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Article original Plaidoyer pour un abord externe par cervicotomie du diverticule de Zenker : à propos de 73 cas Plea in favour of external approach of Zenker’s diverticulum: 73 cases reported J. Jougon *, L. Le Taillandier-de-Gabory, F. Raux, F. Delcambre, T. Mac Bride, J.F. Velly Service de chirurgie thoracique et des maladies de l’oesophage (Pr Velly), hôpital du Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, avenue de Magellan, 33604 Pessac cedex, France Reçu le 13 mai 2002 ; accepté le 5 décembre 2002 Résumé Introduction. – Le traitement des diverticules de Zenker peut être chirurgical ou endoscopique. L’objectif de ce travail était d’évaluer les résultats du traitement chirurgical par cervicotomie et diverticulectomie. Patients et méthodes. – Nous avons étudié rétrospectivement les dossiers de 73 patients (50 hommes et 23 femmes ; âge moyen, 69 ans ; extrêmes : 43–98) opérés consécutivement pour diverticule de Zenker entre 1987 et 2000. La technique opératoire était une diverticulectomie associée à une myotomie large avec calibrage oesophagien. Les résultats immédiats et à distance ont été analysés et comparés à ceux publiés de séries de patients traités endoscopiquement par oesophagodiverticulostomie par agrafage mécanique. Résultats. – Les manifestations cliniques étaient une dysphagie (97 %), des régurgitations (76 %), des fausses routes (45 %), un amaigrissement (28 %), des pneumopathies (21 %), ou une mauvaise haleine (3 %). Il n’y a pas eu de décès postopératoire et le taux de morbidité a été de 4 % (3 patients). La durée moyenne de reprise de l’alimentation orale et d’hospitalisation ont été respectivement de 6 et 8 j. Lors de l’évaluation à distance de l’intervention (recul moyen, 6 ans ; extrêmes, 3 mois–13 ans), 72 (99 %) patients étaient satisfaits de l’opération et 1 patient se disait amélioré partiellement. L’analyse des résultats publiés de séries endoscopiques révélait une durée d’hospitalisation plus courte mais des résultats à long terme moins stables. Conclusions. – La morbidité immédiate du traitement chirurgical du diverticule de Zenker est faible. Les résultats fonctionnels à long terme pourraient être meilleurs après diverticulectomie et myotomie chirurgicales qu’après traitement endoscopique. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction. – Zenker’s diverticulum can be treated surgically or endoscopically. The aim of this study was to assess results of surgical approach with cervicotomy and diverticulectomy. Patients and methods. – We retrospectively studied the data of 73 patients (50 men and 23 women ; mean age, 69 ans; extrêmes: 43–98) consecutively operated on for a Zenker’s diverticulum between 1987 and 2000. Surgical procedure included diverticulectomy associated with a large myotomy and oesophageal calibration. Both early and long-term results were compared with those of published series of patients treated by stapled esophagodiverticulostomy. Results. – Clinical manifestations were: dysphagia (97%), regurgitations (76%), aspirations (45%), weight loss (28%), lung infection (21%), or halitosis (3%). No patient died postoperatively. The early morbidity rate was 4% (3 patients). The mean delay for return of oral feeding and the mean length of hospital stay were respectively 6 and 8 days. At follow-up (mean follow-up, 6 years; extremes: 3 months–13 years), 72 patients (99%) were satisfied and 1 patient felt partially improved. Analysis of published results of series of endoscopic treatment revealed shorter lengths of hospital stay but less favourable long-term results. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Jougon). Annales de chirurgie 128 (2003) 167–172 www.elsevier.com/locate/annchi © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 10.1016/S0003-3944(03)00051-8

Plaidoyer pour un abord externe par cervicotomie du diverticule de Zenker : à propos de 73 cas

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Plaidoyer pour un abord externe par cervicotomie du diverticulede Zenker : à propos de 73 cas

Plea in favour of external approach of Zenker’s diverticulum:73 cases reported

J. Jougon *, L. Le Taillandier-de-Gabory, F. Raux, F. Delcambre, T. Mac Bride, J.F. Velly

Service de chirurgie thoracique et des maladies de l’œsophage (Pr Velly), hôpital du Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux,avenue de Magellan, 33604 Pessac cedex, France

Reçu le 13 mai 2002 ; accepté le 5 décembre 2002

Résumé

Introduction. – Le traitement des diverticules de Zenker peut être chirurgical ou endoscopique. L’objectif de ce travail était d’évaluer lesrésultats du traitement chirurgical par cervicotomie et diverticulectomie.

