord-Pas-de-Ca-lais (+32 %).Ces tendances, si elles se confirment, pour-raient illustrer un phénomène d'homogé-néisation de la faune aviaire, les commu-nautés d'oiseaux s'uniformisant vers descompositions d'espèces peu spécialisées,présentes partout. Les mêmes tendancessont observées en Europe. La dégradation

Pourquoi préserver la biodiversité ?

La Fondation pour la Recherche sur laBiodiversité accorde trois ordres de valeurs à labiodiversité. La première est une valeur intrinsèque,dans le sens où il est de notre devoir moral de lapréserver. Elle a ensuite un intérêt culturel, identitaireet historique qui fait d’elle un patrimoine à conserver.Enfin, elle apporte des ressources et des servicesutiles aux sociétés humaines. Selon l’étude « TheEconomics of Ecosystems and Biodiversity »parue en 2010, la valeur annuelle des pertes debiodiversité sur la période 2000-2050 est estiméeà l’échelle mondiale entre 2 000 et 4 500 milliardsde dollars, soit de 3,3 % à 7,5 % du PIB mondial. Àtitre d’exemple quant aux services rendus par labiodiversité, les abeilles jouent un rôle prépondérantdans le maintien de la diversité des plantessauvages et la production agricole, car ellespollinisent 70 à 80 % des plantes à fleurs.

ou la perte des habitats demeure la princi-pale menace.

Cinq niveaux pour la préservationdes espaces naturelsLa connaissance des milieux naturels etsemi-naturels (caractéristiques, composi-tion floristique et faunistique, répartitiongéographique) apparaît aujourd'huicomme un préalable nécessaire à unebonne gestion et protection des espacesnaturels. Cette connaissance s'est cons-truite progressivement à partir des annéesquatre-vingt, deux programmes majeursayant notamment apporté une large con-tribution : l'inventaire des zones naturel-les d'intérêt écologique, faunistique etfloristique (Znieff) et la mise en place dela typologie Corine Biotope (Corine pourCOoRdination de l'INformation sur l'En-vironnement).Pour constituer un réseau d'espaces proté-gés représentatifs de la biodiversité, unegrande variété d'outils a été mise en place

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35Insee Dossier Picardie n°9 - novembre 2015

Perte accélérée de biodiversité

en France, chacun ayant des objectifs, descontraintes et des modes de gestion spé-cifiques. Cinq grands types de préserva-tion de l'espace peuvent ainsi être distin-gués : les engagements de niveau interna-tional, la protection de niveau européen,la protection réglementaire nationale, lapolitique de maîtrise foncière et la pro-tection et gestion contractuelle.

Une convention pour la sauvegardedes zones humides

Les réserves de biosphère du programmeMan and Biosphere de l'Unesco et la Con-vention de Ramsar sont des engagementsinternationaux. La Convention de Ramsarrelative aux zones humides d'importanceinternationale a été signée en 1971 en Iranet ratifiée par la France en 1986. Les zo-nes humides sont les seuls écosystèmesbénéficiant d'un traité international quileur est spécifiquement consacré. L'États'engage à maintenir les caractéristiquesécologiques des sites, à mettre en œuvreune gestion et des aménagements appro-priés pour garantir l'intérêt biologique etla bonne conservation des milieux, voireleur restauration si nécessaire. En 2014,43 sites Ramsar sont répertoriés sur l'en-

semble du territoire français, dont 32 enmétropole (en Picardie, la Baie de Somme)et 11 en outre-mer. Ils couvrent près de3,7 millions d'hectares. À l'origine, les cri-tères d'identification des sites portaientessentiellement sur les oiseaux d'eau hi-vernants, nicheurs ou migrateurs. Ils ontété étendus à la présence d'espèces ani-males ou végétales rares ou menacées.

Au niveau européen,les sites Natura 2000

L'action de l'Union européenne en faveurde la préservation de la diversité biologi-que repose en particulier sur la créationd'un réseau d'espaces, écologique et co-hérent, dénommé réseau Natura 2000, enapplication de deux directives commu-nautaires : les directives "Oiseaux" et "Ha-bitats, Faune, Flore". L'objectif du réseauNatura 2000 est de contribuer au main-tien ou à la restauration dans un bon étatde conservation des espèces et des habi-tats d'intérêt communautaire.La directive "Oiseaux" met l'accent sur lapréservation, le maintien et le rétablisse-ment d'une diversité et d'une superficiesuffisantes d'habitats naturels favorablesà la conservation des oiseaux. Elle pré-

Les principaux espaces protégés en Picardie37

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15

Source : Dreal Picardie, SGCGE, SIG

Baie de Somme

Parc naturel régionalPicardie Maritime

Parc naturelmarin

Parc naturel régionalOise Pays de France

Landes de Versigny

Marais de Vesles-et-Caumont

Ferme Moulin Fontaine

LAON

Marais d’Isle

St Pierre-les-ChampsBEAUVAIS

Étang Saint-Ladre

AMIENS

Convention RamsarZones spéciales de conservationZones de protection spécialeRéserves naturelles nationalesRéserves naturelles régionalesParc naturel marinParc naturel régional Picardie MaritimeParc naturel régional Oise-Pays de France

