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Commentaire biblique sur les épîtres de Paul Première lettre aux CORINTHIENS Henry Bryant

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Commentaire biblique

sur

les épîtres de Paul

Premièrelettre auxCORINTHIENSHenry Bryant

Commentaire sur la première épître aux Corinthiens

© 2006 Henry Bryant

© 2006 Éditions Clé

2, impasse Morel 69003 Lyon, France

www.editionscle.com

Tous droits réservés. Reproduction interdite.

Sauf mention contraire, les textes bibliques sont extraits de la Bible Nouvelle Édition Genève 1979

L’auteur a parfois légèrement modernisé le texte.

© Société Biblique de Genève

La traduction des citations des ouvrages étrangers (en langue anglaise) est de l’auteur.

Couverture :

Mise en page :

ISBN : 978-2-906090-47-7

Impression : IMEAF, F – 26160 La Bégude de Mazenc

Dépôt légal :

Liste des abréviations utilisées :

Genèse GnExode ExLévitiqueLvNombre NbDeutéronome DtJosué JosJuges JgRuth Rt1 Samuel1S2 Samuel2S1 Roi 1R2 Roi 2R1 Chroniques 1Ch2 Chroniques 2ChEsdras EsdNéhémie NéEsther EstJob JbPsaumesPsProverbes PrEcclésiaste EcCantique des cantiques

CtEsaïe EsJérémie JrLamentationLmEzéchiel EzDaniel DnOsée OsJoël JlAmos AmAbdias AbJonas JonMichée Mi

Nahum NaHabakuk HaSophonieSoAggée AgZacharie ZaMalachie Ml

Matthieu MtMarc McLuc LcJean JnActes AcRomains Rm1 Corinthiens 1Co2 Corinthiens 2CoGalates GaÉphésiens EpPhilippiens PhColossiens Col1 Thessaloniciens 1Th2 Thessaloniciens 2Th1 Timothée 1Tm2 Timothée 2TmTite TtPhilémon PhmHébreux HéJacques Jc1 Pierre 1P2 Pierre 2P1 Jean 1Jn2 Jean 2Jn3 Jean 3JnJude JudeApocalypse Ap

Exemple : 1Co 2.3 signifie : première épître aux Corinthiens chapitre 2 verset 3.

Autres abréviations

LSG : version Louis Segond 1910

LXX : Traduction dite des Septantes

NEG : Nouvelle Édition de Genève

TOB : Traduction Oecuménique de la Bible

AVANT-PROPOS

D’après le dicton bien connu, les malheurs des uns font le bonheur des autres. L’Église que Paul avait fondée à Corinthe semble avoir été une grande source de soucis pour l’apôtre, au point même où il lui reproche à ses membres de se réunir « non pour devenir meilleurs, mais pour devenir pires » (1Co 11.17). Toutefois, c’est grâce à ces difficultés que le lecteur de cette lettre a le bonheur de pouvoir connaître la pensée de Dieu touchant de nombreux problèmes auxquels il est confronté dans l’Église aujourd’hui. Car la société du XXIe siècle ressemble en beaucoup de points à celle des Corinthiens. Les problèmes que Paul traite dans sa lettre – les divisions, l’immoralité, l’orgueil, le désordre dans les réunions – apparaissent malheureusement avec une trop grande fréquencefréquemment dans les Églises de notre époque. D’où l’actualité de cette lettre.

Par contre, peu de textes bibliques ont occasionné autant de controverses que cette épître. Des chrétiens sincères et avertis comprennent d’une manière très différente les conseils de Paul concernant le rôle et la tenue de la femme dans l’Église (11.3-16), la nature de la prophétie et des langues (12-14) et le sens du « baptême pour les morts » (15.29), pour ne mentionner que quelques textes. Alors, il convient de vous dire que je n’ai nullement la prétention d’apporter la seule bonne explication à des passages difficiles. Je reconnais volontiers que les interprétations que je présente ici sont loin de faire l’unanimité. Ce livre n’est qu’un commentaire : un ensemble de remarques et d’observations faillibles faitfaites à propos du texte biblique, qui lui est la révélation infaillible de Dieu. Chaque chrétien a le privilège et la responsabilité de connaître et de mettre en pratique toute la Parole de Dieu, dont cette lettre aux Corinthiens fait partie.

Je présente ce commentaire dans l’espoir qu’il pourrait pourra vous aider dans deux aspects importants de votre étude : 1) mieux cerner la pensée de Paul et de son Maître et 2) suggérer comment appliquer ces paroles s’appliquent à la vie d’un chrétien et d’une Église

aujourd’hui. Je vous conseille de l’utiliser en second lieu, seulement après avoir examiné vous-même la lettre de Paul. Ainsi, il pourra enrichir votre propre compréhension du texte biblique.

La Bible ordonne de rendre « l’honneur à qui vous devez l’honneur » (Rm 13.7). Alors, je tiens à souligner le rôle très important d’autres commentaires dans la préparation de cette étude. En grande partie, Cce livre est un ensemble provenantprovient de plusieurs sources, qui ne sont pas toujours mentionnées dans les notes pour en simplifier la lecture. Celui qui voudrait approfondir différents sujets trouvera à la fin de ce livre une bibliographie abrégée des ouvrages consultés. En particulier, je voudrais exprimer ma grande reconnaissance à M. Florent Varak pour ses notes et son aide, et à M. Jean Debonneville et à Mireille Ratte pour sonleur travail de correction du manuscrit.

INTRODUCTION

Chaque individu est profondément marqué par le milieu dans lequel il évolue. Pour bien comprendre ce courrier que l’apôtre Paul adresse aux chrétiens de Corinthe, il est essentiel de connaître autant que possible leur contexte historique et social. Cette lettre, qui fait partie de la révélation de Dieu à tout croyant, est premièrementprincipalement un message qui répond aux questions et qui corrige des erreurs d’une Église particulière, dans un environnement précis : celui de la ville de Corinthe en Grèce. Notre devoir consiste à bien saisir ce que Dieu voulait dire aux croyants de Corinthe par l’apôtre, puis à savoir en tirer les parallèles et les applications pour nous aujourd’hui.

La ville de Corinthe

Il est probable que Corinthe était la ville la plus importante de l’Empire romain après Rome et Alexandrie. Située stratégiquement sur l’isthme – la petite ficellelangue de terre qui réunissait la presqu’île du Péloponnèse avec le continent – elle jouait un rôle prépondérant dans tout le commerce et le trafic maritime du bassin méditerranéen. La ville commandait deux ports : celui de Cenchrées à l’est sur la mer Égée, et celui de Léchée à l’ouest sur la mer Adriatique. Les six kilomètres qui les séparaient étaient aménagés avec une piste en bois sur laquelle on transportait les cargaisons et même les vaisseauxbateaux légers, montés sur roulettes. Ces manœuvres permettaient aux transporteurs d’éviter le contournement du Péloponnèse par la mer, voyage long de près de 300 kilomètres, et assez dangereux en hiver.

La ville avait déjà plus de mille ans d’existence à l’époque de Paul, mais pour avoir comploté contre le pouvoir de Rome, elle fut complètement détruite par le consul romain Mummius 146 ans avant notre ère. En 44 av. J.-C., Jules César la reconstruisit et en fit le siège de la province romaine de l’Achaïe, y établissant une colonie de soldats

démobilisés. Grâce à sa situation géographique, elle redevint rapidement grande et prospère.

La ville que l’apôtre Paul visita comptait probablement quelque 800 000 habitants, dont la moitié étaient esclaves et serviteurs. Le grand mélange de races, de cultures et de niveaux sociaux témoignait de son importance commerciale et maritime. Depuis très longtemps elle avait mauvaise réputation. Déjà au IVe siècle av. J.-C., l’écrivain Aristophane utilisait le terme « corinthianiser » pour décrire une vie de débauche, et on disait « fille de Corinthe » pour désigner une prostituée.

La ville contenait aussi énormément de temples ; un écrivain en mentionne vingt-six. Sur l’Acrocorinthe, une falaise de 600 mètres qui dominait la cité, se trouvait un grand temple consacré à Aphrodite, déesse de la sexualité, avec son millier de prostituées, selon l’écrivain Strabo. Corinthe était aussi le site des Jeux isthmiques, compétitions sportives presque aussi importantes que les Jeux olympiques.

Ces détails permettent de mieux comprendre certains aspects de la lettre que nous étudions. Étant donné la multiplicité de races, de cultures, et de niveaux sociaux, il n’est pas étonnant de voir des problèmes d’unité que Paul cherche à corriger (1.10-3.22). L’immoralité que Paul leur reproche a sans doute une origine dans l’environnement de Corinthe (5.1-13 ; 6.9-20). Les différents cultes et religions de la ville posaient des problèmes de conscience que Paul doit clarifier (8.1-13 ; 12.1-3). Puis certainement la philosophie et l’éducation grecques expliquent en partie l’orgueil que Paul dénonce dans les premiers chapitres de sa lettre, et l’incrédulité concernant la résurrection qu’il traite dans le chapitre 15.

Une description de la ville de Corinthe révèle aussi combien il existe de similitudes entre le monde de cette époque et celui de la Francedu monde occidental au XXIe siècle. La nature humaine n’a pas changé. La Corinthe de nos jours ressemblerait peut-être à Marseille ou à tout autre grand centre de transit et de commerce. D’où l’actualité de

cette lettre, qui présente la pensée de notre Dieu sur beaucoup des difficultés auxquelles le chrétien moderne est confronté.

L’Église des Corinthiens

L’Église qui reçoit cette lettre de son fondateur n’a que quelques années d’existence. C’est au cours de son deuxième voyage missionnaire que l’apôtre Paul se rend à Corinthe vers 51-52 de notre ère, après un séjour assez difficile à Athènes. Le récit de sa visite nous est donné par Luc dans les Actes, chapitre 18. De toute évidence seul et manquant de fonds, Paul se joint à deux de ses compatriotes juifs qui sont de son métier, des fabricants de tentes (18.2-3). Ce travail lui permet de vivre, tout en poursuivant son ministère chaque sabbat dans la synagogue de la ville1. Lorsque Silas et Timothée arrivent, apportant une offrande de l’Église de Philippes (2Co 11.8-9 ; Ph 4.15), Paul se donne à plein temps à la proclamation de l’Évangile (Ac 18.5). Ses efforts ont du succès, au point que les Juifs lui opposent une opposition farouche, et Paul se voit obligé de quitter la synagogue pour continuer son ministère chez un certain Justus qui vit à côté de la synagogue. Le chef de la synagogue croit en Jésus et se fait baptiser, ainsi qu’un grand nombre de gens d’origine païenne (18.8 ; 1Co 12.2). Rassuré par une vision du Seigneur, Paul continue à enseigner la Parole de Dieu aux Corinthiens pendant un an et demi (Ac 18.9-11). Vers la fin de son séjour, l’opposition des Juifs prend une tournure plus grave, car ils portent plainte contre lui devant le proconsul de la province, du nom de Gallion2. Le magistrat refuse de considérer la demande des Juifs, et renvoie tout le monde, sans même intervenir quand le chef de la

1 On a découvert un linteau portant l’inscription « Synagogue des Hébreux » au centre de la ville.

2 Une inscription trouvée à Delphes indique que Gallion fut nommé proconsul en l’an 52 de notre ère, ce qui permet de dater avec certitude le passage de Paul à Corinthe. Son tribunal existe toujours dans les ruines de l’agora de la ville. Son jugement dans l’affaire reflète sa réputation d’intégrité, et peut-être aussi un certain antisémitisme de l’époque.

synagogue se fait battre (18.15-17). Par la suite, Paul quitte la ville pour se rendre à Éphèse (18.19).

Les lettres de Paul aux Corinthiens :

La correspondance de Paul avec les chrétiens de Corinthe indique que cette Église lui causait beaucoup de soucis. Nous savons qu’il leur a écrit au moins trois fois, et peut-être davantage. Sa première lettre, mentionnée dans 1 Corinthiens 5.9 est perdue. Sa deuxième lettre, celle que nous étudions dans ce commentaire, a été écrite pour répondre à des questions que les chrétiens lui avaient fait parvenir, et pour corriger certaines fautes dont il a eu connaissance par la famille de Chloé, membre de l’assemblée (1Co 1.11). On pense que Paul l’écrit durant son séjour à Éphèse (1Co 16.8), lors de son troisième voyage missionnaire, vers dans les années 55-56.

Les historiens sont divisés en ce qui concerne la suite des contacts entre Paul et les chrétiens de Corinthe. Dans la lettre de la Bible intitulée 2 Corinthiens, Paul parle d’dit avoir changé ses projets pour ne pas devoir aller chez eux dans la tristesse et les critiquer (2Co 1.23-2.1). Mais il dit aussi qu’il compte les voir pour la troisième fois (2Co 12.14). L’historien Luc indique que Paul passa trois mois en Grèce, lors de son troisième voyage en Europe (Actes 20.3), ce qui constitue probablement sa troisième visite. Il faut alors postuler une deuxième visite à Corinthe qui n’est pas mentionnée dans le livre des Actes.

Paul fait aussi référence dans 2Co 2.4 à une lettre qu’il avait écrite « dans une grande affliction, le cœur angoissé, et avec beaucoup de larmes »3. S’agit-il de la lettre que nous appelons 1 Corinthiens ou d’une autre lettre encore plus sévère écrite après ? La réponse que nous donnons à cette question détermine l’identité de la personne mentionnée dans 2Co 2.5-7 qui avait été châtiée par l’assemblée, mais à qui on devait maintenant pardonner. Si la lettre mentionnée par Paul est 1 Corinthiens, il s’agit de l’homme que Paul juge dans 1 Corinthiens 5 3 Voir aussi 2Co 7.8-12

pour avoir commis l’adultère avec sa belle-mère. Si une autre lettre « sévère » et disparue existait, alors il est question de quelqu’un d’autre. Il est donc impossible de savoir avec certitude le déroulement des communications entre Paul et les Corinthiens, mais cela ne nuit en rien à l’étude de cette lettre. Il faut seulement noter que les rapports entre Paul et les chrétiens de Corinthe ont souvent été conflictuels. Nous pouvons apprendre énormément à travers les erreurs de ces frères et sœurs du Ie siècle, et par les corrections que Dieu leur apporte par la plume de l’apôtre Paul.

PLAN DE LA LETTRE

I. Introduction 1.1-9 : Paul présente ses salutations à l’Église et exprime sa reconnaissance à Dieu pour elle.

II. Réprimandes à l’assemblée 1.10-6.20 : Mis au courant par des chrétiens venus le voir, Paul aborde certains graves problèmes au sein de l’Église.A. Divisions et sagesse charnelle 1.10-4.21B. Le cas de l’inceste 5.1-13C. Les procès entre chrétiens 6.1-8D. L’immoralité 6.9-20

III. Réponses aux questions 7.1-16.4 : Paul répond aux questions que les Corinthiens lui avaient posées touchant des sujets de désaccord ou d’abus.A. Le célibat et le mariage 7.1-40B. Les viandes sacrifiées aux idoles – la liberté chrétienne 8.1-

11.1C. Les rôles de l’homme et de la femme dans l’Église11.2-16D. La sainte Cène 11.17-34E. Les dons spirituels 12.1-14.40F. La résurrection des morts 15.1-58G. La collecte pour les saints 16.1-4

IV. Instructions finales 16.5-24 Paul termine sa lettre avec quelques informations personnelles, des recommandations et des salutations.

PLAN DÉTAILLÉ

I. Introduction 1.1-9A. Salutations 1.1-3B. Reconnaissance 1.4-9

II. Réprimandes à l’assemblée 1.10-6.20A. Divisions et sagesse charnelle 1.10-4.21

1. Le problème : Divisions dans l’Église 1.10-162. Première réponseréponse de Paul au problème de division :

Sagesse de Dieu et celle des hommes 1.17-3.4a. La folie de Dieu 1.17-2.5

1) par rapport au message de l'Evangile 1.17-252) par rapport à ceux qui le reçoivent 1.26-313) par rapport aux messagers 2.1-5

b. La sagesse de Dieu 2.6-13c. Les trois catégories de personnes : naturelles, spirituelles, et

charnelles 2.14-3.43. Deuxième réponse de Paul au problème de division: une bonne

conception du ministère pour Dieu 3.5-4.21a. Le rôle des serviteurs de Dieu 3.5-4.5

1) ouvriers avec Dieu 3.6-92) bâtisseurs dans un temple 3.9b-233) économes dans la maison de Dieu 4.1-5

b. L’exhortation et l’avertissement de Paul 4.6-211) les marques d’un vrai serviteur 4.6-132) son admonition 4.14-21

B. Le cas de l’inceste 5.1-131. Le problème 5.1-22. La solution 5.3-53. L’analogie de la Pâque 5.6-84. Le principe 5.9-13

C. Les procès entre chrétiens 6.1-81. Le problème 6.1

2. L’incompatibilité d’une telle attitude... 6.2-8a. avec notre vocation 6.2-3b. vu l’incompétence des injustes 6.4-5c. avec la justice de Dieu 6.6-8

D. L’immoralité 6.9-201. L’avertissement global 6.9-102. La position d’un chrétien 6.113. La loi de la liberté et ses limites 6.12-134. La dignité de notre corps 6.14-20

III. Réponses aux questions 7.1-16.4A. Le célibat et le mariage 7.1-40

1. Les rapports entre mari et femme 7.1-72. Conseils à ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves 7.8-93. La fidélité exigée pour un mariage chrétien 7.10-114. La fidélité conseillée pour un mariage mixte 7.12-165. Le principe de base : se contenter de son état 7.17-246. Conseils aux vierges 7.25-287. Avantages du célibat 7.29-358. Conseils aux pères (ou aux fiancés) 7.36-389. Conseils aux veuves 7.39-40

B. Les viandes sacrifiées aux idoles – la liberté chrétienne 8.1-11.11. La connaissance et l’amour 8.1-13

a. Les dangers de la connaissance et l’importance de l’amour 8.1-3

b. Ce que nous connaissons 8.4-8c. Ce que l’amour nous enseigne 8.9-13

2. L’exemple de Paul – face à nos « droits » 9.1-27a. Ses droits et libertés en tant qu’apôtre 9.1-14b. Son libre renoncement à ses droits 9.12, 15-27

1) pour faire avancer l’Évangile de Christ 9.12, 15-182) dans l’intérêt des autres 9.19-223) dans l’intérêt personnel 9.23-27

3. L’exemple d’Israël – l’exercice de notre liberté est rarement sans péché 10.1-13

a. Le rappel des grâces reçues par le peuple d’Israël 10.1-5b. L’invitation à éviter les erreurs du peuple d’Israël 10.6-12

c. La promesse par rapport à la tentation 10.134. Les implications pour les Corinthiens 10.14-11.1

a. Le danger de l’idolâtrie 10.14-22b. Le rappel des principes de la liberté en Christ 10.23-11.1

C. Les rôles de l’homme et de la femme dans l’Église 11.2-16D. La sainte Cène 11.17-34

1. Le péché des Corinthiens 11.17-222. La révélation du Seigneur 11.23-263. L’avertissement 11.27-34

E. Les dons spirituels 12.1-14.401. Le critère principal : Jésus le Seigneur 12.1-32. La fonction des dons dans l’Église 12.4-31

a. Leur diversité 12.4-11b. L’illustration du corps 12.12-26c. Le classement des dons 12.27-31

3. L’amour : la voie par excellence dans l’exercice des dons 13.1-13

a. La nécessité de l’amour 13.1-3b. Les qualités de l’amour 13.4-7c. La durée de l’amour 13.8-13

4. La prophétie et les langues 14.1-40a. La prophétie est plus importante que les langues 14.1-5b. La nécessité de paroles intelligibles dans l’Église 14.6-19c. La prophétie et les langues comme un signe 14.20-25d. L’utilisation de langues et de prophéties dans un culte

14.26-33, 36-40e. Le silence des femmes dans l’Église 14.33b-35

F. La résurrection des morts 15.1-581. Le fait de la résurrection 15.1-34

a. La résurrection, fondement de tout l’Évangile 15.1-10b. L’importance de ce fait pour la foi 15.11-34

1) La vanitéL'inefficatité de l’Évangile si Christ n’est pas ressuscité 15.11-19

2) La résurrection et ses implications 15.20-283) Les conséquences du reniementde la négation de la

résurrection 15.29-32

a) le baptême devient un rite insensé 15.29b) la lutte chrétienne ne vaut pas le prix

à payer 15.30-324) La réprimande 15.33-34

2. La forme de la résurrection 15.35-58a. Le « comment » de la résurrection 15.35-41b. Le corps ressuscité 15.42-49c. Le mystère de la résurrection 15.50-53d. La victoire de la résurrection 15.54-57e. L’implication de la résurrection pour notre vie 15.58

G. La collecte pour les saints 16.1-4IV. Instructions finales 16.5-24

A. Des nouvelles personnelles 16.5-121. Concernant lui-même 16.5-92. Concernant Timothée 16.10-113. Concernant Apollos 16.12

B. Des recommandations 16.13-18C. Les salutations 16.19-24

1 Corinthiens

I. INTRODUCTION 1.1-9

A. Salutations 1.1-3

Paul, dans ces quelques premières phrases de sa lettre, suit en grande partie ce qui était habituel dans le courrier de son époque : en premier, le nom de l’auteur, suivi par les destinataires, une salutation, et souvent une prière ou des sujets de reconnaissance. Cependant, nous aurions tort de passer trop vite sur ces quelques mots, car ce n’est pas simplement des paroles de politesse, vides de sens qu’il dit. Pour le chrétien qui croit que toute Écriture est inspirée et profitable, les premiers mots de cette lettre communiquent de précieuses vérités.

1.1 Paul, appelé (à être) apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu,…

Ce n’est pas ainsi que Paul commence toutes ses lettres. Une partie des Corinthiens se posaient des questions sur son autorité (1Co 9.1-3) et d’une manière très pertinente, Paul leur rappelle qu’elle vient directement de la volonté de Dieu. Il a été choisi par Dieu pour être « apôtre de Jésus-Christ », et cela, dès le sein de sa mère (Ga 1.1, 15-16). Plus tard, il insistera aussi sur son autorité de fondateur de l’Église et père spirituel des croyants pour donner de la force à ses réprimandes :

1Co 4.15 : « Car, quand vous auriez dix mille maîtres en Christ, vous n’avez cependant pas plusieurs pères, puisque c’est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par l’Évangile » (LSG).

1Co 9.2 : « Si pour d’autres je ne suis pas apôtre, je le suis au moins pour vous ; car vous êtes le sceau de mon apostolat dans le Seigneur ».

1 Corinthiens

Le mot « apôtre » est tiré du verbe grec « envoyer »4. D’où la grande responsabilité des Corinthiens d’écouter et de suivre les conseils de Paul. Non seulement ils lui devaient en quelque sorte leur vie en Christ, mais il était celui que Dieu leur avait envoyé pour communiquer sa volonté à leur égard – et, nous pouvons le dire – à nous aussi.

1.1 … et le frère Sosthène,…

Paul associe ce frère dans l’envoi de la lettre. Nous ne savons rien sur lui, à moins que ce soit le même « Sosthène » mentionné par Luc dans les Actes 18.17. Selon ce récit, après que Gallion eut refusé de traiter la plainte des Juifs contre Paul, des gens « se saisissant de Sosthène, le chef de la synagogue, le battirent devant le tribunal, sans que Gallion s’en mît en peine » (LSG). Malgré le fait que le nom de Sosthène était assez courant à l’époque, il est tentant de penser qu’il s’agit du même homme, car la personne que Paul mentionne est forcément bien connue des Corinthiens. Dans ce cas, l’homme qui avait entamé un procès contre l’Évangile aurait lui-même cédé plus tard devant la grâce de Dieu manifestée en Jésus-Christ, pour devenir l’aide de celui qu’il avait haï auparavant. L’Évangile de Jésus-Christ est la puissance de Dieu pour transformer le cœur le plus dur et le plus inattendu !

1.2 … à l’Église de Dieu qui est à Corinthe,…

Tous les conseils de cette lettre sont fondés sur les certitudes que Paul exprime dans sa description de ses interlocuteurs. Les chrétiens de Corinthe – et tous ceux qui invoquent le nom du Seigneur – sontforment un peuple :

1. un peuple qui appartient à Dieu,

2. un peuple ayant déjà été sanctifié en Jésus-Christ,4 Pour une discussion plus détaillée sur le don et le rôle de l’apôtre dans le N.T., veuillez consulter le commentaire sur 1Co 12.28.

1 Corinthiens

3. un peuple choisi, saint.

Sa lettre aux Thessaloniciens, peu de temps avant celle-ci, il l’adresse à « l’Église des Thessaloniciens, qui est en Dieu » (1Th 1.1). Le changement de formule est peut-être significatif. Il y avait des rivalités parmi les chrétiens de Corinthe. Les uns se disaient de Paul, d’autres d’Apollos, et d’autres de Christ (1Co 1.12). Paul écrit à l’Église de Dieu, et non pas à leur Église, ou à celle de Paul, ou d’Apollos. Les implications de cette petite différence de forme sont profondes. Aujourd’hui il existe une multitude de dénominations et de groupuscules, tous fiers de « notre Église ». Il n’est pas inutile de se rappeler que la seule véritable Église est celle qui appartient au Seigneur parce qu’il l’a « acquise par son propre sang » (Ac 20.28).

Le terme « Église » (ekklésia) est riche de sens. Pour le Juif qui lisait la traduction grecque de l’Ancien Testament, les Septante, ce mot évoquait l’assemblée du peuple d’Israël dans le désert (Ac 7.38). Les Grecs s’en servaient pour désigner une assemblée de citoyens, convoquée pour la discussion et la décision des affaires publiques (Ac 19.32). Le terme n’est jamais utilisé dans le Nouveau Testament pour désigner un bâtiment, selon l’usage actuel. L’Église du N.T. est tout d’abord l’ensemble de tous ceux qui par la foi ont reçu le pardon de leurs péchés et se sont unis à Christ (Ep 1.22-23 ; 5.23). Elle sert aussi, comme dans notrece texte, à décrire une assemblée locale de personnes attachées à Christ, image partielle et bien imparfaite de l’Église universelle.

1.2 … à ceux qui ont été sanctifiés en Jésus-Christ,…

Le participe au parfait passif, « ont été sanctifiés », montre que l’action de sanctification s’est effectuée sur les Corinthiens dans le passé, sans leur participation. C’est Dieu qui les a sanctifiés en Jésus-Christ. Plus loin, Paul leur dira, après avoir décrit leur passé lourd de crimes et de fautes, « mais

1 Corinthiens

vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ, et par l’Esprit de notre Dieu » (6.11). Le terme « sanctifier » veut dire en premier lieu « mettre à part pour Dieu ». Mais il comporte aussi l’idée de purifier, de séparer de tout ce qui souille (1Th 4.3 ; Hé 10.14 et 13.12).

1.2 … appelés à être saints,…

Tout chrétien véritable a été séparé du péché pour être attaché à Christ ; il a été sanctifié. Cependant, sa manière de vivre n’est pas toujours un reflet de sa position en Christ. Dieu dit ici que la vocation d’un croyant est de « marcher d’une manière digne de la vocation qui [lui est] adressée » (Ep 4.1). Le mot « saint » a la même racine que « sanctifier ». C’est pour cela que Paul peut écrire à ceux qui ont déjà été sanctifiés : « Ayant donc de telles promesses, bien-aimés, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit, en achevant notre sanctification dans la crainte de Dieu » (2Co 7.1).

À travers les siècles, ce mot a malheureusement changé de sens pour devenir un descriptif de super-croyants canonisés par des religieux. Un examen de son usage dans le N.T. montre que « saints » est le terme habituel pour décrire tous ceux qui se confient au Seigneur. La vocation de Paul était d’être un apôtre (1.1) ; celle de tous les Corinthiens était d’être saints.

1.2 … et à tous ceux qui invoquent en quelque lieu que ce soit le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, leur Seigneur et le nôtre :…

« Invoquer » est un beau descriptif de l’attitude que Dieu cherche de la part de ceux qui le connaissent. Le terme français signifie « avoir recours à » et exprime assez fidèlement le sens du verbe dans le N.T. Le chrétien invoque le nom de son Seigneur quand il le prie, quand il l’adore, quand il cherche sa face et quand il l’appelle à l’aide. Le psalmiste a bien dit : « …

1 Corinthiens

Je lève mes yeux vers toi, qui sièges dans les cieux. Voici, comme les yeux des serviteurs sont fixés sur la main de leurs maîtres, et les yeux de la servante sur la main de sa maîtresse, ainsi nos yeux se tournent vers l’Éternel, notre Dieu » (Ps 123.1-2).

Cette clause indique que Paul (et Dieu) destinait cette lettre à un public bien plus vaste que les seuls Corinthiens. Nul doute que les premiers visés soientétaient les croyants de Corinthe, mais les principes qu’elle contient sont d’une application universelle. En insistant sur le fait que Jésus est le Seigneur de tous, l’apôtre songe peut-être à ceux qui le contestent. Dans sa dernière lettre, il leur dira : « Vous regardez à l’apparence ! Si quelqu’un se persuade qu’il est de Christ, qu’il se dise bien en lui-même que, comme il est de Christ, nous aussi nous sommes de Christ » (2Co 10.7).

1.3 … que la grâce et la paix vous soient données de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ !

« La grâce » de Dieu est l’expression de tout ce que Dieu nous donne dans son amour. « La Paixpaix » en est la conséquence dans notre vie, et dans les salutations du N.T., elle suit toujours la grâce. Les Grecs se disaient chairein- (réjouir) et les Hébreux, shalom (la paix). Dieu nous dit charis- (grâce) et shalom (paix).

La source de ces bienfaits est Dieu notre Père et le Seigneur Jésus-Christ. On remarque ici, comme dans des centaines de textes, que Jésus-Christ est au même rang que son Père aux yeux des écrivains du N.T.

B. Reconnaissance 1.4-9

1 Corinthiens

1.4-9 Je rends à mon Dieu de continuelles actions de grâces à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été accordée en Jésus-Christ. Car en lui vous avez été comblés de toutes les richesses qui concernent la parole et la connaissance, le témoignage de Christ ayant été solidement établi parmi vous, de sorte qu’il ne vous manque aucun don, dans l’attente où vous êtes de la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ. Il vous affermira aussi jusqu’à la fin, pour que vous soyez irréprochables au jour de notre Seigneur Jésus-Christ. Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à la communion de son Fils, Jésus-Christ notre Seigneur.

Ce passage est extraordinaire pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’attitude de l’apôtre Paul est exemplaire. Compte tenu de tous les problèmes au sein de cette communauté, de toute la tristesse que ces personnes lui ont occasionnée, il est merveilleux de voir son cœur reconnaissant envers Dieu à leur égard. Il écrit à une des Églises les plus difficiles derencontrées dans son ministère, et il peut dire : « je rends continuellement grâce à Dieu à votre sujet » (Colombe). Heureux l’ouvrier de Dieu qui puissepeut en faire autant ! Béni le chrétien qui puissepeut voir derrière les fautes de ses compatriotes la grâce de Dieu et remercier Dieu à leur sujet  ! Car nous sommes tous des chantiers inachevés et pleins de défauts pas encore corrigés. Apprenons à l’exemple de Paul à voir la grâce de Dieu dans nos amis avant de relever leurs défauts.

La raison de la reconnaissance de Paul ne se trouve pas chez les Corinthiens, mais en Dieu. Il ne peut pas féliciter ses lecteurs de la qualité de leur vie en Christ, ou de leur amour, comme il l’a fait aux Thessaloniciens (1Th 1.2-3). Les Corinthiens étaient l’objet de la faveur imméritée de Dieu qui se manifestait de la façon que Paul détaille :

1 Corinthiens

1. Ils étaient comblés de toutes les richesses dans le domaine de la parole et de la connaissance ;

2. L’Évangile, le témoignage de Christ, était bien établi parmi eux ;

3. Dieu leur avait octroyé tous les différents dons spirituels ;

4. Ils étaient assurés de la fidélité de Dieu pour achever ce qu’il avait commencé dans leur vie, pour les présenter irréprochables au jour du jugement devant Jésus-Christ.

On note avec une certaine tristesse que les bénédictions mentionnées par l’apôtre sont soit du passépassées soit du futurfutures. Les chrétiens avaient beaucoup reçu de la part du Seigneur, et ils attendaient des choses merveilleuses lors du retour de Jésus, mais rien n’est à remarquer dans leur vie au présent. Où sont les signes de la main de Dieu parmi eux maintenant ?

1.5 Car en lui vous avez été comblés de toutes les richesses qui concernent la parole et la connaissance…

On aperçoit une petite note trouble, un bémol, dans ce que Paul dit ici. C’est vrai, les Corinthiens avaient été enrichis en tout par Dieu, mais ces mêmes richesses leur ont quelque peu tourné la tête. Plus tard, Paul fut obligé de leur faire un âpre reproche à cet égard : « Déjà vous êtes rassasiés, déjà vous êtes riches, sans nous vous avez commencé à régner. Et puissiez-vous régner en effet, afin que nous aussi nous régnions avec vous ! […] Nous sommes fous à cause de Christ ; mais vous, vous êtes sages en Christ ; nous sommes faibles, mais vous êtes forts. Vous êtes honorés, et nous sommes méprisés ! » (4.8, 10).

1 Corinthiens

Les richesses des Corinthiens se manifestaient surtout par la parole et la connaissance. On voit un petit grain d’ironie dans cette pensée. En tant que Grecs, ils aimaient beaucoup les belles paroles, et méprisaient Paul pour la simplicité de ses messages (2Co 11.6 ; 1Co 2.1-5). De toute évidence, ils pratiquaient abusivement le don de langues (1Co 14). Leur connaissance donnait naissance à un esprit d’orgueil et d’arrogance. Paul leur écrit : « … La connaissance enfle, mais l’amour édifie. Si quelqu’un croit savoir quelque chose, il n’a pas encore connu comme il faut connaître » (8.1-2).

De toute manière, leur connaissance était encore bien limitée. Pas moins que de dix fois, Paul se voit obligé de leur dire : « Ne savez-vous pas… ? » (3.16 ; 5.6 ; 6.2, 3, 9, 15, 16, 19 ; 9.13, 24). Combien il est facile de se glorifier de ses connaissances, et d’oublier que l’essentiel de la vie en Christ est « la foi qui est agissante par l’amour » (Ga 5.6).

1.7 … de sorte qu’il ne vous manque aucun don, dans l’attente où vous êtes de la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ.

Les chrétiens possédaient tous les dons spirituels. D’ailleurs, la discussion de Paul sur les dons aux chapitres 12 à 14 de cette lettre est de loin la plus complète du N.T. On pourrait en conclure que ces gens avaient une vie très proche du Seigneur, qu’ils étaient spirituels, conduits par l’Esprit de Dieu. La vérité est tout autre. L’état spirituel de l’Église était lamentable. Paul se voit obligé de leur dire : « Pour moi, frères, ce n’est pas comme à des hommes spirituels que j’ai pu vous parler, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Christ. Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter ; et vous ne le pouvez pas même à présent, parce que vous êtes encore charnels. En effet, puisqu’il y a parmi vous de la jalousie et des disputes, n’êtes-vous pas charnels, et ne marchez-vous pas selon l’homme ? » (1Co 3.1-3).

1 Corinthiens

D’où la conclusion qu’un chrétien peut posséder des dons importants, des dons spirituels, et pourtant vivre piteusement sa foi. Cette lettre prouve que même les dons et les bénédictions, dont nous sommes l’objet de la part de Dieu, peuvent devenir une source de rivalité, de jalousie, et d’orgueil. Paul peut remercier Dieu d’avoir accordé de telles richesses aux Corinthiens, mais il doit par la suite les réprimander sévèrement pour leur attitude dans l’utilisation de ces bienfaits.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’emploi des « dons spirituels » n’est pas nécessairement la preuve d’une relation véridique avec le Seigneur. On se rappelle ces paroles solennelles du Seigneur dans Mt 7.21-23 : « Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé par ton nom ? n’avons-nous pas chassé des démons par ton nom ? et n’avons-nous pas fait beaucoup de miracles par ton nom ? Alors je leur dirai ouvertement : Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité » (LSG).

1.8-9 Il vous affermira aussi jusqu’à la fin, pour que vous soyez irréprochables au jour de notre Seigneur Jésus-Christ. Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à la communion de son Fils, Jésus-Christ notre Seigneur.

Cette affirmation est extraordinaire, compte tenu de l’état charnel des chrétiens de Corinthe. Ils étaient comme des enfants en Christ, embourbés dans les conflits et encombrés par des attitudes et des conduites indignes du Seigneur. Néanmoins, l’apôtre assure ces mêmes personnes que l’œuvre que Dieu a commencée en eux, il va certainement l’achever pour le Jour de la manifestation de Jésus-Christ (voir Ph 1.6).

1 Corinthiens

Ce texte montre clairement que Dieu n’abandonnera jamais celui qui met sa confiance en Jésus-Christ. Même si un père humain arrivait à déshériter son enfant, notre Père céleste n’abandonnerait jamais un de ses enfants. Le verbe traduit par « affermira » ici est le même qui dans le verset 7 est rendu par « solidement établi ». Le mot « irréprochable » signifie « libre de toute accusation ». Le sens est clair : ce n’est pas par la force de nos mérites ou de notre persévérance que nous atteindrons enfin les portes du ciel. Notre salut est l’œuvre du Seigneur, du début à la fin. Ce n’est pas par nos œuvres que Dieu nous a sauvés (Ep 2.8-9) et ce n’est pas par elles que nous pouvons conserver ce salut. L’enfant de Dieu le plus faible, le plus chancelant est gardé entre les mains du Tout-Puissant, et un jour il sera transformé pour être semblable à Jésus-Christ (1Jn 3.2). Cette assurance est basée solidement sur ce fait inaltérable : « Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à la communion de son Fils » (italique desouligné par l’auteur ; voir aussi 1Th 5.24).

SUJETS DE DISCUSSION

1. Pourquoi existe-t-il souvent, comme chez les Corinthiens, un si grand écart entre ce que l’on possède en Christ et ce que l’on vit ? Si effectivement un chrétien a été comblé des richesses de Dieu, comment expliquer qu’il se conduise comme s’il était pauvre ? Que faut-il faire pour corriger la situation ? Textes complémentaires : Rm 6.15-23 ; Ga 5.16-25 ; Col 3.1-10.

2. Si Dieu, dans sa fidélité, affermit jusqu’à la fin ceux qui le connaissent, comment expliquer que si souvent des croyants se détournent de Dieu ? Textes complémentaires : Jn 10.26-30 ; Rm 8.28-39 ; 2Co 13.5 ; Hé 10.36-39 ; 1Jn 2.18-19.

1 Corinthiens

II. RÉPRIMANDES À L’ASSEMBLÉE 1.1-6.20

A. Divisions et sagesse charnelle 1.10-4.21

1. Le problème : Divisions dans l’Église 1.10-16Le reproche que Paul adresse ici est grave. Quel est le

chrétien qui n’a pas été perturbé par les querelles et les rivalités au sein de son Église ou par les divisions et factions dans le christianisme ? En France, ce sujet est particulièrement dramatique, car tout le monde sait que les Français sont bagarreurs, contestataires et d’interminables mécontents ! Cependant, la question de l’unité est assez complexe, car parfois les divisions sont nécessaires. Que veut dire Paul dans son appel ? Que veut notre Seigneur ? Ce passage, examiné à la lumière d’autres textes bibliques, nous aide à voir non seulement les causes de ces rivalités, mais ce qui peut les éliminer.

1.10 Je vous exhorte, frères, par le nom de notre Seigneur Jésus-Christ,…

Le mot « exhorter » montre l’esprit d’humilité de Paul, mais plus encore le caractère des rapports entre Dieu et ses enfants aujourd’hui. Autrefois, sous la loi, la conduite était réglée par des commandements. Actuellement, c’est l’amour de Dieu qui doit motiver le chrétien (2Co 5.14). La force du conseil de Paul tient du « nom de notre Seigneur Jésus-Christ », de tout ce qu’il est et de ce qu’il a fait pour les Corinthiens. D’ailleurs, il est important et intéressant de noter combien de fois Paul évoque Jésus-Christ au début de sa lettre (neuf fois dans les dix premiers versets). Par sa répétition constante du fait que Jésus-Christ est « Seigneur », Paul veut rappeler à ses lecteurs la vraie source de son autorité et de leur unité.

1 Corinthiens

1.10 … à tenir tous un même langage, et à ne point avoir de divisions parmi vous, mais à être parfaitement unis dans un même esprit et dans un même sentiment.

L’unité que Paul demande et que Dieu désire n’est certainement pas une uniformité de pensée qui est plutôt la marque d’une secte. Cela devient évident lorsque Paul développe l’enseignement sur l’Église où chaque membre apporte à l’ensemble ses différentes qualités et ses dons. Dans une secte on impose aux membres une seule façon de penser et de voir. En quoi diffère l’exhortation de Paul ? Premièrement, le but recherché n’est pas une unité d’organisation, mais de cœur et d’esprit. Cela se voit bien dans ce qu’il déconseille : il ne faut pas qu’il y ait des divisions (en grec, des schismes). Le mot fait penser à un vêtement déchiré (Mc 2.21). Selon cette même image, le verbe « être parfaitement uni » est ailleurs utilisé dans le sens de « réparer » ou de « restaurer » un filet de pêche (Mc 1.19). L’idée est claire : il ne faut pas qu’il y ait des déchirures dans une assemblée, mais que tous les croyants soient tissés ensemble par les liens de l’amourd’amour et de respect mutuel (Ph 2.1-5 ; Rm 15.5-6). L’unité désirée par Dieu se réalise à mesure que chaque chrétien a la pensée de Christ, tout en gardant sa propre personnalité (1Co 2.16).

Notons en passant que parfois la division s’avère nécessaire. Jésus lui-même avait prédit qu’il y aurait des divisions à cause de lui (Mt 10.34-36). Le chrétien doit se séparer de ceux qui enseignent de fausses doctrines (2Tm 3.5) et des personnes qui s’obstinent à déshonorer Dieu par leur conduite (1Co 5).

Ce texte ne traite pas la question de l’existence de différents mouvements au sein du christianisme. Dans le meilleur des mondes, il aurait été bien que les chrétiens présentent un front uni face aux non-croyants. Mais l’histoirel’Histoire montre clairement que là où tous les

1 Corinthiens

membres d’une Église sont coulés dans le même moule, cette Église monopolise la foi des gens et s’enlise dans l’erreur. L’existence de différentes mouvances du christianisme sert à protéger la vérité de l’Évangile, puisqu’elle oblige chacun à se mettre en cause face à la croyance des autres. Le mouvement œcuménique, en cherchant à unifier toutes les tendances, quelles que soient leurs croyances, n’accomplit pas le plan de Dieu. Il existe en réalité déjà une unité entre tout véritable chrétientous les véritables chrétiens (Ep 4.3), et cette unité se cristallise de plus en plus à la au fur et à mesure que l’on parvient à la connaissance et à la stature de Jésus-Christ et à sa stature (4.12-13).

1.11-12 Car, mes frères, j’ai appris à votre sujet, par les gens de Chloé, qu’il y a des disputes au milieu de vous. Je veux dire que chacun de vous parle ainsi : Moi, je suis de Paul ! et moi, d’Apollos ! et moi, de Céphas ! et moi, de Christ ! (LSG)

Paul identifie ici une source des conflits à Corinthe. Les chrétiens, au lieu de s’unir autour de Christ, se sont frayé des chemins à part, chacun suivant le guide de son choix. Nous savons qu’après le départ de Paul, les Corinthiens avaient reçu la visite d’Apollos, « homme éloquent et versé dans les Écritures, […] instruit dans la voie du Seigneur, et, fervent d’esprit » et qui « réfutait vivement les Juifs en public, démontrant par les Écritures que Jésus est le Christ » (Ac 18.24-28). Nous ne savons pas si Pierre (Céphas) est passé à Corinthe, mais ce n’est pas impossible. Chacun de ces serviteurs de Dieu avait son style et sa personnalité de chef. Apollos impressionnait par sa rhétorique, ce qui plaisait certainement à l’esprit grec de plusieurs. On peut imaginer que ses partisans critiquaient Paul pour la simplicité de ses présentations (1Co 2.1-3).

L’erreur des Corinthiens n’était pas dans leur admiration de ces personnes. Plus tard, Paul les encourage à imiter Apollos

1 Corinthiens

et lui-même et Apollos, dans la mesure où eux-mêmes imitaient le Seigneur Jésus (1Co 4.6 et 11.1). Leur erreur était d’être si attachés à des personnages qu’ils avaient oublié l’essentiel : l’édification de l’Église de Jésus-Christ par la proclamation de l’Évangile.

Le mot qui grince dans leur affirmation, c’est « MOI : MOI, je suis de Paul, MOI,…, MOI, je suis de Christ ». C’est pourquoi, le plus dangereux de ces partis était probablement celui qui se disait « de Christ ». Ces personnes ne disaient pas : « Nous sommes de Christ », mais « Moi, je suis de Christ » comme s’ils étaient les plus spirituels de tous. On constate à nouveau que même la vérité peut conduire à l’orgueil et à la dispute, quand les cœurs ne sont pas sous l’influence du Saint-Esprit.

L’exemple des Corinthiens devrait me faire réfléchir. Dans mon service pour le Seigneur, est-ce que je cherche à faire des disciples de Jésus-Christ ou des gens qui me suivent ? Heureux celui qui a le cœur de Jean-Baptiste qui a su dire, quand les gens le quittaient pour suivre Jésus : « Il faut qu’il croisse, et que je diminue » (Jn 3.30). Une autre question : Qui est mon maître, mon autorité ? Suis-je attaché à un homme, aussi impressionnant qu’il puisse être, au point de mépriser ceux qui sont d’un autre bord ? Une telle attitude montre que ma sagesse ne vient pas de Dieu, mais de la chair et de l’ennemi (Jc 3.13-18). Il ne s’agit pas de compromettre les vérités auxquelles je crois, mais de traiter avec respect et amour tous ceux qui invoquent le nom du Seigneur Jésus, leur Seigneur et le nôtre.

On ignore qui est Chloé. Soit elle était membre de l’Église de Corinthe soit elle avait visité l’Église avec ses gens et avait apporté ces mauvaises nouvelles à Paul.

1.13 Christ est-il divisé ?

1 Corinthiens

C’est surtout à ce dernier groupe, à ceux qui se disaient de Christ, que Paul lance la première question. En se mettant au-dessus des autres, ils ont pour ainsi dire créé une division dans le corps de Christ.

1.13-17 Paul a-t-il été crucifié pour vous, ou est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ? Je rends grâces à Dieu de ce que je n’ai baptisé aucun de vous, excepté Crispus et Gaïus, afin que personne ne dise que vous avez été baptisés en mon nom. J’ai encore baptisé la famille de Stéphanas ; du reste, que je sache, je n’ai baptisé personne d’autre. Ce n’est pas pour baptiser que Christ m’a envoyé,…

Il est un peu surprenant que Paul n’ait pas baptisé davantage de chrétiens à Corinthe, étant donné le succès et la durée de son ministère dans cette ville. Les noms qu’il mentionne sont significatifs. Crispus était le chef de la synagogue au moment de sa venue (Ac 18.8). Gaïus était son hôte à Corinthe, et l’Église se réunissait chez lui (Rm 16.23). Stéphanas, avec les membres de sa famille, était le premier converti, et s’était consacré au service des chrétiens de la région (1Co 16.15-16). Il l’avait presque oublié dans sa liste de baptisés – peut-être Stéphanas lui-même était-il présent à l’occasion de l’écriture de la lettre et l’avait rappelé à Paul. Rétrospectivement, Paul est reconnaissant à Dieu de ne pas avoir baptisé davantage de chrétiens; il trouve répugnanteabjecte la pensée que les gens soient trop attachés plus à sa personne, et non pas qu' à Christ.

Ces versets sont importants pour ce qu’ils enseignent concernant le baptême. Jésus, dans ses dernières instructions aux disciples, leur a commandé de faire des disciples et de les baptiser (Mt 28.19-20). Paul ne diminue en rien l’importance de cet acte d’obéissance. Néanmoins, ses paroles indiquent clairement qu’il ne considérait pas le baptême nécessaire au salut. Assez tôt dans l’histoire de l’Église, on commença à

1 Corinthiens

croire que le baptême était un élément essentiel pour procurer le pardon. Cependant, s’il fallait se faire baptiser pour bénéficier de la vie éternelle, Paul n’aurait jamais affirmé que « ce n’est pas pour baptiser que Christ m’a envoyé, c’est pour annoncer l’Évangile » (1Co 1.17). Il aurait sans doute baptisé bien plus de ses convertis, et aurait tenu avec plus de rigueur la liste des baptisés.

1 Corinthiens

II. Réprimandes à l’assemblée 1.10-6.20A. Divisions et sagesse charnelle 1.10-4.21

2. Première réponse de Paul au problème des divisions : Sagesse de Dieu et cellesagesse des hommes 1.17-3.4

a. La folie de Dieu 1.17-2.51) par rapport au message de l'Evangile1.17-252) par rapport à ceux qui le reçoivent 1.26-313) par rapport aux messagers 2.1-5

b. La sagesse de Dieu 2.6-13c. Les trois catégories de personnes : naturelles,

spirituelles, et charnelles 2.14-3.4

2. Première réponse de Paul au problème des divisions : Sagesse de Dieu et cellesagesse des hommes 1.17-3.4

Dans sa tentative de rétablir une saine harmonie entre ses lecteurs, Paul traite deux grands problèmes de fond. Premièrement, il estime que les Corinthiens étaient divisés parce qu’ils prisaient trop la sagesse et les capacités intellectuelles des hommes. Il affirme que Dieu, par le message de la croix et par son choix de ceux qu’il a sauvés, confond et contredit la sagesse des hommes. Ensuite il montre aux Corinthiens quelle attitude ils devraient avoir envers ceux qui sont les serviteurs de Dieu.

a. La folie de Dieu 1.17-2.5

1) Par rapport au message de l’Évangile 1.17-251.17 Ce n’est pas pour baptiser que Christ m’a envoyé, c’est pour annoncer l’Évangile, et cela sans la

1 Corinthiens

sagesse du langage, afin que la croix de Christ ne soit pas rendue vaine.

Les différents principes que Paul énonce dans cette section sont assez surprenants. Ils ont des implications énormes en ce qui concerne nos méthodes de présentation du message de Dieu. Si nous voulons être des témoins fidèles et utiles pour le Seigneur, il nous faut examiner sérieusement ses affirmations, qui vont parfois à l’encontre de ce qui est cru et pratiqué aujourd’hui.

Le premier constat : nous sommes appelés, comme Paul, à proclamer l’Évangile. Les besoins de notre monde sont énormes et variés ; les causes pour lesquelles nous sommes sollicités sont abondantes. Le chrétien est appelé à consacrer son temps et son énergie à aimer et à aider son prochain, et il existe maintes et maintes façons de le faire. Mais le trésor le plus précieux qu’il puisse partager, c’est le pardon et la vie éternelle à travers l’annonce de l’Évangile. C’est pourquoi, la première mission de l’Église et de chaque chrétien – la tâche qui doit les unir – c’est de faire connaître cette bonne nouvelle.

En effet, le mot grec, euaggelizomai (), signifie « annoncer la bonne nouvelle ». Paul précise par la suite ce que cela veut dire. Annoncer l’Évangile ne veut pas dire convaincre les gens par la force de notre logique et de nos beaux arguments. Notre responsabilité est de proclamer aussi clairement et simplement que possible la bonne nouvelle de salut offert à tout homme grâce à la mort du Seigneur Jésus-Christ à la croix. C’est au Saint-Esprit de convaincre nos interlocuteurs de la vérité du message et de leur besoin de croire en Christ.

L’erreur tragique que le témoin de Jésus peut commettre est de rendre vaine la croix de Christ par sa propre sagesse ! La tendance naturelle d’un homme éduqué (que ce soit en Grèce, ou en France) est de s’appuyer sur ses connaissances et sa

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sagesse pour « gagner des âmes ». La question s’impose : Est-ce que par mes interventions j’amène des personnes au pied de la croix pour qu’elles reconnaissent leur péché et qu’elles se confient en Jésus-Christ, ou est-ce que je ne gagne que des adeptes à ma cause par la brillance de mon apologétique ? De son vivant, Jésus avait des paroles sévères pour les autorités religieuses de son vivant : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous courez la mer et la terre pour faire un prosélyte ; et, quand il l’est devenu, vous en faites un fils de la géhenne deux fois plus que vous » (Mt 23.15).

1.18 Car la prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent ;…

Nous retrouvons le mot « sagesse » à vingt et une reprises dans ces textes, et le mot « folie » sept fois. Au fond, l’idée est simple, même si elle est difficile à accepter. Dieu l’avait déjà énoncé dans les écrits du prophète Ésaïe : « Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, dit l’Éternel. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées » (Es 55.8-9). Dans bien des domaines, les déclarations de Dieu paraissent folles aux yeux des hommes. Le contraire est d’autant plus vrai : « la sagesse de ce monde est une folie devant Dieu » (1Co 3.19).

Le message de la croix en est un bon exemple. Fee écrit : « de laD'une perspective purement humaine, le Christ (le Messie) signifiait la puissance, la splendeur, le triomphe ; alors que la crucifixion signifiait la faiblesse, l’humiliation, lahumiliation, défaite… À l’époque romaine, la crucifixion était l’ultime sanction, réservée principalement aux sujets révoltés et aux esclaves »5. Pour le Juif, le scandale était double, puisque la

5 FEE Gordon D., The First Epistle to the Corinthians, Grand Rapids : Eerdmans, 1987, page 75.

1 Corinthiens

Loi plaçait sous la malédiction ceux qui étaient pendus au bois à leur mort (Dt 21.23 et Ga 3.13).

1Co 1.18 montre clairement la futilité de croire que nous pouvons amener quelqu’un à croire en Jésus-Christ par la force de notre logique. L’état de celui qui « se perd » est plus grave qu’il ne paraît. S’il n’est pas convaincu par le Saint-Esprit de son péché, l’idée que le Créateur du monde soit un jour assassiné pour lui est insensée. Du reste, nous lisons que « si notre évangile est encore voilé, il est voilé pour ceux qui périssent ; pour les incrédules dont le dieu de ce siècle a aveuglé l’intelligence, afin qu’ils ne voient pas briller la splendeur de l’évangile de la gloire de Christ, qui est l’image de Dieu » (2Co 4.3-4). Seul l’évangile a la puissance à d'ouvrir l’intelligence d’une personne et d'apporter le salut (Rm 1.16). Notre sagesse et nos arguments ne font souvent qu’obscurcir et affaiblir le témoignage de Dieu. Mieux vaut suivre le conseil que Dieu adressa d’antan aux prophètes d’Israël : « Que le prophète qui a eu un songe raconte ce songe, et que celui qui a entendu ma parole rapporte fidèlement ma parole. Pourquoi mêler la paille au froment ? dit l’Éternel » (Jr 23.28).

1.18 … mais pour nous qui sommes sauvés elle est une puissance de Dieu.

Les verbes « périr » et « être sauvé » sont tous les deux au temps présent. Le premier décrit la condition de ceux qui sont sur le chemin qui mène à la perdition (Mt 7.13) – ils sont en train de périr. Le second indique que pour nous le salut est en cours : nous sommes en train d’être sauvés. De plus, cette « parole de la croix » (grec : logos-), comme toute parole qui sort de la bouche de Dieu, est une véritable puissance qui agit en nous (1Th 2.13). Elle est la semence incorruptible qui engendre la vie éternelle en nous au moment où nous nous confions en Christ (1P 1.23). C’est elle qui nous purifie

1 Corinthiens

(Jn 15.3), qui nous corrige (2Tm 3.16) et qui nous transforme en l’image de notre Seigneur, de gloire en gloire (2Co 3.18)6.

1.19-20 Aussi est-il écrit : Je détruirai la sagesse des sages, et je rendrai nulle l’intelligence des intelligents. Où est le sage ? où est le scribe ? où est le raisonneur de ce siècle ? Dieu n’a-t-il pas convaincu de folie la sagesse du monde ?

Tous les grands érudits de ce monde sont convoqués ici. Il y a d’abord le « sage », tant admiré dans notre civilisation occidentale. C’est notre philosophe, un mot qui signifie en grec « aimant la sagesse ». Ensuite vient le « scribe », maître de la loi, et probablement dans ce contexte, de la Loi de Dieu. Finalement arrive le « raisonneur de ce siècle », celui qui était formé dans les grandes écoles en Grèce pour débattre et défendre les grandes causes. Dieu l’avait déjà dit par le prophète Ésaïe (Es 29.14 – LXX). Toute cette sagesse qui fait la gloire des hommes, Dieu va l’abolir. Dieu n’est pas contre la sagesse chez les hommes, mais la véritable sagesse découle de la crainte de Dieu (Ps 111.10). Toute sagesse ou intelligence qui s’élève contre la connaissance de Dieu est une barrière qui doit être démolie (2Co 10.3-5), et l’arme pour l’accomplir est la Parole de Dieu.

1.21 Car puisque le monde, avec sa sagesse, n’a point connu Dieu, il a plu à Dieu dans sa sagesse de sauver les croyants par la folie de la prédication.

Ces versets nous enseignent clairement que personne ne peut découvrir Dieu par ses propres moyens ou sa seule raison.

6 Traduction de Segond (1910) : « Nous tous qui, le visage découvert, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur, l'Esprit ». La parole de Dieu est comme un miroir qui nous montre la face de notre Seigneur, et nous transforme en son image.

1 Corinthiens

Au mieux, cet individu va se créer un dieu selon son imagination et qui lui convientsa convenance. Dieu nous a donné notre une intelligence, et c’est un outil précieux. Mais pour être sauvé, il faut que Dieu se révèle, qu’il fasse briller sa lumière dans notre cœur obscurci par le péché et de faux raisonnements (2Co 4.6).

Notons combien que les paroles sont importantes. Il est vrai que le chrétien par sa conduite peut attirer ou repousser les gens autour de lui. Mais s’il ne leur annonce pas l’Évangile, il ne peut pas leur apporter le salut. Jésus a bien dit : « Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5.16). Pourtant, si quelqu’un ne voit que mes bonnes œuvres, il aura tendance à me glorifier plutôt que Dieu. Pour que Dieu en reçoive la gloire, il faut que je la lui donne par les paroles de ma bouche.

Notons également combien lesLes paroles sont également puissantes. Par les paroleselles, un homme peut être démoli, assassiné. Il suffit aussi de quelques paroles pour qu’une personne soit sauvée. Ne sous-estimons jamais la puissance que nous possédons dans l’annonce de l’Évangile. Un traité ou une prédication semblent peu importants dans un monde qui prise la force et les actes. Pourtant, c’est ce peu de chose, cette « folie » que Dieu utilise pour apporter à une personne le trésor qui vaut plus que toutes les richesses du monde : le salut éternel.

Une autre précision : Dieu sauve par « la folie de la prédication » et non par une prédication folle. Comme on dit, n’importe quel idiot peut prendre un sujet simple et le rendre complexe et incompréhensible. La marque d’un bon enseignant ou prédicateur est qu’il puisse prendre un sujet difficile et le rendre compréhensible. Par ce texte, l’apôtre Paul n’encourage en rien la paresse ou le manque de sérieux dans la préparation

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d’un message. La parole de la croix est le plus beau des messages. Il convient d’en faire la meilleure présentation possible.

1.22-23 Les Juifs demandent des miracles et les Grecs cherchent la sagesse : nous, nous prêchons Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens,…

Paul révèle dans ce verset les deux grands obstacles que la pensée humaine érige contre la révélation de Dieu : l’attente des miracles et l’attente de preuves intellectuelles. Pour les Juifs, qui attendaient des manifestations surnaturelles (Mt 12.38-39 ; 16.1) d’un Messie qui allait les délivrer de l’emprise romaine, la crucifixion de Christ était une véritable pierre d’achoppement, un obstacle (selon le sens grec du mot « scandale »). Même ses propres disciples trouvaient l’idée rebutante (Mt 16.22-23). Les Grecs se vantaient plutôt de leurs acquis intellectuels et aimaient débattre toutes les idées nouvelles à la lumière de leur connaissance et de leur éducation (Ac 17.18-21).

Les uns refusaient l’Évangile en disant : « Montre-moi un miracle, et je croirai ». Les autres disaient : « Prouve-moi que Dieu existe. Satisfais Réponds à toutes mes questions et je vais peut-être croire que ton Dieu existe ». Au premier abord, ces revendications peuvent paraître raisonnables. Nous pourrions donc nous étonner que Paul n’accepte pas de céder à ces demandes, et que Dieu lui-même ne « prouve » jamais qu’il existe. Pourquoi ? La réponse à cette question découle de ce que c’est la foi qui sauve. Si Dieu cherchait simplement à convaincre l’humanité de son existence, l’affaire serait simple. Il a des moyens de publicité qui feraient frémir le meilleur des publicitaires. Pour trop de monde, la foi n’est que ça : croire que Dieu existe. Pourtant, la foi qui sauve est tout autre. Un homme est sauvé quand il se sait perdu à cause de ses péchés,

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et qu’il se prosterne devant Jésus-Christ pour accepter de sa part un plein pardon et pour l’aimer.

Le Fils de Dieu est venu sur la terre et il a opéré devant les multitudes des miracles incontestables. Cela n’a pas empêché ces mêmes personnes de réclamer sa crucifixion quelques années plus tard. Ces gens croyaient à l’existence de Dieu et de Jésus ; ils voyaient ses miracles, mais ils s’opposaient à lui au point de vouloir l’éliminer. L’exemple du peuple d’Israël devant le Mont Sinaï est tout aussi parlant. Face à la manifestation de Dieu la plus spectaculaire de toute l’histoirel’Histoire, il ne pouvait rester un seul incrédule dans tout le camp (Ex 19-20). Quarante jours plus tard, la plus grande partie du peuple abandonna complètement Dieu pour se faire une idole d’un veau d’or (Ex 32).

Quelqu’un a dit qu’un dictateur puissant peut faire tout ce qu’il veut à son peuple – sauf une chose. Il ne peut pas l’obliger à l’aimer. Ce que Dieu veut de nous, c’est notre confiance et notre amour. Cette confiance naît en réponse à la Parole de Dieu, lorsque l’Esprit est à l’œuvre dans un cœur. Jésus, dans une de ses illustrations de la foi, déclare par la bouche d’Abraham : « S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader quand même quelqu’un des morts ressusciterait » (Lc 16.31 – LSG).

Paul a donc refusé de mêler le spectaculaire avec l’annonce de l’Évangile. Son exemple mérite bien notre attention à une époque où les chrétiens sont souvent à la recherche de miracles et de grande rhétorique pour mieux impressionner les foules et faire passer leur message. Paul nous dit que Dieu agit surtout par une fidèle et claire présentation de Jésus-Christ crucifié. Dieu fera ce qu’il voudra pour appuyer son message, mais nous n’avons pas besoin de miracles pour être efficaces dans notre témoignage. N’oublions jamais que

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c’est l’Évangile qui est sa puissance pour sauver, non pas le miraculeux ou le spectaculaire.

1.24-25 … mais puissance de Dieu et sagesse de Dieu pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs. Car la folie de Dieu est plus sage que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes.

La crucifixion de Christ est l’ultime démonstration de la puissance et de la sagesse de Dieu, mais aussi de son amour et de sa justice :

1. de la sévérité de la justice de Dieu, car si Dieu pouvait pardonner sans passer par la mort de son Fils unique, il l’aurait certainement fait (Rm 3.25-26) ;

2. de l’amour de Dieu, puisque Christ est mort, même pour des impies et pour ses ennemis (Rm 5.6-8) ;

3. de la sagesse de Dieu, car il a transformé le plus grand crime de l’histoirel’Histoire en occasion de salut (Ac 2.21-24) ;

4. de la puissance de Dieu, parce que dans la mort et la résurrection de Christ est révélée sa capacité de vaincre la mort et de transformer ceux qui se confient en lui (Ep 1.18-20).

2) La folie de Dieu – par rapport à ceux qui le reçoivent 1.26-311.26-28 Considérez, frères, que parmi vous qui avez été appelés il n’y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles. Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages ; Dieu a choisi les choses

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faibles du monde pour confondre les fortes ; et Dieu a choisi les choses viles du monde et celles qu’on méprise, celles qui ne sont point, pour réduire à néant celles qui sont,… (LSG)

Non seulement le message de la croix apparaît aux hommes comme une folie, mais aussien plus les critères humains considèrent la communauté des croyants estcomme méprisable selon les critères humains. De nouveau, on constate combien la pensée de Dieu est différente de celle des hommes. Dans n’importe quelle organisation, y compris, malheureusement, bon nombre d’Églises, on traite avec déférence les éduqués – les « sages », les personnes d’influence – les « puissants », et les gens de haute culture – les « nobles », littéralement « les gens bien nés ». Après tout, n’a-t-on pas besoin des hommes d’affaires pour financer l’œuvre, et des personnes haut placées pour ouvrir des portes, et pourquoi pas de quelques sportifs ou de stars du cinéma pour faire bonne publicité ?

Combien les voies de Dieu sont à l’opposé de cette manière de voir ! Lorsque Jésus-Christ, Seigneur de l’univers, est venu sur cette terre, il n’a pas choisi Rome, ville principale de l’empire ; il est venu à Bethléhem, petit village dans un coin perdu du monde. Il n’est pas venu dans un chariot de feu vers les grands de ce monde. Il est venu comme un faible bébé né d’une famille pauvre dans une étable. Quand Jésus a choisi ses disciples, il n’a pas pris les plus instruits ou respectés, mais des Galiléens, dédaignés et sans instruction (Ac 4.13). Ainsi en est-il pour son choix de ceux qu’il sauve. Jésus a prié un jour : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants » (Mt 11.25).

Notons aussi l’insistance que Paul donne aux mots « appelés » et « choisi ». Face à la fierté des Corinthiens il estime nécessaire de leur rappeler encore une fois que ce n’est

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pas par leur génie qu’ils ont découvert la vérité. Le Seigneur les a choisis lui-même, et cela, malgré le fait qu’ils étaient pour la plupart des faibles et des personnes insignifiantes. Nous touchons à un sujet qui dépasse notre entendement. Pourtant, les Écritures nous enseignent clairement qu’ « en lui [en Christ] Dieu nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et irrépréhensibles devant lui » (Ep 1.4 – LSG). Quels sont les critères qui déterminent ses choix ? Paul nous les donne : Dieu choisit principalement ce qui est fou, faible, méprisé, insignifiant aux yeux des hommes, pour que personne ne puisse se vanter devant lui à cause de ses propres mérites ou œuvres. Comme il dit ailleurs : « … [Dieu] nous a adressé une sainte vocation, non à cause de nos œuvres, mais selon son propre dessein, et selon la grâce qui nous a été donnée en Jésus-Christ avant les temps éternels » (2Tm 1.9).

Ce passage est important pour corriger des attitudes indignes au sein de l’Église. Les divisions à Corinthe étaient en partie dues à un mépris des plus pauvres et des démunis (1Co 11.18-22). Jacques a des paroles sévères pour ceux qui montrent un tel favoritisme (Jc 2.1-7). Si nous voulons avoir la bénédiction de Dieu sur notre assemblée, il faut pouvoir voir les gens comme Dieu les voit et accueillir ceux qu’il accueille.

1.29 … afin que nulle chair ne se glorifie devant Dieu. (LSG)

Ce n’est pas une exagération de dire que cet objectif est le principe fondamental qui caractérise tous les rapports entre Dieu et les hommes. Toute l’histoire de l’humanité court vers ce seul but : « afin que Dieu soit tout en tous » (1Co 15.28). Nous lisons dans Ésaïe 42.8 : « Je suis l’Éternel, c’est là mon nom ; et je ne donnerai pas ma gloire à un autre, ni mon honneur aux idoles ».

La signification de cette vérité fondamentale est évidente : dans la mesure où je suis motivé par l’orgueil ou un

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désir de gloire personnelle, Dieu va me résister, car « Dieu résiste aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles » (1P 5.5 et Jc 4.6). Assurément une personne, qu’elle soit chrétienne ou non, peut accomplir beaucoup de bonnes œuvres, mais Dieu voit derrière l’acte pour récompenser les motivations. Celui qui œuvre pour sa propre gloire a déjà sa récompense (Mt 6.2, 5).

Nous constatons par ce passage que l’orgueil est parmi les péchés les plus graves. Malheureusement, il est aussi parmi les plus subtils, et il est souvent cultivé par un esprit religieux. Jésus l’a condamné plus sévèrement que celui de l’immoralité (Mt 21.32 et Mt 23). Nous n’en sommes jamais à l’abri. Au contraire, plus nous avançons dans la foi, plus nous sommes reconnus comme « spirituels » ou « respectables », plus nous avons tendance à nous enorgueillir, à l’exemple du roi Ozias (2Ch 26). Quels sont les remèdes et les préventions contre ce virus spirituel ? Du côté humain, il faut avoir constamment les regards fixés sur celuiCelui qui est invisible (Hé 12.1-2). « Celui qui se glorifie […] dans le Seigneur » (1Co 1.31) ne devrait pas avoir « de lui-même une trop haute opinion » mais sera plus apte à « revêtir des sentiments modestes » (Rm 12.3). Dieu, de son côté, accorde parfois la souffrance et même la maladie pour empêcher ou déraciner l’orgueil (2Co 12.7).

1.30 Or, c’est par lui que vous êtes en Jésus-Christ,… (LSG)

C’est par Dieu – c’est grâce à lui que vous êtes en Christ. Paul ne cesse de rappeler à ses lecteurs cette vérité de fond pour éliminer tout sujet de gloire.

« En Jésus-Christ » : cette expression si simple est en réalité un des thèmes majeurs du Nouveau Testament. On n’a qu’à regarder le premier chapitre de la lettre aux Éphésiens pour constater combien l’union avec Christ est à la base de toutes les bénédictions d’un chrétien. On retrouve cette vérité dans plusieurs illustrations : le cep et les sarments (Jn 15), le corps et

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les membres (1Co 12), le mariage (Ep 5.31-32) et les pierres dans un temple (1P 2). Cette union avec lui est aussi la garantie de notre pardon, car « il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (Rm 8.1).

1.30 … lequel, de par Dieu, a été fait pour nous sagesse, justice et sanctification et rédemption,… (LSG)

Jusqu’à présent, Paul a présenté le contraste entre la sagesse de Dieu et celle des hommes. Maintenant il déclare que pour nous qui sommes en Christ, la sagesse de Dieu se résume en la personne de notre Sauveur (voir aussi Col 2.2-3). La formulation de la phrase en grec laisse voir que Jésus-Christ est notre sagesse et que cette sagesse s’exprime par les trois mots : justice, sanctification, et rédemption – les trois grands chapitres de notre salut. Christ est notre « justice », parce qu’en lui nous avons été déclarés justes (2Co 5.21 ; Rm 5.1). Il est notre « sanctification », puisqu’en lui Dieu continue son œuvre de délivrance et de purification (1Co 1.2). Il est aussi notre « rédemption ». Peut-être Paul songe-t-il à cet acte de salut futur par lequel Dieu nous transformera à l’image de son Fils (Rm 8.23). Ainsi Christ est pour nous l’expression de la sagesse de Dieu dans tout notre salut : passé, présent, et futur.

1.31 … afin, comme il est écrit, que celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur.

Le passage que Paul cite ici vient de Jr 9.23-24 :

« Ainsi parle l’Éternel : Que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse, que le fort ne se glorifie pas de sa force, que le riche ne se glorifie pas de sa richesse. Mais que celui qui veut se glorifier se glorifie d’avoir de l’intelligence et de me connaître, de savoir que je suis l’Éternel, qui exerce la bonté, le droit et la justice sur la terre ; car c’est à cela que je prends plaisir, dit l’Éternel ».

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La citation correspond parfaitement au message que Paul cherche à communiquer aux Corinthiens, et nous aide à comprendre ce qu’il veut dire. Se glorifier dans le Seigneur c’est se réjouir de ce qu’il est et de ce qu’il a fait pour nous ; c’est montrer de la reconnaissance profonde et sincère envers lui. La fin de cette citation est étonnante : nous pouvons ainsi faire plaisir à Dieu !

3) La folie de Dieu – par rapport aux messagers 2.1-5

Le troisième aspect de l’œuvre de Dieu qui peut paraître une folie aux yeux du monde, c’est sonle choix d’des ouvriers. L’apôtre Paul montre combien ses méthodes et sa présentation allaient à l’encontre de ce que les Corinthiens admiraient dans un conférencier.

2.1-2 Pour moi, frères, lorsque je suis allé chez vous, ce n’est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse que je suis allé vous annoncer le témoignage de Dieu. Car je n’ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié.

À première vue, la résolution de Paul semble bien étonnante. En effet, il est difficile d’imaginer que le succès de sa mission ne dépende pas de ses pouvoirs de persuasion. Dans ce cas il aurait eu tort de ne pas perfectionner sa présentation. Cependant, ce texte rappelle encore une fois que ce n’est pas l’homme, mais Dieu l’Esprit qui convainc « le monde en ce qui concerne le péché, la justice, et le jugement » (Jn 16.8) ; et il l’accomplitaccomplit cette mission par la simple proclamation de Jésus-Christ et de sa mort.

Ces versets sont d’un grand encouragement pour chacun de nous. Le missionnaire qui bafouille pendant des années pour

1 Corinthiens

annoncer l’Évangile dans une langue qui n’est pas la sienne trouve un grand réconfort dans cette vérité. Le chrétien qui n’a pas eu l’occasion de se former dans les finesses de la rhétorique et des arguments théologiques peut prendre courage ici. Car l’évangélisation n’est pas réservée aux spécialistes. Il n’est pas nécessaire de posséder des réponses à toutes les objections ou d’avoir de grands pouvoirs de persuasion. Ce qu’il faut, c’est un courage né d’une confiance dans le Seigneur et d’un amour pour lui.

Paul centre son message sur Jésus-Christ et sa mort. Certains pensent qu’il affirme cela par réaction à ce qu’il a vécu auparavant à Athènes (Ac 17). Ils considèrent que Paul dans son message à l’Aréopage avait cédé à la tentation de vouloir trop s’adapter à l’esprit grec, et que par conséquent il n’a pas eu beaucoup de résultats. Pourtant, rien n’indique que Paul change ici de stratégie ou qu’il regrette son ministère à Athènes. Au contraire, le message à Athènes, dont Luc ne nous ne donne qu’un résumé, conduit les auditeurs directement à la croix et à la résurrection de Christ. Et le Seigneur l’a utilisé pour sauver un certain nombre de personnes. Il nous semble alors que l’apôtre Paul affirme simplement l’optique qui marquait son appel dès le début : annoncer la bonne nouvelle de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ pour nous réconcilier avec Dieu, sans l’occulter par ses propres arguments (1Co 15.1-3).

2.3 Moi-même j’étais auprès de vous dans un état de faiblesse, de crainte, et de grand tremblement ;…

Le mot « faiblesse » peut être aussi traduit par « maladie ». Alors, il est difficile de savoir quel sens donner à ce terme. Avant de venir à Corinthe, quand il prêchait l’Évangile en Galatie, il était troublé par une maladie des yeux assez repoussante (Ga 4.13-14). Dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, il parle d’une écharde dans la chair qu’il supporte, en toute probabilité, depuis la révélation qu’il avait reçue quatorze ans auparavant (2Co 12.1-7). Il n’est pas impossible

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que la faiblesse dont il parle fût soit une infirmité. Quel que soit le sens de ce mot, l’idée est claire : le grand apôtre Paul ne devait pas son influence à sa prestance, qui était plutôt piètre selon ses propres paroles.

