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est une Association de soutien aux compagnes de prêtres et de religieux et de lutte contre cette règle inadaptée et dangereuse du célibat imposé dans l’église catholique romaine. Dominique Venturini Rue du Serpolet - 84160 Lourmarin e.mail [email protected] site http://plein-jour.eu Bulletin n° 22 - Septembre 2013 Plein J our

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Association PLEIN JOUR, aide aux compagnes de prêtres et de religieux

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est une Association de soutienaux compagnes de prêtres et de religieux et de lutte contre cetterègle inadaptée et dangereuse du célibat imposé dans l’église catholique romaine.

Dominique Venturini

Rue du Serpolet - 84160 Lourmarin

e.mail [email protected]

site http://plein-jour.euBulletin n° 22 - Septembre 2013

Plein

Jour

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JS O M M A I R E Édito 01

Isabelle et Gérard 02

Espoir 03

Une lettre d’Italie 04

Ce n’est pas à Dieu ... 05

Maurice 06

Longue marche vers Annick 07

Rien qu’une larme 09

L’amour castré ? 10

Pascal Vesin ... 12

Chloé 13

Même pas mal 14

Elham Asghari 15

Combien de murs 16

Delphine est rabbin 17

L’amour fait des miracles 18

Quelques flashes 20

Saga 22

La chanson du geôlier 24

L’APRC 25

Courrier des lecteurs 26

La garde-robe 27

Piem 28

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édito

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai compris qu’en toutes circonstances, j’étais à la bonne place,au bon moment. Et alors, j’ai pu me relaxer. Aujourd’hui je sais que cela s’appelle … l’Estime de soi.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai pu percevoir que mon anxiété et ma souffrance émotionnellen’étaient rien d’autre qu’un signal lorsque je vais à l’encontre de mes convictions. Aujourd’hui je sais quecela s’appelle … l’Authenticité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai cessé de vouloir une vie différente et j’ai commencé à voir quetout ce qui m’arrive contribue à ma croissance personnelle. Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle … laMaturité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai commencé à percevoir l’abus dans le fait de forcer une situationou une personne, dans le seul but d’obtenir ce que je veux, sachant très bien que ni la personne ni moi-même ne sommes prêts et que ce n’est pas le moment … Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle … leRespect.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai commencé à me libérer de tout ce qui n’était pas salutaire,personnes, situations, tout ce qui baissait mon énergie. Au début, ma raison appelait cela de l’égoïsme.Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle … l’Amour propre.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai cessé d’avoir peur du temps libre et j’ai arrêté de faire degrands plans, j’ai abandonné les méga-projets du futur. Aujourd’hui, je fais ce qui est correct, ce que j’aimequand cela me plait et à mon rythme. Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle … la Simplicité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai cessé de chercher à avoir toujours raison, et je me suis renducompte de toutes les fois où je me suis trompé. Aujourd’hui, j’ai découvert … l’Humilité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai cessé de revivre le passé et de me préoccuper de l’avenir. Au-jourd’hui, je vis au présent, là où toute la vie se passe. Aujourd’hui, je vis une seule journée à la fois. Etcela s’appelle … la Plénitude.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai compris que ma tête pouvait me tromper et me décevoir. Maissi je la mets au service de mon cœur, elle devient une alliée très précieuse ! Tout ceci, c’est… le Savoirvivre.

Ken Mc Millen

Merci à celui qui nous a balisé ce chemin vers la sagesse !

Dominique

Le jour oùje me suis aimé

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&

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dité forgée au long des épreuvesde la vie. Il lui assuré que le dieuqu’il servait l’aimait telle qu’elleétait. Le soir de cette révélation futdifficile à vivre. Quelque chose sepasse qu’elle a encore du mal àanalyser. Le début d’un tournantdans sa vie. Une éclosion intime.« Il m’apportait tout ce que j’avaissouhaité depuis longtemps. Je lui aiécrit beaucoup de poèmes qui sontautant de déclarations d’amour ».

Ballade pour la vie …

Elle n’attendait plus rien de la vie

Tout avait été consommé trop vite :

Travail, famille, enfants, mari,

Routines, engrenages, compromis,

Elle se perdait dans ce dédale de

soucis.

Elle n’attendait plus rien de la vie.

La résignation avait sournoisement

envahi

Tout son être, jusqu’à son esprit.

Chagrins,reproches, silences enne-

mis,

Elle avait oublié jusqu’au regard

d’un ami.

Elle n’attendait plus rien de la vie.

La trace des ans avait lézardé son

sourire.

Tout avait sombré dans l’oubli,

Jusqu’aux meilleurs souvenirs.

Elle ruminait sa vie dans de som-

bres délires.

Mais l’Espérance un jour a surgi,

Signe de Dieu, signe d’Amour,

Elle a tout transformé, tout enso-

leillé.

Merci, la vie, bonjour la vie …

Dès lors, Isabelle s’engage corps etâme dans diverses activités de laparoisse. Gérard propose à son

amie institutrice de l’aider à enca-drer des camps de vacances. Plu-sieurs étés de suite, ils vontpartager un projet, un quotidien.Inévitablement, ils se rapprochent.Isabelle lui fait part de ses senti-ments. Gérard est troublé. « Nossentiments mutuels s’approfondis-saient, nous ne pouvions le nier, sesouvient Isabelle. Cependant, nousrestions sur la voie étroite, celle quinous empêchait de basculer dansdes chemins que nous aurions re-grettés et nous ne voulions fairesouffrir personne ». Le prêtre n’osepas s’avouer à lui-même et encoremoins à Isabelle qu’il l’aime, depeur de briser un couple et une fa-mille. Ils continuent de se voir enpointillé pendant des années, enamis … Leur complicité grandit,sans que l’amour soit jamais claire-ment exprimé. En 2001, le marid’Isabelle quitte le foyer où, il fautbien le dire, la situation devenait dif-ficile. Gérard attend un an pour l’ap-peler. Ils espéraient tous les deuxcette conversation mais l’annéeavait tacitement valeur de test.Gérard est un homme pragmatique.Il a analysé la situation point parpoint. D’abord, il s’est dit qu’il nedétruisait pas un couple, ensuitequ’il était apprécié des enfants deson amie qui le connaissaient bien.« Mes enfants, dit Isabelle, accep-tent le fait que Gérard est celui avecqui je veux vivre et tout est en ordrepour eux. D’ailleurs ils m’ont dit,Maman, vis ta vie ! »Du point de vue de son engage-ment à lui et de sa promesse de cé-libat, le chemin a été progressif.Gérard a toujours fait le choix d’êtreun prêtre « incarné dans lemonde ». Prêtre-ouvrier, il a tra-vaillé plusieurs années puis il acontinué à vouloir vivre comme lesautres, rencontrer des gens, parta-ger, sans se draper dans son rôlede prêtre. En vivant son amour pourIsabelle, il se sent encore plus

La première fois qu’ils se sont vus,c’était au début des années 1980.Gérard se trouvait au beau milieudu salon d’Isabelle ; avec un petitgroupe d’amis. Le prêtre était venusur l’invitation du père des enfantsd’Isa. Les deux hommes avaientune passion commune : la C.B.,pour Citizen Band, ces fréquenceshertziennes que les amateurs deradio bien équipés utilisent pour leplaisir de communiquer. Gérardavait été prêtre-ouvrier électricienpendant sept ans er rout ce qui étaitaffaire d’ondes le passionnait. Ilavait adhéré à l’association de « ci-bistes » au moment de son affecta-tion dans la commune. Son nom decode était Moïse. Si le prophète juifa conduit son peuple persécutéhors d’Egypte, Gérard, plus modes-tement ; sortira bientôt Isabelle deson quotidien pas toujours heureux.« Lorsque je l’ai vu, quelque chosem’a traversée, comme un coup aucœur, se rappelle Isabelle, et j’aisenti que ma vie allait prendre untournant … Mais ça s’est arrêtélà ». L’existence de l’institutrice sepoursuit, la famille s’agrandit, tandisque Gérard fait son office dans ledépartement. Mais Isabelle n’estpas heureuse, elle se pose desquestions, elle perd le sommeil, ellese sent très seule.« J’étais en dépression et je suisallée le voir, poursuit-elle. Ce futune révélation pour moi dans laquête de sens à ma vie. Je dois direque c’est lui qui m’a fait redécouvrirDieu. » Gérard l’a écoutée commepersonne ne l’avait fait jusqu’alors.Il est parvenu à trouver les motspour entr’ouvrir la carapace de timi-

I S A B E L L EGERARD

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proche du ministère qu’il appelaitde ses vœux au commencementde sa carrière et qu’il avait recher-ché en se faisant prêtre-ouvrier. Il abeaucoup appris sur les femmes,dont on lui avait conseillé au sémi-naire de se méfier, et sur la vie engénéral.Gérard a eu le temps de préparersa sortie. Il aura quelques moispour former son remplaçant et,pour la suite, il prévu de quoi s’oc-cuper. Il continuera son bénévolatchez Emmaüs et au sein d’uneONG qui fait appel à ses talentsd’électricien à Madagascar et auMali. « J’espère que je pourrai réa-liser mes plans, confie-t-il, c’est àdire passer le reste de ma vie avecIsabelle. Si l’on attend d’être com-plètement fotu, ça n’est pas lapeine ! » Gérard n’a pas peur devieillir mais il ressent l’urgence evivre leur amour librement.

Elisa MignotExtrait de « Amours interdites »

EspoirPaul Eluard

La nuit n’est jamais complète.Il y a toujours, puisque je le dis,

Puisque je l’affirme,Au bout du chagrinUne fenêtre ouverte,Une fenêtre éclairée,

Il y a toujours un rêve qui veille,Désir à combler, faim à satisfaire,

Un cœur généreux,Une main tendue, une main ouverte,

Des yeux attentifs,Une vie, la vie à se partager.

Bulletin d'adhésion ou de soutienL'adresser à : Plein Jour C/o D. Venturini

8, rue du serpolet - 84160 Lourmarin - Tél. 04 90 68 02 30

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Notre lutte est votre lutte - http://plein-jour.euVous recevrez entre autres notre bulletin trimestriel dont tous les témoignages sont sur le site

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Bonjour,Ce matin j’ai jeté un coup d’œil àvotre Site. J’y ai vu la lettre d’unefemme qui aime un prêtre. C’estainsi que j’ai pensé à vous écrire.Je suis vénitienne et depuis vingt-cinq ans, j’habite en Calabre.Mon mari est curé d’une paroissede rite byzantin grec du diocèsede Lungro. C’est pourquoi je connais un peude l’intérieur la situation de celle quise trouve aimer un homme quid’une manière forte et déterminéese sent avant tout la vocation à de-venir prêtre.Notre parcours est différent. Nousnous sommes connus à Spello parCarlo Carretto. Joseph était PetitFrère de l’Evangile. Pour nous,notre voie a consisté à légitimerd’être ce que nous sommes, c’est àdire mariés, et lui prêtre. Mais moi,je me sens avant tout du côté deceux qui n’ont pas pu vivre pleine-ment ces deux situations.Nous avons comme amis des prê-tres qui ont quitté et se sont mariéset aussi des prêtres qui gardent lecontact avec nous et s’intéressentà notre vie comme si cela faisaitécho dans leur être intérieur. Et ilscontinuent à être prêtres. Je n’entrepas dans ce questionnement. Il y ades gens plus courageux et pluscompétents que moi.En fait, cette situation, je la vis avecdes hauts et des bas comme les autres couples d’ailleurs,consciente que certaines difficultésrésultent du fait que nous habitonsen Calabre. Et ce n’est pas facilepour celui qui vient d’ailleurs. Mais,d’après ce que j’ai compris, être

prêtre c’est devenir l’otage d’unPouvoir qui ne vous laisse pas tou-jours libre, et même très peu librela plupart du temps.Finalement, c’est un chemin de li-bération des structures, des super-structures et des pouvoirs. Ce quisignifie que nous nous en sommesarrangés. Le débat existe et il seralong. Qu’un homme puisse se ma-rier et être prêtre ne résoudra pasle problème de la pénurie des vocations. Mais c’est sûr, on pour-rait maintenir la double option sanstoute cette hystérie de la part du système.Tout est beaucoup plus simplequand on vit dans la réalité et qu’onne se complaît pas dans les phan-tasmes du mental. Je le dis par rap-port à cette obstination pour lecélibat. En fait, le véritable célibatn’existe pas. De toute façon l’impo-sition du célibat tue le spirituel. Cequi existe en revanche, c’est l’exi-gence - dans un cheminement intérieur - de savoir faire le déta-chement de tout, même de nos pul-sions les plus profondes pour lesconnaître et revenir au sens et à lavaleur des choses. mais je ne suispas certaine que les prohibitions etles barrières puissent créer lesconditions d’un cheminement inté-rieur. En somme on pourrait se met-tre d’accord sur tant de sujets. Il ya tant de belles choses dansl’Eglise, mais il y en a qu’il faut allerchercher en dehors d’elle tantqu’elle ne se décidera pas à êtrecette force d’intégration et de re-connaissance qu’elle pourrait être.Cela vaut aussi pour les différentsrites de l’Eglise qu’elle justifie par

des apologies au lieu de chercherà se reconnaître les uns les autres.Mon Eglise est orthodoxe, alorsque j’enseigne à Cosenza au lycée,comme professeur de l’Eglise ca-tholique romaine. Par conséquentles Orthodoxes estiment qu’avecl’existence des familles de prêtres,épouses et enfants, tout est légi-time, mais … moins on fait de pu-blicité, mieux ça vaut. Au lieu d’unservice d’information qui aiderait àcomprendre que même cela estpossible, on crée des barrières, desthébaïdes.Joseph et moi ne raisonnons pasainsi, peut-être parce que nous ve-nons de la Fraternité de Spello, unmonde de partage, un monde post-conciliaire (mais le concile n’est pasarrivé partout).Tout paraît complexe, mais en finde compte ça ne l’est pas; il suffiraitd’un peu de confiance.Depuis des années, je travailledans l’école. Passé le premier mo-ment de curiosité, tout rentre dansl’ordre, on collabore, on se res-pecte, on se reconnaît. Ainsi mesenfants ont grandi comme « les en-fants du prêtre ».Merci d’avoir lu ma lettre jusqu’aubout. Si vous voulez, juste pourcontribuer à votre cause légitime,j’ai un livre « Mariage et sacer-doce » écrit d’après notre histoire.Je ne veux pas d’argent. La seulechose qui m’intéresse c’est quecette réalité soit connue. Je ne vousraconte pas les difficultés pour faireéditer ce livre. Enfin il s’intitule« Mariage et sacerdoce ». Juste letitre que craignaient les éditeurs ca-tholiques !