Patients et méthodes. – Nous avons étudié rétrospectivement les dossiers de 73 patients (50 hommes et 23 femmes ; âge moyen, 69 ans ;extrêmes : 43–98) opérés consécutivement pour diverticule de Zenker entre 1987 et 2000. La technique opératoire était une diverticulectomieassociée à une myotomie large avec calibrage œsophagien. Les résultats immédiats et à distance ont été analysés et comparés à ceux publiésde séries de patients traités endoscopiquement par œsophagodiverticulostomie par agrafage mécanique.

Résultats. – Les manifestations cliniques étaient une dysphagie (97 %), des régurgitations (76 %), des fausses routes (45 %), unamaigrissement (28 %), des pneumopathies (21 %), ou une mauvaise haleine (3 %). Il n’y a pas eu de décès postopératoire et le taux demorbidité a été de 4 % (3 patients). La durée moyenne de reprise de l’alimentation orale et d’hospitalisation ont été respectivement de 6 et 8 j.Lors de l’évaluation à distance de l’intervention (recul moyen, 6 ans ; extrêmes, 3 mois–13 ans), 72 (99 %) patients étaient satisfaits del’opération et 1 patient se disait amélioré partiellement. L’analyse des résultats publiés de séries endoscopiques révélait une duréed’hospitalisation plus courte mais des résultats à long terme moins stables.

Conclusions. – La morbidité immédiate du traitement chirurgical du diverticule de Zenker est faible. Les résultats fonctionnels à longterme pourraient être meilleurs après diverticulectomie et myotomie chirurgicales qu’après traitement endoscopique.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Introduction. – Zenker’s diverticulum can be treated surgically or endoscopically. The aim of this study was to assess results of surgicalapproach with cervicotomy and diverticulectomy.

Patients and methods. – We retrospectively studied the data of 73 patients (50 men and 23 women ; mean age, 69 ans; extrêmes: 43–98)consecutively operated on for a Zenker’s diverticulum between 1987 and 2000. Surgical procedure included diverticulectomy associated witha large myotomy and œsophageal calibration. Both early and long-term results were compared with those of published series of patients treatedby stapled esophagodiverticulostomy.

Results. – Clinical manifestations were: dysphagia (97%), regurgitations (76%), aspirations (45%), weight loss (28%), lung infection(21%), or halitosis (3%). No patient died postoperatively. The early morbidity rate was 4% (3 patients). The mean delay for return of oralfeeding and the mean length of hospital stay were respectively 6 and 8 days. At follow-up (mean follow-up, 6 years; extremes: 3months–13 years), 72 patients (99%) were satisfied and 1 patient felt partially improved. Analysis of published results of series of endoscopictreatment revealed shorter lengths of hospital stay but less favourable long-term results.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (J. Jougon).

Annales de chirurgie 128 (2003) 167–172

www.elsevier.com/locate/annchi

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.DOI: 10.1016/S0003-3944(03)00051-8

Conclusions. – Early morbidity of surgical treatment of Zenker’s diverticulum is low. Long term functional results could be better aftersurgical diverticulectomy with myotomy than after endoscopic stapled esophagodiverticulostomy.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Diverticule pharyngo-œsophagien ; Diverticule de Zenker ; Dysphagie ; Diverticulectomie ; Myotomie

Keywords: Pharyngo-œsophageal diverticulum; Zenker’s diverticulum; Dysphagia; Diverticulectomy; Myotomy

1. Introduction

Le nom de Zenker est universellement associé au diverti-cule pharyngo-œsophagien bien que la première publicationen ait été faite par Ludlow [1] en 1764. S’ il est admis que lediverticule pharyngo-œsophagien est la conséquence d’unspasme du muscle cricopharyngien, la cause exacte de cespasme est encore inconnue [2]. Ainsi, la myotomie du mus-cle cricopharyngien constitue le principe essentiel du traite-ment du diverticule pharyngo-œsophagien de Zenker [3].Cette myotomie peut être réalisée par abord chirurgical ex-terne, par cervicotomie, ou par voie endoscopique [2–7].