CombienQue cette image entre en conflit avec celle que nous racontent souvent les historiens ! Paul pouvait aussi être craintif (2Co 7.5) ; il connaissait aussi le découragement et l’abattement (2Co 4.8 et 7.6). Il ressentait âprement sa propre impuissance et sa faiblesse face à la tâche et à l’opposition des gens. Mais il savait surtout reconnaître que cette faiblesse donnait à Dieu l’occasion d’agir (2Co 12.9-10). La leçon est importante : ce ne sont pas nos déficiences qui empêchent Dieu de nous utiliser, c’estmais plutôt une trop grande confiance en nous-mêmes et en nos talents.

2.4 … et ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse,…

Paul parle de sa parole et de sa prédication. Plus tôt il a parlé de « la prédication » (littéralement : « la parole ») de la croix. Cette parole est « la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » (Rm 1.16, voir aussi 1Co 1.18). Peut-on suggérer alors que Dieu utilise surtout des vases humains pour apporter le salut, même plus que sa paroleParole écrite ? Certainement, plusieurs personnes ont trouvé le Seigneur par une simple lecture de la Bible, et les associations comme les Gédéons font un travail très important en distribuant les Écritures. Toutefois, une bonne partie de la Bible s’adresse à ceux qui sont déjà croyants, et il n’est pas évident qu’un non-croyant, en prenant la Bible en mains, trouve rapidement la bonne nouvelle qui sauve.

Dieu, dans sa sagesse et sa grâce, se sert surtout des messagers imprégnés de sa Parole. Des messagers qui, néanmoins, proclament clairement et simplement ce que la Bible dit concernant la personne de Jésus-Christ et sa mort pour

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nous sauver. Est-ce pour cela que nous lisons dans l’Apocalypse 12.11 que les croyants obtiennent la victoire sur Satan « à cause du sang de l’Agneau et à cause de la parole de leur témoignage » ? La puissance de la Parole se voit souvent quand elle passe par le témoignage des enfants de Dieu. Distribuons donc la Parole écrite, mais cela ne doit pas se substituer à notre témoignage verbal.

Si Paul ne voulait pas s’appuyer sur « les discours persuasifs de la sagesse », cela ne veut pas dire qu’il restait insensible aux idées et aux notions de ceux qui l’écoutaient. Au contraire, quand il leur parle de son ministère d’évangéliste, il écrit :

« Avec les Juifs, j’ai été comme Juif, afin de gagner les Juifs ; avec ceux qui sont sous la loi, comme sous la loi quoique je ne sois pas moi-même sous la loi, afin de gagner ceux qui sont sous la loi ; avec ceux qui sont sans loi, comme sans loi quoique je ne sois point sans la loi de Dieu, étant sous la loi de Christ, afin de gagner ceux qui sont sans loi. J’ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver de toute manière quelques-uns » (1Co 9.20-22 – LSG).

Si nous ne pouvons pas rendre l’Évangile « acceptable » à ceux qui périssent par des arguments humains, il ne faudrait pas non plus faire obstacle à ce message par une présentation mal préparée et insensible aux intérêts et aux besoins des auditeurs.

2.4 … mais sur une démonstration d’Esprit et de puissance,…

Quelle est cette « démonstration » dont parle l’apôtre ici ? S’agit-il de séances de guérisons ou d’autres miracles ? Le texte ne permet pas de donner une réponse définitive à cette question, mais nous avons déjà vu que Paul refusait de

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s’appuyer sur le miraculeux pour communiquer l’Évangile (1.22-23). En toute probabilité, cette manifestation de l’Esprit de Dieu agissant en puissance (le sens de ces mots) se trouve dans la transformation des vies à Corinthe. Car la plus grande œuvre de l’Esprit consiste en la repentance et la conversion d’une personne, deux termes qui indiquent un changement radical dans la pensée et dans la vie. Ce passage rappelle ce que Paul avait écrit aux Thessaloniciens, comment l’Évangile n’avait pas été prêché « en paroles seulement, mais avec puissance, avec l’Esprit-Saint, et avec une pleine persuasion » (1Th 1.5). Paul décrit comment cette puissance était manifestée : « Car on raconte, à notre sujet, quel accès nous avons eu auprès de vous, et comment vous vous êtes convertis à Dieu, en abandonnant les idoles pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre des cieux son Fils » (1Th 1.9-10). C’est cette transformation qui est la preuve à la fois indispensable et incontestable que l’Esprit de Dieu est à l’œuvre dans un ministère.

2.5 … afin que votre foi fût fondée, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. (LSG)

Voilà pourquoi il est essentiel de ne pas gagner des adeptes par la brillance de nosdes arguments brillants. Il faut que celui qui vient à Dieu apprenne à compter sur Lui et non sur un homme, aussi qualifié qu’il soit-il. Car il suffit qu’un autre conférencier plus persuasif arrive pour qu’une confiance mal placée soit ébranlée. Jésus-Christ est le seul homme digne de notre confiance, et celui qui croit en lui, croit aussi en Celui qui l’a envoyé (Jn 12.44).

SUJETS DE DISCUSSION

1. Quand nous partageons l’Évangile, quel est le rôle des preuves et de l’apologétique ? Comment faire la différence entre un appui sur la sagesse et la logique

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humainehumaines et une bonne et puissante présentation ? Que faire quand on nous demande des preuves ? Textes complémentaires : 1P 3.15-16 ; Jc 1.5 ; Ac 6.9-10 ; 1Th 2.13

2 À la lumière de ces paroles sévères concernant la sagesse des hommes, quelle doit être l’attitude d’un chrétien en ce qui concerne l’acquisition de la sagesse – nos écoles et nos universités ? Textes complémentaires : Ps 119.98-100 ; Ec 2.12-16 ; Ph 4.8 ; 1Co 8.1-3

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b. La sagesse de Dieu 2.6-13Jusqu’ici, Paul a montré combien les voies de Dieu

pouvaient paraître folles aux yeux de l’homme. Il a lourdement insisté sur le fait que l’œuvre de Dieu ne peut pas s’effectuer par la rhétorique et les arguments de la sagesse humaine. On pourrait presque l’accuser d’être contre toute instruction et sagesse. Ce passage nous montre que l’apôtre considérait la sagesse très importante, mais uniquement celle qui provient de Dieu, révélée par l’Esprit de Dieu et incompréhensible à ceux qui ne l’avaient pas reçue.

2.6 Cependant, c’est une sagesse que nous prêchons parmi les parfaits, sagesse qui n’est pas de ce siècle, ni des chefs de ce siècle, qui vont être anéantis ;… (LSG)

On pourrait traduire : « Pourtant nous parlons de sagesse parmi ceux qui sont arrivés à la maturité ». On a beaucoup discuté sur le sens du mot « parfait ». Pour certains, Paul veut ainsi indiquer ceux qui sont complets en Christ, qui ont reçu de Dieu un salut parfait (1.30). Il est vrai que le contexte présente surtout le contraste entre l’homme du monde et celui qui a reçu l’Esprit de Dieu. Néanmoins, en général Paul utilise ce terme « parfait » pour décrire ceux qui sont arrivés à une certaine maturité dans leur vie spirituelle (1Co 14.20 ; Ph 3.15 ; Col 4.12). À vrai dire, dans ce contexte, les deux idées se rejoignent. Paul faitétablit le contraste entre ceux qui comprennent la sagesse de Dieu et ceux qui l’ignorent. Celui qui n’a pas l’Esprit de Dieu ne peut pas connaître la sagesse de Dieu, mais plus tard Paul va dire aux Corinthiens que leur état spirituel enfantinimmature leur voile aussi les voies du Seigneur (1Co 3.1-3). Nous y trouvons un important principe spirituel : la sagesse et la compréhension de la pensée de Dieu dépendent de notre maturité en Christ, et non de notre éducation.

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Celui qui se laisse guider et enseigner par l’Esprit de Dieu et par sa révélation peut dire, avec le psalmiste David : « Tes commandements me rendent plus sage que mes ennemis, car je les ai toujours avec moi. Je suis plus instruit que tous mes maîtres, car tes préceptes sont l’objet de ma méditation. J’ai plus d’intelligence que les vieillards, car j’observe tes ordonnances » (Ps 119.98-100).

Qui sont les « chefs de ce siècle » ? Entre autres, ce sont les personnes qui ont crucifié Jésus-Christ (1Co 2.8). Mais l’expression englobe sûrement tous les grands et admirés du monde, qu’ils aient un pouvoir politique ou intellectuel. L’affirmation de Paul est grave : toute cette sagesse est vouée à l’anéantissement. On se rappelle le jugement solennel que Dieu prononça jadis contre tout ce qui fait l’orgueil de l’homme : « Entre dans les rochers, et cache-toi dans la poussière, pour éviter la terreur de l’Éternel et l’éclat de sa majesté. L’homme au regard hautain sera abaissé, et l’orgueilleux sera humilié : l’Éternel seul sera élevé ce jour-là. Car il y a un jour pour l’Éternel des armées contre tout homme orgueilleux et hautain, contre quiconque s’élève, afin qu’il soit abaissé » (Es 2.10-12 – LSG).

2.7-8 … nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu, avant les siècles, avait destinée pour notre gloire, sagesse qu’aucun des chefs de ce siècle n’a connue,… (LSG)

Cette sagesse est décrite par quatre termes : elle est 1) de Dieu, 2) mystérieuse et cachée, 3) prédestinée pour notre gloire avant la création du monde, et 4) incompréhensible aux grands de ce monde.

Elle est mystérieuse et cachée parce qu’elle est au-delà de la portée de l’intelligence humaine. Le Nouveau Testament emploie le mot « mystère » pour décrire non pas ce qui est occulte ou obscur, mais ce qui ne peut pas être connu sans une

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révélation de Dieu. Ainsi l’apôtre écrit aux Colossiens que son message est « la parole de Dieu, le mystère caché de tout temps et dans tous les âges, mais révélé maintenant à ses saints, à qui Dieu a voulu faire connaître quelle est la glorieuse richesse de ce mystère parmi les païens, savoir : Christ en vous, l’espérance de la gloire » (Col 1.25-27 – LSG). Comme il dit plus loin dans 1 Corinthiens, ce sont des choses que l’œil n’a pas vues, que l’oreille n’a pas entendues, mais que Dieu nous a révélées par son Esprit (2.9).

Cette sagesse, Dieu l’a destinée pour notre gloire depuis toute éternité. Elle trouve son ultime expression dans la personne de Jésus-Christ à qui nous serons semblables un jour (Rm 8.29-30). Nous ne pouvons même pas imaginer ce que cela signifie, mais nous nous réjouissons avec l’apôtre qui a pu dire : « … si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d’être glorifiés avec lui. J’estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous » (8.17-18).

2.8 … car, s’ils l’avaient connue, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire.

Le descriptif que Paul applique à Jésus, « le Seigneur de gloire », est une indication limpide de sa divinité. Il rappelle la prophétie de Psaumes 24.9-10 : « Portes, élevez vos linteaux ; Élevez-les, portes éternelles ! Que le roi de gloire fasse son entrée ! Qui donc est ce roi de gloire ? – L’Éternel des armées : Voilà le roi de gloire ! » Jésus est véritablement Dieu, identifié dans ce texte avec « l’Éternel » ou Yahvé de l’Ancien Testament. D’ailleurs, le mot « Seigneur » est utilisé par les écrivains du Nouveau Testament pour traduire ce nom personnel de Dieu dans les textes hébraïques.

1 Corinthiens

2.9-10 Mais, comme il est écrit, ce sont des choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, et qui ne sont point montées au cœur de l’homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l’aiment. Dieu nous les a révélées par l’Esprit.

Cette citation pose quelques problèmes pour les traducteurs, car elle est déconnectée grammaticalement dans le grec, et elle ne se trouve pas dans l’A.T. exactement telle que Paul la cite7. Ces difficultés ne troublent en rien le sens du passage : Pour ceux qui l’aiment, Dieu a préparé des bienfaits qui ne seraient jamais venus à l’esprit humain, mais que Dieu nous a révélés par son Esprit. Paul constate ce que Jésus-Christ lui-même a reconnu avec joie dans une prière adressée à son Père : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Oui, Père, je te loue de ce que tu l’as voulu ainsi » (Mt 11.25-26).

2.10-11 Car l’Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu. Lequel des hommes, en effet, connaît les choses de l’homme, si ce n’est l’esprit de l’homme qui est en lui ? De même, personne ne connaît les choses de Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu. (LSG)

Le principe que Paul présente dans ces versets est important, même s’il n’est pas évident pour une humanité éprise de ses capacités scientifiques. Un chien reconnaît certainement l’existence de son maître, mais il ne pourrait jamais comprendre la pensée de l’homme, car elle le dépasse complètement. Il faut être humain pour comprendre l’homme. De la même manière, la pensée de Dieu dépasse complètement celle de l’homme. Par ses recherches, un être humain peut examiner, découvrir et décrire ce qui est plus petit que lui, mais

7 Paul semble se référer à deux passages dans le prophète Ésaïe : 64.3 et 65.17. On trouve également cette citation dans un livre pseudépigraphe, L’Ascension d’Ésaïe.

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pas ce qui est plus grand. Il peut savoir beaucoup de choses sur une fourmi. Une fourmi ne sait rien sur l’homme. Si nous voulons connaître Dieu, il faut que Dieu se révèle, et il l’a fait par son Esprit. Notre capacité de comprendre Dieu est certainement bien limitée, mais grâce à l’Esprit, il est possible de connaître véritablement Dieu. L’apôtre Jean a écrit : « Nous savons aussi que le Fils de Dieu est venu, et qu’il nous a donné l’intelligence pour connaître le Véritable ; et nous sommes dans le Véritable en son Fils Jésus-Christ. C’est lui qui est le Dieu véritable, et la vie éternelle » (1Jn 5.20).

L’apôtre fait mention de l’Esprit de Dieu six fois dans ce deuxième chapitre. Ces versets sont importants pour ce qu’ils nous révèlent concernant la personne et l’œuvre du Saint-Esprit. Il est Dieu, car seul Dieu peut connaître Dieu. C’est aussi une personne, car seule une personne peut sonder des choses ou les révéler. Il est ce « consolateur » que Jésus avait promis aux disciples qui devait les conduire dans toute la vérité concernant Jésus lui-même et l’avenir (Jn 16.13).

Notons aussi en passant comment Paul décrit l’esprit humain. C’est cet élément en lui qui lui permet de se comprendre. L’esprit humain ici n’est pas ce qui rend un homme sensible à Dieu, mais le centre de son intelligence humaine qui peut être aussi terni de péché (2Co 7.1). Une certaine prudence convient alors quand on essaie de définir la nature de l’homme dans la perspective biblique. Les termes bibliques de « l’« esprit » et « l’âme » ne sont pas aussi définitifs que l’on pense. Cette question devient importante lorsque nous voulons comprendre le sens du chapitre 14, où Paul parle de « prier par l’esprit » et de « parler en esprit » (voir 1Co 14.2, 14-16).

2.12-13 Or nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données

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par sa grâce. Et nous en parlons, non avec des discours qu’enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu’enseigne l’Esprit, employant un langage spirituel pour les choses spirituelles.

Depuis le verset 6, Paul utilise la première personne du pluriel, « nous ». De qui s’agit-il au juste ? Parle-t-il de lui-même et de ceux qui lui sont associés ou inclut-il aussi les chrétiens de Corinthe, et tous ceux qui sont en Christ ? Le contexte semble indiquer la première interprétation, sans nécessairement exclure la deuxième. Ce sont Paul et ses collègues qui ont prêché, etsont les prédicateurs à qui Dieu a révélé en premier sa sagesse mystérieuse et cachée. Ce sont eux qui en parlent, utilisant les mots (grec : logois-) enseignés par l’Esprit. Mais d’autre part, chaque personne qui croit en Christ reçoit l’Esprit de Dieu (Rm 8.9), sans quilequel personne ne peut connaître ce que Dieu nous a donné par sa grâce. De la même manière, il nous faut la direction de l’Esprit pour communiquer les choses de Dieu. Autrement,, sans quoi la connaissance qui est communiquée est religieuse, mais pas « spirituelle ».

La dernière proposition de Paul peut être interprétée de deux manières. On pourrait comprendre : « nous expliquons les choses spirituelles aux (personnes) spirituelles » ou « nous expliquons les choses spirituelles par l’emploi des (paroles) spirituelles ». Les deux traductions sont correctes et s’accordent bien avec le contexte. Il est difficile de savoir laquelle reflète le mieux la pensée de l’auteur. Le participe (sugkrinontes-) traduitrendu par « employant » dans cette version serait probablement mieux traduit par « expliquant », suivant l’utilisation de ce même verbe dans les Septante (Gn 40.8, 16 et Dn 5.12). L’idée de Paul est claire : sans l’œuvre de l’Esprit, il est impossible de connaître la vérité sur Dieu ni de la communiquer aux autres.

1 Corinthiens

c. Les trois catégories de personnes : naturelles, spirituelles et charnelles 2.14-3.4

Pour conclure son enseignement sur la sagesse de Dieu et celle des hommes, Paul résume les différences profondes qui existent entre le chrétien animé par l’Esprit de Dieu (« l’homme spirituel ») et le plus noble des non-croyants (« l’homme naturel » ou psychikos). Cependant, il se voit obligé de placer les Corinthiens dans une troisième catégorie anormale (« des hommes charnels ») : celle composée de véritables chrétiens ayant reçu l’Esprit, mais qui vivent plutôt comme des non-croyants.

2.14 Mais l’homme naturel ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est spirituellement qu’on en juge. (Colombe)

Le mot « naturel » demande une certaine explication. Il traduit le terme grec psychikos (), qui signifie littéralement, « associé à l’âme », car le mot grec pour l’âme est psyché (). Ces mots sont à l’origine de nos mots français « psychique », « psychologie », et d’autres. Pour les Grecs ce terme indiquait ce qui était le meilleur dans l’homme. Aristote avait établi une distinction entre l’homme entraîné par ses basses passions charnelles et celui qui était animé par les aspirations plus nobles de l’âme, l’homme psychikos. Alors, selon l’apôtre, même le plus noble des hommes, s’il n’a pas l’Esprit de Dieu, ne peut ni recevoir ni connaître les choses de Dieu. D’abord, il les rejette, parce qu’elles sont folles à ses yeux. Ensuite il est incapable de les connaître, étant privé de la seule personne qui donne la capacité de les juger, ou mieux, de les discerner.

2.15 L’homme spirituel, au contraire, juge de tout,…

L’homme spirituel est avant tout celui qui se laisse conduire par l’Esprit de Dieu. Dans un certain sens, tous les

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chrétiens, puisqu’ils ont reçu l’Esprit de Dieu, entrent dans cette catégorie de gens. Pourtant, le contexte montre clairement que Paul envisage surtout ceux qui non seulement vivent par l’Esprit, mais qui aussi marchent selon l’Esprit (Ga 5.25).

Il serait facile de lire ce verset de manière à contredire le reste de la Parole de Dieu. Dans quel sens est-ce que l’homme spirituel est qualifié de juger ? Jésus n’a-t-il pas sévèrement condamné les jugements quand il a dit : « Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés. Car on vous jugera du jugement dont vous jugez, et l’on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez. Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil » (Mt 7.1-3) ? Même Paul, plus loin dans sa lettre, interdit le jugement : « Pour moi, il m’importe fort peu d’être jugé par vous, ou par un tribunal humain. Je ne me juge pas non plus moi-même, car je ne me sens coupable de rien ; mais ce n’est pas pour cela que je suis justifié. Celui qui me juge, c’est le Seigneur. C’est pourquoi ne jugez de rien avant le temps, jusqu’à ce que vienne le Seigneur, qui mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et qui manifestera les desseins des cœurs » (1Co 4.3-5).

Une réponse partielle à cette question se trouve dans le sens du verbe « juger » que Paul emploie. IlC' est le même que nous avons traduit par « discerner » dans 2.14. On peut également y mettre ou ailleurs par « examiner ». Dieu donne aux chrétiens qui se laissent guider par le Saint-Esprit l’habileté, et même la responsabilité d’examiner toutes choses (1Th 5.21) afin de discerner ce qui est le meilleur (Ph 1.10) ; ce qui est vrai et qui vient de Dieu (1Jn 4.1) ; ce qui est bien et ce qui est mal (Hé 5.14). Si les chrétiens ne doivent jamais juger dans le sens de critiquer ou de soupçonner le mal, ils ont l’obligation solennelle de redresser un frère surpris dans une faute (Ga 6.1) et parfois même de se séparer d’un croyant qui persiste dans un comportement qui déshonore le Seigneur

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(1Co 5.9-13). La différence entre un jugement que le Seigneur condamne et celui qu’il approuve est parfois subtile. Seuls ceux qui sont spirituels (Ga 6.1 et ici), ceux qui par l’Esprit ont la pensée de Christ, peuvent éviter les erreurs de jugement qui détruisent les autres au lieu de les édifier.

2.15 … et il n’est lui-même jugé par personne.

Le contexte permet de comprendre ce que Paul veut dire ici, et nous protège contre une interprétation abusive. Il ne veut certainement pas dire que le chrétien peut se passer de la correction et de l’avis d’autres frères. Il constate plutôt que celui qui vit selon les conseils de l’Esprit est une énigme pour l’homme naturel, tout simplement parce qu’il a la pensée de Christ (2.16) et que l’autre ne l’a pas. L’homme spirituel arrive à comprendre l’homme naturel, puisqu’il en était un lui-même avant de recevoir le Seigneur, mais l’inverse n’est pas possible. Quelqu’un qui ne connaît pas Dieu trouvera les actions et les motivations d’un chrétien non seulement incompréhensibles, mais assez souvent déplaisantes. Les millions de martyrs pour Christ ont écrit cette vérité avec leur propre sang.

Il ne faut pas alors utiliser ces versets pour justifier un esprit d’individualisme. Le christianisme a connu et connaît encore trop de personnes qui prétendent avoir reçu une révélation personnelle qui les élèvent au-dessus de toute évaluation dans l’Église. L’exégète Fee, qui est lui-même du mouvement pentecôtiste, écrit :

Ce paragraphe a enduré une histoire déplorable quant à son applicationété très mal compris et appliqué dans l’Église. La perspective de Paul a été totalement perdueabandonnée en faveur d’une interprétation allant 180 degrés à l’opposé de son intention. À peu près toutes les formes d’élitisme spirituel, de doctrine de « vie profonde » ou de « deuxième bénédiction » font appel à ce texte.

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Recevoir l’Esprit selon leur compréhension permet à ces gens de connaître les « vérités profondes » de Dieu. […] Certains ont poussé les possibilités de la « foi » à l’extrême, faisantutilisant régulièrement deen dernier recours leur « révélation spéciale » leur dernière cour d’appel. Les autres frères « inférieurs » vivent simplement en dessous de leur complet privilège en Christ… Le don de l’Esprit ne conduit pas à un statut particulier entre croyants ; plutôt vis-à-vis du monde8.

2.16 Car qui a connu la pensée du Seigneur, pour l’instruire ? Or nous, nous avons la pensée de Christ.

Ce passage laisse rêver. Dans une certaine mesure, tous ceux qui ont compris l’Évangile connaissent la pensée de Christ, et c’est peut-être l’idée principale de Paul. Pourtant, qui voudrait limiter la pensée de Christ à la compréhension bien imparfaite d’un nouveau-né en Christ ? Le potentiel dans ce domaine est sûrement beaucoup plus vaste. Paul écrit aux Colossiens : « Car en [Christ], habite corporellement toute la plénitude de la divinité. Et vous avez tout pleinement en lui » (Col 2.9-10 – Colombe). Ne peut-on pas dire que l’objectif principal d’un chrétien doit être de penser et de réagir comme Christ ? N’est-ce pas là la marque de la vraie spiritualité, de la maturité en Christ ?

On a beaucoup débattu ce que signifiede la signification de l’expression « être rempli de l’Esprit ». Les deux verbes qui sont traduits par « être rempli », dans le contexte du Nouveau Testament, signifient surtout « être dominé par », ou « être sous l’influence de » quelque chose ou de quelqu’un. Quand Paul en parle dans Éphésiens 5.18, il contrasteoppose la plénitude de l’Esprit avecà l’état de quelqu’un dominé par le vin.d’ivresse.

8 FEE Gordon D., The First Epistle to the Corinthians, Grand Rapids : Eerdmans, 1987, page 120.

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Les mêmes verbes servent à décrire les gens remplis ou dominés par la joie (Ac 2.28) ou la colère (Lc 4.28). Quelle meilleure expression de la plénitude de l’Esprit que celle proposée dans ce passage – avoir « la pensée de Christ » ? Un chrétien est rempli de l’Esprit dans la mesure où il est animé par la pensée et le cœur du Seigneur Jésus-Christ.

3.1 Pour moi, frères, ce n’est pas comme à des hommes spirituels que j’ai pu vous parler, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Christ.

Malheureusement, les Corinthiens, en dépit de leur relation vitale avec Jésus-Christ, étaient loin de penser comme lui. Ils pensaient, agissaient, et réagissaient comme des non-croyants – des hommes charnels. Cette réprimande de Paul n’a pas dû faire plaisir à ces chrétiens fiers de leur sagesse et satisfaits de leur vie religieuse (4.8-10). Le texte nous rappelle que le fruit de l’Esprit dans une vie se voit, non par une supériorité de sagesse ou des manifestations surnaturelles, mais par un amour sincère pour Christ et pour ses frères (Ga 5.22).

Le sens des mots « charnel » et « chair » a beaucoup changé avec le temps. Bien évidemment, Paul ne décrit pas les Corinthiens comme des morceaux de viande, mais comme des êtres humains qui ne vivent que pour leurs propres intérêts. « La chair » dans le langage du Nouveau Testament est d’abord la nature humaine (Jn 1.14 ; 3.6). Par extension, elle décrit les tendances en chacun de nous qui sont opposées à Dieu. Paul écrit aux Romains : « … l’affection de la chair, c’est la mort, tandis que l’affection de l’esprit, c’est la vie et la paix ; car l’affection de la chair est inimitié contre Dieu, parce qu’elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, et qu’elle ne le peut même pas. Or ceux qui vivent selon la chair ne sauraient plaire à Dieu » (Rm 8.6-8 – LSG ; voir aussi Ga 5.17-21). Être « charnel » signifie alors vivre selon les principes purement humains qui sont opposés à Dieu.

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Paul les qualifie aussi d’« enfants en Christ ». Les chrétiens sont souvent appelés « enfants de Dieu » sans aucune notion de jugement, mais avec d’autres mots grecs. Le terme que Paul utilise ici indique surtout leur immaturité, et constitue une dure réprimande. Car si l’enfance est une étape normale dans la croissance, rester perpétuellement enfant est tout à fait anormal et regrettable. L’auteur de la lettre aux Hébreux a déploré une condition semblable chez ses lecteurs : « Vous, en effet, qui depuis longtemps devriez être des maîtres, vous avez encore besoin qu’on vous enseigne les premiers rudiments des oracles de Dieu, vous en êtes venus à avoir besoin de lait et non d’une nourriture solide. Or, quiconque en est au lait n’a pas l’expérience de la parole de justice ; car il est un enfant. Mais la nourriture solide est pour les hommes faits, pour ceux dont le jugement est exercé par l’usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal » (Hé 5.12-14 – LSG). Les chrétiens de Corinthe sont de tristes exemples de personnes qui se tournent vers Christ pour être sauvés, mais qui ne font aucun progrès dans leur relation avec Dieu. Pierre appelle cette sortequalifie ces personnes de personne myopemyopes, parce que les choses du moment présent luileur cachent ce qui est invisible et éternel (2P 1.9).

3.2 Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter ; et vous ne le pouvez pas même à présent, parce que vous êtes encore charnels.

Les Corinthiens avaient-ils estimé que les messages de Paul étaient trop simples ? Si c’est le cas, Paul réplique ici qu’il n’a pas pu faire autrement, car ils étaient incapables ded'en comprendre davantage. De toute manière, l’apôtre dit que leur condition charnelle les empêche de recevoir une nourriture spirituelle plus consistante. Que veut-il dire au juste ? Quelle est la différence qu’il fait-il entre le « lait » et la « nourriture solide » ? Puisqu’il ne précise pas sa pensée, nous sommes obligés de nous contenter de quelques conjectures. Il semble

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peu probable que Paul ait refusé de leur communiquer certaines vérités trop élevées pour eux. Après tout, il est resté chez eux pendant plus d’un an et demi, et il a certainement enseigné selon le même principe qu’il rappelle aux Éphésiens quand il dit : « … je vous déclare aujourd’hui que je suis pur du sang de vous tous, car je vous ai annoncé tout le conseil de Dieu, sans en rien cacher » (Ac 20.26-27). La différence n’est pas tant dans ce qui est enseigné, mais dans ce qui est compris et assimilé. Calvin disait que Christ est du lait pour les bébés et de la viande pour les hommes. Le lait est un aliment prédigéré, facile à assimiler. La viande oblige un certain effort de la part de celui qui le mange. Quand l’auteur de la lettre aux Hébreux en parle, il dit que le lait est pour ceux qui n’ont « pas l’expérience de la parole de justice » tandis que la nourriture solide est « pour ceux dont le jugement est exercé par l’usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal » (Hé 5.13-14). Le chrétien qui n’a pour nourriture spirituelle que ce qu’il reçoit prédigéré d’un pasteur en est peut-être toujours au lait de la Parole. Celui qui médite la Parole lui-même et la met en pratique est une personne plus mûre qui sait mastiquer la viande des Écritures.

3.3-4 En effet, puisqu’il y a parmi vous de la jalousie et des disputes, n’êtes-vous pas charnels, et ne marchez-vous pas selon l’homme ? Quand l’un dit : Moi, je suis de Paul ! et un autre : Moi, d’Apollos ! n’êtes-vous pas des hommes ?

Deux adjectifs sont utilisés, l’un qui les identifie comme étant de nature charnelle (grec : sarkinos- au v. 1) et l’autre qui les caractérisequalifie de charnels dans leur comportement (grec : sarkikos- au v. 3). Il est important de noter les symptômes de ce désordre dans l’Église : la « jalousie » et les « disputes ». Le mot grec pour « jalousie » est exactement le même traduit ailleurs par « zèle ». D’où la subtilité de ce péché. Sans doute, les personnes impliquées dans ces disputes étaient-elles convaincues d’avoir raison en

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invoquant Paul et Apollos. Pourtant, leurs convictions ne pouvaient plaire ni aux deux hommes concernés ni à Dieu. Paul écrit ailleurs : « Il est beau d’avoir du zèle pour ce qui est bien et en tout temps » (Ga 4.18), mais quand ce zèle dévie au point de diviser et de créer des rivalités, il n’est pas de Dieu mais il est « terrestre, charnel », et même « diabolique » (Jc 3.15).

Nous apprenons dans ce passage que les rivalités au sein d’une Église sont un désordre grave. Aujourd’hui, dans l’échelle des péchés, on estime souvent que les divisions, la jalousie, et les paroles dures ne sont pas très graves. On penserait plus volontiers à l’adultère ou à d’autres formes d’immoralité. Ce texte montre que les rivalités et les calomnies sont au corps de Christ ce qu’est le cancer au corps humain. Ce sont des petites tumeurs qui se propagent et finissent par tout détruire.

Paul identifie la cause de ce désordre dans le fait que les chrétiens de Corinthe sont restés comme des hommes sans Dieu, qui ne profitent pas de la présence et de la puissance du Saint-Esprit pour les amener vers une maturité en Christ. Comment expliquer un tel état, qui est pourtant assez courant dans nos Églises ? En grande partie, il existe parce que l’œuvre que l’Esprit veut faire en nous est à l’opposé de ce que nous voulons naturellement. Paul écrit : « … la chair a des désirs contraires à ceux de l’Esprit, et l’Esprit en a de contraires à ceux de la chair ; ils sont opposés entre eux, afin que vous ne fassiez point ce que vous voudriez » (Ga 5.17). La croissance en Christ peut se comparer à une escalade en montagne. Par l’Esprit, chaque croyant a la force nécessaire pour grimper un pas à la fois vers la perfection que Dieu désire pour lui. Mais il doit lutter constamment contre le péché qui, tel quecomparable à la force de gravitation, l’attire vers le bas et le fait tomber au moindre faux pas. Le chrétien charnel est celui qui, considération faite de la difficulté de l’escalade, préfère rester

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où il est. Sa paresse lui fait manquer la splendeur des panoramas que Dieu réserve pour ceux qui montent vers lui.

SUJETS DE DISCUSSION

1. Ce passage soulève toute la question des rapports entre chrétiens dans une assemblée. Quelle doit être l’attitude d’une personne spirituelle envers celui qu’elle estime charnel ? Comment faire pour aider les « enfants en Christ » à grandir ? Comment savoir si on est apte (spirituel) pourà redresser un autrefrère, selon Ga 6.1 ? Textes complémentaires : Mt 7.1-3 ; Jc 4.11-12 ; Hé 3.12-15

2. Paul nous dit que le chrétien a reçu l’Esprit qui vient de Dieu (1Co 2.12). De quelle manière l’Esprit manifeste-t-il sa présence dans notre vie ? Comment distinguer entre ce qu’il révèle (2.10) et ce que nous imaginons ? Textes complémentaires : 1Jn 4.1-3 ; Mt 10.17-20 ; Lc 9.54-55 ; Jn 15.26-27 ; Rm 8.14-16

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II. Réprimandes à l’assemblée 1.10-6.20A. Divisions et sagesse charnelle 1.10-4.21

3. Deuxième réponseréponse de Paul au problème des divisions : une bonne conception du ministère pour Dieu 3.5-4.21

a. Le rôle des serviteurs de Dieu 3.5-4.51) ouvriers avec Dieu 3.6-92) bâtisseurs dans un temple 3.9b-233) économes dans la maison de Dieu 4.1-5

b. L’exhortation et l’avertissement de Paul 4.6-211) les marques d’un vrai serviteur 4.6-132) son admonition 4.14-21

3. Deuxième réponse de Paul au problème des divisions : Une bonne conception du ministère pour Dieu 3.5-4.21

Jusqu’à ce point dans sa lettre, Paul a tenté de faire voir aux Corinthiens qu’ils avaient une opinion bien trop élevée de la sagesse humaine qui les a amenés à suivre des maîtres terrestres plus que le Seigneur, etce qui les a divisés. Liée étroitement à cette attitude existe une conception faussée du rôle de ceux que Dieu avait choisis pour être ses ouvriers. Là de nouveau, les voies de Dieu sont fort différentes de celles des hommes. Ceux qui conduisent le troupeau de Dieu ne sont pas des maîtres à suivre, mais des serviteurs de Dieu et de Jésus-Christ, qui seuls méritent notre totale obéissance.

a. Le rôle des serviteurs de Dieu 3.5-4.53.5 Qu’est-ce donc qu’Apollos, et qu’est-ce que Paul ? Des serviteurs, par le moyen desquels vous avez cru, selon que le Seigneur l’a donné à chacun.

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« Comment ? dit l’apôtre, vous voulez vous calquer sur nous ? Ne voyez-vous pas que nous ne sommes que des serviteurs ? Notre valeur tient uniquement de ce que le Seigneur nous a donné ». Dans ce qui suit, Paul montre que les différences entre Apollos et lui-même ne doivent pas être une raison de discorde dans l’Église. Car ils ne sont pas en compétition l’un avec l’autre, mais dans le plan de Dieu, leurs efforts sont complémentaires pour l’avancement de l’œuvre de Dieuson œuvre. Pour préciser ce qu’est un vrai serviteur de Dieu et ce qu’il doit faire, il tire trois comparaisons de la vie courante. Le serviteur de Dieu est comme :

1. un ouvrier dans une ferme – 3.6-9,

2. un bâtisseur dans un temple – 3.9b-23, et

3. un économe ou un gérant dans une maison – 4.1-5.

Tous ces métiers illustrent un point principal : ceux qui conduisent l’Église de Jésus-Christ sont ses « serviteurs », appelés surtout à servir et non pas à dominer. Cela paraît évident en théorie. En général, on estime que le rôle d’un serviteur est de servir… sauf malheureusement dans certains milieux chrétiens. Dans ces milieux, l’expression revêt un sens beaucoup plus magistral : c’est le Serviteur de Dieu qui se présente comme une autorité plus qu’non comme un serviteur. Car l’esprit du monde a vite envahi la conception de gestion spirituelle. Jésus l’a bien défini et l’a formellement interdit quand il a dit à ses disciples : « Vous savez que les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands les asservissent. Il n’en sera pas de même au milieu de vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur ; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave » (Mt 20.25-27). La bonne gestion d’une Église n’est pas fonction des capacités administratives de ses dirigeants, mais plutôt de leur esprit d’humilité et de service.

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1) ouvriers avec Dieu 3.6-93.6-9 J’ai planté, Apollos a arrosé, mais Dieu a fait croître, en sorte que ce n’est pas celui qui plante qui est quelque chose, ni celui qui arrose, mais Dieu qui fait croître. Celui qui plante et celui qui arrose sont égaux, et chacun recevra sa propre récompense selon son propre travail. Car nous sommes ouvriers avec Dieu. Vous êtes le champ de Dieu, l’édifice de Dieu.

Paul établit ici plusieurs principes spirituels qui sont très importants pour la réussite d’un travail dans le Seigneur. Le plus important est exprimé dans le verset 9 : « nous sommes ouvriers [sunergoi-] avec Dieu ». Le mot « ouvrier » est un favori de Paul. Il signifie littéralement « co-ouvrier » ou « collaborateur » ou « compagnon d’œuvre ». Le travail du Seigneur s’effectue alors en équipe. Paul déclare que lui, Apollos, et tout autre envoyé de Dieu travaillent ensemble comme ouvriers dans un champ – avec un seul but : une riche récolte. Il n’est pas toujours facile de travailler de cette manière. Chacun est naturellement attiré par le défi et la satisfaction de réussir seul son projet à lui. D’ailleurs, nos coéquipiers ne sont pas toujours de caractère facile. Pourtant, le principe de base de l’Église est un travail qui se fait ensemble, où chaque membre du corps a sa place et son rôle. Le chrétien qui insiste à travailler seul, sans l’aide ou l’accord des autres, ne sera jamais très efficace dans l’œuvre de Dieu. Quelles sont les implications de ce travail en équipe ? Paul en donne quelques-unes :

1) v. 6 : Le Maître du champ donne à chaque serviteur un travail qui lui est propre. Paul a planté – il était le premier à semer la semence de la Parole de Dieu à Corinthe. Apollos est venu ensuite pour arroser cette Parole, pour la faire grandir par son enseignement. Les deux activités sont utiles et complémentaires. À quoi bon planter si on n’arrose pas ? À

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quoi bon arroser si on n’a pas planté ? La leçon ? Je dois me contenter de la place et des dons que le Seigneur me donne, sachant que chaque membre du corps de Christ a sa valeur et un rôle utile.

2) v. 6-7 : Le succès de l’œuvre ne dépend ni de Paul ni d’Apollos, mais de Dieu qui donne la vie. Les plantes peuvent pousser sans que personne les plante ou les arrose, et Dieu peut agir sans l’apport humain. Pourtant, comme dans une ferme, les plantes poussent mieux quand l’homme y met la main. Illes soigne. Ainsi, il a plu à Dieu d’associer les hommes dans son travail – à condition qu’ils ne croient pas prendre lasa place de Dieu. La leçon ? Je dois reconnaître que toute la gloire appartient à Dieu pour le fruit que je peux voir dans mon service pour lui.

3) v. 8 : « Celui qui plante et celui qui arrose sont égaux » (littéralement « sont un »). Il est vrai que les ouvriers ont tous la même valeur (aucune selon v. 7 !), mais Paul parle ici de leur unité dans le travail. Les vrais serviteurs de Dieu ne sont pas en concurrence, mais sont unis et complémentaires dans leur ministère. Les Corinthiens voyaient Paul et Apollos comme deux têtes de partis. Paul dit qu’Apollos est son compagnon de travail, et qu’ils sont parfaitement unis dans un même esprit et pour un même objectif : porter du fruit pour le compte du Maître de la moisson. La leçon ? Je dois apprendre à apprécier les autres qui travaillent réellement pour le Seigneur, et à éviter tout esprit de compétition ou de concurrence.

4) v. 8 : Dieu va récompenser chacun de ses serviteurs selon son propre travail. C’est la première fois que Paul mentionne des récompenses, mais pas la dernière (3.14-15 ; 4.5). Chaque fois les critères sont différents. Dans ce passage, Dieu va récompenser selon le « travail » de chacun. Dans le grec, deux mots sont utilisés pour parler de travail. Le mot ergon () sert à décrire ce qui est accompli – le produit

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ou les résultats. Le mot employé ici, kopos ()¸ indique plutôt l’effort fourni. Dieu nous dit ici qu’il va récompenser son ouvrier, non par rapport à ses résultats, mais selon l’énergie qu’il a dépensée dans le service de son Maître. La leçon ? Je n’ai pas à me faire du souci pour savoir si mon labeur est remarqué ou non par les autres. Dieu tient de bons comptes, et il n’est pas injuste pour oublier le moindre effort dépensé pour lui (Hé 6.10).

2) bâtisseurs dans un temple 3.9b-233.9b Vous êtes […] l’édifice de Dieu.

La deuxième comparaison pour illustrer le rôle d’un serviteur de Dieu est celle de la construction d’un édifice, et plus précisément du temple de Dieu. L’image est double ; les chrétiens sont à la fois les pierres vivantes qui composent le bâtiment et les ouvriers qui travaillent à sa construction. Paul écrit ces phrases pour mettre en garde ses lecteurs au sujet de leur mauvaise façon de bâtir, non sur la le solide fondationfondement de Jésus-Christ, mais sur le sable de la sagesse et de la philosophie humaine.

Notons d’emblée ce que cette affirmation implique en ce qui concerne notre attitude envers l’Église. Paul dit : « vous êtes […] l’édifice de Dieu, […] vous êtes le temple de Dieu » (v.9, 16). L’Église est donc un ensemble qui appartient à Dieu. Jésus l’a appelée « son Église » quand il l’a annoncée pour la première fois (Mt 16.18). Elle est composée de « pierres vivantes » selon l’analogie faite par l’apôtre Pierre (1P 2.5). L’illustration est parlante. La beauté de ce temple ne réside pas dans la valeur des matériaux, mais dans la structure et la forme de la construction une fois terminée. Une seule pierre ne coûte pas cher ; on en trouve partout et par tonnes. Elle prend de la valeur une fois taillée et mise à sa place dans l’ensemble. Un chrétien qui s’isole de l’Église refuse de participer à l’œuvre qui intéresse particulièrement le Seigneur Jésus-Christ, qui « a

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aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier par la parole, après l’avoir purifiée par le baptême d’eau, afin de faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible » (Ep 5.25-27 – LSG).

3.10-11 Selon la grâce de Dieu qui m’a été donnée, j’ai posé le fondement comme un sage architecte, et un autre bâtit dessus. Mais que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit dessus. Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ.

Presque chaque fois que Paul mentionne son travail, il tient à souligner qu’il doit tout à « la grâce de Dieu ». Plus tard, en parlant de son rôle d’apôtre, il écrira : « Par la grâce de Dieu je suis ce que je suis, et sa grâce envers moi n’a pas été vaine ; loin de là, j’ai travaillé plus qu’eux tous, non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi » (1Co 15.10). Ses affirmations suscitent une question intéressante : Quelle est notre part et quelle est la part de Dieu dans ce que nous faisons ? Puisque l’œuvre de Dieu en nous est très discrète, nous oublions trop facilement que c’est Dieu qui produit en nous « le vouloir et le faire, selon son bon plaisir » (Ph 2.13). On constate combien qu'il est impossible de dissocier l’effort humain de l’action de Dieu. Cependant, une vérité ressort nettement, celle que Christ a énoncée quand il a dit à ses disciples : « sans moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15.5).

Paul a travaillé « comme un sage architecte » (ou mieux : « entrepreneur » ou « contremaître »). Dans son rôle d’apôtre pour les Corinthiens, c’est lui que Dieu a utilisé pour poser la fondationle fondement, pour implanter une Église dans leur ville (1Co 9.2). Il est « sage », parce qu’il a posé la bonne fondation, mais il n’est pas le chef du chantier. C’est Jésus-Christ qui est à la fois la seule fondation et le Maître d’œuvre ; c’est lui qui bâtit son Église (Mt 16.18). En même temps il

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invite tout autre bâtisseur à suivre attentivement les plans de ce Constructeur en chef, car l’enjeu est éternel.

L’avertissement de Paul, s’il est adressé en premier lieu aux dirigeants de l’Église à de Corinthe, nous concerne tout autant. Tous ceux qui croient en Christ sont appelés à participer à la construction de cette Église que Christ est en train de bâtir. Ce n’est pas une exagération de dire que l’œuvre principale de Dieu et de Christ dans notre monde actuel est la construction de l’Église. Dans la mesure où je contribue à cet ouvrage, j’entre dans le plan et l’œuvre de Dieu. Tout ce que je fais en dehors de ce projet n’a pas de valeur éternelle. Sans doute existe-t-il énormément de manières différentes de participer à l’édification de l’Église de Christ, et Dieu donne aux membres des dons variés à l’infini en vue de son accomplissement. L’avertissement est pourtant d’une grande actualité. Ce que je fais de ma vie, est-ce une réelle contribution à cette œuvre de Christ ? L’investissement de mon temps, de mon argent, de mon énergie est-il placé dans les valeurs éternelles ? « Que chacun [de nous] prenne garde » !

3.12-13 Or, si quelqu’un bâtit sur ce fondement avec de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, du chaume, l’œuvre de chacun sera manifestée ; car le jour la fera connaître, parce qu’elle se révélera dans le feu, et le feu éprouvera ce qu’est l’œuvre de chacun.

On peut classer les matériaux que Paul mentionne ici selon deux critères : leur résistance et leur valeur. Le contexte indique qu’il considère principalement leur résistance à l’incendie, pour illustrer la nécessité d’investir pour l’éternité et non pas pour ce qui va un jour disparaître. Que représentent les différents matériaux ? N’essayons pas de trop vouloir définir ce que Paul ne précise pas. En parlant de l’or, de l’argent et des pierres précieuses, il évoque peut-être les matériaux utilisés dans la construction du temple de Salomon dont parlent

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souvent les écrivains de l’Ancien Testament (1Ch 29.2 ; 2Ch 3.6 ; Ag 2.8). Ils représentent toute œuvre d’un serviteur de Dieu qui subsiste après l’épreuve du jugement de Dieu. Le bois, le foin et le chaume représentent ce qui brûlera et disparaîtra au jugement. Il est possible que Paul indique une différence de valeur aussi, surtout dans ce qui disparaîtra. Avec le bois, on peut construire un magnifique bâtiment, admiré et apprécié par tous… jusqu’au jour de l’incendie. Le bois pourrait alors représenter les œuvres d’un chrétien qui fait beaucoup de choses, mais seulement dans l’optique de sa vie terrestre. On songe à la frustration du roi Salomon qui considère combien les grands ouvrages qu’il a pu faire étaient de la vanité et poursuite du vent (Ec 2.4-11). Le foin, comme le chaume, n’a guère d’utilité dans la construction. Il est malheureusement possible qu’une personne réellement sauvée puisse gaspiller sa vie, dépensant toutes ses richesses en Christ pour ce qui n’a aucune valeur.

« Le jour » que Paul évoque est certainement ce le moment quand où chaque enfant de Dieu va « comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu’il aura fait, étant dans son corps » (2Co 5.10). Les Écritures font une nette distinction entre le jugement qui détermine le destin final de ceux qui ne connaissent pas Dieu et n’obéissent pas à l’Évangile (2Th 1.9-10 et Ap 20.11-15) et le jugement dont Paul parle ici : le tribunal de Christ où le Seigneur récompense le chrétien selon ses œuvres. Pour celui qui s’est confié en Jésus-Christ et qui a été gracié par Dieu à cause de la mort de son Fils, « il n’y a plus de condamnation » (Rm 8.1). Il « a la vie éternelle et ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie » (Jn 5.24).

Ce passage de 1 Corinthiens 3.13 est le seul du Nouveau Testament qui soit utilisé par l’Église catholique pour appuyer sa doctrine de purgatoire. Cependant, une lecture soignée du texte indique clairement que le feu dont parle l’apôtre n’est pas

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un lieu où le pécheur purge sa peine et se purifie de ses péchés. Le feu est plutôt le moyen par lequel le Seigneur examine la qualité de l’œuvre de son enfant en vue de le récompenser. On ne trouve que deux destins finals dans les Écritures : la vie éternelle pour ceux qui ont mis leur confiance en Jésus-Christ ou la mort éternelle pour ceux qui ne connaissent pas Dieu (2Th 1.7-10). Le purgatoire a été inventé au Moyen Âge pour atténuer la sévérité de la révélation de Dieu concernant l’enfer, cette éternelle séparation du pécheur non repenti d’avec son Créateur.

3.14 Si l’œuvre bâtie par quelqu’un sur le fondement subsiste, il recevra une récompense.

Il est fascinant – et un peu troublant – de penser que les actions de notre temps, aussi petites qu’elles puissent paraître, auront une conséquence directe sur ce que nous serons dans l’éternité. D’abord, nous avons de la peine à réconcilier l’idée d’une récompense avec celle de la grâce. Si Dieu nous a donné un plein salut par la grâce, sans considération de nos mérites, quel besoin de récompenses ? Nos mérites et nos œuvres, que peuvent-ils ajouter à ce grand salut ? Et en quoi consistent les récompenses ? De bonnes questions qui n’auront pas de réponses complètes aussi longtemps que nous sommes sur la terre. Nous affirmons seulement ce que Dieu révèle. Il nous assure qu’il va donner des récompenses – des récompenses qui surpassent de loin celles que ce monde peut offrir, qu’il s’agisse de son approbation (1Co 4.5), des couronnes (2Tm 4.8ss), de véritables possessions (Lc 16.11), des responsabilités (Lc 19.17, etc.) ou de la gloire (Dn 12.3). Dieu nous rappelle pourtant que nous n’avons rien qui ne nous a pas été donné (1Co 4.6-7). Alors se glorifier de ses œuvres et de son caractère c’est se récompenser soi-même et perdre la récompense que le Seigneur aurait pu donner plus tard (Mt 6.1-6). Ces passages nous aident à comprendre pourquoi Jésus a répété souvent : « Plusieurs des premiers seront les derniers, et plusieurs des derniers seront les premiers » (Mt 19.30). Au ciel il existera

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bien des différences entre les gens à cause de ce qu’ils auront fait en tant que serviteurs de Christ. Il y aura aussi bien des surprises !

Par l’illustration des fermiers, Paul disait que Dieu donne des récompenses selon l’effort qu’un serviteur de Dieu dépensefournit (1Co 3.10). Ici il ajoute un deuxième critère : la valeur éternelle de l’œuvre dans laquelle on investit son énergie. Quelles sont les œuvres qui résistent au feu du jugement de Dieu ? Une chose est certaine : en ce qui concerne tout ce qui est matériel, « nous n’avons rien apporté dans le monde, et il est évident que nous n’en pouvons rien emporter » (1Tm 6.7) ! Dans une société qui nous incite sans cesse à multiplier nos acquisitions, il est difficile de se rappeler que « les choses visibles sont passagères, et les invisibles sont éternelles » (2Co 4.18). S’investir dans le visible est alors insensé à la lumière de l’éternité. La vraie sagesse stipulevoudrait que nous prenions ce qui est visible et que nous le transformions en ce qui est éternel. Dans sa parabole quelque peu énigmatique, Jésus parle d’un économe qui était coupable de détournement de fonds, mais qui a agi prudemment en « achetant » des amis (Lc 16.1-13). Il conclut par ce conseil : « Et moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec les richesses injustes, pour qu’ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels, quand elles viendront à vous manquer » (Lc 16.9). Autrement dit, nous devons utiliser nos richesses, qui de toute façon sont ternies par tout un contexte d’injustice, pour gagner des amis éternels en leur apportant le salut et d’autres aides spirituelles. Alors, ce seront ces personnes-là qui serontreprésenteront principalement l’œuvre qui résiste au feu, et qui nous accueilleront un jour au ciel, après la disparition de toute richesse matérielle. Les chrétiens sont souvent préoccupés par la construction d’ « églises » faites de matières inertes, et c’est parfois très utile à l’œuvre de Dieu. Néanmoins, ce qui compte pour l’éternité, c’est le travail que nous aurons investi dans le façonnage des pierres vivantes.

1 Corinthiens

Dieu honore ceux qui construisent avec des pierres vivantes. Mais dans sa grâce, il donne aussi des récompenses pour d’autres raisons. En voici quelques exemples :

2 Corinthiens 4.17-18 : « … nos légères afflictions du moment présent produisent pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire, parce que nous regardons, non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles ».

Matthieu 5.11-12 : « Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux ».

Luc 6.35 : « Mais aimez vos ennemis, faites du bien, et prêtez sans rien espérer. Et votre récompense sera grande ».

Matthieu 10.42 : « Et quiconque donnera seulement un verre d’eau froide à l’un de ces petits parce qu’il est mon disciple, je vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense ».

Matthieu 19.29 : « … quiconque aura quitté, à cause de mon nom, ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses terres, ou ses maisons, recevra le centuple, et héritera la vie éternelle ».

3.15 Si l’œuvre de quelqu’un est consumée, il perdra sa récompense ; pour lui, il sera sauvé, mais comme au travers du feu.

Le malheur de cette personne est double : elle voit son œuvre monter en fumée, et elle perd toute récompense. Elle garde pourtant ce qui est le plus précieux – son salut qui est un don gratuit de Dieu et qui ne dépend nullement de ce qu’elle a fait. Les dommages mentionnés sont importants, et l’apôtre

1 Corinthiens

Paul veut surtout épargner cet échec à ses lecteurs cet échec. Pourtant, l’assurance qu’il fournit est extraordinaire : Jésus ne mettra jamais dehors celui qui vient à lui (Jn 6.37). Certes, beaucoup de personnes peuvent se tromper, se considérant en bons termes avec Dieu à cause de leurs œuvres ou de leurs associations (Mt 7.21-23). De la même manière, celui qui se plaît dans le péché et l’injustice aura tort d’affirmer qu’il est sauvé (1Co 6.9-10). Mais la personne qui est réellement en Jésus-Christ sera sauvée, même si elle n’a rien fait dequi ait une valeur éternelle.

3.16-17 Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira ; car le temple de Dieu est saint, et c’est ce que vous êtes.

Notons tout d’abord que le temple de Dieu dont parle ici l’apôtre est l’ensemble des croyants, l’Église. Plus tard Paul dira que le corps d’un chrétien individuel est aussi le temple de Dieu (1Co 6.17-20). Mais dans ce contexte, il utilise l’expression pour souligner l’aspect sacré et précieux de cet édifice spirituel que chacun est appelé à construire, et non pas à détruire, par ses actions.

L’assemblée de Corinthe était déchirée par des querelles et des rivalités. Paul va jusqu’à leur dire : « vous vous assemblez, non pour devenir meilleurs, mais pour devenir pires » (1Co 11.17) ! Imaginez une Église où les personnes, au lieu d’être édifiées et encouragées par la compagnie avec lesdes autres, sortent de la réunion plus méchantes qu’elles ne l’étaient avant de venir ! Le grave danger consiste alors à détruire ce que Dieu construit. Le mot détruire dans le grec peut se traduire par « abîmer » ou « endommager ». La pensée du texte semble être la suivante : « Si quelqu’un fait du mal à l’œuvre de Dieu, Dieu lui fera du mal. Comment peut-on détruire l’œuvre de Dieu ? » Les textes ci-dessous nous en donnent quelques notions :

1 Corinthiens

1. L’insistance sur mes libertés sans considération de la conscience de l’autre : « Pour un aliment, ne détruis pas l’œuvre de Dieu. À la vérité toutes choses sont pures ; mais il est mal à l’homme, quand il mange, de devenir une pierre d’achoppement. Il est bien de ne pas manger de viande, de ne pas boire de vin, et de s’abstenir de ce qui peut être pour ton frère une occasion de chute, de scandale ou de faiblesse » (Rm 14.20-21 – LSG). Voir aussi 1 Corinthiens 8.8-13.

2. La fausse doctrine : « Évite les discours vains et profanes ; car ceux qui les tiennent avanceront toujours plus dans l’impiété, et leur parole rongera comme la gangrène. De ce nombre sont Hyménée et Philète, qui se sont détournés de la vérité, disant que la résurrection est déjà arrivée, et qui renversent la foi de quelques-uns » (2Tm 2.16-18).

3. La jalousie, l’orgueil, et les divisions – ce qui existait à Corinthe : 1Co 11.17 (voir plus haut).

Cette mise en garde est bien utile à notre époque. Aux yeux de beaucoup, les Églises d'aujourd’hui sont méprisables – de petites communautés de personnes faibles, pleines de problèmes et de différends. Cela n’est pas étonnant, car l’Église actuelle n’est pas le un produit fini, mais un chantier à moitié terminé. Comme dans toute autre construction, le chantier n’est pas toujours beau à voir. Il y a de la boue, des murs partiellement terminés, des erreurs qui restent à corriger… Il faut attendre la fin de l’ouvrage pour admirer sa beauté. Il en va de même pour l’Église. Même Cependant, même à moitié terminée, elle est l’ouvrage de Christ et sa gloire (2Co 8.23). Elle est l’habitation de Dieu par le Saint-Esprit. Malheur à celui qui la méprise et la démolit par ses attitudes ou ses actions ! Il est important de se rappeler la vérité affichée sur lescertains badges qu’on trouve parfois : « Soyez patient avec moi – le Seigneur n’a pas encore achevé son travail en moi ».

1 Corinthiens

Le chapitre 3 de notre lettre se termine avecpar deux exhortations qui résument admirablement ce que Paul a écrit jusque-là. À la lumière de tout ce que Dieu est en lui-même et envers ses enfants, l’apôtre rappelle à ses lecteurs le danger 1) d’une confiance en leur propre sagesse (3.18-20) et 2) d’une confiance excessive en d’autres humains (3.21-22).

3.18-20 Que nul ne s’abuse lui-même, si quelqu’un parmi vous pense être sage selon ce siècle, qu’il devienne fou, afin de devenir sage. Car la sagesse de ce monde est une folie devant Dieu. Aussi est-il écrit : Il prend les sages dans leur ruse. Et encore : Le Seigneur connaît les pensées des sages, Il sait qu’elles sont vaines.

Autrement dit, que personne ne se leurre en s’appuyant sur une sagesse qui n’en est pas une. L’apôtre n’accuse personne, mais il est évident que certains parmi les Corinthiens se croyaient sages par leurs connaissances et leur éducation. En deux autres occasions dans cette lettre, Paul emploie la même expression pour réprimander. Au chapitre 8, il s’agit de leur connaissance : « Si quelqu’un croit savoir quelque chose, il n’a pas encore connu comme il faut connaître » (8.2). Au chapitre 14, il est question de leur relation avec Dieu : « Si quelqu’un croit être prophète ou inspiré, qu’il reconnaisse que ce que je vous écris est un commandement du Seigneur » (14.37 – LSG). Dans ces trois textes, Paul dénonce une confiance en eux-mêmessoi qui fausse la réalité et qui sabote l’œuvre de Dieu. Comme suggère le livre des Proverbes : « Si tu vois un homme qui se croit sage, il y a plus à espérer d’un insensé que de lui » (Pr 26.12).

L’affirmation de Paul correspond à ce que Dieu avait déjà révélé au peuple d’Israël. Pour Dieu, les pensées (grec : dialogismous- = opinions, raisonnements) de l’homme sont vaines (Ps 94.11) et toute tentative humaine d’être « plus fort » que Dieu est vouée à l’échec (Jb 5.13).

1 Corinthiens

Comment comprendre ces déclarations ? Faut-il ainsi conclure que l’homme sans Dieu est complètement dépourvu de raison ? Doit-on refuser de consulter tout ouvrage écrit par un non-croyant parce qu’il serait inutile et vain ? Une telle interprétation va bien au-delà du contexte et contredit d’autres textes des Écritures. Le même psaume qui dit que les pensées de l’homme sont vaines affirme également que Dieu « donne à l’homme l’intelligence » (Ps 94.10). L’homme est capable de belles choses quand il utilise son intelligence pour sonder, découvrir, et maîtriser le monde que Dieu lui a donné (Gn 1.28). Mais sa sagesse devient une folie devant Dieu quand il l’utilise pour s’ériger contre Dieu et sa révélation. Dans ce cas, la lumière qui est en lui devient ténèbres (Mt 6.23). C’est effectivement ce qui s’est passé : les êtres humains « n’ont pas glorifié Dieu, et ne lui ont point rendu grâces ; mais ils se sont égarés dans leurs pensées, et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous » (Rm 1.21-22). L’exégète Fee résume bien la pensée de Paul ici : « Par la croix et la résurrection de Christ, Dieu a rendu folle la sagesse. Tout est à l’envers : la sagesse est folie, la folie est sagesse ; la faiblesse est puissance, les dirigeants sont des serviteurs ; les choisis de Dieu sont des nuls, mais ils possèdent toutes choses »9.

Le chrétien peut profiter énormément de la sagesse et de la science de l’homme, mais il doit reconnaître que globalement la perspective humaine est en opposition avec celle de Dieu. Il se rappelle que « la crainte de l’Éternel est le commencement de la science » (Pr 1.7), et il prend garde que « personne ne fasse de [lui] sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s’appuyant sur la tradition des hommes » (Col 2.8). Il n’est pas étonné de voir que la science, telle qu’elle est enseignée aujourd’hui, cherche à expliquer notre existence et notre comportement en excluant Dieu et sa révélation.

9 FEE Gordon D., The First Epistle to the Corinthians, Grand Rapids : Eerdmans, 1987, page 151.

1 Corinthiens

Ce passage nous rappelle également que celui qui place sa confiance dans la révélation de Dieu sera taxé de fou. Le biologiste qui voit la main de Dieu dans la création sera appelé un qualifié de superstitieux. Le psychologue qui traite ses patients selon les principes de la Bible sera considéré comme sectaire. Alors, nous avons le choix. Nous pouvons nager avec le courant de la pensée humaine, mais sachons que c’est de la folie et un obstacle pour Dieu. Ou bien nous pouvons renoncer à notre sagesse pour trouver sa sagesse, de la même manière que nous devons aussi renoncer à notre propre justice pour trouver sa justice (Ph 3.8-9), et à notre propre force pour être fortifiés en lui (2Co 12.9).

Il est important que les chrétiens comprennent le sens de ce passage dans son application pratique au sein de l’Église. Quels sont les critères qui déterminent le choix de nos dirigeants ? Favorisons-nous les personnes ayant un bon diplôme et qui ont la parole facile ? Ou appliquons-nous les qualifications données dans 1 Timothée 3.1-7 et Tite 1.5-9, principes qui touchent surtout la qualité de vie de quelqu’un et son attachement au Seigneur et à sa Parole ? Les gens qui dirigent l’Église doivent être irréprochables et recevoir un bon témoignage des gens du dehors (1Tm 3.2, 7), non parce que le monde les considère comme sages, mais parce que leur vie et leur caractère portent l’empreinte de Jésus-Christ.

3.21-23 Que personne donc ne mette sa gloire dans des hommes ; car tout est à vous, soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, soit le monde, soit la vie, soit la mort, soit les choses présentes, soit les choses à venir. Tout est à vous ;…

La deuxième exhortation prend le discours des Corinthiens et le retourne. Car ils disaient, « moi, je suis de Paul ; et moi, d’Apollos ; et moi, de Céphas » (1.12). Le contraire est plutôt la vérité : Paul, Apollos et Céphas leur appartiennent, comme des serviteurs et non comme des maîtres.

1 Corinthiens

Et non seulement ces trois hommes, mais absolument tout est à eux grâce à leur relation avec Jésus-Christ. La portée de cette affirmation dépasse certainement notre pauvre conception de notre héritage en Christ. La vérité ici présentée est magnifique, même si nous n’apercevons qu’une toute petite part de sa signification. La liste de ce qui est assujetti aux chrétiens comporte toutes « les ultimes tyrannies de l’existence humaine auxquellesdont les gens sont esclaves pendant toute leur vie »10.

1) « Le monde » est à nous, car nous sommes en Christ, qui a vaincu le monde (Jn 16.33) et nous associe à son règne (1Co 6.2). Il ne s’agit pas uniquement du monde à venir, car Paul ajoute à cette liste « les choses présentes ». Même si actuellement « le monde entier est sous la puissance du malin » (1Jn 5.19), l’autorité finale appartient à Christ. Il accorde à ses serviteurs tout ce qui est bon pour eux (Rm 8.28), et même abondamment au-delà de leurs besoins (2Co 9.8).

2) « La vie » est à nous, car Dieu par « sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété, au moyen de la connaissance de celui qui nous a appelés par sa propre gloire et par sa vertu » (2P 1.3).

3) « La mort » est à nous, car Christ a vaincu ce dernier ennemi tellement effroyable et par lui nous l’avons aussi vaincu (1Co 15.26, 57). Nous pouvons alors dire avec l’apôtre : « Christ est ma vie, et la mort m’est un gain » (Ph 1.21).

4) « Les choses à venir » sont à nous, car « si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ » (Rm 8.17).

3.23 … et vous êtes à Christ,…

10 FEE Gordon D., The First Epistle to the Corinthians, Grand Rapids : Eerdmans, 1987, page 154.

1 Corinthiens

Compte tenu de tout ce que nous avons en Christ, Dieu nous invite à « cesser de [nous] confier en l’homme, dans les narines duquel il n’y a qu’un souffle, car de quelle valeur est-il ? » (Es 2.22). La tentation de laisser un homme prendre la place de Christ est grande dans nos milieuxles assemblées chrétiennes. Les hommes sont visibles, et ils ont un impact considérable et nécessaire dans notre vie. Nous sommes invités à imiter ceux qui aiment le Seigneur et qui conduisent les assemblées (Hé 13.7). La différence entre « imiter » et « se confier » est mince, mais importante à maintenir. Une confiance excessive dans n’importe quel être humain aura tôt ou tard comme conséquence une grosse déception.

Malheureusement, dans notre société actuelle, nous sommes obligés de nous identifier, face à la multiplicité de mouvances dans le christianisme. Les étiquettes sont peut-être nécessaires, mais elles sont aussi néfastes et créent de fausses impressions. La vraie expression de notre foi n’est pas « moi, je suis de ______ », mais plutôt « nous sommes à Christ ». Nous lui appartenons, mais aussi nous sommes en lui, un seul esprit avec lui (1Co 6.17).

3.23 … et Christ est à Dieu.

Cette union et cette soumission sont analogues à celles qui existent entre Jésus lui-même et son Père. Le chrétien a beaucoup de peine à concevoir le mystère de la Trinité et les rapports entre Dieu le Fils et Dieu le Père. Il accepte par la foi, sans nécessairement comprendre, que Jésus est réellement un avec son Père et son égal (Jn 10.30 et 5.23), mais qu’il lui est aussi soumis dans leurs rapports mutuels (1Co 11.3 et 15.27-28).

SUJETS DE DISCUSSION

1 Corinthiens

1. Quels sont les moyens qui nous sont proposés aujourd’hui pour contribuer à l’accroissement de l’Église ? Lesquels vous semblent être les plus efficaces ? Comment pouvons-nous améliorer l’œuvre de l’édification ?

2. Quelles sont les marques de la sagesse du monde ? De celle qui vient de Dieu ? Textes complémentaires : Jc 3.13-18 ; Ps 111.10 ; Pr 11.12 ; 12.15 ; 12.18 ; 14.1 ; 14.6 ; 16.23 ; 19.11 ; 28.11.

1 Corinthiens

3) économes dans la maison de Dieu 4.1-5La troisième comparaison que Paul utilise pour décrire

les serviteurs de Dieu est celle d’un gérant dans une maison. Le ton de ce passage indique que l’apôtre cherche à enrayer les jugements critiques émis contre lui. Il vient de leur dire que lui et les autres envoyés de Dieu leur appartiennent puisqu’ils sont à leur service (3.21-22). Cela ne veut pas dire pour autant que ce soit aux Corinthiens qu’ils doivent rendre des comptes aux Corinthiens. Ils sont avant tout serviteurs de Christ, et le seul jugement qui compte est celui de leur Maître.

4.1 Ainsi, qu’on nous regarde comme des serviteurs de Christ, et des dispensateurs des mystères de Dieu.

Ces deux termes - serviteurs et dispensateurs - expriment alors l’attitude correcte qu’un chrétien doit avoir envers ceux qui occupent des positions de responsabilité dans l’Église. La première expression, « serviteurs de Christ », utilise un autre mot grec pour « serviteur » que celui du chapitre 3 (v.5). À l’origine, il servait à décrire ceux qui ramaient dans les trirèmes, les galères de l’époque ; puis au temps de Paul, c’était le terme habituel pour tous ceux qui jouaient le rôle d’assistant ou d'aide, qu’il s’agisse de serviteurs, d’aides militaires ou d’assistants médicaux. Dans notre ce texte, il décrit, avec le mot qui suit, quelqu’un qui gère les biens de son maître : un serviteur choisi pour être « dispensateur », « gérant », « économe » ou « administrateur ». Nous pouvons voir un exemple biblique d’une telle position dans la personne de Joseph, vendu comme esclave à Potiphar. Le texte nous dit que « Joseph trouva grâce aux yeux de son maître, qui l’employa à son service, l’établit sur sa maison, et lui confia tout ce qu’il possédait » (Gn 39.4).

La notion d’économe (grec : oikonomos-) est fondamentale dans le service pour Dieu, qu’on ait une position

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de responsable dans une Église ou non. Considérons d’abord ce que cela implique pour tout enfant de Dieu.

Un économe est appelé à gérer ce qui n’est pas à lui, comme une caissière ou un employé de banque. Si jamais S'il lui arrive d’en de prendre dans la caisse pour lui-même, il devient coupable d’un grave crime, le détournement de fonds. Si jamais S'il se sert de sa position pour promouvoir ses propres intérêts, il se trouverend coupable d’un autre crime tout aussi sérieux, celui de l’abus de confiance. C’est le crime dont Joseph fut accusé dans Genèse 39.13-19. De la même manière, un chrétien est le gérant, non pas de ce qui est à lui, mais de ce que Dieu lui a confié. Paul vient de dire que tout appartient à l’enfant de Dieu. Ce n’est que partiellement vrai. En réalité, Dieu nous confie la gestion de ses biens. Il est faux pour un chrétien de croire que seulement qu'un dixième seulement de ses biens sontest à Dieu. Sous la loi, Dieu commandait aux Israélites de lui rendre la dîme de tout ce qu’ils avaient, et ce pourcentage peut servir de modèle pour nos libéralitésnotre libéralité. Mais il peut aussi occasionner une fausse perspective. Dieu n’est pas un garçon de servicecourse à qui on donne un pourboire. Tout lui appartient, et nous sommes comme ces serviteurs dans de la parabole de Christ qui ont reçu de leur maître des mines à investir pour lui (Lc 19.11-26). Si par notre attitude et nos actes, nous nous les accaparons pour nous-mêmes, nous sommes coupables de détourner ce qui appartient à Dieu et nous sommes des économes injustes, pareils à celui de la parabole de Luc 16.1-13. À la conclusion de la parabole, Jésus nous donne à tous cet avertissement : « Si donc vous n’avez pas été fidèles dans les richesses injustes, qui vous confiera les véritables ? Et si vous n’avez pas été fidèles dans ce qui est à autrui, qui vous donnera ce qui est à vous ? » (Lc 16.11-12). Les richesses injustes sont celles que nous avons maintenant sur la terre, ce sont aussi celles qui ne sont pas vraiment à nous. Dieu réserve les véritables richesses pour ceux qui ont été de fidèles économes pendant leur vie terrestre, qui

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utilisent les dons du Seigneur pour sa gloire et non pour leur intérêt personnel.

Ces principes sont d’autant plus vraisimportants pour ceux qui ont la responsabilité de diriger une Église, et qui sont les économes ou les administrateurs « des mystères de Dieu ». Paul nous dit alors que la grande tâche des dirigeants est de dispenser droitement la révélation de Dieu, d’être de fidèles enseignants de sa Parole. Le précieux trésor dont nous avons la gestion est un mystère pour les hommes s’ils n’entendent pas ce que Dieu a révélé (voir 1Co 2.7). Il est triste de constater que dans un grand nombre d’Églises aujourd’hui, on n’enseigne peu ou pas la Bible. On trouve dans nos Églises des pasteurs et des responsables chargés de toutes sortes de bonnes œuvres et d’activités, mais trop souvent on sous-estime la puissance de la Parole de Dieu, et on y substitue de bons conseils et des platitudes humaines. Dans les Écritures le rôle de pasteur est intimement associé avecà celui du docteur de la Parole (Ep 4.11). Elles nous avertissent contre le danger de délaisser la Parole de Dieu pour servir à d’autres tâches qui sont pourtant nécessaires (Ac 6.1-2). L’enseignement fidèle et systématique de la Bible est indispensable pour qu’une Église soit en bonne santé spirituelle.

4.2 Du reste, ce qu’on demande des dispensateurs, c’est que chacun soit trouvé fidèle.

Nous trouvons dans ces quelques versets deux autres critères qui déterminent les récompenses que le Seigneur va donner au jour du jugement : la fidélité et les motivations cachées du cœur (4.5)11. Dieu désire avant tout notre fidélité. Cette qualité de cœur est bien plus importante pour Dieu que l’éloquence de nos paroles, l’élégance de nos dons ou le succès de nos exploits. Ce principe est à la fois un encouragement et une idée qui fait frémir. Il stipule que Dieu considère non 11 Voir commentaire sur 3.12-15 pour deux autres critères selon lesquels Dieu juge.

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seulement ce que je fais, mais surtout ce que je fais par rapport à ce que j’ai reçu. Dans la parabole des talents, Jésus illustre ce principe en disant qu’un homme, lors de son départ, remet à ses serviteurs son bien, « cinq talents à l’un, deux à l’autre, et un au troisième, à chacun selon sa capacité » (Mt 25.15 ). À son retour, il exprime exactement la même approbation aux deux serviteurs qui ont pu doubler leur part, malgré le fait que pour l’un il s’agissait de dix talents tandis que l’autre n’en avait que quatre. Pour la personne qui n’a ni l’occasion ni la capacité d’accomplir de grands exploits, cette vérité est un grand encouragement. A-t-elle peu de puissance, comme l’Église de Philadelphie ? Le conseil est toujours le même – la fidélité : « Retiens ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne » (Ap 3.11). Pour la personne qui possède beaucoup de talent ou de biens, la Parole est plus sévère : « On demandera beaucoup à qui l’on a beaucoup donné, et on exigera davantage de celui à qui l’on a beaucoup confié » (Lc 12.48).

4.3-4 Pour moi, il m’importe fort peu d’être jugé par vous, ou par un tribunal humain. Je ne me juge pas non plus moi-même, car je ne me sens coupable de rien ; mais ce n’est pas pour cela que je suis justifié. Celui qui me juge, c’est le Seigneur.

La critique méprisante et la calomnie sont parmi les armes les plus efficaces de l’ennemi de Dieu. C’est pourquoi il est appelé « le diable », ce qui signifie en grec « le calomniateur ». Rien ne décourage autant que de recevoir des reproches après s’être dépensé pour Dieu et pour les autres. Dieu condamne sévèrement cette façon d’agir indigne de quelqu’un qui prétend être un serviteur de Dieu : « Qui es-tu, toi qui juges un serviteur d’autrui ? S’il se tient debout, ou s’il tombe, cela regarde son maître. Mais il se tiendra debout, car le Seigneur a le pouvoir de l’affermir » (Rm 14.4).