U N E L E T T R ED ’ I T A L I E

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Ce n’est pasà Dieu que j’en veux

Daniel Guichard

Dans mon costume de pauvreté, le jour de ma communionOn m’avait mis pour me cacher, au bout de la processionQuand le curé nous a parlé de l’amour du prochain

Seul dans mon coin j’avais envie de pleurer.

Ce n’est pas à Dieu que j’en veux, mais à ceux qui m’en ont parléCe n’est pas à Dieu que j’en veux, mais à ceux qui l’ont remplacéCe n’est pas à Dieu que j’en veux, mais à ceux qui m’en ont parlé

Je l’ai cherché dans leurs yeux, mais je ne l’ai pas trouvé.

Les divorcés sont enterrés comme on enterre les chiensPour l’adultère c’est trois prières, tu vois ça ne coûte rienLe seul miracle de ce spectacle, c’est qu’il y ait des gens

Persuadés que tout leur est pardonné.

Ce n’est pas à Dieu que j’en veux, mais à ceux qui m’en ont parléCe n’est pas à Dieu que j’en veux, mais à ceux qui l’ont remplacéCe n’est pas à Dieu que j’en veux, mais à ceux qui m’en ont parlé

Je l’ai cherché dans leurs yeux, mais je ne l’ai pas trouvé.

La terre entière fait des prières, mais on en meurt à DublinLe monde a peur, le monde a faim, chacun s’en lave les mains

Et après ça on parlera d’amour, de charité, d’égalitéMais qui peut croire à tout ça ?

Ce n’est pas à Dieu que j’en veux, mais à ceux qui m’en ont parléCe n’est pas à Dieu que j’en veux, mais à ceux qui l’ont remplacéCe n’est pas à Dieu que j’en veux, mais à ceux qui m’en ont parlé

Mais je suis bien plus heureux de vivre avec mes péchés.

Ce n’est pas à Dieu que j’en veux, mais à ceux qui m’en ont parléCe n’est pas à Dieu que j’en veux, mais à ceux qui l’ont oublié.

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tout. C’était un amour quasi clan-destin. Seuls quelques très prochesétaient au courant. J’ai donc dûfaire mon deuil en secret. Ça a ététrès dur. Mais avoir connu l’amourd’une femme a fait de moi un autrehomme et un autre prêtre. Ça m’apermis d’aborder autrement la viede mes paroissiens, de mieux lescomprendre lorsqu’ils évoquaientleur intimité ou leur lien à unproche, de ne pas les juger.Il faudrait qu’une autre Églisenaisse, plus ouverte aux autres.Mais avant, il faudra procéder à unvéritable vide sanitaire. Aujourd’hui,l’Église est bien trop attachée auxcommandements et pas assez auxparoles des Évangiles. C’est pour-tant l’essentiel du message à fairepasser, selon moi. Et l’un des plusimportants se trouve dans l’Evan-gile de saint Matthieu, chapitre 25 :« Au dernier jour, nous seronsjugés sur l’amour ».

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Une femme a éclairé mon regardde prêtre … A 82 ans, ce curé re-vient sur sa vocation. Il fait partiede ceux qui prônent l’ouverturepour les hommes d’Eglise.À 8 ans, j’ai décidé que je seraisprêtre. C’était le jour de ma pre-mière communion, le 14 avril 1938.La demoiselle juive qui nous faisait

le catéchisme nous avait expliquéque c’était ce qu’il y avait de mieux !Je l’ai prise au mot. Mais ça n’a pastoujours été le beau fixe. J’ai sou-vent changé d’avis. Et même aprèsmon ordination à Laval en 1955, j’aiparfois pensé à arrêter. Ma grand-mère disait toujours qu’il fallaitcontinuer à tracer son sillon. C’estce que j’ai tâché de faire. Et au-jourd’hui, à 82 ans, je suis toujoursprêtre, même si je ne célèbre plusqu’à l’occasion.Parmi les dix autres qui ont été or-donnés prêtres avec moi, un seull’est resté. Les autres ont changéde route, se sont mariés. Ce n’estpas choquant. On parle d’ailleursdu mariage des prêtres aujourd’huipour faire face à la diminution dunombre de vocations. Je n’y suispas opposé. Mais ce n’est pas laseule réponse à apporter à cettecrise. Il faut d’abord qu’ils puissentvivre normalement, comme les au-tres hommes ou femmes. Ce seraitbien finalement que personne ne

soit ordonné prêtre, et que le travailqui leur incombe soit confié à deschrétiens pour un temps, pas pourtoute la vie, de manière que, petit àpetit, ce soit davantage l’ensembledes croyants qui puisse faire vivrel’Église et pas seulement une castede « professionnels ».C’est en vivant comme un homme

normal que je me suis rapprochéde mes paroissiens et des autresen général. En 1968, j’ai choisi dereprendre mes études tout en res-tant prêtre. Belle année pour re-commencer à apprendre ! J’ai faitune licence de sociologie et uncycle licence master doctorat de lin-guistique. J’ai ensuite pu enseigner.A Rennes d’abord, à la faculté demédecine. Puis Paris VII en ethno-logie. En Bourgogne, région où jesuis curé depuis plus de trente ans,j’ai également été rédacteur en chefde deux petites publications catho-liques. Ces deux activités m’ontpermis d’être un homme parmi lesautres.J’ai aussi eu la chance de connaîtrel’amour d’une femme. Je laconnaissais depuis longtemps,mais sans plus. Puis elle a apprisqu’elle avait un cancer et elle s’estfait opérer. Notre relation s’est af-fermie et approfondie. C’était dansles années 1980. Hélas, ça n’a pasduré car le cancer a eu raison de

M A U R I C EAimer, c’est prendre soin de la solitude de l’autre,

Sans jamais prétendre la combler

Christian Bobin

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Je suis issu d’une famille chré-tienne de tendance très tradition-nelle, sixième de sept enfants, néen 1965. Mon père est Officier Gé-néral de l’armée française, mamère Mère au foyer. Un peu avantd’avoir 14 ans, je fus profondémentmarqué par un de mes oncles prê-tres de passage à la maison, etj’entendis en mon cœur l’appel àune vie de prêtre. C’était avant toutsa joie profonde et son évidentecommunion à Dieu qui m’avaientfrappé. Je gardai pour moi ce se-cret avec lequel il me fallait me fa-miliariser. Ce n’est que vers la findu printemps de l’année d’après(1981) que j’en parlai à mes pa-rents, tout en leur demandant de nepas parler de cela à mes frères etsœurs. Je pressentais en effet obs-curément qu’une fois la choseconnue de tous, un retour en arrièrene serait pas possible. J’entrai auseminaire une fois mon bac obtenu,en septembre 1982, un peu avantmes dix-sept ans. Après mon ser-vice militaire, je fis mon secondcycle à Rome, et fus ordonné prêtreen 1990.

Je fus nommé comme vicaire dansune paroisse pleine de dynamisme,avec de nombreux laïcs engagés,beaucoup de travail. Je découvrislà que le presbytérat est un don deDieu à son Église, je découvrais quij’étais comme prêtre dans la me-sure où j’étais donné aux autres.C’était aussi là que je rencontraisAnnick, elle-même engagée dansla paroisse. Elle faisait partie despersonnes avec qui j’avais plaisir etjoie à me retrouver. Ce n’est que

vers la fin de ma dernière annéedans la paroisse, en 1997, que jem’aperçus que je l’aimais. A vraidire, je m’aperçus surtout qu’ellem’aimait, mais j’avais une trèsgrande difficulté à nommer ce quej’éprouvais de mon côté. Il setrouve que je n’avais jamais étéamoureux auparavant et que cegenre de sujet ne s’abordait pasdans ma famille (encore moins unefois prêtre !). Nous fumes donc l’unet l’autre très secoués, j’allai tout demême en vacances avec Annick etsa famille, comme la chose avaitété prévue de longue date. C’étaitun mélange d’émotions délicieuseset nouvelles en même tempsqu’inadmissibles et pleines de cul-pabilité.

C’est dans ce remue-ménage inté-rieur que j’arrivai dans une nouvelleparoisse. J’étais très motivé et in-ventif, et mon débat intérieur, autantque mon dialogue avec Annick, n’yétait pas étranger. Je mis long-temps à nommer mes sentiments,à y reconnaître un sentiment amou-reux, sans doute parce qu’il y avaitlà dans mon esprit quelque chosed’absolument inavouable y compriset peut-être d’abord à moi-même.Le nommer intellectuellement étaitune chose, l’admettre en était uneautre. Ce n’est que peu à peu quese dessinait pour moi la question dela durée. Nous essayâmes plu-sieurs fois, Annick et moi, de nousquitter, et cela nous laissait l’un etl’autre dans un tel état que cela ve-nait à bout de nos résolutions. Jene voyais pourtant pas, quant àmoi, comment une histoire d’amour

pouvait avoir sa place dans une viede prêtre, et je disais clairement àAnnick que je ne quitterai pas le mi-nistère. On m’avait tellement ditque je ne m’appartenais plus, quela foi et peut-être la vie des autress’appuyait sur moi ... J’avais peurde trahir, dans un contexte demanque de prêtres. Je lui disaisaussi que je ne voyais pas ce quepourrait valoir mon engagement àson égard s’il fallait précisémenttrahir pour cela celui que je vivaisdéjà. Mon choix profond restait toutsimplement d’aimer, et j’avais ré-solu de compter sur la fermeté dansla durée, pensant qu’elle dissipe lesillusions et lasse les attentes qui nesont pas vraies.

Dans ce contexte, en mai 1999,mon évêque d’alors m’envoya re-joindre l’équipe de formateurs duséminaire du diocèse. Je contribuaidonc à former des prêtres, dansl’esprit de renouveler mon engage-ment sacerdotal, et d’autant plusque le lieu était plus éloigné. Pen-dant le même temps, le dialogueavec Annick continuait. Mes senti-ments pour elle n’avaient pas dimi-nué, bien au contraire, et sonvisage habitait mon coeur et maprière comme une immense ques-tion, une supplication aussi, silen-cieuse : car à qui en parler ? A unautre prêtre, cela me semblait im-possible. Je lui avais dit mon choixde demeurer prêtre, et non seule-ment elle l’acceptait mais elle m’ai-mait prêtre et m’encourageait dansle ministère. Préparer les sémina-ristes au célibat me fit réaliser quej’avais quant à moi évité la questionpendant mon séminaire : ma ten-dance spontanée, héritée de ma fa-mille, à laisser dans l’ombre lesquestions de la sexualité, associéeà une conviction assez volontaristeselon laquelle le ministère presby-téral requérant l’état de célibat,celui-ci suivrait nécessairement

LONGUEMARCHEVERS ANNICK

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celui-là, avaient trouvé un allié depoids dans la relation peu rigou-reuse avec mon accompagnateurspirituel romain. J’essayai, par voiede conséquence, d’adopter une at-titude plus juste pour en aider d’au-tres dans ce discernement.

Je dus partir cinq mois au Canada :je l’envisageai à la fois comme unelongue prise de distance avec Annick et comme une relecture dynamisante de mon ministèrepresbytéral. J’en revins habité pardeux convictions entendues au pro-fond de mon cœur et de maconscience : la première, d’êtreprêtre au service du ministère pres-bytéral ; la seconde, de prendreplus au sérieux l’amour d’Annick etde m’y ouvrir sincèrement. Je nesavais pas comment ces deux ap-pels allaient ou même pouvaients’accorder, mais cela appartenait àcelui qui les faisait retentir en moncœur et je les reçus avec confianceet joie. Je dis donc à Annick que jevoulais m’ouvrir plus à elle.