L’abord par cervicotomie est la technique de référence etcomprend habituellement une diverticulectomie [2]. Le trai-tement endoscopique, connu depuis plus de 40 ans, consisteen la réalisation d’une diverticulo-œsophagostosmie [7]. Cetraitement endoscopique s’est récemment enrichi avec l’ap-parition de la diverticulo-œsophagostomie par agrafage mé-canique, qui est présentée comme étant de réalisation plusaisée, nécessitant une durée d’hospitalisation plus courte, etplus adaptée aux patients à haut risque [4,5].

Le but de cet article a étéde présenter notre expérience dutraitement chirurgical par cervicotomie et de comparer nosrésultats à ceux des séries endoscopiques récentes.

2. Patients et méthodes

Nous avons étudiérétrospectivement tous les patients trai-tés consécutivement dans notre service pour diverticule deZenker entre janvier 1987 et décembre 2000. Tous les pa-tients hospitalisés ou vus en consultation pour cette patholo-gie ont étéinclus dans l’étude. Le diagnostic de diverticule deZenker était systématiquement établi par une œsophagogra-phie.

2.1. Bilan préopératoire

L’ indication chirurgicale était retenue en cas de complica-tions du diverticule ou, en cas de dysphagie isolée, lorsque lediagnostic de spasme du sphincter supérieur de l’œsophageétait confirmé sans tenir compte de la taille du diverticule.Une manométrie œsophagienne n’était demandée qu’en pré-sence de signes cliniques faisant évoquer une autre maladiemotrice œsophagienne associée. Il était également recherchéun reflux gastro-œsophagien, en fonction de la symptomato-logie clinique, par l’œsophagoscopie préopératoire ou par

pHmétrie. Si un geste chirurgical à visée antireflux étaitindiqué, celui-ci n’était jamais effectué dans le même tempsopératoire que le traitement du diverticule de Zenker.

2.2. Technique opératoire

Pour éviter l’ inhalation bronchique du contenu diverticu-laire, l’ induction anesthésique et l’ intubation trachéaleétaient effectuées avec le patient en position semi-assise. Uneœsophagoscopie au tube rigide était ensuite effectuée. Ellepermettait d’aspirer les débris alimentaires dans le diverti-cule et de laver celui-ci au sérum physiologique. L’œsophageétait ensuite cathétérisé et exploré. Avant le retrait de l’œso-phagoscope, une sonde gastrique était poussée jusqu’à l’es-tomac à travers la lumière de l’endoscope rigide. Après leretrait de l’endoscope, la sonde gastrique dont l’extrémitéétait positionnée dans l’estomac servait de guide pour enfon-cer délicatement dans la lumière œsophagienne une sonded’ intubation trachéale de calibre no 7. Cette sonde trachéalepositionnée dans l’œsophage permettait de calibrer la lu-mière œsophagienne de manière à éviter la création malen-contreuse d’une sténose œsophagienne lors de la résection dudiverticule àson collet. L’opération était ensuite menée selonune technique déjà décrite [3] par une cervicotomie obliquegauche. La myotomie œsophagienne était débutée du colletdiverticulaire et prolongée sur au moins 5 cm sur l’œsophagecervical vers l’orifice supérieur du thorax, puis également3 cm environ en amont vers le pharynx. La résection dudiverticule était réalisée après suture du collet à la pince àsuture mécanique renforcée par quelques points séparés de filrésorbable. La suture muqueuse œsophagienne était laisséesans recouvrement. Un drain aspiratif de redon était posi-tionné en arrière de l’œsophage devant l’aponévrose préver-tébrale et l’abord cervical était refermé en 2 plans. La sonded’ intubation qui avait servi de mandrin dilatateur dans lalumière œsophagienne était retirée du côté anesthésique,alors que la sonde gastrique était laissée en place après avoirpassépar l’une des fosses nasales. Elle permettait de débuterune alimentation entérale dès le lendemain si besoin. Lareprise alimentaire était autorisée au cinquième jour postopé-ratoire après un contrôle œsophagographique aux hydrosolu-bles. Une antibiothérapie pendant au moins 6 jours avait étéutilisée de 1987 à 1994. Depuis 1994, celle-ci a été rempla-cée par une antibioprophylaxie (une injection unique de 2 gde céfoxitine à l’ induction anesthésique).