L’attitude de Paul face aux jugements des Corinthiens donne aux chrétiens un bel exemple à suivre. Il ne cède pas à la

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tentation de se justifier ou de se lasser dans son ministère. Il ne riposte pas par des accusations amères d’un cœur blessé. Sa réaction paisible découle de sa conviction que le seul jugement qui compte est celui de son Maître. La question de la critique au sein d’une Église est délicate, car le Seigneur commande aussi aux chrétiens de reprendre le frère qui a péché (Mt 18.15). Alors, deux traits de caractère sont essentiels pour l’enfant de Dieu, et surtout pour celui qui a une position de responsabilité. Il lui faut d’abord une bonne dose d’humilité afin de pouvoir accepter avec grâce les critiques et les suggestions qui sont faites de bonne foi. Il n’est jamais agréable d’être mis en cause, mais cela est parfois très utile et même nécessaire. « Les blessures d’un ami prouvent sa fidélité » (Pr 27.6).

Il lui faut aussi tâcher de maintenir une conscience sans reproche devant le Seigneur. Paul considérait cette tâche de première importance dans sa vie. Il a dit au roi Félix : « … je m’efforce d’avoir constamment une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes » (Ac 24.16). Cela ne signifie nullement que le chrétien puisse être est parfait ; Paul lui-même reconnaît que son évaluation de lui-même n’est pas nécessairement juste. Avoir une conscience sans reproche devant Dieu et les hommes signifie surtout que tout est à la mis en lumière. Autrement dit, autant que je sache, ni Dieu ni un autrepersonne ne peuvent peut me reprocher une faute que j’aurais cachée, que je n’aurais pas confessée. Cette bonne conscience, cette conscience purifiée par le sang de Christ (Hé 9.14 et 10.19-22) est d’une valeur inestimable. Elle donne du courage quand nous sommes critiqués injustement. Elle donne de la force et de la joie quand nous sommes injuriés pour la cause de Christ (1P 3.14-16). Heureux celui ou celle qui peut dire avec l’apôtre : « Je ne me sens coupable de rien, je marche dans la lumière qui est en Christ, car j’ai tout confessé et je sais que je suis pardonné » (voir 1Jn 1.7-9).

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4.5 C’est pourquoi ne jugez de rien avant le temps, jusqu’à ce que vienne le Seigneur, qui mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et qui manifestera les desseins des cœurs. Alors, chacun recevra de Dieu la louange qui lui sera due.

Pour ce qui concerne la question de juger ou de ne pas juger, je vous invite à consulter le commentaire sur 2.15. Il n’est pas inutile de se rappeler que le chrétien est constamment obligé de juger dans sa vie. C’est une activité saine et nécessaire dans bien des domaines. Pour notre bien et l’édification de l’Église, nous sommes appelés à :

1. nous juger nous-mêmes (1Co 11.31),

2. examiner toutes choses, retenant ce qui est bien et nous abstenant de toute espèce de mal (1Th 5.21-22),

3. vérifier si ce que l’on nous dit est exact selon les Écritures (Ac 17.11),

4. éprouver ceux qui se disent les envoyés de Dieu, et dénoncer les faux (Ap 2.2), et

5. juger et écarter de l’assemblée ceux qui se disent frères et qui pratiquent sans repentance des péchés scandaleux (1Co 5.11-13).

Par contre, les jugements méprisants, la médisance et la calomnie sont des désordres graves qui détruisent et dispersent les croyants. De nouveau, la différence entre ce qui glorifie Dieu et ce qui le déshonore peut paraître mince. Le contexte nous aide à faire la distinction. C’est au Seigneur de porter un jugement sur ce qui est caché dans le cœur ; lui seul est capable de connaître les motivations ou les intentions d’une personne. Dès que le chrétien commence à parler mal d’un autre, en lui

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imputant de mauvaises intentions, il transgresse le clair commandement de Dieu (Mt 7.1-5 ; Jc 4.11-12).

Ce texte nous donne encore un autre critère par rapport aux récompenses de Dieu. En parlant des « desseins » du cœur (grec : boulé-) Paul désigne les « intentions », les « plans » et les « projets » d’une personne. Dieu considère non seulement les actes et les motivations de quelqu’un, mais aussi ce qu’il désire et projette de faire. Il prend en compte même ce qu’ellequ’il aurait fait si l’occasion s’était présentée. Cette pensée peut être d’un grand réconfort pour la chrétienne obligée de s’abstenir des activités chrétiennesde l'Eglise à cause d’un mari farouchement opposé à l’Évangile, ou pour le condamné en prison qui aime le Seigneur, sans pouvoir pour autant faire grand-chose pour lui.

b. L’exhortation et l’avertissement de Paul 4.6-21

Avec ces versets, Paul achève ses instructions concernant les rivalités et les disputes chez les Corinthiens. Ils constituent un appel personnel pressant, un plaidoyer émouvant (et par moments même ironique) pour sommer ses lecteurs de s’humilier devant Dieu et de l’imiter dans ses « voies en Christ » (4.16-17). On peut imaginer que ces paroles quelque peu caustiques ont provoqué une réaction vive au moment de leur lecture dans l’assemblée de Corinthe. Pourtant, l’amour de l’apôtre transpercedépasse la sévérité de son admonition ; il leur parle comme un père et non comme un dictateur.

1) les marques d’un vrai serviteur 4.6-134.6 C’est à cause de vous, frères, que j’ai fait de ces choses une application à ma personne et à celle d’Apollos, afin que vous appreniez en nos personnes

1 Corinthiens

à ne pas aller au-delà de ce qui est écrit, et que nul de vous ne conçoive de l’orgueil en faveur de l’un contre l’autre.

Le sens de cette phrase est clair, même si sa formulation est légèrement compliquée : Paul se présente avec Apollos et lui-même comme des exemples afin de communiquer aux Corinthiens deux règles fondamentales de conduite pour un chrétien :

1. rester fidèle à l’enseignement des Écritures et

2. ne pas se comparer par orgueil.

Ces deux principes sont parmi les plus importants à mettre en pratique, et aussi parmi ceux qui sont le plus souvent transgressés. La première règle est succincte dans l’original : jamais « au-delà de ce qui est écrit ». Le contexte suggère que Paul pense surtout à la question de l’orgueil, que personne ne doit avoir une opinion de lui-même qui soit plus haute que ce qui est révélé dans la Bible. Ce principe est valable et vital dans tous les domaines de nos rapports avec Dieu. Car depuis toujours ceux qui connaissent Dieu ont énormément de peine à se borner au message des Écritures. Déjà dans l’Ancien Testament, Dieu réprimandait ceux qui se disaient prophètes et qui rajoutaient leurs idées à la révélation de Dieu : « Que le prophète qui a eu un songe raconte ce songe, et que celui qui a entendu ma parole rapporte fidèlement ma parole. Pourquoi mêler la paille au froment ? dit l’Éternel. […] Voici, dit l’Éternel, j’en veux aux prophètes qui prennent leur propre parole et la donnent pour ma parole » (Jr 23.28, 31). Ainsi, depuis le début, les hommes ont la manie et la folie de vouloir combler ce qu’ils estiment être des lacunes dans la révélation de Dieu. On le constate dans plusieurs disciplines spirituelles.

1) Dans l’interprétation de la Bible : Combien de fois n’a-t-on pas entendu ou lu des interprétations où l’imagination

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de l’homme explique ce que l’auteur n’aurait jamais pensé ? Car même si on peut trouver plusieurs applications d’un texte qui correspondent à des situations différentes de la vie, il n’existe néanmoins qu’une seule interprétation qui soit vraie : celle qui rétablit au mieux la pensée de son auteur. Le prédicateur ou l’exégète qui cherchecherchent une signification symbolique ou cachée d’un texte biblique est coupablesont souvent coupables d’« aller au-delà de ce qui est écrit ». Nous sommes toujours tentés de chercher l’originalité afin d’épater nos auditeurs ; le Seigneur nous commande de communiquer fidèlement sa Parole, sans la fausser par nos rajouts.

2) Dans la théologie : Certainement, une grande partie des controverses dans les milieux chrétiens sont la conséquence de systèmes de théologie qui mêlent vérités bibliques et logique humaine. Il n’est pas forcément mauvais de vouloir considérer les implications de tel ou tel enseignement biblique… aussi longtemps que nous faisons clairement la distinction entre ce que la Bible dit et ce que nous en concluons. Le danger est d’être si épris de notre autorité comme porte-parole de Dieu que nous attribuons à nos conclusions la même considération qu’aux Écritures. A-t-on besoin d’exemples ? « Comprenez bien que ma théologie de la création est la seule qui soit vraie, sans parler de ma compréhension des événements touchant le retour de Christ – mon eschatologie… ! » Combien les chrétiens ont besoin de fermeté pour s’attacher à ce qui est clairement révélé ; mais d’humilité et de souplesse par rapport aux idées qui vont « au-delà de ce qui est écrit », et de sagesse pour distinguer entre les deux !

3) Dans le témoignage pour le Seigneur : Dans le désir légitime de voir les personnes se convertir, le chrétien est souvent tenté d’exagérer ou d’adoucir l’Évangile. Ici de nouveau, ce principe est très important. Paul développe cette idée davantage dans sa deuxième lettre : « … nous ne falsifions [littéralement : frelatons] pas la parole de Dieu, comme font

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plusieurs ; mais c’est avec sincérité, mais c’est de la part de Dieu, que nous parlons en Christ devant Dieu […] Nous n’avons pas une conduite astucieuse, et nous n’altérons pas la parole de Dieu. Mais en publiant la vérité, nous nous recommandons à toute conscience d’homme devant Dieu » (2Co 2.17 ; 4.2).

La deuxième grande règle de vie spirituelle que Paul rappelle aux Corinthiens concerne l’habitude malsaine de se comparer : afin, dit-il, « … que nul de vous ne conçoive de l’orgueil en faveur de l’un contre l’autre » (1Co 4.6). Ce n’est ni la première ni la dernière fois qu’il la mentionne ni la dernière, car il en reparle quand il évoque les dons spirituels (12.21). L’exhortation n’est certainement pas inutile. Le chrétien honnête reconnaîtra combien souvent que le sentiment sournois de supériorité arrive souvent à se glisser dans ses rapports avec les autres. Comment l’éliminer du cœur ? La réalité des deux versets qui suivent est sûrement un des meilleurs remèdes contre cette maladie, à condition que l’on en prenne une bonne dose tous les jours.

4.7 Car qui est-ce qui te distingue ? Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu ?

Soit ! Chacun de nous est différent des autres. Est-ce pour cela que nous sommes meilleurs… ou moins bons ? Nous le trouvons vilain quand qu'un enfant se vante d’être meilleur qu’un autre parce qu’il a le plus gros morceau ou parce que son père est plus riche… De la même façon, combien notre orgueil est mal placé et dérisoire à la lumière de la vérité que Paul énonce ici. Dans sa deuxième lettre2 Corinthiens il dit : « Nous n’osons pas nous égaler ou nous comparer à quelques-uns de ceux qui se recommandent eux-mêmes. Mais, en se mesurant à leur propre mesure et en se comparant à eux-mêmes, ils manquent d’intelligence » (2Co 10.12).

1 Corinthiens

Le chrétien peut tomber dans deux extrêmes. Certains ont, comme les Corinthiens, une trop haute opinion d’eux-mêmes. D’autres s’enlisent dans des sentiments d’infériorité et justifient leur paresse par une fausse humilité. Paul indique aux Romains l’attitude qui est correcte : « Par la grâce qui m’a été donnée, je dis à chacun de vous de n’avoir pas de lui-même une trop haute opinion, mais de revêtir des sentiments modestes, selon la mesure de foi que Dieu a départie à chacun » (Rm 12.3). La différence entre foi et orgueil n’est pas toujours facile à détecter. Dieu aime utiliser ceux et celles qui sont prêts à tenter de grandes choses pour lui en s’appuyant sur sa force et en cherchant sa volonté. David était le dernier-né de sa famille, considéré comme trop jeune pour servir dans l’armée de Saül (1S 17). Quand il s’est présenté pour combattre le géant Goliath, ses frères lui reprochèrentont reproché d’être un orgueilleux. Pourtant, ce n’était pas l’orgueil qui l’avait incité à agir, mais un amour profond pour le Seigneur. Dieu l’a honoré et lui a donné la victoire à cause de sa foi.

Le chrétien qui comprend véritablement que tout vient de la grâce de Dieu tâchera d’utiliser au maximum ses dons, mais toujours dans l’attitude d’un serviteur sans mérite. Il aura comme objectif dans ses rapports communautaires l’exhortation de Ph 2.3 : « Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l’humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes ».

4.8-10 Déjà vous êtes rassasiés, déjà vous êtes riches, sans nous vous avez commencé à régner. Et puissiez-vous régner en effet, afin que nous aussi nous régnions avec vous ! Car Dieu, il me semble, a fait de nous, apôtres, les derniers des hommes, des condamnés à mort en quelque sorte, puisque nous avons été en spectacle au monde, aux anges et aux hommes. Nous sommes fous à cause de Christ ; mais vous, vous êtes sages en Christ ; nous sommes

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faibles, mais vous êtes forts. Vous êtes honorés, et nous sommes méprisés !

Le médicament que Paul fait avaler aux Corinthiens est fort et amer. Ce n’est pas la seule fois que Paul usera d’un peu de sarcasme dans sa lettre. On a l’impression que l’apôtre reprend assez souvent les paroles des Corinthiens pour les retourner d’une manière négative. Ils croyaient tous avoir la connaissance ; Paul leur dit que « la connaissance enfle » (8.1). Ils étaient fiers de leur pouvoir de s’exprimer en langues ; Paul leur dit qu’ils rendent « d’excellentes actions de grâces » que personne ne comprend. Ils s’édifient eux-mêmes, tandis que les dons sont donnés pour l’édification de l’Église (14.17 ; 14.2-4). L’ironie de l’apôtre n’est pas un signe de mépris, mais d’amour. Il explique ailleurs : « Quoique je vous aie attristés par ma lettre, je ne m’en repens pas. Et, si je m’en suis repenti – car je vois que cette lettre vous a attristés, bien que momentanément, – je me réjouis à cette heure, non pas de ce que vous avez été attristés, mais de ce que votre tristesse vous a portés à la repentance ; car vous avez été attristés selon Dieu, afin de ne recevoir de notre part aucun dommage » (2Co 7.8-9 – LSG).

La comparaison entre leur style de vie et le sien, bien ironique et quelque peu caricatural, montre à quel point ses lecteurs étaient sur une tout autre longueur d’onde. Ils se croyaient « rassasiés », parfaitement satisfaits et repus. Ils se prenaient pour des « riches », des « sages », des gens « honorables » et « forts ». Pourtant, nous le savons par ce que Paul avait déjà écrit, il n’y avait parmi eux que peu de gens de cet acabit, même selon les critères du monde (1.26). Certes, l’apôtre use de l’exagération pour que ses lecteurs saisissent mieux la gravité de leurs attitudes. Leur conduite est clairement indigne des enfants de Dieu. Pourtant, avant de trop les critiquer, que le lecteur moderne considère combien l’attitude des Corinthiens a perduré à travers les siècles dans l’Église.

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1) Ils se croient « rassasiés » et « riches ». On se rappelle les paroles sévères prononcées par le Seigneur contre à l’Église de Laodicée : « Parce que tu dis, Je suis riche, je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien, et parce que tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu, je te conseille d’acheter de moi de l’or éprouvé par le feu, afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas, et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies » (Ap 3.17-18). Nul besoin d’une grande connaissance de l’histoirel’Histoire pour se rendre compte combien que l’Église d’hier et d’aujourd’hui s’est laissé prendre dans ce double piège de du matérialisme et de la recherche du bien-être égoïste. Le désir d’être à l’aise financièrement et de trouver de la satisfaction dans la vie est tout à fait humain. Mais quand un chrétien ou une Église marchemarchent au son de cette chanson, il suitsuivent un chemin qui l’les éloigne du Seigneur.

2) Ils croient « régner » comme des rois. Quel triste contraste avec l’attitude de Christ, le véritable roi, qui « est venu non pour être servi, mais pour servir » (Mt 20.28) ! Hélas, cette même volonté de dominer se voit trop souvent dans les milieux chrétiens. Combien de fois les différentes mouvances du christianisme ont-elles tenté d’imposer leurs pratiques sur la société ! Paul dit ici qu’un jour nous régnerons avec Christ, mais jusqu’à cejusqu’au jour de son retour la mission de l’Église n’est pas de régner, mais de servir en étant des témoinstémoin de Christ (Ac 1.8).

3) Ils se prennent pour des « sages », des « forts », des « gens honorables ». Ces traits de caractère ne sont pas forcément mauvais. Dieu désire effectivement que ses enfants soient sages, forts, et respectables, mais dans un esprit d’humilité et de confiance en Christ. Les Corinthiens commettaient deux erreurs : ils se laissaient enfler de prétentions orgueilleuses et ils jugeaient les autres avec mépris

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les autres. Inutile de rappeler combien ces péchés polluent et empoisonnent les rapports entre chrétiens aujourd’hui !

En contraste criant avec leur style de vie, Paul rappelle celui des apôtres que Dieu a envoyés pour bâtir son Église. Quand il les décrit comme « les derniers des hommes, des condamnés à mort, […] en spectacle au monde », il songe, en toute probabilité, aux cortèges triomphaux des généraux romains. Lorsque ces hommes revenaient de leurs conquêtes, les prisonniers destinés aux spectacles meurtriers des arènes se trouvaient en fin de cortège. Paul fait référence au même événement dans 2Co 2.14-16.

4.11-13 Jusqu’à cette heure, nous souffrons la faim, la soif, la nudité ; nous sommes maltraités, errants çà et là ; nous nous fatiguons à travailler de nos propres mains ; injuriés, nous bénissons ; persécutés, nous supportons ; calomniés, nous parlons avec bonté ; nous sommes devenus comme les balayures du monde, le rebut de tous, jusqu’à maintenant.

La comparaison ironique cède maintenant à une simple description de la vie que Paul a connue et connaît encore en tant que mandaté de Dieu. Le but est toujours le même : éveiller chez les Corinthiens une gêne qui les amène à un véritable changement de cœur. Loin d’être applaudi pour son service, il se voit privé même des nécessités de la vie. Il supporte non seulement des insultes, mais aussi des sévices physiques, toujours avec l’optique de rendre le bien pour le mal selon les conseils de son Maître (Mt 5.43-45). Les attaques contre la valeur d’un individu peuvent être vraiment dévastatrices. Tout le monde aime être apprécié pour ce qu’il fait. Les deux derniers termes « balayures du monde » et « rebut de tous » indiquent que Paul était regardé fréquemment comme une ordure. La leçon pour nous est importante. Si nous cherchons l’approbation des hommes, nous ne pouvons pas vraiment servir le Seigneur (Ga 1.10). Si nous voulons servir le Seigneur,

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nous ne pouvons pas éviter la d'être tournés en dérision d’par une grande partie de notre société.

Comme l’énumération des souffrances de Paul dans 2 Corinthiens 11.23-33, cette liste nous laisse rêveurs et un peu troublés. Car l’apôtre a dû supporter des ignominies que peu de nous en Occident ont connues. Il déclare d’ailleurs que « tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés » (2Tm 3.12). Alors, les questions s’imposent : Avons-nous esquivé ces difficultés parce que nous avons compromistransigé quelque part notre foi ? Dans quelle mesure l’hostilité et le mépris des autres sont-ils une indication de la fidélité envers notre Seigneur ? Il n’est pas facile d’y de donner une réponse globale. Certainement, nous pourrions tous montrer un plus grand courage dans notre témoignage pour Christ, en accord avec notre vocation. « Car ce n’est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de sagesse » (2Tm 1.7 – LSG). Cependant, le Seigneur ne nous demande pas de provoquer l’hostilité, mais de chercher la paix avec tous les hommes, autant que cela dépend de nous (Rm 12.18). Pierre écrivait aux chrétiens de son époque : « … qui vous maltraitera, si vous êtes zélés pour le bien ? D’ailleurs, quand vous souffririez pour la justice, vous seriez heureux » (1P 3.13-14 – LSG). Alors, nous prions Dieu afin que nous puissions mener « une vie paisible et tranquille, en toute piété et honnêteté » (1Tm 2.2), et nous acceptons avec joie tout opprobre que nous endurons pour le nom de notre Seigneur. Paul connaissait aussi ces paradoxes du service pour Christ. Il disait aux Corinthiens qu’avec Timothée il œuvrait « au milieu de la gloire et de l’ignominie, au milieu de la mauvaise et de la bonne réputation ; étant regardés comme imposteurs, quoique véridiques ; comme inconnus, quoique bien connus ; comme mourants, et voici nous vivons ; comme châtiés, quoique non mis à mort ; comme attristés, et nous sommes toujours joyeux ; comme pauvres, et nous en

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enrichissons plusieurs ; comme n’ayant rien, et nous possédons toutes choses » (2Co 6.8-10).

2) son admonition 4.14-214.14-15 Ce n’est pas pour vous faire honte que j’écris ces choses ; mais je vous avertis comme mes enfants bien-aimés. Car, quand vous auriez dix mille maîtres en Christ, vous n’avez cependant pas plusieurs pères, puisque c’est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par l’Évangile. (LSG)

Il est difficile d’imaginer que les paroles que Paul vient d’écrire ne fassent pas honte à ses lecteurs. On peut même penser que c’était son intention. D’ailleurs, à deux autres reprises dans la lettre, il le dit clairement. Quand il parle des procès au sein de l’assemblée et de leur conduite, il écrit : « je le dis à votre honte » (6.5 et 15.34). Que veut-il dire ici ? Même s’il veut susciter chez eux un sentiment de honte, ce n’est pas là son but. Il veut surtout les avertir et les faire changer de comportement.

À la différence des autres, il n’est pas un simple maître (grec = pédagogue, un esclave à qui le maître confie l’instruction de ses enfants) mais il est leur père spirituel. Un bon père ne cherche pas à démolir ou à dominer ses enfants ; il désire leur maturité. Par contre, des enfants devraient reconnaître leur devoir de respect et d’obéissance envers leurs parents.

4.16-17 Je vous en conjure donc, soyez mes imitateurs. Pour cela je vous ai envoyé Timothée, qui est mon enfant bien-aimé et fidèle dans le Seigneur ; il vous rappellera quelles sont mes voies en Christ, quelle est la manière dont j’enseigne partout dans toutes les Églises.

1 Corinthiens

La clé de ce chapitre se trouve dans le verset 16 : « soyez mes imitateurs ». Ce n’est pas que Paul leur souhaite le même traitement qu’il a reçu en tant qu’apôtre. S’il leur a détaillé ses combats pour l’Évangile, c’était pour les stimuler à cultiver le même état d’esprit. Au lieu de chercher leur propre intérêt, Paul les conjure de l’imiter dans sa résolution de chercher « premièrement le royaume et la justice de Dieu » (Mt 6.33). S’il envoie Timothée, c’est en partie parce que ce jeune homme avait participé avec Paul à la formation de l’Église à Corinthe (Actes 18.5). Mais la raison principale se voit sans doutesurtout dans l’éloge que Paul fait de lui aux Philippiens : « … je n’ai personne ici qui partage mes sentiments, pour prendre sincèrement à cœur votre situation ; tous, en effet, cherchent leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ. Vous savez qu’il a été mis à l’épreuve, en se consacrant au service de l’Évangile avec moi, comme un enfant avec son père » (Ph 2.20-22).

Le principe d’imitation, même s’il nous fait peur, est fondamental dans toute la vie, y compris celle d’un chrétien. Qu’on le veuille ou non, le caractère d’un enfant se forme davantage par l’imitation que par l’instruction. C’est vrai aussi pour l’enfant de Dieu. On dit que le serviteur de Dieu ne peut pas amener son disciple plus haut dans son escalade avec Dieu que là où il est lui-même. L’exemple de notre vie parle tout aussi fort que nos paroles. Nous n’avons pas besoin d’inviter les gens à nous imiter ; ils vont le faire, que notre exemple soit bon ou mauvais. Paul n’était certainement pas parfait, et on suppose que lui aussi connaissait des aspects de sa vie qu’il n’aurait pas fallu imiter. Néanmoins, il encourage l’imitation de sa personne dans au moins ces quatre domainesdomaines au moins :

1. ici, et à en 1Co 11.1 : dans sa manière de vivre en imitation du Seigneur lui-même,

1 Corinthiens

2. Ph 3.17 : dans ses aspirations,

3. 1Th 1.6 : dans sa réceptivité de la Parole de Dieu, et

4. 2Th 3.9 : dans son travail persévérant.

Heureux le chrétien qui peut en bonne conscience en demander autant !

4.18-21 Quelques-uns se sont enflés d’orgueil, comme si je ne devais pas aller chez vous. Mais j’irai bientôt chez vous, si c’est la volonté du Seigneur, et je connaîtrai, non les paroles, mais la puissance de ceux qui se sont enflés. Car le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en puissance. Que voulez-vous ? Que j’aille chez vous avec un bâton, ou avec amour et dans un esprit de douceur ?

On voit ici que même si Paul adresse lesdes remontrances à toute l’Église, le nombre de ceux qui posent de graves problèmes est limité. Son insistance sur la « puissance » du « royaume de Dieu » plutôt que sur les belles « paroles » est un rappel de ses déclarations du chapitre 2.1-5. Il ne sous-estime pas la puissance de la parole, mais il se méfie de « la langue qui discourt avec arrogance, » de « ceux qui disent : Nous sommes puissants par notre langue, nous avons nos lèvres avec nous ; qui serait notre maître ? » (Ps 12.4-5).

La sévérité de ses paroles rappelle le principe énoncé dans les Proverbes : « Celui qui ménage sa verge hait son fils, mais celui qui l’aime cherche à le corriger » (Pr 13.24). Certains ont accusé Paul d’avoir été un petit dictateur, jaloux de son autorité. Ses paroles révèlent plutôt un cœur farouchement attaché au Seigneur et à ses enfants spirituels par un amour véritable. Ce sont les sentiments d’un père qui leur dira plus tard : « Pour moi, je ferai très volontiers des dépenses et je me

1 Corinthiens

dépenserai moi-même pour vos âmes. En vous aimant davantage, serais-je moins aimé de vous ? » (2Co 12.15).

Ce texte rappelle combien la tâche d’un responsable d’Église peut être délicate et parfois douloureuse. Il n’est jamais agréable de corriger ou de se servir du « bâton ». Ceux qui remplissent fidèlement leur fonction de conducteur connaîtront des périodes de grande difficulté et de tristesse. La charge d’une Église pèse lourd pour quelqu’un qui prend ses responsabilités sérieusement. Paul écrit : « … je suis assiégé chaque jour par les soucis que me donnent toutes les Églises. Qui est faible, que je ne sois faible ? Qui vient à tomber, que je ne brûle ? » (2Co 11.28-29).

Nous pouvons tous trouver aussi, dans ces versets de 1 Corinthiens, une exhortation à tous de choisir l’« amour » et l’« esprit de douceur » plutôt que le « bâton ». Autrement dit, nous devons accepter avec respect et soumission ceux que le Seigneur place comme responsables dans notre Église. Il ne s’agit pas d’être un mouton qui fait aveuglément tout ce qu’on lui dit. Il est, mais plutôt question de reconnaître le rôle de ceux qui ont la charge de l’Église. Les Écritures nous commandent : « Obéissez à vos conducteurs et ayez pour eux de la déférence, car ils veillent sur vos âmes comme devant en rendre compte ; qu’il en soit ainsi, afin qu’ils le fassent avec joie, et non en gémissant, ce qui ne vous serait d’aucun avantage » (Hé 13.17 – LSG).

SUJETS DE DISCUSSION

1. Les chapitres 3 et 4 présentent l’attitude à avoir envers les serviteurs de Dieu qui accomplissent dignement leur travail. Que faire quand on estime que les responsables n’en sont pas dignes ? Quelle est l’attitude qui honore le Seigneur et qui contribue au bien de l’Église ? Textes

1 Corinthiens

complémentaires : Mt 23.2-3 ; 1Tm 3.1-13 ; 5.17-25 ; 1Th 5.12-15 ; Rm 16.17-18

2. Paul nous demande de l’imiter, mais Dieu nous avertit de ne pas nous confier dans l’homme (Jr 17.5-7). Quelle est la différence entre le respect que nous devons à ceux qui nous conduisent et une confiance malsaine en eux ? Textes complémentaires : Hé 13.7, 17 ; 1Co 11.1 ; Hé 12.1-2 ; 1Co 3.1-9 ; Ph 3.15-19.

1 Corinthiens

II. Réprimandes à l’assemblée 1.10-6.20B. Le cas de l’inceste 5.1-13

1. Le problème 5.1-22. La solution 5.3-53. L’analogie de la Pâque 5.6-84. Le principe 5.9-13

B. Le cas de l’inceste 5.1-13

Avec ce chapitre, l’apôtre Paul laisse le sujet des divisions pour aborder un autre grave problème dans l’Église : une immoralité scandaleuse. Il n’est pas surprenant alors qu’il menace d’arriver, comme il vient de le dire (4.20-21), avec le bâton, et d’agir non avec des paroles, mais avec la puissance de Christ (5.4).

1. Le problème 5.1-25.1-2 On entend dire généralement qu’il y a parmi vous de l’impudicité, et une impudicité telle qu’elle ne se rencontre pas même chez les païens ; c’est au point que l’un de vous a la femme de son père. Et vous êtes enflés d’orgueil ! Et vous n’avez pas été plutôt dans l’affliction, afin que celui qui a commis cet acte fût ôté du milieu de vous ! (LSG)

L’immoralité que Paul dénonce n’est pas un acte fugitif, mais une situation qui persiste. Par son utilisation du verbe au présent (il « a la femme de son père »), il décrit une relation que l’homme entretient avec sa belle-mère ouvertement, d’une manière permanente, et sans doute avec une certaine arrogance. Cette pratique était scandaleuse. Dieu l’avait condamnée dans la Loi (Lv 18.7-8), et même la moralité laxiste de l’époque la trouvait inacceptable. Rien n’est dit ici concernant le père de cet homme. Certains commentateurs, en considération de ce que Paul écrit dans 2Co 7.12, pensent que le père faisait partie de

1 Corinthiens

l’Église. Mais il n’est pas du tout sûr qu’il s’agisse de la même personne dans les deux textes. En toute probabilité, la femme n’était pas une chrétienne, car Paul ne la mentionne pas dans sa consigne d’exclusion.

Le scandale que Paul réprouve a deux facettes. En plus de la conduite honteuse du membre de l’Église, il y a l’attitude intolérable de la communauté elle-même. Non seulement elle se complaisait dans une situation qui déshonorait le nom du Seigneur, mais elle en tirait même un certain « orgueil ». Est-ce que leur orgueil étaitconsistait en dépitun refus du problème, ou était-il une fierté qui découlait de ce qu’ils estimaient être leur esprit de « tolérance » ? Quelle quequ'en soit la source, la faute de l’assemblée était tout aussi grave que celle de l’homme.

Cette situation à Corinthe est révélatrice en ce qui concerne de la subtilité du péché. Un chrétien, qu’il le veuille ou non, n’est pas un être isolé des autres. L’homme qui a péché à Corinthe vivait dans un environnement qui favorisait son erreur ; il n’était pas le seul coupable. Quand le soldat Achan a transgressé le commandement de Dieu, le jugement est tombé non seulement sur lui, mais sur tout le camp d’Israël, parce qu’« Israël a péché » (Jos 7.4-11). Quand un membre d’une Église tombe dans le péché ou s’éloigne de Dieu, l’attitude qui convient est celle de l’affliction et de la repentance, et non pas d’une supériorité quelconque.

2. La solution 5.3-55.3-5 Pour moi, absent de corps, mais présent d’esprit, j’ai déjà jugé, comme si j’étais présent, celui qui a commis un tel acte. Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit étant assemblés avec la puissance de notre Seigneur Jésus, qu’un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus.

1 Corinthiens

Dans l’original, ces versets sont une seule phrase longue et quelque peu compliquée. Si les détails peuvent prêter à discussion, la pensée de Paul semble être assez claire :

1. il faut agir ;

2. en commun accord ;

3. au nom et avec la puissance du Seigneur ;

4. pour exclure le fautif de l’assemblée ;

5. et cela dans l’intérêt de l’individu et de l’Église.

Malgré l’aspect désagréable et pénible de l’action que Paul ordonne, elle est nécessaire pour l’honneur du Seigneur et la santé de l’Église. Quand un membre du corps est atteint d’une gangrène ou d’une autre maladie qui met en danger tout l’être tout entier, on est parfois obligé de l’enlever, même au prix de grandes douleurs et de difficultés. Un tel geste ne se fait pas à la légère ; il est toujours dramatique et accompli comme le en dernier recours.

On a beaucoup discuté sur le sens des mots de Paul : « qu’un tel homme soit livré à Satan ». Il emploie une expression similaire quand il écrit à Timothée qu’il a livré deux faux docteurs, Hyménée et Alexandre, « à Satan, afin qu’ils apprennent à ne pas blasphémer » (1Tm 1.20). Dans notre le contexte de 1Co 5, cela signifie au moins l’exclusion de l’homme de l’assemblée, car Paul le dit clairement à la fin du chapitre : « Ôtez le méchant du milieu de vous » (1Co 5.13). Une personne, lorsqu’elle se tourne vers le Seigneur, est délivrée de la puissance des ténèbres et transportée dans le royaume du Fils de Dieu (Col 1.13). Jean dit que « nous sommes de Dieu, et que le monde entier est sous la puissance du malin » (1Jn 5.19). Paul veut-il dire alors que l’acte de l’excommunication enlève l’exclu de l’abri de Dieu pour le

1 Corinthiens

renvoyer de nouveau dans le camp de l’ennemi, le prince de ce monde (Jn 14.30) ? Il serait difficile et imprudent de vouloir préciser davantage ce que les Écritures ne révèlent pas. De toute façon, l’expression montre combien l’acte de l’exclusion a des conséquences qui peuvent être graves.

Paul donne la raison pour le du renvoi de cet homme à Satan : « pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus ». Là aussi nous aurions aimé avoir quelques précisions. L’apôtre utilise le terme « chair » parfois pour exprimer simplement le corps physique (1Co 15.39) et souvent pour décrire le caractère d’un cœur en révolte contre Dieu (Rm 8.7-8). Quel sens y attribuer ici ? Certains commentateurs pensent que Paul souhaite que les tribulations que cet homme va connaître l’amènerontl’amènent à « [crucifier] la chair avec ses passions et ses désirs » (Ga 5.24) et ainsi à revenir au Seigneur pour son salut. D’autres voient dans « la destruction de la chair » une référence à la mort physique ou au moins à de grandes souffrances physiques. D’autres textes bibliques révèlent que le chrétien peut commettre un péché qui mène à la mort physique. C’est certainement le sens qu’il faut donner à la déclaration de Jean (1Jn 5.16) et c’est probablement le sens qu’il faut donner ici. Chez les Corinthiens, les abus de la Cène avaient provoqué des jugements conduisant à la maladie et à la mort (1Co 11.28-30). En toute probabilité, Ananias et Saphira étaient de véritables chrétiens qui sont morts pour avoir exagéré leur générosité (Ac 5.1-10). Quelle que soit l’interprétation correcte, un objectifdes objectifs de l’excommunication est toujours le salut et le rétablissement de la personne renvoyée. Dans sa deuxième lettre 2 Corinthiens Paul encourage ses lecteurs à pardonner et à consoler un homme qui avait été châtié par l’assemblée (2Co 2.5-11). Nous ne savons pas s’il s’agit de l’homme de 1 Corinthiens 5. Malgré cela,Mais le principe reste le même. S’il faut savoir prendre des mesures pour désavouer le péché, il

1 Corinthiens

faut aussi savoir quand le châtiment infligé suffit. Autrement, faute de quoi on donne à Satan la victoire à Satan (2Co 2.11).

3. L’analogie de la Pâque 5.6-85.6-8 C’est bien à tort que vous vous glorifiez. Ne savez-vous pas qu’un peu de levain fait lever toute la pâte ? Faites disparaître le vieux levain, afin que vous soyez une pâte nouvelle, puisque vous êtes sans levain, car Christ, notre Pâque, a été immolé. Célébrons donc la fête, non avec du vieux levain, non avec un levain de malice et de méchanceté, mais avec les pains sans levain de la pureté et de la vérité.

L’illustration que Paul utilise est éloquente sur plusieurs points. Le « levain » est d’abord un symbole expressif du mal dans sa puissance pour engendrer le mal. C’est un fait de la nature qu’une seule pomme de terre pourrie peut contaminer toutes les autres. Malheureusement, le contraire ne s’est jamais vu – une pomme de terre saine qui assainit celles qui la touchent ! Il ne s’agit pas bien sûr d’éliminer tous les pécheurs d’une assemblée ; elle n’existerait plus. Mais une assemblée ne peut pas rester indifférente à des personnes qui pratiquent ouvertement et avec arrogance le péché. Cette sorte de malice et de méchanceté va contaminer à la longue toute l’Église.

La « Pâque » illustre, elle aussi, par son symbolisme, la nécessité de la pureté et de la vérité dans de la part de ceux qui bénéficient du salut procuré par le véritable Agneau pascal, Christ. La Pâque célèbre le moment où Dieu a épargné tous les premiers-nés de son peuple en voyant le sang de l’agneau placé sur le linteau et les poteaux de la porte de leur maison (Ex 12.1-13). Cette fête devait être célébrée avec des pains sans levain, symbole selon l’apôtre du fait que Dieu a purifié les participants de toute impureté. Paul les invite à faire accorder leur conduite avec leur position en Christ. Ils sont « sans

1 Corinthiens

levain », puisque Christ par sa mort les a délivrés. Maintenant il s’agit de le manifester par une célébration de Christ dans la pureté et la vérité. Pour le faire, il faut se débarrasser du « vieux levain », à l’image du peuple d’Israël qui fait un nettoyage extensif de leursminutieux des maisons pour enlever toute trace de levain avant la Pâque. L’image est à nouveau parlante, car le levain de cette époque n’était autre qu’un peu de pâte gardée de la dernière fabrication. Il fait penser à toute la malice que l’on apporte d’une vie antérieurevécue sans Christ.

4. Le principe 5.9-135.9-13 Je vous ai écrit dans ma lettre de ne pas avoir des relations avec les impudiques, – non pas d’une manière absolue avec les impudiques de ce monde, ou avec les cupides et les ravisseurs, ou avec les idolâtres ; autrement, il vous faudrait sortir du monde. Maintenant, ce que je vous ai écrit, c’est de ne pas avoir des relations avec quelqu’un qui, se nommant frère, est impudique, ou cupide, ou idolâtre, ou outrageux, ou ivrogne, ou ravisseur, de ne pas même manger avec un tel homme. Qu’ai-je, en effet, à juger ceux du dehors ? N’est-ce pas ceux du dedans que vous avez à juger ? Pour ceux du dehors, Dieu les juge. Ôtez le méchant du milieu de vous. (LSG)

Ce passage est important parce qu’il soulève toute la question de notre attitude envers les fautes que nous apercevons chez les autres. Comment faire quand un frère ou une sœur tombe dans le péché ou quand ils n’arrivent pas à vaincre des habitudes qui déshonorent leur Seigneur et l’Église ? Ce texte nous aide à savoir la pensée de Dieu, mais il n’est pas le seul qui en parle. Nousnous devons le comparer avec l’ensemble des Écritures pour formerprendre une position qui reflète à la fois la sévérité et la miséricorde de notre Seigneur. Dans nos Evitons deux attitudes, deux extrêmes sont à éviter : un : le laxisme que

1 Corinthiens

le Seigneur condamne dans l’en Apocalypse 2.14 et 20, et un l'esprit de jugement qu’il critique dans en Luc 9.51-56.

Notons en premier lieu que le chrétien n’est pas appelé à se couper de tout contact avec les immorauxdébauchés du monde. Quelle tragédie quand une personne ou une Église, sous prétexte de vouloir conserver sa pureté, refuse toute relation avec ses voisins ou coupe les ponts avec ses anciens amis non convertis ! Le mouvement monastique du Moyen Âge donne de tristes exemples de personnes qui sont devenues inutiles et même perverses dans leurs tentatives de se séparer du monde. Le bon exemple pour un chrétien est celui de son Maître, qui n’a pas hésité à côtoyer et à accueillir des gens de mauvaise réputation et des pécheurs (Lc 15.1 ; Mc 2.15-16). Il existe certainement des limites à notre association avec des non-chrétiens. Elles sont évidentes. Le chrétien est appelé à être la lumière et le sel de la terre. Sa présence dans le monde doit alors empêcher la corruption et donner une bonne saveur, comme le sel ; il doit pouvoir apporter de la lumière. Si ses compagnies étouffent cette lumière et rendent fade sa saveur, il lui sera nécessaire de s’en éloigner.

Il est important de comprendre ce que Paul veut dire quand il nous dit de « ne pas avoir des relations » avec quelqu’un. Le verbe qu’il emploie (sunanamignusthai-) signifie littéralement « mélanger ensemble », et dans notre contexte « entretenir des relations amicales et harmonieuses » avec une personne. L’apôtre utilise le même verbe quand il dit aux Thessaloniciens : « … si quelqu’un n’obéit pas à ce que nous disons par cette lettre, notez-le, et n’ayez pas de communication avec lui, afin qu’il éprouve de la honte. Ne le regardez pas comme un ennemi, mais avertissez-le comme un frère » (2Th 3.14-15 – souligné par l’auteur). Ce dernier passage nous indique que Paul ne demande pas nécessairement une coupure totale, comme avec un ennemi, mais une rupture de communion. Certains

1 Corinthiens

commentaires suggèrent que l’interdiction de manger avec une telle personne s’applique surtout aux repas pris en commun dans l’Église (voir 1Co 11.20-21). Cependant, l’interprétation qui semble le mieux s’accorder avec le contexte est celle qui préconise une rupture de contact qui va jusqu’au refus de manger ensemble, même dans le privé.

La liste de péchés que Paul présente ici se retrouve, avec quelques additions, au chapitre 6.10. Clairement la liste n’est pas exhaustive, mais elle inclut quelques exemples entre autres de conduite qu’il faut sanctionner. Nous pouvons préciser un peu la signification des termes selon leur utilisation à l’époque :

1. L’« impudique » (pornos-) est celui qui pratique une forme d’inconduite sexuelle. La forme nominale de la même racine, (porneia-), qui se trouve dans 5.1, était le terme employé pour parler de toute déviation sexuelle, au sein du mariage (Mt 19.9 : infidélité = porneia) comme en dehors du mariage (Hé 13.4).

2. Le « cupide » et le « ravisseur » sont des personnes dominées par l’avarice. Le ravisseur va jusqu’à s’accaparer des affaires des autres, par la force ou l’artifice. Paul appelle la cupidité une idolâtrie dans Col 3.5.

3. L’« idolâtre » et l’« ivrogne » sont des termes qui ont le même sens aujourd’hui.

4. L’« outrageux » est celui qui est insultant, grossier, et même calomniateur dans sa manière de parler des autres.

Celui qui se complaît dans une pratique persistante de ces péchés vit en contradiction de la foi qu’il professe. Dieu seul est capable de juger l’état spirituel, mais les déclarations de Paul sont solennelles : la personne qui persévère dans un tel

1 Corinthiens

style de vie n’héritera pas le royaume de Dieu (1Co 6.10 et Ga 5.19-21).

Il est nécessaire de placer ces injonctions dans le cadre de tout ce que Dieu dit concernant le péché dans l’Église. Nous ne pouvons pas sous-estimer l’importance de la pureté et de la vérité dans l’Église. Le commandement de Dieu s’adresse à chacun de nous : « Vous serez saints, car je suis saint » (1P 1.16). Pourtant, si on chassait de l’Église tous les impudiques, les cupides, les ivrognes, sans mentionner les jaloux, les querelleurs, ou les gens qui mangent trop (Ga 5.19-21), il n’y resterait pas grand monde. Il ne faut pas oublier que Christ dans une parabole met en garde contre le désir d’enlever à tout prix l’ivraie du bon grain. Par une telle sévérité dans une Église, on risque fort d’enlever le bon grain et de laisser l’ivraie, tant ils se ressemblent ! Rappelons brièvement quelques autres principes bibliques à appliquer dans le cas de péché dans une communauté :

1. Quand un frère pèche contre moi, je dois être prêt à lui pardonner, quel que soit le nombre de fois qu’il le fait (Mt 18.21-35).

2. Pour reprendre un frère, le Seigneur nous donne un processus à trois étapes, qui écarte tout commérage (Mt 18.15-17).

3. Quand un frère tombe dans un péché, ceux qui sont spirituels doivent le reprendre avec humilité (Ga 6.1). Rien n’est plus irritant qu’une personne ayant une poutre dans son œil qui s’affaire à enlever la paille dans celui d’un autre (Mt 7.3-5).

4. Il faut beaucoup de sagesse pour discerner la meilleure manière de faire avancer l’œuvre de Dieu dans une personne, tout en protégeant l’Église. Paul exhorte les

1 Corinthiens

Thessaloniciens : « Nous vous en prions aussi, frères, avertissez ceux qui vivent dans le désordre, consolez ceux qui sont abattus, supportez les faibles, usez de patience envers tous » (1Th 5.14). La différence entre celui qui vit dans le désordre et celui qui est faible n’est pas toujours très claire. Dieu exerce une très grande patience envers nous ; nous ne pouvons pas faire autrement envers les autres.

5. Quand un ancien pèche, il y a lieu de le reprendre publiquement afin que tous éprouvent de la crainte. Mais il faut que le fait soit établi par la déposition d’au moins trois témoins pour protéger le responsable contre les faux témoignages (1Tm 5.19-20).

6. Il faut être intraitable lorsqu’il s’agit de gens qui enseignent une fausse doctrine ou qui provoquent des divisions (2Ti 3.5 ; Rm 16.17 ; 2Jn 1.9-11).

7. Quand une personne persiste à pratiquer un péché scandaleux ou à vivre dans un désordre qui compromet la santé de l’Église, il est nécessaire d’agir plus sévèrement. Dans ce cas, le Seigneur nous enseigne de :

a. commencer par au moins deux avertissements (Tt 3.9-10) ;

b. lui donner du temps pour se repentir, à l’exemple de Christ dans le cas de la femme impudique de l’Église de Thyatire (Ap 2.21) ;

c. couper toute communion avec lui (1Co 5.11 et 2Th 3.14-15) ;

d. le réintégrer quand il montre une véritable tristesse de repentance, telle qu’elle est décrite dans 2Co 7.10-11.

1 Corinthiens

SUJETS DE DISCUSSION

1. L’acte d’excommunication est douloureux et grave. Qui doit prendre la décision ? Quels sont les critères qui déterminent si la personne doit être exclue ou non ? Peut-on appliquer d’autres sanctions moins graves ? Lesquelles ? Textes complémentaires : 1Tm 6.3-5 ; 2Th 3.6-10 ; 3Jn 1.9-10 ; Jude 1.22-23.

2. Quelles sont les preuves d’une vraie repentance ? Quelle attitude maintenir envers un frère repenti ? Faut-il lui demander un temps de probation ? La réparation des torts qu’il a commis ? Textes complémentaires : Mt 18.21-35 ; 2Co 2 5-11 ; Philémon.

1 Corinthiens

II. Réprimandes à l’assemblée 1.10-6.20C. Les procès entre chrétiens 6.1-8

1. Le problème 6.12. L’incompatibilité d’une telle attitude... 6.2-8

a. avec notre vocation 6.2-3b. vu l’incompétence des injustes 6.4-5c. avec la justice de Dieu 6.6-8

C. Les procès entre chrétiens 6.1-8

Maintenant, Paul aborde le troisième grave problème dans l’Église à Corinthe. La nouvelle qu’un membre de la communauté avait entamé un procès contre son frère suscite en lui une grande indignation. Il vient de dire aux chrétiens que ni les cupides ni les ravisseurs (5.11) n’ont une place dans l’Église. Maintenant il montre combien cet esprit a envahi leur milieu, et combien il est incompatible avec leur vocation en Christ et la volonté de Dieu pour eux. Si l’Église ne doit pas juger (dans le temps présent) ceux qui sont dehors (5.12-13), il ne faut pas non plus qu’elle sollicite leurs opinions en matière de justice.

1. Le problème 6.16.1 L’un d’entre vous, lorsqu’il a un différend avec un autre, ose-t-il plaider devant les injustes, et non devant les saints ?

L’idée même qu’un chrétien puisse amener son frère devant un tribunal laïque faisait bondir l’apôtre Paul. Ce n’est pas parce qu’il considère que les tribunaux de l’époque n’étaient pas capables de rendre des jugements corrects. Il en a fait appel lui-même pour se défendre contre les attaques des autorités juives (Ac 22.25-29 et 25.4-12). S’il appelle les juges du monde des « injustes », c’est parce qu’ils étaient des

1 Corinthiens

incroyants (6.6) qui ne connaissaient pas la justice suprême de Dieu. Pour lui le scandale était plutôt l’incapacité des chrétiens de régler entre eux des affaires si peu importantes à la lumière de l’éternité, et par conséquent le mauvais témoignage qu’ils apportaient au monde.

L’actualité des remarques de Paul est évidente pour nous qui vivons aujourd’hui dans une société qui multiplie les procès. Aux Etats-Unis, on peut voir de grands panneaux publicitaires qui promettent une rétribution généreuse à tous ceux qui s’estiment victimes d’une erreur quelconque. Il suffit de téléphoner à maître untel pour profiter de ses compétences… La France n’en est pas à l’abri. De plus en plus, les tribunaux sont débordés par les plaintes, les procès de divorces, et les disputes de toutes sortes. Les médecins et les associations se voient obligés de prendre des polices d’assurance pour se protéger contre des litiges de plus en plus fréquents. Quels doivent être l’attitude et le comportement d’un chrétien face à ce phénomène ? Les consignes de Paul aux Corinthiens sont-elles toujours valables, ou est-ce qu’aujourd’hui le chrétien doit agir autrement ? Voilà quelques questions importantes soulevées par ce passage.

2. L’incompatibilité d’une telle attitude 6.2-8

a. avec notre vocation 6.2-36.2-3 Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde ? Et si c’est par vous que le monde est jugé, êtes-vous indignes de rendre les moindres jugements ? Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges ? Et nous ne jugerions pas, à plus forte raison, les choses de cette vie ?

La première raison que Paul donne pour interdire des procès tient d’un principe fondamental de tout comportement

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chrétien. L’enfant de Dieu doit vivre en fonction de l’avenir et non pour obtenir tout ce qu’il peut maintenant. C’est tragique quand un disciple de Christ devient si préoccupé par « les choses de cette vie » qu’il oublie ce qui est infiniment plus important – l’éternité. Paul plaide pour une conduite qui reflète la réalité de notre position éternelle en Christ.

Ce tableau de notre avenir fait vraiment rêver. Dieu dit que les chrétiens vont un jour juger le monde et même les anges. D’autres textes permettent d’élaborer un peu cette pensée, sans répondre pour autant à toute notre curiosité. Clairement, le jugement final appartient à Jésus-Christ lui-même. Jésus l’a dit : « Le Père ne juge personne, mais il a remis tout jugement au Fils, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père » (Jn 5.22-23). Lui seul est capable de prononcer des jugements qui déterminent le salut ou la condamnation de tout être. Alors, quel est le rôle des saints dans le jugement du monde et des anges ? On trouve une ébauche de réponse dans le sens du mot « juger », qui signifie souvent dans les Écritures « gouverner », « régner » ou « présider ». Les juges de l’Ancien Testament avaient surtout la responsabilité de gouverner le peuple d’Israël. Jésus a promis à ses disciples : « Je vous le dis en vérité, quand le Fils de l’homme, au renouvellement de toutes choses, sera assis sur le trône de sa gloire, vous qui m’avez suivi, vous serez de même assis sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d’Israël » (Mt 19.28). Dans une de ses paraboles, la récompense que le maître donne à son serviteur fidèle est « le gouvernement de dix villes » (Lc 19.17). Et Paul encourage Timothée en lui écrivant : « si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui » (2Ti 2.12). En toute probabilité, le rôle que Dieu va donner à ses enfants est une participation dans son règne éternel.

L’affirmation que « nous jugerons les anges » est plus énigmatique. C’est le seul texte des Écritures qui en parle. Nous ne pouvons pas alors élaborer ce point sans « aller au-delà de ce

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qui est écrit » (1Co 4.6). On pourrait pourtant poser la question : S’agit-il des anges qui se sont révoltés contre Dieu (2P 2.4) ou des anges qui restent attachés à Dieu et qui sont des esprits au service des croyants (Hé 1.14) ? Dans le langage du Nouveau Testament, le mot « ange », quand il n’est pas accompagné d’une précision12, désigne toujours des anges fidèles à Dieu. Ce fait suggère fortement que les chrétiens aient à gouverner non seulement l’humanité, mais même toute la création. L’auteur de l’Épître aux Hébreux semble émettre cette même idée quand il dit : « En effet, ce n’est pas à des anges que Dieu a soumis le monde à venir dont nous parlons. Or quelqu’un a rendu quelque part ce témoignage : Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui […] ? Tu l’as abaissé pour un peu de temps au-dessous des anges, tu l’as couronné de gloire et d’honneur, tu as mis toutes choses sous ses pieds. En effet, en lui soumettant toutes choses, Dieu n’a rien laissé qui ne lui fût soumis » (Hé 2.5-8 – LSG). Ce texte s’applique premièrement à Jésus, mais semble aussi indiquer qu’un jour nous recevrons avec lui la domination de tout l’univers, y compris les anges.

Rappelons-nous que ces promesses concernent l’avenir et non pas notre époque actuelle. Selon notre compréhension de l’eschatologie (les événements de la fin des temps), nous verrons leur accomplissement soit à partir du règne millénaire de Christ soit dans l’éternité. Ce n’est certainement pas la volonté de Dieu que l’Église gouverne notre monde actuel. La vocation des chrétiens aujourd’hui est d’être les témoins de Jésus-Christ et de faire des disciples, et non pas de régner. Chaque fois dans l’histoire que l’Église a pris le pouvoir politique, le résultat a été catastrophique. Ce qui arriva en 1534

12 On trouve le mot ange (ou anges) 173 fois dans la traduction NEG du N.T. Parfois on y voit surtout le sens de messager, comme dans Apocalypse 2–3, les anges des Églises. Seulement quatre textes du N.T. l’utilisent clairement pour désigner des anges tombés : 2Co 12.7 ; 2P 2.4 ; Jude 6 ; Ap 12.7-9.

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à Münster en Westphalie n’est qu’un triste exemple parmi bien d’autres. Des prophètes de plus en plus extrémistes voulurent faire de la ville une cité qui soit entièrement aux ordres de Dieu, et établirent une dictature qui conduisit au désastre13. Certes, les chrétiens doivent soutenir tout effort qui favorise la justice dans notre monde. Mais nous sommes appelés avant tout à être une lumière qui apporte le salut dans un monde de ténèbres, et non pas un système politique qui impose sa loi sur les autres.

b. L’incompatibilité d’une telle attitude – vu l’incompétence des injustes 6.4-56.4-5 Si donc vous avez des différends pour les choses de cette vie, ce sont des gens dont l’Église ne fait aucun cas que vous prenez pour juges ? Je le dis à votre honte. Ainsi, il n’y a parmi vous pas un seul homme sage qui puisse prononcer un jugement entre ses frères.

Quelle cuisante réprimande pour des chrétiens qui se vantaient de leur grande sagesse ! Cette dernière phrase est sûrement la plus sarcastique de toute la lettre. Leur conduite est honteuse, parce qu’ils n’arrivent pas à agir d’une manière digne de leur vocation, mais surtout parce qu’ils déshonorent ainsi le nom du Seigneur (Rm 2.24). Il est possible de traduire 1 Corinthiens 6.4 par une impérative ironique : « Si vous avez des différends… établissez même les gens les plus dédaignés de l’Église comme vos juges ! » Cependant, la plupart de nos versions le traduisent comme une question. Selon cette manière de le lire, Paul s’étonne que les Corinthiens prennent des juges du monde qui sont « méprisés » ou « dédaignés » (le sens principal du verbe) par l’Église. L’idée principale est la même

13 BARRET P., GURGAND J.-N., Le roi des derniers jours, Paris : Hachette, 1981.

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dans les deux cas : c’est une honte pour une Église de faire appel aux magistrats laïques pour régler ses disputes internes.

c. L’incompatibilité d’une telle attitude – avec la justice de Dieu 6.6-86.6-8 Mais un frère plaide contre un frère, et cela devant des infidèles ! C’est déjà certes un défaut chez vous que d’avoir des procès les uns avec les autres. Pourquoi ne souffrez-vous pas plutôt quelque injustice ? Pourquoi ne vous laissez-vous pas plutôt dépouiller ? Mais c’est vous qui commettez l’injustice et qui dépouillez, et c’est envers des frères que vous agissez de la sorte !

Le mot « défaut » sera mieux traduit par « défaite » (La Bible à la Colombe : « défaite » et la TOB : « déchéance »). En effet, Paul dit aux Corinthiens que le fait d’entamer un procès est une défaite spirituelle (et peut-être même financière !) que l’on gagne ou non. C’est une défaite pour la personne, parce qu’elle n’a pas su suivre la volonté de son Maître avec ses yeux fixés sur les choses invisibles et éternelles. C’est une défaite pour l’Église parce qu’elle n’a pas su utiliser les ressources que Dieu offre pour régler de tels problèmes. Et très souvent même les procès gagnés sont des défaites pour tout le monde, avec leur lot d’angoisse, d’amertume et de charges financières. Le conseil de Jésus est plein de bon sens : « Accorde-toi promptement avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui, de peur qu’il ne te livre au juge, que le juge ne te livre à l’officier de justice, et que tu ne sois mis en prison » (Mt 5.25).

Pourtant, l’alternative que Paul propose reste comme une boule dans la gorge de l’homme occidental, attaché comme il l’est à ses possessions matérielles et à ses « droits ». Il dit aux chrétiens qu’il vaut mieux subir l’injustice et la perte de leurs

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possessions, plutôt que plaider contre un frère devant un tribunal ! Certes, on doit examiner cet enseignement pour savoir jusqu’à quel point il faut accepter de se laisser dévaliser par des malintentionnés. Mais Paul n’est pas le seul à énoncer ce principe étonnant et difficile. Jésus lui-même nous commande : « Si quelqu’un te frappe sur une joue, présente-lui aussi l’autre. Si quelqu’un prend ton manteau, ne l’empêche pas de prendre encore ta tunique. Donne à quiconque te demande, et ne réclame pas ton bien à celui qui s’en empare » (Lc 6.29-30).

Le problème de fond qui provoque en fin de compte les procès, c’est le refus du pardon – une faute tout aussi grave que l’injustice à pardonner. À vrai dire, l’acte de pardonner semble contredire un principe que chacun ressent profondément. Nous voulons que toute injustice soit sanctionnée, surtout si nous en sommes la victime. Tout au plus, nous estimons qu’il y a une limite au pardon à ne pas franchir. Pierre a demandé à Jésus : « … combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu’il péchera contre moi ? Sera-ce jusqu’à sept fois ? » (Mt 18.21). Sa pensée est facile à comprendre. « Après les sept fois, je dois agir ; je dois me défendre ; je dois peut-être plaider ma cause… » Jésus lui répond effectivement qu’il n’y a pas une limite au pardon, et donne comme réponse la parabole du serviteur sans pitié (Mt 18.22-35). La leçon de Jésus est claire, et pourtant difficile à appliquer. Dieu nous a pardonné une dette astronomique ; si nous n’arrivons pas à pardonner aux autres leurs dettes envers nous, nous méprisons l’œuvre de Dieu à notre égard14. Nous devons pardonner, non parce que la personne en face le mérite, mais parce que nous avons été pardonnés : « Supportez-vous les uns les autres, et, si l’un a

14 Dans la parabole de Mt 18, la dette du serviteur envers le roi était l’équivalent de plus de 168 000 années de travail d’un manœuvre, sans un seul jour de congé ! La dette que l’autre serviteur lui devait équivalait à 100 jours de travail, somme non négligeable jusqu’à ce qu’on la compare avec l’autre.

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sujet de se plaindre de l’autre, pardonnez-vous réciproquement. De même que Christ vous a pardonné, pardonnez-vous aussi » (Col 3.13). « Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, vous pardonnant réciproquement, comme Dieu vous a pardonné en Christ » (Ep 4.32).

Ce texte nous indique aussi ce que représente le vrai pardon. Celui qui pardonne à un autre sa faute et sa dette la paie à sa place. Le roi qui a pardonné la dette des 10 000 talents que devait son serviteur a accepté d’assumer lui-même la perte. Pardonner signifie alors, comme Paul dit ici, souffrir quelque injustice ; se laisser dépouiller. Il ne s’agit pas d’oublier la faute de l’autre ; nous ne sommes pas capables de décider ce que nous allons nous rappeler ou oublier. Pardonner, c’est accepter l’injustice et agir envers l’injuste comme si l’affaire était oubliée.

Quelles sont les conclusions que nous pouvons tirer de ce passage pour le chrétien aujourd’hui ? Comment appliquer ces principes à l’Église du XXIe siècle ? En voici quelques suggestions :

1) Un chrétien ne devrait jamais entamer un procès contre un autre frère devant un tribunal laïque. Il devrait plutôt chercher avant tout un règlement à l’amiable, et le cas échéant, faire appel à des frères dans l’Église ou à une commission établie par l’Église.

2) Puisque Dieu a établi les autorités pour gouverner et pour punir le mal (Rm 13.1-7), un chrétien peut, à l’exemple de Paul, se défendre quand il est faussement accusé (Ac 22.25-29).

3) On note également que Paul parle contre les procès qui touchent les affaires de cette vie, autrement dit les affaires civiles. Quand il s’agit d’actes criminels, il y a peut-être lieu de confier le cas aux magistrats, qui sont les ministres établis par Dieu pour exercer la vengeance (Rm 13.4).

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4) Dans tous les cas, le chrétien est appelé à gagner la victoire sur le mal avec une seule arme : le bien (Rm 12.21). Celui qui rend le mal pour le mal entre dans le jeu de l’ennemi. Celui qui insiste à se venger usurpe le rôle de Dieu, et fait preuve d’un manque de confiance en Dieu qui seul est capable de donner la juste rétribution (Rm 12.17-19).

5) Avant tout, le chrétien doit cultiver une vision du monde en accord avec la réalité de sa position en Christ. Alors, il pourra accepter même avec « joie l’enlèvement de [ses] biens », sachant qu’il a « des biens meilleurs et qui durent toujours » (Hé 10.34). À l’exemple de Joseph, il pourra dire à ceux qui l’offensent : « Soyez sans crainte ; car suis-je à la place de Dieu ? Vous aviez médité de me faire du mal : Dieu l’a changé en bien » (Gn 50.19-20). Il saura qu’en faisant du bien à ceux qui lui font du mal, sa récompense sera grande au ciel (Lc 6.35).

SUJETS DE DISCUSSION

1. L’interdiction de faire appel aux tribunaux, s’applique-t-elle dans les cas où un chrétien est protégé par une assurance, par exemple dans un accident de voiture ? Que faire en cas de préjudice médical ?

2. Que faire quand un autre chrétien entame un procès contre nous ? Doit-on se défendre ? Quelle importance donner à ce que Jésus disait dans Mt 5.25-26 ?

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II. Réprimandes à l’assemblée 1.10-6.20D. L’immoralité 6.9-20

1. L’avertissement global 6.9-102. La position d’un chrétien 6.113. La loi de la liberté et ses limites 6.12-134. La dignité de notre corps 6.14-20

D. L’immoralité 6.9-20

Vouloir organiser la pensée de Paul dans un schéma est une aide pour l’étude, mais reste toujours un peu artificiel et s’arrange différemment selon les exégètes. Les versets 9 à 11 sont un passage charnière, à la fois la conclusion de sa pensée sur les injustices des procès et l’introduction de ses observations concernant l’immoralité sexuelle qui existait dans l’Église. Nous trouvons dans son enseignement non seulement de solides raisons pour fuir la débauche, mais également des précisions importantes concernant notre corps.

1. L’avertissement global 6.9-106.9-10 Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront point le royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas : ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les homosexuels, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs, n’hériteront le royaume de Dieu.

C’est la deuxième fois que Paul dresse une liste des comportements qui sont incompatibles avec la vie en Christ. À celle de 5.11, il ajoute quatre autres types de comportement qui sont inacceptables pour Dieu : les « adultères », les « efféminés », les « homosexuels » et les « voleurs ». Sans être complète, cette liste précise ce qu’est l’injustice qui exclut celui qui la pratique du royaume de Dieu. On imagine que l’apôtre a

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choisi ses mots avec soin, justement à cause de ce qu’il aperçoit chez ses lecteurs. Les Corinthiens avaient pratiqué tous ces péchés avant de venir à Christ (6.11), et ils n’en étaient pas complètement délivrés. L’idolâtrie restait un grand problème pour eux (chapitres 8-10), les procès que Paul a condamnés révélaient un esprit de cupidité et de vol, et la débauche dans toutes ses formes était tolérée dans leur assemblée (5.1 et 6.12-18).

Consultez le commentaire sur 1 Corinthiens 5.11 pour les définitions de certains de ces termes. Deux autres expressions dans cette liste nécessitent quelques explications, surtout en considération des polémiques que le sujet suscite dans notre société : les « efféminés » et les « homosexuels ». L’adjectif « efféminé » veut dire à l’origine : « mou, tendre, de caractère lâche ». Mais il servait aussi à décrire les homosexuels qui prenaient le rôle de la femme dans les rapports de ce type. Étant donné le contexte, Paul l’utilise sans doute dans ce deuxième sens. L’homosexualité était très répandue en Grèce. Socrate et Platon en faisaient l’apologie, et la majorité des empereurs romains la pratiquaient. Les « efféminés » étaient souvent de jeunes hommes engagés pour servir aux convoitises des autres. C’est pourquoi la version anglaise NIV traduit ce terme par « prostitué mâle », et la TOB par « dépravé ». La deuxième expression, « homosexuels », est celle que les Grecs utilisaient pour désigner, d’une manière insultante, un homme qui couchait avec un autre homme.

Ces deux termes sont clairs, surtout quand nous comparons ce passage avec d’autres qui affirment que Dieu condamne toute forme d’homosexualité, qui est un dérèglement de la vie sexuelle (Rm 1.26-27 ; Lv 18.22-23). Le chrétien, qui accepte comme principe de base l’inspiration et la véracité de toute Écriture, voit l’homosexualité comme un péché et non pas comme une alternative acceptable de sexualité ou comme un fatalisme génétique. Néanmoins, il est malheureusement vrai

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que plusieurs chrétiens sont prêts à condamner sans recours ce péché-là tout en tolérant d’autres qui sont aussi graves. Les désirs d’un homosexuel sont en conflit avec la Parole de Dieu – de la même manière que les désirs d’adultère ou de toute autre forme d’immoralité sexuelle. Quelle est la personne qui n’a pas connu la force des tentations dans ce domaine de sa vie ? Nous sommes tous invités à lutter contre les « convoitises charnelles qui font la guerre à l’âme » (1P 2.11). Que celui qui est sans convoitise soit le premier à lancer des pierres…

Comment comprendre l’affirmation tranchante de Paul : « Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront point le royaume de Dieu ? », d’autant plus que les Écritures sont formelles : « Il n’y a point de juste, pas même un seul ; nul n’est intelligent, nul ne cherche Dieu ; tous sont égarés, tous sont pervertis ; il n’en est aucun qui fasse le bien, pas même un seul » (Rm 3.10-12) ? À cette question, deux réponses sont appropriées. Premièrement, personne ne pourra entrer dans la présence de Dieu sans avoir été complètement délivré de ses injustices (1Co 15.50). Paul était une des rares personnes qui pouvait se dire « irréprochable, à l’égard de la justice de la loi », des commandements de Dieu (Ph 3.6). Pourtant, il a affirmé qu’il considérait tous ses mérites sans valeur, « afin de gagner Christ, et d’être trouvé en lui, non avec [sa] justice, celle qui vient de la loi, mais avec celle qui s’obtient par la foi en Christ, la justice qui vient de Dieu par la foi » (Ph 3.8-9). Nous pouvons avoir un héritage éternel dans le royaume de Dieu uniquement parce que « celui qui n’a point connu le péché, [Dieu] l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu » (2Co 5.21).

Le chrétien est alors revêtu de la justice parfaite de Christ dès qu’il place sa confiance en Jésus-Christ. En lui, le croyant a été déclaré juste (justifié), mis à part (sanctifié), et lavé de ses péchés, selon 1 Corinthiens 6.11. Mais cette vérité ne reflète pas complètement la pensée de Paul dans son avertissement des

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versets 9 à 10. Personne ne peut hériter le royaume de Dieu à cause de ses mérites, mais Paul dit aussi que celui qui se complaît dans ses injustices se fait des illusions. Christ nous sauve de nos péchés, en non pas dans nos péchés. Si notre relation avec Christ n’a pas transformé notre manière de vivre et de penser, nous avons besoin de nous examiner pour voir si nous sommes vraiment dans la foi (2Co 13.5). « Si nous confessons nos péchés », le Seigneur est « fidèle et juste » non seulement de nous pardonner, mais aussi de « nous purifier de toute iniquité » (1Jn 1.9). Bien sûr, cette délivrance ne s’effectue pas en un seul jour. Le pardon peut se comparer à la guérison, et la purification au processus du rétablissement de la bonne santé, l’élimination des poisons et des séquelles de la maladie.

2. La position d’un chrétien 6.116.11 Et c’est là ce que vous étiez, quelques-uns d’entre vous. Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ, et par l’Esprit de notre Dieu.

Nous trouvons ici une des grandes affirmations qui fait la joie de tout véritable enfant de Dieu. Certes, le danger décrit dans les phrases précédentes est réel. Par contre, la vérité présentée ici est merveilleuse. Quels que soient son passé et la gravité de ses offenses devant Dieu, le chrétien peut affronter la vie et la mort avec assurance, sachant que Dieu, par l’œuvre de son Esprit, et pour honorer le nom de son Fils, l’a lavé, l’a sanctifié et l’a justifié. Notre salut et notre sécurité dépendent entièrement de ce que Dieu a déjà accompli pour nous. Il nous a lavés pour nous purifier de la saleté, de la pourriture de nos injustices. Ce verbe, à la voix moyenne en grec, peut aussi être traduit : « vous vous êtes lavés ». Le sens reste le même. L’homme doit venir à Christ pour être lavé de ses péchés.

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Ainsi, Dieu invite le pécheur à se laver (Es 1.16-18) et le pécheur supplie Dieu de le faire (Ps 51.7). Il nous a sanctifiés pour nous séparer du péché. Et il nous a justifiés pour nous déclarer acquittés de toute condamnation.

3. La loi de la liberté et ses limites 6.12-13La plupart des exégètes sont d’accord pour considérer

que Paul reprend ici certaines affirmations des Corinthiens afin de les modifier radicalement et même de les contredire. Ces hommes justifiaient leur débauche avec deux arguments. D’abord, ils estimaient que leur liberté en Christ leur permettait de faire tout ce qu’ils voulaient. Puis, influencés par la philosophie grecque de l’époque, ils pensaient que seule l’âme survivra à la mort physique. Alors, ce qu’ils faisaient de leur corps n’avait pas une grande importance. Quand ils avaient faim, ils mangeaient comme ils voulaient. Alors, pourquoi ne pas satisfaire leurs désirs sexuels avec la même liberté ? La réponse de Paul redresse ces deux erreurs. La liberté de Christ n’est pas sans limites, et le corps d’un croyant a une grande valeur par son union avec Christ et une durée éternelle par la résurrection.

6.12 Tout m’est permis, mais tout n’est pas utile ; tout m’est permis, mais je ne me laisserai asservir par quoi que ce soit.

On note dans ce passage trois grands principes qui régissent la vie d’un chrétien. Le premier concerne sa liberté en Christ. Les Corinthiens avaient partiellement raison de dire que « tout […] est permis » à un chrétien, jusqu’à une certaine limite. Il n’a certainement pas la liberté de faire ce que Dieu interdit, mais il n’est pas pour autant assujetti à une longue liste de commandements qui déterminent ses choix et son comportement. Paul dit aux Galates : « C’est pour la liberté que Christ nous a affranchis. Demeurez donc fermes, et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude »

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(Ga 5.1). Le légalisme, qui cherche à codifier la sainteté en de multiples lois et règles, est une grave erreur dans une communauté chrétienne. La vie moderne oblige le croyant à prendre position dans une multitude de situations où les Écritures sont silencieuses. Dieu donne beaucoup de liberté de choix à ses enfants. Il désire seulement qu’ils prennent leurs décisions en respectant certains critères de fond.

Les principes restants délimitent en quelque sorte la liberté en Christ. Ce sont deux critères qui aident le chrétien à prendre des décisions qui glorifient son Maître. Le deuxième principe est celui de l’utilité. Chaque personne possède une quantité limitée de temps, d’énergie, et de capacités matérielles et physiques. Plusieurs choses réclament notre attention : le sport, la télévision, les passe-temps, le cinéma, les jeux, les produits à acheter. Dieu nous demande d’investir et de nous investir dans ce qui est « utile ». On dit que le bon est l’ennemi du meilleur. Nous avons ici un bon critère très pratique pour faire un tri : non pas « est-ce permis ? » mais « est-ce utile ? »

Le troisième principe concerne l’influence qu’une pratique exerce sur nous. Le chrétien n’est pas libre de faire ce qui lui enlève sa liberté, ce qui fait de lui un esclave. Même une occupation respectable, quand elle devient une préoccupation, peut être nocive pour un croyant. Les Écritures nous enseignent « que rien n’est impur en soi, et qu’une chose n’est impure que pour celui qui la croit impure » (Rm 14.14). Le vin, le sport, la télévision, et une multitude d’autres choses neutres deviennent pourtant nuisibles pour le chrétien qui se laisse dominer par elles. L’invitation de Dieu reste toujours valable : « rejetons tout fardeau, et le péché qui nous enveloppe si facilement, et courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte, ayant les regards sur Jésus » (Hé 12.1-2).

Plus loin dans sa lettre, Paul reprendra la question de la liberté en Christ, et donnera d’autres critères pour nous aider à

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vivre d’une manière à plaire à Dieu et à faire de bons choix. En forme de question, on peut les résumer ainsi. Ce que je veux faire :

1) Est-ce qu’il contribue à l’édification des autres ? (1Co 10.23)

2) Est-ce qu’il prend en compte, par amour, l’intérêt de l’autre ? (10.24)

3) Est-ce que je peux le faire pour la gloire de Dieu ? (10.31)

4) Est-ce qu’il serait une pierre achoppement pour quelqu’un ? (8.9 ; 10.32)

Le verbe que Paul utilise ici (« [laisser] asservir » ou « se mettre sous l’autorité de ») est intéressant, parce que l’apôtre ne l’utilise qu’une seule autre fois dans la lettre, quand il écrit  : « Ce n’est pas la femme qui dispose de [a l’autorité sur] son corps, c’est son mari. De même, ce n’est pas le mari qui dispose de [a l’autorité sur] son corps, c’est sa femme » (7.4). Alors, il n’est pas impossible que Paul, quand il conseille aux Corinthiens d’éviter la servitude, songe à l’emprise des prostituées sur certains d’entre eux (6.16).

6.13 Les aliments sont pour le ventre, et le ventre pour les aliments ; et Dieu détruira l’un comme les autres. Mais le corps n’est pas pour la débauche. Il est pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps.

Comme nous l’avons déjà remarqué, il est probable que Paul reprenne ici l’idée de certains Corinthiens pour la réfuter. D’après eux, « le corps » avec ses fonctions était destiné à disparaître avec la mort ; l’âme seule était éternelle. Par conséquent, ce que l’on fait avec son corps, qu’il s’agisse de manger ou de pratiquer la débauche, n’avait aucune importance

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à la longue. Paul leur répond alors : « Votre raisonnement est faux ; le corps a une valeur éternelle parce qu’il appartient au Seigneur, et le Seigneur s’est donné pour tout votre être, y compris votre corps ». Certes, la mort implique la destruction du corps avec son estomac, mais dans la résurrection, d’après le peu que nous connaissons, même l’estomac sera rétabli, car il va y avoir de grands festins, servis par le Seigneur lui-même (Lc 12.36-37 et 22.29-30) !