Un éventail d'outils au service de la protection de la biodiversité

voit la désignation de Zones de protec-tion spéciales (ZPS), formées d'habitatsnaturels et d'aires de reproduction d'espè-ces d'oiseaux, ainsi que de milieux terres-tres ou marins utilisés de façon régulièrepar les espèces migratrices (figure 33 à36). La directive "Habitats, Faune, Flore"concerne la conservation des habitats na-turels ainsi que celle de la faune et de laflore sauvages. Elle prévoit la désignationde zones spéciales de conservation (ZSC),abritant des espèces et des habitatsnaturels dits "d'intérêt communautaire" (fi-gure 37). Tous les six ans, les États mem-bres doivent réaliser des bilans nationauxselon plusieurs paramètres : aire de réparti-tion, surface occupée par chaque habitat,caractéristiques structurelles et fonction-nelles de l'habitat et perspectives futuresde maintien de celui-ci. La faiblesse d’unseul paramètre suffit à qualifier de mauvaisl'état de conservation global d'un habitat.La dernière évaluation disponible portesur la période 2007-2012. Globalement,22 % des habitats présents en France sontdans un état de conservation favorable,38 % dans un état inadéquat et 35 % dansun état mauvais (les 5 % restants étant dansun état de conservation inconnu).

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36 Insee Dossier Picardie n°9 - novembre 2015

Perte accélérée de biodiversité

Le domaine alpin est le domainebiogéographique terrestre où les habitatsse portent le mieux alors que le domaineatlantique est le plus affecté. La végéta-tion des systèmes rocheux (éboulis, falai-ses) et les fourrés sclérophylles (plantescomportant de feuilles petites, enrouléessur elles-mêmes et coriaces, adaptées à lasécheresse), habitats peu soumis aux pres-sions anthropiques, sont les catégories d'ha-bitats les mieux conservées. À l'opposé, lestourbières et bas-marais, les dunes ainsi queles habitats côtiers et marins, sont les plustouchés : aire de répartition en régression,diminution de leur surface, dégradation deleur fonctionnement. La situation des pe-louses et prairies est plus contrastée : mieuxconservées dans le domaine alpin mais dansune situation très préoccupante dans lesdomaines atlantique et continental. La di-minution importante de leur surface et leurenrichissement en nutriments constituentles principaux facteurs de leur mauvais étatde conservation.En 2012, la partie terrestre des sites Natura2000, sans double compte des surfacesdésignées en application de chacune desdeux directives, "oiseaux" et "habitats",occupe 12,6 % de la surface en Francemétropolitaine. En Picardie, la superficieen sites Natura 2000 couvre 4,7 % du ter-ritoire, soit 120 milliers d'hectares. Cettesurface est plus importante dans l'Oise(8 %) que dans l'Aisne (4 %) et la Somme(3 %). Les sites Natura 2000 occupent dessurfaces plus importantes dans la régionméditerranéenne, les régions de monta-gne, les massifs forestiers, plus riches enzones humides, végétations arbustives,landes et pelouses que la moyenne dessurfaces métropolitaines.En 2010, le réseau des sites d'importancecommunautaire proposé par la France estjugé suffisant, au regard des critères euro-péens, pour permettre la conservation de99 % des habitats et des espèces de la di-rective "Habitats" présents en France.

De la protection réglementaireà la gestion volontaire des espaces

La protection réglementaire nationalecomprend les cœurs des parcs nationaux,réserves naturelles nationales, réservesnaturelles de la collectivité territoriale deCorse, réserves naturelles régionales, ar-rêtés préfectoraux de protection de bio-tope, réserves biologiques, forêts de pro-tection et sites classés. La Picardie comptecinq réserves nationales : la Baie deSomme, l'Étang Saint-Ladre (dans laSomme), les Landes de Versigny, le Ma-rais d'Isle et le Marais de Vesles-et-Cau-mont (dans l'Aisne) et deux régionales :les Larris et tourbières de Saint-Pierre-es-

Champs dans l'Oise et les Prairies humi-des de la ferme du Moulin Fontaine (aunord de l'Aisne).La politique de maîtrise foncière est me-née par le Conservatoire du littoral, lesConservatoires d'espaces naturels, ainsi quepar certaines collectivités locales. Elle per-met de protéger un habitat ou une espècesur un secteur restreint. Votée en 1986, laloi Littoral relative à l'aménagement, laprotection et la mise en valeur du littoralvise à encadrer l'aménagement de la côtepour la protéger des excès de la spécula-tion immobilière et à permettre le libre ac-cès au public sur les sentiers littoraux. Elleest notifiée dans le Code de l'urbanisme.Le cinquième et dernier type de préserva-tion de l'espace est la protection et ges-tion contractuelle mise en œuvre dans leszones aux enjeux mixtes de développe-ment et de conservation : aires d'adhésiondes parcs nationaux, parcs naturels ma-rins et parcs naturels régionaux. Certainssites des Conservatoires d'espaces natu-rels sont également concernés par ce modede protection.- Les parcs naturels marins (PNM) ont étéinstaurés par la loi sur les parcs nationauxd'avril 2006. Leur objectif est de conci-lier protection du milieu marin et déve-loppement durable des activités qui endépendent, mais aussi la connaissance dumilieu marin. Le parc naturel marin desestuaires picards et de la mer d'Opale a étécréé en 2012, il couvre une surface de 2300 km² (figure 37).- Institués en 1967, les parcs naturels ré-gionaux (PNR) ont pour vocation de pro-téger et valoriser le patrimoine naturel,culturel et humain de leur territoire enmettant en œuvre une politique d'aména-gement et de développement respectueusede l'environnement. À cheval sur l'Île-de-France, le Parc naturel régional Oise-Paysde France est le premier créé en Picardie.