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2.3. Suivi

Tout événement survenu durant la période postopératoireet responsable d’une prolongation de l’hospitalisation a étéconsidéré comme une complication. Les patients étaient re-vus systématiquement autour du troisième mois postopéra-toire et plus tard si besoin. Lors de cette consultation, uneœsophagographie était systématiquement effectuée. À ladate de point, soit en décembre 2001, des nouvelles ont étéobtenues pour tous les patients soit par contact téléphoniquedirect soit par l’ intermédiaire de leurs médecins traitants. Ilétait demandé notamment une appréciation de l’évolutiondes symptômes antérieurs à l’ intervention ou si de nouveauxsymptômes étaient apparus. Tenant compte du résultat symp-tomatique et du contrôle œsophagographique réaliséau troi-sième mois, les patients ont été classés en :

• résultat satisfaisant (aucune symptomatologie œsopha-gienne persistante et œsophagographie normale) ;

• amélioration (persistance de quelques gènes à la déglu-tition et/ou œsophagographie anormale) ;

• ou échec (aucune amélioration voire aggravation).Tous les éléments concernant les antécédents, la sympto-

matologie clinique, les aspects radiologiques, endoscopiqueset manométriques, le traitement et les suites ont étérelevés etcodés pour analyse.

Les critères d’évaluation tels que le taux de complicationspéri-opératoire, la date de reprise de l’alimentation per os, ladurée d’hospitalisation, et le résultat fonctionnel àlong termedes patients ont été comparés aux résultats des principalesséries de traitement endoscopique récemment publiées.

3. Résultats

De 1987 à2000, tous les patients pour lesquels le diagnos-tic de diverticule de Zenker avait été porté, ont été ainsiopérés. Aucune contre-indication à l’anesthésie générale n’aété retenue, eu égard à la gène fonctionnelle et aux compli-cations vitales potentielles du diverticule non traité. Aucunpatient n’a étéexclu de l’étude. Les patients ont été tous vusau préalable en consultation externe à l’exception de 6 pa-tients d’emblée hospitalisés soit pour altération de l’étatgénéral soit dysphagie sévère voir aphagie.

Il s’agissait de 73 patients (50 hommes et 23 femmes ; âgemoyen, 69 ans ; extrêmes : 43–98). Les manifestations clini-ques étaient une dysphagie dans 69 cas (97 %), des régurgi-tations dans 54 cas (76 %), des fausses routes dans 31 cas(45 %), un amaigrissement dans 20 cas (28 %), des infectionsrespiratoires dans 15 cas (21 %), ou une mauvaise haleinedans 2 cas (3 %). Le diverticule était de petite taille (moins de2 cm) dans 4 (5,5 %) cas, de taille moyenne dans 31 cas etlarge dans 38 cas. Des signes cliniques ou endoscopiquesd’un reflux gastro-œsophagien étaient retrouvés dans 11 cas(15 %). Une manométrie œsophagienne a étéréalisée dans uncas de suspicion d’une autre maladie motrice ; celle-ci n’apas montréd’anomalie motrice en dehors de la région crico-pharyngienne. L’œsophagoscopie et l’œsophagographie ont

mis en évidence une œsophagite peptique dans 3 cas, unendobrachy-œsophage dans un cas, une hernie hiatale dansun cas, et étaient normales dans tous les autres cas. Unecomorbidité (hypertension artérielle, diabète, hypercholesté-rolémie, coronaropathie) était présente chez 37 (51 %) pa-tients.