Cependant, l’apôtre ne se soucie pas de leurs idées au sujet du manger. Ce qui le trouble, c’est leur attitude envers la « débauche », qui les amène à justifier même la fréquentation des prostituées. Les Corinthiens étaient bien marqués par leur environnement social – comme toute personne d’ailleurs. Le climat moral de notre époque ressemble de plus en plus à celui de Corinthe. La débauche (porneia-), ou l’immoralité sexuelle est certainement un des problèmes des plus répandus et des plus dévastateurs de notre civilisation. Combien de mariages ou de foyers ont été brisés par l’infidélité ? Combien de personnes ont été salies par le fléau de la pornographie déversée sur la population dans les cinémas, à la télévision, dans les journaux, et maintenant par l’Internet ? Combien de fois a-t-on menti, blessé, calomnié, maudit, volé, tué à cause de l’immoralité sexuelle ? Combien de rancœurs, de jalousies, de brisements, de tristesse ? Le péché de la débauche est grave, non parce qu’il est plus détestable que celui de l’orgueil ou de l’hypocrisie, mais à cause des conséquences terribles qu’il laisse derrière lui. La déclaration de Paul est toujours d’une grande actualité : « … le corps n’est pas pour la débauche. Il est pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps. […] Fuyez la débauche » (6.13, 18).

4. La dignité de notre corps 6.14-20La loi de Moïse condamne sans ambiguïté la débauche.

Paul aurait pu la citer pour arrêter toute discussion sur la

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question. Mais le chrétien n’est pas sous la loi (Rm 6.14). La loi condamnait les actes de débauche dans la société d’Israël ; les arguments que Paul utilise ici tentent de changer l’attitude du cœur. Un homme peut être débauché sans jamais le manifester ouvertement (Mt 5.28). Alors, au lieu de transmettre des commandements, l’apôtre parle des conséquences de ce péché sur leur corps.

6.14 Et Dieu, qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera aussi par sa puissance.

Le premier argument que Paul donne contre la débauche touche l’avenir glorieux que Dieu prévoit pour le corps humain. Il n’est pas pour la débauche parce qu’il est pour le Seigneur, et alors il sera « ressuscité » et transformé. Alors, ce que nous faisons avec notre corps n’est pas anodin ; il détermine d’une certaine manière notre éternité.

6.15-17 Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres de Christ ? Prendrai-je donc les membres de Christ, pour en faire les membres d’une prostituée ? Loin de là ! Ne savez-vous pas que celui qui s’attache à la prostituée est un seul corps avec elle ? Car, est-il dit, les deux deviendront une seule chair. Mais celui qui s’attache au Seigneur est avec lui un seul esprit.

La deuxième raison probante de fuir la débauche découle de notre union avec « Christ ». Même si notre attache est essentiellement spirituelle pour l’instant (« un seul » esprit), il reste néanmoins vrai que notre « corps » est un de ses membres. Nous sommes unis à lui dans toute notre personne, esprit, âme et corps. Ce que nous faisons avec notre corps implique aussi le « Seigneur ». Selon ce passage, l’acte sexuel crée des liens qui sont plus profonds qu’un simple plaisir fugitif. Il est peut-être difficile de savoir jusqu’où pousser la signification de l’expression « un seul corps ». On trouve en Christ le pardon

1 Corinthiens

pour tout péché, même celui de la débauche. Cependant, on ne peut pas contourner le fait que ce péché entraîne des conséquences nocives dans notre vie et dans notre relation avec le Seigneur.

6.18 Fuyez la débauche. Quelque autre péché qu’un homme commette, ce péché est hors du corps ; mais celui qui se livre à la débauche pèche contre son propre corps.

La gravité des conséquences de la « débauche » ainsi que la force de son emprise sur une personne nécessitent une réponse radicale : la fuite. Le chrétien est appelé à résister courageusement à Satan pour le faire fuir (Jc 4.7) et à tenir ferme, revêtu des armes de Dieu (Ep 6.10-17). Mais lorsqu’il est confronté à la tentation de la débauche, ce n’est pas le courage qu’il lui faut, mais la sagesse de déguerpir, comme l’a fait Joseph (Gn 39.12). Dieu nous conseille une telle couardise face à trois tentations :

1. ici et 2Ti 2.22 : les passions de la jeunesse ;

2. 1Co 10.14 : l’idolâtrie ;

3. 1Tm 6.10-11 : l’amour de l’argent.

L’argument de Paul au verset 18 est difficile à comprendre. La conclusion de la phrase est simple : la débauche est un péché contre le corps d’un chrétien, un corps qui est le temple de Dieu et qui ne lui appartient pas. Mais quelle est la différence entre ce péché et tous les autres qui sont « hors du corps » ? Pourquoi les fautes comme l’ivresse, ou la drogue, ou le suicide seraient-elles des péchés « hors du corps », tandis que l’immoralité est « contre [le] corps » ? Deux interprétations sont possibles.

1 Corinthiens

Premièrement, on peut prendre la première partie de la phrase comme une idée des Corinthiens que Paul conteste, comme il l’a fait aux versets 12 à 13. Le sens serait alors : « vous dites que tout péché est hors du corps (puisque Dieu détruira le corps) ; mais moi je vous dis que la débauche est un péché contre votre propre corps ». Cette interprétation respecte la signification de l’expression, « tout péché » (dans notre version, « quelque autre péché »), et cadre bien la pensée des Corinthiens que Paul critique plus tôt (6.12-17). Mais elle n’est pas la manière la plus simple de lire le texte.

La deuxième interprétation voit dans la débauche un péché qui a une incidence sur le corps qui est différent de tout autre péché. Peut-être Paul avait-il dans l’esprit la mise en garde du livre des Proverbes ? « Car pour la femme prostituée on se réduit à un morceau de pain, et la femme mariée tend un piège à la vie précieuse. Quelqu’un mettra-t-il du feu dans son sein, sans que ses vêtements s’enflamment ? Quelqu’un marchera-t-il sur des charbons ardents, sans que ses pieds soient brûlés ? Il en est de même pour celui qui va vers la femme de son prochain : quiconque la touche ne restera pas impuni » (Pr 6.26-29).

6.19-20 Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes ? Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps [et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu].

Nous trouvons ici deux raisons supplémentaires de fuir la débauche. Premièrement, notre corps est sacré puisqu’il est « le temple du Saint-Esprit », et deuxièmement parce que nous avons été « rachetés à un grand prix » et que désormais nous appartenons à Dieu. Ces deux faits ont de profondes implications dans tout notre comportement, en plus de notre sexualité. Si notre corps est le temple de Dieu par l’Esprit, nous

1 Corinthiens

devons le traiter avec un grand respect. Il n’est pas question de le mépriser comme s’il était mauvais. Les pratiques de flagellation et d’automutilation n’ont aucun rôle dans la marche chrétienne. Nous y trouvons également une bonne raison de nous distancer de toute habitude qui puisse nuire à notre corps, comme la drogue et la cigarette. Paul donne l’attitude correcte quand il écrit : « Tous ceux qui combattent s’imposent toute espèce d’abstinences, et ils le font pour obtenir une couronne corruptible ; mais nous, faisons-le pour une couronne incorruptible. Moi donc, je cours, non pas comme à l’aventure ; je frappe, non pas comme battant l’air. Mais je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur d’être moi-même désapprouvé après avoir prêché aux autres » (1Co 9.25-27).

Le fait que nous ayons été rachetés par Christ au prix de sa mort nous place sous une grande obligation morale. « Car l’amour de Christ nous presse, parce que nous estimons que si un seul est mort pour tous, tous donc sont morts ; et qu’il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux » (2Co 5.14-15). Nous ne pouvons plus dire : « J’ai le droit de faire ce que je veux de mon corps ». Il appartient à Christ.

On raconte qu’Abraham Lincoln se rendit un jour sur la place où l’on vendait des esclaves. Une jeune femme noire, très belle, fut mise en vente. Lincoln fit une offre, qui fut contrée. Le prix augmentait rapidement et Lincoln poursuivit jusqu’à l’emporter.

La jeune femme lui fut donnée et ils quittèrent ensemble le marché. Elle méprisa son acquéreur et se disait en elle-même :

« Maintenant commencent les abus que je dois subir.

Mais Lincoln l’étonna en disant :

1 Corinthiens

– Mademoiselle, vous êtes libre.

– Libre ? demanda-t-elle, libre de quoi ? … de dire ce que je veux ?

– Oui, répondit Lincoln.

– Libre de devenir ce que je veux ?

– Oui, répondit encore Lincoln.

– Libre d’aller où je veux ?

– Oui, répondit M. Lincoln.

– Alors, dit-elle les larmes aux yeux, si c’est le cas, je veux aller avec vous ».

C’est une belle illustration de ce que doit être notre relation avec Christ. Nous avons été rachetés pour être libres – mais libres de se mettre de nouveau, par amour, sous son joug qui est doux et léger (Mt 11.30).

La dernière phrase était sûrement plus courte dans la lettre originelle. Les mots, « et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu », ne se trouvent dans aucun manuscrit ancien. Si la pensée qu’ils reflètent est vraie, ils voilent un peu le point que Paul veut affirmer : il faut que nous glorifiions Dieu d’une manière concrète et visible, par notre « corps ».

Nous vivons dans une société qui non seulement accepte l’immoralité, mais qui l’encourage par les publicités suggestives, les scènes de plus en plus osées dans nos cinémas, et le commerce colossal de la pornographie. Comment le chrétien peut-il faire face à tant de sollicitations dans un domaine de sa vie où les désirs sont si forts ? Terminons ce

1 Corinthiens

chapitre avec quelques suggestions pratiques pour la mise en œuvre des conseils de Paul concernant la débauche.

1) Reconnaissons la différence entre la tentation et le péché. Notre sexualité est un don de Dieu, et les désirs qui en résultent sont au fond naturels et bons, comme ceux de manger et de dormir. La tentation est une sollicitation à combler ces désirs d’une manière que Dieu interdit. Elle agit sur notre pensée, pour que nos désirs nous dominent (le sens du mot « convoitise ») et nous entraînent dans la faute (Jc 1.14). Le fait d’être tenté n’est pas un péché, car Christ « a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché » (Hé 4.15). La différence est subtile, mais importante. Luther disait que l’on ne peut pas empêcher les oiseaux de voler au-dessus de notre tête, mais qu’on ne doit pas les laisser faire leurs nids dans nos cheveux. Nous sommes constamment agressés par les tentations de toutes sortes. Nous devons les repousser comme Christ l’a fait ; les bichonner, c’est commencer à se laisser entraîner.

2) Ayons une « sacrée » peur de tomber sous l’influence des passions de la chair – une peur qui nous fera fuir tous les pièges de l’immoralité. Pour cela, il faut cultiver l’attitude que Paul enseigne ici concernant notre corps. Les revues pornographiques ne sont pas anodines, l’influence des films n’est pas négligeable. Nous sommes ce que nous absorbons, dans le domaine de la vue aussi bien que dans celui des aliments. Paul écrira plus loin : « Ne vous y trompez pas, les mauvaises compagnies [ou associations] corrompent les bonnes mœurs » (1Co 15.33).

3) Maintenons une relation intime avec le Seigneur. Il nous promet qu’il n’y a aucune tentation qui soit au-delà de notre force si nous sommes prêts à accepter le moyen qu’il propose pour en sortir (1Co 10.13). « Le Seigneur est fidèle, il [nous] affermira et [nous] préservera du malin » (2Th 3.3). Dieu ne se moque pas de nous. Ce qu’il promet, il le fera. Mais

1 Corinthiens

les moyens qu’il place à notre disposition sont les armes de l’Esprit (Ep 6.13-17 et 2Co 10.3-4). Si nous ne restons pas revêtus de ces armes, si nous nous éloignons du Seigneur, nous serons une proie facile pour l’ennemi.

4) Demandons de l’aide à un chrétien de confiance, du même sexe. Dieu a créé l’Église pour que chaque membre aide, corrige, et réconforte son frère ou sa sœur (Hé 3.13). Le simple fait de devoir rendre compte à une autre personne peut-être une bonne aide pour quelqu’un qui lutte avec une forte tentation.

SUJETS DE DISCUSSION

1. Quels sont les moyens pratiques dont nous disposons pour cultiver la pureté parmi les membres de notre Église ? parmi nos enfants ?

2. Quel devrait être le rôle de l’Église dans l’éducation sexuelle ? Que faire pour aider au mieux les parents dans cette responsabilité ?

3. Quels sont les besoins particuliers des garçons dans ce domaine ? des filles ?

I. Introduction 1.1-9 : Paul présente ses salutations à l’Église et exprime sa reconnaissance à Dieu pour elle.

II. Réprimandes à l’assemblée 1.10-6.20 : Mis au courant par des chrétiens venus le voir, Paul adresse certains graves problèmes au sein de l’Église.

A. Divisions et sagesse charnelle 1.10-4.21B. Le cas de l’inceste 5.1-13C. Les procès entre chrétiens 6.1-8D. L’immoralité 6.9-20

III. Réponses aux questions 7.1-16.4 : Paul répond aux questions que les Corinthiens lui avaient posées touchant des sujets de désaccord ou d’abus.

A. Le célibat et le mariage 7.1-40B. Les viandes sacrifiées aux idoles – la liberté chrétienne

8.1-11.1C. Les rôles de l’homme et de la femme dans l’Église 11.2-

16D. La sainte Cène 11.17-34E. Les dons spirituels 12.1-14.40F. La résurrection des morts 15.1-58G. La collecte pour les saints 16.1-4

IV. Instructions finales 16.5-24 Paul termine sa lettre avec quelques informations personnelles, des recommandations et des salutations.

III. RÉPONSES AUX QUESTIONS 7.1–16.4

Le chapitre 7 marque le début de la deuxième grande section de la lettre de Paul, où il tente de répondre aux questions que lui avaient posées les membres de l’Église de Corinthe. Chaque réponse de l’apôtre commence avec l’expression « Pour ce qui concerne » Nous découvrons ainsi les différents sujets qui troublaient les chrétiens :

7.1 : le mariage et les rapports conjugaux

7.25 : les vierges

8.1 : les viandes sacrifiées aux idoles

12.1 : les dons spirituels

16.1 : la collecte pour les chrétiens de Jérusalem

16.12 : la venue anticipée d’Apollos

Les réponses de Paul montrent que la plupart de leurs questions n’étaient pas de simples demandes d’information. Paul leur avait déjà écrit une lettre qu’ils avaient mal comprise (5.9-10). On a nettement l’impression que les questions qu’ils lui ont adressées par la suite reflètent un esprit de contestation autant qu’une demande de précisions. Comme dans la section précédente, Paul se voit obligé de reprendre sévèrement les attitudes et le comportement des Corinthiens. Sa discussion sur le célibat et le mariage est la moins polémique de toute la lettre, mais ses reproches sont sévères quand il aborde le sujet de l’idolâtrie et de l’abus des dons spirituels.

III. Réponses aux questions 7.1-16.4A. Le célibat et le mariage 7.1-40

1. Les rapports entre mari et femme 7.1-72. Conseils à ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves

7.8-93. La fidélité exigée pour un mariage chrétien 7.10-114. La fidélité conseillée pour un mariage mixte 7.12-165. Le principe de base : se contenter de son état 7.17-246. Conseils aux vierges 7.25-287. Avantages du célibat 7.29-358. Conseils aux pères (ou aux fiancés) 7.36-389. Conseils aux veuves 7.39-40

A. Le célibat et le mariage 7.1-40

1. Les rapports entre mari et femme 7.1-77.1 Pour ce qui concerne les choses au sujet desquelles vous m’avez écrit, [je pense qu’] il est bon pour l’homme de ne pas toucher de femme.

Notre interprétation de cette première phrase détermine en grande partie comment nous comprenons la pensée de Paul dans ce qui suit. Quelle est la question (ou la déclaration) que les Corinthiens adressaient à l’apôtre ? Une partie de la phrase est claire. « Toucher [une] femme », dans le langage de l’époque, signifie toujours « avoir des rapports sexuels ». Par contre, puisque les mots entre crochets ne figurent pas dans le texte grec, est-ce que Paul cite simplement ce que les Corinthiens disaient « il est bon pour l’homme de ne pas toucher de femme » ou répond-il à leur demande d’information ? Les réponses que nous donnons à ces questions colorent considérablement notre interprétation.

On peut imaginer deuxDeux attitudes opposées envers le face au mariage qui auraient pu motiver l’écrit despeuvent avoir motivé la rédaction de l'épître aux Corinthiens. Certains considéraient peut-être le mariage et l’activité sexuelle comme unla condition sine qua non de du bonheur. Pour eux, l’état de célibat serait inacceptable et méprisable. À ces personnes, Paul répond, « Non, il est bon qu’un homme n’ait pas de rapports sexuels, qu’il reste comme moi » (7.7). Mais il semble probable que Paul corrige surtout une autre pensée ayant cours à Corinthe, celle qui consiste à affirmer : « Pour être vraiment spirituel, il faut supprimer sa sexualité. Se marier ou avoir des rapports conjugaux, c’est devenir un chrétien de seconde classe ». Il n’est pas impossible que certaines femmes à Corinthe aient déjà épousésoutenu cette façon de voir qui est devenue plus tard assez répandue plus tard dans le christianisme. Il a été suggéré que le problème de la prostitution que Paul condamne dans le chapitre 6 est la conséquence d’une telle attitude de ces femmes envers leur mari. Certaines personnes auraient même pu conseiller la séparation, surtout si le partenaire n’était pas chrétien (7.10-16). Face à cette attitude, la réponse de Paul prenda une tout autre tournureportée toute différente. Le mariage, comme le célibat, est un don de Dieu. Les deux états sont bons, et comportent des avantages et des inconvénients. L’acte sexuel, loin d’être un signe de faiblesse à éviter, est une obligation au sein du mariage. Et le divorce, même si le partenaire n’est pas chrétien, est contre la volonté de Dieu.

Face à ces deux attitudes qui existaient probablement dans l’Église, Paul commence par donnerdonne deux réponses. D’abord, rester sans se marier, sans avoir des rapports sexuels est une bonne chose (mais pas nécessairement meilleure que le mariage). Par contre, vu la situation à Corinthe, le mariage est souhaitable pour ceux qui n’ont pas le don de rester célibataire.

7.2-5 Toutefois, pour éviter la débauche, que chacun ait sa femme, et que chaque femme ait son mari. Que le mari rende à sa femme ce qu’il lui doit, et que la femme agisse de même envers son mari. Ce n’est pas la femme qui dispose de son corps, c’est son mari. De même, ce n’est pas le mari qui dispose de son corps, c’est sa femme. Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’est d’un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ; puis retournez ensemble, de peur que Satan ne vous tente en raison de votre manque de maîtrise.

Notons tout d’abord que notre la traduction, « pour éviter la débauche », ne reflète pas exactement le sens de l’original. Le grec adit plutôt : « à cause des immoralités ». C’est pour mieux rendre ce sens que la Bible en français courant le traduit : « en raison de l’immoralité si répandue ». Paul conseille le mariage comme une protection en vue de la situation si corrompue à Corinthe, et non comme un pis-aller pour assouvir les convoitises. Voir au verset 7 quelques remarques sur l’attitude de Paul concernant le mariage.

La Bible traite franchement toustoutes les sujets importantsquestions importantes de la vie, et la sexualité en est un, même si dans certains milieux et à certaines époques elle a étéc'était un sujet tabou. Tout en utilisant un langage discret, Paul place devant les Corinthiens quelques principes très importants pour le bien-être d’un couple. Le premier est exprimé dans des termes très forts : les rapports conjugaux font partie des obligations dans un mariage. Le verbe « rendre » signifie aussi « payer sa dette ». Le verbe « priver » peut aussi être traduit « dérober » ou « voler ». En règle générale, la construction grammaticale de cette dernière phrase porte le sens d’un ordre de cesser une activitéCet impératif (présent à la forme négative) est en fait positif : « Cessez de vous priver l’un de l’autre ». Dans ce cas, certaines des femmes dans l’assemblée avaient déjà décidé d’arrêter tout rapport avec leur

mari pour cultiver leur spiritualité. Que ce soit le cas ou non, Paul condamne sans ambages une telle pratique.

On peut noter également l’égalité et le respect mutuel que Paul prévoit dans les rapports entre le mari et sa femme. L’obligation est la même pour les deux. Et de même que le corps de la femme est sous l’autorité de son mari (le sens du verbe « disposer »), ainsi le corps du mari est sous celle de sa femme. D’autres textes enseignent à la femme d’être soumise à son mari ; celui-ci demande au deux une soumission mutuelle. Les implications pour un couple aujourd’hui sont claires. Dans les rapports conjugaux, comme dans toute la vie d’ailleurs, si une personne s’y s'engage pour des raisons égoïstes, uniquement pour se satisfaire, il elle va détériorer sa relation avec l’autre. Quand on « fait l’amour », que ce soit faitvraiment avec amour, dans l’intérêt de l’autre, et pour le plaisir de l’autre. De toute manière, il ne faut jamais que l’acte conjugal devienne un moyen de pression, de menace ou de récompense dans les relations entre mari et femme. Ce serait l’équivalent, selon ce texte, de voler l’autre ou de refuser de payer sa dette envers lui. Paul en donne une seulene concède qu'une exception : quand les deux conjoints décident ensemble de s’en se priver pour un temps limité de relations intimes afin de se consacrer davantage à la prière.

7.6-7 Je dis cela par condescendance, je n’en fais pas un ordre. Je voudrais que tous les hommes soient comme moi ; mais chacun tient de Dieu un don particulier, l’un d’une manière, l’autre d’une autre.

À quoi fait-il référence quand il n’en fait pas un « ordre », mais une concession ? Certains exégètes placent cette phrase à la fin du dernier paragraphe (après le verset 5), et comprennent que Paul donne la permission d’une séparation passagère dans un couple, mais ne la demande pas, afin de leur éviter des tentations inutiles. D’autres pensent que la concession concerne le mariage, que Paul permet, mais

n’ordonne pas parce qu’il préfère lui-même le célibat. Les deux interprétations se défendent.

Il est de C'est à la mode aujourd’hui de critiquer considérer Paul comme un misogyne qui voyait dans le mariage comme une solution de second ordre pour ceux qui ne pouvaient pas atteindre le niveau spirituel supérieur du célibat. Certes, l’apôtre recommande sans hésitation le célibat – pour ceux qui en ont le don. C’est vrai aussi qu’il met en garde ses lecteurs au sujet des inconvénients et des difficultés que les gens mariés vont connaître. Mais le lecteur de ses lettres ne peut pas honnêtement le soupçonner d’être opposé au mariage ou de le considérer comme un état inférieur en Christ. Il faut lire ce passage à la lumière non seulement de son contexte, mais aussi des autres écrits de Paul et de la Bible. Notons, entre autres :

1) Le mariage et le célibat ne sont pas pour Paul une question de principe, mais de un don de Dieu. Tout ce que Dieu donne est bon et honorable. Celui qui a le don de célibat ne devrait pas se marier. Mais celui qui a le don d’être marié et qui insiste à rester célibataire passe à côté de la volonté de Dieu et s’expose à de grands risques.

2) Étant donné son éducation et sa connaissance intime de toute la Parole de Dieu, il est inconcevable que Paul ait une position sur le mariage qui contredirait celle de l’Ancien Testament. Dieu a dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui » (Gn 2.18). Paul affirme qu’il est bon pour un homme de rester célibataire, vu les persécutions qui s’annoncent et le temps qui est court (1Co 7.26-31), pour un homme de rester célibataire. Toutefois, cette affirmation doit se comprendre non pas comme un absolu, mais comme un conseil exceptionnel au en vue du plan global de Dieu pour l’humanité. Dans une autre lettre et un autre contexte, il conseille vivement le mariage (1Tm 5.14).

3) Ailleurs, Paul exprime clairement la haute estime qu’il a pour le mariage, qu’il présente comme image de la relation que Jésus maintiententretient avec l’Église (Ep 5.22-31). Il va jusqu’à dire que l’interdiction de se marier est une doctrine des démons (1Tm 4.1-3).

4) Paul serait alors certainement d’accord avec ce qui est enseigné dans l’Épître aux Hébreux : « Que le mariage soit honoré de tous, et le lit conjugal exempt de souillure » (13.4). Le célibat est donc bon, mais le célibat imposé est une erreur qui provient de l’ennemi. L’histoireL’Histoire a démontré à maintes reprises les conséquences tragiques d’une telle doctrine. « Toute l’expérience de la vie nous enseigne que le mariage est, en règle générale, nécessaire au développement de l’individu et absolument essentiel à la vertu et au bien-être de la société. Celui qui méprise le mariage se trouve en contradiction avec la nature aussi bien qu’avec la révélation de Dieu »15.

« Chacun tient de Dieu un don particulier ». Ce fait est primordial dans toute considération de en relation avec le mariage et de le célibat. Dieu donne à chacun de ses enfants le caractère, l’aptitude, et la capacité qu’il faut pour vivre et s’épanouir dans sa vocation, qu’il s’agisse du célibat ou du mariage. Comment savoir quel est le don quede Dieu me donnepour moi ? Rares sont ceux qui reçoivent une révélation surnaturelle à ce sujet ! La réponse à cette question tient plutôt dans une autre promesse des Écritures : pas à pas, Dieu montre sa volonté à celui et à celleceux qui l’écoutent et lui obéissent (Rm 12.1-2). Pour certains, et surtout des pour les femmes qui ne se sentent pas libres de « chercher » un mari, Dieu conduit en fermant des portes. Il conduitdirige ses enfants de plusieurs manières, par sa paroleParole, par la prière, par les circonstances, et dans le cas de mariage, par une connaissance qui devient petit à petit un véritable amour. En attendant de

15 HODGE Charles, Commentary on the First Epistle to the Corinthians, Grand Rapids : Eerdmans, 1980, sur 1Co 7.1.

savoir la volonté de Dieu, il est important de s’appuyer sur un fait élémentaire de notre relation avec Dieu. Le Seigneur n’est pas un maître cruel ; s’il demande à une personne de rester célibataire pour un temps ou pour la vie, il lui donnera aussi le nécessaire pour le faire.

2. Conseils à ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves 7.8-9

7.8-9 À ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves, je dis qu’il leur est bon de rester comme moi. Mais s’ils manquent de maîtrise d’eux-mêmes qu’ils se marient ; car il vaut mieux se marier que de brûler.

L’expression, « ceux qui ne sont pas mariés », prête à confusion. Le contexte, ainsi que l’utilisation du mot grec (agamos-), montrent que Paul s’adresse ici particulièrement aux veufs et aux divorcés. Au verset 11, il désigne ainsi la femme qui est séparée de son mari et au verset 34 il fait la distinction entre vierge et une femme non mariée (agamos). Il traite la question des vierges à partir du verset 25. Étant donné l’environnement moral à Corinthe, et le taux élevé de divorces dans l’empire à cette époque, il faut croire que l’Église comptait parmi ses membres plusieurs personnes avec un lourd passif sur le planconjugal. À ces personnes séparées de leur conjoint ou conjointe, Paul conseille une vie célibatairede rester seules.

Notons pourtant qu’il n’interdit pas le mariage. Au contraire, il le préconise pour ceux qui n’arrivent pas à se maîtriser, peut-être les mêmes qui avaient fréquenté les prostituées (6.15-17). Dieu a un seul remède pour quelqu’un qui « brûle » de passions : le mariage. Si le terme agamos désigne ici les personnes divorcées aussi bien que les veufs, l’apôtre donne son accord pour le remariage dans certaines situations. Mais il faut le comprendre à la lumière des versets

qui suivent, qui interdisent le remariage en cas de divorce entre chrétiens. Peut-être s’agit-il de personnes divorcées qui se sont converties au Seigneur par la suite.

3. La fidélité exigée pour un mariage chrétien 7.10-11

7.10-11 À ceux qui sont mariés, j’ordonne, non pas moi, mais le Seigneur, que la femme ne se sépare point de son mari (si elle est séparée, qu’elle demeure sans se marier ou qu’elle se réconcilie avec son mari), et que le mari ne répudie pas sa femme.

Puisque Paul considère le cas de mariages mixtes dans le prochain paragraphe (7.12), les consignes qu’il donne ici sont sans doute adressées aux couples chrétiens de l’Église. Il invoque « le Seigneur », parce que Jésus lui-même avait parlé à ce sujet (Mt 19.3-9). La séparation dont parle l’apôtre est un divorce, et non pas un simple déménagement. Les termes grecs sont explicites.

Les deux ordres que nous lisons ici sont clairs et faciles à comprendre ; leur application est aujourd’hui devenue extrêmement compliquée ! Dans notre société occidentale, le divorce est maintenant un phénomène banal. Il y a quelques années, les Églises pouvaient condamner le divorce sans que cela touche beaucoup de monde. Ce n’est plus le cas. Plusieurs membres de nos assemblées sont maintenant des divorcés et bon nombre se sont remariés. Comment mettre en pratique la Parole de Dieu tout en montrant la compassion et la sensibilité de Christ ? Ce sont des questions épineuses qui suscitent beaucoup de discussions et parfois des disputes entre les chrétiens. Rappelons quelques textes bibliques qui permettent de mieux cerner le problème.

1) Dieu a institué le mariage comme une alliance pour toute la vie (Rm 7.2), qui unit deux personnes afin qu’ils deviennent « une seule chair » (Mt 19.6).

2) Dans l’Ancien Testament, Dieu a décrété des lois dans l’Ancien Testament qui régulaient le divorce, sans pour autant l’approuver. Nous lisons dans Deutéronome les consignes suivantes (Dt 24.1-4) :

a. Lorsqu’un homme renvoie sa femme « parce qu’il a découvert en elle quelque chose de honteux », il doit écrire pour elle « une lettre de divorce » (24.1).

b. Elle peut alors se remarier (24.2).

c. Mais après un second mariage, elle ne pourra jamais reprendre avec son premier mari, même si le deuxième mari meurt (24.3-4).

3) Dieu exprime bien ses sentiments au sujet de tout divorce par son le prophète Malachie (2.16) : « Car je hais la répudiation, dit l’Éternel, le Dieu d’Israël ».

4) Jésus, interrogé par les Juifs sur cette question, précise que si Dieu a permis le divorce, c’était à cause de la dureté du cœur de l’homme. Il ajoute : « Mais je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf pour infidélité (porneia : immoralité sexuelle), et qui en épouse une autre, commet un adultère » (Mt 19.9).

5) Paul mentionne un autre cas légitime de divorce, quand un mari ou une femme non converti quitte le foyer (1Co 7.12-16).

Quelles sont les conclusions que nous pouvons tirer de ces enseignements ? La première est sans doute la plus importante. Le chrétien a tout intérêt à voir le mariage et le

divorce de la même façon que Dieu. Il doit respecter le caractère inviolable du mariage, et faire tout son possible pour le protéger. Les responsables dans une œuvre chrétienne ne doivent jamais conseiller le divorce, mais ils doivent toujours chercher à réconcilier un couple qui se déchire. Même le cas triste d’un adultère n’oblige pas forcément le au divorce. En toute probabilité, la meilleure solution serait la repentance du coupable, le pardon, et le rétablissement du foyer. Que faire quand un couple finit par divorcer malgré les efforts et les conseils de leurs amis ? Certes, parfois une discipline de l’Église est nécessaire, surtout en cas de péché scandaleux. Sans aucun doute, la décision de divorcer est un terrible échec pour le couple et aussi pour l’Église. Pourtant, on n’accomplit pas souvent l’œuvre de Dieu en ajoutant des critiques aux afflictions de ceux qui sont déjà traumatisés par leur déchirement. Le Seigneur était l’ami des publicains et des gens de mauvaise vie ; ne soyons pas plus sévères que lui.

La question de remariage est beaucoup plus difficile. D’une part, nous avons la déclaration claire de Paul : « si [une femme] est séparée, qu’elle demeure sans se marier ou qu’elle se réconcilie avec son mari » (7.11). Une seule conclusion est possible, dans le cas où deux chrétiens divorceraient,: ils ne doivent pas se remarier, s’ils veulent rester fidèles à la Parole de Dieu. L’affaire devient plus confuse si la séparation a pour cause l’immoralité sexuelle. Dans sa discussion, Jésus enseigne clairement que le divorce et le remariage constitue un adultère, sauf pour cause de débauche (porneia-) (Mt 19.9). D’où la question difficile : quand il y a divorce pour cette raison, est-ce que le remariage est interdit ? Ou bien, est-ce que le divorce qui est légitime aux yeux de Dieu constitue une rupture de l’alliance de mariage qui libère complètement les deux conjoints ? La déclaration de Jésus est ambiguë, on peut le la lire dans les deux sens. Certains considèrent que Paul reconnaît la possibilité de remariage quand il dit aux Corinthiens que le frère ou la sœur abandonnés par leur

conjoint non-croyant ne sont plus liés (7.15). La loi de Moïse donne clairement la permission à la femme renvoyée de se remarier (Dt 24.2).

Je n’ai ni la place ni la prétention dans ce commentaire de présenter une réponse définitive à cette question épineuse. Clairement, il y a des cas où Dieu interdit le remariage, et il donnera aux personnes la force et la persévérance pour accomplir sa volonté. Toutefois, nous pouvons facilement tomber dans une rigidité et une insensibilité qui ne reflète pas l’amour et la compassion de notre Maître. Quand Jésus avait en face de lui une femme divorcée par quatre fois, et qui vivait à ce moment-là avec un cinquième homme, il ne l’a pas sommée de régler sa situation, mais il lui a offert de l’eau vive (Jn 4.7-26). Dommage pour nous que nous ne sachions pas quel conseil il lui aurait donné concernant sa vie sentimentale ! Certainement, vu le passé lourd des chrétiens à de Corinthe (6.9-11), il a dû y avoir toutes sortes de situations conjugales embrouillées. À tous ces gens, mariés, divorcés et, veufs (agamos-) et célibataires, les conseils de Paul sont finalement assez simples : 1) rester fidèles au Seigneur et aux autres dans le mariage ou dans le célibat ; 2) être contents de la vocation que le Seigneur donne, et 3) vivre en paix. La meilleure manière d’accomplir ces objectifs va varier selon chaque situation individuelle.

4. La fidélité conseillée pour un mariage mixte 7.12-16

7.12-13 Aux autres, ce n’est pas le Seigneur, c’est moi qui dis : Si un frère a une femme non-croyante, et qu’elle consente à habiter avec lui, qu’il ne la répudie pas ; et si une femme a un mari non-croyant, et qu’il consente à habiter avec elle, qu’elle ne répudie pas son mari.

Le conseil que Paul offre ici est assez clair : Dans un mariage mixte, l’idéal est toujours « un homme, une femme, une vie ». Le fait de ne pas croire n’est pas un motif de divorce ; et cela veut dire que le croyant ou la croyante doit tout faire pour la paix dans le couple et pour garder intact son mariage intact.

Certains peuvent se demander si ce texte est inspiré de Dieu, puisque Paul affirme que c’est lui qui le dit, et non pas le Seigneur. On trouve des expressions semblables aux versets 25 et 40. Il veut dire tout simplement que Jésus n’a jamais abordé ces questions, et qu’il n’a pas reçu une révélation précise à leur sujet. Cependant, le fait que ce sont les paroles de Paul et non pas celles du Seigneur ne change en rien le principe essentiel de l’inspiration divine de ces paragraphes. Le chrétien croit que Dieu a surnaturellement conduit les écrivains des textes bibliques pour nous laisser exactement ce qu’il voulait communiquer (2P 1.21). Alors, ce n’est pas les écrivains qui étaient inspirés, mais leurs écrits (2Ti 3.16). Nous ne pouvons pas dire que les auteurs étaient toujours conscients de parler de la part de Dieu ; nous affirmons seulement que les textes de la Bible sont exactement ce que le Seigneur voulait nous laisser, et ils sont tous utiles « pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne œuvre » (2Ti 3.16-17).

Jésus n’a jamais abordé la question de mariages mixtes, et pour bonne cause. Il avait été envoyé en Israël pour parler à son peuple de la bonne nouvelle du pardon des péchés. Les couples étaient unis àdevant Dieu par la Loi de Moïse et ils n’avaient pas le genre de problème que Paul traite ici. Dans une ville commerciale en Grèce, avec son grand mélange de cultures et de religions, il a dû y avoir beaucoup de mariages mixtes.

7.14 Car le mari non-croyant est sanctifié par la femme, et la femme non-croyante est sanctifiée par le mari ; autrement, vos enfants seraient impurs, tandis que maintenant ils sont saints.

La raison que Paul donne pour garder intact un mariage mixte peut paraître bien mystérieuse. Que veut-il dire au juste ? Suggère-t-il que le mariage avec un chrétien procure pour les enfants ou le membre non chrétien un bénéfice spirituel, ou même le salut ? Sûrement pas le salut, car il continue en disant que l’on ne peut pas savoir si la personne sera sauvée ou non (7.16). S’agit-il d’une influence spirituelle ? Plusieurs le pensent, en accord avec ce commentaire : « Le divorce devait être évité parce que le partenaire chrétien était le moyen par lequel la grâce de Dieu pouvait s’introduire dans le mariage. De cette relation d’une seule chairunion, la bénédiction de Dieu qui reposait sur le chrétien s’étendait à toute la famille (cf. Jacob dans la maison de Laban [Gn 30.27] et Joseph dans celle de Potiphar [Gn 39.5]) » 16. Selon cette interprétation la personne non-croyante et leurs les enfants issus de ce mariage seront « sanctifiés » ou séparés d’une certaine mesure de séparés des mauvaises influences par la présence du chrétien ou de la chrétienne dans le foyer.

Sans nécessairement infirmer le sens de cette interprétation, il enIl existe une autre interprétation qui convient mieux au contexte sans infirmer le sens de la précédente . Nous avons déjà suggéré qu’il existait dans l’Église de Corinthe des gens qui poussaient les croyants à se séparers'abstenir de toute relation intime, et surtout avec des non-croyants. Ces personnes, peut-être d’origine juive, auraient pu s’appuyer sur deux livres de l’Ancien Testament, oùqui relatent des épisodes au cours desquels Dieu, en effet, avait conduit le peuple juif à renvoyer des femmes étrangères avec leurs enfants (Esd 9.1-4 ;

16 WALVOORD J, ZUCK R., Commentaire Biblique du Chercheur N.T. Codé, Bethel.

10.1-17 et Né 13.23-30). On avait contracté cesCes mariages avaient été contractés au mépris d’un commandement précis du Seigneur interdisant des mariagesunions avec un autre peuple (Dt 7.1-6), et Esdras et Néhémie les ont dénoncés comme impurs. Par contre, Paul affirme que selon la nouvelle alliance en Christ, et dans un contexte bien différent de celui de la culture juive, le mariage, même avec un non-converti, est pur aux yeux de Dieu et ne doit pas être bafoué. La présence d’un non-chrétien ne rend pas le mariage illégitime ; au contraire, il est sanctifié par la présence de l’enfant de Dieu.

7.15-16 Si le non-croyant se sépare, qu’il se sépare ; le frère ou la sœur ne sont pas liés dans ces cas-là. Dieu nous a appelés à vivre en paix. Car sais-tu, femme, si tu sauveras ton mari ? Ou sais-tu, mari, si tu sauveras ta femme ?

Je vous invite à consulter les remarques sur le divorce ci-dessus (7.10-11). Certaines situations familiales sont tellement embrouillées et complexes que l’on a beaucoup de peine à proposer une solution qui respecte toutes les données de la Parole. Paul énonce ici un principe de fond qui peut aider à déterminer quelle voie à suivre dans ces cas : Dieu veut que ses enfants vivent dans la « paix ».

Les dernières remarques de l’apôtre peuvent être comprises de deux manières. On peut les considérer comme un appel aux chrétiens deà tout faire pour conserver la paix dans leur foyer, car « qui sait si, en agissant ainsi, l’autre sera sauvé ? » Le texte de la Bible Segond semble l’interpréter selon l’autre sens : « Ne t’inquiète pas si l’autre te quitte. De toute manière, tu ne peux pas savoir si tu pourrais le sauver en insistant qu’il reste ». Les deux interprétations sont fidèles au grec, et elles sont toutes deux vraies.

5. Le principe de base : se contenter de son état 7.17-24

7.17 Seulement, que chacun marche selon la part que le Seigneur lui a faite, selon l’appel qu’il a reçu de Dieu. C’est ainsi que je l’ordonne dans toutes les Églises.

Le principe que Paul présente ici est si important qu’il le répète trois fois dans ces quelques versets : le chrétien doit apprendre à être content de l’état dans lequel il se trouve. Au premier abord, nous avons l’impression qu’il change de sujet. Des questions de sexualité, il semble passer à celles de la circoncision et de l’esclavage. Pourtant, ces lignes constituent l’essentiel de son argument concernant le mariage et le célibat. La circoncision et l’esclavage ne sont que deux exemples du principe fondamental de toute la vie en Christ. L’état dans lequel une personne se trouve quand elle vient à Christ n’est pas ce qui est important. Ce qui compte, c’est un cœur fidèle au Seigneur, content de son état, et obéissant à la Parole de Dieu. Certains chrétiens à Corinthe voulaient se séparer de leurs conjointsleur conjoint, croyant qu’il fallait un changement dans leur état pour devenir plus « spirituels ». D’autres pensaient peut-être qu’il fallait à tout prix se marier. Paul exhorte chacun à se contenter de son lot, puisque c’est le Seigneur lui-même qui l’a permis.

7.18-20 Quelqu’un a-t-il été appelé étant circoncis, qu’il demeure circoncis ; quelqu’un a-t-il été appelé étant incirconcis, qu’il ne se fasse pas circoncire. La circoncision n’est rien, et l’incirconcision n’est rien, mais l’observation des commandements de Dieu est tout. Que chacun demeure dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé.

La première illustration de Paul touche aux origines culturelles. Que l’on ait été Juif ou païen au moment de sa conversion, cela n’avait aucune importance dans sa la relation

actuelle avec le Seigneur. Il n’était pas nécessaire pour le chrétien d’origine païenne de se faire circoncire pour mieux plaire à Dieu. Au contraire, cela pouvait même être une grave erreur (Ga 5.2-4). Le Juif qui s’est converti ne devait pas non plus « défaire sa circoncision » selon le sens du verbe dans le grec. Le lecteur moderne pourrait être un peu surpris d’apprendre qu’une opération existait pour dissimuler les marques de la circoncision. Un Juif qui avait peur ou honte à cause de sa culture pouvait alors cacher ses origines. Au deuxième siècle avant J.-C., l’auteur de 1 Macchabées critique cette pratique : « En ces jours-là surgit en Israël une génération de vauriens qui séduisirent beaucoup de personnes en disant : “Allons, faisons alliance avec les nations qui nous entourent”. […] Ils construisirent donc un gymnase à Jérusalem, selon les usages des nations, se firent enlever les marques de leur circoncision, et renièrent l’alliance sainte pour s’associer aux nations » (1.11, 14-15).

L’affirmation de Paul devait étonner les chrétiens d’origine juive. Dire que « l’incirconcision n’est rien, mais l’observation des commandements de Dieu est tout » pouvait bien leur sembler être une contradiction flagrante. Car pour eux, se faire circoncire, c’était obéir à un commandement précis de Dieu. Mais plus maintenant pour l’apôtre Paul ! Le commandement de circoncire faisait partie de la Loi, et le chrétien n’est plus sous la loi (Ga 5.2-3, 18). Alors que veut-il dire par « l’observation des commandements de Dieu » ? On trouve la réponse dans sa lettre aux Galates, où il reprend les mêmes termes, mais avec une autre conclusion : « … en Jésus-Christ, ni la circoncision ni l’incirconcision n’ont de valeur, mais seulement la foi qui est agissante par l’amour. […] Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, celle-ci : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Ga 5.6, 14). Observer les commandements de Dieu, c’est aimer Dieu et son prochain, et œuvrer dans la foi.

7.21-22 As-tu été appelé étant esclave, ne t’en inquiète pas ; mais si tu peux devenir libre, profites-en plutôt. Car l’esclave qui a été appelé dans le Seigneur est un affranchi du Seigneur ; de même, l’homme libre qui a été appelé est un esclave de Christ.

Le deuxième exemple que Paul utilise concerne les conditions sociales. Vues à la lumière des réalités spirituelles, les différences entre un esclave et un homme libre sont insignifiantes. Tous les deux sont des rachetés du Seigneur. Autrement dit, « l’esclave » a été libéré parce que le Seigneur a payé le prix de sa libération. Par contre, le Seigneur a acheté au prix de sa mort « l’homme libre », comme l’esclave d’ailleurs, pour qu’ils deviennent ses serviteurs. À vrai dire, tous les deux sont libres et tous les deux sont esclaves. Dans un monde qui place tant d’accent suroù la valeur que l’on tire de l'homme est souvent liée à sa profession, Paul nous dit : « C’est Christ qui donne une valeur et une dignité réelle à l’homme, et non pas sa place dans la société ».

L’esclave ne devait pas s’inquiéter ou se plaindre de sa situation mais la considérer comme une vocation par laquelle il pouvait honorer Dieu et ainsi enrichir son héritage éternel (Col 3.22-25). Ce passage peut troubler certaines personnes qui pensent y voir une approbation de l’esclavagisme. Mais l’apôtre n’exprime pas ici son avis sur la justice ou l’injustice du système social de son époque. Il indique seulement comment un enfant de Dieu doit raisonner et se conduire dans un monde dominé par l’injustice. Le Fils de Dieu n’est pas venu améliorer la société, mais « chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19.10). Le message de Christ n’est pas un appel à la révolte contre les abus du pouvoir ; néanmoins, il sert parfois de catalysecatalyseur qui, dans certaines conditions, apporte d’heureux changements à la condition humaine. L’histoireL’Histoire montre que les chrétiens et les principes bibliques ont engendré le mouvement pour l’abolition de l’esclavagisme en Occident.

Le principe de contentement ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas profiter d’une occasion pour améliorer sa situation. Paul dit à l’esclave : « si tu peux devenir libre, profites-en plutôt ». Sa En grec, la manière de le dire en grec est abrégée et un peu énigmatique. La Bible de Jérusalem le traduit pour donner un tout autre sens : « … même si tu peux devenir libre, mets plutôt à profit ta condition d’esclave ». La première manière de lire comprendre la pensée de Paul semble pourtant la bonne. D’abord, on comprend mal pourquoi Paul encouragerait quelqu’un à rester comme esclave quand il pourrait améliorer son état et être plus libre de servir le Seigneur. De plus, la La deuxième interprétation est obligée de rajouter plusieurs mots qui ne sont pas dans le grec, qui dit simplement « use plutôt » ou « profite plutôt ». Un esclave, une fois libéré, pouvait choisir de rester chez son maître, mais il n’était plus considéré comme esclave. On a de la peine à voir comment un homme ainsi libéré pouvaitaurait pu profiter de sa condition d’esclave.

7.23-24 Vous avez été rachetés à un grand prix ; ne devenez pas esclaves des hommes. Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé.

Il ne s’agit pas ici d’un appel à la révolte mais d’une invitation à voir toute circonstance de la vie comme une occasion de servir librement notre vrai Maître, qui nous a rachetés de l’emprise de nos injustices pour être ses serviteurs. C’est pourquoi Paul écrit aux esclaves à Colosses : « Serviteurs, obéissez en toutes choses à vos maîtres selon la chair, non pas seulement sous leurs yeux, comme pour plaire aux hommes, mais avec simplicité de cœur, dans la crainte du Seigneur. Tout ce que vous faites, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur et non pour des hommes, […] Servez Christ, le Seigneur » (Col 3.22-24).

Alors par trois fois Paul invite les chrétiens à se contenter de leur situation. Ses conseils ne sont pas un ordre rigide qui interdit tout changement de situation ; on le voit dans ce qu’il dit à l’esclave. Par contre, l’application de ce principe a de profondes répercussions dans toute la vie, et surtout en ce qui concerne le célibat et le mariage. On a souvent comparé les êtres humains à des vaches. Allez voir des vaches dans un pré et regardez comment le sol près de la clôture est bien tassé. C’est bien parce que les vaches croient bien que l’herbe est plus verte de l’autre côté.! Les hommes partagent cette même insatisfaction. Rares sont ceux qui se contentent de leur situation actuelle. Les célibataires ont l’impression que si seulement ils pouvaient se marier, tous leurs problèmes seraient résolus. Les mariés languissent pouraprès la tranquillité de jours sans femme, mari ou enfants. À vrai dire, on ne trouvera jamais le ciel sur la terre ; ni le célibat ni le mariage ne répondront parfaitement aux désirs profonds du cœur. Celui qui le croit connaîtra un jour de grandes déceptions. Le chrétien doit apprendre à dire avec David : « Je dis à l’Éternel : Tu es mon Seigneur, tu es mon souverain bien ! » (Ps 16.2). Alors, heureuse la personne qui peut dire : « … j’ai appris à être content dans l’état où je me trouve. Je sais vivre dans l’humiliation, et je sais vivre dans l’abondance. En tout et partout, j’ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l’abondance et à être dans la disette » (Ph 4.11-12).

L’exemple de l’esclavage que Paul utilise est très parlant, car un esclave n’avait pas toujours la vie facile. Son maître le possédait, et il pouvait faire avec de lui ce qui lui plaisait. Malheureusement, c’est aussi la condition qui existe dans beaucoup de mariages, où l’un des conjoints subit des traitements injustes et pénibles. Il y a sans doute des situations où il faut agir avec vigueur pour éviter de graves dommages ; mais le conseil de Paul est important à considérer. Il dit aux esclaves, même à ceux qui sont mal traités : « ne vous en inquiétez pas ». Quand un mariage est en difficulté, la meilleure

solution n’est pas toujours la fuite. Le Seigneur permet parfois que le chrétien se trouve dans les situations extrêmement difficiles afin de mieux l’utiliser pour sa gloire et de lui enseigner des leçons importantes. On trouve un exemple intéressant dans le cas de Hagar, servante de Sara. Maltraitée par sa maîtresse, elle prend la fuite, mais l’ange de Dieu la trouve et lui dit : « Retourne vers ta maîtresse, et humilie-toi sous sa main » (Gn 16.9). Parfois la solution de Dieu consiste à nous faire supporter une situation difficile plutôt que de la changer.

Paul lui-même avait vécu des expériences dramatiques. Il écrit pourtant aux Corinthiens : « Nous ne voulons pas, en effet, vous laisser ignorer, frères, au sujet de l’affliction qui nous est survenue en Asie, que nous avons été excessivement accablés, au-delà de nos forces, de telle sorte que nous désespérions même de conserver la vie. Et nous regardions comme certain notre arrêt de mort, afin de ne pas placer notre confiance en nous-mêmes, mais de la placer en Dieu qui ressuscite les morts » (2Co 1.8-9). Il ajoute plus tard : « Car nous qui vivons, nous sommes sans cesse livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre chair mortelle » (2Co 4.11). Une femme chrétienne qui arrive à rester joyeuse malgré une situation conjugale douloureuse porte un témoignage magnifique à la gloire de Dieu.

Le conseil que Paul donne ici est particulièrement approprié pour une personne récemment convertie. La conversion est une expérience qui change radicalement notre cœur et notre conduite, mais pas nécessairement notre situation dans la vie. Paul invite le chrétien à continuer plutôt dans l’état où il se trouve au moment de son appel, de sa conversion. Il ne faut pas en faire une règle en béton. Le Seigneur appelle parfois une personne à quitter son occupation pour le suivre autrement, comme il l’a fait pour les onzedouze disciples. Cependant, en règle générale, il agit comme il l’a fait pour l’homme qu’il a

guéri au pays des Géraséniens. Quand cet homme lui a demandé s’il pouvait l’accompagner, Jésus lui a dit : « Retourne dans ta maison, et raconte tout ce que Dieu t’a fait » (Lc 8.39).

6. Conseils aux vierges 7.25-287.25 Pour ce qui est des vierges, je n’ai pas d’ordre du Seigneur ; mais je donne un avis, comme ayant reçu du Seigneur miséricorde pour être fidèle.

Puisque Paul reprend l’expression, « Pour ce qui est » (voir 7.1), on suppose qu’il répond ici à une autre question posée par les Corinthiens. Qui sont les personnes visées dans ces versets ? Une interprétation considère que les vierges sont des personnes fiancées (liées – v. 27) qui se demandent s’il ne faut pas rompre pour mieux suivre le Seigneur. Dans ce cas, les conseils que Paul donne aux versets 36 à 38 ne s’adressent pas aux pères, mais aux mêmes personnes fiancées (voir le commentaire sur ces versets). Selon l’interprétation reflétée dans le texte de la NEG que nous utilisons, Paul s’adresse premièrement à des célibataires et plus tard aux pères qui avaient un rôle déterminant dans le mariage de leurs filles. Ces questions ont été l’objet de beaucoup de discussiondiscussions et de divergencedivergences d’opinions, et le lecteur moderne ne peut pas toujours savoir exactement ce que Paul voulait dire. Cela ne l’empêche pas d’y trouver des principes concernant le mariage qui restent actuels à toute époque.

Les recommandations de Paul sont bien moins autoritaires que d’habitude. Il précise qu’il ne donne pas des ordres mais son opinion. Pour la question de l’inspiration divine de ses paroles, vous pourrez consulter mes remarques sur le verset 10 du présent chapitre. Ses conseils sont pourtant solides, car il maintient une relation intime avec le Seigneur et il est sensible à la direction du Saint-Esprit (7.40). Quand il dit avoir « reçu du Seigneur miséricorde pour être fidèle », deux

pensées viennent à l’esprit. La plupart des exégètes comprennent le mot « fidèle » dans le sens de « crédible », autrement dit, ses paroles sont « dignes de confiance », « fiables ». Cette phrase peut aussi exprimer une autre idée, qui reflète la signification principale de l’adjectif fidèle. Si Paul ose donner des conseils aux célibataires, c’est parce qu’il peut dire : « Grâce à la miséricorde de Dieu, j’ai pu rester fidèle au Seigneur dans ce domaine de ma vie ». C’est uniquement grâce à Dieu et à sa force que le chrétien peut marcher dans l’intégrité.

7.26-28 Voici donc ce que j’estime bon, à cause des temps difficiles qui s’approchent : il est bon à un homme d’être ainsi. Es-tu lié à une femme, ne cherche pas à rompre ce lien ; n’es-tu pas lié à une femme, ne cherche pas une femme. Si tu t’es marié, tu n’as pas péché ; et si la vierge s’est mariée, elle n’a pas péché ; mais ces personnes auront des tribulations dans la chair, et je voudrais vous les épargner.

Paul ne définit ni la nature des « temps difficiles » ni le caractère des « tribulations dans la chair » dont il parle. La meilleure interprétation associe ces deux expressions. Les tribulations qu’il prévoit ne sont pas liées aux scènes de ménage, mais à des temps de persécution que Paul pressent ici. Seulement dixDix ans seulement après la rédaction de cette lettre, l’empereur Néron est arrivé au pouvoir. L’histoireL’Histoire confirme d’une manière sanglante les appréhensions de Paul dans ce passage. Lors des persécutions, il est indiscutable qu’une famille peut connaître des souffrances bien plus douloureuses que la personne non mariée. Subir la torture pour sa foi n’est pas chose facile ; combien moins le malheur de voir sa femme ou ses enfants enlevés, violés, massacrés !

Ce passage explique en grande partie pourquoi l’apôtre considérait que le célibat était préférable pour les chrétiens de son époque. Notons bien que même dans ces conditions difficiles, il affirme que celui ou celle qui se marie ne pèche pas. Celui qui pèche, selon le sens original du mot, c’est celui qui rate l’objectif que le Seigneur place devant lui. Assurément, il est possible pour un chrétien de rater le plan de Dieu pour lui par un mariage imprudent. Cependant, celui qui a le don du mariage (7.7) et qui respecte les consignes de la Parole ne passe pas à côté de la volonté de Dieu en se mariant. Il la suit plutôt. C’est pourquoi, dans un autre contexte, Paul encourage vivement le mariage (1Tm 5.11-14).

Il importe peu pour nous aujourd’hui de savoir si Paul s’adresse à des célibataires qui sont déjà fiancés, comme quelques-uns croient, ou s’il parle en généralde manière générale à tous ceux qui sont seuls. La leçon à en tirer reste la même. Le célibat est une bonne chose pour ceux qui en ont le don, et même préférable dans les temps de persécution. Le mariage est aussi une bonne chose et même préférable pour ceux qui en ont le don. Mais le mariage, s’il résout certaines difficultés de la vie, en crée d’autres. C’est aussi le sens des versets qui suivent.

7. Avantages du célibat 7.29-35Dans le paragraphe précédent, Paul tutoyait des

célibataires. Maintenant il élargit ses recommandations pour inclure tous les chrétiens de l’Église. Il base ses remarques sur deux grands principes de vie en Christ :

1. Le chrétien doit vivreVivre en fonction des choses invisibles et éternelles.

2. Il doit ambitionnerAmbitionner ce qui est bienséant et propre à servir le Seigneur sans inquiétude ni distraction.

7.29-31 Voici ce que je dis, frères, c’est que le temps est court ; que désormais ceux qui ont une femme soient comme n’en ayant pas, ceux qui pleurent comme ne pleurant pas, ceux qui se réjouissent comme ne se réjouissant pas, ceux qui achètent comme ne possédant pas, et ceux qui usent du monde comme n’en usant pas, car la figure de ce monde passe.

Les mots qui introduisent cette phrase, « Voici ce que je dis », prouvent que Paul désire préciser ce qu’il vient de dire. « Le temps est court ! Bientôt vous allez connaître la persécution. De plus, le temps de votre séjour sur la terre est aussi limité, “car, qu’est-ce que votre vie ? Vous êtes une vapeur qui paraît pour un peu de temps, et qui ensuite disparaît” (Jc 4.14). D’ailleurs, la terre elle-même n’en a pas pour très longtemps. Déjà sa figure est en train de passer ».

Que faire alors ? Pris à la lettre, ses conseils ici sont en contradiction flagrante avec les premiers versets du chapitre. Comment un homme peut-il vivre comme s’il n’avait pas de femme, tout en rendant « à sa femme ce qu’il lui doit » (1Co 7.3) ? À vrai dire, toutes les activités que Paul mentionne sont tout à fait acceptables pour un chrétien. Il peut se marier, se réjouir, pleurer, acheter, et utiliser les choses de cette terre, sans craindre des reproches de son Maître. Ces occupations deviennent néfastes seulement quand elles deviennent des préoccupations. La dernière partie de la phrase est un jeu de mots en grec qui résume le tout : on doit « [user] du monde » (chraomai-) mais ne pas en « user excessivement » ou « abuser » (katachraomai-). Le chrétien ne peut doit pas se laisser envahir et étouffer par les mauvaises herbes des « soucis », des « richesses » et des « plaisirs de la vie » (Lc 8.14). Il doit ), mais vivre en fonction de ce qui est invisible et éternel (2Co 4.18). Nous avons déjà vu ce principe appliqué dans le cas des procès (1Co 6.1-3). Il) et il doit aussi déterminer notre attitude envers le mariage, les joies, les

chagrins, et nos biens. Dieu « nous donne avec abondance toutes choses pour que nous en jouissions » (1Tm 6.17), mais celui qui aime ces choses plus que le Seigneur n’est pas digne de lui (Mt 10.37-38).

7.32-34 Or, je voudrais que vous soyez sans inquiétude. Celui qui n’est pas marié s’inquiète des choses du Seigneur ; des moyens de plaire au Seigneur ; et celui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme. Il y a de même une différence entre la femme et la vierge : celle qui n’est pas mariée s’inquiète des choses du Seigneur, afin d’être sainte de corps et d’esprit ; et celle qui est mariée s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à son mari.

Paul donne ici un autre avantage de l’état de célibat sur celui du mariage. Quelques petites variantes dans les manuscrits offrent une lecture légèrement différente des versets 33 à 34. Ainsi, la TOB rend ce passage ainsi: « Mais celui qui est marié a souci des affaires du monde : il cherche comment plaire à sa femme, et il est partagé. De même, la femme sans mari et la jeune fille ont souci des affaires du Seigneur ». L’expression, « il est partagé », résume effectivement tout l’argument de Paul dans ce passage. Le fait d’être partagé et de s’inquiéter dans ce contexte n’est pas un péché ; c’est une obligation pour un homme et une femme qui sont mariés. Paul dit ailleurs que « si quelqu’un n’a pas soin des siens, et principalement de ceux de sa famille, il a renié la foi, et il est pire qu’un infidèle » (1Tm 5.8). L’apôtre constate tout simplement une réalité qui est une source de tension dans le meilleur des mariages. Chacun possède une quantité limitée de temps, de finances et d’énergie. Le mari chrétien doit jongler avec son travail, ses responsabilités familiales, ses loisirs, et son service pour le Seigneur. Déjà s’il a une profession prenante, il va rentrer à la maison fatigué et parfois tard le soir. Comment alors répartir le peu de temps et d’énergie qui lui

reste entre la famille et un ministère, tout en pouvant dormir un peu dormant assez ?

7.35 Je dis cela dans votre intérêt ; ce n’est pas pour vous prendre au piège, c’est pour vous porter à ce qui est bienséant et propre à vous attacher au Seigneur sans distraction.

L’expression « prendre au piège », signifie littéralement, « mettre une corde au cou ». Paul veut dire par là que ses conseils ne doivent pas être compris par les chrétiens comme une obligation qui les ligote, mais comme des recommandations pour les amener à la bonne décision. Chaque chrétien qui désire se marier doit considérer avec attention ces paroles de Paul. Le mariage comporte des responsabilités qui ne sont pas toujours faciles à assumer. La femme qui se marie va trouver que ses possibilités de service diminuent considérablement avec l’arrivée des enfants et les responsabilités de mère. Le couple va devoir aussi régler les différences d’opinions qui existeront inévitablement concernant les priorités que chacun doit avoir dans l’utilisation de leur son temps et de leurson énergie. Dieu veut que ses enfants soient sans inquiétude, et qu’ils puissent le servir au mieux et sans distraction. Pour la plupart, cela se fera par dans le cadre du mariage. Malgré les inconvénients que Paul mentionne, un couple qui maintient un foyer uni et heureux en Christ rend un témoignage lumineux dans un monde de plus en plus marqué par les familles qui se déchirent. S’il a moins de temps à consacrer au Seigneur, il peut souvent, en exerçant l’hospitalité et en ouvrant son foyer, avoir un ministère qui porte beaucoup de fruit. Le fait d’être célibataire n’est pas une garantie que l’on sera plus utile pour le Seigneur, ni qu’on sera moins inquiet ou distrait. On revient toujours au point de départ : « que chacun marche selon la part que le Seigneur lui a faite, selon l’appel qu’il a reçu de Dieu » (7.17).

8. Conseils aux pères (ou aux fiancés) 7.36-387.36-38 Si quelqu’un regarde comme déshonorant pour sa fille de dépasser l’âge nubile, et comme nécessaire de la marier, qu’il fasse ce qu’il veut, il ne pèche pas ; qu’on se marie. Mais celui qui a pris une ferme résolution, sans contrainte et avec l’exercice de sa propre volonté, et qui a décidé en son cœur de garder sa fille vierge, celui-là fait bien. Ainsi, celui qui marie sa fille fait bien, et celui qui ne la marie pas fait mieux.

Ce passage est le plus difficile du chapitre. Certainement les Corinthiens n’avaient aucune difficulté à comprendre la pensée de Paul, mais ce n’est pas le cas du lecteur actuel. La version citée plus haute se base sur l’idée que Paul s’adresse aux pères, qui auraient un rôle déterminant dans le mariage de leurs filles. C’est pour appuyer cette interprétation que la NEG utilise le mot « fille » pour traduire un mot grec qui signifie clairement « vierge ».

La Bible de Jérusalem nous présente l’autre interprétation possible : « Si quelqu’un pense, étant en pleine ardeur juvénile, qu’il risque de mal se conduire vis-à-vis de sa fiancée, et que les choses doivent suivre leur cours, qu’il fasse ce qu’il veut : il ne pèche pas, qu’ils se marient ! Mais celui qui a pris dans son cœur une ferme résolution, en dehors de toute contrainte, en gardant le plein contrôle de sa volonté, et a ainsi décidé en lui-même de respecter sa fiancée, celui-là fait bien. Ainsi, celui qui se marie avec sa fiancée fait bien, mais celui qui ne se marie pas fait mieux encore ». De nouveau, cette traduction change le mot « vierge », cette fois pour le traduire par « fiancée ».

Les deux interprétations présentent quelques difficultés grammaticales. Notons néanmoins que même si Paul s’adresse aux pères, il dit que leur décision doit être prise sans contrainte,

et en considération deconsidérant ce qui est nécessaire. Cela présuppose que la fille pourrait avoir son mot à dire. De toute manière, étant donné les difficultés d’interprétation de ce passage, on aura tort de s’en servir pour montrer que le père doit choisir un mari pour sa fille.

9. Conseils aux veuves 7.39-407.39-40 Une femme est liée aussi longtemps que son mari est vivant ; mais si le mari meurt, elle est libre de se marier avec qui elle veut ; seulement, que ce soit dans le Seigneur. Elle est plus heureuse, néanmoins, si elle demeure comme elle est, suivant mon avis. Et moi aussi, je crois avoir l’Esprit de Dieu.

En plus de l’enseignement clair de ce texte, on pourrait relever deux idées. La première rappelle la liberté que Dieu donne dans le mariage. La veuve peut se marier « avec qui elle veut ». Notons la simplicité de la phrase. Paul n’établit pas une période obligatoire de deuil. Il n’ordonne pas, comme fait la loi de Moïse, que le beau-frère la prenne en mariage (Dt 25.5-6). Il dit simplement qu’elle est libre de se marier ou non, et cela avec qui elle veut. Une Église ou communauté qui insiste qu’une veuve ne se marie pas ou qui la diffame quand elle le fait ne respecte pas cette consigne de la Parole.

La seconde idée concerne la seule limite établie par Dieu : le mariage doit être « dans le Seigneur ». Paul explique pourquoi dans sa deuxième lettre, quand il écrit : « Ne vous mettez pas avec les infidèles sous un joug étranger. Car quel rapport y a-t-il entre la justice et l’iniquité ? ou qu’y a-t-il de commun entre la lumière et les ténèbres ? Quel accord y a-t-il entre Christ et Bélial ? ou quelle part a le fidèle avec l’infidèle » (2Co 6.14-15) ? Quand un chrétien contracte un mariage avec un non-croyant, il désobéit à une instruction claire et nette du Seigneur, mais il agit aussi d’une manière irréfléchie. Pour qu’un mariage réussisse, il faut une véritable

communion de cœur et d’esprit. Cette unité est impossible pour deux êtres qui ne sont pas d’accord sur la question la plus importante de la vie.

SUJETS DE DISCUSSION

1. Quels sont, d’après ce chapitre et d’autres textes bibliques, les avantages et les inconvénients du mariage ? du célibat ? Textes complémentaires : Ec 4.7-12 ; Pr 18.22 ; 21.19 ; 27.15 ; 5.15-20 ; Ep 5.31-32

2. Face à tant de mariages en difficulté, y a-t-il un moyen de s’assurer, avant de se marier, que l’union sera durable et une source de bonheur ? Quels sont les éléments nécessaires à sa réussite ? Quelles sont les raisons des échecs ? Texte complémentaire : Mt 7.24-25.

III. Réponses aux questions 7.1-16.4B. Les viandes sacrifiées aux idoles – la liberté chrétienne

8.1-11.11. La connaissance et l’amour 8.1-13

a. Les dangers de la connaissance et l’importance de l’amour 8.1-3

b. Ce que nous connaissons 8.4-8c. Ce que l’amour nous enseigne 8.9-13

B. Les viandes sacrifiées aux idoles – la liberté chrétienne 8.1-11.1

8.1 Pour ce qui concerne les viandes sacrifiées aux idoles,…

Les chrétiens à de Corinthe étaient confrontés à un problème épineux. Comme tous ceux qui veulent suivre le Seigneur dans un monde aliéné de lui, ils étaient assis entre deux chaises. D’une part, ils ne pouvaient pas renoncer aux relations avec leurs amis et leurs familles païennes, de l’autre ils ne voulaient pas tomber dans le péché et le compromis. Dans la société de l’époque, les sacrifices aux différentes divinités grecques faisaient partie de la vie de tous les jours. On apportait aux temples des viandes qu’un prêtre sacrifiait à son dieu ou à sa déesse pour obtenir sa faveur. Par la suite, cette viande était mangée dans les fêtes et les festins, et elle était aussi vendue dans les marchés. Ces pratiques idolâtres posaientconstituaient des cas de conscience pour les chrétiens. Un enfant de Dieu avait-il le droit de manger de ces viandes ou se rendait-il coupable à cause du contact de la viande avec les idoles ? Pouvait-il acheter cette viande au marché (10.25) ? Lorsqu’il était invité chez un ami, devait-il refuser de manger une viande contaminée par l’idolâtrie (10.27) ? Et que faire des festins (8.10 ; 10.21-22) ? À cause de leur taille, les temples païens étaient des lieux de rencontres sociales. C’est pourquoi la plupart des occasions festives incorporaient également des

sacrifices aux dieux, pour solliciter leur présence et leur bénédiction. Il est probable que les chrétiens à de Corinthe avaient assistéparticipé à de tels repas et de telles festivités pendant toute leur vie avant de se convertir. Ces repas de culte étaient en quelque sorte les restaurants de l’époque où l’on invitait ses amis pour fêter une occasion spéciale. On peut lire, par exemple, dans une invitation de l’époque : « Chaeremon souhaite votre présence à la table du seigneur Sarapis au Sarapeum demain, le 15, à 9 h » pour célébrer par un repas au temple le premier anniversaire de sa fille17.

Les chrétiens consultaient alors l’apôtre Paul pour savoir ce qu’il en pensait. Étant donné la vigueur avec laquelle il répond, on peut imaginer que certains éléments de l’Église avaient déjà pris position et contestaient ce qu’il avait écrit concernant l’idolâtrie dans sa première lettre (5.9-10). Ces personnes, éprises de leur « liberté » en Christ (8.9) et de leur connaissance, auraient entraîné des gens faibles à participer contre leur conscience à des repas au temple (8.10). Les conseils de Paul ne sont pas alors une simple réponse à des questions, mais aussi un avertissement destiné à ceux qui risquaient de détruire l’œuvre de Dieu en exerçant leurs droits.

Cette troisième question des Corinthiens n’est pas exactement un sujet qui trouble le chrétien aujourd’hui, mais il auraaurait tort de croire que ces chapitres lui sont inutiles. Car dans sa réponse, Paul énonce des principes dont la portée dépasse de loin le seul problème des viandes sacrifiées aux idoles. Il n’est pas toujours facile de savoir sur quel pied danser dans les différentes circonstances où l’on se trouve – ou même si l’on doit danser ! Que faire dans les situations où la Parole de Dieu ne donne pas de directives précises et quand les chrétiens émettent des opinions contradictoires ? Peut-on ou non, sans commettre un péché,

17 FEE Gordon D., The First Epistle to the Corinthians, Grand Rapids : Eerdmans, 1987, page 361, note 14.

– aller au cinéma, et pour voir quels films ?

– pratiquer le contrôle des naissances ?

– aller en boîte ou danser, et avec qui et quand ?

– avoir la télévision chez soi, et pour regarder quels programmes ?

– participer à la loterie ?

– ou faire une multitude d’autres activités semblables ?

Toutes ces questions s’inscrivent sous le thème général de la liberté chrétienne, et posent beaucoup de problèmes à ceux qui veulent plaire au Seigneur. Le chrétien averti trouvera dans ces chapitres de précieux enseignements qui l’aideront à faire les bons choix dans les situations souvent confuses de la vie de tous les jours.

1. La connaissance et l’amour 8.1-13

a. Les dangers de la connaissance et l’importance de l’amour 8.1-38.1-3 Pour ce qui concerne les viandes sacrifiées aux idoles, nous savons que nous avons tous la connaissance. – La connaissance enfle, mais l’amour édifie. Si quelqu’un croit savoir quelque chose, il n’a pas encore connu comme il faut connaître. Mais si quelqu’un aime Dieu, celui-là est connu de lui. –

Ces lignes de Paul ne manquent pas d’ironie piquante. En toute probabilité il reprend en premier lieu l’affirmation arrogante de ses lecteurs : « Pour cette question des viandes, nous en avons tous de la connaissance. Nous savons que les idoles ne sont que vanité et que nous avons le droit de manger

de ces viandes ». Paul ne peut pas s’empêcher de commenter d’emblée une telle attitude, qui non seulement révèle un orgueil inacceptable, mais qui en plus était fausse. Car il écrira par la suite que tous, en effet, n’ont pas cette connaissance (8.7).

Ne nous méprenons pas sur le sens de ces paroles. Paul ne nie pas ici l’importance de la connaissance. Les Écritures ne prisent jamais l’ignorance. Jésus a dit que la vie éternelle, c’est que les gens connaissent Dieu et son Fils (Jn 17.3). L’ignorance dans ce domaine est fatale ; ceux qui ne connaissent pas Dieu et qui n’obéissent pas à l’Évangile seront punis par une ruine éternelle (2Th 1.8-9). Une ignorance de la Parole de Dieu peut avoir des conséquences désastreuses (2P 3.16). Dieu invite chaque croyant à croître « dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ » (2P 3.18), ce qui est nécessaire pour arriver à la maturité et à la stabilité dans la vie avec Dieu (Ep 4.13-14).

Pourtant, ce passage est un rappel que la connaissance sans l’amour est néfaste pour un chrétien, puisqu’elle le fait croître dans le mauvais sens – elle lui fait gonfler la tête. Les pièges de la connaissance que Paul dénonce ici sont aussi réels qu’ils sontque subtils. Notons les différents dangers associés à la connaissance dépourvue de l’amour :

1) Elle agit comme un levain dans le cœur de l’homme, en nourrissant son orgueil. Dans certains milieux non chrétiens, la connaissance peut être plus importante que l’humilité. Quand nous consultons un médecin, son caractère nous intéresse moins que ses compétences. Par contre, qui viendra chercher de l’aide auprès d’un chrétien qui a beaucoup de connaissances et une bonne dose d’arrogance ? Ce qui impressionne les gens et qui les attire vers le Seigneur, c’est un amour sincère et vrai. On ne vient pas au Seigneur à cause des affirmations arrogantes d’une personne qui croit tout savoir, mais parce qu’on est attiré par

l’amour du Seigneur, visible dans le comportement d’un de ses enfants.

2) Toute connaissance est relative : « Si quelqu’un croit savoir quelque chose, il n’a pas encore connu comme il faut connaître ». Nous avons tous eu l’expérience désagréable d’entendreentendu un enfant exprimer avec prétention ses grandes connaissances. C'est une expérience désagréable! À vrai dire, à chaque étape de notre croissance, nous avons le sentiment d’être plus ou moins arrivés. Pourtant, vuvues avec le recul des années, ces connaissances si grandes se sont montrées parfois dérisoires. Le chrétien peut, en s’appuyant sur la révélation de Dieu, affirmer que Dieu lui a donné « l’intelligence pour connaître le Véritable » (1Jn 5.20). Mais il doit se rappeler constamment que sa connaissance de Dieu et de ses jugements « insondables » (Rm 11.33) est bien limitée.