Dans la nouvelle paroisse où j’ai-dais le week-end, je découvris com-bien la relation avec Annickm’humanisait, combien elle me ren-dait proche et sensible aux per-sonnes et à la complexité de leurssituations. Et je commençais àsouffrir de ne pouvoir leur dire à quiils devaient aussi ce qu’ils appré-ciaient chez moi. Je voyais pourtantbien qu’un engagement fort dans leministère presbytéral doublé d’unengagement fort envers Annicks’avérait difficile, ma prière et mapensée en étaient constammenthabitées. Annick pouvait légitime-ment se plaindre de n’obtenir,comme elle disait, « que desmiettes », et la tension devenaitplus forte entre ce que je pouvaisdire et ce que je ne pouvais pasdire. L’expérience humaine et spiri-tuelle extrêmement riche de la pa-

roisse m’aida à réaliser ce qui sepassait : continuer ainsi, c’était en-trer dans une double vie. Certesceux à qui le ministère me donnaitne me trouvaient pas moins présentet bénéficiaient sans le savoir detoute la richesse de notre amour ;mais outre un certain mensonge,une double vie établissait Annickdans l’ombre, ce qui n’était pas l’ai-mer. Tout n’était d’ailleurs pas sim-ple dans notre histoire : la durée,les événements, avaient bien sou-vent donné à Annick l’envie demourir. Inspirer un tel désir à celleque j’aimais le plus me donnait par-fois évidemment le même désir.L’amour me demandait maintenantde choisir et de trancher entre deuxappels bien réels, entre deux côtésde mon cœur.

Je réalisai que mon engagementinitial dans le célibat, ratifié au dia-conat, s’était fait dans une véritableimmaturité affective et au fond demanière non expresse puisquej’avais surtout évité la question. Jeréalisai aussi que l’appel, bien réelet bien vivant, au ministère presby-téral, s’il entraînait une consécra-tion personnelle et à vie, le faisaitau bénéfice d’une fonction ecclé-siale que d’autres remplissaientaussi, quand être le mari d’Annickappelait ma personne même d’unefaçon irremplaçable. Il me parutdonc que les deux appels se hiérar-chisaient, autrement que je nel’avais d’abord cru des années au-paravant : le temps sur lequelj’avais compté pour dissiper les il-lusions et lasser les amours fictifsavait bien joué son rôle. C’est en fé-vrier 2010 que je dis à Annick queje la choisissais.

Nous décidâmes ensemble que jeresterai encore un an et demi dansle ministère pour finir certainestâches économiques. Cela me lais-sait le temps de préparer aussi une

sortie que j’espérais « en dou-ceur », aussi discrète que possible,et de réfléchir à la suite : qu’allais-je faire après ? Car je n’avais quemon bac et mes diplômes de théo-logie ... Je commençais à annoncermon choix de me marier pendantl’hiver 2012 à ceux de mesconfrères qui étaient responsables :autre objet d’immense appréhen-sion, tant le rapport à l’autorité quej’avais appris était infantilisant. Monprojet était de cesser le ministèreen partant en vacances pendantl’été, ce que chacun trouvait raison-nable dans le contexte. Une indis-crétion porta la chose aux oreillesde mon évêque, qui me signifia paremail le samedi 17 mars que je de-vais cesser tout ministère dans lediocèse le samedi suivant 24 mars.Ce qui entraîna la fin des autrescharges, sauf celle de l’économatque l’on me priait de poursuivre enattendant un successeur : j’y mis finmoi-même le 30 avril, trois ans jourpour jour après ma prise de charge,devant l’impossibilité croissanted’avoir les coudées franches maisavec la satisfaction d’avoir fait leschangements et les choix assurantune prospérité pour les vingt outrente prochaines années (pourvu,bien sûr, que ces orientations fus-sent assumées et poursuivies ...).Annick et moi nous sommes mariéscivilement le 25 août 2012. Je suispour ma part dans l’amour, la joieet la paix. Je cherche, comme enseignant en lettres, à continuerpar d’autres voies mon service dela Parole.

Benoît

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Rien qu’une larmeMike Brant

Rien qu’une larme dans tes yeuxC’est toujours ta seule réponse

Quand je te dis qu’il vaudrait mieuxNe plus se revoir nous deux.

J’étais certain cette foisQue rien ne me retiendraitOnt se trompe quelquefoisUne larme a tout changé

Rien qu’une larme dans tes yeuxEt soudain je réalise

Je réalise que de nous deuxC’est moi le plus malheureux

Par ma faute, trop de foisMon amour tu as pleuréJ’ai voulu partir cent foisEt cent fois je suis resté.

Rien qu’une larme dans tes yeuxJe comprends combien je t‘aimeJe t’aime et je veux te le direJe veux te revoir sourire

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Est-il encore concevable qu’uneinstitution longtemps omnipotenteen matière de morale, de politique,d’argent et de sexualité tienne ence dernier domaine un discourspratiquement normatif alors qu’ellea tant de mal à régler la sexualitéde son personnel religieux ? N’est-ce pas proprement effarantaujourd’hui qu’en dépit des décou-vertes apportées par les scienceshumaines concernant la conver-gence étroite entre affectivité, intel-ligence, sexualité et spiritualité,l’Eglise mette sous séquestre lapuissance d’aimer chez ceux quisont envoyés pour promouvoirl’amour intégral de la part de Dieu ?

Et ceci par une brutale opération decastration théologique car c’estbien le cas pour ceux parmi les prê-tres qui n’ont adopté le célibat quecomme condition pour répondre àl’appel de la transmission de la Pa-role ? Comment ce célibat, lorsqu’ilest ainsi imposé sans discussionpeut-il refléter une transparence di-vine alors qu’au cœur même du Cantique des Cantiques, lasexualité humaine est présentéecomme partenaire indissociable dela divinité ?C’est ici que les sciences humainesviennent au secours d’une théolo-gie quelque peu désemparée maisdont les effets au niveau de la« sexualité-spiritualité » s’avèrentdésastreux ainsi que les médiasnous en révèlent aujourd’hui l’éten-due, notamment à travers les dé-viations destructrices telles que lapédophilie, la pratique clandestinedes amours cachées vécues entreculpabilité et désir refoulé, les par-ties fines entre ecclésiastiques, lerecours à des « voies de déles-tage » comme l’alcoolisme ou lesdépressions dues à la solitude et àl’impression que la parole desclercs ne fait plus recette et pourcause. Sans oublier au premierchef les « victimes collatérales »payant un lourd tribut à la dignitéhumaine.Face à un Dieu dont l’appel retentittrès fort au cœur de la psychologieintime des prophètes : « Debout filsd’Homme, j’ai à te parler », les prê-tres commencent leur carrière parun plat ventre magistral, aplatis ausol, incapables de regarder en faceCelui qui les appelle. Imagine-t-on

qu’un candidat à un poste clef d’en-treprise adopte cette position de-vant le directeur des ressourceshumaines qui le convoque ? Le ré-sultat est connu d’avance ... Déjà grevé par le poids qui se révé-lera petit à petit intolérable d’unesexualité sous embargo, le prêtreprésente un aspect vulnérableavec en point de mire, un avenirtrès incertain.

Les sciences humaines encore pro-clament avec justesse la primautéde l’autonomie et de l’indépen-dance dans l’élaboration d’une personnalité et surtout de son droitabsolu à gérer tout ce qui laconcerne, notamment sa sexualitéet sa spiritualité qui ne peuventfaire l’objet d’aucune abdicationentre les mains de personne d’au-tre que les siennes.Mais le plus grave reste à venir. Carsi sexualité, affectivité, intelligenceet spiritualité forment un faisceauétroitement uni assurant la cohé-rence interne de l’homme, il existeun dernier élément qui les exprimetoutes : c’est la parole. Car les prê-tres parlent et leur parole reflète im-manquablement le milieu interned’où elle sort. D’une intériorité ap-paraissant souvent en souffrance,voire en guenilles, ne peut s’ex-traire qu’une parole de même teneur. Que faut-il encore aux res-ponsables pour constater combienun discours religieux constammentempreint d’indignité, de péché, defaiblesse, de petitesse devant Dieu(le Dieu de toute grandeur serait-ilapte à n’engendrer que des avor-tons ?), a réussi à vider les églises

L ’ A M O U RC A S T R É ?

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d’entrer de plain pied et de pleineintelligence dans une lecture nou-velle de leurs sources. Qu’ils récu-pèrent ainsi leur droit fondamentalcomme on s’en va récupérer sonpermis de conduire confisqué parles forces de l’ordre ! Et face à leursprêtres, qu’ils apprennent à soute-nir ceux qu’on leur envoie, soit dansleur célibat s’ils l’expriment claire-ment dans le contrat moral qui leslie un temps avec leur commu-nauté, soit dans leur désir de fonderun foyer si c’est leur perspective.En cas de sanction tombant sur latête des rétifs, qu’ils osent tranquil-lement créer un emploi à leur prêtredéstabilisé afin qu’il continue avecenthousiasme et plus de liberté àcheminer avec eux. Si une paroissemoyenne tient véritablement à cetaccompagnement, il n’est pas audessus de ses forces de créer cetemploi, sans nécessité de recourirà une autorité qui manie l’exclusiond’hommes de grande valeur, quitte à demander à Dieu de nouveaux prêtres qu’on enverradans la même galère avec la mêmeinconscience.On est bien forcé de s’interroger surles bénéfices secondaires qu’unetelle institution attend du maintiend’une telle pratique qui révèle deplus en plus ses limites, les souf-frances humaines qu’elle engendreet le contre témoignage grandis-sant qu’elle produit. Il est inutile dese fâcher ou de se scandaliserd’une pratique que l’Eglise tient ma-nifestement à perpétuer : il suffit dese donner la liberté, humaine et di-vine, d’ouvrir de nouveaux lieuxcommunautaires tels que Jésus lui-même s’y employa en créant legroupe des Douze au nez et à labarbe fleurie des caciques du ju-daïsme en son temps.

Yves Louyot

célibat : son observance est l’objetexclusif des requérants au sacer-doce qui entrent dans leur intégra-lité sans exception au service descommunautés qui les attendent. Ence domaine, rien n’est à négocieravec l’autorité suprême : c’est lecandidat lui-même qui s’offre avecla totalité de ses capacités à répon-dre à l’appel.

Le second niveau est celui des prê-tres eux-mêmes dont la vie inté-rieure est bien souvent occupée,pour une bonne part, à contenir età maîtriser les manifestations natu-relles de leur sexualité, se parta-geant entre angoisse, culpabilité,désir jugulé ou de substitution, unefois que sa fougue pastorale com-mence à se heurter au scepticismeacquis de nombreux croyants et surlesquels ses tentatives de renou-veau glissent comme sur un par-quet ciré depuis des siècles. Il estdevenu inévitable que les prêtresrecourent à une meilleure connais-sance d’eux-mêmes comme beau-coup s’y résolvent déjà afin dequitter la dépendance infantile vis-à-vis de l’autorité et de ses me-naces d’exclusion sans appel encas « d’infraction caractérisée » enmatière d’amour. Comment peu-vent-ils demeurer sans réagir faceà une institution qui traite par lerejet ceux que le Christ traitait parla convivialité ? La corporation des prêtres se comporte souventcomme une assemblée mineureface à des choix qui les concerneau premier chef mais dont dépend également l’épanouisse-ment de ceux dont ils ont la chargespirituelle.

Le troisième niveau enfin est celuides croyants eux-mêmes, souventpris entre la disparition du besoinface aux liturgies navrantes qu’onleur propose et le désir nouveau derecourir enfin au droit irrépressible

de leurs pratiquants les plus assi-dus et souvent les plus engagés ?Comment ne peuvent-ils pas s’in-terroger sur la pertinence de leurthéologie du corps en particulieralors qu’il ne demeure en Francequ’environ 5% des pratiquantsd’antan ?Ne craignons pas les mots : c’estcette parole castrée émanant decastrats religieux qui castrent à leurtour les communautés de croyants,peuple de la Parole, mais d’une pa-role confisquée. Mêmes attitudesrépétitives, même silence lourdd’inexpression, mêmes réactionface aux mêmes interprétations detextes mille fois répétées, même in-capacité congénitale de poser unequestion dans l’assemblée frappéed’un mutisme que même Jésus neparvient pas à guérir apparem-ment … Cette même parole étréciese transmet ou perd totalement songoût et même parfois le goût poursoi-même …Quelles voies, quelles bretelles em-prunter pour quitter la rigidité d’uneautoroute programmée ainsi ets’imposant à toutes cultures, touspays, au mépris de l’originalité dechaque communauté humaine ?On peut les imaginer à trois ni-veaux : celui des responsables re-ligieux en exigeant d’eux un travailet un renouvellement des interpré-tations bibliques, spécialement ence qui concerne l’Ancien Testamentdont il faut rappeler qu’il a contribuéà engendrer un Jésus à 100% juif.Jésus n’est pas le premier catho-lique : il est même mort avant de ledevenir, ce qui n’est pas une petiteconsolation dans notre recherche.Ces textes au grand souffle n’ontpas été écrits pour l’Eglise et en-core moins par elle. Les voies d’in-terprétation en sont donc multipleset autorisées bien au delà de laseule autorité ecclésiastique. Iln’est pas de leur ressort ni de celuidu pape de trancher la question du

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Jeudi 23 mai, le « Dauphiné libéré »annonçait la décision de l’évêqued’Annecy concernant le père PascalVesin, 43 ans, curé de Megève de-puis 2004. Il est démis de sa chargeet suspendu de son ministère. Dansquel écart de conduite ce prêtre abien pu se fourvoyer pour mériter unesanction aussi brutale ? Son délit ? Ilest franc maçon ! Il appartient auGrand Orient de France ! D’après lecommuniqué de l’évêché, c’est « in-compatible avec la foi chrétienne etses exigences morales ».Interviewé par Golias, en termes me-surés, sans acrimonie, il déclare « Jesuis un prêtre blessé et triste. Ce mi-nistère pour lequel je suis fait m’estretiré. Cette Eglise que je veux conti-nuer à servir, j’en suis exclu. Contrai-rement à ce que l’on dit, je ne quittepas l’Eglise : on me la fait quitter, meproposant une peine « médicinale »Pourtant, je ne suis pas malade ?…Le diocèse dit que la peine qui mefrappe peut être levée si je quitte laFranc-maçonnerie. Mais je n’ai pasenvie de la quitter comme je n’ai pasenvie de quitter l’Eglise. Je ne choisispas l’une contre l’autre, je souhaitegarder ma liberté de penser. Je suisexclu sur un malentendu, par une au-torité romaine qui ne connaît pas laMaçonnerie et qui refuse de me rece-voir et d’entrer en dialogue ».Pour les paroissiens qui apprécientleur curé, cette destitution n’est pasvraiment une surprise. Les conserva-teurs lui en veulent depuis longtempspour la liberté de ses positions : ma-riage des prêtres, défense de la laï-cité, usage du préservatif … De plus,il a refusé de distribuer dans sa pa-roisse des tracts contre le mariage

gay, invoquant « la liberté absolue deconscience ».Enfin, ce triste épisode d’un vieuxconflit pose un problème spécifique.Celui de la délation, une façon d’agircourante dans l’Eglise catholique.