Une myotomie œsophagienne a été réalisée dans tous lescas, associée àune diverticulectomie dans 69 cas. Les diver-ticules de petite taille (4 cas) n’ont pas été réséqués. Lessuites opératoires ont été simples pour tous les patients saufdans 3 cas.

La morbidité était constituée de 2 infections du site opé-ratoire sans fistule traitées médicalement, et une fistule œso-phagienne ayant nécessité une reprise chirurgicale au cin-quième jour postopératoire. Chez ces 3 patients, les suitesultérieures ont étéfavorables sans séquelles. Pour l’ensemblede la série, le délai moyen de reprise de l’alimentation per oset la durée moyenne d’hospitalisation ont été respectivementde 6 et 8 jours. L’examen anatomopathologique systématiquedes diverticules réséqués n’a retrouvé que des aspects in-flammatoires bénins. Tous les patients ont étévus en consul-tation au troisième mois postopératoire. Cinquante-deux pa-tients ont été évalués à la date de point. Le suivi moyen a étéde 6 ans (extrêmes : 3 mois–13 ans). L’appréciation durésultat à long terme est représentée par le Tableau 1. Lepatient qui se sentait amélioré ne désirait cependant pas denouveau traitement.

Les résultats des principales séries de la littérature sontprésentés dans le Tableau 2. Les durées moyennes de reprisealimentaire et d’hospitalisation rapportées dans les sériesendoscopiques étaient plus courtes que notre série : respecti-vement 0,8 et 4,9 j dans la série de 36 patients rapportée parScher et Richtsmeier [4], 3 et 4 j dans la série de 31 patientsde Counter et al. [5], et enfin 1 et 3 j dans la série de95 patients de Peracchia et al. [10].

4. Discussion

Pendant la période étudiée, aucun patient adressé pourdiverticule de Zenker n’a étérécusépour des raisons anesthé-siques. Nous avons observé 4 % de complications péri-opératoires et 99 % des patients étaient satisfaits de l’ inter-vention. Toutefois, notre série se caractérise également parune durée moyenne de reprise de l’alimentation per os etd’hospitalisation respectivement de 6 et 8 jours.

Le bon résultat à distance que nous avons observé nousconforte dans notre choix de l’abord par cervicotomie.

Tableau 1Résultats immédiats et fonctionnels

Patients (n total = 73) Nbre (%)Complications postopératoires 3 (4)Résultat fonctionnel

• satisfaisant 72 (99)• amélioration 1(1)• échec 0

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Celui-ci initialement rapportépar Harrison en 1958 [6] resteun traitement bien validé. L’abord endoscopique, initiale-ment décrit en 1917 par Mosher, fut réintroduit en 1960 sousl’ impulsion de Dohlman et Mattsson [7] puis popularisé parles chirurgiens otorhinolaryngologistes [8]. La technique en-doscopique consiste à sectionner le pont musculomuqueuxentre la lumière œsophagienne et la cavité diverticulairepuisque une partie de la sangle musculaire cricopharyn-gienne se trouve dans cette « pseudomembrane ». Cettesection était effectuée endoscopiquement par laser CO2 oupar cautérisation. Le risque de complications infectieusesmédiastinales a probablement limité la diffusion du traite-ment endoscopique au profit de l’abord chirurgical externe.En 1990, certains auteurs [5–9] ont eu l’ idée d’utiliser lesnouvelles pinces à suture mécanique, miniaturisées et adap-tées pour la chirurgie vidéo-assistée : la section du pontmusculomuqueux était effectuée, par voie endoscopique, à lapince àsuture mécanique réalisant ainsi une œsophagodiver-ticulostomie dont les berges étaient suturées par agrafage. Lasûreté de cette approche était liée à la fiabilité de ce nouvelinstrument. Depuis, cette technique endoscopique a été dif-fusée et de nouvelles séries de traitement endoscopiques ontété ainsi publiées insistant sur la simplicité des suites opéra-toires avec dans certaines d’entre elles une reprise de l’ali-mentation per os le lendemain de l’ intervention [4,5,9–13].