3) La connaissance peut même être nocive. Aussi étonnant que cela puisse paraître, un chrétien peut, par sa connaissance biblique, détruire l’œuvre de Dieu. Paul reconnaît la validité de la connaissance des Corinthiens en matière d’idolâtrie. Mais il dit que cette même connaissance pouvait causer la perte d’un frère plus faible (8.11) ! C’est une pensée effroyable ! Comment éviter une erreur si grave ? La solution n’est certainement pas un refus d’accroître notre connaissance. Elle se trouve plutôt dans la prière de Paul pour les Philippiens : « … ce que je demande dans mes prières, c’est que votre amour augmente de plus en plus en connaissance et en pleine intelligence » (1.9). Il faut que notre amour croisse en même temps que notre connaissance.

Ce passage contredit une conception qui est très à la mode dans notre monde occidental. On nous dit très souvent que la solution aux maux des pays sous-développés passe par une meilleure éducation. Nous ne doutons pas de l’importance de l’éducation qui doit être à la portée de tous. Pourtant, c’est

une grande erreur de croire que l’instruction sera la panacée desaux maux de la société. La connaissance, quand elle n’est pas complétée et corrigée par l’amour que Dieu seul produit, n’est pas toujours un bien. Elle est un outil qui rend augmente les capacités d'une personne plus efficace dans son œuvre – pour à faire le mal autant que pourqu'à faire le bien. L’éducation peut ainsi engendrer une classe de personnes arrogantes qui servent leurs propres intérêts plus que ceux de leur nation. La seule véritable solution du problème du mal dans le monde est l’Évangile qui donne à tous ceux qui l’acceptent une connaissance de la vérité et le pouvoir d’aimer leur prochain.

Si la connaissance enfle d’orgueil (fait grossir dans un mauvais sens), l’amour fait croître correctement. Il édifie, il construit. L’influence des médias et l’opinion publique ont transformé le sens du mot « amour » pour en donner une signification presque à l’opposé de celle de la Bible. L’amour agapé dans les Écritures n’est pas un sentiment, mais une attitude. Celui qui aime son prochain n’est pas nécessairement animé de grands sentiments romantiques ou chaleureux à son égard. Il manifeste un véritable amour quand il fait du bien à l’autre, quand il cherche les intérêts de l’autre (Ph 2.4). On peut mieux cerner le sens de ce mot en considérant son antonyme. L’opposé de l’amour biblique n’est pas la haine ; c’est l’indifférence ou l’égoïsme. Quand Jésus a demandé à ses disciples d’aimer leurs ennemis, il ne suggère pas qu’ils doivent les embrasser comme de chers amis, mais qu’ils doivent les bénir et leur faire du bien (Mt 5.44).

Quelqu’un a dit que l’amour véritable est la forme la plus noble de la connaissance. Connaître Dieu, c’est l’aimer (1Jn 4.7-8). Aimer Dieu, comme dit l’apôtre ici, c’est être connu de lui. L’amour véritable est intelligent, et sans amour il n’y a pas de véritable intelligence. Selon ce passage, une personne peut avoir beaucoup de connaissances, même des

connaissances bibliques, sans être connu de lui Dieu (Mt 7.23). L’amour pour Dieu est la preuve d’une relation vitale avec lui.

b. Ce que nous connaissons 8.4-88.4-6 Pour ce qui est donc de manger des viandes sacrifiées aux idoles, nous savons qu’il n’y a point d’idole dans le monde et qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Car, s’il est des êtres qui sont appelés dieux, soit dans le ciel, soit sur la terre, comme il existe réellement plusieurs dieux et plusieurs seigneurs, néanmoins pour nous il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses et par qui nous sommes.

Certains ont de la peine à suivre la pensée de Paul ici. D’un côté, il affirme que les idoles ne sont rien et qu’il n’existe qu’un seul Dieu, mais de l’autre il admet l’existence de plusieurs dieux et de plusieurs seigneurs. Les deux affirmations présentent deux facettes de la vérité, et se retrouvent souvent dans les Écritures.

Nous savons par les Écritures que Dieu n’est pas un dieu plus grand que d’autres. Il est le seul et unique Dieu, Créateur de l’univers et de tout ce qui s’y trouve. Les idoles sont le produit de l’imagination et de l’artifice des hommes. Le psalmiste écrit : « Notre Dieu est au ciel, il fait tout ce qu’il veut. Leurs idoles sont de l’argent et de l’or, elles sont l’ouvrage de la main des hommes. Elles ont une bouche et ne parlent point, elles ont des yeux et ne voient point, elles ont des oreilles et n’entendent point, elles ont un nez et ne sentent point » (Ps 115.3-6). Dieu dit par Ésaïe : « Tournez-vous vers moi, et vous serez sauvés, vous tous qui êtes aux extrémités de la terre ! Car je suis Dieu, et il n’y en a point d’autre (Es 45.22 – souligné par l’auteur).

Pourtant, les Écritures disent également que « l’Éternel, votre Dieu, est le Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs » (Dt 10.17). La difficulté est résolue quand nous nous rappelons que les mots « dieu » et « seigneur » peuvent avoir des significations différentes selon le contexte. Notre Dieu est le seul véritable Dieu, il n’y en a pas d’autre qui lui ressemble. Il n’y a pas réellement plusieurs autres dieux. Une meilleure traduction du verset 5 serait : « comme il existe effectivement plusieurs dieux et plusieurs seigneurs ». Dans ce contexte, ces mots décrivent des êtres, humains ou autres, qui prennent la place de dieudieux et de seigneurseigneurs dans l’opinion des hommes. Le psalmiste appelle avec sarcasme « dieux » des hommes qui se prenaient pour des juges et des autorités en Israël (Ps 82.1-7). Satan est appelé « le dieu de ce siècle » (2Co 4.4), et Paul enseigne que la viande sacrifiée aux idoles est en réalité offerte aux démons (1Co 10.20).

Si pour d’autres, il existe plusieurs dieux et plusieurs seigneurs, le chrétien sait qu’il n’y a qu’un seul Dieu et un seul Seigneur. Ce texte nous met une fois de plus en face du mystère de la tri-unité de Dieu. Le mot « Seigneur » dans le grec traduit le terme Jahweh dans l’Ancien Testament, et indique nettement la divinité de Jésus. Il nous est impossible de sonder et de comprendre parfaitement notre Dieu ou les rôles de chaque personne en Dieu. Le chrétien croit ce que Paul dit concernant nos rapports avec Dieu le Père et avec le Seigneur Jésus-Christ, sans savoir tout ce que signifient ces différentes prépositions, « de qui », « pour qui » et « par qui ». Dieu ne nous demande pas de tout comprendre, mais de le reconnaître dans toutes nos voies et de l’aimer de tout notre cœur, tel qu’il s’est révélé en Jésus-Christ.

8.7 Mais cette connaissance n’est pas chez tous. Quelques-uns, d’après la manière dont ils envisagent encore l’idole, mangent de ces viandes comme étant

sacrifiées aux idoles, et leur conscience, qui est faible, en est souillée.

Ce texte nous révèle un principe important de la foi : le même acte peut être innocent pour une personne et un péché pour une autre. Paul dit aux Romains : « … celui qui a des doutes au sujet de ce qu’il mange est condamné, parce qu’il n’agit pas par conviction. Tout ce qui n’est pas le produit d’une conviction est péché » (Rm 14.23). La « conscience » que Dieu nous a donnée est un arbitre entre nos actes et notre conception du bien. Quand nous agissons en accord avec notre conscience, elle nous excuse ; quand nous faisons quelque chose que nous considérons mauvaiscomme mal, notre conscience nous accuse (Rm 2.14-15). Si nous agissons en conflit avec notre conscience, nous la souillons, et nous finissons par la faire taire en la rendant insensible (1Tm 1.19 et 4.2). De plus, ce texte de Paul nous rappelle un fait de l’existencebien connu : chaque personne a une conception différente de ce qui estdu bien ouet du mal.

Alors, les Écritures nous enseignent deux grandes responsabilités envers notre conscience. La première est de l’instruire pour l’aligner avecsur la vérité. Une conscience mal ajustée selon la vérité de la Parole peut faire beaucoup de dégâts. Jésus a averti ses disciples concernant ceux qui allaient en bonne conscience les éliminer : « Ils vous excluront des synagogues ; et même l’heure vient où quiconque vous fera mourir croira rendre un culte à Dieu » (Jn 16.2). L’histoireL’Histoire rend un triste témoignage des atrocités commises par des gens, très souvent religieux, et convaincus d’avoir raison. Une bonne conscience n’est pas seulement celle qui est sans reproche, mais celle qui est éclairée par la Parole de Dieu.

Nous avons aussi la responsabilité de suivre toujours les directives de notre conscience, tout en sachant qu’elle n’est pas un guide infaillible. Car si nous agissons contre notre

conscience nous croyons faire le mal, même si en réalité notre acte est innocent. Et si nous croyons faire le mal, nous nous révoltons en même temps contre Dieu dans notre esprit. C’est pourquoi Paul dit que celui qui doute quand il mange commet un péché (Rm 14.23), et que sa conscience « en est souillée ».

La mise en pratique de ces principes sera différente selon l’expérience et la conscience de chacun. Un chrétien, à cause de ses fréquentations antérieures, ne pourra plus écouter certaines musiques. Un autre, sortant de l’islam ou du judaïsme, ne pourra pas en bonne conscience manger du porc ou du boudin. Un autre, à cause des échecs passés, ne boira plus de boissons alcoolisées. « Que chacun ait en son esprit une pleine conviction » (Rm 14.5). « Que celui qui mange ne méprise point celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge point celui qui mange, car Dieu l’a accueilli » (Rm 14.3).

8.8 Ce n’est pas un aliment qui nous rapproche de Dieu, si nous en mangeons, nous n’avons rien de plus ; si nous n’en mangeons pas, nous n’avons rien de moins.

La vérité exprimée dans ce verset peut aider le chrétien à se libérer de certaines superstitions. Pour les Corinthiens, la provenance de la viande en question n’avait aucune importance réelle dans leur relation avec le Seigneur. Elle n’était mauvaise que pour ceux qui l’estimaient mauvaise. Paul dit aux chrétiens à Rome : « Je sais et je suis persuadé par le Seigneur Jésus que rien n’est impur en soi, et qu’une chose n’est impure que pour celui qui la croit impure » (Rm 14.14). Alors, le chrétien n’a pas à craindre qu’une chose soit « contaminée » par ses origines. Certes, à l’origine, l’arbre de Noël était d’inspiration païenne, comme la plupart des morceaux musicaux, même certaines des mélodies de nos cantiques. Quelques remèdes médicaux ont aussi une origine dans l’occultismeocculte, et on dit que l’argent que nous utilisons n’a pas d’odeur. Qui pourrait dire alors à quoi il servait avant que nous l’ayons en main ?

Pourtant, selon Paul, rien n’est impur en soi. Ces choses ne véhiculent pas secrètement des démons prêts à capturer l’ingénu qui les utilise. Si c’était le cas, Dieu nous aurait mis en garde avec de clairesdes instructions claires.

c. Ce que l’amour nous enseigne 8.9-138.9-12 Prenez garde, toutefois, que votre liberté ne devienne une pierre d’achoppement pour les faibles. Car, si quelqu’un te voit, toi qui as de la connaissance, assis à table dans un temple d’idoles, sa conscience, à lui qui est faible, ne le portera-t-elle pas à manger des viandes sacrifiées aux idoles ? Et ainsi, le faible périra par ta connaissance, le frère pour lequel Christ est mort ! En péchant de la sorte contre les frères, et en blessant leur conscience faible, vous péchez contre Christ.

Deux mots du grec de grecs utilisés par Paul nous surprennent dans ces versets. Le premier, qui se trouve au verset 10, est le mot « édifier » (traduit par « porter » dans la NEG). Une traduction littérale donne : « Si quelqu’un te voit, toi qui as de la connaissance, assis à table dans un temple d’idoles, sa conscience, à lui qui est faible, ne sera-t-elle pas édifiée jusqu’à manger des viandes sacrifiées aux idoles ? » Avec une seule autre possible exception (A deux exceptions près, (8.10; 14.4), les écrivains du Nouveau Testament utilisent ce mot toujours dans un sens positif. La question de Paul est alors d’autant plus âpresévère. Au lieu de fortifier le faible dans sa marche avec Dieu, on l’encourage à s’éloigner de Lui ! Et tout cela, au nom de la liberté chrétienne !

Le deuxième mot qui nous surprend par sa force est celui de « périr ».» (8.11). Ce mot peut signifier « mourir » (Mc 4.38 ; Lc 13.33), « (se) perdre » (Lc 15.4, 8-9), ou « détruire » (Jn 10.10) ; mais en règle générale, il a le sens d’« aller à la

perdition ». On a de la peine à imaginer que Paul affirme qu’un chrétien faible pourrait perdre son salut par le simple fait de participer à un repas dans un temple – surtout s’il l’a fait parce qu’il était entraîné par un chrétien plus « mûr ». Alors, il vaut mieux le voir comme un avertissement solennel contre le danger d’entraîner un frère sur une voie qui le ferait tomber et qui le mènerait, si on à la mort s'il la suivait jusqu’au bout, à la mort. D’autres passages de la Bible enseignent clairement que le Seigneur va achever l’œuvre qu’il a commencée dans un de ses enfants (voir 1Co 1.8-9), et ne permettra pas que l’un d’eux se perde. Ce fait ne change pas la gravité du péché contre un frère faible et contre Christ lui-même.

Le péché que Paul condamne est une insensibilité, un manque d’amour envers d’autres frères et sœurs. Il nous avertit que nous pouvons, en insistant sur nos « droits » – c’est le sens du mot « liberté » dans le verset 9 – faire chuter un autre chrétien, et commettre un grave péché contre Christ. Ainsi, un acte qui est innocent en soi devient une faute. On peut en mesurer la gravité du geste quand on pense à la mort de Christ. Christ a aimé ce frère au point de mourir pour lui, et nous, nous ne serions même pas prêts à nous priver d’un repas pour éviter sa chute !

On peut voir ce Ce principe du respect de l’autre ressort dans un incident important dans l’Église primitive. À l’issue de la grande rencontre des chrétiens relatée dans les Actes 15, les délégués ont trouvé bon d’écrire à toutes les Églises de l’Empire pour leur conseiller les pratiques suivantes : « Car il a paru bon au Saint-Esprit et à nous de ne vous imposer d’autre charge que ce qui est nécessaire, savoir, de vous abstenir des viandes sacrifiées aux idoles, du sang, des animaux étouffés, et de la débauche, choses contre lesquelles vous vous trouverez bien de vous tenir en garde » (Ac 15.28-29). Ce passage trouble souvent les chrétiens, car les Témoins de Jéhovah l’utilisent pour interdire non seulement le boudin, mais aussi les

transfusions sanguines. Pourtant, l’enseignement de Dieu est clair : aujourd’hui le chrétien n’est pas sous la loi. Il peut manger de tout (1Tm 4.3-4), même les viandes sacrifiées aux idoles (1Co 10.25-27). Pourquoi alors l’interdiction descette interdiction en Actes 15 ? Les délégués ont donné eux-mêmes la réponse : « Car, depuis bien des générations, Moïse a dans chaque ville des gens qui le prêchent, puisqu’on le lit tous les jours de sabbat dans les synagogues » (Ac 15.21). Les chrétiens de l’époque devaient respecter ces interdictions, non parce qu’ils n’avaient pas le droit de tout manger, mais par respect des sensibilités du peuple juif qu’ils côtoyaient. De la même manière, un chrétien qui vit parmi une population musulmane va s’abstenir de manger du porc par respect depour ses voisins.

8.13 C’est pourquoi, si un aliment scandalise mon frère, je ne mangerai jamais de viande, afin de ne pas scandaliser mon frère.

Le devoir d’un chrétien est alors clairement précisé. Paul écrira plus loin : « Ne soyez en scandale ni aux Grecs, ni aux Juifs, ni à l’Église de Dieu, de la même manière que moi aussi je m’efforce en toutes choses de complaire à tous, cherchant, non mon avantage, mais celui du plus grand nombre, afin qu’ils soient sauvés » (10.32-33). Cependant, il Il est nécessaire de clarifier le sens du mot « scandaliser », qui a acquis une autre signification au fil des siècles. Aujourd’hui, une personne est scandalisée quand elle est choquée par le comportement ou les paroles d’un autre. Certes, on retrouve ce sens passif du verbe dans quelques passages de la Bible. Mais dans ces textes, c’est Jésus qui a causé le scandale (Mt 13.57 ; 15.12 ; 17.27) ! Alors si Jésus lui-même pouvait « scandaliser » les personnes, cette conduite ne pouvait pas être un péché.

Mais le mot a une autre signification quand le verbe prend un complément d’objet direct, comme c’est le cas ici. Scandaliser un frère signifie le prendre dans un piège pour le faire tomber. Il ne s’agit pas nécessairement de le choquer ; au

contraire, le piège peut même lui paraître alléchant et agréable. Le chrétien ne va pas toujours être apprécié dans ce qu’il fait. Il peut même froisser les sentiments de frères qui sont rigides dans leurs convictions. Dans ce cas il faut bien faire et laisser dire. Mais il va tout faire pour éviter d’d’en entraîner un autre dans le péché. Les Écritures nous avertissent que pour plusieurs Jésus sera « une pierre d’achoppement et un rocher de scandale » (Rm 9.33). Que chacun de nous veille à ce que le scandale vienne de Christ et non pas de nous ! Par contre, Jésus nous a laissé un avertissement solennel : « … si quelqu’un scandalisait un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on suspende à son cou une meule de moulin, et qu’on le jette au fond de la mer. Malheur au monde à cause des scandales ! Car il est nécessaire qu’il arrive des scandales ; mais malheur à l’homme par qui le scandale arrive ! » (Mt 18.6-7).

SUJETS DE DISCUSSION

1. Imaginons qu’il existe dans l’Église une différence d’opinion concernant la danse. Certains chrétiens croient que la danse doit être interdite, parce qu’elle encourage l’immoralité. D’autres pensent que dans certaines circonstances, comme une fête de mariage, il n’est pas nécessaire de l’interdire et d’offenser ainsi les amis non-croyants. Il suffit de veiller à ce que la musique et l’ambiance restent saines. Comment résoudre la différence d’opinion ? Textes complémentaires : 1Co 10.23-33 ; Rm 14.1-23.

2. Supposons qu’un différend survienne entre les membres de l’Église concernant la musique. Le groupe de jeunes aime la musique moderne, le rock ; et ils affirment qu’ils ont le droitla liberté en Christ de l’écouter, sans que cela leur fasse le moindre mal. D’autres chrétiens insistent sur le fait que cette musique avec son rythme fort et bruyant

a ses origines dans le paganisme d’Afrique, et qu'elle entraîne ses auditeurs dans la débauche. Quels conseils donner ?

III. Réponses aux questions 7.1-16.4B. Les viandes sacrifiées aux idoles – la liberté chrétienne

8.1-11.12. L’exemple de Paul – face à nos « droits » 9.1-27

a. Ses droits et libertés en tant qu’apôtre 9.1-14b. Son libre renoncement à ses droits 9.12, 15-27

1) pour faire avancer l’Évangile de Christ 9.12, 15-18

2) dans l’intérêt des autres 9.19-223) dans l’intérêt personnel 9.23-27

2. L’exemple de Paul – face à nos « droits » 9.1-27

Les chrétiens de Corinthe commettaient des erreurs relatives aux viandes sacrifiées aux idoles parce qu’ils n’agissaient pas par amour. Au lieu de considérer les intérêts et les sensibilités des autres, ils s’appuyaient sur leurs propres droits, et par conséquent ils sabotaient l’œuvre de Dieu. Alors, lesLes paragraphes qui suivent concernent particulièrement donc la question des droits, et leur libre particulièrement le renoncement librement consenti pour que le message de l’Évangile puisse progresser. Le lecteur a l’impression que Paul a deux objectifs dans ce chapitre : 1) aider les Corinthiens, par son propre exemple, à lâcher du lest dans l’emploi de leurs « droits » et 2) répondre aux accusations de sesdes critiques qui lui sont faites, surtout par rapport à ses principes financiers.

a. Ses droits et libertés en tant qu’apôtre 9.1-149.1-3 Ne suis-je pas libre ? Ne suis-je pas apôtre ? N’ai-je pas vu Jésus notre Seigneur ? N’êtes-vous pas mon œuvre dans le Seigneur ? Si pour d’autres je ne suis pas apôtre, je le suis au moins pour vous ; car

vous êtes le sceau de mon apostolat dans le Seigneur. C’est là ma défense contre ceux qui m’accusent.

Dans les paragraphes qui suivent, Paul va se présenter comme un exemple pour ses lecteurs, dont certains contestent sa prérogative ded'apôtre pour leur donner des leçons. Il a le droit et la responsabilité de leur parler surtout parce qu’ils lui doivent leur salut. D’une certaine manière, il leur dit : « Vous vous estimez libres ? Je le suis autant que vous. De plus, je suis apôtre, choisi et envoyé du Seigneur, témoin oculaire de sa personne et de sa résurrection (Ac 1.21-22). Et vous en êtes en quelque sorte la preuve, puisque vous êtes au Seigneur grâce à mon ministère, et que vous avez vu la main de Dieu dans mon ministère (2Co 12.12) ».

9.4-6 N’avons-nous pas le droit de manger et de boire ? N’avons-nous pas le droit de mener avec nous une sœur qui soit notre femme, comme font les autres apôtres, et les frères du Seigneur, et Céphas ? Ou bien, est-ce que moi seul et Barnabas nous n’avons pas le droit de ne point travailler [ou : serions-nous les seuls, Barnabas et moi, à devoir travailler pour gagner notre vie18] ?

Les Corinthiens insistaient beaucoup sur leurs droits. L’apôtre Paul aurait pu en faire autantde même, d’autant plus qu’il était apôtre et leur père spirituel. Pourtant dans tous les domaines qu’il évoque, il a consenti à renoncer à ses prérogatives à cause de sa passion pour l’œuvre de Dieu. Il s’était déjà dit prêt à refuser de manger de la viande si nécessaire, et il va le répéter plus tard (10.31–11.1). Il avait déjà traité la question du mariage dans le chapitre 7, renonçant aux privilèges de la vie conjugale pour être moins distrait dans son ministère. Reste alors son droit de recevoir un soutien de l’Église en retour de son service auprès d’eux. Par plusieurs 18 Bible en français courant

exemples il montre qu’un tel geste de leur part serait tout à fait raisonnable, et même demandé par le Seigneur. Pourtant là encore, il refuse absolument de le considérer, afin de « ne pas créer d’obstacle à l’Évangile de Christ » (9.12).

Notons en passant deux affirmations qui pourraient surprendre puisqu’elles donnent un démenti à certaines idées transmises par la tradition. Paul parle d’abord du fait que la plupart des apôtres du Seigneur, y compris l’apôtre Pierre (qui est « Céphas »), ont été mariés. Les Évangiles confirment que Pierre avait une « femme », car Christ a eu l’occasion de guérir sa belle-mère (Mt 8.14-15 et Mc 1.30-31). Paul mentionne également les frères de Jésus. Bien que tous les chrétiens soient appelés des « frères du Seigneur », le contexte rend cette interprétation impossible. En tout, sept passages du Nouveau Testament font mention des frères et des sœurs biologiques de Jésus (Mt 12.46 ; 13.55-56 ; Jn 2.12 ; 7.3-5 ; Ac 1.14 ; Ga 1.19 et ici). L’interprétation la plus naturelle de ces textes est de considérer ces personnes comme les enfants de Marie. Les Écritures affirment que Marie était vierge au moment de la naissance de Jésus, mais rien ne permet de dire qu’elle n’ait pas eu une relation conjugale normale par la suite.

9.7 Qui jamais est engagé dans une armée à ses propres frais ? Qui est-ce qui plante une vigne, et n’en mange pas le fruit ? Qui est-ce qui fait paître un troupeau, et ne se nourrit pas du lait du troupeau ?

En tout, Paul donne sept raisons pour lesquelles il aurait le droit de réclamer de leur part un salaire :

1. l’exemple des autres apôtres (v. 5-6) ;

2. la comparaison avec d’autres métiers (v. 7) ;

3. les préceptes de la loi de Dieu (v. 8-10) ;

4. la logique et le bon sens (v. 11) ;

5. la pratique de l’Église envers d’autres (v. 12) ;

6. les usages dans les milieux religieux (v. 13) ;

7. le commandement exprès du Seigneur Jésus (v. 14).

Le principe de fond est celui annoncé par le Seigneur : « l’ouvrier mérite son salaire » (Lc 10.7). Le choix des métiers mentionnés est particulièrement approprié, car ils ont tous les trois un répondant dans le ministère spirituel. Le serviteur de Dieu est appelé aussi à être un soldat (2Ti 2.3), un agriculteur (2Ti 2.6) et un berger (1P 5.2-4), tout comme son Maître et son Dieu (Jos 5.14 ; Jn 15.1 ; 10.11). Si ces ouvriers dans la vie terrestre vivent de leur travail, pourquoi pas le serviteur de Dieu, dont le travail est tout aussi prenant et utile ?

9.8-10 Ces choses que je dis, n’existent-elles que dans les usages des hommes ? la loi ne les dit-elle pas aussi ? Car il est écrit dans la loi de Moïse : Tu ne muselleras point le bœuf quand il foule le grain. Dieu se met-il en peine des bœufs, ou parle-t-il uniquement à cause de nous ? Oui, c’est à cause de nous qu’il a été écrit que celui qui laboure doit labourer avec espérance, et celui qui foule le grain fouler avec l’espérance d’y avoir part.

Il est intéressant de voir comment l’apôtre Paul utilise les écrits de l’Ancien Testament. Le chrétien n’est plus sous « la loi ». C’est pourquoi l’apôtre n’utilise jamais les commandements pour définir la conduite de ses lecteurs. Toutefois, Dieu veut que « la justice de la loi soit accomplie en nous » (Rm 8.4) et les 613 commandements de la loi reflètent la sainteté, la justice, et la miséricorde du Législateur, mêmejusque dans un détail tel que le traitement des animaux domestiques. Paul a su voir dans ce commandement de

Deutéronome 25.4 un principe de justice et de miséricorde qui est valable de tout temps. Il nous donne ici un bon exemple de commentla manière dont on peut bénéficier de la loi sans tomber dans le légalisme.

9.11 Si nous avons semé parmi vous les biens spirituels, est-ce une grosse affaire si nous moissonnons vos biens temporels ?

Ce texte laisse voir que les « biens spirituels » sont plus importants que les biens matériels, même s’ils sont moins apparents. Alors, nous avons cette injonction de la part de Dieu : « Que celui à qui l’on enseigne la parole fasse part de tous ses biens à celui qui l’enseigne » (Ga 6.6). C’est en quelque sorte une dette que nous avons à rembourser. Paul rappelle ce principe quand il écrit concernant une collecte pour les chrétiens de Jérusalem : « … la Macédoine et l’Achaïe ont bien voulu s’imposer une contribution en faveur des pauvres parmi les saints de Jérusalem. Elles l’ont bien voulu, et elles le leur devaient ; car si les païens ont eu part à leurs avantages spirituels, ils doivent aussi les assister dans les choses matérielles » (Rm 15.26-27).

9.12 Si d’autres jouissent de ce droit sur vous, n’est-ce pas plutôt à nous d’en jouir ? Mais nous n’avons point usé de ce droit ; au contraire, nous souffrons tout, afin de ne pas créer d’obstacle à l’Évangile de Christ.

Paul ne précise pas qui sont les « autres ». Donc nous ne pouvons pas savoir de qui il parle. Nous savons seulement que plus tard, quand il écrit la lettre que nous appelons 2 Corinthiens, il s’insurge contre des gens qui se croient des « super-apôtres » (11.5 et 12.11), qui de toute évidence demandaient des rémunérations importantes (11.7-12) et que Paul appelle de faux apôtres (11.13-15).

9.13 Ne savez-vous pas que ceux qui remplissent les fonctions sacrées sont nourris par le temple, que ceux qui servent à l’autel ont part à l’autel ?

Que l’on considère les instructions de la Loi de Moïse ou les pratiques courantes dans tous les temples païens, le principe était universel. Même le sujet de débat entre les Corinthiens – la viande sacrifiée aux idoles – constituait une preuve que les prêtres païens vivaient de leurs fonctions. Car la viande vendue dans les marchés provenait en grande partie de leur surplus.

9.14 De même aussi, le Seigneur a ordonné à ceux qui annoncent l’Évangile de vivre de l’Évangile.

La raison la plus concluante pour soutenir l’ouvrier de Dieu provient de Jésus lui-même. Autant que nous sachions, Paul se réfère aux paroles du Seigneur quand ilqui, à deux occasions, a envoyé ses disciples, à deux occasions différentes, pour participer à son œuvre (Mt 10.1-10 et Lc 10.1-7). Il leur dit de compter sur la générosité des personnes qui recevront leur ministère, parce que « l’ouvrier mérite son salaire » (Lc 10.7).

On trouve deux enseignements qui se complètent dans ces paragraphes. D’un côté, nous apprenons qu’il est de notre devoir de soutenir financièrement le serviteur de Dieu dont le ministère est confirmé. C’est une honte pour l’Église quand un homme qui a les qualifications et la vision de servir le Seigneur à plein temps se voit obligé de travailler autrementd'avoir un travail séculier pour gagner sa vie. On ne peut pas fixer des règles définitives pour toutes les situations, et les voies du Seigneur ne sont souvent pas les nôtres. Mais celui qui prie le Seigneur de susciter des ouvriers pour la moisson (Mt 9.36-38) doit être également prêt à les soutenir dans leur travail.

D’un autre côté, quand Jésus a envoyé ses disciples, il leur a aussi dit : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10.8). Cette deuxième injonction est le complément de la première, et explique l’attitude de l’apôtre Paul dans notrece texte. L’ouvrier de Dieu mérite son salaire, mais il abuse de sa position quand il commence à croire que la piété est une « source de gain » (1Tm 6.6-9). Il existe malheureusement des Malheureusement certains pasteurs et des évangélistes qui manquent du nécessaire pour remplir convenablement leur ministère. Mais il est encore bien plus scandaleux encore de constater combien de que des soi-disant évangélistes et deou pasteurs récoltent des sommes énormes qu’ils utilisent ensuite pour accroître leur propre fortune. Une telle optique du travail pour Dieu est en opposition flagrante avec l’attitude que Paul communique ici, et elle fait blasphémer le nom du Seigneur (Rm 2.24). Si les chrétiens qui écoutent la paroleParole doivent apprendre à donner généreusement, ceux qui l’annoncent ont besoin d’imiter davantage l’apôtre, qui trouvait sa récompense dans la joie d’annoncer gratuitement l’Évangile, sans user de son droit de prédicateur (1Co 9.18).

b. Son libre renoncement à ses droits 9.12, 15-27

La question que Paul aborde dans ces versets a beaucoup troublé les chrétiens à travers les siècles. Chaque personne qui désire sincèrement plaire au Seigneur se demande dans quelle mesure il faut s’imposer des abstinences et renoncer aux choses du monde. La question n’est pas simple, car Dieu prépare à chaque individu un style de vie qui lui est propre. Le comportement de Jésus était bien différent de celui de Jean-Baptiste, pourtant tous les deux suivaient entièrement la volonté du Père céleste (Mt 11.16-19).

Il existe néanmoins deux extrêmes à éviter. D’une part, l’histoire du christianisme nous a laissé de nombreux exemples

de renoncement qui sont parfaitement inutiles et même ridicules. On imagine mal que le Seigneur demande à l'un de ses enfants de passer trente années de sa vie perché sur une petite plate-forme en haut d’une colonne d’une vingtaine de mètres, sans en jamais descendre. C’est ce qu’a fait Siméon Stylite (390 ?-459)19 ; d’ailleurs, il n’étaitn'a pas été le seul. Que penser de l’ermite Ammoun, qui a fait le vœu de ne jamais ni se déshabiller ni de se laver pendant toute sa vie ? (On comprend bien qu’il a été sanctifié – séparé des autres !) Dieu, aurait-il demandé aux Bosci de passer toute leur vie à brouter de l’herbe dans un champ comme des vaches ? L’homme qui a erré tout nu pendant 50 années dans le désert du Sinaï, a-t-il ainsi gagné la faveur du Seigneur20 ? De tels exemples nous montrent qu’on peut, par un zèle mal placé, gaspiller sa vie dans des absurdités qui ne servent ni à Dieu ni à l’homme. Paul avertit ailleurs contre un tel ascétisme inutile : « Si vous êtes morts avec Christ aux principes élémentaires du monde, pourquoi, comme si vous viviez dans le monde, vous impose-t-on ces préceptes : Ne prends pas ! ne goûte pas ! ne touche pas ! préceptes qui tous deviennent pernicieux par l’abus, et qui ne sont fondés que sur les ordonnances et les doctrines des hommes ? Ils ont, en vérité, une apparence de sagesse, en ce qu’ils indiquent un culte volontaire, de l’humilité, et le mépris du corps, mais cela est sans valeur réelle et ne sert qu’à satisfaire la chair » (Col 2.20-23). Certes, quand on voit un homme qui vit dépouillé de tout, on est impressionné par sa forte volonté et son mépris de tout confort, mais Paul confirme que tout cela ne sert à rien devant Dieu, et que ce n’est qu’une autre façon subtile de s’enorgueillir.

L’autre extrême est celui que le Seigneur condamne dans l’Apocalypse. Jésus fait dire àapostrophe ainsi l’Église de

19 Siméon Stylite (saint), Larousse.

20 CAIRNS Earle E., Christianity through the Centuries, Grand Rapids : Zondervan, 1961, page 165.

Laodicée : « Je connais tes œuvres. Je sais que tu n’es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant ! Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche » (Ap 3.15-16). Une attitude de laisser-fairealler ne glorifie pas non plus le Seigneur. Un chrétien ou une Église qui refuse tout sacrifice et qui oublie de combattre le bon combat de la foi n’est pas digne de son Maître (Mt 10.37-39). À la fin de ce chapitre (1Co 9), Paul compare la vie chrétienne à la compétition sportive ; elle n’est pas pour le paresseux, mais pour ceux qui veulent gagner le prix inestimable d’une couronne incorruptible et éternelle.

Comment vivre la vie chrétienne d’une manière équilibrée, tout en sachant quand nous devons renoncer à nos droits et nos libertés ? L’exemple de Paul nous aide. Il nous apprend qu’il faut courir, mais non « pas comme à l’aventure », et frapper, mais non « pas comme battant l’air » (9.26). Autrement dit, il faut que notre effort et nos renonciations soient utiles et efficaces. Paul mentionne trois facteurs qui déterminent la valeur d’un renoncement. Tout sacrifice consenti est bon et à la gloire de Dieu :

1. quand il contribue à l’avance de l’Évangile de Christ (9.12, 15-18) ;

2. quand il est réellement dans l’intérêt des autres (9.19-22) ;

3. quand il nous rend plus utiles entre les mains du Seigneur (9.23-27).

1) pour faire avancer l’Évangile de Christ 9.12, 15-18

9.12 Mais nous n’avons point usé de ce droit ; au contraire, nous souffrons tout, afin de ne pas créer d’obstacle à l’Évangile de Christ.

9.15-18 Pour moi, je n’ai usé d’aucun de ces droits, et ce n’est pas afin de les réclamer en ma faveur que j’écris ainsi ; car j’aimerais mieux mourir que de me laisser enlever ce sujet de gloire. Si j’annonce l’Évangile, ce n’est pas pour moi un sujet de gloire, car la nécessité m’en est imposée, et malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! Si je le fais de bon cœur, j’en ai la récompense ; mais si je le fais malgré moi, c’est une charge qui m’est confiée. Quelle est donc ma récompense ? C’est d’offrir gratuitement l’Évangile que j’annonce, sans user de mon droit de prédicateur de l’Évangile.

La pensée de Paul est un peu difficile à suivre dans ce dernier paragraphe. La traduction/interprétation d’une version moderne rend le mieux le sens de ses paroles :

9.15-18 Mais je n’ai usé d’aucun de ces droits, et je n’écris pas cela pour demander à en profiter. J’aimerais mieux mourir ! Personne ne m’enlèvera ce sujet de fierté ! Je n’ai pas à me vanter d’annoncer la Bonne Nouvelle. C’est en effet une obligation qui m’est imposée, et malheur à moi si je n’annonce pas la Bonne Nouvelle. Si j’avais choisi moi-même cette tâche, j’aurais droit à un salaire ; mais puisqu’elle m’est imposée, je m’acquitte simplement de la charge qui m’est confiée. Quel est alors mon salaire ? C’est la satisfaction d’annoncer la Bonne Nouvelle gratuitement, sans user des droits que me confère la prédication de cette Bonne Nouvelle (BFC).

Paul ne se voit pas comme une personne qui a choisi librement d’être le porte-parole de Dieu, mais comme un

esclave à qui son Maître a imposé « une charge ». L’esclave qui accomplit la volonté de son maître ne s’attend pas à recevoir un salaire. L’attitude de l’apôtre fait penser à ce que le Seigneur a commandé à ses disciples : « Vous de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire » (Lc 17.10). Pour lui, la joie de pouvoir offrir gratuitement la vie éternelle aux perdus était une récompense entièrement suffisante.

Dans quelle mesure pouvons-nous appliquer directement ces paroles à notre vocation aujourd’hui ? Paul avait un appel et un rôle unique dans le plan de Dieu. Dieu l’avait choisi pour être « un instrument pour porter (son) nom devant les nations, devant les rois, et devant les fils d’Israël » (Ac 9.15), et il le lui avait révélé dans une « vision céleste » (Ac 26.17-19). Un tel appel portait investissait Paul d'une responsabilité solennelle. Quand Ézéchiel hésitait devant la tâche que le Seigneur lui avait confiée, Dieu lui a donné cet avertissement : « Fils de l’homme, je t’établis comme sentinelle sur la maison d’Israël. Tu écouteras la parole qui sortira de ma bouche, et tu les avertiras de ma part. Quand je dirai au méchant : Tu mourras ! si tu ne l’avertis pas, si tu ne parles pas pour détourner le méchant de sa mauvaise voie et pour lui sauver la vie, ce méchant mourra dans son iniquité, et je te redemanderai son sang » (Ez 3.17-18). L’apôtre pensait-il à cette même lourde responsabilité de sentinelle quand il a dit : « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile » ?

Peu de chrétiens ont reçu un appel aussi précis et clair que Paul. Tous n’ont pas le don d’évangéliste ; tous n’ont pas la possibilité de servir le Seigneur gratuitement et à plein temps, comme Paul. Pourtant, dans une certaine mesure, nous sommes tous débiteurs de ceux qui nous entourent (Rm 1.14). Notre condition ressemble un peu à celle des lépreux de la ville assiégée de Samarie, qui avaient trouvé le camp des attaquants

déserté, mais plein de nourriture. Après avoir mangé à leur faim, ils se sont dit : « Nous n’agissons pas bien ! Cette journée est une journée de bonne nouvelle ; si nous gardons le silence et si nous attendons jusqu’à la lumière du matin, le châtiment nous atteindra » (2R 7.3-9). Dieu veut que chacun de nous soit toujours prêt à partager le trésor qu’il a reçu du Seigneur, en toute saison, favorable ou non (1P 3.15-16 et 2Ti 4.2). C’est une des plus importantes expressions d’un amour véritable pour le Seigneur et pour les autres.

2) dans l’intérêt des autres 9.19-229.19 Car, bien que je sois libre à l’égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre.

La liberté que Paul ressent découle de deux sources. Il est « libre » parce que Jésus-Christ l’a « affranchi de la loi du péché et de la mort » (Rm 8.2), et de l’emprise de la loi de Moïse (Ga 5.1). De plus, parce qu’il avait décidé de ne pas accepter une de rémunération pour son ministère auprès des Corinthiens, il est libre de toute pression que les chrétiens auraient pu exercer par le moyen des finances.

Ce qui est notable dans ce passage, c’est que cette liberté conduit l’apôtre à l’esclavage ! Cette affirmation quelque peu contradictoire est une des expressions fondamentales du comportement chrétien. Elle est aussi difficile à comprendre pour une société éprise de ses « droits légitimes » tels qu’ils sont énoncés dans la Déclaration des droits de l’homme de 1791. Dans les pays démocratiques, on est particulièrement fier de ses libertés, et le chrétien en retire un grand gain. Pourtant, il doit se rappeler constamment que sa vie en Christ ne s’exprime pas tellement par l’ensemble de ses droits, mais plutôt par son service dans l’intérêt des autres. C’est un autre domaine de la vie où les priorités de notre entourage vont à l’encontre de

celles de Dieu. Le chrétien qui est animé par les sentiments qui étaient en Jésus-Christ acceptera volontiers d’abandonner ses droits pour mieux servir son Seigneur et ceux qui l’entourent.

9.20-22 Avec les Juifs, j’ai été comme Juif, afin de gagner les Juifs ; avec ceux qui sont sous la loi, comme sous la loi (quoique je ne sois pas moi-même sous la loi), afin de gagner ceux qui sont sous la loi ; avec ceux qui sont sans loi, comme sans loi (quoique je ne sois point sans la loi de Dieu, étant sous la loi de Christ), afin de gagner ceux qui sont sans loi. J’ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver de toute manière quelques-uns.

Certains exégètes pensent que Paul expose non seulement sa manière de présenter l’Évangile, mais qu’il justifie aussi son comportement que ses critiques croyaient capricieux. Avec le peuple juif et ceux qui étaient « sous la loi » (Juifs et peut-être aussi leurs prosélytes), il était prêt à respecter leurs coutumes, aussi longtemps que le message de l’Évangile n’était pas compromis. C’est pour cela qu’il a accepté de participer à la purification rituelle, lors de son séjour à Jérusalem (Ac 21.22-26). C’est aussi pourquoi il a permis la circoncision de Timothée, qui avait une mère juive, et qui a pu avoir ainsi un ministère plus efficace parmi son peuple (Ac 16.3). Par contre, il a refusé catégoriquement de faire circoncire Tite, qui n’avait pas de dont les parents n'étaient pas juifs (Ga 2.3-4). Dans ce dernier cas, la vérité de l’Évangile était menacée par des gens qui voulaient imposer l’observation de la Loi aux païens convertis. Quand il était avec ceux qui n’étaient pas concernés par la Loi, il n’hésitait pas à outrepasser ses propres coutumes et préférences pour respecter les sensibilités de ses interlocuteurs. Puisque le mot que Paul utilise pour décrire ceux qui sont « sans la loi » (anomos-) signifie souvent « hors la loi », ou « méchant » (1Tm 1.9), l’apôtre qualifie tout de suite ce qu’il veut dire. S’il

n’est plus sous la Loi de Moïse, il a « la loi de Dieu » écrite dans son cœur, et il obéit aux commandements de « Christ » (Jn 14.21).

La leçon de ce passage est claire. À l’exemple de Paul, chaque chrétien doit être sensible aux coutumes, aux opinions et aux préjugés de ceux à qui il présente le message de Christ. Il ne s’agit pas de frelater l’Évangile pour mieux le faire avaler ; il est question de se mettre à la place de l’autre pour mieux le comprendre et mieux communiquer le salut en Christ. C’est ce que Paul a écrit à Timothée : « … il ne faut pas qu’un serviteur du Seigneur ait des querelles ; il doit, au contraire, être affable pour tous, propre à enseigner, doué de patience ; il doit redresser avec douceur les adversaires, dans l’espérance que Dieu leur donnera la repentance pour arriver à la connaissance de la vérité » (2Ti 2.24-25). C’est aussi le sens des conseils de Jude : « Reprenez les uns, ceux qui contestent ; sauvez-en d’autres en les arrachant du feu ; et pour d’autres encore, ayez une pitié mêlée de crainte, haïssant jusqu’à la tunique souillée par la chair » (Jude 1.22-23).

Paul s’est fait tout à tous ; il s’est efforcé de complaire à tous, « afin qu’ils soient sauvés » (1Co 10.33). En agissant ainsi, n’a-t-il pas suivi tout simplement l’exemple de son Maître ? Christ n’a-t-il pas laissé de côté la gloire qu’il avait auprès de son Père pour se faire tout à tous sur la terre ? pour devenir un simple homme ? pour s’humilier jusqu’à prendre la forme d’un esclave (Ph 2.6-8) ? Dans la mesure où nous sommes animés par la pensée de Christ, nous en aurons les mêmes motivations.

3) dans l’intérêt personnel 9.23-279.23-26 Je fais tout à cause de l’Évangile, afin d’y avoir part. Ne savez-vous pas que ceux qui courent dans le stade courent tous, mais qu’un seul remporte

le prix ? Courez de manière à le remporter. Tous ceux qui combattent s’imposent toute espèce d’abstinences, et ils le font pour obtenir une couronne corruptible ; mais nous, faisons-le pour une couronne incorruptible. Moi donc, je cours, non pas comme à l’aventure ; je frappe, non pas comme battant l’air.

Ce passage nous rappelle un principe plus ou moins universel : Rien de bon ni de grand ne se fait sans un renoncement aux intérêts personnels. Si des gens sont prêts à tout pour gagner des prix terrestres et éphémères, à combien plus forte raison le chrétien doit faire des efforts pour obtenir des récompenses de valeur inestimable et éternelle ! Nous constatons de nouveau que, plus que l’acte, la motivation et les buts recherchés déterminent la valeur d’une abstinence. Alors, il faut s’activer, mais pas n’importe comment. Nos activités peuvent facilement devenir de l’activisme. Dieu nous invite à courir d’une manière sensée, à ne pas battre de l’air dans nos combats. Paul utilise la même une expression similaire quand il critique les Corinthiens pour leur utilisation abusive du don de parler en langues : « … si par la langue vous ne donnez pas une parole distincte, comment saura-t-on ce que vous dites ? Car vous parlerez en l’air » (1Co 14.9). Le chrétien aujourd’hui a besoin non seulement du zèle, mais aussi d’une connaissance approfondie de la Parole, et d’une bonne dose de bon sens. Paul rappelle à Timothée que « l’Esprit que Dieu nous a donné ne nous rend pas timides ; au contraire, son Esprit nous remplit de force, d’amour et de sagesse » (2Ti 1.7). La force sans amour ni sagesse est destructrice. La sagesse qui ne fait rien, par manque de courage ou d’amour, n’est guère meilleure. Dieu veut cultiver en nous, par son Esprit, ces trois qualités bien coordonnées et équilibrées.

Quel est le prix que l’apôtre voulait remporter ? Déjà, dans 1 Corinthiens 9.17, il avait évoqué la récompense qu’il recevait en annonçant gratuitement l’Évangile. Chaque chrétien qui l’a fait connaît également cette joie de pouvoir partager les

richesses de la grâce de Dieu. Jésus a bien dit qu’« il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20.35). Paul écrit aux chrétiens de Thessalonique qu’ils sont son espérance, sa gloire, et sa joie, à ce moment autant que devant le Seigneur lors de son avènement (1Th 2.19-20).

La question des récompenses trouble parfois les chrétiens. Travailler pour gagner une couronne, n’est-ce pas avoir une motivation égoïste et indigne du Seigneur ? Certes, si j’agis par égoïsme ou pour ma propre gloire, le Seigneur dit que j’ai déjà ma récompense (Mt 6.1, 5, 16). Pourtant, les Écritures contiennent de nombreuses promesses pour encourager le laboureur de à persévérer dans son travail avec l’espérance un jour d’en jouirrécolter des fruits (1Co 9.10). Ce n’est pas une question de mauvaises motivations, mais plutôt de la justice de Dieu, comme nous le lisons dans l’Épître aux Hébreux : « … Dieu n’est pas injuste pour oublier votre travail et l’amour que vous avez montré pour son nom, ayant rendu et rendant encore des services aux saints » (Hé 6.10). Même notre Seigneur, confronté aux souffrances de la croix, a su supporter ses afflictions en vue de la récompense, « de la joie qui lui était réservée » (12.2).

Il y a une autre question qui pose parfois des difficultés. Que peut-on ajouter de plus au salut, cet « héritage qui ne peut ni se corrompre, ni se souiller, ni se flétrir » ; et qui nous « est réservé dans les cieux » (1P 1.4) ? Les couronnes, les récompenses, ne sont-elles pas peu de choses par rapport à la gloire que le Seigneur réserve pour tous les siens ? Sans doute, rien ne peut se comparer au don ineffable que Dieu donne à tous ceux qui l’acceptent, sans considération de leurs actes ni de leurs mérites (2Co 9.15). Pourtant, les Écritures sont claires : On peut, par ses souffrances, son œuvre pour le Seigneur, et sa fidélité, obtenir une « meilleure résurrection » (Hé 11.35), un « un poids éternel de gloire » qui dépasse de loin le prix payé (2Co 4.17-18). Peu importe la nature exacte de ces couronnes.

Ce qui compte c’est d’accepter par la foi ce conseil et cette certitude que Paul nous donne vers la fin de ce livre : « Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, travaillant de mieux en mieux à l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail ne sera pas vain dans le Seigneur » (1Co 15.58).

9.27 Mais je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur d’être moi-même désapprouvé après avoir prêché aux autres.

L’exemple de Paul nous aide à savoir quels sont les renoncements qui sont utiles dans l’œuvre de Dieu. Quand c’est dans l’intérêt de l’Évangile, on devrait être prêt à :

1. renoncer à un gain personnel – v. 18 ;

2. refuser tout ce qui peut offenser – v. 12 ;

3. rechercher la meilleure façon d’aborder l’Évangile – v. 19-23 ;

4. pratiquer une grande discipline personnelle – v. 24-27.

Le terme « traiter durement » signifie littéralement « frapper sous les yeux », et à l’époque de Paul c’était un terme technique de la boxe qui portait le senssignifiait « mettre K.O. ». Paul ne voulait pas dire qu’il méprisait son corps, mais plutôt qu’il le maîtrisait, qu’il « le tenait en esclavage », selon la deuxième expression. Nous l’avons déjà dit, l’application de cette vérité varie selon l’appel de chaque chrétien. Sachons seulement que chacun doit apprendre à « posséder son corps dans la sainteté et l’honnêteté » (1Th 4.4) et à rejeter « tout fardeau, et le péché qui [l’]enveloppe si facilement, et [à courir] avec persévérance dans la carrière qui [lui] est ouverte » (Hé 12.1).

Que veut dire l’apôtre quand il exprime sa peur d’être « désapprouvé » ? De nouveau, il utilise un terme qui prend un sens technique dans le contexte des activités sportives. Il ne veut pas être disqualifié, après avoir tant couru. Il ne craint pas pour son salut, car il sait que cela ne dépend pas de sa fidélité, mais de celle de Dieu (1Co 1.8-9). Ce qu’il appréhende, c’est de se trouver mis sur la touche parce qu’il n’aurait pas été capable de se maîtriser. La crainte est justifiée. Combien de serviteurs de Dieu se sont disqualifiés pour être tombés dans le piège de l’ennemi, parfois après des années de ministère ! Ce n’est pas parce qu’une personne a beaucoup accompli dans le passé qu’elle seraest à l’abri d’une chute future. Au contraire, certaines tentations s’accroissent avec l’âge et le succès. Un grand évangéliste asiatique, John Sung, disait qu’il craignait surtout trois pièges sournois et dangereux : celui de l’immoralité21, celui de l’argent22, et celui de l’orgueil23.

SUJETS DE DISCUSSION

1. Le soutien des serviteurs de Dieu est toujours un sujet de grand débat dans nos pays. Tout ouvrier mérite son salaire, mais celui que le Seigneur appelle comme évangéliste ou missionnaire se voit obligé de quémander son soutien avant de pouvoir faire ses études ou partir. Quelles suggestions peut-on donner pour pallier ces difficultés ? au niveau des Églises ? sur le plan individuel ?

2. Paul s’est « fait tout à tous » afin d’amener les gens au Seigneur (9.22). Quelles en sont les implications pour

21 David – 2S 11.2-4 ; Salomon – 1R 11.1-2 ; Samson – Jg 14.1-2 ; Phinées et Hophni – 1S 2.22.

22 Gédéon – Jg 8.22-27 et Guéhazi – 2R 5.15-27.

23 Ozias – 2Ch 26.16-21 et Nebucadnetsar – Dn 4.28-33.

nous aujourd’hui quand nous parlons a) avec quelqu’un d’une autre religion ? b) avec une personne de tradition chrétienne, mais qui n’est pas sauvée ? c) avec une personne enlacéeenserrée dans de graves péchés ? Quels principes tirer de l’exemple de Christ dans les passages suivants : Mt 19.16-26 ; Jn 3.1-16 ; 4.4-26 ?

III. Réponses aux questions 7.1-16.4B. Les viandes sacrifiées aux idoles – la liberté chrétienne

8.1-11.13. L’exemple d’Israël – l’exercice de notre liberté est

rarement sans péché 10.1-13a. Le rappel des grâces reçues par le peuple d’Israël

10.1-5b. L’invitation d’éviter les erreurs du peuple d’Israël

10.6-12c. La promesse par rapport à la tentation 10.13

4. Les implications pour les Corinthiens 10.14-11.1a. Le danger de l’idolâtrie 10.14-22b. Le rappel des principes de la liberté en Christ

10.23-11.1

3. L’exemple d’Israël – l’exercice de notre liberté est rarement sans péché 10.1-13

La division de la lettre en chapitres cache un peu le lien qui existe entre les chapitres 9 et 10. D’ailleurs, les meilleurs manuscrits grecs ontcommencent le chapitre 10 par la conjonction « car » au 10.1, ce qui montre que le paragraphe qui suit continue la pensée du précédent. Paul vient de témoigner de sa détermination de à courir de toutes ses forces dans la course de la vie éternelle, tenant en bride son corps afin de pouvoir bien terminer et recevoir une récompense. Il désire pourtant avertir ses amis corinthiens que le danger d’être disqualifiés est tout à fait réel, malgré toutes les bénédictions qu’ils ont reçues de la part de Dieu. C’est effectivement ce qui s’est passé pour toute une génération d’Israélites qui ont péri dans le désert après avoir connu la plus grande des délivrances de Dieu. Les Corinthiens, en insistant sur leur droit de participer aux festins organisés dans les temples de la ville, risquaient fort de « provoquer la jalousie de Dieu » (10.22).

a. Le rappel des grâces reçues par le peuple d’Israël 10.1-510.1-4 [Car] Frères, je ne veux pas que vous ignoriez que nos pères ont tous été sous la nuée, qu’ils ont tous passé au travers de la mer, qu’ils ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer, qu’ils ont tous mangé le même aliment spirituel, et qu’ils ont tous bu le même breuvage spirituel, car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher était Christ.

Ce paragraphe peut paraître quelque peu énigmatique, surtout si on ne tient pas compte du contexte. Il est important de constater que Paul ne cherche pas ici à révéler un sens figuré ou caché dans les événements du vécus par le peuple d’Israël. Son but n’est pas non plus d’esquisser une nouvelle doctrine de baptême. Tout au plus, nous retrouvons le sens originel du mot « baptiser », qui signifie dans leen grec « immerger ». Il veut montrer que les Israélites, comme les Corinthiens, avaient connu un salut, une espèce de baptême et une sorte de sainte Cène ; mais que ces privilèges ne leur servaient à rien à cause de leur désobéissance ultérieure. Si Paul utilise les termes de baptême et de manger et de boire, c’est surtout pour rendre plus saisissante la comparaison entre l’expérience des Israélites et celle de ses lecteurs. Notons les points de ressemblance :

1) Dieu avait sauvé tout le peuple d’Israël de l’esclavage et du jugement de Pharaon, manifestant sa grande puissance par le miracle de « la mer » Rouge et révélant sa direction et sa protection par la colonne de « nuée » et de feu (Ex 13.21). Les Corinthiens pouvaient aussi se féliciter du salut de Dieu, et de la manifestation de sa puissance et de sa direction à travers leurs dons spirituels.

2) Les Corinthiens ont-ils été « baptisés » pour déclarer leur union avec Christ ? Les Israélites aussi ont vécu une sorte

de baptême d’identification avec leur libérateur, Moïse, quand ils ont passé par les eaux de la mer Rouge.

3) Les Corinthiens pensaient-ils que leur participation à la sainte Cène leur procurait la faveur de Dieu ? Qu’ils sachent que les Israélites aussi avaient leur « cène » : des aliments et un breuvage de source divine. En toute probabilité, Paul appelle ces éléments « spirituels » pour souligner qu’ils ont été divinement accordés, dans le même sens que les dons de Dieu sont des dons spirituels.

La référence à Christ comme le « rocher spirituel qui les suivait » présente quelques difficultés. Que voulait dire au juste l’apôtre ? Premièrement, il souligne le fait que c’était Jésus-Christ lui-même qui nourrissait la multitude dans le désert, et qui les accompagnait tout au long de leur pèlerinage. Paul leur rappelle cette vérité quand il écrit que c’était bien le Christ que le peuple tentait dans l’épisode des serpents (1Co 10.9, selon la majorité des manuscrits). Deuxièmement, on peut conclure que Christ était pour le peuple une source continuelle d’eau fraîche, et non seulement un rafraîchissement passager. Certaines traditions juives imaginaient qu’un rocher roulait avec le peuple pour servir toujours de source d’eau, mais on doute fort que Paul se réfère à une histoire aussi rocambolesque. Il est inutile de spéculer commentsur la manière dont l’apôtre a eu connaissance du fait qu’il affirme. Il déclare seulement que le peuple d’Israël pouvait boire régulièrement à la source qui n’était autre que « Christ » lui-même. Finalement, le terme « rocher » comportait un sens particulier pour ceux qui connaissaient les récits bibliques. Dans son dernier message au peuple d’Israël, Moïse appelle souvent Dieu « le Rocher » (Dt 32.4, 15, 18, 30, et 31). Pour Paul alors, Jésus-Christ est ce Rocher de salut – le Dieu que le peuple d’Israël avait abandonné. L’accusation de Moïse est formelle : « … il [le peuple dans le désert] a abandonné Dieu, son créateur, il a méprisé le rocher de son salut, ils ont excité sa jalousie par des

dieux étrangers, ils l’ont irrité par des abominations ; ils ont sacrifié à des idoles qui ne sont pas Dieu, à des dieux qu’ils ne connaissaient pas » (Dt 32.15-17). L’allusion de Paul devient ainsi très appropriée. De même que les Israélites ont méprisé leur Rocher – Christ – par leurs attaches idolâtres, les Corinthiens couraient le risque d’irriter leur Libérateur par leur présence dans les temples dédiés aux idoles.

10.5 Mais la plupart d’entre eux ne furent point agréables à Dieu, puisqu’ils périrent dans le désert.

L’observation faite par l’apôtre est pertinente et troublante pour un chrétien. Il ne suffit pas de bien commencer ou d’avoir bénéficié de la faveur de Dieu dans le début de la vie chrétienne. La marque du véritable salut, c’est que l’on persévère jusqu’au bout (Mt 24.13). Malgré toutes les faveurs que les Israélites avaient reçues de Dieu, ils ont fini sous été terrassés par le jugement de Dieu, terrassés avant de pouvoir entrer dans la terre promise. La leçon est claire : un chrétien peut bénéficier du salut de Christ, participer à toutes les activités de l’Église, se faire baptiser, prendre part à la sainte Cène, mais en fin de compte provoquer la colère de Dieu et mal finir. Car si Dieu n’a pas toléré l’idolâtrie et d’autres péchés du peuple d’Israël, il ne l’les acceptera pas non plus chez ses enfants aujourd’hui.

Il est donc malheureusement possible pour unUn croyant de déplaire à son Maître. Mais il peut aussi se conduire de manière à « plaire à Dieu » (1Th 4.1)), mais il lui est malheureusement aussi possible de déplaîre à son Maître. Ce qui rend la question délicate, c’est que personne ne peut voir le visage de sondu Seigneur pour constater son plaisir ou son déplaisir. Alors, comment savoir si notre comportement aujourd’hui lui fait plaisir ou l’irrite ? La difficulté réside dans le fait que « nous bronchons tous de plusieurs manières » (Jc 3.2), et que plus nous connaissons, plus nos fautes deviennent graves (Lc 12.47-48). Le chrétien doit se garder

contre de deux erreurs. D’un côté, Jacques nous avertit : « Mettez en pratique la parole, et ne vous bornez pas à l’écouter en vous trompant vous-mêmes par de faux raisonnements » (Jc 1.22). Le risque de se leurrer est réel ; le chrétien a constamment besoin de s’examiner et de se corriger d’après la Parole de Dieu. L’autre erreur consiste à oublier le grand amour que le Seigneur a pour nous ou à croire que ce sont nos mérites qui lui procurent unpeuvent lui faire plaisir. Il ne faut jamais oublier que nous sommes ses bien-aimés en Christ (Rm 1.7), et que « l’Éternel prend plaisir à son peuple » (Ps 149.4). Ce qui lui fait surtout plaisir est un cœur qui est brisé, contrit et obéissant (Ps 51.19), des lèvres qui offrent « un sacrifice de louange » (Hé 13.15-16), et des yeux qui sont toujours levés vers lui (Ps 123.1-3). La foi chrétienne est un mélange bien dosé de la crainte respectueuse de Dieu (1P 1.17) et d’une confiance joyeuse d’avoir « la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ » (Rm 5.1).

b. L’invitation d’éviter les erreurs du peuple d’Israël 10.6-1210.6 Or, ces choses sont arrivées pour nous servir d’exemples, afin que nous n’ayons pas de mauvais désirs, comme ils en ont eu.

Nous trouvons dans ce verset et les exemples qui suivent des principes d’interprétation biblique qui sont d’une grande importance pour l’étudiant des saintes Écritures. Notons spécialement comment l’apôtre utilise les textes de l’Ancien Testament. Il ne cède pas à la tentation de chercher des sens cachés ou des allégories ingénieuses dans les expériences du peuple d’Israël, comme font malheureusement plusieurs exégètes. Il n’est pas question de trouver un sens figuré pour le veau d’or ou le serpent d’airain, mais plutôt de tirer des parallèles entre la situation dans le désert et celle des Corinthiens. Un bon prédicateur va d’abord expliquer le sens

originel d’un texte biblique, en considération du considérant le contexte historique, de la grammaire et dule vocabulaire. Puis il va, comme l’apôtre, chercher à savoir comment les principes ainsi découverts trouvent leur application pour ses auditeurs aujourd’hui, sachant que c’est le même Dieu est à l’œuvre dans les deux cas.

Paul rappelle ces incidents afin que « nous n’ayons pas de mauvais désirs », ou plus précisément selon le grec, « afin que nous ne soyons pas des gens qui convoitent de mauvaises choses ». Il ne s’agit pas d’éviter tout mauvais désir ; le chrétien se fait souvent agresser par des sollicitations qui font naître des désirs en conflit avec la volonté de Dieu et « qui font la guerre à l’âme » (1P 2.11). C’est le sens même de la tentation. Paul veut avertir ici contre une attitude de défaite face aux mauvais désirs. Convoiter, c’est se laisser dominer par un désir. Le chrétien commence à convoiter dès qu’il cultive les mauvais penchants plutôt que de s’y opposer.

10.7 Ne devenez point idolâtres, comme quelques-uns d’entre eux, selon qu’il est écrit, Le peuple s’assit pour manger et pour boire ; puis ils se levèrent pour se divertir.

Le texte que Paul cite est d’Exode 32.6, qui raconte que, après qu’Aaron leur eut fabriqué un veau d’or, « … ils se levèrent de bon matin, et ils offrirent des holocaustes et des sacrifices d’actions de grâces. Le peuple s’assit pour manger et pour boire ; puis ils se levèrent pour se divertir ». Il est intéressant de noter que la portion du texte que Paul utilise n’est pas aussi explicite contre l’idolâtrie que la première partie du verset d’Exode 32. Mais l’apôtre rappelle par cette citation que l’idolâtrie des Israélites se présentait sous forme d’un festin et de divertissements en présence de l’idole, une situation identique à celle qu’approuvaient les Corinthiens. Les divertissements auxquels se livraient les Israélites ne sont précisés ni par le texte originel, ni par l’apôtre. Ce mot peut

décrire de simples jeux, mais il sert aussi souvent à décrire des activités sexuelles. Puisque l’idolâtrie était le plus souvent associée à l’immoralité, il est probable que les divertissements dont il est question (dans le désert et aussi dans les ou lors des festins à Corinthe) aient eu un caractère immoral.

L’idolâtrie n’est pas simplement l’acte de se prosternerqu'une attitude d'adoration devant une la statue d’un faux dieu. Sans doute, tous les chrétiens de Corinthe se seraient révoltés contre une telle pratique. Pourtant, comme Paul l’écrit plus loin, le simple fait de prendre part à des repas consacrés à ces dieux les mettait en communion avec des démons. Alors, chaque chrétien doit examiner ses pratiques et ses associations à la lumière de ce principe. Certes, il ne va pas adorer une image taillée, mais il peut néanmoins commettre la même erreur que les Corinthiens dans ce qu’il se permet. Il ne peut pas fréquenter impunément certains milieux sans entrer en communion avec les ennemis de Dieu. Chaque chrétien, à divers moments de sa vie, sera appelé à obéir à ce commandement du Seigneur : « Quel rapport y a-t-il entre le temple de Dieu et les idoles ? Car nous sommes le temple du Dieu vivant, comme Dieu l’a dit : J’habiterai et je marcherai au milieu d’eux ; je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. C’est pourquoi, sortez du milieu d’eux, et séparez-vous, dit le Seigneur ; ne touchez pas à ce qui est impur, et je vous accueillerai » (2Co 6.16-17).

10.8 Ne nous livrons point à la débauche, comme quelques-uns d’entre eux s’y livrèrent, de sorte qu’il en tomba vingt-trois mille en un seul jour.

L’événement que Paul évoque s’est passé lors du séjour du peuple d’Israël à Sittim, dans le pays de Moab, pas beaucouppeu de temps avant la traversée du Jourdain. De nouveau, le récit de l’Ancien Testament révèle que l’immoralité du peuple était liée à des festins où l’on mangeait des sacrifices offertsviandes sacrifiées aux idoles : « Israël demeurait à

Sittim ; et le peuple commença à se livrer à la débauche avec les filles de Moab. Elles invitèrent le peuple aux sacrifices de leurs dieux ; et le peuple mangea, et se prosterna devant leurs dieux. Israël s’attacha à Baal-Peor, et la colère de l’Éternel s’enflamma contre Israël » (Nb 25.1-3). À vrai dire, chaque fois que les autres écrivains du Nouveau Testament parlent du problème des sacrifices aux idoles, ils l’associent avec les associent à l’immoralité (Ap 2.14, 20 ; Ac 15.20, 29). Les historiens grecs relatent le rôle important de la prostitution dans le temple de la déesse Aphrodite à Corinthe, et on peut penser que c’était également le cas dans plusieurs autres temples. Il est probable que les problèmes d’immoralité quedont Paul adresse parle au chapitre 6 de cette lettre sont en partie la conséquence de la fréquentation des festins dans les temples.

On a souvent fait remarquer que le nombre de morts que Paul mentionne (23 000) ne correspond pas au le chiffre donné dans Nombres 25.9 (24 000). La différence s’explique peut-être par le fait que Paul parle de ceux qui sont morts « en un seul jour », tandis que le récit du livre des Nombres totalise tous ceux qui sont morts de la plaie, y compris les responsables qui ont été pendus par la suite (Nb 24.4). Il semble évident aussi que les deux chiffres sont arrondis, comme c’est souvent le cas dans la Bible, comme d’ailleurs dans les récits de l’Antiquité. L’apôtre Paul avait une connaissance intime de l’Ancien Testament, et possédait des sources de renseignements que nous n’avons pas actuellement ; nous pouvons donc en toute bonne conscience reconnaître que ce texte aussi fait partie de la révélation infaillible de Dieu.

10.9 Ne tentons point le Seigneur [le Christ], comme le tentèrent quelques-uns d’entre eux, qui périrent par les serpents.

Le verbe « tenter » signifie « mettre à l’épreuve », un acte qui peut être motivé par de bonnes ou de mauvaises intentions. Satan est appelé le tentateur (1Th 3.5), car il cherche

à faire tomber quelqu’un par l’épreuve. Quand Dieu met quelqu’un à l’épreuve, il agit toujours pour fortifier sa foi (Gn 22.1), et jamais pour le piéger (Jc 1.13). Comment peut-on tenter le Seigneur ? L’exemple des Israélites dans le désert nous aide à comprendre la nature de ce péché. Ils ont tenté Dieu de deux manières. Premièrement, ils mettaientIls ont mis d'abord la fidélité de Dieu à l’épreuve en exigeant de sa part une intervention miraculeuse. Ils disaient dans leur mécontentement et leur révolte : « L’Éternel est-il au milieu de nous, ou n’y est-il pas ? » (Ex 17.2-7). Mais l’incident que Paul cite ici ajoute une autreseconde dimension à l’idée de tenter Dieucette idée. Dans ce récit, le peuple mettait la patience de Dieu à l’épreuve par leurs ses plaintes et leursses murmures : « Le peuple s’impatienta en route, et parla contre Dieu et contre Moïse : Pourquoi nous avez-vous fait monter hors d’Égypte, pour que nous mourions dans le désert ? Car il n’y a pas de pain, et il n’y a pas d’eau, et notre âme est dégoûtée de cette misérable nourriture. Alors, l’Éternel envoya contre le peuple des serpents brûlants » (Nb 21.4-6 ; voir Ps 78.18). C’était alors une attitude d’ingratitude, d’incrédulité et de murmures qui a provoqué la colère du Seigneur au point de faire mourir « beaucoup de gens en Israël » (Nb 21.6).

« Ne tentons [pas] le Seigneur ! » L’avertissement est toujours d’actualité. Les conditions de vie que connaissait le peuple dans le désert n’étaient pas toujours très faciles. On dirait d’après notre texte que, l’eau n’était pas toujours à portée de main. La manne, nourriture parfaite pour ses qualités nutritives, était très appréciée – au début. Mais manger la même chose jourmatin et nuitsoir pendant quarante ans ? Il était facile de se laisser aller aux grognements et complaintes. « Que nous puissions retrouver notre ancienne vie avec nos poireaux et nos oignons ! Nous en avons assez de manger toujours la même chose ». Au lieu de « compter les bienfaits de Dieu », ils sont tombés dans les murmures et le mécontentement. Le premier pas vers la révolte contre Dieu est l’ingratitude. Ce peuple avait

assisté à une grande délivrance, et avait bénéficié de majestueux miracles. Au lieu d’exprimer sa reconnaissance, il languissaitsoupirait après son passél'Egypte. Que le Seigneur nous protège contre cette attitude qui regarde en arrièrede tourner nos regards vers le passé, et qui est indigne du serviteur de Jésus-Christ (Lc 9.62) !

10.10 Ne murmurez pas, comme murmurèrent quelques-uns d’entre eux, qui périrent par l’exterminateur.

Puisque les Israélites murmuraient à chaque tournant, Paul pourrait se référer ici à plusieurs incidentssans cesse, nous ne pouvons pas savoir à quel épisode Paul se réfère. Parle-t-il de la réaction du peuple au rapport rendu par les espions à leur retour de mission (Nb 14.1-4) ? Ou s’agitS’agit-il de l’occasion où Koré, Dathan et Abiram ont suscité une révolte contre l’autorité de Moïse (Nb 16.1-50) ? Peu importe. La réponse du Seigneur montre la gravité de ce mépris envers Dieu qui s’est exprimé dans une révolte contre le serviteur qu’il avait choisi, Moïse. Si Moïse n’avait pas intercédé pour le peuple, Dieu l’aurait anéanti dans les deux occasions (Nb 14.12 et 16.4524). L’exhortation de l’apôtre était nécessaire. La , puisque la mentalité des Corinthiens n’était pas bien différente de celle des Israélites, car et que certains chrétiens de cette ville mettaient en cause l’autorité de Paul et le critiquaient.

Ce tempérament qui consiste à critiquer et à grogner infecte souvent nos Églises francophones. Ne dit-on pas que le Français est l’un éternel râleur ? Il apprend dès sa jeunesse à faire la grève, à exprimer son mécontentement contre toute autorité et à contester tous ceux qui ont une position de responsabilité, même dans l’Église. Ce texte nous montre commentque Dieu voitcondamne cette attitude. Non seulement la critique peut saper complètement la bonne harmonie dans

24 Nb 17.10 dans certaines versions

une assemblée ;, mais encore elle s’érige contre Dieu lui-même. En de rares occasions, on peut être obligé de juger un responsable d’une Église qui est indigne de la place qu’il occupe (1Tm 5.19-20). Cependant, il est bien plus important de savoir apprécier etd' avoir de la déférence pour ceux qui se dévouent au service de Dieu (1Co 16.16)) et de savoir les apprécier. Les murmures et les critiques sont à bannir dansde nos communautés ; c’est un péché gravece sont de graves péchés.

10.11-12 Ces choses leur sont arrivées pour servir d’exemples, et elles ont été écrites pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des siècles. Ainsi donc, que celui qui croit être debout prenne garde de tomber !

Voir les notes sur le verset 6. Quelqu’un a dit que le chrétien désireux de connaître la volonté de Dieu dans n’importe quelle situation peut trouver dans les Écritures un exemple similaire qui l’aide à savoirconnaître la pensée de son Maître pour la situation qu'il vit. Les exemples que Paul vient de citer sont surtout un avertissementdes avertissements contre un faux sens de sécurité. Il nous rappelle que l’enfant de Dieu ne peutdoit jamais baisser sa garde, qu’il et ne peut jamais se croire à l’abri d’une chute. Maintenir une attitude correcte n’est pas très facile. D’un côté, nous pouvons nous réjouir dans l’assurance que le Seigneur « peut [nous] préserver de toute chute et [nous] faire paraître devant sa gloire irréprochables et dans l’allégresse » (Jude 1.24). Nous sommes entre ses mains, et personne ne peut nous en arracher (Jn 10.28-29). De l’autre, nous devons éviter cette fausse assurance que Jean-Baptiste a condamnée quand il a dit à ses compatriotes : « Produisez donc du fruit digne de la repentance, et ne prétendez pas dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père ! Car je vous déclare que de ces pierres-ci Dieu peut susciter des enfants à Abraham » (Mt 3.8-9).

c. La promesse par rapport à la tentation 10.1310.13 Aucune tentation ne vous est survenue qui n’ait été humaine, et Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; mais avec la tentation il préparera aussi le moyen d’en sortir, afin que vous puissiez la supporter.

Ce verset scintille comme un bijou dans un cadre sombre d’échecs et de risque de compromis avec l’idolâtrie. Les chrétiens ont raison de le mémoriser et de l’utiliser comme une arme puissante contre la tentation. On suppose que l’apôtre ajoute cette promesse ici pour donner de l’espoir aux chrétiens qui viennent de considérer tous les exemples négatifs d’échecs parmi le peuple de Dieu. Elle sert aussi de fondationfondement pour les conseils qui suivent. Face à la tentation de l’idolâtrie, le Le moyen que Dieu a donné pour la vaincre la tentation de l'idolâtrie est la fuite.

Notons que cette promesse élimine toutes les excuses que nous pouvons inventer pour justifier le péché dans notre vie. Nous sommes tentés de croire que notre situation est unique. « Si vous étiez à ma place, vous sauriez combien cette tentation est insurmontable ! » Comme si j’étais le seul au monde à être ainsi accablé… « Non » dit l’apôtre par le Saint-Esprit, la « tentation » que nous connaissons n’est pas surhumaine, et nous ne sommes pas les seuls à l’affronter. D’autres l’ont connue, et d’autres l’ont vaincue dans la force que Dieu donne. Nous ne pouvons pas dire non plus : « C’est plus fort que moi ! » Ce passage est formel : « Dieu », dans sa fidélité, ne permettra pas que nous soyons « tentés au-delà de [nos] forces ». Quand nous cédons à la tentation, c’est parce que nous n’avons pas voulu accepter l’issue de secours que le Seigneur nous a tendueproposée.