Sans parler de la complaisance avec laquelle elle est accueillie pardes autorités ecclésiastiques tropheureuses de renforcer ainsi leurpouvoir.

PASCAL VESIN ...FOUDROYÉPAR LE VATICAN

Notre ami Bernard écrit cette lettre de soutien à Pascal Vesin.

« Mon très cher Frère Pascal,

Eglise et Franc-maçonnerie : Retour à l’obscurantisme, c’est là le titre

de l’éditorial de Golias-Hebdo N° 291 du 6 juin 2013. A mon avis, il

ne s’agit pas de retour mais beaucoup plus insidieusement, de récur-

rence. Car l’obscurantisme est toujours d’actualité, depuis des siè-

cles, étant la quintessence de l’Eglise romaine.

La définition du Petit Robert peut nous aider à en voir la perma-

nence : Hostilité aux Lumières, opposition à la diffusion de l’instruc-

tion et de la

culture dans le peuple … » N’est-ce pas le résumé de tout ce qui est

contraire à notre « liberté absolue de conscience » et donc non dog-

matique ? !

Pascal, nous sommes frères au Grand Orient, que pourrais-je faire

pour mieux écouter ton désarroi ?

T’inviter chez moi, peut-être : Basses Cévennes, campagne à 50 ki-

lomètres à l’ouest de Nîmes. J’y suis seul : ma fille en Charente Mari-

time, mon fils en Corrèze. Veuf depuis 1980, après 15 ans de

bonheur avec la mère de mes enfants. Elle était assistante sociale.

J’avais défroqué en 1965 sans négliger d’avoir essayé de trouver une

solution par la rencontre de deux évêques réputés pour leur ouver-

ture, à l’époque.

Alfred Ancel (le seul évêque ouvrier !) et Léon-Etienne Duval, évêque

d’Alger, porté aux nues par Témoignage Chrétien … Ainsi j’ai eu la

preuve que l’Eglise n’admettait alors que l’hypocrisie … elle n’a pas

changé ! … semble-t-il.

« A chacun son chemin » comme me l’a écrit amicalement Jean-

Charles Descubes, archevêque de Rouen, que j’ai connu dans mon

diocèse de La Rochelle quand il avait 25 ans. Voilà encore un type

de « Maçon sans tablier ».

Ma R. L. est à Nîmes : « Les Chemins de la Tolérance ». J’espère

que dans ta grande épreuve tu as un bon soutien de ton V. M. et de

tes Frères d’Annecy ou de Megève.

Je t’embrasse fraternellement.

Bernard

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aussi, des amours interdites ». Duscandale provoqué par ses pa-rents, Chloé Barreau, enfant, neconnaît pas grand-chose. Elle ledécouvre à l’âge de 17-18 ans. Lafamille visionne un vieux Club de lapresse de 1971, l’une des émis-sions phares de la télé de l’époque.L’ambiance sur le plateau estlourde. Un homme au regard per-çant et au parler franc est passé àla question par quatre journalistes.Le ton est d’une incroyable liberté,pourtant le sujet déclenche les fou-dres. Il s’agit du célibat des prêtres.Et qui de mieux pour en parler quel’abbé Barreau, ce prêtre charisma-tique, connu pour avoir été le curédes blousons noirs de Pigalle, puisresponsable du catéchuménat pourle diocèse de Paris. Celui par qui lescandale est arrivé après avoir médiatisé la même semainedans L’Express sa décision de semarier. Le prêtre ne se démontepas face aux attaques du journa-liste Michel de Saint-Pierre, qui l’ac-cuse de « faire le pin-up boy » à laune des journaux, et de se vanterde sa « faute ». Jean-Claude Bar-reau ne voit pas où est le pro-blème : « Qu’on laisse les prêtresse marier et qu’on passe à l’essen-tiel ! » L’essentiel ? La crise d’uneÉglise qui déjà à l’époque se tenaità distance du monde réel. L’abbé,à qui Rome avait refusé sa réduc-tion à l’état de laïc, pensait que detoute façon l’Église allait faire sau-ter le célibat des prêtres dans lescinq ans.En 2013, plus de quarante ans plustard, le Vatican n’autorise toujourspas le mariage des prêtres, et les

nommé là pour une cure de norma-

lité », confie Jean-Claude Barreau.Un soir, il donne une conférence.Ségolène arrive en retard. A la finde la causerie, il l’engueule pour secacher qu’il est ébloui. « D’où vientl’amour au premier regard, ce mo-

ment où l’on se reconnaît et où

on sent soudain pour un inconnu on

ne sait quel besoin bizarre, compli-

qué d’impossible ? La réponse est

quelque part à l’intérieur, à l’endroit

des fêlures. Nous avons tous cet

endroit-là », commente la fille.Comprendre ce qui aimante deuxêtres, retrouver qui étaient ses pa-rents avant d’être son père et samère, telle a été la quête de ChloéBarreau.En 1971, le prêtre décide d’aban-donner son ministère et se marie.Le scandale éclate. Ségolène estpoursuivie par les paparazzi.Grande et belle gueule, physiqueromantique à la Gérard Philipe,Jean-Claude Barreau devient la fi-gure emblématique du combat pourle mariage des prêtres. Il fait la unedes journaux.« En général, les enfants appren-nent un jour par des voies détour-nées que leur père a été prêtre.Moi, je ne le leur ai jamais caché »affirme Jean-Claude Barreau.« C’était une espèce de fierté »,

avoue Mathieu, l’aîné. « Je n’en aijamais souffert, poursuit Chloé. Jene n’imaginais pas trop mon père

en curé surtout quand je voyais à

quoi ressemblaient les prêtres. En

fait, mon frère et moi, nous n’avons

pas réagi de la même manière. J’ai

davantage cette inquiétude roma-

nesque et j’ai fini par avoir, moi

L’apparence pourrait être trom-peuse. Sa voix est douce. Sa si-lhouette et son allure dégagentquelque chose de frêle. Très vitepourtant, on perçoit l’énergie et l’as-surance de ceux qui avancent dansla vie en sachant qu’ils ont une his-toire et un destin, qu’ils viennent dequelque part et qu’ils vont là où ilfaut aller. Pour vivre et pour aimer.Dans l’existence de Chloé Barreau,la grande affaire, c’est l’amour. Ouplus exactement l’archéologie del’amour. « Au fur et à mesure demon travail de réalisatrice de docu-

mentaires, j’ai découvert que plus

on était personnel, plus on devenait

universel. En osant aller au fond de

ses sentiments et de ses émotions,

on est capable alors de toucher les

autres », dit-elle.En héritage, Chloé Barreau a reçule romanesque. Elle est née d’unehistoire singulière qui fit grand bruit,une histoire d’amour interdite. C’estcelle de Jean-Claude et de Ségo-lène. Lui est un prêtre en vue desannées 60. Curé des loubards, sadestinée est, sans doute, de deve-nir évêque. Elle est infirmière, fillede famille bourgeoise, catholique etdésargentée venue s’installer àParis après avoir connu la faillited’un domaine agricole en Norman-die. Ils se rencontrent en 1967. Surl’agenda de l’abbé Barreau, à lapage du 19 octobre, écrit plusieursfois, il y a le prénom de Ségolènecomme pour ne pas oublier ce jouroù la vie a basculé. A la très bour-geoise paroisse Saint Honoré d’Eylau, dans le XVIe arrondisse-ment parisien, il s’occupe dugroupe de jeunes. « J’avais été

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C L H O É ,F I L L E DE PRÊTRE

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enfants cachés d’hommes d’Églisesont toujours marqués du sceau dudéshonneur. Jean-Claude Barreau,80 ans, et son épouse, Ségolène,69 ans, s’aiment comme au premierjour. Leur fille Chloé, 35 ans, prendsa caméra, convoque ses parentspour raconter leur histoire et inter-roge une réalité toujours tabouedans le documentaire La Faute àmon père*. « Malgré l’espoir de re-nouveau suscité par l’arrivée dupape François et sa volonté de réévangéliser de l’intérieur, le ma-riage des prêtres, ce n’est pas pourdemain », estime Chloé Barreau.La reconnaissance des enfants deprêtres n’est pas non plus à l’ordredu jour à Rome. Même si en 2009un vent d’espoir avait soufflé sur lapeine de ces filles et fils d’hommesde foi qui n’ont pas su résister àl’appel de l’amour.Le cardinal Claudio Hummes, alorspréfet de la congrégation pour leclergé, avait organisé plusieurs réu-nions sur le dossier explosif. Objec-tif : éviter que l’existence des testsADN ne suscite une multitude d’ac-

tions en reconnaissance de pater-nité devant les tribunaux, avec lesdégâts que cela entraînerait pourles finances et l’image de l’Église.Une sorte de contrat civil garantis-sant les droits sociaux de la mèreet de l’enfant avait alors été évo-qué : l’enfant aurait pu hériter desbiens personnels de son père, et cedernier lui transmettre son nom. Ledossier n’est pas sorti des murs duVatican. S’il n’existe évidemmentpas de chiffres officiels sur le nom-bre d’enfants de curés, il y aurait,selon la Fédération européenne deprêtres catholiques mariés, 10.000à 12.000 prêtres mariés et défro-qués en France et, rien que dans lenord de la France, une vingtaine de« foyers ».Ces héritiers de la douleur moralevivent mal le fait d’être les victimesd’une des plus grandes hypocrisiesde l’Église. « Mon père avait étévoir François Marty, archevêque deParis, pour lui dire sa volonté de semarier. Le cardinal lui avait rétorquéqu‘il avait l’habitude d’entendre cegenre de choses, que mon père

pouvait se marier en cachette etque s’il avait un jour des enfants,l’Église s’en occuperait … » Lepère Barreau a fait le choix de nepas vivre dans le mensonge. « Il arepris sa liberté comme solde detout compte, résume Chloé, fièred’être fille de curé défroqué. Le dé-froqué est celui dont les décisionssuccessives font la marque d’une fi-délité à soi, à ce qu’on est sous lesmasques. La plupart des prêtresqui ont quitté leur ministère pour semarier se sont sentis déclassés so-cialement, ils n’avaient plus lerayonnement que leur conférait leurstatut. Mon père, lui, n’a pas vécucela comme un reniement. Cettehistoire m’a donné la vie, le goût duromanesque et une certitude : unamour qui se bat est un bloc de gra-nit, le monde entier coalisé s’y cas-sera toujours les dents ».

Bernadette SauvagetJournal Libération

« MEME PAS MAL » un film de Nadia ELFANI

En 2011, quelques mois après la révolution en Tunisie et la chute du président Ben Ali, Nadia El-Fanisortait le film « Laïcité Inch’Allah ! ». Un documentaire qui revient sur la place de l’Islam dans la sociététunisienne et s’interroge sur la possibilité d’un avenir politique laïc dans le pays.Mon esprit de rébellion s’est développé certes par mon histoire familiale, il n’est pas anodin d’êtrefille de communistes, mais aussi par mon profond besoin de liberté. Cela me permet de dire unefois de plus que « ceux qui vivent sont ceux qui luttent ».A la sortie du film en Tunisie, la réalisatrice déclare dans une interview qu’elle n’est pas croyante. S’ensuitune vague de colère et de haine : le cinéma de Tunis où le film est projeté est attaqué. Nadia El-Fanireçoit des messages d’insultes et des menaces de mort. C’est pour répondre à ces violences et à cettecampagne de diffamation contre sa personne qu’elle réalise le film « Même pas mal », dont la premièremondiale vient d’avoir lieu à Cologne dans le cadre du festival de cinéma africain. Le documentaire évoqueen parallèle la douloureuse lutte de Nadia contre le cancer et les attaques dont elle fait l’objet : des photospubliées sur internet, où on la voit défigurée, transformée en diable. Mais le film relaie aussi l’inquiétudede la réalisatrice de voir la liberté d’expression et la culture perdre du terrain en Tunisie, suite à l’arrivéeau pouvoir d’un gouvernement islamiste. Malgré ce que veulent faire croire tous ceux qui l’attaquent,Nadia El-Fani n’a jamais critiqué la religion ni l’islam en tant que tels. Aux images d’extrémistes qui refusenttout dialogue, elle oppose des témoignages de musulmans modérés, qui s’expriment en faveur du respectde toutes les croyances et opinions.