Le mécanisme physiopathologique exact du diverticule deZenker est encore mal connu [14,15]. Cela est en partie dû àla difficulté des explorations physiologiques de la boucheœsophagienne. Pour Kelly [16], la mesure du tonus sphinc-térien au repos ne constitue pas toujours une évaluation fiablede l’activité du sphincter supérieur de l’œsophage. C’estl’une des raisons pour lesquelles nous n’effectuons pas sys-

tématiquement de manométrie œsophagienne dans le bilanpréopératoire, considérant que la mesure de la tonicitésphinctérienne doit être idéalement effectuée au moment dela déglutition, ce qui est techniquement difficilement réalisa-ble à cause de la mobilisation de la sonde. Il semble quel’anomalie ne se limite pas seulement au muscle cricopha-ryngien. En effet, Migliori et al. [14] ont constaté unecontraction du sphincter supérieur de l’œsophage de durée etd’amplitude augmentées chez 14 patients ; dans ce travail,l’examen manométrique a également retrouvéune amplitudemajorée des contractions au niveau du tiers supérieur del’œsophage, dans la région sous-sphinctérienne [14]. Ceséléments suggèrent que la myotomie œsophagienne ne doitpas se limiter au seul muscle cricopharyngien, mais doitidéalement être étendue 1 cm en amont et au moins 4 cm enaval de celui-ci.

L’étendue de la myotomie est différente selon que l’ inter-vention est réalisée par voie endoscopique ou par abordexterne. Lors de l’abord externe, la myotomie est étendue enamont et également en aval autour du diverticule ce qui estconcordant avec la stabilité à long terme des résultats quenous rapportons, comme ceux d’autres séries plus importan-tes [17,18]. Par l’abord endoscopique, seule la sangle mus-culaire pincée entre le diverticule et la lumière œsophagienneest sectionnée. En outre, malgré les modifications apportéespar Collard et al. [9], la section est arrêtée quelques millimè-tres au-dessus de l’extrémitéde l’agrafage mécanique. C’estégalement pour cette raison que l’abord endoscopique estcontre-indiquée pour les petits diverticules du fait de l’ im-possibilité d’enfoncer suffisamment les mords de la pince àsuture mécanique [4]. La désunion secondaire de la ligned’agrafes, complication déjà rapportée [19,20], pourrait

Tableau 2Techniques et taux de complications des principales séries publiées

Séries Nbre depatients

Technique Complications Taux deMorbidité (%)

Scher et Richtsmeier(1995–1997)

36 Diverticulostomie endoscopique par agrafage 1 perforation pharyngée avecpneumomédiastin1 paralysie récurrentielle transitoire1 infection urinaire basse2 traumatismes dentaires

13

Peracchia (1992–1996) 95 Diverticulostomie endoscopique par agrafage 3 conversions en cervicotomie 0Gehanno et al.(1979–1998)

59 Diverticulotomie endoscopique :ciseaux/laser CO2

2 pics fébriles spontanément résolutifs1 médiastinite

5

Crescenzo et al.(1976–1996)

75 Cervicotomie :70 diverticulectomies5 diverticulopexies ± myotomie

4 fistules pharyngocutanées1 infection sur cicatrice1 infection respiratoire basse

8

Payne (1944–1978) 888 Cervicotomie :Myotomie + diverticulectomie

16 fistules26 infections sur cicatrices32 paralysies récurrentielles10 décès

9

Leporrier et al.(1988–1998)

39 Cervicotomie :19 diverticulectomies + myotomies19 diverticulopexies + myotomies1 diverticulectomie sans myotomie

1 pneumopathie1 fistule traitée médicalement3 paralysies récurrentielles1 hématome compressif1 luxation arythénoïdienne

18

Présente série(1987–2000)