Par contre, l’assurance que cette promesse accorde est d’une valeur inestimable face aux dangers et aux inconnues du

futur. Le Seigneur, qui est souverain dans toutes les affaires de l’univers, veille sur ses enfants pour les protéger contre les pièges et les épreuves qui pourraient leur nuire véritablement. C’est pour cela que le chrétien peut trouver même de la joie dans l’épreuve ou dans « la tentation », car- c’est le même mot dans le en grec -(Jc 1.2). Un petit incident dans l’Exode permet de voir comment Dieu utilise même les apparentes déviations de la vie pour la protection de ses enfants. Le récit nous informe que « Lorsque Pharaon laissa aller le peuple, Dieu ne le conduisit point par le chemin du pays des Philistins, quoique le plus proche ; car Dieu dit : Le peuple pourrait se repentir en voyant la guerre, et retourner en Égypte. Mais Dieu fit faire au peuple un détour par le chemin du désert, vers la mer Rouge » (Ex 13.17-18). Le chemin détourné servait non seulement à éviter au peuple une trop grande épreuve, mais aussi à leurlui enseigner des vérités essentielles sur la providence divine.

4. Les implications pour les Corinthiens 10.14-11.1

a. Le danger de l’idolâtrie 10.14-2210.14-18 C’est pourquoi, mes bien-aimés, fuyez l’idolâtrie. Je parle comme à des hommes intelligents ; jugez vous-mêmes de ce que je dis. La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion au sang de Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas la communion au corps de Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps ; car nous participons tous à un même pain. Voyez les Israélites selon la chair, ceux qui mangent les victimes ne sont-ils pas en communion avec l’autel ?

Le mot clé de ce paragraphe est « la communion ». Notons que Paul ne dit pas que lorsque nous prenons la coupe

et le pain, nous mangeons le corps de Christ ou buvons son sang. Il dit plutôt que nous déclarons par cet acte que nous sommes en communion avec lui et avec son « corps » qui est formé de tous les croyants. De la même manière, les Israélites qui mangeaient les sacrifices ne mangeaient pas Dieu, mais ils manifestaient ainsi leur communion avec lui. Moïse disait aux Israélites d’apporter leurs dîmes à Jérusalem pour manger « devant l’Éternel », leur Dieu (Dt 14.22-27). Le chrétien aussi, lorsqu’il participe à la table du Seigneur, affirme sa communion avec le Seigneur Jésus-Christ. Le point que Paul veut communiquer aux Corinthiens est clair : manger dans un temple des viandes offertes aux idoles implique une certaine communion avec les êtres spirituels cachés derrière les idoles, les démons. Quelle, et que soit l’opinion des chrétiens sur la question, Paul affirme que l’acte de participer dansà un tel repas au temple était un acte de communion avec l’ennemi, qui risquait de provoquer la jalousie de Dieu.

10.19-22 Que dis-je donc ? Que la viande sacrifiée aux idoles est quelque chose, ou qu’une idole est quelque chose ? Nullement. Je dis que ce qu’on sacrifie, on le sacrifie à des démons, et non à Dieu ; or, je ne veux pas que vous soyez en communion avec les démons. Vous ne pouvez boire la coupe du Seigneur, et la coupe des démons ; vous ne pouvez participer à la table du Seigneur, et à la table des démons. Voulons-nous provoquer la jalousie du Seigneur ? Sommes-nous plus forts que lui ?

On pourrait penser, en lisant ces versets, qu’il faut éviter tout contact avec la viande sacrifiée aux idoles. Ce n’est pas le cas, car Paul précise par la suite que l’on peut en manger en bonne conscience dans certaines circonstances (10.25-27). Il écrit aux chrétiens de Rome : « Je sais et je suis persuadé par le Seigneur Jésus que rien n’est impur en soi, et qu’une chose n’est impure que pour celui qui la croit impure » (Rm 14.14). Ce que Paul trouve blâmable, c’est de participer « à la table des

démons ». La différence est subtile, mais importante à noter. Les Corinthiens n’avaient pas à craindre, par superstition, que les viandes achetées au marché soient polluées à cause de leur contact avec les idoles. Ils devaient craindre plutôt l’association avec les idoles, qu’ils occasionnaient quand ils participaient aux repas publics accompagnés par des de sacrifices. Car, par leur participation, ils attestaient leur approbation et adhésion au culte idolâtre , mais aussi leur « communion », non seulement avec les idoles, mais aussi » avec les démons. L’apôtre a certainement en tête le texte de Deutéronome auquel il s’est déjà référé (1Co 10.4). Le grave péché du peuple d’Israël contre leur Rocher est décrit ainsi : « Ils ont sacrifié à des idoles qui ne sont pas Dieu […] Ils ont excité ma jalousie par ce qui n’est pas Dieu, ils m’ont irrité par leurs vaines idoles » (Dt 32.17, 21).

Ce passage fait réfléchir. Il révèle que toute religion qui n’est pas d’inspiration divine provient plutôt des adversaires de Dieu. Cette vérité est difficile à accepter dans un monde qui se veut tolérant et réceptif à tout courant de pensée. Pourtant, les Écritures sont claires pour ceux qui les acceptent comme la révélation du Dieu véritable. La vérité est étroite, et on ne peut pas adorer n’importe qui n’importe comment. Ce passage avertit le chrétien que Jésus est le seul chemin vers Dieu (Jn 14.6) et que les autres chemins ont été inventés par les ennemis de Dieu et mènent à la perdition (Mt 7.13-14). D’où la gravité de manifester une certaine approbation au culte des idoles par une participation aux activités accomplies dans leur temple. D’où aussi la notion de la « jalousie » de Dieu. Dieu ne peut pas partager sa gloire avec des esprits qui s’opposent à lui et qui cherchent à détourner les gens de la seule source de salut en, Jésus-Christ.

Quelle est la mise en application de ces principes peut-on tirer pour nous aujourd’hui ? Dans certains pays, les festivités publiques sont encore accompagnées par des de sacrifices et desd' offrandes aux ancêtres ou à des divinités. Alors, le Le

chrétien trouveravivant dans ce texte contexte pourra trouver dans ces paroles de Paul une révélation claire et nette de la volonté de Dieu. Mais dans la plupart des pays occidentaux, il est plus difficile de reconnaître les associations qui peuvent compromettre notre communion avec le Seigneur. L’apôtre Jean nous avertit, par exemple, que toute personne qui accueille et qui salue un messager qui annonce un autre Évangileévangile participe à ses mauvaises œuvres (2Jn 1.11). Paul nous met en garde contre les associations intimes avec des non-croyants (2Co 6.14-18). Par contre, l’exemple de Jésus nous montre que le chrétien peut et doit cultiver des amitiés avec tous ceux qui l’entourent et accueillir même les « gens de mauvaise vie » (Lc 15.2). Comme dans plusieurs domaines de la vie chrétienne, l’acte est moins important que les motivations qui l’ont engendré. Le croyant devrait rechercher des activités où il peut rendre un bon témoignage à son Seigneur. Il doit éviter les associations qui peuvent compromettre son témoignage ou qui peuvent exercer une influence néfaste sur lui.

b. Le rappel des principes de la liberté en Christ 10.23-11.110.23-29 Tout est permis, mais tout n’est pas utile ; tout est permis, mais tout n’édifie pas. Que personne ne cherche son propre intérêt, mais que chacun cherche celui d’autrui. Mangez de tout ce qui se vend au marché, sans vous enquérir de rien par motif de conscience ; car la terre et tout ce qu’elle renferme sont au Seigneur. Si un non-croyant vous invite et que vous vouliez aller, mangez de tout ce qu’on vous présentera, sans vous enquérir de rien par motif de conscience. Mais si quelqu’un vous dit, ceci a été offert en sacrifice ! n’en mangez pas, à cause de celui qui a donné l’avertissement, et à cause de la

conscience. Je parle ici, non de votre conscience, mais de celle de l’autre.

Le chrétien peut alors « manger de tout », aussi longtemps qu’il peut le faire sans blesser la conscience de quelqu’un – soit la sienne (8.7) ousoit celle du prochain (10.28-29). Le principe va bien au-delà des questions de nourriture. Dieu nous demande de placer les intérêts des autres au-dessus de nos propres intérêts. Paul ne cesse de nous le rappeler (8.9-13 ; 9.19-22 ; 10.24-33). Voir le commentaire sur 10.33 pour quelques réflexions sur la différence entre rechercher la faveur des hommes et rechercher leur intérêt.

Les derniers paragraphes du chapitre 10 résument brièvement les différents principes qui permettent au chrétien de déterminer si l’acte ou l’activité ce qu’il compte faire est bon aux yeux de Dieu – ce qui est « permis ». On constate que Dieu ouvre devant ses enfants un grand champ d’action, que l’on désigne sous le nom de la liberté chrétienne. Inclus dans cet espace de liberté est tout ce qui est « utile » et qui « édifie » (10.23), « tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est vertueux et digne de louange » (Ph 4.8). C’est pourtant un champ qui a des limites à ne pas franchir. D’un côté, il s’arrête où la liberté devient inconduite – c’est l’enseignement de Paul au chapitre 6 (1Co 6.12-13). Au côté opposéDe l'autre, quand le chrétien sort du champ, il tombe dans les orties du légalisme et de la critique. À gauche, la limite de la liberté sera la ligne où débute fixe le début de l’idolâtrie ou de l’esclavage (6.12 et 10.7). À droite, la clôture marque la fin de l’amour et le début de l’égoïsme et du mépris des autres (10.24-29).

10.29-30 Pourquoi, en effet, ma liberté serait-elle jugée par une conscience étrangère ? Si je mange avec actions de grâces, pourquoi serais-je blâmé au sujet d’une chose dont je rends grâces ?

On peut comprendre ces versets de deux manières presque contradictoires. Certains pensent que Paul précise ce qu’il vient d’écrire en adressant un avertissement aux faibles qui pourraient critiquer la « liberté » de ceux qui mangent. Il dirait alors « vous n’avez pas le droit de me juger et de me blâmer, car j’agis en bonne conscience et je suis reconnaissant pour ce que je mange ». La difficulté avec cette interprétation réside dans le fait que Paul semble renverser la vapeur, défendant subitement la liberté des forts même quand la conscience d’un autre est troublée. L’autre manière de comprendre Paul consiste à voir dans ses déclarations une explicationsaisir pourquoi – au verset 28 – on doit refuserpourquoi il faut s'abstenir de manger (v.28). Selon cette interprétation, Paul dit « Pourquoi est-ce que je vais insister sur ma “ liberté ” au point où je seraid'être jugé et blâmeblâmé pour un acte dont je peux moi-même être reconnaissant ? » Cette interprétation semble mieux correspondre à la pensée de cette section. Paul ne défend pas ses libertés ici ; il encourage plutôt une conduite qui prend en considération les sensibilités des autres.

10.31-33 Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu. Ne soyez en scandale ni aux Grecs, ni aux Juifs, ni à l’Église de Dieu, de la même manière que moi aussi je m’efforce en toutes choses de complaire à tous, cherchant, non mon avantage, mais celui du plus grand nombre, afin qu’ils soient sauvés.

Rappelons brièvement alors les différents principes qui déterminent le bon usage de notre liberté en Christ. Tout est permis si :

1. c’est utile (6.12 ; 10.23) ;

2. cela ne nous mène pas dansà un esclavage (6.12) ;

3. cela n’engendre pas un péché condamné par Dieu – l’inconduite, l’idolâtrie, les murmures, l’arrogance (6.13-18 ; 10.7-14) ;

4. cela édifie, construit l’autre (10.23) ;

5. cela ne trouble pas ma conscience (8.7) ;

6. cela respecte la conscience et les sensibilités des autres (8.9-13 ; 10.24) ;

7. c’est pour la gloire de Dieu (10.31) ;

8. ce n’est pas une occasion de chute (10.32) ;

9. cela attire les non-croyants à Christ pour leur salut (10.33) ;

10. cela correspond au modèle de la conduite de Paul et de Christ (11.1).

La vie chrétienne est alors ordonnée selon une série de principes qui se résument dans les deux grands commandements de Dieu : aimer Dieu et aimer son prochain. Cela donne au croyant beaucoup de liberté, mais aussi un certain trouble, puisque ces principes sont vagues et peuvent paraître même contradictoires. En effet, Paul dit qu’il fait tout pour « complaire à tous » (10.33 ; voir aussi Rm 15.1-2). Mais ailleurs il écrit, utilisant le même verbe : « Est-ce que je cherche à plaire aux hommes ? Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais pas serviteur de Christ » (Ga 1.10). Dans sa deuxième lettre, deux fois il dit aux Corinthiens qu’il ne veut pas se recommander (2Co 3.1 et 5.12) et deux fois il leur dit qu’il se recommande à eux (4.2 et 6.4) ! Malgré l’apparente contradiction, nous trouvons deux principes qui reflètent la

volonté de Dieu pour nous. Effectivement, si notre but est de gagner la faveur et les applaudissements des hommes, nous serons de bien pitoyables serviteurs de Dieu. En même temps, nous devons, par un comportement sans reproche, nous recommander à toute conscience d’homme, et chercher à gagner, non seulement leur faveur, mais aussi leur salut. La motivation détermine de nouveau la validité de l’acte.

Malgré le flou qui pourrait exister touchant la volonté précise de Dieu dans les sujets que les Écritures ne traitent pas, le chrétien qui s’attache aux principes énoncés dans ces versets va marcher de manière à plaire à son Maître.

11.1 Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ.

Voir les notes sur 4.16. Paul a partagé en détail sa conception de la vie en Christ, commentnous a dit qu' il était prêt à renoncer à ses droits et à ses libertés pour mieux servir le Seigneur et les autresses contemporains. Il nous encourage maintenant à suivre son exemple, qui est également celui de Jésus.

Ces chapitres révèlent essentiellement deux grands aspects de la vie de Paul et de Jésus que chaque chrétien doit imiter. Le premier concerne notre manière de vivre. Christ a dit : « … le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de beaucoup » (Mt 20.28). L’idée fondamentale de ces derniers chapitres est celle d’un service, non pas dans notre intérêt, mais en faveur des autres. Nous avons continuellement besoin de nous rappeler que Dieu nous laisse sur la terre pour servir et non pour être servis.

Le deuxième aspect concerne notre objectif dans la vie. Jésus a dit : « … le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19.10). Paul exprime également à

travers cette section que son ultime but dans tout ce qu’il fait est le salut du plus grand nombre (1Co 9.22 ; 10.33). Aujourd’hui, le monde regarde avec beaucoup de méfiance et de mépris ceux qui cherchent à « convertir » les gens. Il est alors facile d’oublier que le plus grand besoin des gensdu monde n’est pas ni matériel ni psychologique, mais spirituel. Chaque chrétien qui a reçu gratuitement le pardon et la vie éternelle en Christ doit garderpoursuivre comme son but primordial le partage de ce trésor avec ses prochains. Sans cela, il ne peut pas prétendre qu’il imite son Seigneur dans la raison principale de sa venue dans le monde.

SUJETS DE DISCUSSION

1. Pour les Corinthiens, participerLes Corinthiensqui participaient aux festins dans les temples les mettait en danger d’entrer en communion avec desrisquaient d'être asservis aux démons. Quelles sont les relations dans notre société qui peuvent nous poser leexposer au même danger ? Le Yoga ? Les festivals de musique rock ? Comment déterminer le danger ? Textes complémentaires : Jc 4.4-5 ; 1Jn 2 15-17 ; 1P 5.8.

2. Que faire quand une Église est troublée par les murmures et les critiques ? Comment guérir cette maladie ? Textes complémentaires : Mt 5.23-24 ; Mt 18.15-20 ; Tt 1.10-15 ; Ph 4.2-3.

III. Réponses aux questions 7.1-16.4C. Les rôles de l’homme et de la femme dans l’Église 11.2-

16

C. Les rôles de l’homme et de la femme dans l’Église 11.2-16

Ce texte est notoire pour les difficultés qu’il pose aux exégètes et pour les troubles qu’il cause dans sa mise en application. Des livres entiers ont été consacrés à ce sujet et il est impossible d’examiner en détail tout ce qui a été dit. Quand des hommes qualifiés qui aiment Dieu et sa Parole diffèrent dans leur interprétation d’un passage, il convient de l’approcher avec un esprit d’humilité et de respect pour les positions divergentes. Celui qui est absolument sûr de l’enseignement de Paul ici n’a pas réellement évalué les différentes manières de le comprendre et campe avec rigidité sur la sienne. Car si les instructions de Paul devaient êtreétaient probablement claires pour les Corinthiens, elles posent quelques difficultés importantes pour l’étudiant d'aujourd’hui.

Il y a au moins troisTrois incertitudes majeures qui au moins nous gênent dans notre compréhension de ce qui se passait à Corinthe et de ce que Paul conseillait. La première incertitude concernePremièrement la signification de certains termes que l’apôtre emploie. Deuxièmement, le lecteur moderne a beaucoup de peine à suivre l’argumentation de Paul difficile à suivre par le lecteur moderne . Et troisièmement, nous ignorons en grande partie les coutumes de l’époque auxquelles Paul se réfère, tant dans le mondeles mondes grec, romain et juif que dans les Églises qu’il avait fondées nous sont en grande partie inconnues. La NEG que nous utilisons dans ce livre ne donne pas toujours le sens des mots originaux. Elle est plutôt le reflet d’une interprétation du passage qui était de modeen vogue à l’époque du traducteur. Par exemple, on verra

que même le sujet principal du texte est à discuterse discute, car le mot grec pourtraduit par « voile » ne se trouve qu’une seule fois dans le passage. Au verset 14, il est dit de la femme que « la « La chevelure lui a été donnée comme voile ».» (v.15). Toutes les autres fois la NEG utilise incorrectement les mots « voile » et « voiler » pour traduire un mot grec qui veut dire simplement « couvert », et qui peut signifier une tout autre chose.

Une partie du problème est de savoir exactement pour quelle raison Paul aborde avec les chrétiens de Corinthele sujet de la tenue des gens à Corinthe. En toute probabilité, Paul il cherche à corriger le comportement des de certaines femmes dans l’assemblée, car ces remarques ont surtout la femme en vue les femmes, et il parle de leur tenue quand elles prient et prophétisent, ce qui suggère fortement une activité devécue en communauté. Comment a-t-il eu connaissance du problème ? Répond-il à une question posée par écrit dans leur lettre ? Cela est possible au vu des instructions qui peuvent se comprendre plus facilement si Paul reprend quelques expressions que les Corinthiens avaient déjà utilisées. On a suggéré que certaines femmes aient pensépensaient que leur nouvelle vie en Christ leur donnait les mêmes droits et les mêmes rôles que les hommes. Elles auraient même pu s’appuyer sur l’affirmation de Christ, qui a dit : « à la résurrection, les hommes ne prendront point de femmes, ni les femmes de maris, mais ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel » (Mt 22.30). Cela pourrait expliquer la référence un peu surprenante que Paul fait aux anges dans le verset 10.

11.2 Je vous loue de ce que vous vous souvenez de moi à tous égards, et de ce que vous retenez mes instructions telles que je vous les ai données.

C’est une déclaration un peu surprenante, quand on considère que Paul écrit la lettre justement pour corriger les chrétiens qui avaient contesté ses instructions ! En particulier,

plus loin dans ce chapitre il leur dit avec beaucoup de vigueur qu’il ne peut pas les louer à cause de leur conduite coupable dans les repas fraternels de l’Église (11.17-22). Pourquoi alors les féliciter ? Est-ce parce que Paul écrit, non pour les décourager, mais pour les édifier et les encourager à mieux faire ? Un mot de félicitations et d’encouragement est toujours approprié, mêmesurtout quand on a des choses dures à dire.

La Bible de Jérusalem donne une traduction plus juste : « Je vous félicite de ce qu’en toutes choses vous vous souvenez de moi et gardez les traditions comme je vous les ai transmises ». Le mot que Paul emploie ici est bien « traditions », un enseignement passé de génération en génération, et qui devient la coutume de l’Église. Ce verset est un bon rappel avant d’entamer un sujet qui risque d’entrer en conflit avec le courant de pensée de notre siècle. Le chrétien et la chrétienne Les chrétiens sont toujours bénis quand ils acceptent d’obéir à la Parole de Dieu. Ce texte n’est pas une exception à la règle. Si ce passage enseigne que laqu'une chrétienne doit toujours porter un voile lors d’une réunion, ou quand elle prie ou parle dans un culte, alors elle devra le faire avec un cœur joyeux et paisible, même si elle ne comprend pas tous les raisonnements de Paul. Mais il est tout aussi important de bien comprendre ce que Dieu veut. Des questions importantes restent à élucider : Quelle est exactement la tenue que Paul conseille ? S’agit-il d’une loi pour tous les temps et toutes les cultures ou est-il question des principes de bienséance qui peuvent varier selon les siècles et les cultures ? Ce sont ces questions-là qui font que des chrétiens qui aiment le Seigneur et sa Parole ont des opinions divergentes.

Les « traditions » qui sont solidement ancrées dans la vérité de la Parole de Dieu sont à retenir, comme doivent être retenues, dit l’apôtre dit ici. Cependant, dans toutes les Églises, quel que soit leur bord, il existe des coutumes qui ne sont pas forcément bibliques, mais qui reflètent plutôt une certaine

manière humaine de concevoir la foi. De telles traditions ne sont pas nécessairement mauvaises, mais elles peuvent devenir nocives quand on les prend pour considère comme inspirées et que l’on condamne ceux qui ne les suivent pas. Jésus a jugé sévèrement cette attitude chez les religieux de son époque. Ils avaient bâti toute une tradition au sujet de la purification, basée sur quelques textes de la loi, et ils critiquaient Jésus et ses disciples parce qu’ils ne s’étaient pas conformés à leurs doctrines. Jésus leur a dit : « Hypocrites, Ésaïe a bien prophétisé sur vous, ainsi qu’il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est éloigné de moi. C’est en vain qu’ils m’honorent, en donnant des préceptes qui sont des commandements d’hommes. Vous abandonnez le commandement de Dieu, et vous observez la tradition des hommes » (Mc 7.6-8). Un chrétien peut aussi être si attaché à ses traditions qu’il oublie les principes les plus importants de la Parole. Les traditions peuvent être bonnes, même si elles n’ont pas forcément un précédent biblique, mais que chacun sachesachons faire la différence entre ces traditions et les prescriptions révélées par Dieu dans sa Parole.

11.3 Je veux cependant que vous sachiez que Christ est le chef [tête] de tout homme, que l’homme est le chef [tête] de la femme, et que Dieu est le chef [tête] de Christ.

Le mot « chef » dans ces versets est en réalité le mot grec pour « tête », et il vaut mieux le traduire ainsi. Clairement, dans ce verset, le mot prend un sens figuré, mais le sens exact est une question de débat. Malgré quelques voix contraires, il semble que le grec utilisait le mot « tête », non pas pour symboliser « une autorité », mais plutôt « une source »25. Il 25 Un exégète écrit : « Dans l’usage normal du grec classique et contemporain, kephalé (tête) ne signifie pas “tête” dans le sens d’un dirigeant ou d’un chef d’une communauté. Si kephalé a ce sens dans les écrits de Paul (il ne l’a certainement pas ailleurs dans le Nouveau Testament), nous devons supposer qu’il l’a acquis du fait que les

existe alors une incertitude concernant la compréhension des Corinthiens de ce mot. Paul, a-t-il voulu dire que l’homme est le chef de la femme ou seulement qu’il était la source de sa vie ? En tant que Juif, Paul savait que le mot pour « tête » en langue hébraïque désignait souvent un chef ou une personne de haut rang (Es 7.8-9). Cette nuance se retrouve dans les passages du Nouveau Testament où Christ est appelé la tête de l’Église et de toute autorité (Ep 1.22 ; 4.15 ; 5.23 ; Col 1.18 ; 2.10, 19). De toute évidence alors, Paul affirme dans notrece texte qu’une certaine hiérarchie existe dans l’univers, selon le sens hébraïque du mot « tête ». Le contexte du chapitre suggère que l’idée est aussi présente dans son esprit. L’autoritéLa prééminence de l’homme existe en partie parce qu’à l’origine, la femme a été tirée de l’hommelui.

Cette hiérarchie existe premièrement en Dieu, car Dieu le Père est « la [tête] de Christ ». D’autres textes bibliques ajoutent une certaine lumière à cette affirmation. À maintes reprises, Jésus-Christ est présenté comme l’égal de son Père, digne de la même adoration (Jn 5.17-23 ; Ph 2.5-11). MaisPourtant il se montre toujours une soumissionsoumis à son Père, quand il était sur la terre (Jn 5.19 ; 6.38) mais aussicomme dans l’éternité (1Co 15.24-28).

Paul affirme que les rapports entre l’homme et la femme ressemblent à ceux qui existent entre Dieu et Christ. Dire que l’homme est la tête de la femme ne signifie nullement qu’elle est inférieure. Le texte de la Genèse indique nettement que

LXX s’en servent pour traduire le mot hébraïque pour tête, rosh ». S. Bedale, cité dans Fee, page 502. Fee cite et critique la position de Grudem, qui affirme que le mot tête signifie dans le grec une « autorité ». Dans les 2 336 exemples qui forment la base de son étude, seulement un très petit nombre seulement sont à prendre symboliquement, et desles 49 exemples bibliques où le mot peut signifier « autorité » la grande majorité provient de l’Ancien Testament ou du Nouveau Testament, où ils reflètent le sens du mot hébraïque.

l’homme et la femme sont tous deux à l’image de Dieu (Gn 1.27). Il dit que la femme est « une aide semblable » à l’homme (2.18), ce qui veut dire dans l’original que la femme est le complément de l’homme. Le mot « aide » ne comporte aucune idée d’infériorité, car Dieu lui-même est appelé notre « aide », le même terme que dans la Genèse (Ps 33.20 ; 70.6). Paul écrit aux Galates que tous ceux qui sont en Christ sont un et ont la même valeur : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ » (Ga 3.28).

Cependant, notre ce texte enseigne que l’homme a une fonction de tête dans ses rapports avec la femme. La femme chrétienne est alors appelée à se soumettre à l’homme dans au moins deux domaines : dans les Églises l' Église et au sein du le mariage. Les raisons pour cette soumission en sont un peu surprenantes. Paul ne dit pas que la femme soit moins capable ou moins intelligente que l’homme ; il dit que la femmemais qu'elle doit accepter ce rôle pour trois raisons qui remontent à la création :

1) L’homme a été créé enle premier (1Tm 2.13). Il a, en quelque sorte, la responsabilité qui découle du fait qu’il a le de son droit d’aînesse. Dans la loi de l’Ancien Testament, le premier-né avait la responsabilité de la gérance de la famille, et recevait une double portion de l’héritage. Cela ne voulait pas dire qu’il était plus intelligent ou plus sage que les autres.

2) La femme a été créée pourdans le but d' être une aide à pour l’homme, et non pas l’homme à cause de la femme (1Co 11.8-9). Aucune infériorité n’est suggérée dans ce fait. Dieu nous dit seulement que les rôles de l’homme et de la femme sont différents.

3) Lors de la chute d’Adam et d’Ève, Dieu prononça un jugement a prononcé contre la femme un jugement qui la place sous l’autorité de l’homme (1Ti 2.14-15 et Gn 3.16).

Le chrétien accepte par la foi ces différences entre le rôle de l’homme et de la femme, sachant qu’elles n’octroient aucune supériorité à l’homme. Il les accepte comme des principes valables dans toutes les époques et toutes les cultures parce qu’ils remontent à l’origine de l’humanité. Par contre, il ne peutdoit jamais utiliser ce texte pour justifier une attitude de domination sur la femme. Si Dieu invite la femme à se soumettre à l’homme, il commande aux hommes qui ont la responsabilité de diriger d’être les serviteurs (Mt 20.26-27)), et aux maris de se donner pour le bien de leur femme d’après l’exemple de Christ qui s’est donné pour l’Église (Ep 5.25-26). La différence dans l’attitude de l’unl’homme et de l’autre la femme est minime. La direction dans une Église ou dans un foyer implique une responsabilité plus qu’un privilège. Dieu nous invite tous à nous soumettre les uns aux autres (Ep 5.21). L’homme ou la femme qui insiste pour occuper une position ou avoir un rôle qui n’est pas le sien perd le respect des autres et devient par la suite moins utile pour le Seigneur.

11.4 Tout homme qui prie ou qui prophétise, la tête couverte, déshonore son chef [tête].

Une traduction exacte du grec rend le texte incompréhensible en français. Littéralement, Paul écrit : « Tout homme qui prie ou qui prophétise ayant ( ) de la tête fait honte à sa tête ». On suppose qu’il veut dire par cet idiome que l’homme en question a sur sa tête une espèce de châle de prière ou autre chose (de longs cheveux ?). On suppose également que sa « tête » ici signifie le Christ. Certainement les Corinthiens le comprenaient. Aujourd’hui, nous comprenons moins bien pourquoi une telle tenue ferait honte à Christ. La raison principale que Paul donne de ne pas se couvrir est que l’homme « est l’image et la gloire de Dieu » (11.7). De plus, à l’époque

de l’apôtre, les hommes se couvraient la tête en signe de deuil, et des tableaux. Des fresques à Pompéi montrent un prêtre de la secte d’déesse Isis avec la tête couverte. Il est aussi possible que les Juifs se soient mis un châle sur la tête pour prier, mais l’évidence de cette coutume provient d’une époque bien après postérieure à celle de Paul26. Est-ce aussi pour se distancer de ces pratiques que l’apôtre dit que le chrétien fait honte à sa tête quand il se couvre dans son ministère ? Ou est-ce que le fait de se couvrir était une honte parce que l’homme en question prendrait la tenue d’une femme ou d’un homosexuel ?

11.5-6 Toute femme, au contraire, qui prie ou qui prophétise, la tête non voilée [découverte], déshonore son chef [tête] : c’est comme si elle était rasée. Car si une femme n’est pas voilée [ou : n’est pas couverte], qu’elle se coupe aussi les cheveux. Or, s’il est honteux pour une femme d’avoir les cheveux coupés ou d’être rasée, qu’elle se voile [ou : qu’elle se couvre].

Le texte entre parenthèses est celui qui traduit le mieux l’original. Comme nous l’avons déjà dit, le mot qui signifie « voile » ne se trouve pas dans ce texte. Les exégètes ont compris les termes de Paul de trois manières différentes :

1) La « couverture » que Paul préconise consiste en des cheveux d’une longueur correcte. Cette interprétation s’appuie sur l’affirmation de Paul au verset 15 que la chevelure d’une femme sert de voile ou de couverture. Mais alors, on a de la peine à savoir ce que Paul dit au verset 6. D’après cette interprétation, il fautfaudrait lire : « Si une femme n’a pas les cheveux longs, qu’elle se coupe aussi les cheveux », ce qui semble une lapalissadene veut rien dire.

26 Fee Gordon D., The First Epistle to the Corinthians, Grand Rapids : Eerdmans, 1987, page 507.

2) Une deuxième interprétation s’appuie sur quelques textes de la traduction grecque de l’Ancien Testament, où les mêmes termes pour traduits par « découvert » signifient en toute probabilité des « cheveux défaits » ou « décoiffés » (Lv 13.45 et Nb 5.18). En effet, la littérature de l’époque montre que les dépeint des femmes se décoiffaientdécoiffées en signe de deuil, mais aussi par esprit de libertinage. Dans certaines sectes occultes en Grèce, les prophétesses exerçaient leur métier la chevelure décoifféedéfaite. D’après cette interprétation, quelques femmes de l’Église auraient choqué leur entourage en laissant leurs cheveux en désordre pour proclamer leur liberté en Christ. Paul aurait commandé à ces femmes de se coiffer correctement et d’être modestes lors des réunions publiques.

3) Selon la troisième interprétation, la femme à la tête découverte est celle qui aurait ôté une couverture que les femmes portaient d’habitude en public, soit : un voile, un châle ou une écharpe, de nouveau pour vanteraffirmer leur liberté en Christ. Il est peut-être important de comparer ce que Paul dit dans sa deuxième lettre, où il parle du « voile » quedont Moïse avait mis pour couvrircouvert son visage (2Co 3.13-16). Non seulement Paul utilise un autre mot, qui signifie clairement un « voile », mais il précise que c’était pour couvrir le visage, ce qui n’est pas le cas dans notre le texte qui nous occupe.

Une des difficultés est de savoir quelles étaient les coutumes de l’époque. Nous savons que dans certains foyers de Juifs orthodoxes de tendance orthodoxe, les femmes étaient cloîtrées et n’avaient même pas le droit de sortir de la maison. Une lecture de la Bible ne nous aide pas beaucoup, car très peu de textes en parlent. Rébecca voyageait sans voile, mais en a mis un au moment de rencontrer son futur mari, Isaac (Gn 24.65). La belle-fille de Juda a été prise pour une prostituée parce qu’elle portait un voile (Gn 38.14-15). En dehors de ces deux incidents qui donnent des impressions contradictoires,

nous ne savons pas grand-chose. Seulement, si le voile était une marque importante de la soumission de la femme à l’homme, il est franchement étonnant que la Loi de Moïse n’en parle pas. ToutUne lecture de la Bible laisse à croire que les femmes qui vivaient en Israël et qui suivaient Jésus ne portaient pas de voile. Nous ignorons également les coutumes de l’Empire romain et de la Grèce. En tout cas, aucune statue de femme ne montre un voile.

En conclusion, il est impossible de savoir avec certitude quelle était la tenue des femmes que Paul conteste, ni ce qu’il propose. Ce que l’on peut retenir, c’est que certaines femmes dans l’Église, par leur tenue, manquaient de respect pour l’ordre que Dieu avait établi entre l’homme et la femme. En priant et en prophétisant la tête découverte, elles faisaient honte àdéshonoraient leur tête et à leur propre personne ; c’était comme si elles s’étaient rasé la tête.

11.7-9 L’homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu’il est l’image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l’homme ; et l’homme n’a pas été créé à cause de la femme, mais la femme a été créée à cause de l’homme.

Les raisons que Paul donne pour appuyer ses conseils sont surprenantes et nous posent aussi quelques difficultésproblèmes. Quel sens donner à son affirmation que « l’homme […] est l’image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme » ? Nous pouvons être sûrs que l’apôtre accepte pleinement la vérité inscrite dans la de Genèse que1:27 : la femme aussi bien que l’homme esta été créée à l’image de Dieu (Gn 1.27). C’est le mot « gloire » qui indique la différence entre le rôle de l’homme et celui de la femme, un mot qui ne se trouve pas dans le récit de la création. Selon les versets qui suivent, la femme est « la gloire de l’homme » parce

qu’elle est venue de l’homme et qu’elle a été créée à cause de lui. Mais pourquoi serait-elle ainsi sa gloire ? Doit-on comprendre par là que l’homme trouve sa gloire dans cette créature que Dieu fait pour lui et qui le complète ? Elle n’est donc pas son esclave, mais plutôt son sujet de gloire. Le rôle de la femme n’est pas de glorifier l’homme ; elle est appelée, comme tout être humain, à glorifier Dieu dans sa vie. Elle est aussi mandatée àpour être la gloire de l’homme, la réjouissancejoie de son cœur, de la même manière que l’homme est l’objet de la gloire de Dieu.

11.10 C’est pourquoi la femme, à cause des anges, doit avoir sur la tête une marque de l’autorité dont elle dépend.

Ce texte est mal traduit par de la NEG, qui nous laissetransmet une interprétation plus qu’une traduction. Littéralement, Paul dit aux Corinthiens : « C’est pourquoi la femme doit avoir de l’autorité sur (sa) tête à cause des anges ». Les mots « une marque » et « dont elle dépend » sont les des rajouts qui sont absents dans le grec.

Ce verset est parmi les plus obscurs de la lettre. La façon la plus naturelle de lire comprendre cette phrase est de comprendre que la femme a le droit et l’autorité de faire ce qu’elle veut avec sa tête. Car le mot « autorité » dans la littérature grecque a toujours le sens de « droit » que l’on possède, et jamais de l’autorité à laquelle on est soumis. C’est le mot que Paul utilise quand il écrit, « N’avons-nous pas le droit de manger et de boire ? » (1Co 9.4 – souligné par l’auteur). Mais le contexte semble infirmer une telle interprétation. Pourquoi l’apôtre dirait-il aux femmes qu’elles peuvent avoir le droit de faire ce qu’elles veulent avec leur tête après leur avoir dit de la couvrir ? Pourtant, les autres interprétations ne sont guère plus convaincantes. Dire que Paul utilise le mot « autorité » pour désigner un voile, un châle ou les cheveux tressés impose au mot un sens franchement bizarre.

Et si c’est le cas, est-ce que la couverture sert de marque d’autoritépour l'autorité qu’elle a ou pour celle dont elle dépend ? Éloignés que nous sommes du contexte de la lettre, nous ne pouvons pas savoir exactement ce que l’apôtre voulait dire ni pourquoi. Il est possible que ce texte soit obscur pour nous parce que l’apôtre se réfère à une question ou une affirmation faiteposée par les Corinthiens ou à une affirmation de leur part.

Nous sommes aussi un peu surpris de voir que Paul évoque les « anges » dans sa discussion. Il en parle à quatre reprises dans cette lettre (4.9 ; 6.3 ; 11.10 et 13.1). Puisqu’il dit dans le premier texte que lui et ses collaborateurs et lui ont été en spectacle au monde et aux anges, il affirme peut-être la même idée ici. Ses conseils aux femmes sont à respecter parce que les anges du ciel observent ce qui se passe dans les Églisesl' Église. Ils sont effectivement « des esprits au service de Dieu, envoyés pour exercer un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter du salut » (Hé 1.14). Puisque les chrétiens vont juger les anges (1Co 6.3), la couverture de la femme pourrait aussi symboliser son autorité de régner partagée avec l’homme pour régner sur les anges. De nouveau, nous sommes obligés de nous contenter de conjectures.

11.11-12 Toutefois, dans le Seigneur, la femme n’est point sans l’homme, ni l’homme sans la femme. Car, de même que la femme a été tirée de l’homme, de même l’homme existe par la femme, et tout vient de Dieu.

Ce texte est un complément aux versets 8 et 9, et a une structure presque identique. Paul l’écrit pour préciserprécise ainsi ce qu’il vient de dire. Il ne veut pas que ses pensées soient mal interprétées au point que le croyant sous-estime ou méprise ses sœurs en Christ. Comme il l’expliquera plus tard, chaque croyant joue un rôle important dans le corps de Christ, et chaque membre du corps dépend des autres. De la même

manière, l’homme ne peut exister sans la femme, ni la femme sans l’homme ; ils sont interdépendants. L’important est que chacun reconnaisse la place que le Seigneur lui donne, et serve le Seigneur sans jalousie ni orgueil.

11.13-16 Jugez-en vous-mêmes : est-il convenable qu’une femme prie Dieu sans être voilée [sans être couverte] ? La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas que c’est une honte pour l’homme de porter de longs cheveux, mais que c’est une gloire pour la femme d’en porter, parce que la chevelure lui a été donnée comme voile ? Si quelqu’un se plaît à contester, nous n’avons pas cette habitude, pas plus que les Églises de Dieu.

Paul termine sa discussion en revenant aux raisons pour lesquelles la femme doit « se couvrir » quand elle prie Dieu. Il en donne trois qui sont plutôt fondées sur ce qui est convenable et conforme à l’opinion des gensgénéralement admise à l'époque. Les femmes doivent se couvrir parce que :

1. c’est correct selon l’opinion générale,

2. c’est conforme aux différences que l’on trouve naturelles entre la chevelure des femmes et celle des hommes, et

3. c’est ce que l’on pratique dans toutes les Égliseséglises.

Il faut préciser ce que Paul veut dire quand il écrit que « c’est une honte pour l’homme de porter de longs cheveux ». De toute évidence, Paul lui-même, à une certaine époque, a laissé croître ses cheveux pour accomplir un vœu de naziréat (Ac 18.18 ; Nb 6.1-5, 18). Ce n’était pourtant pas ce qui était normal à l’époque. Ce texte (1Co 11.13-16), avec le verset 6, nous montre clairement que son le monde dans lequel il

évoluait considérait que les hommes devaient avoir les cheveux courts et les femmes les cheveux longs. Les mots clés ici sont « convenable », « honte » et « gloire ». Quand il fait appel à la « nature », il faut comprendre « ce qui paraît naturel », ce qui ne fait pas honte aux yeux de à la société ou des gens des Églisesà l'Eglise.

Il nous reste encore une question délicate à traiter par rapport à cette section de la lettre. Quelles conclusions peut-on tirer pour ce qui concerne leur application aujourd’hui dans nos Églises du vingt-et-unièmeXXIè siècle ? Avec une certaine hésitationréticence, nous suggérons les points suivants :

1) Ce texte nous rappelle avec force le fait que certains passages de la Bible posent des problèmes d’interprétation. Il y a une leçon importante à en retirer. « Toute l’Écriture est inspirée de Dieu » (2Ti 3.16), mais aucune interprétation ne l’est. Le chrétien doit étudier la Parole avec beaucoup de rigueur, être ferme dans ses convictions quand le texte biblique est sans ambiguïté, mais rester humble et ouvert quand le texte contient des points obscurs. « Toute l’Écriture est [aussi] utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice » (2Ti 3.16), et ce texte n’est pas une exception, même si quelques détails échappent à notre compréhension. L’utilité de ce passage se démontre dans les grands principes qu’il nous laisse, entre autres, ceux que nous allons développer.

2) Nous constatons selon ce passage qu’uneque la participation d'une femme peut participer publiquement dans une assemblée,est autorisée – par la prière ou par la prophétie – dans une assemblée publique. Nous trouvons plus loin dans la lettre ce qu’implique ce dernier termela prophétie : « Celui qui prophétise […] parle aux hommes, les édifie, les exhorte, les console » (1Co 14.3). Si la femme n’a pas le droit de donner un enseignement suivi et autoritaire aux hommes (1Tm 2.12), elle a toute liberté de prendre la parole pour prier, encourager et

édifier ses frères et ses sœurs en Christ. Il faut seulement qu’elle accepte, comme tous d’ailleurs, de se soumettre à ceux qui conduisent l’Église (Hé 13.17).

3) Ce texte nous enseigne que dans le plan de Dieu, l’homme et la femme ont un rôle différent tout en étant égaux devant Dieu. En règle générale, l’homme aporte la responsabilité de présider dans sa famille et dans de l’Église. La femme doit être soumise à son mari (Ep 5.22) qui doit bien présider diriger sa maison (1Tm 3.4). Elle ne doit pas occuper ni un rôle de docteur dans l’Église ni celui d’ancien (1Tm 2.12 ; 3.2-7). Plus importantMais plus importante que la fonction est l’attitude de la personne. Il existe desCertaines situations oùobligent une femme est obligée d’à occuper la fonction de responsable, faute d’hommes dignes de le faire. Qui va se lever pour critiquer une femme qui part dans une terre de mission parce qu’aucun homme ne se présente, et qui prendoccupe le rôle d’enseignant et d’enseignante et de responsable ? L’important, c’est qu’elle le fasse toujours dans l’optique deen gardant à l'esprit qu'elle devra céder sa place une fois qu’à un homme sera assez fondé dans la Parole de Dieu pour la remplacer. Qui va médire d’une femme qui prend la direction dans son foyer parce que son mari abdique et refuse de le faire ? Par contre, la femme qui insiste à pour diriger et qui refuse de laisser son mari prendre la place qui lui revient fait du mal àsème le trouble dans son couple.

4) Ce texte nous enseigne également aussi que la tenue de l’homme et de la femme doit être spécifique à leur sexe, et que dans son le comportement au moins,de la femme doit refléter sa soumission à l’autorité masculine dans l’Église. Ce principe est appliqué différemment selon l’interprétation du passage. Certains exégètes comprennent que la femme d'aujourd’hui doit mettre une couverture artificielle, soit se couvrir, d'un voile soit ou d'un chapeau, sur sa tête lorsqu’elle assiste au culte. Ils estiment que les raisons données par

l’apôtre dépassent le simple cadre de la culture dans laquelle l’apôtreil vivait. Mais, il existe aussi de bonnes raisons pour bons motifs de croire que l’important n’est pas l’habit ou la coiffure, mais la raison pour laquelle on les porte, et l’effet qu’ils donnentproduisent. La femme ou l’Église qui cherche à déterminer comment appliquer la vérité de ce texte doit considérer les points suivants :

a. Paul corrige ici une conduite et une tenue qui scandalisaient l’entourage et qui déshonoraient le Seigneur. Il écrit après avoir énoncé un critère fondamental de la liberté chrétienne : « Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu. Ne soyez en scandale ni aux Grecs, ni aux Juifs, ni à l’Église de Dieu » (10.31-32). Ce principe est bien plus important que le style de coiffure ou le chapeau qu’on porte. Certes, une femme qui grandit dans un pays musulman et qui enlève son tchador pour déclarervanter sa liberté en Christ ne respecte probablement pas le sens de ce passage. Par contre, dans notre société occidentale, une femme qui a les cheveux coiffés d’une manière convenable, même s’ils sont courts, ou qui ne porte rien sur la tête ne choque pas et ne fait honte à personne. Le contraire serait plutôt vrai. Aujourd’hui une femme qui se voile communique une idée qui érigedresse plutôt des barrières contre l’Évangile.

b. Étant donnée la difficulté de savoir exactement quelle tenue l’apôtre critique ou conseille, une Église qui exige une certaine tenue s’appuie plus sur la tradition que sur la Parole de Dieu. C’est vrai que Paul se réfère aux différences fondamentales et universelles entre l’homme et la femme pour fonder ses conseils. Cependant, si le port du voile était nécessaire pour démontrer la soumission de la femme, pourquoi ne le trouve-t-on pas

dans la loi, qui ne manque pas de régir même jusque dans les détails de la vie de la femme aussi bien que celle de l’homme ? La Loi parle clairement concernant de la tenue d’une personne, quand elle ditvestimentaire, en Deutéronome 22:5 : « Une femme ne portera point un habillement d’homme, et un homme ne mettra point des vêtements de femme ; car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Éternel, ton Dieu » (Dt 22.5).». Mais elle ne dit rien concernantd' un voile ou uned'un autre couverture sur la têtecouvre-chef.

Pour résumer, l’application principale de ce texte touche à la fois l’attitude et l’habit. Une femme pieuse accepte dans son cœur la place que Dieu lui donne et manifeste extérieurement sa féminité en épousant une forme vestimentaire et une coiffure conformes à ce que la société décrit comme féminin. Un homme qui se revêt de parures plus spécifiquement féminines déshonore Christ. Une femme qui se revêt d’un attirail plusvêtement considéré par la société comme étant spécifiquement masculin déshonore son mariSeigneur aussi. Le scandale est grave lorsque l’Église est témoin d’une prière ou d’une parole dite par une personne qui ne respecte pas son identité ou son rôle.

SUJETS DE DISCUSSION

1. Depuis quelques décennies, les divers mouvements féministes ont passablement changé la perspective de la société sur le rôle de la femme. Quels sont les changements positifs que l’Église peut adopter ? Comment respecter les consignes de 1Co 11.3-16, sans offenser inutilement les gens de l’extérieur ?

2. Quels sont les rôles respectifs de la femme et de l’homme aujourd’hui a) dans l’Église ? b) au foyer ? c) dans le monde politique ? Textes complémentaires : 1P 3.1-7 ; 1Tm 2.9-15 ; 1Tm 5.3-16 ; Rm 16.1-2 ; Pr 31.10-31.

III. Réponses aux questions 7.1-16.4D. La sainte Cène 11.17-34

1. Le péché des Corinthiens 11.17-222. La révélation du Seigneur 11.23-263. L’avertissement 11.27-34

D. La sainte Cène 11.17-34

1. Le péché des Corinthiens 11.17-2211.17 En donnant cet avertissement [cette recommandation], ce que je ne loue point, c’est que vous vous assemblez, non pour devenir meilleurs, mais pour devenir pires.

Quelle triste constatation ! CombienQue c’est grave quand un rassemblement de chrétiens les rend plus méchants mauvais ! L’ironie est accablante. Dieu appelle ses enfants à s’édifier mutuellement (1Co 14.26) et à inciter les uns les autress'inciter mutuellement à un plus grand amour (Hé 10.24). Comment est-il alors possible qu’un ensemble deque des chrétiens arrive à faire le contraire, à se détruiredétruisent par leurs réunions ? Peu étonnant qu’une telle Église n’attire pas les gens ! Après tout, pourquoi fréquenter un milieu si l’on se trouve moins bonpire après y être allé ? Le mal est sérieux. Si cette situation persiste, il vaut mieux fermer les portes. Mais le bon remède réside dans une véritable repentance, un changement profond de conduite et d’attitude.

11.18-19 Et d’abord, j’apprends que, lorsque vous vous réunissez en assemblée, il y a parmi vous des divisions, – et je le crois en partie, car il faut qu’il y ait aussi des sectes parmi vous, afin que ceux qui sont approuvés soient reconnus comme tels au milieu de vous. –

Au début de sa lettre, Paul avait déjà repris sévèrement les Corinthiens au début de sa lettre pour leurs rivalités, disputes et jalousies (1.10-13). Ici, il soulève un autre problème. Les divisions dont il parle maintenant sont dues aux différents niveaux sociaux qui existaient dans l’assemblée – entre ceux qui étaient bien à l’aise et d’autres qui n’avaient rien (11.21). Le mot « secte » signifie ici plutôt « faction », et décrit une séparation due à l’indifférence et au mépris des gens nantis envers les plus pauvres.

SonLe commentaire de l'apôtre sur la situation nous étonne quelque peu. Que veut-il dire quand il affirme que les sectes sont nécessaires ? Il faudraitfaut probablement comprendre que l’existence des factionsconflits n’est pas une bonne chose, mais qu’ilqu’elle est inévitable. Jésus lui-même a utilisé un langage similaire quand il a dit : « Malheur au monde à cause des scandales ! Car il est nécessaire qu’il arrive des scandales ; mais malheur à l’homme par qui le scandale arrive ! » (Mt 18.7). De plus, dans sa grande sagesse, Dieu permet ces divisions parce qu’elles servent à révéler le véritable caractère des personnes impliquées. C’est dans le conflit et la tension que se révèlent les qualités ou les défauts d’un homme, et que sont faits les choix qui dévoilent ce qui est dans le cœur. Quand un désaccord éclate dans une assemblée, on voit plus clairement si une personne est arrogante ou humble, intransigeante ou conciliante, un serviteursoumise ou un dominateur. Alors, undominatrice. Un conflit dans une Église peut donc avoir des conséquences bénéfiques pour ceux qui en retirent les leçons spirituelles et persévèrent malgré les déceptions encourues. Car la persévérance au sein de l’Église est une des marques principales de la vraied'une foi authentique (1Jn 2.18-19).

Notons que ceux qui sont approuvés ne sont pas les gens qui ont seulement une bonne doctrine, mais ceux qui ont également une conduite digne de l’Évangile. La saine doctrine

est essentielle, mais un chrétien qui veut plaire à son Maître doit aimer et aider ses frères et sœurs en Christ. « Si quelqu’un possède les biens du monde, et que, voyant son frère dans le besoin, il lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui ? » (1Jn 3.17).

11.20-22 Donc lorsque vous vous réunissez, ce n’est pas pour manger le repas du Seigneur ; car, quand on se met à table, chacun commence par prendre son propre repas, et l’un a faim, tandis que l’autre est ivre. N’avez-vous pas des maisons pour y manger et boire ? Ou méprisez-vous l’Église de Dieu, et faites-vous honte à ceux qui n’ont rien ? Que vous dirai-je ? Vous louerai-je ? En cela je ne vous loue point.

C’est la seule fois dans la Bible que nous trouvons l’expression, « repas du Seigneur », et elle est en fort contraste fortement avec le terme employéles termes employés plus loin, « son propre repas ». Le péché que Paul condamne ici n’est pas l’inégalité qui existe entre le richeles riches et le pauvreles pauvres, mais l’indifférence et le mépris des uns envers les autres. Son but n’est pas d’éliminer les distinctions sociales qui existent parmi les chrétiens. Il leur reconnaît aux gens le droit d’avoir des maisonsune maison, et de manger comme ils chez eux s'ils le désirent chez eux (voir aussi v. 34), mais il trouve inadmissible que dans une réunion de l’Église, les pauvres soient négligés et méprisés.

Ce passage révèle que les chrétiens de Corinthe se réunissaient régulièrement pour manger un repas complet. Cette pratique était largement répandue, non seulement dans l’Église primitive (Ac 2.42, 46 ; 20.7, 11) mais aussi dans d’autres religionscérémonies religieuses de l’époque (1Co 8.10). La fréquence de ces repas devait variervariait selon les groupes. Au début de l’Église, à Jérusalem, les chrétiens mangeaient ensemble tous les jours. À Éphèse, ils se réunissaient le premier jour de la semaine, mais nous ne savons pas s’ils mangeaient

ensemble à toutes les réunions. Assez tôt dans l’histoire de l’Église, il y eut séparation entre le repas, appelé dans Jude « l’agape », et la cérémonie du pain et du vin, que nous appelons « la sainte Cène » (du latin cena = repas du soir). Aujourd’hui nous trouvons beaucoup de divergences dans la pratique du « repas du Seigneur ». Les Écritures donnent une grande latitude dans ce domaine, car elles ne précisent ni la forme ni la fréquence de cette cérémonie.

Certainement, ce texte nous rappelle la partie la plus importante à respecter : le partage du pain et du vin en mémoire de notre Seigneur mort pour nous. Toutefois, l’exemple des Églises du premier siècle peut servir de bon modèle pour nos assemblées modernes. Prendre un repas ensemble au nom du Seigneur apporte plusieurs bénédictions aux chrétiens. C’est un des meilleurs moyens de cultiver une plus grande communion entre frères et sœurs en Christ, et il permet en même temps aux gensà ceux qui sont plus aisés de partager leurs biens avec d’autresceux qui n’en ont pas assezle sont moins.

Nous pouvons noter en passant que la coupe passée au moment du repas du Seigneur n’était pas simplement du jus de raisin, car certains en abusaient au point de perdre un peu leur la raison. Étant donné que le dernier repas du Seigneur était en toute probabilité une célébration de la Pâque juive, la coupe contenait du vin. Cependant, rien dans le texte biblique n’oblige que l’on boiveà boire du vin lors de la Cène. Dans les trois Évangiles, Jésus parle simplement du fruit de la vigne et dans 1 Corinthiens 11.25-27, de la coupe. Au contraire, parfois il vaut mieux, par égard à la faiblesse d’un membre, remplir la coupe avec du jus de raisin.

2. La révélation du Seigneur 11.23-2611.23-26 Car j’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai enseigné ; c’est que le Seigneur Jésus, dans la nuit

où il fut livré, prit du pain, et, après avoir rendu grâces, le rompit, et dit : Ceci est mon corps, qui est rompu pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. De même, après avoir soupé, il prit la coupe, et dit : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous en boirez. Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

On a relevé six facettes de cette cérémonie ; elle est :

1. un regard en arrière – pour commémorer la mort du Seigneur ;

2. un regard à l’intérieur – une occasion de s’examiner ;

3. un regard en haut – de communion avec Dieu ;

4. un regard autour – de communion les uns avec les autres ;

5. un regard vers l’avenir – le retour de Christ ;

6. un regard vers l’extérieur – pour proclamer la mort de Christ à tous27.

Les termes bibliques permettent de bien cerner le sens de cet acte. On y trouve les expressions suivantes :

1. « La coupe de bénédiction que nous bénissons » (10.16) – C’est une occasion de louer le Seigneur, et de retrouver en même temps la bénédiction de sa présence.

27 GREEN Michael, To Corinth with Love, Waco : Word Books, 1988, pages 46-49.

2. « La communion au corps de Christ » (10.16) – Une expression de cette communion qui nous unit à Christ, et aux frères et sœurs membres de son corps.

3. « La table du Seigneur » (10.21) – À cette table sont invités tous ceux qui lui appartiennent réellement.

4. « La nouvelle alliance » par le sang de Christ (11.25) – Un rappel de l’alliance faite par Dieu dans le prophète Jérémie (31.31-34) selon laquelle il allait pardonner toutes les iniquités de son peuple et écrire sa loi dans leur cœur, une alliance scellée par le sang du Messie (Hé 10.11-16 et 13.20).

5. « En mémoire de moi » (11.24, 25) – C’est surtout l’occasion de se rappeler et d’honorer le Seigneur pour tout ce qu’il est et et de se souvenir de tout ce qu’il a fait pour nous.

Les différentes interprétations de ce passage ont suscité de grandes controverses, notamment entre catholiques et protestants. Au cours du Moyen Âge, les théologiens avaient formulé une doctrine complexe appelée la « transsubstantiation », selon laquelle le pain et le vin deviennent littéralement, mais pas visiblement, le corps et le sang de Christ. La messe était aussi considérée comme un sacrifice non sanglant qui complétait l’œuvre de Christ sur la croix. Depuis la Réforme, le protestantisme conteste la véracité de ces dogmes.

Que dit, en réalité, la révélation que Paul a reçue du Seigneur et qu’il a transmise aux Corinthiens ? Au premier abord, on pourrait penser que le langage de Christ est clair, quand il dit, en parlant du pain « ceci est mon corps ». D’autant plus quand on compare ce qu’il a dit dans l’Évangile de Jean : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez son sang, vous n’avez

point la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage » (Jn 6.53-55). Pourtant, un examen un peu plus approfondi permet de conclure que Jésus voulait certainement dire que le pain qu’il distribuait n’était qu’un symbole de son corps. Premièrement, pour la simple raison que Jésus était là en personne quand il l’a dit. Aucun de ses disciples n’aurait pensé, lorsque Jésus lui tendait le pain, qu’il allait manger une partie du corps de son Maître, présent devant lui. Au contraire,, mais il aurait bien compris le sens de la locution que Jésus utilisait. Car le verbe « être » a souvent le sens de « symboliser » ou de « signifier » dans le langage de Jésus et de Paul. Jésus est la porte (Jn 10.7), le chemin (Jn 14.6), le vrai cep (Jn 15.1). Il est le rocher (1Co 10.4), comme Agar est le mont Sinaï (Ga 4.25). Dans notrece texte, la coupe est (symbolise) son contenu, le vin qui symbolise le sang de Christ qui symbolise et sa mort violente qui scelle la nouvelle alliance. Clairement, on ne peut donc pas affirmer que le mot « est » dans ce texte veut dire « est devenu ».

De plus, une comparaison avec d’autres textes bibliques écarte toute idée de sacrifice qui complète l’œuvre de Christ. L’Épître aux Hébreux affirme clairement que notre Seigneur, par « une seule offrande,[…] a amené à la perfection pour toujours ceux » qui sont à lui (Hé 10.14). L’auteur insiste lourdement sur le fait que Christ s’est offert « une seule fois » (9.25-28), « une fois pour toutes » (10.10). Certes, le chrétien devrait, à l’occasion de la Cène, offrir « à Dieu un sacrifice de louange, c’est-à-dire le fruit de lèvres qui confessent son nom » (Hé 13.15). Mais la Cène n’est nullement une offrande renouvelée de Christ. Elle est tout simplement une cérémonie par laquelle nous commémorons ce le grand sacrifice que Christ a accompli pour nous une fois pour toutes.

Quel est le rapport entre cette cérémonie et le discours que Jésus a prononcé dans Jean 6, où il parle de manger sa chair et de boire son sang ? De nouveau, un examen du discours nous convainc que Jésus parle d’une autre vérité, qui trouve sans doute un reflet dans la Cène. Si le fait de prendre la Cène était l’équivalent de manger la chair de Christ et de boire son sang, alors personne ne pourrait être sauvé s’il n’a pas eu l’occasion d’y participer, car Jésus a clairement dit que « si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez son sang, vous n’avez point la vie en vous-mêmes » (Jn 6.53). De la même manièreSi l'on poursuit le raisonnement, tous ceux qui auraient participé à la Cène, quelles que soient leurs raisons ou la conditiondisposition de leur cœur, posséderaient la vie éternelle, parce puisque Christ a également déclaré formellement que « Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6.54). Puisque cesCes deux interprétations sont en flagrante contradiction avec tout l’enseignement de Jésus, il faut donc voir dans ces déclarations autre chose que la sainte Cène. Le discours de Jésus suivait de près le miracle de la multiplication des pains, et avait lieu à l’approche de la Pâque juive, quand on mangeait, lorsqu'on se réunissait pour manger l’agneau pascal. Dans un langage volontairement pittoresque et insolite, Jésus enseigne à ses auditeurs que pour avoir la vraie vie il faut venir à lui et entrer dans une relation vitale et intime par la foi, oùet chaque jour ils se nourriront de sa vie, comme les sarments dans une vignetirent leur subsistance du cep. La sainte Cène nous rappelle cette vérité dans son symbolisme, sans en être le moyen. Le moyen, Jésus l’indique clairement quand il dit à la foule : « Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6.35).

3. L’avertissement 11.27-3411.27-29 C’est pourquoi celui qui mangera le pain ou boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur. Que chacun donc s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe ; car celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit un jugement contre lui-même.

Ce passage a serviest utilisé à tort et à travers pour toutes sortes de menaces et d’interdictionssert souvent de menace et d’interdiction dans les milieux chrétiens. L’avertissement est important à connaître, mais encore faut-il l’utiliser d’une manière biblique. Sachons premièrement que Dieu ne demande pas que le participant soit digne de prendre les éléments de la Cène, mais qu’il les prenne d’une manière digne. Personne n’est digne devant Dieu, et celui qui croit l’être est aveugle (Jn 9.41). Tous sont pécheurs, « il n’en est aucun qui fasse le bien, pas même un seul » (Rm 3.11-12). À vrai dire, le Seigneur invite tout spécialement à sa table ceux qui sont terrassés par la gravité de leurs fautes devant la sainteté de Dieu (Ps 51.19). Le contexte est important pour savoir le sens originel de l’avertissement de Paul. Il met les Corinthiens en garde contre le danger de venir au prendre le repas du Seigneur comme si c’était leur propre repas, sans penser aux besoins des autres, et sans reconnaître le corps de Christ. On peut comprendre cette expression de deux manières différentes. En général, les chrétiens comprennent qu’il ne faut pas prendre la Cène sans penser au corps mort de Christ. Mais puisque Paul ne mentionne pas le sang de Christ dans cette phrase, et que le contexte indique un mépris des plus démunis, il est possible que Paul veuille parler du corps de Christ qu’est l’Église. Autrement dit, le danger consiste à refuser de prendre en considération les frères et les sœurs lors de la Cène. Il n’est pas impossible que les deux idées soient présentes dans le passage. De toute manière, ce texte n’était pas une menace envers ceux

qui ressentaient fortement leur indignité, mais plutôt contre ceux qui mangeaient et buvaient égoïstement sans penser aux autres qui n’avaient rien.

Pourtant, la Cène est une occasion d’examiner, non seulement nos motivations, mais aussi notre attachement au Seigneur. L’avertissement du chapitre 10 est tout aussi solennel que celui de ce passage : « Vous ne pouvez boire la coupe du Seigneur, et la coupe des démons ; vous ne pouvez participer à la table du Seigneur, et à la table des démons. Voulons-nous provoquer la jalousie du Seigneur ? » (1Co 10.21-22). Notons que ces mots ne sont pas adressés à des non-croyants, mais à des croyants. À Corinthe ce n’était pas les gens du dehors qui tombaient malades et qui mouraient ; c’était, mais les croyants, car le mot pouren grec le terme mourir est un mot grec (dormir) qui sert uniquement à n'est utilisé que pour décrire la mort d’un chrétien.

11.30-34 C’est pour cela qu’il y a parmi vous beaucoup d’infirmes et de malades, et qu’un grand nombre [grec = certain nombre] sont morts. Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés. Mais quand nous sommes jugés, nous sommes châtiés [corrigés] par le Seigneur, afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde. Ainsi, mes frères, lorsque vous vous réunissez pour le repas, attendez-vous les uns les autres. Si quelqu’un a faim, qu’il mange chez lui, afin que vous ne vous réunissiez pas pour attirer un jugement sur vous. Je réglerai les autres choses quand je serai arrivé.

Il est important de se rappeler que les jugements que le Seigneur est obligé de porter contre ses enfants ne sont pas des condamnations, mais des corrections. Aussi sévères qu’elles puissent être, elles ont toujours un objectif positif : la sanctification et le bien-être du châtié (Hé 12.10). Notons aussi que le meilleur moyen d’éviter les corrections sévères est de se

juger soi-même. Il ne s’agit certainement pas de se flageller, mais de porter un regard honnête sur sa vie et ses pratiques, et d’abandonner ce qui déplaît au Seigneur en s’appuyant sur sa force.

L’apôtre déclare aux Corinthiens que plusieurs des maladies et même certains des décès dans l’Église avaient pour cause le châtiment du Seigneur. La conclusion est nette. Dieu peut, quand il l’estime nécessaire, utiliser la maladie pour corriger ses enfants, et il peut aussi reprendre par la mort physique un croyant devenu inutile par sa conduite. L’apôtre Jean en parle quand il écrit au sujet d’un frère qui commet un péché qui mène à la mort (1Jn 5.16-17). Il est possible que le livre des Actes nous en donne un triste exemple dans la mort d’Ananias et de Saphira (Ac 5.1-11). Nous ne savons pas s’ils étaient de véritables chrétiens, mais assurément bon nombre de croyants ont fait pareillementagi de la même manière, ou pirepire encore ! Leur mort servait surtout à rappeler à l’Église de Christ combien Dieu trouve repoussant toute l'hypocrisie et tout le mensonge repoussants.

Dieu permet parfois la maladie pour châtier un chrétien à cause d’un péché précis, mais c’est une erreur terrible de croire que toute maladie est la conséquence d’une faute particulière. Certes, dans un monde sans péché, il n’y aurait ni la maladie ni la mort, mais dans le nôtre où le péché règne, la maladie et la mort sont le lot de tous (Rm 5.12-14). Notre corps actuel est corruptible (1Co 15.53), et se détruit progressivement (2Co 4.16). De plus, Dieu utilise toute affliction, y compris la maladie, pour le bien des siens, pour forger en eux un caractère qui soit à l’image de Christ : la patience (Jc 1.3), l’humilité (2Co 12.7), et la compassion (2Co 1.4). La maladie offre une bonne occasion pour quelqu’un de s’examiner et de confesser son péché (Jc 5.14-16). Par contre, le chrétien qui insiste pour faire découvrir à son frère ou à sa sœur malade un péché qui

serait la cause de son affliction peut commettre une grandegrave erreur et faire beaucoup de dégâts.

SUJETS DE DISCUSSION

1. Quels sont les usages qui font ressortir le mieux la signification de la Cène ? Qui peut l’administrer ? Quelles sont les règles à respecter ? Doit-on le fairecélébrer la Cène uniquement au sein de l’Église ou peut-on le faire en famille et entre amis chrétiens ?

2. Dieu châtie-t-il aujourd’hui par le moyen de la maladie et de la mort ? Peut-on jamais conclure avec certitude qu’une maladie est la conséquence du jugement de Dieu ? Comment le chrétien doit-il réagir face à la maladie ? Textes complémentaires : Mt 25.34-40 ; Jn 11.1-4 ; Ph 2.25-30 ; 1Tm 5.23 ; Jc 5.13-18.

III. Réponses aux questions 7.1-16.4E. Les dons spirituels 12.1-14.40

1. Le critère principal : Jésus le Seigneur 12.1-32. La fonction des dons dans l’Église 12.4-31

a. Leur diversité 12.4-11b. L’illustration du corps 12.12-26c. Le classement des dons 12.27-31

E. Les dons spirituels 12.1-14.40

Dans le chapitre précédent, Paul avait traité deux problèmes liés aux rassemblements des Corinthiens : la conduite inconvenante de certaines femmes et les agissements scandaleux d’autres membres de l’assemblée au moment des repas pris ensemble. La question qui le préoccupe dans les chapitres 12 à 14 est tout aussi grave. Apparemment, le brouhaha régnait dans leurs rencontres (14.32-33), en grande partie à cause d’une fausse conception des dons de prophétie et du parler en langues. Leur comportement révélait une ignorance fondamentale concernant de l’œuvre authentique de l’Esprit de Dieu. Habitués aux pratiques des cultes païens de l’époque, ils croyaient que la marque de la spiritualité était la capacité de prophétiser et de transmettre des messages inspirés dans des langues obscures, ou d’accomplir des œuvres spectaculaires. Il en résultait une désunion, une recherche malsaine du don des langues, du désordre et de la confusion lors des cultes. Les corrections de Paul peuvent se résumer de la manière suivante :

1. Le point de départ : ce qui est la manifestation authentique de l’Esprit de Dieu – 12.1-3 ;

2. Le besoin de diversité dans l’harmonie et l’unité – 12.4-31 ;

3. Le besoin de l’amour – 13.1-13 ;

4. Le besoin de clarté et de compréhension – 14.1-25 ;

5. Le besoin d’ordre – 14.26-40.

1. Le critère principal : Jésus le Seigneur 12.1-312.1 Pour ce qui concerne les (dons) spirituels, je ne veux pas, frères, que vous soyez dans l’ignorance. (Colombe)

L’expression, « pour ce qui concerne », laisse croire que Paul répond à une autre question posée par les Corinthiens (comme dans 7.1, 25 ; 8.1, 16.1 et 16.12). Pourtant, le contenu de ces chapitres montre qu’il est surtout soucieux surtout de reprendre ses lecteurs pour leurs abus et de corriger leur manière de se conduire dans les réunions. Cette première phrase peut communiquer un grain d’ironie. Le texte originel ne contient pas le mot « dons » ; et le mot « spirituels » peut désigner des personnes aussi bien que des dons (2.15 ; 3.1). À vrai dire, le seul passage de la Bible où l’on trouve le terme grec « don spirituel » est dans Romains 1.11, et cela dans un tout autre contexte. Puisque Paul entame le sujet des dons spirituels, nos traducteurs ont cru bon d’ajouter le mot « dons » par association avec le reste du chapitre, et 14.1 où nous trouvons la même expression. Mais Paul est aussi troublé par l’attitude de plusieurs dansmembres de l’Église qui se croyaient spirituels (14.37), et il est possible qu’il pense aussi à eux. Il vaut mieux alors respecter l’ambiguïté du grec et comprendre : « Par rapport à (tout) ce qui est spirituel… »

Au fond, le problème qu’il soulève n’est pas tellement le caractère et l’exercice des dons que Dieu donne, mais ce qui constitue la vraie spiritualité. C’est une question importante pour le chrétien actuel, car face à l’énorme variété de manifestations dites spirituelles, il a un grand besoin de pouvoir discerner ce qui provient réellement de l’Esprit de Dieu. Nous devons prendre au sérieux l’avertissement de l’apôtre Jean :

« Bien-aimés, n’ajoutez pas foi à tout esprit ; mais éprouvez les esprits, pour savoir s’ils sont de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde » (1Jn 4.1).

Vu les divergences qui déchirent les Églises actuellement concernant l’interprétation de ces textes, il est probable que personne, en lisant ce commentaire, ne sera parfaitement satisfait de la manière dont cette matière est traitée, quel que soit son bord. Plus que tous les autres sujets que Paul aborde dans ce livre, la question des dons spirituels a semé la division entre des chrétiens sincères et sérieux dans leur désir de connaître et mettre en pratique la Parole de Dieu. C’est pourquoi, avant d’aborder l’examen du passage, il convient de rappeler quelques idées préalables.

1) Il faut reconnaître combien que l’interprétation de ces textes est liée en grande partie à nos présuppositions. Le don des langues, est-ce des englobe-t-il les langues étrangères et terrestres ou est-ce un langage céleste, angéliquecélestes et angéliques ? Quelle est la nature exacte « d’une parole de sagesse » ou « d’une parole de connaissance » (12.8) ? Les dons miraculeux font-ils partie de ce que Dieu fait aujourd’hui ou étaient-ils des signes donnés par Dieu pour marquer d’un sceau la fondation de l’Église ? Ce sont quelques questions que ce passage soulève et nous sommes obligés d’y répondre en nous référant à d’autres textes bibliques ou historiques. Mais reconnaissons d’emblée que nos choix et nos interprétations découlent en partie de nos opinions et de l’instruction que nous avons reçue de notre milieu. Alors, chacun. Chacun de nous a donc besoin de garder un esprit d’humilité et de respect pour l’opinion des autres, tout en évitantet doit éviter un dogmatisme rigide et arrogant. Il faut traiter honnêtement ces questions et prendre position, ce que nous ferons dans ce commentaire, tout en sachant que nous n’avons pas le dernier mot à dire sur ces sujets.

2) Ce n’est pas pour à dire que les questions soulevées soient sans importance, car elles déterminent en grande partie notre conception de l’œuvre de Dieu aujourd’hui. Dieu ne veut pas que nous soyons « dans l’ignorance » (12.1) concernant ces choses. Les Corinthiens, par leurs abus et leurs excès, avaient ridiculisé les voies du Seigneur (14.23). Mais il est aussi facile, par réaction à ces comportements extrêmes, de vouloir définir des positions plus étroites que les Écritures elles-mêmes. Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin de respecter le principe que le Seigneur nous laisse dans le quatrième chapitre : « ne pas aller au-delà de ce qui est écrit » (4.6).

12.2-3 Vous savez que, lorsque vous étiez païens, vous vous laissiez entraîner vers les idoles muettes, selon que vous étiez conduits. C’est pourquoi je vous déclare que personne, s’il parle par l’Esprit de Dieu, ne dit : Jésus est anathème ! et que personne ne peut dire : Jésus est le Seigneur ! si ce n’est par le Saint-Esprit.

C’est un peu surprenant de trouver ces phrases pour introduire le sujet des dons spirituels et pourtant elles sont sûrement ce qui est de plus important. Il est probable que certains Corinthiens n’avaient pas complètement rompu avec leur passé païen. Entraînés dans les rites mystiques qui foisonnaient à l’époque, ils avaient connu et prononcé des « oracles inspirés » lors des séances d’extases. Il est possible, d’après les paroles de Paul, que quelques-uns aient même prononcé ainsi des blasphèmes à l’égard de Jésus. Le mot « anathème » signifie « voué à la destruction, maudit ». Alors le premier souci de Paul est de corriger une erreur de fond. L’Esprit de Dieu s’exprime avant tout, non pour épater par le spectaculaire, mais pour rendre témoignage à Jésus-Christ. Cette vérité est importante à rappeler aujourd’hui. Tout mouvement au sein du christianismechrétien qui croit que l’exercice des dons est la preuve de la spiritualité commet la même erreur que les Corinthiens. Paul ne fait que rappeler ce

que Jésus-Christ lui-même avait dit : « Quand le consolateur sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité ; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera » (Jn 16.13-14). Une Église ou une personne conduite par l’Esprit de Dieu va chercher avant tout à glorifier Jésus-Christ. Tout ce qui dévie de cet objectif, même l’exercice des dons légitimes de Dieu, nuit à l’œuvre de DieuSon’œuvre.

Il est évident que l’expression « Jésus est le Seigneur ! » est plus qu’une formule magique qui prouve la présence de l’Esprit. Jésus a bien averti que plusieurs allaient l’appeler Seigneur sans être réellement à lui (Mt 7.22-23). Paul veut dire que personne ne peut réellement dire que Jésus est le Seigneur, en comprenant le sens véritable de ces paroles, sans que ce soit l’Esprit de Dieu qui le lui révèle. On songe aux paroles que le Seigneur a adressées à Pierre, après sa confession : « Tu es heureux, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui est dans les cieux » (Mt 16.17). On se rappelle les écrits de Jean : « Reconnaissez à ceci l’Esprit de Dieu : tout esprit qui se déclare publiquement pour Jésus-Christ venu en chair est de Dieu » (1Jn 4.2). Dans ce texte, le mot traduit « déclarer publiquement » est traduit ailleurs « confesser ». Il signifie « dire la même chose ». Celui qui confesse Jésus-Christ dit à son sujet la même chose que Dieu.