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Elham Asghari est la premièrefemme iranienne à avoir établi unrecord de nage de 20 km dans lamer Caspienne, le 11 juin dernier.Mais lorsqu’elle est allée faire re-connaître son exploit, elle a étéconfrontée à un refus injuste.Les responsables du ministère dessports iranien l’ont informée qu’ilsne pouvaient pas enregistrer sonrecord parce qu’il n’y avait pas dedescription officielle enregistrée au-près du ministère, en ce quiconcerne les exigences des« maillots de bain pour les femmesnageuses en eau libre ». C’est cequ’on lui a répondu, bien qu’Elhamait porté un maillot islamique (telque défini par les autorités) et quedes officiels aient été présents pourl’observer pendant toute sa perfor-mance.Alors que ce maillot de bain l’em-pêche d’aller au bout de ses capa-cités, on lui a dit que « lescaractéristiques féminines de soncorps étaient visibles quand elle estsortie de l’eau » et que pour cette

raison, son record ne pouvait pasêtre enregistré. Je connais la réalitéde ces discriminations. Je suis néeen Iran et malgré les efforts des mi-litant(e)s féministes dont je fais par-tie, les femmes y sont de plus enplus privées de leurs droits. Lesport féminin en Iran a toujours étémis sous silence. J’ai donc lancécette pétition pour demander à laFINA (Fédération internationale denatation), de pousser la FédérationIranienne de natation à reconnaîtreles records de natation d’Elham.Elham Asghari a nagé 20 km, alleret retour pendant 8 heures dans lamer Caspienne, près de Nowshahr.La zone était privée, réservée auxfemmes et Elham a réussi à battreson record, malgré son maillot debain qui la gênait dans ses mouve-ments. Elham a déclaré dans uneinterview : « dans l’eau, mes vête-ments étaient aussi lourds quel’uniforme d’un astronaute, mais jen’avais pas le choix ».Un des amis d’Elham a égalementdéclaré que son maillot était lemême qu’elle portait quand elle

avait enregistré son premier recorden 2008. Les fonctionnaires du mi-nistère des Sports ont déclaré que,peu importe qu’elle ait porté un cos-tume islamique lors de la baignade,l’enregistrement de son record étaitcontraire à la loi islamique.Alors que les championnats dumonde de natation ont débuté le 19juillet dernier, toutes les athlètes ira-niennes n’ont pour l’instant pas ledroit d’y participer. En effet, bienqu’il existe de nombreuses femmesqui pratiquent la natation etd’athlètes féminines dans cette discipline en Iran, elles ne sont pas autorisées à participer aux compé-titions internationales.Je demande aux responsables dela Fédération Internationale de Na-tation (FINA) d’exhorter la Fédéra-tion de Natation de la Républiqueislamique d’Iran à reconnaître etenregistrer le record de natationd’Elham Asghari Sadate et de sou-tenir toutes les autres athlètes ira-niennes.

Ci-contre et ci-dessous Elham Asghari vêtue d’un maillot de bain islamique

ELHAM ASGHARICHAMPIONNEDE NATATION

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Combien de mursMike Brant

D’abord une pierre qui vole en éclats, / Une drôle de poussière, puis un fracas.Sortez de chez vous, réveillez tous les gens / Qui ont rendez-vous depuis si longtemps.

Un mur est tombé, un homme se retourne. / Est-ce qu’il a rêvé ? Est-ce une page qu’on tourne ?Déjà la rumeur qui court de ville en ville. / On s’embrasse, on pleure, il reste immobile...

Est-ce que c’est lui qui perd la tête, qui devient fou...Même si son cœur est à la fête ses yeux sont flous.

Combien d’armures, combien de masques, combien de tombes,Combien de murs se cachent derrière un mur qui tombe ?

Des larmes peuvent couler, personne se retourne. / L’histoire abandonne les pages qu’on détourne.De quelle liberté pourra-t-on bien parler / Lorsque les enfants viendront demander...

«Les murs qu‘on a dans la tête / Sont plus hauts que vos peut-être.Pourquoi personne les arrête... jamais ! / Bien sûr qu’on va les casser,Mais on n’effacera jamais / Les maux qu’ils auront laissés... gravés !» ?

J’avais oublié l’ironie de notre histoire. / J’avais oublié qu’on a si peu de mémoire.Combien de larmes, combien de haines, combien de hontes,Combien de murs se cachent derrière un mur qui tombe ?

Est-ce que c’est moi qui deviens fou ? / Répondez-moi, mes yeux sont flous.Au nom de qui fait-on le choix de l’innocence ? / Au nom d’ quelle liberté, de quelle transparence ?

Combien de murs... Combien de murs...Combien de larmes, combien de masques, combien de hontesCombien de murs se cachent derrière un mur qui tombe ?

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Ses mains aux ongles cerise tracent

dans l’air des volutes hypnotiques.

Une danse du corps qui accom-

pagne sa pensée agile. Une manière

d’être au monde, en mouvement.

Cette jeune femme rabbin - l’une des

deux seules en France - n’envisage

d’ailleurs la tradition religieuse

qu’ainsi : à l’image de la vie, « ce

subtil équilibre entre stabilité et chan-

gement ».

En cette nuit de « charvouot », qui

commémore le don de la Torah sur le

mont Sinaï, une centaine de fidèles

sont réunis pour son « café bi-

blique » au centre du Mouvement juif

libéral de France, dans le 15ème ar-

rondissement de Paris. Delphine

Horvilleur a choisi pour sujet de dis-

cussion « la beauté du rabbin ». Un

thème à priori audacieux, pour celle

qui fut mannequin au temps de ses

études de médecine en Israël et fit

plusieurs fois la couverture des ma-

gazines. En fait il s’agit de se deman-

der, à partir d’un texte du Talmud,

pourquoi l’étude ne garantit pas la

beauté de celui qui étudie. « Com-

ment peut-on lire ce texte au-

jourd’hui ? » demande-t-elle … C’est

bien l’épaisseur polysémique du

texte, sa capacité à offrir « un sens

renouvelé à chaque lecture » qu’elle

défend farouchement contre les «

textolâtres qui calcifient la pensée ».

Dans un essai lumineux, « En tenue

d’Eve. Féminin, pudeur et ju-

daïsme » elle met à mal les interpré-

tations fondamentalistes des textes

religieux qui voudraient réduire la

femme à son corps, entièrement

« génitalisé », pour mieux la voiler et

la « domestiquer ». Une exégèse au

féminin, comme passage obligé pour

une femme rabbin à qui il arrive en-

core qu’on demande si elle peut offi-

cier durant ses règles ! « La question

n’est pas de savoir si les textes sont

misogynes, il est d’ailleurs anachro-

nique de le demander, mais si leurs

interprètes le sont ». Faites par des

hommes entre hommes, les lectures

religieuses souffrent assurément

d’un excès de testostérone.

Des femmes qu’on incite à changer

de trottoir dans certains quartiers

ultra-orthodoxes de Jérusalem ou à

s’asseoir au fond d’un bus pour ne

pas déranger les hommes, des vi-

sages féminins arrachés des affiches

publicitaires, des femmes que l’on

fait taire au prétexte que leur voix se-

rait déjà une forme de nudité … » La

multiplication de ces évènements

m’a convaincue qu’il était urgent que

des voix s’élèvent au sein du monde

religieux et explorent à nouveau ces

notions de pudeur, de nudité et de

genre, pour ne pas les laisser être

kidnappés par des interprétations ex-

trémistes ».

A 38 ans Delphine Horvilleur a déjà

eu plusieurs vies. Un parcours à vi-

rages pour cette fille de Champagne,

élevée à Epernay, dans une famille

juive traditionaliste. Elle se décrit en

enfant mystique, habitée par la ques-

tion de la transcendance et de l’iden-

tité juive. Les fantômes de la Shoah

pèsent encore sur la famille sous la

forme d’un inquiétant silence.

Bac scientifique en poche, elle arrive

à Jérusalem en 1992, pendant les

négociations des accords d’Oslo, qui

suscitent les espoirs des jeunes mi-

litants de gauche dont elle est. La pa-

renthèse enchantée se referme

brutalement en 1995 avec l’assassi-

nat d’Yitzahak Rabin. Un trauma-

tisme. Elle revient en France, sollici-

tée pour un stage de neurobiologie à

l’Institut Pasteur. « J’ai alors compris

que je n’avais pas la patience du

chercheur : mon esprit est plus pa-

pillonnant ».

Diplômée de l’école du journalisme

du Celsa, elle est arrivée à France 2,

à Jérusalem, le jour où débutait la

seconde intifada. Trois mois plus

tard, elle est intégrée à Paris. Tous

les hommes de la rédaction en

étaient fous. Ils ont été très déconte-

nancés face à sa vocation. En 2003,

en effet, elle décline un CDI pour

aller dans une yeshiva américaine

assouvir sa passion des textes sa-

crés. « A Paris, toutes les portes se

fermaient devant une femme. Le ju-

daïsme américain a été une révéla-

tion.

Au terme de sa scolarité de cinq an-

nées, elle refuse un poste en or

qu’on lui proposait à New York et

choisit de retourner à Paris. Elle

pressent qu’elle a un rôle à jouer en

France. Ariel Weil, l’époux de Del-

phine, le mari du rabbin, fera le sa-

crifice de sa carrière américaine.

« Qu’est-ce qu’une carrière face à

une mission ? » soupire-t-il.

Dans leur appartement du Marais, un

monstre vert abandonné sur un gué-

ridon du salon et des gazouillis

échappés de la cuisine rappellent

que le rabbin Horvilleur est aussi une

maman de trois enfants. La petite

dernière a sept mois. L’aîné, Samuel,

sept ans. Il rêve de devenir pompier.

« Et pourquoi pas rabbin ? » lui de-

mande sa mère. « Parce que c’est

un métier de fille ! »

Marie LemonnierLe Nouvel Observateur

D E L P H I N EE S T R A B I N

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18 Plein Jour / http://plein-jour.eu

C’est une femme dont quarante cinqannées d’une existence d’enferavaient marqué le visage d’au moinsvingt de plus, qui fut à l’origine invo-lontaire d’un nouvel apprentissage.Elle avait élevé déjà douze enfantsdont les quatre premiers quin’étaient pas les siens. Parmi ceux-ci, deux adolescents s’appliquaientà l’humilier de toutes sortes de fa-çons, à la faveur d’un mari trop faiblepour s’opposer à leurs ma-nœuvres terroristes. Ils l’atten-daient à la sortie de la banqueoù elle allait chercher sa pen-sion d’invalidité et la rossaientsur place avant de s’emparerde l’argent. Au cours d’unebrève hospitalisation de leurmère d’adoption, les garne-ments n’avaient pas hésité àvendre les meubles de l’appar-tement au voisin. N’en pouvantplus, la femme s’était réfugiéedans la rue, traînant sa déses-pérance et sa dérive.Elle avait cessé de se laver de-puis des semaines. Pourquoi pren-dre soin d’un corps qui n’est plusqu’objet de dérision et de souf-france ? Ses cheveux eux-mêmesse trouvaient en état de friche tel queles poux s’y étaient implantéscomme dans une forteresse aban-donnée, y avaient niché, et s’incrus-taient en colonies florissantes,résistant victorieusement à toute ten-tative de délogement mécanique ou chimique.Elle s’échoua chez nous à l’impro-viste, flanquée de ses redoutablessections d’assaut capillaire prêtes àfondre sur le premier crâne ami un peu fourni. Par malheur, je

portais des cheveux descendantjusqu’aux épaules et une barbe plas-tronnant orgueilleusement jusqu’austernum inclus. Je devins illico uneaubaine pour les minuscules enva-hisseurs, un territoire de villégiature,une résidence d’été, une pinèdegéante. Le transfert s’opéra en unéclair mais se dissémina égalementsur d’autres partenaires et parmieux, deus enfants polonais qui véhi-

culèrent l’émigration jusqu’à l’écolequ’on ferma sans tarder. De plus, lapauvre femme dégageait une odeurinsoutenable à la suite d’une fermen-tation généralisée due à six mois de galère. Les gars, réunis en conseil d’ur-gence, disaient « Tu vois bien,l’abbé, tu as beau dire qu’il ne fautpas refuser quelqu’un dans le be-soin, tu n’en peux plus avec tesbêtes partout. Il faut lui dire d’allerailleurs ».Les conséquences devenaient diffi-cilement maitrisables. Des filles dé-vouées s’employaient à destraitements successifs, tous aussi

inefficaces les uns que les autres …Malgré noc critères d’accueil sanscondition, il nous parut évident queseul l’hôpital viendrait à bout d’unetelle offensive. On résolut donc de l’yadresser, prêts à sauvegarder unebonne conscience en prenant encharge les frais qu’un tel placementne manquerait pas d’occasionner. La solution choisie, techniquementraisonnable, dissimulait une perfide

incohérence psychologique. Iln’était pas sorcier de prévoirque Marion une fois remise enselle, retournerait dans son mi-lieu d’origine où tout recom-mencerait comme avant. Nousnous débarrassions du pro-blème dans les mains d’unerelève plus compétente, unpeu comme un joueur derugby passe le ballon à unautre qui se charge de mar-quer l’essai. Mais une relationhumaine mérite-t-elle d’êtretraitée comme un ballon de rugby ?