73 Cervicotomie :69 diverticulectomies + myotomies4 myotomies isolées

2 abcès sous-cutanés1 fistule œsophagienne

4

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s’expliquer par une poussée du bol alimentaire sur une lu-mière œsophagienne encore spasmée ce qui suggère que lasangle musculaire responsable de la dysphagie est plus étaléeet ne se limite pas aux fibres musculaires situées entre lediverticule et l’œsophage. Ceci pourrait également expliquerles moins bons résultats fonctionnels à distance après traite-ment endoscopique. C’est ainsi qu’une série endoscopique arapportéun taux de récidive de la dysphagie de 22 %, néces-sitant une nouvelle intervention chez 19 % (6 patients) des22 patients [5]. Dans la série de Peracchia et al., il y a eu5 échecs symptomatiques sur 95 patients opérés (5 %), ayantnécessité4 réinterventions endoscopiques et une par cervico-tomie [10]. Un autre inconvénient du traitement endoscopi-que est représentépar la difficultéde l’exposition du diverti-cule par le diverticuloscope en cas de rétrognatie et desfractures dentaires ont été rapportées dans cette circons-tance [4].

Le traitement chirurgical permet de réaliser systématique-ment une diverticulectomie, que nous préférons à la diverti-culopexie [21]. La diverticulectomie permet une étude histo-logique de la poche diverticulaire et supprime le rare maisréel risque de cancérisation du diverticule [22]. Quel que soitl’abord, les risques de l’anesthésie générale sont identiques.Nous ne sommes pas favorables à la réalisation d’une anes-thésie locale, considérons que notre technique nous permetd’effectuer au préalable une vidange et un lavage du diverti-cule en toute sécuritépour prévenir l’ inhalation trachéobron-chique et l’ infection du site opératoire. En outre, le calibrageœsophagien nous paraît être une sécurité pour éviter unesténose secondaire. On peut reprocher à la cervicotomie delaisser une cicatrice cutanée. Celle-ci est oblique et latérale,restant peu visible surtout dans la population plutôt âgéeatteinte de cette affection. Cette incision laisse en revanche,une hypo-esthésie en avant de la berge antérieure de lacicatrice en raison de la section du rameau cervical transversedu plexus cervical superficiel.

La principale réserve qui peut être formulée au vu desrésultats de notre série est une durée d’hospitalisationmoyenne de 8 j, bien supérieure à celle rapportée par lesséries endoscopiques récentes. D’ailleurs, une étude compa-rative du coût direct [13] était en faveur de l’abord endosco-pique mais cette étude ne tient pas compte des possiblesrécidives. Le résultat que nous avons observé est principale-ment liéau caractère tardif de la reprise de l’alimentation peros que nous autorisons au cinquième jour postopératoire. Ilest probablement possible de raccourcir l’hospitalisation de48 h en autorisant la reprise alimentaire au troisième jouraprès contrôle œsophagographique. En effet, l’étanchéité dela suture, faite à la pince à suture mécanique, est théorique-ment identique qu’elle soit faite par voie endoscopique ouexterne. Notre taux de complications de 4 % est comparableàceux rapportés par d’autres séries historiques. La morbiditéétait ainsi de 8 % dans la série de 75 patients de Crescenzo etal. [17] et de 9,5 % dans la série de 888 patients de Payne etal. [18]. Ces séries ont également rapporté des résultatssatisfaisants à long terme. Un de nos patients n’était pas

entièrement satisfait du résultat de l’ intervention et n’a pro-bablement pas eu une myotomie complète. Nous n’avonsobservé aucun cas de paralysie récurrentielle symptomati-que, complication classique et spécifique à la voie d’abordexterne.

En conclusion, l’abord externe par cervicotomie sousanesthésie générale permet de réaliser un traitement chirur-gical chez tous les patients ayant un diverticule de Zenkersymptomatique, quels que soient leur âge et leur comorbiditééventuelle. Cet abord est associé àune faible morbidité. Lamyotomie étendue de part et d’autre de la jonction pharyngo-œsophagienne permet, avec la diverticulectomie qui n’estimpossible qu’en cas de diverticule de moins de 2 cm, d’ob-tenir un excellent résultat à long terme. La réduction desdurées de reprise de l’alimentation per os et d’hospitalisationdevrait améliorer encore les résultas de cette technique, celanous paraît possible, sans risques supplémentaires pour lepatient.

Références

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