Cette déclaration, « Jésus est le Seigneur ! », est ainsi l’expression centrale de la foi chrétienne, et elle est devenue la confession de foi de l’Église primitive. Elle résumait admirablement l’essentiel de l’Évangile, un message en opposition absolue au avec le monde gréco-romain avec et sa panoplie de divinités et au et avec le judaïsme avec dans son refus de reconnaître Jésus comme Messie. Le mot « Seigneur » comporte deux grandes vérités au sujet de Jésus. Il est Seigneur

parce qu’il est Maître de la vie d’un chrétien, selon le sens habituel du terme. De plus, il est Dieu, selon l’utilisation de ce mot dans la traduction grecque de l’Ancien Testament. Car ce mot traduit le nom de Dieu dans l’hébreu, le mot Jahweh, rendu par « l’Éternel » dans la NEG. À plusieurs reprises dans le Nouveau Testament, les écrivains du Nouveau Testament citent les textes de l’Ancien Testament en mettantnommant Jésus à la place de Jahweh (Es 45.23 / Ph 2.10-11 ; Za 12.10 / Ap 1.7 ; Dt 10.17 / Ap 19.16).

2. La fonction des dons dans l’Église 12.4-31

a. Leur diversité 12.4-1112.4-6 Il y a diversité de dons, mais le même Esprit ; diversité de ministères, mais le même Seigneur ; diversité d’opérations, mais le même Dieu qui opère tout en tous.

L’expression de la vraie spiritualité se voit d’abord dans une reconnaissance de la souveraineté de Jésus-Christ. Elle s’exprime aussi par une grande diversité de dons, de services et d’accomplissements, tout en gardant une harmonie de fond. Car la diversité dans l’unité est un reflet de la nature même de Dieu. C’est sans doute le sens de ces affirmations de Paul. Les trois Personnespersonnes de la Divinité participent dans à l’œuvre parmi les saints, mais avec en une parfaite harmonie, une harmonie qui devrait être présente aussi dans l’Église. Dieu a donné ses dons pour souder son peuple ; la bonne utilisation de ces largesses ne va pas créer des divisions.

Le mot « don » dans leen grec est charisma (), qui provient du mot « grâce », et signifie « un don accordé par grâce, immérité ». C’est l’Esprit de Dieu qui les distribue les dons comme il veut (12.11), à qui il veut, et quand il veut, même à différents moments dans la vie d’une personne. Le mot

« ministère » veut dire simplement « service », mot qui qualifiait surtout la vie du Seigneur Jésus. Il peut décrire la mise en pratique régulière et à long terme des dons. Le mot « opérations » peut être traduit par « activités » ou « réalisations », un mot qui et inclut tout ce que Dieu fait dans l’Église, et aussi dans l’univers. Le contexte nous indique qu’il ne faudrait pas trop accentuer les différences entre ces mots. Par exemple, les « opérations » qui sont attribuées à Dieu le Père ici sont aussi l’œuvre de l’Esprit, car le verbe « opérer » dans le verset 11 vient de la même racine grecque.

12.7 Or, à chacun la manifestation de l’Esprit est donnée pour l’utilité commune.

Dans les versets qui suivent, l’apôtre établit plusieurs principes concernant des dons spirituels qui sont en quelque sorte des garde-fous pour leur utilisation. Notons premièrement que chaque croyant reçoit au moins un don, une « manifestation de l’Esprit ». L’idée est importante. Le Seigneur ne nous sauve pas pour être spectateurs dans son Église, mais il donne à tous et à chacun un ou plusieurs dons qui se manifestent dans sa vie en vue du service et de l’édification de l’Église. Trop souvent nos Églises ressemblent à des matches de foot, où l’on peut trouver 22 équipiers qui ont besoin de repos et des dizaines de milliers de spectateurs qui ont besoin d’exercice. Paul énonce également une autre pensée importante pour le bon fonctionnement de l’Église : chaque membre a un rôle dans l’assemblée, chacun est utile. À Corinthe certains chrétiens portaient un regard de dédain envers d’autres qu’ils estimaient inutiles (12.21-25). Non seulement cette attitude était indigne, mais elle était fausse.

Le deuxième principe qui gouverne l’utilisation des dons est celui du but visé : l’utilité commune. On retrouve la même pensée dans deux autres textes du Nouveau Testament qui traitent les des dons. Empruntant de nouveau l’image du corps pour décrire l’Église, Paul affirme que tous les membres,

recevant leurs directives de Christ, la tête, doivent apporter leur contribution à la croissance de l’ensemble : « C’est de lui, et grâce à tous les liens de son assistance, que tout le corps, bien coordonné et formant un solide assemblage, tire son accroissement selon la force qui convient à chacune de ses parties, et s’édifie lui-même dans l’amour » (Ep 4.16 – souligné par l’auteur). Et l’apôtre Pierre encourage ses lecteurs en écrivant : « Comme de bons dispensateurs des diverses grâces de Dieu, que chacun de vous mette au service des autres le don qu’il a reçu » (1P 4.10). Les dons du Saint-Esprit ne sont pas pour l’épanouissement personnel, mais pour le service des autres. Le don des langues serait-il une exception ? Paul dit plus loin : « Celui qui parle en langue s’édifie lui-même ; celui qui prophétise édifie l’Église » (1Co 14.4). Mais le dit-il avec approbation ou comme une réprimande ? Déjà au chapitre 8, il avait utilisé le mot « édifier » dans un sens négatif et ironique (voir le commentaire sur 8.10). Le contexte du chapitre 14 laisse penser que « l’édification » dont il s’agit est plutôt une exaltation égocentrique.

12.8-10 En effet, à l’un est donnée par l’Esprit une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit ; à un autre, la foi, par le même Esprit ; à un autre, le don [ou : des dons de] des guérisons, par le même Esprit ; à un autre, le don d’opérer [ou : réalisations de] des miracles ; à un autre, la prophétie ; à un autre, le discernement des esprits ; à un autre, la diversité des langues ; à un autre, l’interprétation des langues.

Notons en premier lieu que l’apôtre ne cherche pas à donner une liste exhaustive des dons de l’Esprit. Son but est de montrer, en citant quelques exemples, combien il y a de la diversité dans l’œuvre de Dieu en nous. Cela devient évident quand nous constatons que toutes les listes de dons sont différentes les unes des autres. Mise à part la promesse de Jésus

dans Marc 16.17-18, qui parle plutôt des signes qui devaient accompagner ceux qui auraient cru, il existe quatre listes de dons dans le Nouveau Testament, que nous pouvons comparer en ordre chronologique :

1) 1 Corinthiens 12, écrit vers 55/56 après Jésus-Christ :

parole de sagesse

parole de connaissance

la foi

dons de guérisons

réalisations de miracles

la prophétie

le discernement des esprits

la diversité des langues

l’interprétation des langues

les apôtres

les aides (12.28)

les administrations (12.28)

2) Romains 12.3-8, écrit vers 58 après Jésus-Christ :

la prophétie

le service

l’enseignement

l’exhortation

la libéralité

la miséricorde

3) Éphésiens 4.7-17, écrit vers 62 après Jésus-Christ :

les apôtres

les prophètes

les évangélistes

les pasteurs/docteurs

4) 1 Pierre 4.10-11, écrit vers 64 après Jésus-Christ :dons de la parole

dons du service

1 Corinthiens

Ces textes sont les seuls du Nouveau Testament qui énumèrent les dons spirituels, et comme on peut le constater, chaque liste est différenteil n'y a pas deux listes semblables. Cela nous amène à proposer quelques pensées concernant la nature des dons.

1) De même que chaque personne est un individu unique, il semble probable que les dons de Dieu sont infiniment variés. La classification de Paul est d’ordre général, à titre d’exemple, dans chacune de ses listes. Nous aurions tort de vouloir systématiser les dons ou de caser les gens dans des spécialisations. Il est intéressant de noter que, classées par ordre chronologique, les listes deviennent de plus en plus courtes et les catégories plus larges. La liste de la lettre aux Corinthiens est la seule à inclure les dons que l’on dirait miraculeux.

2) Comment définir le don spirituel ? René Pache, qui était professeur à l’Institut Biblique d’Emmaüs, l’a décrit ainsi : « C’est la qualification donnée par l’Esprit à chaque croyant en vue du service dans le cadre du Corps de Christ »28. S’il a raison, il s’ensuit que la question la plus importante pour un chrétien n’est pas « Quel est mon don ? » mais plutôt « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? » Car Dieu va m’équiper pour remplir le service qu’il me demande de faire. Je serai peut-être appelé parfois à faire une chose que je me sens incapable d’accomplir. Si l’occasion vient de lui, j’ai sa promesse : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse » (2Co 12.9). Si je dois rester célibataire, il donnera alors le don (le charisma) pour le faire (1Co 7.7), et cela, au bon moment et aussi longtemps que nécessaire. Dieu ne demande jamais à son enfant d’accomplir une tâche sans lui donner le moyen de l’exécuter.

28 PACHE René, La personne et l’œuvre du Saint-Esprit, Vennes sur Lausanne : Éditions Émmaüs, 1947, page 163.

3) Existe-t-il une différence entre don spirituel et don naturel ? Les opinions sont divergentes, mais la meilleure réponse à cette question est « oui » et « non ». D’abord, « non », car d’une manière globale, « toute grâce excellente et tout don parfait descendent d’en haut » (Jc 1.17). Alors, nous pouvons dire avec reconnaissance que tout ce que nous avons de bon est un don spirituel, un don de Dieu. Paul lui-même a reconnu ce principe, quand il a écrit que Dieu « [l]’avait mis à part dès le sein de [sa] mère, et [l]’a appelé par sa grâce » (Ga 1.15). Dès avant sa naissance Dieu était en train de le préparer l'avait préparé et le qualifierqualifié pour être apôtre et docteur de la Parole. Quelqu’un a écrit : « La gamme de fonctions présente dans les listes de Paul rend probable l’idée que n’importe quel ensemble de talents, aptitudes et dons, accordés subitement ou cultivés dans le temps, peuvent être considérés comme dons spirituels, à condition que le croyant les utilise pour la gloire de Dieu et pour son œuvre dans le monde »29.

Ensuite, « oui », car Dieu donne souvent des dons qui dépassent ceux qui sont « naturels », ceux que nous avons cultivés depuis notre jeunesse. On peut voir dans l’appel du prophète Jérémie un bon exemple de la manière dont Dieu agit. Dieu l’appelle en lui disant : « Avant que je t’aie formé dans le ventre de ta mère, je te connaissais, et avant que tu sois sorti de son sein, je t’avais consacré, je t’avais établi prophète des nations » (Jr 1.5). Comme pour Paul, Dieu l’avait préparé dès son enfance, avant sa naissance, le formant pour être son prophète. Mais Jérémie était troublé ; il savait qu’il était incapable de parler comme il fallaiten public, et il dit à Dieu : « Ah ! Seigneur Éternel ! voici, je ne sais pas parler, car je suis un enfant » (1.6). Alors, Jérémie raconte que « l’Éternel étendit

29 BLOMBERG Craig, The NIV Application Commentary, Grand Rapids : Zondervan, 1994, page 248.

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sa main, et toucha ma bouche ; et l’Éternel me dit : Voici, je mets mes paroles dans ta bouche. Regarde, je t’établis aujourd’hui sur les nations et sur les royaumes, pour que tu arraches et que tu abattes, pour que tu ruines et que tu détruises, pour que tu bâtisses et que tu plantes » (1.9-10). Alors, à quel moment Dieu a-t-il donné à Jérémiecommuniqué ses dons ? – Dèsà Jérémie ? – Avant sa naissance, mais aussi au moment nécessaire pour faire face à l’œuvre que Dieu lui a confiée.

4) Les dons sont distribués par le Saint-Esprit, mais chaque chrétien a la responsabilité de les cultiver et de les développer. Paul écrit à Timothée : « … je t’exhorte à ranimer la flamme du don de Dieu que tu as reçu par l’imposition de mes mains » (2Ti 1.6). L’expression fait penser que si quelqu’un néglige son don, il peut s’éteindre.

5) Notons aussi la différence dans la nature des dons. Parfois il s’agit d’une capacité que Dieu donne à un individu – une parole de sagesse, le pouvoir de guérir ou autre chose (1Co 12.8-10), et parfois il s’agit d’une personne qualifiée que Dieu donne à l’Église – l’apôtre, le docteur, ou autre (12.28 ; Ep 4.11).

Nous hésitons à définir ce que les Écritures ne précisent pas, mais nous offronsvous proposons quelques suggestions concernant la liste de ce chapitre :

Il est possible de voir tous les dons mentionnés dans les versets 8-10 comme des dons que le Saint-Esprit accorde à un croyant ponctuellement, et non d’une manière permanente à un croyant. Il s’agit d’« une parole de sagesse » et non pas du don d’« un esprit sage ». Paul utilise le pluriel quand il parle « des dons de guérisons » (12.9, 28 et 30) et des « réalisations de miracles » (12.10,

28 et 30), ce qui suggère que chaque guérison et chaque miracle soitfait l'objet un don distinct.

« Parole de sagesse » : La sagesse est la capacité de faire bonne utilisation de la connaissance qu’on possède. Dans le cadre d’une Église, Dieu peut accorder à un membre une parole qui permet de résoudre un problème épineux ou de donner une direction pour l’assemblée. Nous l’avons constaté à maintes reprises. Lors d’une réunion d’anciens, on délibère sur un sujet difficile, sans arriver à une solution, puis Dieu met dans la bouche d’un participant la parole de sagesse qui apporte la lumière voulue. Ce don fait penser à cette belle promesse de Dieu qu’on trouve dans Jacques : « Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée » (1.5).

« Parole de connaissance » : On interprète ce don différemment, selon les milieux. Certains considèrent que c’est une révélation surnaturelle qui apporte un renseignement précis sur quelqu’un ou quelque chose, et ils citent la déclaration de Pierre concernant le péché d’Ananias et de Saphira (Ac 5.1-11). Mais Luc n’emploie pas le mot « connaissance » dans le récit, et on peut penser qu’il s’agit là d’une « révélation » (1Co 14.6) plutôt que d’une « parole de connaissance ». Il vaut mieux alors considérer ce don comme un complément à la parole de sagesse – une lumièreinspiration que Dieu donne sur le sens d’un texte des Écritures. De toute manière, ce don n’est pas l’équivalent chrétien de l’horoscope. Le croyant sage trouve la direction de Dieu pour sa vie en étudiant la Parole de Dieu dans la prière, et en étant sensible aux directives du Saint-Esprit et aux conseils des autres. Il ne dépend pas de révélations ou de « paroles de connaissance » apportées par un autre. De plus, il refusera la tentation de diriger les pas d’un autre en appelant

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« paroles de connaissance » ce qui n’est que ses qu’impressions personnelles. Un incident dans 1 Rois nous montre les conséquences dramatiques qui peuvent en résulter de cette fausse conception. Un homme de Dieu est mort parce qu’il a suivi le conseil d’un autre prophète qui a menti en disant qu’un ange lui avait parlé (1R 13.18).

« La foi » : Il s’agit, non pas de la foi qui sauve, mais d’une confiance dans le Seigneur qui pousse à l’action. Il faut voir ce don aussi dans le cadre de l’Église, donné et accordé aussi pour l’utilité commune. C’est peut-être l’œuvre de l’Esprit par laquelle ilqui donne à un membre de l’assemblée la conviction que Dieu va agir et pourvoir dans un projet quelconque, et la. La foi de cet individu motive ensuite toute la communauté à l’action.

« Dons de guérisons » : Notons que ce n’est pas un don de guérisseur, mais de guérisons qui sont autant de dons (voir plus haut). De toutes les préoccupations du monde occidental, celle de la santé est certainement une des plus importantes. On s’étonne alors que les Écritures parlent si peu du sujet. Ce chapitre est le seul à mentionner ce don, et les Épîtres en parlent très peu. Que peut-on conclure de ces quelques textes ?

1. Les dons de guérisons sont peut-être comparables à ce que Jésus a transmis aux disciples quand il les a envoyés dans leur première mission en Israël : « … ayant appelé ses douze disciples, il leur donna le pouvoir de chasser les esprits impurs, et de guérir toute maladie et toute infirmité » (Mt 10.1). La manifestation de ces dons était franchement étonnante en certaines occasions. L’ombre de Pierre suffisait à guérir (Ac 5.12-16) et à Éphèse, on appliquait les mouchoirs que Paul avait touchés pour guérir des malades (Ac 19.11-12). Force est de constater que les tentatives de reproduire ces phénomènes

aujourd’hui sont de pitoyables imitations sans qui n'entraînent pas les mêmes effets.

2. Dieu aime toujours guérir ; c’« Je suis l'Éternel qui te guérit » est un de ses noms (Ex 15.26). C’est lui qui guérit toute maladie : « Sachez donc que c’est moi qui suis Dieu, et qu’il n’y a pas de dieu près de moi ; je fais vivre et je fais mourir, je blesse et je guéris » (Dt 32.39). Mais il le fait de plusieurs manières. Il œuvre par des guérisons subites et surnaturelles, comme dans le cas de Jésus et les des apôtres, mais il utilise aussi les instruments humains avec leurs sciences, des médicaments, et la capacité étonnante qu’il a donnée au corps de se réparer (1Tm 5.23 ; Lc 10.34). Dieu ne promet nulle part de guérir toute maladie qui atteigneatteint ses enfants pendant leur vie terrestre. Au contraire, les Écritures nous laissent plusieurs exemples de maladies qui traînaienttraînent parce que Dieu s’en servaitsert pour le bien de ses enfants (voir commentaire sur 11.30-33). Douter du pouvoir de guérison du Seigneur pour guérir tient de l’incrédulité (Mc 9.22-23). Ne pas connaître la volonté du Seigneur concernant une maladie n’est pas un péché qui entrave son action (Mc 1.40). Le chrétien malade suivra surtout les conseils de Jacques 5.13-16, le seul texte de la Bible qui donne des instructions précises à ce sujet.

« Réalisations de miracles » : Le mot grec « miracle » en grec est le mot « puissance » au plurielest rendu par « puissances ». C’est un des trois mots qui décrivent tous les actes miraculeux, que Paul appelle les preuves de son apostolat (2Co 12.12). Je vous invite à consulter le commentaire sur 12.28-30 pour une considération de la question épineuse de la place des miracles aujourd’hui.

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« La prophétie » : De nouveau, le chrétien à l’époque actuelle a une certaine difficulté à cerner le sens de cette expression. Considérée à la lumière de l’Ancien Testament, toute véritable prophétie était un oracle inspiré de Dieu et sans erreur. Le prophète qui donnait une prédiction erronée ou un enseignement faux commettait un péché digne de mort (Dt 18.20-22 ; 13.1-5). Pierre résume bien cette idée quand il écrit : « …sachez tout d’abord vous-mêmes qu’aucune prophétie de l’Écriture ne peut être un objet d’interprétation particulière, car ce n’est pas par une volonté d’homme qu’une prophétie a jamais été apportée, mais c’est poussés par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu » (2P 1.20-21).

Faut-il voir le don de prophétie dans le Nouveau Testament de la même manière ? UneIl y a une différence est évidente. Avant la Pentecôte, le Saint-Esprit venaitdescendait seulement sur quelques individus pour qu’ils annoncent les oracles de Dieu. Le Nouveau Testament reconnaît également le rôle d’un nombre limité de prophètes (1Co 12.29), mais semble indiquer que chaque croyant a au moins le potentiel de prophétiser, puisqu’il a en lui l’Esprit (Ac 2.17-18 et 1Co 14.31). Il y a peut-être une différence entre le don de prophétie, donné seulementcommuniqué à quelques personnes dans l’Église, les prophètes, et l’activité qui consistait à proclamer la Parole de Dieu. Il est intéressant à cet égard de noter que Paul n’utilise pas le mot « don » (charisma) dans les chapitres 13 et 14, mais il parle seulement de l’acte de prophétiser ou de connaître. Dans le chapitre 14, Paul met constamment en opposition la prophétie et le parler en langues, ce qui permet de mieux comprendre le sens qu’il donne à ce mot. Celui qui donne une prophétie croit parler de la part de Dieu (14.36). Le but de la prophétie est l’édification, l’exhortation, la consolation et l’instruction des chrétiens (14.3 et 31). Tous peuvent le

faire (14.31) mais dans le respect des autres et avec ordre et bienséance (14.29-33). Certains faitsCertaines remarques semblent indiquer que la prophétie dont parle l’apôtre ici ressemble davantage à nos prédications qu’aux prophéties infaillibles de l’Ancien Testament. PremièrementD'une part, les chrétiens sont invités à les juger (14.29). Paul le demande également aux Thessaloniciens quand il écrit : « Ne méprisez pas les prophéties. Mais examinez toutes choses ; retenez ce qui est bon ; abstenez-vous de toute espèce de mal » (1Th 5.20-22). De plusD'autre part, nous croyons qu’avec l’achèvement du Nouveau Testament la prophétie infaillible s’est arrêtée. Mais la prophétie telle que Paul l’envisage continuera jusqu’à la fin, quand le « partiel » sera remplacé par « ce qui est parfait » (1Co 13.10). Alors, la La prophétie mentionnée dans ces passages peut donc avoir un sens de révélation directe, mais peut-être aussi celui d’un message de Dieu reçu à travers l’étude de sa Parole.

« Le discernement des esprits » : Chaque chrétien est appelé à « éprouver les esprits » (1Jn 4.1), et c’est l’Esprit de Dieu en lui qui le protège contre ceux qui voudraient l’égarer (1Jn 2.26-27). Mais l’Esprit utilise surtout la lumière de la Parole écrite, et on peut imaginer qu’avant l’achèvement du Nouveau Testament, les croyants avaient un grand besoin de personnes ayant reçu de Dieu la capacité de reconnaître le vrai et de détecter les contrefaçons de la vérité.

« La diversité des langues » et « l’interprétation des langues » : Nous aurons largement l’occasion de considérer la signification de ces expressions dans l’étude du chapitre 14. Le mot traduit par « diversité » est le mot vient du grec au (pluriel) pour « familles, races, sortes ». Cette lettreépître est la seule du Nouveau Testament qui parle de ce don. Le Mais le livre des Actes relate trois occasions où

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les chrétiens l’ont pratiqué (2.4 ; 10.46 ; 19.6), et, à la fin de son Évangile, Marc le mentionne comme un des signes qui seraient manifestés parmi ceux qui croiraient (16.17). Ce sont les seuls textes qui peuvent nous renseigner sur ce don tant discuté aujourd’hui. Nous les examinerons plus en détail dans le commentaire sur 1 Corinthiens 14.2.

12.11 Un seul et même Esprit opère toutes ces choses, les distribuant à chacun en particulier comme il veut.

Paul énonce ici un autre principe qui détermine l’utilisation des dons spirituels : c’est l’Esprit de Dieu qui les distribue « comme il veut » (voir également Hé 2.4). C’est l’ignorance ou le refus de ce principe qui aont contribué en grande partie au désordre de l’Église à de Corinthe. Oubliant que « Dieu a placé chacun des membres dans le corps comme il a voulu » (1Co 12.18), tout le monde cherchait d’une manière égoïste les dons les plus spectaculaires, et il en résultait de la jalousie et de l’orgueil (12.15-17 et 12.20-21). Pour la question de notre rôle dans le choix des dons, je vous invite à consulter le commentaire sur 12.31.

b. L’illustration du corps 12.12-2612.12-13 Car, comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps, – ainsi en est-il de Christ. Nous avons tous, en effet, été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres, et nous avons tous été abreuvés d’un seul esprit.

L’Église n’est donc pas simplement une organisation ; elle est un organisme oùdans lequel les différents membres sont attachés les uns aux autres et à Christ par des liens réels et

vitaux. Et c’est le baptême dans l’Esprit qui nous greffe dans ce corps, et qui élimine les barrières de raceraces (Juif et Grec) et de niveaux sociaux (esclave et libre). C’est aussi ce qui désaltère et nourrit le corps, l’Église tout entière.

Ce passage est le seul de la Bible qui nous explique le sens de ce baptême dans l’Esprit, et les chrétiens de notre génération auraient pu éviter beaucoup de controverses et d’erreurs si seulement ils l’avaient étudié. Nous y trouvons quelques enseignements très importants.

1) Notons que l’expression « le baptême de l’Esprit » peut facilement prêter à la confusion, comme si c’était l’Esprit qui baptisait. Les Écritures sont claires ; celui qui baptise de l’Esprit, c’est Jésus (Mt 3.11 ; Jn 1.33, etc.). Le Saint-Esprit est comparable à l’eau dans le baptême d’eau, c’est l’élément dans lequel nous avons été baptisés, et par lequel nous avons été abreuvés.

2) Le baptême dans l’Esprit sert à joindre celui qui croit au corps de Christ. Il n’est donc pas une deuxième étape dans la vie d’un chrétien une deuxième étape qui l’élève à un niveau supérieur de spiritualité. Il est plutôt le moyen par lequel Dieu nous attache au corps de Christ, et « tous » ceux qui placent leur confiance en Christ en sont membres de ce corps. Paul affirme, en effet, que qu'à Corinthe tous les chrétiens à Corinthe avaient été baptisés dans l’Esprit, car il utilise le pronom « nous ». Pourtant, toute la lettre nous rappelle qu’ils étaient loin de connaître une spiritualité plus élevée élevée ; au contraire, Paul les appelle des traite de chrétiens charnels et enfantinsimmatures (1Co 3.1). La personne qui n’a pas été baptisée dans le Saint-Esprit ne fait pas partie du corps de Christ et n’a pas l’Esprit de Dieu en elle. Alors, elle n’est pas au Seigneur, car Paul écrit ailleurs : « Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, il ne lui appartient pas » (Rm 8.9).

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3) Il existe une certaine confusion à ce sujet à cause des récits dans le du livre des Actes. Mais il faut se rappeler que le livre des Actes n’est pas un exposé de l’enseignement biblique, mais l’histoire de l’œuvre de Dieu dans l’Église primitive, à l’époque de la transition entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. La venue de l’Esprit à Pentecôte (Ac 2.1-4) et sur les disciples de Jean (Ac 19.1-7) était une deuxième expérience pour eux, puisqu’ils étaient des croyants qui passaient de l’ancienne alliance à la nouvelle. Dans la sagesse de Dieu, les chrétiens de la Samarie devaient attendre l’arrivée de Pierre et de Jean, probablement pour que tous reconnaissent l’importance des attaches entre l’Église à Jérusalem et celle qui se formait en Samarie, malgré l’hostilité qui existait entre ces deux régions (Ac 8.14-17). S’il y aSi un récit qui pourraitpeut servir de norme pour les conversions la conversion des païens, c’est plutôt celui de la conversion de Corneille et de ses amis, qui ont reçu le baptême de l’Esprit aussitôt qu’au moment où ils ont cru (Ac 10.44-45 et 11.15-16). Pourtant, il vaut mieux chercher les bases de nos convictions dans l’enseignement des épîtres les bases de nos convictions plutôt que dans des récits d’événements. Il ne faut pas non plus confondre la plénitude de l’Esprit avec le baptême. Le livre des Actes indique que les apôtres ont été remplis de l’Esprit à plusieurs reprises, et Dieu nous commande d’être constamment remplis de l’Esprit (Ep 5.18). Par contre, il n’y a qu’un seul baptême, selon un texte qui se réfère sans doute au baptême dans l’Esprit (Ep 4.5), et non au baptême d’eau, qui n’est qu’une image du vrai.de celui de l’Esprit.

4) C’est une erreur d’enseigner que le parler en langues est le signe du baptême dans l’Esprit. Premièrement, Paul déclare nettement que tous ne parlent pas en langues (1Co 12.30). De plus, comme nous l’avons déjà vu, le baptême n’est pas une deuxième bénédiction, mais l’œuvre que Jésus accomplit au moment où une personne croit en lui. Certes, à

trois occasions selon le livre des Actes, le parler en langues accompagnaitaccompagne la venue du Saint-Esprit (Ac 2.4 ; 10.46 ; 19.6). Cependant, ces trois récits concernaientconcernent des événements uniques d’une grande importance pour l’Église : les débuts de l’Église à Pentecôte, les premières conversions de païens, et le passage des croyants de l’ancienne à la nouvelle alliance. Il n’est pas sage de prendre ces récits comme normes pour tous aujourd’hui. Il ne faut pas oublierC’est à noter aussi que des quelque quatorze récits de conversions dans ce livre, trois seulement trois mentionnent le parler en langues.

12.14-18 Ainsi le corps n’est pas un seul membre, mais il est formé de plusieurs membres. Si le pied disait : Parce que je ne suis pas une main, je ne suis pas du corps, ne serait-il pas du corps pour cela ? Et si l’oreille disait : Parce que je ne suis pas un œil, je ne suis pas du corps, ne serait-elle pas du corps pour cela ? Si tout le corps était œil, où serait l’ouïe ? S’il était tout ouïe, où serait l’odorat ? Maintenant Dieu a placé chacun des membres dans le corps comme il a voulu.

Le principe que Paul donne ici concerne les attitudes l' attitude dans l’exercice des dons spirituels. Puisque c’est Dieu qui détermine nos dons et notre utilité au sein du corps de Christ, il est insensé et mauvais de jalouser les autres ou d’être mécontent de notre rôle. Pourtant, cette attitude fait partie des péchés qui nous enveloppent si facilement (Hé 12.1). Quel adolescent n’a pas déploré son sort en disant : « Si seulement j’avais ses talents,… sa silhouette,…ses charismes… » ? Combien de chrétiens se laissent décourager en disant : « Je ne sers à rien ! Si seulement je pouvais faire comme lui… » ? Nous oublions vite que Dieu veut que nous fassions fructifier ce qu’il nous donne, sans convoiter ce qu’il donne aux autres.

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La personne qui insiste pour occuper une place autre que différente de celle que le Seigneur lui destine perd non seulement son efficacité, mais aussi le respect de ceux qui l’entourent. Il y a quelques années, un livre est sorti, Le Principe de Peter30, qui a décrit un phénomène qui arrive souvent dans l’industrie. Selon ce principe quelque peu cynique, un ouvrier qualifié reçoit les promotionsgravit les échelons hiérarchiques jusqu’à ce qu’il arrive à un niveau de responsabilités qui le dépasse, après quoi il ne peut plus ni avancer ni être renvoyé. Alors, il stagne dans son niveau d’incompétence. Il est malheureusement possible pour un chrétien avide d’de jouer un rôle plus important de tomber dans la même erreur. Dans le corps de Christ, comme dans le corps humain, chaque membre a sa place et son importance.

12.19-25 Si tous étaient un seul membre, où serait le corps ? Maintenant donc il y a plusieurs membres, et un seul corps. L’œil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de toi ; ni la tête dire aux pieds : Je n’ai pas besoin de vous. Mais bien plutôt, les membres du corps qui paraissent être les plus faibles sont nécessaires ; et ceux que nous estimons être les moins honorables du corps, nous les entourons d’un plus grand honneur. Ainsi, nos membres les moins honnêtes reçoivent le plus d’honneur, tandis que ceux qui sont honnêtes n’en ont pas besoin. Dieu a disposé le corps de manière à donner plus d’honneur à ce qui en manquait, afin qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient également soin les uns des autres.

30 PETER L. et al., trad. WATKINS F., Le Principe de Peter, LGF, 1998.

Parmi les membres de notre corps physique, il y en a qui sont plus faibles, d’autres qui sont moins honorables, et d’autres qui sont littéralement des sujets de honte (NEG : moins honnêtes) que nous respectons en les couvrant. Tous sont nécessaires et tous méritent notre soin. C’est vrai également pour les membres du corps de Christ. Le principe que Paul évoque dans ces versets est le complément du précédent. S’il faut éviter la jalousie entre les chrétiens, l’orgueil est tout aussi néfaste. L’illustration du corps humain est un rappel probant qu’une Église fonctionne mal quand un petit nombre dequelques personnes font tout et que la grande majorité ne sont que des spectateursspectatrices. La bonne santé du corps de Christ implique que tous les membres remplissent leur rôle en bonne harmonie. La comparaison avec le corps montre aussi que le chrétien coupé de ses frères et de ses sœurs est incomplet. Il n’est pas bon pour un chrétien de s’isoler. Malgré les difficultés associées à une vie communautaire, les membres du corps de Christ ont besoin les uns des autres. Cette illustration enseigne également l’importance de que chaque croyant est important, même ceux qui paraissent les plus faibles et les moins appréciésappréciables. Elle révèle la folie de l’orgueil d'enfants de Dieu qui dédaigne un autre dans dédaignent des membres de l’Église, en reposant à chacun de nous ces questions acides : « Car qui est-ce qui te distingue ? Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1Co 4.7).

12.26 Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui.

Tous ceux qui se sont fait pincerpincé le petit doigt dans une porte peuvent rendre témoignage à la vérité de cette affirmation – tout au moins au niveau du corps humain. Le principe est moins évident dans le corps de Christ, où il devrait

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y avoir un partage des souffrances et des joies. Dieu désire cultiver dans le cœur de chaque chrétien cette manifestation de l’amour qu’est la compassion. « Compatir » selon l’étymologie du mot veut dire simplement « souffrir avec »». Nous avons ce commandement dans les Écritures : « Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent ; pleurez avec ceux qui pleurent » (Rm 12.15).

c. Le classement des dons 12.27-3112.27-30 Vous êtes le corps de Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part. Et Dieu a établi dans l’Église premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs, ensuite ceux qui ont le don des miracles, puis ceux qui ont le don de guérir, de secourir, de gouverner, de parler diverses langues. Tous sont-ils apôtres ? Tous sont-ils prophètes ? Tous sont-ils docteurs ? Tous ont-ils le don des miracles ? Tous ont-ils le don des guérisons ? Tous parlent-ils en langues ? Tous interprètent-ils ?

Paul affirme un autre principe important dans ces versets. La diversité que Dieu a établie dans l’Église implique que personne n’a tous les dons, et aussi qu’aucun don n’est donné à tous. En effet, les questions que l’apôtre pose exigent par selon leur forme grammaticale, les questions posées par l’apôtre exigent une réponse négative. On ne peut éviter de conclure que Paul écrit ces mots à cause du problème causé par le parler en langues dans l’Église de Corinthe. Car il était certainement évident aux les Corinthiens savaient bien que tous n’étaient pas des apôtres ou des prophètes, ou même des enseignants (des ou docteurs). ! Les réflexions de Paul au chapitre 14 donnent l’impression que tous voulaient parler en langues. Il est sans doute significatif que Paul metinsère chaque fois à la dernière

place de ses listes ce don et son complément, l’interprétation des langues, à la dernière place dans ses listes. De toute façon, Paul précise que tous ne vont pas parler en langues. L’enseignement qui insiste que les chrétiens doivent le faireparler en langues pour connaître le baptême de l’Esprit contredit cette affirmation. Rien dans les Écritures ne suggère l’idée qu’il y aurait deux parlers en langues, un qui arriverait au moment du baptême de l’Esprit, et un autre qui serait le don spirituel. Cette doctrine peut avoir de graves conséquences, car elle pousse les croyants mal renseignés à imiter dans la chair un don de Dieu et à croire que l’œuvre de l’Esprit se réalise dans le visible et l’incompréhensible. C’est, enselon toute probabilité, la même erreur que Paul cherche à corriger chez les Corinthiens.

Ce passage nous montre que si tous les membres ont un rôle dans l’Église et sont nécessaires au bon fonctionnement du corps, certains ministères sont plus importants que d'autres. Dans le chapitre 14, l’apôtre répète à plusieurs reprises que tout doit être fait pour l’édification. Or, ce qui édifie le croyant, ce qui le transforme pour le faire ressembler à Jésus-Christ, ce qui est vital pour la santé spirituelle du chrétien et de l’Église, c’est la Parole vivante de Dieu (2Ti 3.16-17). C’est pour cette raison que Paul met en tête de la liste les personnes ayant reçu une vocation de la Parole : les apôtres, les prophètes et les docteurs (enseignants de la Parole). Dans sa dernière lettre à Timothée avant de mourir, il lui rappelle l’obligation primordiale du serviteur de Dieu dans tous les temps : « Je t’en conjure devant Dieu et devant Jésus-Christ, qui doit juger les vivants et les morts, et au nom de son avènement et de son royaume, prêche la parole, insiste en toute occasion, favorable ou non, reprends, censure, exhorte, avec toute douceur et en instruisant. Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine ; mais, ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs

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propres désirs, détourneront l’oreille de la vérité, et se tourneront vers les fables » (2Ti 4.1-4 – souligné par l’auteur). Une Église qui néglige ce ministère pour favoriser toute autre activité ou manifestation va tôt ou tard dévier de « la saine doctrine », l’enseignement qui lui permet de rester fidèle au Seigneur et d’être utile entre ses mains.

Il est possible que le classement des dons reflète aussi en partie un ordre chronologique, car les apôtres et les prophètes sont à la fondationbase de l’édifice de l’Église (Ep 2.20). Dans le Nouveau Testament, le mot « apôtre » vient du verbe grec « envoyer », et désigne ceux que Dieu a choisis et envoyés avec en les chargeant d'une grande responsabilité dans la fondation et l’édification des Églises. Le plus souvent, il est question des disciples qui avaient accompagné Jésus pendant son ministère terrestre et qui étaientavaient été témoins de sa résurrection (Ac 1.13-26). Les prophètes étaient les porte-parole de Dieu qui et avaient un rôle important dans l’Église, surtout dans la période qui précéda l’achèvement du Nouveau Testament.

Mais parfois ces mots ont un sens plus large. L’expression « apôtres » sert aussi à désigner d’autres envoyés qui ne faisaient pas partie des douze disciples de Jésus. Dans 1 Corinthiens 15.5-7, Paul indique que Jésus est apparu « aux douze », et puis plus tard « à tous les apôtres ». Les Écritures utilisent ce mot pour parler de Paul et de Barnabas (Ac 14.4), d’Andronicus et de Junias (Rm 16.7), et des compagnons de voyage de Tite (2Co 8.23). Concernant le rôle des prophètes, les opinions sont différentesdiffèrent, mais il serait possible de comprendre que le mot « prophète » dans un sens plus large que n'est pas uniquement celui qui reçoit une révélation directe et infaillible de Dieu (voir le commentaire sur 1Co 12.10). Luc décrit le rôle de Jude et de Silas de la manière suivante : « Jude et Silas, qui étaient eux-mêmes prophètes, les exhortèrent et les fortifièrent par plusieurs discours » (Ac 15.32). Paul écrit aux

Corinthiens : « Pour ce qui est des prophètes, que deux ou trois parlent, et que les autres jugent » (1Co 14.29). Est-ce que ces hommes étaient des porte-paroles de Dieu pour avoiravaient reçu des révélations directes de Dieu pour être ses porte-parole, ou est-ce qu’ils prophétisaient aussi quand ils apportaient un message d’exhortation et d’instruction qu’ils tiraient de la Parole écrite ? Il est difficile de répondre d’une manière dogmatique à cette question.

Les listes de ce chapitre ont occasionné de grands débats dans le monde évangélique de notre siècle concernant l’existence actuelle des dons de miracles ou de signes surnaturels. Le mouvement charismatique, qui a connu une grande croissance depuis le début du vingtièmeXXè siècle, affirme que l’Esprit n’a jamais cessé de donner tous les dons à toute Église qui les recherche par la foi. Les Églises dites « non charismatiques » enseignent que les miracles du premierIer

siècle servaient de signes pour mettre le sceau de Dieu sur son Église naissante, et qu’avec la mort des apôtres, ces miracles ont cessé pour la plupart. Des chrétiens sincères et fidèles au Seigneur défendent chacune de ces deux positions en s’appuyant sur des textes bibliques. Nous offronssoumettons quelques pensées, reconnaissant toujours que nos opinions reflètent une interprétation qui nous paraît juste, mais qui n’est pas le dernier motla seule valable.

1) Le Nouveau Testament n’indique nulle part que Dieu donnera tous les dons à toute Église et à toutes les époques. Par contre, aucun texte ne permet d’attester qu’aujourd’hui, Dieu ne fera pas de miracle ou qu’il ne donnera pas un don comme celui de parler en langues. Affirmer dogmatiquement l’un ou l’autre de ces postulats, c’est aller au-delà ce qui est écrit dans la Parole de Dieu.

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2) Par contre, certains faits bibliques laissent penser que le miracle est un phénomène rare dans l’histoirel’Histoire. La Bible nous enseigne que Dieu est actif dans tous les événements de l’histoirel’Histoire, grands et petits. C’est lui qui a frayé un chemin à travers la mer Rouge pour le peuple d’Israël, lors de l’exode. C’est aussi lui qui nourrit chaque petit oiseau (Mt 6.26). La main de Dieu se voit, non seulement dans les grands actes spectaculaires, mais aussi dans chaque menu détail de notre vie, où Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment. Prise de Dans cette manièreoptique, toute la vie est surnaturelle et miraculeuse. Mais normalement nous définissons un miracle comme un acte qui sort de l’ordinaire, qui ne suit pas « les lois naturelles » (celles qui décrivent les actes habituels de Dieu !), et qui montrent d’une manière incontestable et spectaculaire la main de Dieu. De tels miracles sont rares. Abraham a certainement bénéficié de l’œuvre de Dieu, mais il n’a pas fait de miracle. La naissance d’Isaac était de Dieu, et extraordinaire, d’Isaac procédait de Dieu, mais ilAbraham a eu d’autres enfants après avec sa femme Ketura (Gn 25.1-2). David, s’appuyant sur son Seigneur, a tué Goliath, mais ce n’est pas un miracle dans le sens que nous avons défini – un acte impossible à l’homme. On aurait pu attribuer son actesa victoire à son courage et à son adresse. À vrai dire, la plupart des grands hommes de Dieu et des prophètes dans la Bible n’ont accompli aucun miracle que nous sachionsindiscutable. Noé, les Patriarches, Samuel, David, Salomon, Ésaïe, Jérémie et d’autres prophètes ont suivi fidèlement Dieu, sans pour autant faire des miracles. Même Jean-Baptiste, le plus grand de tous les hommes avant la venue

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de Christ, n’a fait aucun miracle (Jn 10.41). Qui les a faits ? Un regard sur le schéma ci-joint nous rappelle que les périodes de grands miracles étaient rares et courtes. Elles étaient – quelques dizaines d’années éparpillées dans l’Histoire du monde, du temps de Moïse, d’Élie et d’Élisée, de Daniel, de Christ et de l’Église primitive – quelques dizaines d’années éparpillées à travers toute l’histoire du monde. Pourquoi ? L’explication se trouve en partie dans un des termes habituels pour le miraclegénéralement utilisés : le « signe ». Dieu utilisait le se servait du miraculeux pour mettre son sceau sur des personnes ou une nouvelle institution. Par les miracles de l’Exode et de la conquête du pays promis, Dieu démontrait à toutes les nations son choix du peuple d’Israël pour être ses instruments dans le monde (Ex 9.13-16). Les miracles d’Élie et d’Élisée étaient le sceau de Dieu sur l’institution des prophètes, car les sacrificateurs et les rois dans leur corruption ne représentaient plus Dieu dans leur corruption. Pierre nous dit à quoi servaient les miracles de Jésus. Il accuse les Israélites d’avoir crucifié « cet homme à qui Dieu a rendu témoignage devant vous par les miracles, les prodiges et les signes qu’il a opérés par lui au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes » (Ac 2.22). Les miracles de l’Église primitive servaient également de sceau pour montrer au peuple juif et aux païens que Dieu était maintenant à l’œuvre dans cette institution nouvelle. Dans A chaque instanceépoque, une fois le principe établi, le miraculeux devient de nouveau une chose rare. Il est inadmissible de penser que les grands saints et martyrs des siècles passés n’ont pas pu faire de miracle ou de guérison parce qu’ils manquaient de foi. C’est une erreur grave de croire que Dieu ne travaille que par le miraculeux. Paul nous rappelle que « nous marchons par la foi et non par la vue » (2Co 5.7). Il est inutile de vouloir reproduire dans notre assemblée les expériences de l’exode, de la conquête ou du jour de de Canaan, de la Pentecôte et de l’Église primitive. Dieu agit

autant aujourd’hui au milieu de nous, mais pas nécessairement de la même manière.

3) Étant donné ces pensées, quelle doit être notre attitude en ce qui concerne le surnaturel ? Deux dangers nous guettent. D’un côté, notre manque de foi et notre incrédulité sont un frein dans notre vie avec Dieu (Mt 13.58 ; Hé 3.19). De l’autre côté, demander des miracles peut être une indication, non de la foi, mais d’un esprit exigeant et même incrédule. Jésus a condamné les demandes de son peuple tout en louant la foi de païens qui croyaient sans avoir vu de manifestations miraculeuses : « Cette génération est une génération méchante ; elle demande un miracle […] La reine du Midi se lèvera, au jour du jugement, avec les hommes de cette génération et les condamnera, parce qu’elle vint des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon ; et voici, il y a ici plus que Salomon. Les hommes de Ninive se lèveront, au jour du jugement, avec cette génération et la condamneront, parce qu’ils se repentirent à la prédication de Jonas ; et voici, il y a ici plus que Jonas » (Lc 11.29-32). Alors, Dieu veut que nous puissions voir sa main à l’œuvre dans chaque petit détail de notre vie, extraordinaire ou non. Il désire faire grandir notre confiance en lui, et notre amour pour lui en toute circonstance, même quand ses voies sont incompréhensibles. Et il promet d’agir en réponse à nos prières – parfois d’unede manière spectaculaire, mais souvent aussi d’unede façon tout à fait discrète.

12.31 Aspirez aux dons les meilleurs. Et je vais encore vous montrer une voie par excellence.

On peut lire ce passage de deux manières différentes, car le grec ne fait pas de distinction grammaticale entre l’impératif et l’indicatif au temps présent. En général les versions

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françaises prennent la phrase comme une instruction de rechercher les meilleurs dons. On peut aussi lela comprendre comme une désapprobation, car le mot « aspirer » serait pourrait être mieux traduit par « être zélé pour » ou « jalouser ». Selon cette manière de lire le texte, Paul critique les Corinthiens en disant : « Vous êtes zélés pour les dons que vous estimez être les plus importants ; je voudrais vous montrer ce qui est réellement le meilleur de tout ». Cette interprétation est tentantepeut-être la meilleure. Elle cadre bien avec le contexte, car les Corinthiens glorifiaient les dons voyants au mépris des autres. Elle s’accorde mieux avec le fait que c’est le Saint-Esprit qui distribue les dons comme il le veut, et non selon les aspirations des chrétiens. Dans sa description de l’amour, Paul indique que l’amour n’est pas « jaloux », utilisant le même verbe pour l’opposer à l’attitude de ses lecteurs. Il est vrai que l’apôtre emploie ce verbe dans un sens positif au 14.1, quand il écrit aux Corinthiens (14:1) d’être zélés pour les choses spirituelles, mais plutôt afin que vous prophétisiezen vue de prophétiser. Mais comme l’indique notrecette traduction, Paul ne les exhorte pas nécessairement à rechercher les dons spirituels, car il n’utilise pas le mot charismata (dons). C’est vrai aussi pour sesles instructions dansdonnées en 14.12 et 39, malgré le fait que nosles versions françaises ajoutent souvent le mot « don ».

SUJETS DE DISCUSSION

1. Que peut-on faire dans l’Église pour encourager et cultiver les dons des uns et des autres ? Quelles sont les attitudes et les pratiques qui ont tendance à empêcher l’utilisation des dons ? Textes complémentaires : 2Co 6.1 ; Ep 4.1-12, 15-16 ; 1Th 5.12, 19-20 ; 3Jn 1.9-11

2. Quelles sont d’autresEn plus des œuvres de l’Esprit dans le croyant, en plus de celles mentionnées dans ce chapitre, comment l'Esprit agit-il pour le croyant ? Textes complémentaires : Rm 5.5 ; 8.2, 11, 13, 16-17, 26-27 ; Ep 4.30 ; 5.18 ; Jn 15.26-27 ; 16.13

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III. Réponses aux questions 7.1-16.4E. Les dons spirituels 12.1-14.40

3. L’amour : la voie par excellence dans l’exercice des dons 13.1-13

a. La nécessité de l’amour 13.1-3b. Les qualités de l’amour 13.4-7c. La durée de l’amour 13.8-13

3. L’amour : la voie par excellence dans l’exercice des dons 13.1-13

Ce chapitre est en quelque sorte le point culminant de la lettre aux Corinthiens. Il prescrit le médicament qui pourrait guérir la plupart des problèmes dans l’Église, et en particulier l’usage abusif de la paroleparoles lors des cultes. Écrivant à des chrétiens qui pensaient manifester leur spiritualité par leur sagesse, leur connaissance et le maniement des dons spirituels, Paul rappelle que toutes ces compétences sont sans aucune valeur en l’absence d’un véritable amour. Dans leur zèle de connaître « les esprits » (14.12 – grec), ils avaient oublié que le premier fruit de l’Esprit est l’amour (Ga 5.22).

Les grandes lignes de la pensée de Paul sont claires, et le chrétien a besoin, non pas tellement d’explications que d’une mise en application de ces vérités dans sa vie de tous les jours. Pourtant, certaines observations peuvent l’aider à mieux cerner le sens de ce que Dieu veut quand il lui commande d’aimer son Dieu et son prochain. Car le mot « amour » en français évoque une gamme de notions qui sont parfois à l’opposé même du sens biblique. Tout d’abord, l’amour dont Paul parle ici « n’est pas ce courant qui galvanise un homme en présence de l’élue de son cœur. L’amour, pour le monde moderne, est un mot truffé

de sentimentalité »31. Les Grecs avaient un mot pour cet amour romantique et passionné, erôs-, d’où vient le français « érotique ». Hélas, l’amour de ce type est parfois l’opposé de celui du chapitre 13, puisque celui qui le « fait » cherche trop souvent à satisfaire égoïstement ses propres désirs, sans considérer l’intérêt de la personne en facel'autre.

Les écrivains du Nouveau Testament utilisent deux expressions grecques quand ils parlent de l’amour, les noms agapé- (118 fois) et philia- (1 fois) et les verbes qui y sont associés, agapaô- (142 fois) et phileô- (25 fois). Il n’est pas tout à fait juste de dire, comme on l'entend souvent, que l’amour agapé est de Dieu tandis que l’amour philia est de l’homme. Bien que les auteurs utilisent phileô beaucoup moins que agapaô, les deux verbes décrivent toutes sortes de relations, comme le montrent les textes ci-dessous :

1. agapaô décrit non seulement l’amour de Dieu pour le monde et pour ses enfants, mais aussi l’amour entre les non-croyants (Lc 6.32) et l’amour malsain pour les choses du monde (1Jn 2.15-16).

2. phileô est aussi utilisé pour parler de l’amour de Dieu envers son Fils (Jn 5.20), de Jésus pour Lazare (Jn 11.3, 36), et des chrétiens pour Jésus (1Co 16.22).

On comprend mieux la différence entre ces deux mots quand on considère que les mots grecs pour « ami » et « s’embrasser » ont la même racine que phileô. Cette dernière expression indique alors un amour créé par amitié, un amour qui consiste en une attache sentimentale. Son antonyme est la

31 BOYER James, Études sur la Première Épître aux Corinthiens, Lugny : Éditions Clé, pages 149-150.

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haine. Par contre, agapé est un amour qui se traduit par les actes et implique la volonté de chercher l’intérêt du bien-aiméde l’autre. Son antonyme n’est pas la haine, mais l’indifférence ou l’égocentrisme. Quand Jésus nous commande d’aimer nos ennemis, il utilise aussi le verbe agapaô (Mt 5.44). Il ne demande pas que nous allions les embrasser dans un revirement total d’affections. Il veut que nous cherchions leur intérêt réel, que nous leur fassions du bien (Rm 12.17-21), à l’exemple de l’amour de Dieu pour un monde hostile. C’est cet amour que Paul décrit dans ces versets. Les Corinthiens cherchaient leur propre épanouissement propre et leur édification aux dépens des autres ; Paul les engage à changer radicalement leur optique et à considérer en premierd'abord les besoins et les intérêts des autres.

a. La nécessité d’amourde l’amour 13.1-313.1-3 Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas l’amour, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit. Et quand j’aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j’aurais même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert à rien.

Le sens de ces phrases est limpide. Les : les dons spirituels, aussi impressionnants qu’ils puissent être, perdent toute leur valeur si on ne les exerce pas avec amour. Ce n’est pas que l’amour remplace les différents dons et ministères, mais il doit en être la motivation. Il s’agit d’un contraste net entre la perspective des Corinthiens et celle de Paul. Les Corinthiens

considéraient que pour être spirituel, il fallait posséder des preuves visibles et extraordinaires. Pour Paul, l’homme spirituel détient une « foi qui est agissante par l’amour » (Ga 5.6).

L’apôtre mentionne quatre domaines de compétence. D’abord, il considère les prouesses de la « parole ». Les Corinthiens étaient fortsversés dans l’usagel'art de la parolerhétorique (1Co 1.5), et glorifiaient les dons de prophétie et des langues. Sans l’amour, ils ressemblaient aux pots de bronze qu’on utilisait pour augmenter le volume des voix dans les théâtres ou les cymbales qui étaient d’usage dans les cultes païens32. On se demande si chez eux il y avait des prédicateurs qui changeaient de voix lors de leurs messages pour mieux tambourinerenflammer leurs congrégations, tels que certains font de nos jours ! De même, Paul indique la futilité de la « connaissance » sans amour. Fiers de leurs sciences, les chrétiens à de Corinthe sont même arrivés à détruire l’œuvre de Dieu (8.11). Il est malheureux de constater qu’aujourd’hui encore, un chrétien peut posséder de grandes connaissances, même des connaissances bibliques, et les utiliser pour critiquer méchamment et même détruire d’autresceux qui ne sontpartagent pas de son opinion. Même la « foi », si nécessaireindispensable dans les rapports avec Dieu, est sans valeur à moins d’être si elle n'est pas une expression d’un amour pour lui et les autres. Car la véritable foi n’est pas tant une conviction qu’une confiance attentive en Christ. Par la conviction et le zèle, des gens ont effectivement déplacé des montagnes, parfois en écrasant tous ceux qui se trouvaient sur leur chemin. Devant Dieu une telle foi ne vaut pas mieux que celle des démons (Jc 2.14-19). Finalement, même les plus grands des « sacrifices » ne servent à rien à ceux qui les font,

32 FEE Gordon D., The First Epistle to the Corinthians, Grand Rapids : Eerdmans, 1987, page 632.

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quand ils ne sont pas le produit de l’amour. Au premier abord, cette idée étonne. Comment peut-on consentir à donner tous ses biens ou même sa vie sans amour ? Pourtant, on le sait, une bonne œuvre n’est pas nécessairement la preuve d’une bonne attitude de coeur. La philanthropie remplit un grand besoinsatisfait de grands besoins dans le monde, mais quand on la fait avec elle est le fruit de l'orgueil et arrogance, où dans le butde l'arrogance, ou accomplie avec le désir de se faire féliciter ou de calmer sa conscience, elle ne procure rien pour celui qui le faitn'est d'aucun bénéfice. Et les cimetières du monde sont remplis des dépouilles de soldats et de terroristes qui ont consenti au sacrifice ultime, sans nécessairement avoir agi par amour. Combien c’est tragique de voir de jeunes hommes sincères, leurrés par de les fausses promesses d’un paradis, s’attacher des bâtons de dynamite pour devenir des bombes vivantes et dévastatrices !

Tout chrétien est appelé à donner librement de lui-même et de ses biens et de lui-même. La prédication de la foi et l’instruction dans la Parole sont utiles, même quand le messager est motivé par des mobiles qui ne sont pas parfaits. D’ailleurs, il n’est pas question de refuser de servir jusqu’à ce qu’on soit sûr de la pureté de ses motivations, car alors personne ne ferait rien. Les activités que Paul mentionne sont toutes utiles, mais leur valeur pour celui qui les pratique dépend de ses raisons et de son amour. D’où le besoin de cultiver à la fois nos dons et notre amour.

La construction grammaticale de ces phrases montre que l’apôtre considère les cas les plus extrêmes, voir irréels, car personne ne pourraitpeut connaître tous les mystères et toute la connaissance. Alors la question se pose : peut-on réellement parler les langues des anges ou est-ce que Paul parle en hyperbole : « … même si je pouvais faire l’impossible » ? Même si nous ne pouvons pas donner une réponse

définitiveabsolue à cette question, le contexte semble bien indiquer qu'il s'agit d'un style hyperbolique. Les Corinthiens eux-mêmes pensaient peut-être qu’ils parlaient les langues des anges. Par contre,Pourtant , dans la Bible à chaque fois que les anges parlent dans la Bible, ils s’expriment d’une manière compréhensible à l’homme. De plus, il ne peut être question de « paroles extatiques », car toute langue àa une structure et une forme (1Co 14.10). Répéter des syllabes sans aucune structure ressemble plus fortement à une imitation plus qu’à un don spirituel ou à une langue angélique. Dieu ne veut pas que ses enfants parlent « en l’air » (14.9), et on doute fort qu’il laisse ses anges le faire. Au chapitre 14 nous examinerons plus en détail la nature de ce don de « diversité des langues ».

b. Les qualités de l’amour 13.4-713.4-7 L’amour est patient, il est plein de bonté ; l’amour n’est pas envieux ; l’amour ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne soupçonne pas le mal, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité ; il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout.

On a souvent suggéré que la meilleure façon de comprendre le sens de ces expressions est de contempler leur réalisation dans la personne de Jésus-Christ. Elles sont pour ainsi dire un portrait du caractère de notre Seigneur. En voyantlisant cette description, on peut bien comprendre que Paul appelle l’amour « le lien de la perfection » (Col 3.14). Même si l’homme dépourvu de l’Esprit peut, par moments, faire preuve d’un amour étonnantde beaucoup d'amour, il faut l’œuvre de Dieu pour que cet amour se développe d’une manière constante dans un être humain. C’est pourquoi Jean dit

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que « l’amour [agapé] est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu » (1Jn 4.7). Nous ne pouvons progresser dans l’amour uniquement parce que grâce à « l’amour de Dieu (est) répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné » (Rm 5.5). Tout le monde sait qu’il faut aimer les autres, mais seul le Dieu véritable peut donner la capacité de le faire. Une religion ou une philosophie qui ordonne l’amour sans Dieu ressemble à une personne qui dit à un infirme de courir les cent mètres.

Nous n’avons pas beaucoup de peine à comprendre ces qualités d’amour ; la difficulté survient quand nous essayons de les vivre. Il est quand même intéressant d’approfondir un peu la signification de quelques-uns des termes que Paul emploie ici.

1) L’amour exerce « la patience ». Le verbe makrothumeô- décrit le trait de caractère qui est lent à se mettre en colère, qui supporte avec indulgence les gens difficiles. Il y a unUn autre mot grec pourdéfinit la patience qui endure les circonstances pénibles ; Paul l’utilise au verseten 1Co 13. 7 quand il dit que « l’amour « supporte tout » (1Co 13.7). La patience est une des toutes premières qualités du véritable amour. Elle constitue alors un bon test de véracité pour un jeune couple amoureux. Leur amour est-il celui que Dieu commande pour un couple ou n'est-il simplement que de la passion ? La preuve d’un véritable amour est la patience qui respecte qui accepte les consignes de la Parole de Dieu et qui cherche le bien de l’autre.

2) L’amour n’est pas « envieux ». Ce terme peut communiquer un sens négatif de jalousie, ou un sens positif de zèle (voir le commentaire sur 12.31). Même la jalousie a sa place dans l’amour, car Dieu est amour et il est aussi jaloux (Ex 34.14). Mais même dans la jalousie, l’amour cherche toujours le bien de l’autre, et jamais ce qui lui appartient à l’autre.

3) L’amour « ne fait rien de malhonnête ». Ce n’est pas la meilleure des traductions. Littéralement, « l’amour ne se comporte pas d’une manière indécente » ou « honteuse ». On trouve un mot de la même racine quand Paul parle des membres du corps qui sont indécents (1Co 12.23). L’apôtre songe peut-être au comportement de certaines femmes dans l’Église (11.5) ou des riches lors des repas du Seigneur (11.21-22).

4) L’amour « ne cherche pas son propre intérêt » (Semeur). Ces mots sont importants pour préparer ses les lecteurs à ce qui suit concernant la place des langues. Les Corinthiens étaient trop préoccupés de leur propre édification et de leur croissance personnelle, et avaient besoin de cette injonction. N’est-ce pas aussi le problème de fond de tout croyant ? Chacun de nous est par nature et depuis sa naissance un être essentiellement égocentrique. D’où la grande difficulté que nous avons à mettre en pratique les conseils de Dieu. D’où et la lutte acharnée en tout croyant entre l’Esprit et la chair (Ga 5.17). Car l’Esprit veut renverser remplacer cet égoïsme et le remplacer par « les sentiments qui étaient en Jésus-Christ », résumés dans son commandement : « Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres » (Ph 2.4-5). Dans un monde où les gens sont constamment poussés à défendre leurs propres intérêts, cette conception de l’amour est tout à fait radicale révolutionnaire.

5) L’amour « ne soupçonne pas le mal » ou mieux, ne comptabilise pas le mal. Celui qui est animé par l’amour ne va pas garder rancune, prenant et prendre note de tous les torts qu’un autre a contre lui. Une des grandes sources de conflit dans notre monde est cette volonté obstinée de nations ou d’individus qui ne veulent pas oublier ou pardonner les offenses. Là aussi le chrétien doit prendre son Seigneur comme modèle, « lui qui, injurié, ne rendait point d’injures, maltraité, ne faisait pas de menaces, mais s’en remettait à celui qui juge

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justement » (1P 2.23), et qui a demandé à son Père de pardonner à ceux qui l’ont crucifié (Lc 23.34).

6) L’amour « ne se réjouit pas de l’injustice, mais […] de la vérité ». Celui qui aime véritablement ne se laisse pas berner en montrant une indulgence coupable envers l’injustice. Jésus n’a pas hésité à dénoncer sévèrement l’hypocrisie et l’orgueil de ses interlocuteurs (Mt 23). À deux reprises, il a même chassé avec violence les vendeurs du temple. Un commentateur écrit : « L’amour ne nous amène pas à défendre notre cause, mais il devrait nous pousser à déplacer la terre et les cieux pour obtenir la justice pour les autres. […] Les chrétiens ne rendent service à personne s’ils restent agréables tout en renonçant à communiquer d’importantes vérités que d’autres négligent à leur périlleurs risques et périls »33.

7) L’amour « excuse tout ». Le verbe serait mieux traduit par « endure » ou « supporte tout ». Paul écrit ailleurs : « Supportez-vous les uns les autres, et, si l’un a sujet de se plaindre de l’autre, pardonnez-vous réciproquement » (Col 3.13). L’amour « croit » et « espère tout ». Ce n’est pas que l’amour soit naïf ou crédule, mais il ne perd jamais espoir, il est prêt à croire jusqu’au bout en quelqu’un, à le soutenir le plus longtemps possible. L’amour « supporte tout ». Comme nous l’avons déjà vu, ce verbe décrit la patience face aux circonstances défavorables. Ailleurs, il est traduit par « persévérer ».

c. La durée de l’amour 13.8-1313.8-13 L’amour ne périt jamais. Les prophéties seront abolies, les langues cesseront, la

33 BLOMBERG Craig, The NIV Application Commentary, Grand Rapids : Zondervan, 1994, page 262.

connaissance sera abolie. Car nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie, mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel sera aboli. Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant ; lorsque je suis devenu homme, j’ai mis de côté ce qui était de l’enfant. Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j’ai été connu. Maintenant donc ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance, l’amour ; mais la plus grande de ces choses, c’est l’amour.

Au début du prochain chapitre suivant, Paul encourage les Corinthiens à poursuivre surtout l’amour, sans pourtant négliger les autres aspects de la spiritualité. La raison en est donnée dans ce paragraphe : l’amour est une qualité plus importante que l’exercice des dons, car il va subsister pour toute l'éternité, tandis que les dons sont à la fois temporaires et incomplets.

Paul utilise deux verbes pour montrer l’aspect passager des trois dons les plus admirés des Corinthiens. « Les prophéties » et « la connaissance » seront un jour rendues inutiles (katargeô-), par la venue de ce qui est parfait. « Les langues » vont simplement cesser d’elles-mêmes (pauomai-). Nous aurions aimé que l’apôtre précise un peu sa pensée, car ses paroles ont suscité des différences d’opinion parmi les chrétiens. Certains pensent que ces deux verbes sont des synonymes, et ; selon eux, Paul changechangerait de verbe pour ne pas répéter trois fois la même chose. D’autres voient dans le changement de verbes une différence entre la disparition de la prophétie et de la connaissance lors de la venue de Christ, et la fin du parler en

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langues, à un moment que Paul ne spécifie pas. Nous ne pouvons pas préciser ce quesi Dieu ne l'a pas fait pas. Notons par contre quelques points importants.

1) L’interprétation de ce passage qui identifie « ce qui est parfait » avec l’achèvement du canon du Nouveau Testament ne cadre pas avec le contexte, malgré les tentatives de quelques exégètes. Tout dans ce passage laisse à penser que Paul compare l’état actuel des choses avec le moment où nous verrons le Seigneur face à face et que nous connaîtrons comme nous avons été connus. De plus, les Corinthiens n’auraient pas pu comprendre autrement l’apôtre, car ils n’avaientne pouvaient certainement pas la conceptionconcevoir l'idée d’un Nouveau Testament. Ceux qui enseignent cette interprétation le font pour anticiper l’erreur qui consiste à croire que Dieu ajoutera des révélations à la Bible jusqu’au retour de Christ. Si « les prophéties » et « la connaissance » dans ces versets ne sont pas des révélations divines directes et infaillibles, mais des messages et des pensées apportéesapportés par ses porte-parole soumis à l’Esprit de Dieu (voir commentaires sur 12.8-10 et 14.29), on comprend pourquoi elles ne seront plus utiles une fois que nous verrons le Seigneur face à face.

2) L’histoireL’Histoire montre qu’effectivement le don de « langues » tel que la Bible le décrit semble avoir disparu avec la fin de l’âge apostolique. Chrysostome, écrivant au quatrièmeIVè siècle, commente notre ainsi ce texte en disant :

« Les prophéties, dit-il, s’anéantiront, les langues cesseront. Si ces dons n’ont été faits d’abord que pour établir la Foi, maintenant que la Foi est établie, ils ne sont plus nécessaires, alors qu’on ne cessera jamais de s’aimer les uns les

autres dans le ciel et qu’au contraire l’amour y sera bien plus ardent qu’il ne l’est maintenant »34.

À cela peut s’ajouter le témoignage d’Augustin, dans son commentaire sur la Pentecôte :

« Vous savez comment le ciel répondit à leurs prières : par un grand prodige. Tous ceux qui étaient présents n’avaient appris qu’une seule langue. L’Esprit Saint descendit sur eux et remplit leur âme, et ils commencèrent à parler les langues de tous les peuples sans les connaître, sans les avoir apprises […] Est-ce qu’aujourd’hui, mes frères, le Saint-Esprit n’est plus donné ? Celui qui le croirait ne serait pas digne de le recevoir. On le reçoit donc encore aujourd’hui. Pourquoi donc ne parle-t-on plus aujourd’hui toutes les langues, comme les parlaient ceux qui recevaient alors le Saint-Esprit ? Parce que la signification mystérieuse du don des langues est accomplie. […] Cette Église si peu nombreuse, qui parlait toutes les langues, était le symbole de cette grande Église qui s’étend du lever du soleil à son coucher, et parle les langues de tous les peuples. Cette promesse a reçu son accomplissement »35.

Ces deux pères de l’Église témoignent de l’absence de ce don à leur époque, et considèrent qu’il a surtout servi de signe pour l’établissement de l’Église. Les paroles de Paul au chapitre 14 (v. 20-22) pourraient confirmer leur opinion. En tout cas, l’histoirel’Histoire de l’Église montre que ce phénomène, à l’exception de certains mouvements en marge de l’Églisemarginaux, était inconnu jusqu’à la naissance du mouvement PentecôtistePentecôtisme au début du XXe siècle.

34 Jean CHRYSOSTOME, Homélie XXXIV

35 AUGUSTIN, Sermon CCLXVII, II et III.

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L’amour est aussi plus important que la prophétie et la connaissance non seulement parce que ces dernières qualités sont temporaires, mais aussi parce qu’elles sont imparfaites. Paul utilise trois expressions pour comparer la connaissance que nous possédons actuellement avec celle que nous aurons un jour auprès du Seigneur.

1. maintenant en partie – alors parfait ;

2. maintenant comme un enfant – alors comme un adulte ;

3. maintenant comme au moyen d’un miroir, en énigmes – alors face à face, comme nous sommes connus.

PrisPrises ensemble, ces comparaisons rappellent une vérité que les chrétiens oublient bien trop souvent. Certes, « nous savons […] que le Fils de Dieu est venu, et qu’il nous a donné l’intelligence pour connaître le Véritable » (1Jn 5.20) ; nous sommes donc sûrs que notre conception de Dieu est juste quand elle provient des Écritures. Cependant, elle est aussi bien limitée. Nous connaissons Dieu et nous réfléchissons sur ses voies comme des enfants connaissent et raisonnent. Ce fait ce qu'il est important à de se rappeler lorsque nous entrons dans les grands débats théologiques et doctrinaux. IlS’il est important primordial de combattre pour la vérité ;, il est aussi essentiel que ce combat se fasse avec amour et humilité, sachant que la meilleure de nos connaissances n’est qu’un reflet plus ou moins déformé par le miroir de nos propres préjugés et de nos limitations. Nous avons dans laLa révélation de Jésus-Christ nous apporte tout ce qu’il faut pour la vie et la piété (2P 1.3), mais il reste beaucoup de points que nous ne connaissons pas pour l’instant. Quand Paul dit que nous voyons d’une manière obscure, il emploie le mot grec, ainigma-

, qui nous a donné le mot « énigme ». Un jour nous connaîtrons comme nous sommes connus, nous verrons notre Seigneur face à face, et c’est cette rencontre qui nous transformera pour lui ressembler (1Jn 3.2). Mais pour l’instant, nous ne devons pas oublier ce que Dieu àa dit par Moïse : « Les choses cachées sont à l’Éternel, notre Dieu ; les choses révélées sont à nous et à nos enfants, à perpétuité, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette loi » (Dt 29.29).

Alors, on ne mesure pas la maturité d’un chrétien à ses talents, à sa connaissance ou à ses compétences. Ce n’est pas parce qu’une personne est un prédicateur éloquent ou un membre dévoué de l’Église qu’elle est nécessairement spirituelle. La maturité d’un chrétien se voit dans sa foi, son espérance et son amour, et tout spécialement dans son amour.

SUJETS DE DISCUSSION

1. Comment pouvons-nous, de manière concrète, nous stimuler et nous motiver à croître dans l’amour ? Qu’est-ce qui refroidit l’amour ? Textes complémentaires : Mt 24.12 ; Hé 10.24-25 ; Ph 1.9-10 ; 1Tm 1.5 ; 1Th 3.12.

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III. Réponses aux questions 7.1-16.4E. Les dons spirituels 12.1-14.40

4. La prophétie et les langues 14.1-40a. La prophétie est plus importante que les langues

14.1-5b. La nécessité de paroles intelligibles dans l’Église

14.6-19c. La prophétie et les langues comme un signe 14.20-

25d. L’utilisation de langues et de prophéties dans un

culte 14.26-33, 36-40e. Le silence des femmes dans l’Église 14.33b-35

4. La prophétie et les langues 14.1-40Paul consacre maintenant toute une partie de sa lettre à

instruire les Corinthiens concernant l’utilisation du parler en langues et de la prophétie lors de leurs réunions. Ironiquement, ces conseils, donnés pour contribuer à l’ordre et la paix, ont servi si souvent à diviserdivisé les chrétiens. En effet, ce chapitre a servi d’appui pour des orientations très différentes entre des croyants sincères et attachés à la Parole de Dieu. Il ne faut pas considérer pour autant que ce chapitre soit obscur au point d’être inutile. Il fait partie des textes inspirés de Dieu, et il est alors utile et nécessaire pour « enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire » (2Ti 3.16), même s’il ne répond pas à toutes nos questions. Il ne faudrait pas que les quelques points obscurs voilent l’enseignement clair et important que nous y trouvons.

Quels sont alors les principes qui sont incontestables dans ces paragraphes, et quels sont ceux qui sont moins évidents ? Il nous paraît clair que :

1. Le don de parler diverses langues n’est pas donné à tous (1Co 12.30). Alors, il ne peutIl n'est donc pas être nécessaire pour la croissance ou l’édification d’un individu. Il n’est pas non plus une l'indication d’un niveau supérieur de spiritualité, ou du baptême de l’Esprit (voir commentaire sous 12.13). Nous aurons l’occasion de considérer ce point plus en détail.

2. Les langues inconnues n’ont pas deleur place dans un rassemblement de chrétiens si elles ne sont pas interprétées, parce que :

a. elles n’édifient pas (14.26-28) ;

b. elles repoussent les non-croyants (14.23) ;

c. elles sont une source de désordre qui déshonore Dieu qui est un Dieu de paix (14.33).

3. Une des raisons principales de tout don est l’édification de l’Église, et pour cela il faudraitfaut que les transmissions soient intelligibles (14.26, 6).

Les questions difficiles concernent surtout la nature des phénomènes que Paul mentionne ici. Quelles sont, à vrai dire, les langues que les Corinthiens pratiquaient et peut-on recevoir un pareil don aujourd’hui ? Comment était la Quelle forme de prophétie que Paul a-t-il encouragée ? Existe-t-elle aujourd’hui ? Il est beaucoup moins facile de répondre à ces questions.

Deux dangers guettent le chrétien qui désire vivre pleinement sa vie en Christ et profiter des dons que l’Esprit lui accorde. D’un côté, il sera exposé à des mouvements et à des individus qui proposent ou qui imposent des comportements

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qui ne sont que de pauvres imitations parfois même absurdes de l’œuvre réelle du Saint-Esprit. Le chrétien doit savoir reconnaître et éviter ces expériences qui ne glorifient pas Dieu et qui peuvent souvent contrecarrer son œuvre. D’un autre côté, s’il réagit trop violemment contre de tels abus, il court le risque de dénoncer comme satanique une véritable œuvre du Saint-Esprit, comme les pharisiens l’ont fait quand ils ont dit que Jésus agissait par la puissance de Béelzébul (Mt 12.24).

Le nombre d’études et de livres qui examinent le sujet des langues et de la prophétie est énorme. Certains de ces ouvrages sont très orientés et polémiques, mais beaucoup sont le fruit de recherches sérieuses et réfléchies. Je reconnais à quel point il est difficile de trancher aujourd’hui entre les différentes façons de comprendre certains détails des conseils que Paul adresse aux chrétiens de Corinthe. Les raisons de cette difficulté sont évidentes. Nous possédons à l’heure actuelle trop peu d’information pour savoir avec certitude ce qu’étaient le parler en langues et la prophétie que pratiquaient les Corinthiens. Alors, tout exégète aborde forcément ce passage avec des présuppositions qui diffèrent selon ses traditions et l’enseignement qu’il a reçu et ses traditions. Ce commentaire n’y échappe pas et j’admets volontiers le caractère incomplet et même tendancieux de certaines de mes suggestions. À chacun de les évaluer à la lumière de toute la Parole de Dieu.

a. La prophétie est plus importante que les langues 14.1-514.1 Recherchez l’amour. Aspirez aussi aux dons spirituels, mais surtout à celui de prophétie.