Les hommes généreux se manifes-tent plus volontiers au niveau desmoyens, d’une action à mener, decapacités à investir, sachant adapterastucieusement les techniques auxbesoins les plus criants. Les femmesy ajoutent une inimitable intelligencede proximité et de compassion quifournit la touche finale et accomplitle miracle là où l’homme, en pannede procédés, se résout à l’impuis-sance barbare. Pourquoi maintenirdes contacts lorsqu’il n’y a plus rienà faire ? Or justement dans le cas deMarion, plus personne ne voyait quoifaire sinon l’orienter ailleurs.C’est au fond d’impasses inquié-

L ’ A M O U R F A I TD E S M I R A C L E S

L’amitié, c’est une main qui te soutient

Dans la douleur et le désarroi.

C’est une oreille qui écoute

Tantôt la peine, tantôt la joie

L’amitié, c’est un regard qui voit

Jusqu’au plus profond de ton âme

Sans jamais se faire juge.

C’est un cœur qui s’ouvre

et jamais ne se ferme

comme un refuge.

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19 Plein Jour / http://plein-jour.eu

lésiner sur le don de soi, douchecomprise. L’amour n’a pas besoin delangue officielle pour parler. Il in-vente son propre langage selon l’ur-gence des appels qu’on lui adresse.C’est ce qui fait son incomparablegénie.La fille anonyme ne le resta paslongtemps. Parvenue malgré elle àun carrefour où aboutissaient plu-sieurs routes venant du fond de mon

histoire, elle m’en dé-couvrait de nouvelles is-sues de la sienne.Traînant chacun unelourde dette à l’égardd’un passé et de sescorollaires patholo-giques, nous étions atti-rés par la face saine l’unde l’autre, y pressentantune possible guérison

commune. Mais la Santé recherchéene peut naître que d’une thérapie duDésir. La dernière réplique sismiquedu miracle faisait son œuvre. Elleinstallait en nous le désir légitime deprendre une part personnelle àl’amour dont nous faisions état dansnos prétentions et nos engage-ments. Il m’arrivait de penser avecégarement qu’un amour de qualitéest peut-être le produit de deux his-toires malades bien assumées,comme le foie gras n’est que l’abou-tissement savoureux d’organes hé-patiques soigneusement détériorés.Sans pouvoir nous l’expliquer en-core clairement, nous prenions lemême train d’aventures qui devaitaboutir à notre mariage quelques an-nées plus tard.

Yves LouyotDieuvinettes

tantes et en général peu glorieusesqu’apparaissent dans les contes :fées, génies, enchanteurs, qui sechargent de débloquer l’imaginairehandicapé des hommes enserrésdans le parcours à risques de leurhumanisation. Dans le monde réel,c’est à l’intuition profonde propre àchacun de prendre le relais de lamagie. Celle-ci n’est qu’une pro-thèse grimaçante imposée à l’huma-nité quand elledémissionne de sespouvoirs face au destin.Le domaine religieux setrouve directementconcerné par ce dan-ger. Il faut hélas recon-naître l’existence d’uncancer de la foi lorsquele meilleur de ce qui laconstitue dégénère etse décompose imperceptiblementen pratiques proches d’une confor-table magie ritualiste et répétitive. Laparticularité de cette « Dieucémie »est d’offrir malgré tout une façadesociale tout à fait acceptable égarantbien des soupçons.Au point où nous en étions avec Ma-rion qui n’avait qu’un désir : resterparmi nous, la voie semblait sansissue. Une fille de l’assemblée quivenait, elle aussi, d’arriver dans descirconstances très difficiles pouravoir connu transferts, placements,rejets, ballottages divers pendant delongues années, entendit qu’on par-lait d’hospitalisation au sujet de Ma-rion. Elle se leva sans dire un mot,prit la femme par la main et l’en-traîna hors de la pièce. L’après midipassa sans nouvelles des deuxcomplices.Au soir, dans le brouhaha générale-ment fiévreux qui précède le repas,un cri collectif monte de la troupe. Laporte ouverte livre passage à uneMarion méconnaissable, luisante depropreté, arborant un sourire de pou-pée Barbie en plus intelligent, habil-lée d’un ensemble que personne ne

lui connaît, frais, léger, provocant.Quelqu’un s’en est carrément pris àl’infestation parasite de ses cheveuxsous le couvert desquels rien nebouge apparemment plus. Un cha-toiement de teinture irisée lui auréolela tête tandis qu’un délicat maquil-lage atténue l’épuisement du visage.C’est le premier « one womanshow » de sa carrière, coloré, écla-tant, triomphal.

Une existence humaine possèdeson petit côté entreprise. Quand ellefait faillite, on lui cherche un repre-neur. Aujourd’hui c’est la Vie, sansdécor, sans détour, qui reprend sesdroits chez Marion. Celle-ci nous ap-prendra plus tard que la fille l’a dis-crètement emmenée sous la douchequ’elles ont prise ensemble. En la-vant chaque pièce de ses vêtementsà la main, elle lui disait : « RegardeMarion, comme tu deviens belle.Après, nous irons acheter ce qu’ilfaut pour t’habiller. Le reste de mapaie devrait suffire. Et nous pren-drons de la crème pour la peau et duricil pour les yeux ».La scène remplaçait à elle seuleune année complète de théologie.D’un côté, l’homme de Dieu et sonconseil majoritairement masculin,tentant de cerner la meilleure façond’isoler le problème en éloignant lafemme au nom d’une protection del’environnement. De l’autre, une filleseule, rebelle à toute récupérationreligieuse, démontrant avec éclatcomment l’amour ne peut réellementse dire tel que dans une proximitéparfois osée et déconcertante, sans

Qu’un ami véritable est une douce chose !

Il cherche vos besoins au fond de votre cœur ;

Il vous épargne la pudeur de les lui découvrir vous-même ;

Un songe, un rien, tout lui fait peur

Quand il s’agit de ce qu’il aime.

La Fontaine

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24 présents et pas mal d’excusés,mais surtout de nouvelles compagneset deux jeunes couples mariés de l’an2012, ce qui est très encourageant.Nous disons « quelques flashes » caril est impossible de faire un CRexhaustif d’une rencontre aussi riche,faite d’interventions aussi diverses.Mais nous pouvons en extrairequelques données.Quelques compagnes ont déjà perduleur compagnon, la différence d’âgeaidant quelquefois.Nous avons entendu … des amoursdifficiles et pour des raisons très va-riées. Lui est moine, par exemple; lesrencontres sont rares et il est difficilede se voir hors la présence dequelqu’un d’autre. Lui est moine et enplus il a été élu prieur. Encore plus dif-ficile !Des amours qu’on qualifierait d’impos-sibles (même), tant les retenues del’un et de l’autre bloquent toute avan-cée, chacun s’estimant lié par uneautre contrainte. Et pourtant l’amourest passé par là ! les rencontress’échelonnent, malgré la surveillanceet la crainte d’être démasqués.Un amour rejeté brutalement par leprêtre sans aucune explication, qui ré-duit son amie à un profond désespoirau point d’altérer même sa santé.Des amours qu’on pourrait croire pla-toniques, mais peut-être sont-ellestrompeuses. « Je t’aime mais d’unamour chaste », lui disait-il ! et pour-tant la relation est forte de part et d’autre, désirée, attractive et réconfor-tante !!Des amours contrariés. Un jour cen’est pas lui qui l’a appelée mais sonsupérieur pour dire : « Il vous aimemais il ne vous reverra plus ». Et en

prime : « Ne cherchez pas à le revoir,sinon ses avocats porteront plaintecontre vous pour harcèlement(sexuel) ». Réponse courageuse etfière de la compagne : « Ce n’est pasà vous de me dire cela. Je veux quece soit lui qui me le dise ». Ils s’étaientquittés un lundi matin, comme tous leslundis matins puisqu’ils travaillaientassez loin l’un de l’autre, avec la perspective de se retrouver, commed’habitude, le vendredi soir pour leweekend. Quelle surprise devant unetelle hypocrisie ! quelle douleur devantun avenir qui s’annonçait plein d’incer-titude ! Mais pourquoi donc le prieurd’un couvent de religieux apparem-ment adultes se permet-il de parler aunom d’un homme qu’il ne pense qu’àrécupérer par tous les moyens, y com-pris la contrainte physique comme lerévélera le futur !Des amours stabilisés malgré lesconditions incertaines ou particu-lières : « Il a voulu garder son minis-tère. Mais nous avons une vraie vie decouple ». Ou encore : « Nous avonschacun notre vie, notre logement maisbeaucoup d’activités et d’engage-ments ensemble ; Il est toujours enfonction dans le diocèse mais mainte-nant à la retraite ».Des amours qui se heurtent à tantd’obstacles : à la sacralisation d’unhomme, au ressenti de sa propre cul-pabilité savamment entretenue, à desrègles et des règlements, aux préju-gés de familles qui se pensent trèscroyantes et ne sont que conserva-trices, souvent mal informées des at-tendus de cette règle, à l’immaturitéaussi de ces hommes trop condition-nés et trop obéissants au point d’avoirperdu l’habitude de décider pour eux-

mêmes : « il avance, puis recule enpermanence, du vrai ping pong ! »Mais aussi des amours qui ont franchitous ces obstacles et se sont inscritsen des couples heureux de leur nou-velle situation sans regret pour leurchoix, même si les débuts ont été ousont encore difficiles : recherche detravail évidemment, mais surtout d’untravail qui s’inscrive dans la continuitéd’une vie.Présence tout à fait inattendue : unadolescent, fils d’un prêtre, s’est ex-primé : « Je n’ai pas souffert de savoirque mon père avait été prêtre. Pourmoi, c’était naturel ».Un autre témoignage inhabituel dontnous soulignons l’importance. Unjeune prêtre marié depuis peu et pèred’un petit garçon, nous a relaté sonparcours difficile avant de quitter le mi-nistère. Son épouse est là et l’écoute.Il nous dit d’abord son saisissementdevant l’amour qui surgit, ses effortspour le repousser, sa lutte contre laculpabilité … Les années passant, il al’évidence que ce sentiment prégnantl’épanouit et le rend plus proche desautres. Il prend alors la décisiond’épouser celle qu’il aime. Son com-bat prend alors une autre forme : ré-sister à la pression de l’évêque etconvaincre sa famille. Plein d’émotion,ce récit est éclairant pour les com-pagnes. Il leur révèle que le prêtreaussi souffre de l’interdiction d’aimer.En même temps, il leur donne l’espoird’une issue heureuse avec leur com-pagnon.Et aussi le témoignage encourageantde nos amis suisses, d’abord celui deleur propre cheminement personnelqui les a conduit aujourd’hui à une vietrès engagée, mais aussi celui de l’As-

QUELQUES F LASHESD E P L E I N J O U R À

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sociation Zoefra qu’ils dirigent et quiaide les compagnes suisses. Ils y ren-contrent des problèmes bien sembla-bles à ceux que nous rencontrons enFrance, mais avec le soutien, y com-pris financier, de chrétiens, voire deparoisses même.Les situations difficiles évoquées nedoivent pas faire perdre cette estimede soi qui demeure la source du dy-namisme vital de chacun. Aussiconvient-il de revenir souvent sur cesparoles qu’une adhérente n’ayant puvenir à Paris a cependant tenu à nouslivrer : « L’estime de soi est le résultatd’une auto-évaluation. La grande ma-jorité des difficultés dont une personnepeut se plaindre (angoisses, timidité,troubles du comportement alimen-taire, relation aux autres, déprime) estla conséquence pure et simple d’uneestime de soi insuffisante.L’une des solutions pour faire grandirson amour-propre est l’acceptation desoi-même tel que l’on est (ce qui ne si-gnifie pas renoncer à évoluer).S’estimer soi, se faire confiance, s’ai-mer, ne pas se dévaloriser est essen-tiel pour bien vivre sa vie et bien vivreavec les autres.L’estime de soi, c’est de me mon-trer capable de : Dire ce que jepense.La relation, vécue dans la clandesti-nité, engendre des relations socialesfaussées puisqu’au regard de tout oupartie de son entourage, la compagnede prêtre est officiellement une« femme seule ».Cette relation est vécue « au jour lejour », sans aucun projet possible.La compagne de prêtre pas qu’uneamante présente uniquement pour sa-tisfaire les besoins affectifs et sexuels

outils, avec lesquels il est appelé àconstruire par lui-même, son édifice.Pour grave qu’elle soit, ma dépressiona eu au moins cette vertu : m’obligerà faire le point sur ma vie, mieux meconnaître. Ainsi, j’ai pu transformermon expérience douloureuse en ex-périence de réflexion et d’introspec-tion, construire par moi-même l’édificede mes propres convictions, en travail-lant sur des « matériaux » qu’il m’afallu dégrossir, avec l’idée d’élaguerles erreurs pour progresser.A noter que l’hypnose erycksonniennepeut également être une excellentethérapie de l’estime de soi.Trouver que je suis quelqu’un debien avec ses qualités et ses dé-fauts.Sentir que je progresse et que jetire des leçons de la vie.Il y a 7 ans, j’ai rencontré un autrehomme. Depuis, je suis abstinente auniveau de l’alcool. Membre d’une as-sociation philosophique mal estiméepar mon ex-ami prêtre, j’ai repris cetteactivité où je me sens épanouie et va-lorisée.Je vis sereinement le présent. De monpassé, pas simple et même plusqu’imparfait, je ne tire que des leçons.Quant à l’avenir … on verra bien de-main !Reste que, comme Aragon et JeanFerrat, je suis toujours convaincueque « La femme est l’avenir del’homme ».

Nous la remercions vivement de cettecontribution. C’est comme une pré-sence « à distance ».

Jean, Dominique

de son ami.Si le prêtre fait abstraction de l’exis-tence de sa compagne dans sa viepublique, professionnelle, familiale,pourquoi n’aurait-elle pas, elle, la li-berté de dire qu’elle en souffre ?La relation vécue reste précairepuisque, tant qu’il est tenu par le liende l’obéissance à sa hiérarchie, lecompagnon-prêtre peut être amené àquitter son amie du jour au lendemain,par une simple mutation ou autre af-fectation.Demander de l’aide sans me sentirpour autant inférieur(e).Il faut sortir de l’isolement et de la pas-sivité. Ne pas tolérer le mensonge queles prêtres acceptent relève de la di-gnité des femmes concernées.En ce qui concerne les questions sui-vantes, je me base sur mon expé-rience passée. Sans pour autantraconter ma vie : Michel Taubmannl’avait très bien fait !Mais il n’avait pas connaissance del’épilogue …Me donner le droit d’êtreheureux(se).Savoir que je peux survivre à mesmalheurs.A la prise de conscience de ma « des-cente aux enfers » (à ma dépressiondite « sévère » s’était greffé l’alcoo-lisme), je ne voyais plus que deux is-sues.A plusieurs reprises, j’ai tenté la plusfacile (et la plus débile) mais j’aiéchoué.Il me fallait donc continuer à vivre.Mais plus comme ça !Pour reprendre ma vie en mains, j’aieu recours à la psychothérapie et ac-cepté une hospitalisation en psychia-trie. Là, chaque soigné reçoit des

S U R L A R E N C ON T R EPARIS LE 1ER JUIN

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Je souhaiterais vous interviewer !

Une journaliste nous a demandé une interview. Rien quede l’habituel. Mais à partir des questions posées, d’autresquestions me sont venues.

Question : Combien de prêtres ont-ils quitté leur ministère ?

Il conviendrait de préciser : certains prêtres n’ont pas quittéleur ministère ; on les a obligés à le quitter ! Ce n’est pasla même chose. Qu’est-ce que cela veut dire ?Tout simplement qu’un certain nombre auraient souhaitépouvoir continuer à exercer leur ministère à condition depouvoir continuer aussi un compagnonnage ou un mariageofficiels ! Mais l’autorité hiérarchique les a obligés à partir.Ils ont été purement et simplement exclus ! La consigneétait d’ailleurs la même dans la plupart des diocèses :« Vous partez tout de suite et le plus loin possible ». Lesconditions de licenciement dans une entreprise sont heu-reusement plus humaines !Quelques pages de vies rencontrées : Thierry était profes-seur de philosophie dans un séminaire. Il y était hébergé,nourri, chauffé, lavé … Sa rémunération se montait à unpeu d’argent de poche. Dés l’annonce de son projet de ma-riage, il a dû partir, sans argent. Dans la poche, l’adressed’un ami avec qui il s’était trouvé au séminaire … à Rome.Heureusement l’ami était resté fidèle !Xavier est aujourd’hui en fonction. A sa compagne qui s’in-terroge sur la pérennité de cette situation, il répond simple-ment : « je considère qu’il n’y a aucun empêchement pourque des prêtres soient mariés. Pas d’opposition entre ma-riage et ordination, contrairement à ce qui a été dit par biendes évêques pour justifier cette règle du célibat. D’ailleurscelui que l’on considère comme le premier pape, l’apôtrePierre, était marié. C’est en toutes lettres dans l’évangilepuisqu’à sa demande Jésus va soigner sa belle-mère.De même les premiers « épiscopos » qui avaient en chargeles communautés issues de la prédication de Paul étaientla plupart du temps mariés. Paul exigeait seulement qu’ilssoient de bons père de famille ». Mais leur situation resteprécaire ! et ils le savent car la dénonciation a été scanda-leusement érigée en vertu dans cette Institution !Bernard était vicaire épiscopal dans un grand diocèse. Il vaannoncer à son évêque avec qui il était très proche qu’il al’intention de se marier. Regrets de ce dernier. Il n’acceptepas de perdre un tel collaborateur : « Les prêtres du dio-cèse ont confiance en toi; et moi, j’ai besoin de toi. Alorsj’oublie tout ce que tu m’as raconté. Je te recommande seu-lement de rester discret ». Mais par honnêteté envers sa

famille et ses amis, Bernard partira car il sait la position deson évêque intenable à long terme !Hugo s’est marié il y a quelques années. Il va trouver detemps en temps son ancien évêque avec qui il entretientune bonne relation. A chaque rencontre il lui redit : « Vousle savez, si vous avez besoin de moi, je reviens et vouspouvez me confier un ministère. Une seule condition : jesuis marié et je le reste évidemment. Vous me prenezcomme tel ». Et avec un ton désolé l’évêque lui répond sys-tématiquement : « Tu sais bien que c’est impossible au-jourd’hui ! ».Après avoir évoqué des conditions de départ très variées,essayons de répondre à la question quantitative qui étaitposée par la journaliste : Combien ?Nous l’ignorons : il n’y a pas de réponse fiable ! Et pourquoidonc ?Il serait pourtant bien facile de réunir les données dechaque diocèse et de faire une compilation qui permettraitde dresser une statistique fiable. Pourquoi donc cette dis-position n’existe-t-elle pas ? Toujours la culture du secret ?Elle a pourtant fait un mal énorme dans l’institution à proposde la pédophilie ! Peur de la contagion ? Mais dans un dio-cèse les prêtres se connaissent et tous savent qu’un tel estparti ! Certains le savaient d’avance, en confidence d’unami ! Peur de l’opinion publique, peur du scandale des fi-dèles ? Mais on se souvient des applaudissements qui ontsalué l’annonce de leur départ faite en chaire par des curés! Faits relatés lors d’une émission de Télé. 65 à 70 % descatholiques sont favorables au ministère de prêtres mariés.Au lieu de cela, on préfère ne livrer aucun chiffre. On enreste donc à des hypothèses. On estime à 100 000 le nom-bre de prêtres « partis » dans le monde. Et à 10 000 enFrance.Même les statistiques publiées par le Vatican sont à inter-préter. Elles ne concernent en effet que les prêtres qui sesont adressés aux bureaux du Vatican pour obtenir la tropfameuse « réduction à l’état laïc », terme méprisant, maltraduit du latin « reductio », c’est-à dire « reconduite » etqui induit que le « laïc » est un chrétien de seconde zone !Alors que Paul 6 avait accordé assez largement cette pos-sibilité, Jean Paul 2 l’avait réduite au maximum ! Consé-quence : bien des prêtres n’ont pas attendu cetteautorisation mais se sont mariés … à la mairie, comme toutun chacun et ils s’en sont tenus là !! Certains d’ailleurs, etpar principe, n’ont jamais voulu déposer une telle demande.Il est exact qu’une large vague de départs a déferlé surl’église catholique, surtout en Europe et en Amérique duNord, dans les années 70, mais je peux témoigner du faitque, dans un séminaire bien connu dirigé par des Sulpi-ciens, entre 1950 et 1954, trois professeurs sont « partis » ;deux d’entre eux étaient profs de philo et le troisième, profde droit canonique. Il est assez surprenant d’ailleurs de

SAGA

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constater que, au delà du manque de statistiques fiables,aucune étude sociologique sérieuse n’a été réalisée ou aumoins diffusée. La question mérite d’être posée : Pourquoicette carence ? Dans quelle entreprise ou société interna-tionale accepterait-on de voir ainsi partir des cadres ennombre si important sans tenter d’en comprendre la cause,grâce à une analyse sérieuse et documentée ?L’une des réponses réside d’abord dans la crainte de ré-percussions malignes auprès des fidèles, comme on l’a si-gnalé plus haut; or les fidèles n’ignorent pas ces départs;ils sont aux premières loges. Et d’autre part le regroupe-ment autoritaire de paroisses en un conglomérat appelé« district » ou « secteur » qui en regroupe 4, 5, 10, voire 40prouve qu’il s’agissait d’un palliatif à la carence de prêtres !et non une méthode de la dite « nouvelle évangélisation » !Mais une autre explication est avancée. Il y a en effet diffé-rentes manières de camoufler des faits, celle de l’autruchequi, pour ne pas voir, enfouirait, dit-on, sa tête dans lesable ! ou encore celle de l’homme stupide qui casse lethermomètre pour ignorer qu’il a de la fièvre. Ici ce départde milliers de prêtres n’est pas traité comme un fait socio-logique par la hiérarchie. Elle considère qu’il s’agit de …cas particuliers ! N’importe quel sociologue avisé pâlit de-vant cette affirmation ! Ce fait aurait mérité une étude ap-profondie. Mais décider d’y réfléchir appellerait la recherched’une solution au problème. Et c’est peut-être dans le refusde ce second terme de l’équation qu’il faut rechercher l’ab-sence du premier.

Question de la journaliste : Tous les prêtres « partis » ont-

ils pris cette décision en vue de se marier ?

Contrairement à ce qui en est dit, la réponse est : absolu-ment pas. Une enquête sérieuse pourrait nous le dire. Onne peut donc argumenter qu’à partir de cas connus. Cer-tains ont décidé franchement d’arrêter leur ministère pardésaccord avec les dogmes ou les rites ou la morale decette église. Ils ne pouvaient pas continuer à prêcher ce àquoi ils ne croyaient plus, ou au moins dans cette forme-là,ou à imposer des règles qu’ils trouvaient désuètes et dés-humanisantes, notamment au confessionnal. Une exigencede leur conscience. Nombre de catholiques ont décrochédés 1968. Lors du Concile Vatican 2 (1962-1965), Paul 6s’était réservé la décision sur plusieurs questions dont lacontraception et la règle du célibat des prêtres, ce qui d’ail-leurs est assez choquant de la part d’un pape vis à vis del’ensemble des évêques rassemblés, ce que Jean 23 nes’était jamais permis ! Le 25 juillet 1968 Paul 6 promulgue« Humanae vitae », une lettre encyclique (c’est-à-dire des-tinée à l’univers entier) ; son titre : Lettre sur le mariage etla régulation des naissances. Ce fut une grande déceptionpour les catholiques. Elle déclarait « intrinsèquement dés-honnête » toute méthode artificielle de régulation des nais-

sances, réaffirmant ainsi la position traditionnelle de la hié-rarchie (composée par principe de célibataires !) à l’encon-tre d’une opinion publique très largement favorable à unassouplissement de la doctrine catholique. Cette prise deposition déclencha une profonde crise d’autorité dansl’Église. D’abord les catholiques en grand nombre affirmè-rent que sur ce point de leur vie privée, c’était à eux seulsde décider. Ils s’interrogèrent d’ailleurs sur cette manie dela hiérarchie de vouloir réglementer la vie des fidèles jusquedans ses aspects les plus personnels ; la sexualité, une vé-ritable obsession dans cette église ! (Voir les Saga 1 et 2).Qu’y a-t-il en effet de plus personnel dans un couple quede fixer à deux quel sera le moment le plus favorable pouravoir des enfants et assumer la lourde charge de les éleveren fonction d’un tas de paramètres familiaux : santé,moyens financiers, nombre d’enfants déjà nés … Certainsprêtres refusèrent d’être auprès des fidèles les porte–pa-roles d’une telle règle. Mais ils se trouvaient là-dessus enporte-à faux avec l’ECR1 comme sur bien d’autres points.Et à la fin, ils jugèrent plus honnête d’arrêter ce genre defonction.Tous ne se sont pas mariés ; selon des statistiques com-muniquées par le Vatican, un certain nombre, (5 ou 8 %peut-être), auraient même demandé d’être réintégrés, es-sentiellement parmi les religieux, qui donc ne s’étaient pasmariés ! Mais on ne sait s’il s’agit d’africains, d’asiatiquesou d’européens ! Secret !De plus pour demander cette fameuse « reconduction », ilfaut remplir un dossier et dans le cadre d’une pseudo-en-quête, la hiérarchie attribue facilement aux requérants desdifficultés psychologiques personnelles. C’est inimaginablece que peut inventer cette institution pour s’auto-justifier etrejeter la responsabilité sur les autres. Bien au contraire ! ilfaut avoir le cœur bien accroché, la tête bien en place et lavolonté aguerrie pour se lancer à 30, 40 ou 50 ans dansune seconde vie ! Tout cela ne présage rien de bon pourl’avenir, car des prêtres continuent de partir. Nous ensommes témoins privilégies à Plein Jour. Des jours difficiless’annoncent si les évêques n’arrivent pas à se déciderd’agir autrement et notamment en se déclarant responsa-bles au premier chef de leur propre diocèse et non les pré-fets d’une administration centrale !

Jean

1 ECR Eglise Catholique Romaine

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La chansondu Geôlier

Jacques Prévert

Où vas-tu beau geôlierAvec cette clé tachée de sangJe vais délivrer celle que j’aime

S’il en est encore tempsEt que j’ai enfermée

Tendrement cruellementAu plus secret de mon désir

Au plus profond de mon tourmentDans les mensonges de l’avenirDans les bêtises des serments

Je veux la délivrerJe veux qu’elle soit libreEt même de m’oublierEt même de s’en allerEt même de revenirEt encore de m’aimerOu d’en aimer un autreSi cet autre lui plaîtEt si je reste seulEt elle en allée

Ja garderai seulementJe garderai toujours

Dans mes deux mains en creuxJusqu’à la fin des joursLa douceur de ses seins Modelés par l’amour.

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Nous encourageons les ex-prê-tres, religieux/ses adhérents dePlein Jour, à déposer un dossierde demande de retraite pour lesannées passées au service del’institution. C’est une questionde justice que la hiérarchie abeaucoup de mal à accepter. Ilest donc tout à fait normal de ré-clamer vos droits, rien que vosdroits, mais tous vos droits.

L’APRC (Association pour une re-traite des cultes convenable) crééeen 1978 regroupe sur le territoirenational des Ex, prêtres, religieux(ses), moines, moniales qui pourdes raisons de conscience ou d’ex-clusion ont quitté leur fonction ausein de l’Eglise Catholique. Deslaïcs qui épousent leur cause ontégalement rejoint l’APRC.On compte à ce jour en France,plus de 11 000 ex-serviteurs del’Eglise. Arrivés à l’âge de la re-traite, ils sont discriminés en droitsociaux de la part de leur anciennehiérarchie (Évêques, Supérieurs decongrégations ou de collectivitésreligieuses) qui ne leur permet pasde percevoir au « prorata tempo-ris » la même retraite que leurs an-ciens collègues restés dansl’institution. Manière de leur fairepayer leur « désertion ». Ils se sontdonc regroupés en associationpour une reconnaissance juste etéquitable de leur travail.En l’absence de caisse de retraitecomplémentaire, pourtant obliga-toire, la seule pension qui leur estassurée est versée par la CAVI-MAC (Caisse de retraite des cultes)qui a le triste privilège d’être la

caisse de sécurité sociale payant laretraite la plus basse de France. Ace fait s’ajoutent deux incohé-rences : d’une part, selon que lesannées de service se situent avantou après 1979 cette pension variede 370 € à 600 € pour une carrièrecomplète et d’autre part sous pres-sion de la hiérarchie catholique,cette caisse ne valide pas les deuxpremières années de séminaire oud’entrée en congrégation.Devant cet état de fait, et en l’ab-sence de caisse complémentaire,les évêques versent une allocationcompensatoire à leurs prêtres re-traités « restés ». Mais jusqu’à l’an 2000, malgré leurs multiplesdemandes, les « partis » ne béné-ficiaient d’aucune allocation com-pensatoire. C’est seulement à cettedate et sous la pression de l’APRCaprès 22 ans de négociation, queles évêques ont enfin consenti àverser aux ex-prêtres diocésainsâgés de 75 ans qui en font la de-mande, une partie de cette alloca-tion appelée USM2, au prorata deleurs années de service dansl’Eglise. Ceux qui ont entre 65 et 75ans n’en reçoivent, à leur demande,qu’un reste amoindri. Quant aux ex-religieux/ses n’ayant encore rienobtenu de leur ancienne hiérarchiemalgré des années de négociation,ils ne perçoivent que la faible pen-sion CAVIMAC et une allocationcompensatoire de ressources(ACR) s’ils en font la demande.Régulièrement depuis quelques an-nées, les évêques nous mena-çaient de supprimer cette allocationUSM2, sous prétexte « qu’elle estune erreur » et de la remplacer par

une allocation sous condition deressources du foyer fiscal. Ils enont pris la décision en novembre2011 sans aucune concertationpréalable avec notre associationavec qui ils avaient l’habitude denégocier.Les ex-serviteurs de l’Eglise Catho-lique ont également demandé envain à la Caisse de Retraite desCultes de valider les trimestres dedeux premières années de sémi-naire ou d’entrée en congrégation. Depuis 32 ans, les membres del’APRC qui sont aujourd’hui un mil-lier, négocient pour la reconnais-sance de leur activité au sein del’Eglise et pour que cesse cette in-justice. L’APRC demande justice etéquité, les hiérarchies catholiquesrépondent aides sociales et charité.Face à des négociations non satis-faisantes qui n’ont que trop duré età la désinvolture des autorités reli-gieuses, l’APRC encourage sesmembres à dénoncer publiquementl’injustice dont ils sont victimes,voire à faire appel aux tribunaux dela République en assignant ces au-torités au Tribunal des Affaires dela Sécurité sociale. La CAVIMAC etles représentants de l’Eglise vontsystématiquement à l’extrême desprocédures (Appel, Cassation) pourasphyxier ce litige. Ils jouent « lamontre » (4 ans de procédure pourchacun des procès en cours) afinque le combat cesse faute de com-battant, sachant pourtant que leConseil d’Etat a décrété en novem-bre 2011 que le règlement intérieurde la CAVIMAC était entaché d’illé-galité.

Siège Social de l’APRC1 rue du Dr Yves Louvigné35000 RENNES

L ’ A P R C ,POURQUOI ?

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« Dès que je reçois le nouveau Plein Jour, j’en fais ma lecture prioritaire.Les témoignages sont bouleversants. Quelle liberté de parole ! qui appel-leront d’autres témoignages. Un très grand merci de rendre possible ceséchanges qui toucheront beaucoup de monde. Tenez bon Dominique, pourcontinuer ce magnifique travail. »

Jacques Gaillot

« Merci pour cette lecture réconfortante que vous venez de m’envoyer. Quellesource d’énergie du début à la fin. J’en oublie mon âge ! J’ai un rêve comme MartinLuther King, qu’un jour La Croix la publiera ! Mais déjà maintenant vous pourriezsolliciter Le Monde pour en faire connaître l’essentiel ».

Joseph

« J’ai 22 ans et j’ai vécu 5 ans avec un prêtre que j’aime encore au-jourd’hui. Notre histoire était belle, mais elle était interdite. Lorsquel’évêque l’a appris, il a fait changer ce prêtre de paroisse et lui a interdittout contact avec moi. Je ne peux plus le voir ni lui parler. Je n’oublieraijamais ce jour où il m’a dit « mais où étais-tu le jour où j’ai été ordonné ? »Je n’étais pas loin. Je l’ai connu deux mois après son ordination … Jamaisje n’oublierai ces années passées à ses côtés, les SMS envoyés, les ré-veils et la tendresse des matins, les appels téléphoniques chaque soir …Voilà six mois qu’il est parti, six mois que je ne vis plu. Je veux avoir ledroit de l’aimer, le droit de le voir sans me cacher … Comment peut-ondemander à des hommes de choisir entre une vie de prêtre et celle d’unhomme marié avec des enfants ? C’est inhumain … En interdisant ces re-lations, l’Eglise détruit des vies, celle de ces hommes et de ces femmes.Jevoulais avant tout vous remercier de tout ce que vous faites pour cesfemmes qui souffrent . Votre site m’a permis de me rendre compte que jen’étais pas seule ».

« Cela a été très dur pour moi de vivre la clandestinité quand j’ai comprisque ce n’était pas susceptible d’évoluer. C’est alors difficile de ne pas res-sentir de culpabilité et d’injustice, dans une situation où je me contentaisde rendre un homme heureux, et de tâcher d’être heureuse moi-même.Cela n’est pas répréhensible à priori. Voici l’essentiel du message à fairepasser à ces femmes : « Ne vous sentez pas coupables. Le problème nevient pas de vous, mais du concile de Trente qui a étendu aux prêtres uneexigence qui ne concernait que les moines. Laissez toutes ces embrouilleset ces contradictions à ceux qui ne peuvent pas faire des choix. Quant àvous, faites des choix pour être bien dans vos vies ».

COURRIERDESLECTEURS

« Je viens vous remercier, toi etJean, pour la rencontre du 1er juinà Paris. Il s’est exprimé tellementde souffrance, que je me suis de-mandé pourquoi j’étais venue ! Nosdifficultés échangées m’ont paru in-surmontables, et surtout à la limitedu supportable. Pourquoi avais-jefait tous ces kilomètres pour devoirabsorber toute cette douleur enplus de la mienne ? Mais l’an der-nier c’était pareil. J’espère que cestémoignages auront conforté les re-ligieux présents dans leur choix devie pour aimer et rendre heureusesleurs compagnes. Heureusementque ces trois couples étaient làpour nous donner une note d’opti-misme ! Sachez que la qualité desamitiés qui se nouent là sont trèsfortes. C’est un enseignement àl’écoute, à la compréhension et à latolérance que vous tissez, toi, Jean,Gabriella ... par votre présence at-tentive. Je ne sais comment vousremercier et je me demande biend’où vous vient cette force et cetteénergie inépuisable pour être pré-sents à chaque situation et surtoutà autant de souffrance : l’amourpeut-être ??? »

Valérie LT

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A deux pas du Panthéon de Rome, la« boutique du tailleur ecclésiastiqueGammarelli » comme l’indique son en-seigne, joue sur son élégance dis-crète. Hormis Pie XII qui préféra s’enremettre à son couturier personnel,cette auguste maison, fondée en1798, est depuis plus d’un siècle leprestataire officiel du souverain pontifele jour de son élection. Lors de sa pre-mière apparition le 13 mars à la fenê-tre du Vatican, le pape François étaitdonc habillé de pied en cap par Gam-marelli où trois frères héritiers poursui-vent l’œuvre du fondateur. Il portaitune longue soutane de laine ivoire,ceinturée de soie (pourvue de trente-trois boutonnières faites main dot lenombre évoque l’âge du Christ à samort), et était coiffé d’une simple ca-lotte de soie blanche aux reflets mor-dorés. A la boutique, on a pourtantlaissé percer quelque déception. LeSaint-Père, en effet, avait refusé d’en-dosser la « mosette », courte cape develours rouge bordée d’hermine pré-parée pour l’événement. « Nous avonscousu cette mosette avec tant de

soin » soupire-t-on chez Gammarelli.

Dès le 4 mars, les Romains avaient puadmirer le trousseau papal en vitrine,en compagnie de trois robes prépa-rées pour la cérémonie. Tailles small,médium et large, car on ignorait en-core l’identité du futur élu du conclave.Trônaient également en devanture desmocassins rouges en peau de kangou-rou dont Gammarelli avait dû fabriquerplusieurs paires, du 36 au 46. Ce quidéclencha un mouvement de protes-tation d’une association pour la dé-fense de la faune, venue manifesterdevant le magasin pour appeler lefutur Saint-Père à « ne pas porter surlui la souffrance des animaux ».Via Santa Chiara, haut lieu de l’élé-gance sacerdotale, ils sont deux outrois sur une dizaine d’établissementsà manier l’aiguille pour leurs Saintetés,cardinaux, archevêques, évêques,mais aussi simples prêtres et sémina-ristes. Ces dernières semaines aurontété agitées. La maison Gammarelli n’aeu que dix jours avant l’entrée des car-dinaux à la chapelle Sixtine pour pré-parer le trousseau du grand jour. Dansce magasin aux larges rayonnages debois à l’ancienne, rouleaux de brocart

et accessoires d’or, équipé d’un atelierde couture au deuxième étage, lesprélats viennent faire prendre leursmesures au début de leur carrière. Ony trouve aussi les plus belles chaus-settes en fil d’Ecosse de la capitale.De quoi séduire plus d’un mécréant.Devenu pape, l’évêque de BuenosAires Jorge Mario Bergoglio, quin’avait jamais franchi la porte de laboutique, a dû revêtir une robe prépa-rée en taille « large » qui s’avéra unpeu courte comme cela s’est vu. Dé-laissant les fastes de la via SantaChiara, François a d’ores et déjà faitpart de son intention de réaliser deséconomies. Il fera retailler au Vaticanses tenues d’archevêque et comptes’obstiner à porter ses habituels mo-cassins noirs un peu défraîchis. Unerupture par rapport à Benoît XVIclassé en 2008 « l’homme le plus élé-gant au monde » par la revue Esquire.Le silence chez les tailleurs du triangledu chic catholique romain reste unerègle presque aussi stricte que celle dusecret des délibérations du conclave.Pas question de répondre aux curieux,encore moins si l’on évoque la ques-tion du coût du trousseau. Mais toutfinit par transpirer. Lorsqu’il devientévêque, un prélat doit débourser enmoyenne 2500 euros. (six mois de sa-laire pour un prêtre de base à la re-traite !) Pour un pape soucieux deperfection des pieds à la tête, optantpar exemple pour une canne incrustéede pierreries, l’addition peut dépasserlargement les 50 000 euros.

Danielle RouardLe magazine du MONDE

La « boutique du tailleur ecclésiastique Gammarelli » - photo DR

L A G A R D E - R O B ETOU T HONNEUR !

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