Cette traduction n’est pas tout à fait fidèle au grec et peut fausser quelque peu notre compréhension. Une traduction

littérale donne : « Poursuivez l’amour, soyez zélés pour (les choses) spirituelles, mais plutôt afin que vous prophétisiez ». Paul n’utilise jamais le mot « don » dans les chapitres 13 et 14 de sa lettre, alors que la NEG le rajoute à plusieurs reprises (13.2 ; 14.1, 12, 13, 39). L’addition de ce mot donne a conduit dans l’interprétation traditionnelle : Paul encourage les chrétiens à rechercher et à utiliser pleinement les dons spirituels, et . Cette idée n’est certainement cette idée n’est pas étrangère au contexte. Mais, mais elle n’est peut-être pas tout à fait ce que Paul voulait dire. Le fait qu’il évite de parler de « don » dans ces chapitres paraît important. Les Corinthiens se voulaient « spirituels » et Paul emploie à plusieurs reprises ce terme, souvent pour contrastermettre en contraste la vraie spiritualité avec leur comportement infantile et charnel. Déjà aux chapitres 2 et 3 il décrit l’homme vraiment spirituel et en critiquant leur conduite qui ne l’était pascharnelle (2.15 ; 3.1). Dans son introduction concernant les manifestations spirituelles (12.1-3), il révèle que la vraie spiritualité (de nouveau le mot « don » n’est pas dans le grec) se révèle dans la confession de Jésus comme Seigneur. Dans 1 Corinthiens 14.37, il indique que celui qui est « spirituel » (et non pas « inspiré ») va reconnaître son autorité d’apôtre. Étant donné ces faits, les trois commandements du chapitre 14 doivent être traduits plutôt de cette manière, en toute probabilité :

14.1 : « Soyez zélés pour ce qui est spirituel, mais surtout pour que vous prophétisiez » (annonciez la Parole de Dieu ?).

14.12 : (littéralement) « puisque vous êtes des zélés pour les esprits, que ce soit pour l’édification de l’Église que vous cherchiez à exceller ».

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14.39 : (littéralement) « Ainsi, frères, soyez zélés pour prophétiser, et n’empêchez pas de parler en langues ».

Le commandement n’est pas tellement de rechercher les dons spirituels, mais la vraie spiritualité, qui comporte en plus que lesdes dons comporte le fruit de l’Esprit. Et ce qui contribue le plus à cette fincet objectif, c’est l’annonce de la Parole de Dieu qui, par son action sur l’intelligence et le cœur d’un croyant, le fait croître « dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ » (2P 3.18).

14.2 En effet, celui qui parle en langue ne parle pas aux hommes, mais à Dieu, car personne ne le comprend, et c’est en esprit qu’il dit des mystères.

Ce qui est clair dans ce verset et le passage qui le suit, c’est que les langues sont inutiles à ceux qui les entendent, à moins qu’elles soient interprétées. Mais la phrase de Paul suscite quelques questions intéressantes auxquelles on peut donner des réponses différentes.

Les langues que ces personnes parlent, sont-elles des langues étrangères ou un langage de prière et de louange qui n’a pas de structure, appelé parfois extatique ? Toute réponse à cette question comporte quelques difficultés, mais nous penchons nettement pour l’interprétation qui identifie le don véritable du Saint-Esprit comme étant celui qui a paru pour la première fois à Pentecôte. Nous lisons que tous ceux qui étaient présents dans la chambre haute ce jour-là « se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer » (Ac 2.4). Plus loin, Luc nous informe que les Juifs venant de tous les pays alentour les entendaient « parler dans (sa) leur propre langue » (2.6), et il nomme plusieurs de ces langues. Une lecture simple de ces textes montre qu’il ne s’agit pas d’un miracle d’écoute, comme certains le pensent

mais de paroles, car Luc dit que le don a été donné aux croyants et non pas à ceux qui écoutaient. Si quelques personnes se moquaient et accusaient les apôtres d’avoir trop bu, cela ne signifie nullement que les paroles qu’ils entendaient n’étaient pas intelligibles. Avec tant de monde qui parlait tant de langues différentesDans un tel brouhaha, il était facile pour une personne hostile ou cynique d’attribuer ce qu’elle voyait à un excès de vin. Luc mentionne encore deux fois la manifestation de ce don, quand  : en Ac 10.45-46, alors que Pierre annonce l’Évangilel'Évangile chez Corneille (Ac 10.45-46), et quand Paul baptise les en Ac 19.6-7 lors du baptême des disciples de Jean-Baptiste (Ac 19.6-7)par Paul. Pierre raconte ce qui s’est passé chez Corneille et il affirme que « Dieu leur a accordé le même don qu’à nous qui avons cru au Seigneur Jésus-Christ » (Ac 11.17). Nous pouvons donc savoir que le don pratiqué par Corneille et ses amis était identique à celui donné à la Pentecôte. Rien ne laisse supposer que celui des d' Actes 19 soit différent. La conclusion semble évidente : la seule fois dans les Écritures où le don des langues est décrit dans les Écritures, le Saint-Esprit donne la capacité surnaturelle de parler dans une langue terrestre.

Alors, laLa manière la plus naturelle de comprendre le don de du parler en langues dans la première lettre auxI Corinthiens est donc de le considérer comme identique à celui des Actes, car il est toujours bon d’interpréter les Écritures à la lumière d’autres textes de la Parole. Seulement, Mais la question n’est pas aussi claire et simple que ça. Certaines affirmations de Paul au chapitre 14 poussent beaucoup d’exégètes à penser qu’il s’agit d’un autre phénomène. Ils considèrent que le don qu’ont connu les Corinthiens était plutôt un langage de prière et de louange, incompréhensible à celui qui le parlait et aux autres, et qui servait surtout à l’édification personnelle. Il est certain que le langage de Paul dans ce chapitre pose quelques difficultés pour celui qui comprend les

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langues dans le même sens que celles des Actes. Le plus grand problème se trouve dans ce verset 2, caroù Paul dit ici que personne ne comprend l’individu qui parle en langues, tandis que dans les Actes, chacun entendait ce qui était dit dans sa propre langue ce qui était dit. Mais cette difficulté n’est pas insurmontable. Notons les points suivants :

1) Clairement, l’Église à L’Église de Corinthe était troublée par des gens qui babillaientmarmonnaient d’une manière incompréhensible lors des réunions. Étant donné leur arrière-plan dans les religions mystiques de l’époque et leur zèle pour le spectaculaire, on peut imaginer que leur parler en langues était un mélange du vrai et du fauxn’était pas toujours un véritable don de Dieu. Cela pourrait expliquer en partie pourquoi Paul évite le mot « don » dans ces chapitres. Éloigné comme il l’était, l’apôtre Paul ne pouvait pas, et ne voulait pas, porter un jugement qui aurait étouffé l’une action véridique de l’Esprit. Par contre, il tient à établir des règles d’usage qui permettront l’expression du vrai don d’une manière qui glorifie Dieu et qui édifie l’Église, tout en éliminant ce qui n’est qu’une imitation.

2) Quand Paul dit que personne ne comprend ce qui est dit, il est possible qu’il parle d’une manière générale. Après tout, si quelqu’un utilisait son don correctement, il y avait au moins l’interprète qui au moins le comprenait. Alors, la critique de Paul porte peut-être sur l’individu qui s’exprime dans une langue étrangère que la grande majorité, « des simples auditeurs » (14.16), n’aurait pas pu connaître.

3) On avance un autre argument contre l’idée que le don soitles langues communiquées par l'Esprit soient des langues connues. Certaines phrases de Paul semblent indiquer que celui qui parle en langues ne comprend pas lui-même ce qu’il dit. On cite les versets suivants :

14.2 « c’est en esprit qu’il dit des mystères » ;

14.13 (littéralement) « C’est pourquoi, que celui qui parle en langue prie afin d’interpréter » ;

14.14 « Car si je prie en langue, mon esprit est en prière, mais mon intelligence demeure stérile » ;

14.15 « Que faire donc ? Je prierai par l’esprit, mais je prierai aussi avec l’intelligence ; je chanterai par l’esprit, mais je chanterai aussi avec l’intelligence ».

Nous notons premièrement que même si la personne ne comprend pas ce qu’elle dit, le don qu’elle a reçu auraitpourrait toujours pu être une langue étrangère. Mais il est aussi tout à fait possible de comprendre Paul d’une autre manière, quand nous examinons le sens de certains mots. Premièrement, Paul n’utilise jamais, à notre connaissance, le mot « esprit » pour parler de ce qui dépasse la pensée, à moins que ces textes soient une exception. Plus tôt dans la lettre il parle de « l’esprit » comme la partie de l’homme qui connaît ce qui est de l’homme (2.11). Au chapitre 5, il parle de son « esprit » comme participant dans le jugement du débauché, afin que « l’esprit » du débauché soit sauvé un jour. Dans 1 Corinthiens 6.20 (si cette partie de la phrase est d’origine) et dans 7.34, la personne est décrite comme étant de corps et « d’esprit », et dans 16.18, il indique que son « esprit » a été tranquillisé par les frères. Toutes ces citations suggèrent plutôt que celui qui parle à Dieu en esprit, ou qui prie ou qui chante en esprit sait fort bien ce qu’il dit. Il est tentant de mettre ces versets en parallèle avec la déclaration de Jésus qui disait : « Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité » (Jn 4.24). Dieu veut que ses enfants l’adorent et l’aiment de tout leur cœur, sincèrement ; et selon la vérité de sa révélation, non pas en mettant leur pensée au point mort.

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De plus, comme on le verra dans le commentaire sur 1 Corinthiens 14.13-19, le contexte et le sens des mots laissent penser que lorsque l’apôtre parle de « l’intelligence », il désigne non pas la compréhension de celui qui parle, mais plutôt celle de l’auditeur, qui ne peut pas dire « amen » parce qu’il ne comprend rien. D’ailleurs, plusieurs traductions rendent la même expression au verset 19 non pas par « paroles avec mon intelligence » (NEG), mais par des « paroles intelligibles » (TOB). D’après cette manière de lire le texte, Paul veut dire simplement que quelle que soit la langue qu’il utilise, il va parler, prier, et chanter intelligiblement et de manière à être compris par les autres. Une intelligence « stérile » (14.14) est alors un intellect qui ne porte pas de fruit, non pas autant pour celui qui le possède que mais pour ceux qui l’écoutent.

La phrase qui est la plus difficile à cadrer avec cette interprétation est le verset 13, où Paul dit : « C’est pourquoi, que celui qui parle en langue prie pour […] interpréter » (traduction littérale), car si la personne connaît le sens de la langue, pourquoi prier pour interpréter. De nouveau, nousNous rappelons que le texte ne dit pas de prier pour avoir le don, ni même de prier afin de pouvoir interpréter. C’est peut-être le un des sens de la phrase, mais on peut aussi imaginer que Paul veut que la personne prie afin d’apporter une bonne traduction de ce qu’il qu’elle a dit dans une autre langue. Cette façon de voir n’est peut-être pas aussimoins satisfaisante, mais elle trouve un appui dans d’autres versets. Dans le verset 5, Paul dit que la personne qui parle en langues doit interpréter ce qu’elle dit. Au verset 28, Paul il ordonne que si personne n’est présent pour interpréter une langue, on ne doit pas l’utiliser. Ce verset peut avoir deux sens. Soit la personne qui parle en langue ne comprend pas ce qu’elle dit, soit elle est incapable de l’interpréter intelligiblement dans la langue de l’assemblée. Mais Paul continue à dire que cette personne ne doit se taire,

puispas s'exprimer en public, mais parler à elle-même et à Dieu. On comprend difficilement comment on peut se parler à soi-même dans une langue que l’on ne comprend pas. De même, est-il tout à fait juste de dire que l’on peut parler à Dieu sans savoir ce que l’on dit ? N’est-ce pas ce que Paul appelle parler « en l’air » (14.9) ?

Finalement, il est impossible de savoir avec certitude si la personne qui avait a reçu le don des langues connaissait ce qu’elle disaitdit. Pourtant malgré les quelques difficultés que présente ce chapitre, je reconnais avoir une forte préférence pour cette interprétation à cause des implications théologiques. J’admets volontiers que les voies de Dieu sont au-dessus des miennes, et que la pensée de Dieu dépasse entièrement celle de l’homme. Pourtant, Dieu se révèle par sa Parole, ce qui signifie que la connaissance de Dieu passe par la pensée. Jean nous dit que Dieu « nous a donné l’intelligence pour connaître le Véritable » (1Jn 5.20), et il nous demande de l’aimer de tout notre cœur, de toute notre âme, et de toute notre pensée (Mt 22.37). Des dizaines de textes de la Bible nous invitent à méditer, à mettre en pratique, et à comprendre la saine doctrine qui est capable de nous transformer par le renouvellement de notre intelligence. Alors, je trouve très insatisfaisante la pensée que des sons inintelligibles puissent nous approcher davantage de Dieu ou puissent nous faire grandir réellement dans la grâce et la connaissance de Jésus-Christ. D’ailleurs, si lesdes paroles incompréhensibles peuvent édifier celui qui les prononce, pourquoi pas celui qui les écoute ? Pourtant là, Paul est formel ; pour que l’autre soit édifié, il faut un message intelligible.

14.3-5 Celui qui prophétise, au contraire, parle aux hommes, les édifie, les exhorte, les console. Celui qui parle en langue s’édifie lui-même ; celui qui prophétise édifie l’Église. Je désire que vous parliez tous en

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langues, mais encore plus que vous prophétisiez. Celui qui prophétise est plus grand que celui qui parle en langues, à moins que ce dernier n’interprète pour que l’Église en reçoive de l’édification.

Je vous invite à consulter mes notes sur 12.10 et 14.29-31 pour une discussion sur ce que Paul voulait dire par la prophétie dans ses lettres. On a souvent noté un petit élément de reproche dans ce qu’il écrit ici. Il est probable que les Corinthiens considéraient que les langues étaient les plus importantes des manifestations de l’Esprit. L’apôtre les met plutôt à la dernière place, bien moins importante que la prophétie, sauf quand elles sont interprétées. Servent-elles à édifier celui qui parle en langues ? Nous pouvons le comprendre de cette façon. Mais cette interprétation encourt deux objections. Premièrement, Paul et Pierre disent tous les deux que Dieu a donné les dons spirituels pour l’édification des autres, et non pas pour l’intérêt personnel de celui qui les reçoit (1Co 12.7 et 1P 4.10). Tout le chapitre 13 de 1 Corinthiens est un appel pressant pour l’amour dans l’utilisation des dons, un amour qui « ne cherche pas son propre intérêt » (13.5). Il est même possible que l’apôtre ait utilisé le mot « édifier » (14.4) comme il l’a fait au chapitre 8, où le terme signifie une croissancecroître dans un sens négatif (8.10 dans le grec). Dans ce cas de figure, Paul met en contraste une pratique égoïste avec celle de la prophétie qui prend en considération premièrement les besoins des autres.

De plusDeuxièmement, si le don des langues pouvait servir à l’édification personnelle, il est difficile de comprendre pourquoi Dieu ne le donnerait pas à tous. Je l’ai déjà dit, je considère que c’est une grave erreur d’enseigner que tous doivent parler en langues pour connaître la plénitude de l’Esprit. C’est une contradiction nette avec la déclaration de Paul (12.30), et cette doctrine crée une fausse conception de la

maturité en Christ. Certes, Paul exprime ici son souhait que tous parlent en langues. Mais il utilise exactement la même expression en grec pour souhaiter que tous soient célibataires comme lui (7.7), et dans le même esprit, il aimerait également que tous règnent en rois (4.8). Pourquoi ? Parce que le don des langues, ainsi que le don du célibat et tout autre don de Dieu, sont de bonnes choses quand ellesils viennent réellement de Dieu, et quand ellesils servent à le glorifier. Le même verbe grec sert aussi à décrire le désir de Dieu que tous soient sauvés (1Tm 2.4), souhait qui ne se réalisera pas non plus. Paul désire le meilleur pour ses lecteurs, mais il ne se contredit pas, et l’expression de ses souhaits ne constitue nullement une affirmation que tous peuvent en réalité recevoir le don des langues.

b. La nécessité de paroles intelligibles dans l’Église 14.6-1914.6 Et maintenant, frères, de quelle utilité vous serais-je, si je venais à vous en parlant en langues, et si je ne vous parlais pas par révélation, ou par connaissance, ou par prophétie, ou par doctrine ?

Nous retrouvons dans ce verset la notion de l’« utilité » commune dans l’utilisation des divers dons de Dieu. Le mot n’est pas le même que celui de 1 Corinthiens 12.7, mais l’idée reste identique. Ce qui rend service, ce qui aide un chrétien ou une Église, c’est l’annonce fidèle et intelligible de la Parole de Dieu. L’important n’est pas la forme dans laquelle cette Parole a été reçue. Il n’y a probablement pas une de distinction nette entre cesles quatre types de communication que Paul évoque, mais ils ont tous les quatre deux éléments en commun : tous communiquentannoncent la pensée de Dieu, et tous sont compréhensibles. La « connaissance » rappelle le don

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mentionné dans 12.8. Aux versets 29 et 30 du présent chapitre, Paul fait un lien entre « révélation » et « prophétie ». Ailleurs, le mot s’applique parfois à une parole inspirée (Ap 1.1), parfois pour décrire l’apparition du Christ (Ga 1.12) et parfois l’œuvre que Dieu fait dans le cœur de l’homme pour se faire connaître à lui (Ep 1.17). Le mot « doctrine » signifie simplement « enseignement ».

Nous découvrons dans ce verset (1Co 14.6) et les versets 1Co 14.6, 18 et ,19 la conviction personnelle de l’apôtre. Bien qu’il estime parler en langues plus que tous à Corinthe, il ne va jamais apporter un message qui soit incompréhensible à ceux qui l’écoutent ; car le Seigneur l’a appelé à instruire et à édifier les croyants, et non pas à les impressionner. Son exemple est toujours pertinent aujourd’hui. Nous pourrions supposer que si les langues étaient nécessaires pour la santé spirituelle d’une Église, le Seigneur nous aurait laissé beaucoup plus de précisions à leur égard. Le seul passage qui en parle est écrit à une Église qui en abuse. Les autres lettres de Paul contiennent énormément de conseils pour que les lecteurs arrivent à suivre pleinement le Seigneur, mais elles ne portent aucune mention des mentionnent nullement les langues. Paul précise pourà Timothée et à Tite les qualifications importantes pour les responsables dans les Églises, mais le don des langues n’en fait pas partie. Si ce phénomène avait l’importance que plusieurs lui donnent aujourd’hui, il est surprenant que les auteurs du Nouveau Testament l’évoquent si rarement.

14.7-11 Si les objets inanimés qui rendent un son, comme une flûte ou une harpe, ne rendent pas des sons distincts, comment reconnaîtra-t-on ce qui est joué sur la flûte ou sur la harpe ? Et si la trompette rend un son confus, qui se préparera au combat ? De même vous, si par la langue vous ne donnez pas une

parole distincte, comment saura-t-on ce que vous dites ? Car vous parlerez en l’air. Aussi nombreuses que puissent être dans le monde les diverses langues, il n’en est aucune qui soit sans signification ; si donc je ne connais pas le sens de la langue, je serai un barbare pour celui qui parle, et celui qui parle sera un barbare pour moi.

La conclusion que Paul veut tirer de ces trois illustrations est claire : il faut que nos communications soient compréhensibles pour qu’elles soient utiles. Émettre des paroles incohérentes, c’est comme si on faisaitfaire du bruit sur un instrument de musique au lieu de jouer une mélodie ; c’est comme si quelqu’un commettaitcommettre l’erreur tragique de transmettre un signal confus dans une bataille ; c’est comparable àentretenir un dialogue de sourds, où chacun prend l’autre pour un barbare. C’est , c’est parler en l’air – une perte totale de temps et d’énergie. Non seulement cela ne sert à rien, mais c’est malsain pour une Église, parce que cela repousse les gens de l’extérieur (14.23). Certes, l’apôtre reconnaît que l’on peut apporter un message dans une langue inconnue si quelqu’un est là pour l’interpréter. Mais ces versets nous font savoir que Dieu n’approuve pas des communications indéchiffrables. Quand notre Dieu parle, il ne parle pas en l’air.

14.12 De même vous, puisque vous aspirez aux dons spirituels, que ce soit pour l’édification de l’Église que vous cherchiez à en posséder abondamment.

Comme nous l'avons déjà remarqué (notes sur 14.2), la traduction de Segond ne reflète pas exactement le sens des mots grecs. Paul écrit littéralement : « … puisque vous êtes zélés pour les esprits, cherchez afin d’exceller dans ce qui édifie l’Église ». L’interprétation de la NEG n’est pas nécessairementvraiment mauvaise, mais Paul a certainement

1 Corinthiens

choisi ses mots avec soin. Dans leur zèle pour le spirituel, les Corinthiens risquaient de confondre ce qui provenait véritablement de l’Esprit de Dieu et ce qui émanait de l’esprit du monde (12.1-2 et 2.12), ou des esprits hostiles à Dieu. Pour eux, comme pour nous, le conseil de Jean est toujours d’actualité : « Bien-aimés, n’ajoutez pas foi à tout esprit ; mais éprouvez les esprits, pour savoir s’ils sont de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde » (1Jn 4.1). En plus de ses affirmations concernant le Seigneur Jésus-Christ, le Saint-Esprit révèle sa présence par son œuvre de l’édification de l’Église. Un don ou une activité qui n’édifie pas les croyants ne vient pas de lui. Les chrétiens doivent se réunir, non pour rechercher une « expérience » mais pour s’édifier mutuellement en Christ.

14.13-19 C’est pourquoi, que celui qui parle en langue prie pour avoir le don d’interpréter [littéralement : afin d’interpréter]. Car si je prie en langue, mon esprit est en prière, mais mon intelligence demeure stérile. Que faire donc ? Je prierai par l’esprit, mais je prierai aussi avec l’intelligence ; je chanterai par l’esprit, mais je chanterai aussi avec l’intelligence. Autrement, si tu rends grâces par l’esprit, comment celui qui est dans les rangs des simples auditeurs répondra-t-il Amen ! à ton action de grâces, puisqu’il ne sait pas ce que tu dis ? Tu rends, il est vrai, d’excellentes actions de grâces, mais l’autre n’est pas édifié. Je rends grâces à Dieu de ce que je parle en langue plus que vous tous ; mais, dans l’Église, j’aime mieux dire cinq paroles avec mon intelligence, afin d’instruire aussi les autres, que dix mille paroles en langue.

De nouveau, nous aurions aimé interroger l’apôtre pour avoir quelques précisions. Que veut-il dire quand il affirme parler en langues (au pluriel) plus que tous à Corinthe ? De

quelles langues s’agit-il ? Et la question demeure : quelle est la nature du phénomène qu’il décrit dans ces versets ? Un jour nous saurons, mais pour l’instant, ces questions restent sans réponse nette. Deux mots déterminent notre manière de comprendre ce passage : « esprit » et « intelligence ». Probablement, la majorité des interprètestraducteurs et des lecteurs comprennent que « prier en esprit » signifie « prier sans comprendre ce qu’on dit », en le contrastantmettant cette idée en contraste avec la prière faite avec l’intelligence – ce que la personne comprend. Pour appuyer cette hypothèse, ils citent souvent ce que Paul dit aux Romains : « De même aussi l’Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; et celui qui sonde les cœurs connaît la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints » (Rm 8.26-27).

Pourtant, cette interprétation n’est pas sans difficulté. Premièrement, elle impose au mot « esprit » une signification qu’on ne trouve pas ailleurs. Le texte des Romains évoque « la pensée de l’Esprit » de Dieu, et tout indique que notre esprit est aussi le centre de notre intelligence. Dans mon le commentaire sur 1 Corinthiens 14.2, nous avons constaté que la plupart du temps, Paul utilise ce mot ainsi (2.10 ; 7.34). L’esprit de l’homme n’est pas, comme quelques-uns le disent, uniquement ce qui met l’homme en contact avec Dieu, mais très souvent il désigne simplement la partie immatérielle de l’homme, sa personne (Mt 5.3 ; Mc 14.38 ; Lc 1.47 ; 8.55 ; Jn 11.33 ; Rm 1.9 ; 8.16 ; Ga 6.18, etc.). Mourir, selon l’expression biblique, c’est rendre « l’esprit » (Mt 27.50). Paul invite les Corinthiens à se purifier « de toute souillure de la chair et de l’esprit » (2Co 7.1), et il encourage les Éphésiens « à être renouvelés dans l’esprit de [leur] intelligence » (Ep 4.23). Étant donné cette utilisation du mot, l’expression « prier en esprit »

1 Corinthiens

signifierait normalement prier en sachant ce que l’on dit, avec un esprit lucide.

De plus, le contexte semble indiquer que Paul, quand il parle de « prier avec l’intelligence », préconise des prières et des chants intelligibles aux autres. Cela est clair dans l’exemple qu’il cite, en disant que les actions de grâce en langues n’édifient pas « l’autre ». Alors, il faudrait probablement comprendre le mot « intelligence » comme on le traduit souvent au verset 19 : « … mieux dire cinq paroles avec mon intelligence [TOB : « cinq paroles intelligibles »] afin d’instruire aussi les autres » Compris de cette manièreSi l'on suit ce raisonemment, Paul ditdirait aux Corinthiens : « Que faire donc ? Je vais prier avec mon esprit [avec un esprit lucide], mais je vais aussi prier de manière intelligible aux autres. Je vais chanter avec mon esprit [un esprit lucide], mais je vais aussi chanter de manière à être compris des autres ». Nous n’oublions pas le grand principe d’amour qui est à la base de tout ce que Paul recommande. Ainsi, même quand il parle de « la conscience » au chapitre 10, il ajoute : « Je parle ici, non de votre conscience, mais de celle de l’autre » (10.29). Il s’intéresse non pas tant à l’intelligence de celui qui parle qu’à celle de l’autre.

Il existe une autre raison de penser que le chrétien doit comprendre ce qu’il prie. Jésus nous donne le commandement : « En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés » (Mt 6.7). Sans même examiner en détail le sens de ce verbe à l’impératif, nous sommes sûrs que le Seigneur veut des prières qui expriment les pensées et les vœux de notre cœur. Il ne veut pas que nous répétions sans cesse des paroles qui ne veulent rien dire, que nous parlions en l’air. C’est un grand encouragement de savoir que l’Esprit intercède pour nous (et aussi que le Seigneur lui-même le fait (Rm 8.34). Mais ses

soupirs sont « inexprimables », un mot ayant la même racine que « muet ». Dans toutes les instructions concernant la prière, le Seigneur nous invite à demander humblement, comme un enfant demande à son père, sans penser que c’est la quantité de paroles qui va impressionner notre Dieu.

Quels sont les conseils de ce passage alors ? Quelle que soit la manière de comprendre la prière en esprit, il est clair que le chrétien doit toujours prier et chanter d’une manière intelligible quand d’autres personnes sont présentes. Selon sa propre estimation, cinq paroles compréhensibles ont plus de valeur que des myriades de mots dans une langue inconnue. Le mot grec pour 10 000 est en effet « myriade » et exprime un nombre incalculable. De plus, si mon interprétation du texte est juste, Paul n’encourage même pas une utilisation en privé d’un « langage de prière et de louange » incompréhensible ; il exhorte plutôt ceux qui parlent une autre langue à prier afin de dire ce qu’ils ont à dire dans la langue de l’assemblée ; et à prier et à chanter non seulement pour leur propre profit, mais dans l’intérêt de tous ceux qui sont présents. Mais dans ce cas, on est en droit de poser la question, à quoi sert alors le don des langues ? Le prochain paragraphe y apporte quelques réponses.

c. La prophétie et les langues comme un signe 14.20-2514.20 Frères, ne soyez pas des enfants sous le rapport du jugement ; mais pour la méchanceté, soyez enfants, et, à l’égard du jugement, soyez des hommes faits.

Paul l’avait déjà dit. Pour lui, les Corinthiens manifestaient une immaturité inexcusable, d’abord par leurs jalousies et leurs rivalités (3.1-2), et maintenantici par leur

1 Corinthiens

manière de raisonner (sens du mot « jugement »), car ils avaient une fascination infantile pour ce qui flattait l’orgueil plus qu’autre chose. En exaltant le don des langues en dépit du bon sens et de la considération pour les autres chrétiens et les gens dedu dehors ils montraient qu’ils n’avaient pas fait beaucoup de progrès dans leur foi.

Ce texte est précis. Ce que Dieu désire pour chacun de ses enfants, c’est de rester innocentqu'ils restent innocents en ce qui concerne le mal, tout en étant sagesages et clairvoyantclairvoyants dans les autres domaines (Rm 16.19). L’innocenceLa candeur d’un enfant est belle à voir. Il est profondément choqué par l’injustice, tandis qu’un adulte, avec sa sophisticationpar son cœur tortueux et toute une vie au contact du monde, y est souvent insensible. Par contre, la sagesse et le jugement sont lesdes critères importants de la maturité. À tous ceux qui veulent lui être utiles, le Seigneur donne ce commandement : « Soyez donc prudents comme les serpents, et simples [innocents] comme les colombes » (Mt 10.16).

14.21-22 Il est écrit dans la loi : C’est par des hommes d’une autre langue et par des lèvres d’étrangers que je parlerai à ce peuple, et ils ne m’écouteront même pas ainsi, dit le Seigneur. Par conséquent, les langues sont un signe, non pour les croyants, mais pour les non-croyants ; la prophétie, au contraire, est un signe, non pour les non-croyants, mais pour les croyants.

Au premier abord, ce passage nous étonne. Tout de suite après avoir affirmé que les langues sont un signe pour les non-croyants, Paul semble énoncer le contraire en disant que le non-croyant, quand il arrive dans une assemblée de chrétiens qui parlent tous en langues, va conclure qu’ils sont tous fous. Nous avons donc une certaine peine à suivre exactement la logique de

Paul. Deux questions viennent à l’esprit quand nous lisons ces versets. Pour quelle raison Paul a-t-il cité ce texte de l’Ancien Testament (Es 28.11-12), et dans quel sens les langues sont-elles un signe pour les non-croyants ? De nouveau, la réponse que l’on donne à ces questions dépend de la perspective de l’interprète.

Pour ceux qui considèrent que le don des langues était un langage personnel de prière et de louange, Paul cite le passage d’Ésaïe pour faire une comparaison entre ce qui s’est passé en Israël et ce qui arrive quand un non-croyant entend dans une Église des langues qu’il ne comprend pas. « Comme les Israélites qui ne croyaient pas, les non-croyants à Corinthe vont finir par être condamnés (même si ce n’est pas volontairement) par ceux qui parlent des langues indéchiffrables. Ils resteront perdus dans leurs péchés parce qu’ils rejetteront l’Évangile comme le produit de discoureurs insensés »36.

Cette explication n’est pas sans difficulté. Elle implique que Dieu utiliserait un de ses dons comme signe de condamnation pour le non-croyant qui assiste à l’assemblée, en le plaçant devant un spectacle qui lui semble ridicule. Ésaïe avait bien indiqué que les langues étrangères seraient un signe de jugement, mais non pas parce qu’on les aurait considérées insensées. Le jugement de Dieu est tombé sur Israël parce que le peuple avait refusé d’écouter le message de ses prophètes clairement dit et répété. De même, tout non-croyant sera jugé parce qu’il n’a pas obéi à l’Évangile, et non pas parce qu’il a assisté à des spectacles qui heurtaient ses sensibilités (2Th 1.8). Quand on examine l’utilisation du mot « signe » (semeion-, qui se trouve 77 fois dans le Nouveau Testament), on constate qu’il transmet presque toujours l’idée d’un phénomène

36 BLOMBERG Craig, The NIV Application Commentary, Grand Rapids : Zondervan, 1994, page 271.

1 Corinthiens

qui aide la personne qui le voit à comprendre une vérité. La plupart du temps, il s’agit d’un acte surnaturel qui authentifie le messager (Ac 2.22 ; 2Co 12.12). Alors, il paraît improbable que Dieu utilise le brouhaha de langues incompréhensibles comme une indication de son jugement sur une personne qui le considère plutôt comme une extravagance de gens bizarres.

Un autre interprète présente un avis légèrement différent sur le sens du passagede ce texte. Il écrit : « Il est peut-être plus simple de prendre le mot signe dans son acception la plus courante (signe = indication). Le passage pourrait donc s’interpréter ainsi : les langues veulent dire quelque chose pour le non-croyant. Elles lui montrent que celui qui parle est complètement fou. Par contre, la prophétie, elle, est le signe que Dieu est avec le croyant »37. D’après cette interprétation, les langues ne sont pas un signe qui vient de Dieu, mais sont la confirmation dans l’esprit d’un non-croyant que les chrétiens sont des insensés, tandis que la prophétie montre à tous, croyants et non-croyants, que Dieu est réellement présent. Mais cette interprétation pose aussi quelques difficultés. Elle ne prend pas en compte la citation de l’Ancien Testament. Nous avons nettement l’impression que Paul cite le prophète Ésaïe pour montrer que c’est Dieu qui envoie le signe des langues, alors que cette interprétation les considère plutôt comme une impression qui naît dans l’esprit du non-croyant.

L’exégète qui comprend le don des langues comme la capacité de parler une langue étrangère aborde ce texte d’une autre manière. Je suggère deux interprétations, la première qui s’appuie sur Actes 2, et la seconde qui s’appuie davantage sur Marc 16. Selon la première interprétation, le don des langues à la Pentecôte devait être un signe du jugement de Dieu contre

37 BOYER James, Études sur la Première Épître aux Corinthiens, Lugny : Éditions Clé, 1986, pages 168-169.

son peuple qui avait rejeté et crucifié leur le Messie. Comme , comme à la tour de Babel (Gn 11), comme pour la conquête du royaume du nord par les Assyriens (Es 28.11-12) et comme pour la destruction de Jérusalem prédite par Moïse (Dt 28.49), les langues étrangères à Pentecôte étaient un signe du jugement de Dieu. Quand Dieu a donné aux disciples de proclamer ses louanges dans les langues autres que celle de son peuple, il confirmait par ce signe ce que Jésus avait déjà annoncé aux autorités : « … le royaume de Dieu vous sera enlevé, et sera donné à une nation qui en rendra les fruits » (Mt 21.43). Le don des langues aurait été un signe du jugement contre les non-croyants de « ce peuple », le peuple juif, et ne serait plus nécessaire une fois le principe établis’arrêterait par la suite. La difficulté majeure de cette position estgît dans le fait que les deux autres manifestations du don des langues dans les Actes (chapitres 10 et 19) ne pouvaient pas servir de signe pour des non-croyants juifs, puisqu’il n’y en avait pas de présents à ces occasions.

Il est possible que le texte de Marc 16 puisse apporter de la lumière sur notre ce passage. Marc à la fin de son Évangile inclut, ces paroles  parmi les dernières instructions du Seigneur avant son ascension au ciel, ces paroles : « Voici les miracles [littéralement : signes] qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom, ils chasseront les démons ; ils parleront de nouvelles langues ; ils saisiront des serpents ; s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades seront guéris ». Ensuite l’évangéliste ajoute : «... ils s’en allèrent prêcher partout. Le Seigneur travaillait avec eux, et confirmait la parole par les miracles [littéralement : signes] qui l’accompagnaient » (Mc 16.17-20). Si ce texte est fiable38, il

38 Nous n’ignorons pas que la fin de l’Évangile de Marc fait partie d’une poignée de textes qui sont contestés en ce qui concerne leur

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nous indique que le parler en langues était un des signes qui confirmaient le message apporté par les apôtres. Le sens de ce signe peut inclure l’idée du jugement contre le peuple juif, la citation de Paul semble bien l’indiquer. Mais il ne se limite pas à cela, il est aussi un signe miraculeux qui confirme à tous les non-croyants que l’Évangile vient de Dieu – à condition qu’ils comprennent ce qui est dit. C’est exactement ce qui s’est passé à Pentecôte ; le fait d’entendre les gens louer le Seigneur dans une langue qu’ils n’avaient pas apprise confirmait le message que Pierre a donné, et Pierre lui-même l’a affirmé (Ac 2.15-18). Il est intéressant de noter, d’ailleurs, que Pierre identifie le phénomène de du parler en langues comme un type de prophétie, car il dit : « … c’est ici ce qui a été dit par le prophète Joël : Dans les derniers jours, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur toute chair ; vos fils et vos filles prophétiseront » (2.16-17). Alors, cesCes passages semblent donc confirmer que les langues dans ces textes étaient des langues compréhensibles pour les auditeurs, et non pas des langues célestes ou inintelligibles. Je propose alors la paraphrase suivante de la pensée de Paul :

« Ne soyez pas puérils dans votre compréhension des voies de Dieu. Rappelez en effet que la loi prédisait que Dieu allait parler à son peuple par le moyen des langues étrangères, sans pour autant que ce dernier l’écoute. Ainsi, on constate que les langues étrangères sont plutôt un signe que Dieu utilise pour les non-croyants afin de confirmer son message, tandis que l’annonce prophétique en est surtout un pour les croyants. Alors, si des gens du dehors ou des non-croyants entrent dans une assemblée où tous parlent dans des langues qu’ils ne

place dans le canon des Écritures. Pourtant, ce qui est dit reflète sûrement ce qui s’est passé et aussi la pensée des chrétiens du premierIer siècle. Nous l’utilisons alors, non pas pour prouver la validité d’une interprétation, mais pour suggérer ce qu’aurait pu penser l’apôtre ici.

comprennent pas, ne diront-ils pas que vous êtes fous ? Par contre, si tous annoncent la Parole de Dieu, ces mêmes personnes vont peut-être trouver le salut ».

14.23-25 Si donc, dans une assemblée de l’Église entière, tous parlent en langues, et qu’il entre de simples auditeurs ou des non-croyants, ne diront-ils pas que vous êtes fous ? Mais si tous prophétisent, et qu’il entre un non-croyant ou un simple auditeur, il est convaincu par tous, il est jugé par tous, les secrets de son cœur sont dévoilés de telle sorte que, tombant sur sa face, il adorera Dieu, et publiera que Dieu est réellement au milieu de vous.

Quelle que soit la manière de comprendre les versets précédents, nous pouvons en tirer quelques principes définitifs. Premièrement, Paul dit clairement que Dieu n’a pas donné le don des langues comme un signe pour les croyants. Ainsi, il ne peut être ni la preuve pour un chrétien ni la preuve du baptême de l’Esprit ni une indication d’une étape supérieure dans sa vie avec Christ. Ensuite, ces versets montrent clairement que la prophétie, l’annonce de la Parole de Dieu, est ce qui amène une personne à la foi et au salut, tandis que le spectacle d’un rassemblement de gens qui babillent tous en langues va la repousser. Un auteur américain déplore la situation actuelle en écrivant :

À l’époque de Paul, les des phénomènes plus exotiques ont rappelé des pratiques analogues dans les autres religions, et pour cela ils n’étaient pas complètement étranges. De nos jours, beaucoup de non-croyants qui voientassistent pour la première fois la à un phénomène de glossolalie (parler en langues) seront encore plus convaincus que les chrétiens sont des « cinglés ». En effet, les excès

1 Corinthiens

du mouvement charismatique, surtout à la télévision, sont une des raisons majeures pour lesquelles nos contemporains occidentaux caractérisent et rejettent tout christianisme évangélique comme bizarre et détaché de la réalité39.

Paul invite chaque croyant à vivre sa foi comme un adulte et non pas comme un enfant. Les Corinthiens montraient de l’immaturité dans leur zèle pour le don des langues et ils étaient une occasion de chute pour certains non-croyants. Déjà, la paroleprédication de la croix peut être « une folie pour ceux qui périssent » (1Co 1.18). Veillons à ne pas y ajouter encore à celle-là des obstacles créés par nos propres excès.

Notons encore combien aussi que la simple annonce de la Parole de Dieu peut agir puissamment dans le cœur d’un non-croyant. La conversion est un changement radical dans la pensée et l’attitude d’un homme, et chacun sait combienqu' il est très difficile de changer. La prophétie dont parle l’apôtre n’est probablement pas un mot de une « révélation » qu’un membre de l’assemblée donne spécifiquement à un individu, comme le Seigneur l’a fait pour la femme samaritaine. Dieu est capable de le faire, mais ce n’est pas le moyen qu’il utilise pour transformer une âme. C’est l’annonce de l’Évangile qui est la puissance de Dieu pour sauver (Rm 1.16) ; c’est la Parole de Dieu qui est vivante et efficace (Hé 4.12),) ; ce sont les Écritures qui nous rendent sages à salut (2Ti 3.15). C’est); c’est la Parole de Dieu que le Saint-Esprit utilise pour convaincre le non-croyant du péché (Jn 16.8) et l’amener à se prosterner devant son Dieu et son Père céleste (Rm 8.16).

39 BLOMBERG Craig, The NIV Application Commentary, Grand Rapids : Zondervan, 1994, page 276.

d. L’utilisation de langues et de prophéties dans un culte 14.26-33, 36-4014.26 Que faire donc, frères ? Lorsque vous vous assemblez, les uns ou les autres parmi vous ont-ils un cantique, une instruction, une révélation, une langue, une interprétation, que tout se fasse pour l’édification.

Nous trouvons dans ces versets un petit reflet des cultes du temps apostolique. L’image évoquée est une réunion, sans doute pas trop grande, où chaque membre peut apporter une contribution. Paul ne mentionne les quatre formes de participation seulementqu' à titre d’exemple. Certainement ilIl y avait certainement aussi de la prière, des moments de prière, de partage, et à l’occasion, des repas et la sainte Cène. Néanmoins, rien dans le Nouveau Testament ne nousn' impose une manière forme précise de nous réunirréunion. Dieu laisse beaucoup de liberté dans ce domaine. L’achèvement du canon des Écritures a certainement modifié la manière par laquelle Dieu se révèle habituellement dans une réunion aujourd’hui dans une assemblée. L’important n’est pas la forme du culte ; ce qui est vital, c’est que tout ce qui est fait se fasse dans l’amour (16.14) et dans le but de l’édification mutuelle autour de la Parole de Dieu.

14.27-28 En est-il qui parlent en langue, que deux ou trois au plus parlent, chacun à son tour, et que quelqu’un interprète ; s’il n’y a point d’interprète, qu’on se taise dans l’Église, et qu’on parle à soi-même et à Dieu.

Si une assemblée est véritablement sous la direction du Saint-Esprit, elle ne va pas enfreindre ces principes qui sont autant de commandements de la part de Dieu (14.37). Je donnerai quelques suggestions concernant les langues à notre époque dans les notes sur le verset 39. De nouveau, ce texte

1 Corinthiens

soulève la question intéressante de la nature du don des langues à Corinthe. L’existence des interprètes fait penser que les personnes qui parlaient en langues n’étaient pas toujours capables de l’interpréterd’interpréter elles-mêmes leurs discours pour l’assemblée, bien que Paul prévoie aussi cette possibilité (14.5 et 13). Par contre, si la personne ne comprend pas ce qu’elle dit, il est difficile d’imaginer comment elle peut le dire à elle-même ou à Dieu. Consultez le commentaire sur 14.2 pour une discussion plus approfondie sur ce point.

14.29-33 Pour ce qui est des prophètes, que deux ou trois parlent, et que les autres jugent ; et si un autre qui est assis a une révélation, que le premier se taise. Car vous pouvez tous prophétiser successivement, afin que tous soient instruits et que tous soient exhortés. Les esprits des prophètes sont soumis aux prophètes ; car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix.

La nature de la prophétie dans le Nouveau Testament est une des grandes questions soulevées par ces chapitres (voir notes sur 12.10). Ce passage est indéniablement un des plus importants pour arriver à une idée juste du phénomène. Notons, entre autres, que :

1) La prophétie était une forme de révélation de Dieu. Mais nous avons déjà noté que le mot « révélation » peut lui aussi avoir une gamme de significations. Le plus souvent il s’agit d’une de la révélation directe d’une vérité ou d’une personne (Ga 1.12), mais le mot peut aussi décrire l’œuvre que Dieu accomplit indirectement par le moyen de sa parole Parole (Ep 1.17 et Ph 3.15 – Colombe).

2) Tous avaient en théorie le droit de prophétiser, mais en respectant les autres. Dans une seule réunion, Paul limite le

nombre à deux ou trois, sans doute pour que la rencontre ne s’éternise pas. Certains limitent le sens de « tous » dans ce passage en comprenant « tous ceux qui sont prophètes ». C’est possible, étant donné le fait que tous ne sont pas prophètes (12.29), et qu’il s’adresse surtout à eux (14.29). Mais le fait qu’il utilise le mot « tous » deux autres fois dans la même phrase pour indiquer tous les chrétiens laisse suggérer que chaque membre puissepeut apporter une parole de la part de Dieu. Dans ce cas, il y aurait peut-être une différence entre une personne qui prophétise et le don du prophètede prophétie. Même un chrétien jeune dans la foi est conduit par l’Esprit de Dieu (Rm 8.14) et il pourrait peut à l’occasion être conduit à apporter une pensée qui vient du Seigneur. Les paroles de Pierre ont une assez grande portée quand il écrit : « Comme de bons dispensateurs des diverses grâces de Dieu, que chacun de vous mette au service des autres le don qu’il a reçu. Si quelqu’un parle, que ce soit comme annonçant les oracles de Dieu » (1P 4.10-11).

3) Les prophéties devaient être évaluées par l’assistance. Le mot « juger » serait mieux traduit par « discerner ». Paul écrit essentiellementen gros la même chose dans sa lettre aux Thessaloniciens : « Ne méprisez pas les prophéties. Mais examinez toutes choses ; retenez ce qui est bon ; abstenez-vous de toute espèce de mal » (1Th 5.20-22). Ces textes laissent penser que la prophétie dans le Nouveau Testament ne portaitrecèle pas la même autorité que celle de l’Ancien Testament, et qu’elle comprenaitcomprend non seulement des révélations directes de Dieu, mais aussi ce que Dieu pouvait révéler par une étude de sa Parole ou par une réflexion dirigée par l’Esprit. Un auteur suggère que le rôle du prophète dans l’Ancien Testament ne se retrouve non pas autant dans les prophètes du Nouveau Testament que dans les apôtres. Il écrit :

Une Dans l’Ancien Testament une fois que le

1 Corinthiens

prophète a été examiné et approuvé dans l’Ancien Testament, le peuple de Dieu avait l’obligation morale de lui obéir. Lui désobéir, c’était s’opposer à Dieu. Le prophète qui parlait au nom de Dieu et qui promulguait des erreurs devait être sanctionné par la puni de mort. […] Par contre, on doit toujours peser le contenu des oracles des prophètes du Nouveau Testament. […] La présomption est que les oracles prophétiques du Nouveau Testament sont d’une qualité inégale, et qu’il faut séparer le blé de la paille. […] Ce qui est plus significatif, c’est que Paul place l’autorité des prophètes chrétiens sous la sienne (14.37-38) ;, et la désobéissance à l’autorité apostolique peut éventuellement entraîner de graves menaces (1Co 4.21 ; 2Co 10.11 ; 13.1-10 ; 1Tm 1.20)40.

En effet, l’autorité de l’apôtre semble souvent définitiveabsolue (14.37), alors qu’àet nous constatons une occasion au moins, où Paul n’a pas suivi un conseil prophétique (Ac 21.4-15).

Certains estiment que Paul, quand il parle des « autres », veut dire « les autres prophètes » ou les anciens qui avaient en fait la responsabilité de présider et de veiller sur l’Églisel’Eglise et de présider à son développement. Les dirigeants d’une Église ont effectivement la responsabilité de protéger le troupeau, mais il est aussi vrai que chaque croyant doit « juger ce qui est dit » (1Co 10.15) et éprouver les esprits (1Jn 4.1). Alors, ce conseil de Paul est valable aussi pour tous.

4) Pour que tout soit fait pour l’édification, il faut que les réunions reflètent le caractère de Dieu par l’ordre, la

40 CARSON D.A., Showing the Spirit, Grand Rapids : Baker Book House, 1987, page 94.

bienséance, et une ambiance saine (1Co 14.33 et 40). Celui qui est conduit par l’Esprit de Dieu ne perd pas le contrôle de lui-même dans ses communications. Paul exclut ici toute idée de transes ou d’hypnose. Le culte chrétien peut être joyeux, chaleureux, et même mouvementé, mais il doit être aussi être ordonné.

Un mot de prudence peut s’avérer nécessaire en ce qui concerne l’interprétation de ces versets. Dieu se révèle toujours aujourd’hui. Tout enfant de Dieu véritable de Dieu a le privilège énorme d’avoir en lui le « Consolateur » qui le conduit « dans toute la vérité », et qui révèle et glorifie Jésus-Christ (Jn 16.13-14). Dieu fait toujours aujourd’hui ce que Paul a priédemandé dans sa prière pour les Éphésiens : « … je fais mention de vous dans mes prières, afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation dans sa connaissance ; qu’il illumine les yeux de votre cœur, pour que vous sachiez quelle est l’espérance qui s’attache à son appel, quelle est la richesse de la gloire de son héritage qu’il réserve aux saints, et quelle est envers nous qui croyons l’infinie grandeur de sa puissance, se manifestant avec efficacité par la vertu de sa force » (Ep 1.16-19). Par contre, Dieu ne se révèle pas et ne conduit pas ses enfants à coups d’oracles et de « révélations » proclamés par les dirigeants d’une Église. Il est notableNotons que les chrétiens du Nouveau Testament évitent l’expression « Dieu m’a dit de… », et nous feronsferions bien de les imiter. Quand un frère ou une sœur accompagne sesaccompagnent leurs projets de telles convictions dogmatiques, ils ferment la porte à tout conseil. Les expressions des saints du Nouveau Testament sont beaucoup plus nuancées – et sages :

1Co 4.19 « Mais j’irai bientôt chez vous, si c’est la volonté du Seigneur » ;

1 Corinthiens

1Co 16.7 « … j’espère demeurer quelques temps auprès de vous, si le Seigneur le permet ».

Ac 15.22 « Alors il parut bon aux apôtres et aux anciens, et à toute l’Église, de choisir parmi eux »

Rm 1.10 « …demandant continuellement dans mes prières d’avoir enfin, par sa volonté, le bonheur d’aller vers vous ».

Jc 4.15 « Vous devriez dire, au contraire : Si Dieu le veut, nous vivrons, et nous ferons ceci ou cela ».

e. Le silence des femmes dans l’Église 14.33b-3514.33b-35 Comme dans toutes les Églises des saints, que les femmes se taisent dans les assemblées, car il ne leur est pas permis d’y parler ; mais qu’elles soient soumises, comme le dit aussi la loi. Si elles veulent s’instruire sur quelque chose, qu’elles interrogent leur mari à la maison ; car il est malséant à une femme de parler dans l’Église.

Ce passage est notoire pour les difficultés qu’il pose à ceux qui étudient la Bible. Le problème principal réside dans le fait qu’il semble être en contradiction avec ce que Paul dit ailleurs dans la lettre. Au chapitre 11, il avait déjà reconnu aux femmes le droit de prier et de prophétiser si elles étaient habillées ou et coiffées correctement. Plus tôt dans le chapitre, ses instructions concernant les langues et la prophétie ne semblent pas être limitées aux seuls hommes, car il emploie fréquemment le mot « tous ». Alors, comment comprendre ces déclarations qui étonnent par leur apparente sévérité ? Les explications sont nombreuses, et le lecteur sincère a de la peine

à savoir laquelle reflète le mieux la pensée de Paul, car elles ont toutes leurs points forts et leurs faiblesses. Nous en examinerons quelques-unes brièvement.

1) Certains prennent ce texte comme une interdiction absolue aux femmes de prendre la parole dans une réunion de l’Église. Ils pensent que les directives du chapitre 11 ne concernent pas la prière et la prophétie dans l’Église, mais les rencontres informelles en dehors de l’Église, en privé, ou dans leur propre maison. Cette interprétation comporte plusieurs faiblesses. La prophétie étant une manifestation de l’Esprit qui édifie et instruit les autres (14.3, 31), elle est forcément une communication adressée à un groupe de personnes. De plus, on imagine mal que l’apôtre exige d’une femme dequ'elle se couvrircouvre quand elle veut prier dans le secret de sa maison. Mais s’il est question de prier et de prophétiser en public, on voit difficilement pourquoi une femme peut le faire dans une réunion et non pas dans une autre, d’autant plus quand on se rappelle qu’à cette époque l’Église était petite et se réunissait souvent dans les maisons (16.19). Il semble aussi que les instructions de Paul au chapitre 11 s’adressent bien aux rencontres de l’Église, car en 11.16, il parle des coutumes des Églises quand il écrit : « Si quelqu’un se plaît à contester, nous n’avons pas cette habitude, pas plus que les Églises de Dieu » (11.16) ; et tout de suite après, il parle d’un autre abus dans les réunions, celui des repas pris égoïstement. La conclusion semble inévitable : inéluctable : si au chapitre 11, Paul permet que à la femme puisse de prendre la parole dans une réunion de l’Église. Alors, alors, il faudrait trouver une autre explication du texte de 1 Corinthiens 14.33-35.

2) Certains suggèrent que Paul cherche seulement à corriger les femmes corinthiennes qui papotaientbavardaient dans les réunions et qui contribuaient ainsi au désordre qui régnait dans l’Église. Ils pensent que les cultes qu'à cette

1 Corinthiens

époque les cultes chrétiens suivaient l’exemple des cultes juifs où les hommes et les femmes étaient séparés, et que les femmes, avec leur papotagebavardage et leurs questions, troublaient l’harmonie de la réuniondes réunions. Alors, Paul leur dit de se taire et de poser leurs questions à la maison. Mais l’interdiction de Paul semble trop sévère et absolue. Pourquoi interdire la parole à toutes les femmes ? N’y avait-il pas aussi  des hommes qui parlaient trop aussi ? Pourquoi ne leur dit-il pas aux femmes d’avoir une attitude de respect et de quiétude, comme il le fait dans sa lettre à Timothée, au lieu de leur interdire formellement la parole ? Car le verbe « se taire » employé ici appelle au silence absolu, tandis que dans 1 Timothée 2.11,, quand il exige que « la femme écoute l’instruction en silence » (2.11), il utilise un mot qui serait mieux traduit par « paisiblement ».

3) L’interprétation qui semble le mieux s’accorder avec le reste des Écritures voit dans ces versets une interdiction aux femmes de donner un enseignement autoritaire ou de participer dans à l’évaluation des prophéties, ce qui les placerait dans un rôle non pas de soumission, mais de supériorité par rapport aux hommes de l’assemblée. En effet, Paul écrit à Timothée : « Je ne permets pas à la femme d’enseigner [d’une manière suivie, puisque le verbe est au temps présent], ni de prendre de l’autorité sur l’homme ; mais elle doit demeurer dans le silence [= avec un esprit paisible] » (1Tm 2.12 – souligné par l’auteur). Alors, le silence que Dieu demande des femmes seraitindiquerait plutôt un refusqu'il leur dénie le droit de juger les prophéties ou de donner un enseignement autoritaires'arroger l'autorité d'enseigner. Mais cette interprétation n’est pas non plus entièrement satisfaisante. Elle ne semble pas prendre assez en compte la sévérité des interdictions de Paul : « … que les femmes se taisent » ; « … il est malséant à une femme de parler dans l’Église ». Elle donne

aussi au mot « parler » le sens un peu anormal de « parler de manière autoritaire ».

4) Il existe une autre manière de regarder ce texte qui est plus radicale, mais qui bénéficie de quelques arguments convaincants. Comme une poignée de textes bien connus41 dans notre du Nouveau Testament, il est possible que ces deux versets ne soient pas de la main de Paul, mais qu’ils soient des rajouts en marge qui par la suite ont été incorporés dans le texte de la lettre. Ce n’est jamais une bonne chose de vouloir éliminer des difficultés d’interprétation par la suppression d’un texte. Existe-t-il de bonnes raisons de suspecter l’authenticité de ce texte ? À vous d’en juger :

a) Ces versets se retrouvent dans tous les manuscrits connus de la lettre, mais pas toujours à la même place. Dans la famille des manuscrits appelée le « texte occidental », ces versets se trouvent à la fin du chapitre 14, après le verset 40. Si ces versets étaient une note écrite dans la marge de la lettre, il est facile de voir comment on aurait pu les inclure à deux

41 Le chrétien averti, tout en étant convaincu de l’autorité et de l’infaillibilité de toutes les Écritures, reconnaît en même temps l’importance de vérifier autant que possible, par une étude comparative et historique, quel était le texte exact à l’origine. Heureusement, ce travail important a été effectué par des hommes hautement qualifiés qui ont passé toute leur vie à comparer les différents manuscrits existants et à cataloguer les « variantes ». Leurs travaux nous donnent l’assurance que les textes de notredu Nouveau Testament qui nous sont parvenus sont des copies des textes originaux d’une exactitude dépassant les 99%, et qu’aucun enseignement n’est mis en cause par les quelques points obscurs dus aux petites différences entre les manuscrits. Parmi les textes contestés, on trouve 1 Jean 5.7 (absent dans les versions modernes), Jean 5.3b-4, Jean 7.53-8.11 et Marc 16.9-20.

1 Corinthiens

endroits différents. Fee, qui défend cette hypothèse, écrit dans son commentaire :

(Expliquer ce déplacement du texte en suggérant que) quelqu’un tôt dans le secondIIè siècle l’a édité de cette manièreainsi pour le mettre dans lui donner une place plus appropriée ne semble pas cadrer avec l’histoirel’Histoire – pour deux raisons : (a) des déplacements de ce genre n’existent nulle part ailleurs dans le N.T. ; et (b) on ne peut trouver aucune raison adéquate pour expliquer un tel déplacement, si effectivement ces mots étaient à l’origine après le verset 3342.

b) Si les indications textuelles ne sont pas complètement satisfaisantes, certains autres constats paraissent plus convaincants. D’abord, aucune des autres interprétations ne répond d’une manière satisfaisante ni à ce qui semble être une contradiction apparente entre ce passage et celui du chapitre 11, ni à l’usage répété du motdes mots « tous » et « chacun » quand que Paul parle des prophètesutilise plus tôt dans le chapitre 14 pour parler des prophètes.

c) Il est difficile de réconcilier ce passage avec l’enseignement du Nouveau Testament ou plus précisément avec celui de Paul concernant le rôle des femmes, mais on. On retrouve pourtant exactement les mêmes idées exprimées dans les des écrits du judaïsme de l’époque. Par exemple, ce texte 1 Co 14.34 qui déclare que « la loi » parle de la soumission de la femme, sans citer de passage. D’abord, on ne trouve pas cet enseignement dans la Bible, bien qu’on le trouve dans la loi judaïque, le Talmud. Puis, ce précis. Ce n’est pas l’habitude de Paul de s’appuyer sur la loi, sans citer un verset qui illustre ce

42 FEE Gordon D., The First Epistle to the Corinthians, Grand Rapids : Eerdmans, 1987, page 700.

qu’il veut dire. Alors, on propose que c’est un converti juif qui aurait écrit son avis dans la marge d’une des premières copies de la lettre ou peut-être même dans la lettre elle-même.

d) La suite logique de la lettre semble plus nette sans ces versets qui forment une sorte de parenthèse sortie du contexte. Comme le choix de séparation entre les versets l'indique, l’Église a considéré pendant longtemps que la phrase, « comme dans toutes les Églises des saints », est la conclusion du paragraphe précédent, et non pas l’introduction du paragraphe sur les femmes. En effet, si l'on estime que cette proposition appartient à ce qui suit, la phrase de Paul devient un peu lourde par la répétition du mot « Église » : (littéralement : « Comme dans toutes les Églises des saints, que les femmes se taisent dans les Églises »). Si les versets 34 à 35 sont un rajout, nous avons un train de penséefil conducteur plus cohérent et suivi :

1. 32-33 : Les prophètes restent maîtres d’eux-mêmes, car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix, comme cela se voit dans toutes les Églises des saints.

2. 36-37 : Ou croyez-vous par hasard que la Parole de Dieu vient de vous uniquement, ou que vous êtes les seuls à la recevoir ?

Ces raisons ne suffisent pas pour justifier que le chrétien prenne des ciseaux pour découper et enleverenlève ces versets de sa Bible. Certes, on règle le problème de l’interprétation, mais au prix de mettrela mise en cause de l’authenticité d’un passage qui a l’appui de tous les manuscrits. À vrai dire, cette dernière solution n’est pas plus satisfaisante que les autres interprétations. Que dire en conclusion ? La difficulté qu’ontque les interprètes rencontrent avec ce passage, à laquelle s’ajoute texte, et la possibilité qu’il ne soit même pas de Paul, doitdoivent nous mettre en garde contre les déclarations

1 Corinthiens

dogmatiques basées sur ce passage ou contre un esprit de critique qui juge ceux et celles qui l’interprètent différemment.

14.36-40 Est-ce de chez vous que la parole de Dieu est sortie ? ou est-ce à vous seuls qu’elle est parvenue ? Si quelqu’un croit être prophète ou spirituel, qu’il reconnaisse que ce que je vous écris est un commandement du Seigneur. Et si quelqu’un l’ignore, qu’il l’ignore [mieux : qu’il soit ignoré]. Ainsi donc, frères, aspirez au don de prophétie, et n’empêchez pas de parler en langues. Mais que tout se fasse avec bienséance et avec ordre.

Avec une certaine ironie, l’apôtre termine sa discussion sur la place de la prophétie et du parler en langues dans l’Église. Les Corinthiens ne pouvaient pas croire qu’ils avaient une la liberté de faire comme ils voulaient, comme s’ils étaient les seuls à posséder une certaine connaissance de la Parole de Dieu. L’Esprit de Dieu, dans ses manifestations ne contredit pas la révélation qu’il donne ailleurs, et surtout à travers sa révélation àpar l'entremise de celui qu’il avait choisi pour être son envoyé, son apôtre. La parole de Paul est un rappel important de l’autorité absolue des Écritures dans la conduite d’un chrétien ou d’une Église. Dieu donne beaucoup de liberté dans la forme d’un culte, mais ceux et celles qui sont véritablement « spirituels » vont suivre étroitement les principes d’ordre que Paul donne ici. Autrement, sans quoi ils risquent fort bien d’être ignorés ou mis de côté par Dieu et aussi par ceux qui sont sensibles à la voix du Seigneur.

Nous le répétons, le mot « don » ne se trouve pas dans ce texte. Paul invite ses lecteurs à être zélés dans leur désir de prophétiser, d’annoncer la Parole de Dieu. Le chrétien sait que toute bonne chose vient de Dieu, et il a toute liberté de lui demander ce don, ou de lui demander tout simplement de

l’aider à annoncer clairement et efficacement la Parole de Dieu. Il se rappellera cependant que c’est Dieu qui décide à qui et quand il donnedistribue ses dons.

Il serait vraiment osé, à la lumière des conseils de Paul dans ce passage, d’interdire le parler en langues. Mais ce fait n’enlève pas à tout chrétien la responsabilité d’examiner toutes choses et tout esprit, et de rejeter ce qui est mauvais ou faux (1Th 5.21-22 et 1Jn 4.1-2). Les gens de tous bords, charismatiques ou non, reconnaissent l’existence d’imitations qui frôlent parfois l’absurde dans les manifestations de glossolalie. De toute évidence, le don des langues dans le Nouveau Testament était la capacité donnéecommuniquée par Dieu de parler dans des langues étrangères, réelles et intelligibles aux peuples qui les utilisaient comme leur langue maternelle. Il n’est pas sans importanceest intéressant de noter qu’aucun examen linguistique du phénomène actuel n’ait réussi à trouver les structures inhérentes à toute langue connueaux langues connues dans le monde. Un commentateur écrit : « À ma connaissance, il y a un accord universel entre les linguistes qui ont enregistré et analysé des milliers d’exemples modernes de parler en langues modernes pour dire que le phénomène contemporain n’est pas une langue humaine un langage parlé actuellement. Les traits et les structures qu’exige toute langue humaine connue ne sont pas présents »43. L’examen de ces « langues » montre également que les sons prononcés sont ceux qui existent dans la langue maternelle ou connue de celui qui parle. Par exemple, un Américain qui pratique ce don n’utilise que les voyelles qui existent en anglais, tandis que le francophone ne se serviraitsert pas du th anglais. On peut aussi constater que les traitscaractéristiques du phénomène varient peu au sein d’un même groupe ou d'un ensemble dirigé par une

43 CARSON D.A., Showing the Spirit, Grand Rapids : Baker Book House, 1987, page 83.

1 Corinthiens

seule personne44. Le fait que le phénomène de parler en languesla glossolalie se retrouve dans n’importe quelle autre religion importanteplusieurs autres religions importantes du monde est une preuve certaine qu’ilqu’elle n’est pas toujours un don qui vient de Dieu.

Certes, ces faits ne prouvent rien concernant l’existence aujourd’huiactuelle du véritable parler en langues, et certains témoignages provenant des champs de mission laissent penser que Dieu donneoctroie ce don à l’occasion ce don. Par contre, le chrétien doit se garder de croire que ce don est nécessaire pour sa croissance spirituelle, ou que tout ce qui se dit au nom du Seigneur provient réellement de lui. C’est également une grave erreur de croire, comme le suggèrent quelques-uns, que ce donle parler en langues va être le point de rassemblementsigne de ralliement de toutes les différentes tendances du christianisme, que la doctrine aurait divisées. Un œcuménisme qui se crée à cause d’une expérience commune, mais qui n’est pas fondé sur une la saine doctrine, la vérité de la Parole de Dieu, n’est certainement pas l’unité que Dieu demande. Que faire donc dans le contexte des Églises actuelles ? Nous nous permettons quelques suggestions :

1) On ne peut pas, en se basant sur ces seuls textes des Écritures, affirmer que Dieu ne donnedistribue plus le don de parler en langues. Même si les langues étaient un signe donné réservéà l’époque apostolique, on va plus loin que le Nouveau Testament quand on déclare que Dieu ne le donnerait plus aujourd'hui. L’interprétation de ces chapitres est difficile. Les chrétiens de tous bords doivent se rappeler que l’important n’est pas notre opinion sur cette question, mais que nous ayons un cœur qui s’attache au Seigneur Jésus-Christ et qui l’aime plus que toute autre chose. On pourraitpeut même dire qu’il y a

44 Ibid. page 84.

des erreurs beaucoup plus graves qu’une mauvaise interprétation concernant le don des langues. Car chacun de nous a certainement des erreursidées erronées de doctrine et de conduite, mais Dieu dans sa patience et sa miséricorde nous bénit et nous utilise en dépit de ces fautes. Il est beaucoup plus troublé par notre peu de foi, notre orgueil ou notre tiédeur que par notre opinion sur les langues.

2) Étant donné le nombre d’Églises qui se sont divisées à cause de cette question, il est peut-être bon, dans l’intérêt de l’ordre et de la bienséance dans une Église, d’encourager celui qui veut pratiquer son « don » en public à chercher une communauté où il peut le faire en toute liberté. Ce principe est d’autant plus important quand il s’agit d’une personne qui croit que le parler en langues est nécessaire et qui cherche à gagner des adeptes au sein d’une assemblée qui voit la chose autrement.

3) Il est essentiel que tous comprennent la place relativement mineure qu’a eue ce don dans le Nouveau Testament. Tout chrétien doit être prêt à évaluer ses expériences et les enseignements de son Église à la lumière des commandements que Paul donne ici. L’exemple de l’Église à de Corinthe montre à quel point un mouvement peut dévier du plan de Dieu quand cette Égliseil transfère ses priorités de la personne du Seigneur Jésus-Christ pour les fixer sur à des manifestations spectaculaires.

SUJETS DE DISCUSSION

1. Les questions difficiles mises à part, quels sont les enseignements clairs du chapitre 14 concernant la forme,

1 Corinthiens

le déroulement, et l’esprit d’un culte qui glorifie le Seigneur et qui se fait avec bienséance ?

2. Un des mots clés de ce chapitre est « l’édification » (14.3, 4, 5, 12, 17, 26). Quels sont les différents moyens que Dieu utilise pour édifier l’Église ? Quel est le rôle de chacun ? Textes complémentaires : Rm 14.19 ; 15.2 ; 1Co 8.1 ; 2Co 13.10 ; Ep 4.11-16 ; 1Th 5.11

III. Réponses aux questions 7.1-16.4F. La résurrection des morts 15.1-58

1. Le fait de la résurrection 15.1-34a. La résurrection, fondement de tout l’Évangile 15.1-

10b. L’importance de ce fait pour la foi 15.11-34

1) La vanitéfutilité de l’Évangile si Christ n’est pas ressuscité 15.11-19

2) La résurrection et ses implications 15.20-283) Les conséquences du reniementde la négation

de la résurrection 15.29-32a) le baptême devient un rite insensé 15.29b) la lutte chrétienne ne vaut pas le prixla peine

15.30-324) La réprimande 15.33-34

2. La forme de la résurrection 15.35-58a. Le « comment » de la résurrection 15.35-41b. Le corps ressuscité 15.42-49c. Le mystère de la résurrection 15.50-53d. La victoire de la résurrection 15.54-57e. L’implication de la résurrection pour notre vie

15.58

1 Corinthiens

F. La résurrection des morts 15.1-58

L’apôtre porte maintenant son attention vers une autre grave erreur doctrinale dans l’Église de Corinthe. Certains des membres de l’assemblée affirmaient que les morts ne ressuscitaientressuscitent pas (15.12), et leurs idées exerçaient une influence nocive sur tout le monde (15.33). Ces personnes acceptaient probablement la réalité de la résurrection de Christ – un être unique –, car Paul leur rappelle que c’est l’essentiel de l’Évangile qu’ils avaient reçu, et base toute sa discussion sur ce fait. En toute probabilité elles croyaient aussi à une certaine vie après la mort comme tous leurs compatriotes grecs, mais non pas à une résurrection corporelle. Le corps, dans la pensée grecque de l’époque, était la prison de l’âme et voué à la destruction. La débauche que Paul dénonce au chapitre 6 (v. 13-18) est une indication des conséquences de leur manière de voir. Après tout, si le corps va disparaître à tout jamais, peu importe ce qu’on en fait.

La plus grande partie de ce chapitre est facile à comprendre et n’a pas besoin d’être commentée. Par contre, l’instruction qu’il apporte est d’une grande valeur. Au fait, , et les différents enseignements que Paul transmet pour corriger cette erreur constituent une des plus magnifiques portions de toute la Bible. Il rappelle en premier lieu que le vrai christianisme est solidement enraciné dans des faits historiques. L’Évangile, la bonne nouvelle, n’est pas premièrementqu' un conseil pour mieux vivre sa vie ou qu'une série de règles à suivre ; il est, mais l’annonce de l’intervention de Dieu dans notre monde pour apporter une solution au problème de la culpabilité de l’homme par la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Comme l’apôtre le démontre clairement, si la résurrection de Christ n’est pas un fait historique, la foi chrétienne perd tout son intérêt. Mais si Christ est réellement

ressuscité, elle est la seule voie authentique entre la multitude de religions qui sont mutuellement contradictoires.

Ce Ensuite, ce chapitre est aussi précieux à cause desgrâce aux assurances merveilleuses qu’il apporte en ce qui concerne la vie après la mort. La mort est un ennemi redoutable. Le , et le chrétien trouve dans ces textes des affirmations qui nouslui apportent un grand réconfort et « la victoire » face au tombeau (15.57). Nous y puisons également le courage et la force de persévérer dans notre vie avec le Seigneur, malgré les difficultés que nous rencontrons, parce que nous savons « que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir » (Rm 8.18).

1. Le fait de la résurrection 15.1-34

a. La résurrection, fondement de tout l’Évangile 15.1-1015.1-2 Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, dans lequel vous avez persévéré, et par lequel vous êtes sauvés, si vous le retenez dans les termes où je vous l’ai annoncé ; autrement, vous auriez cru en vain.

C’est avec une certaine ironie que Paul se voit obligé de « rappeler » aux Corinthiens une vérité si fondamentale à leur foi. À dix reprises dans cette lettre, écrite à des gens fiers de leur connaissance, Paul leur pose la même question : « Ne savez-vous pas ? » (3.16 ; 5.6 ; 6.2, 3, 9, 15, 16, 19 ; 9.13, 24). Il a souvent évoqué leur ignorance (10.1 ; 12.1), une ignorance qui peut être due à une attitude de rejet de la révélation de Dieu (14.37, 38). Ainsi, même s’ils avaient « reçu » l’Évangile, ils n’avaient pas encore saisi tout ce que ce message impliquait

1 Corinthiens

dans leur vie et dans leur manière de voir. D’ailleurs, les Corinthiens ne sont pas les seuls à souffrir de ces « oublis ». En grande partie, la croissance en Christ consiste à saisir et à approfondir le sens des vérités qu’on pense déjà connaître. Ce que Paul écrit aux Philippiens garde est toujours sa validitéd'actualité : « Je ne me lasse pas de vous écrire les mêmes choses, et pour vous cela est salutaire » (Ph 3.1).

On note, d’aprèsSelon une perspective humaine, ce qui est nécessaire pour le salut. Il faut, c'est :

1. annoncer l’annonce de l’Évangile ;

2. le recevoirson acceptation ;

3. persévérerla perséverance dans cette voie (grec : se tenir debout) ;

4. le retenir dans lesla fidélité aux termes donnés dans la Parole.

Mais que veut dire l’apôtre quand il ajoute, « autrement vous auriez cru en vain » ? L’idée de la vanitéfutilité revient à plusieurs reprises dans ce chapitre, avectraduite par trois mots grecs différents (1Co 15.2, 10, 14, 17, 58). Le contexte semble bien expliquer le sens de notre ce texte ; Paul anticipe ce qu’il dira plus loin. Si Christ n’est pas ressuscité, et si les morts en lui ne ressuscitent pas, on aurait effectivement cru en vain.

15.3-9 Je vous ai enseigné avant tout, comme je l’avais aussi reçu, que Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures ; qu’il a été enseveli, et qu’il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures ; et qu’il est apparu à Céphas, puis aux douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents

frères à la fois, dont la plupart sont encore vivants, et dont quelques-uns sont morts. Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. Après eux tous, il m’est aussi apparu à moi, comme à l’avorton ; car je suis le moindre des apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu.

Le but de l’apôtre n’est pas de prouver la résurrection de Christ, car les Corinthiens étaient censés y croire déjà. Il veut surtout réaffirmer pour eux, en vue de ce qu’il va dire par la suite, combien que la résurrection de Christ est une réalité historique, centrale à l’Évangile. Cette bonne nouvelle comporte deux faits fondamentaux et leurs preuves : 1) La mort de Jésus-Christ pour nos péchés et 2) sa résurrection. L’ensevelissement est la preuve que Jésus est réellement mort, et non pas simplement évanoui. Non seulement son corps a été enveloppé de bandes et d’un linceul, mais il a été déposé dans un tombeau creusé dans le rocher dont l’entrée était scellée et gardée par des soldats romains. Le tombeau vide du matin de Pâques reste un fait historique inexplicable pour ceux qui nient la résurrection de Christ. À cela s’ajoute le témoignage de l’Ancien Testament qui à plusieurs reprises avait prédit sa mort, soit directement (Es 52-53 ; Ps 22) soit en figure, telle que l’agneau pascal et les sacrifices.

Le fait historique de la résurrection est établi par les nombreux témoins qui l’ont vuvu Jésus ressuscité. Céphas (Pierre), avant la résurrection de Jésus, avait été tellement découragé par l’arrestation de son Maître qu’il l’a renié, même devant une petite servante. Sa rencontre avec le Christ ressuscité l’a transformé à tel point qu’il pouvait proclamer courageusement le message de l’Évangile à des multitudes peu de temps après (Ac 2). C’est le contact avec Jésus revenu à la viele Ressuscité qui a bouleversé cette timide bande de

1 Corinthiens

disciples de Jésus pour leur donner le courage de le suivre jusqu’au martyre.

On constate que le nom courant pouridentifiant le groupe de disciples le plus proche de Jésus était « les douze », même si Judas n’en faisait plus partie. En toute probabilité, la rencontre de Christ avec les cinq cents a eu lieu en Galilée, et correspond à celle mentionnée par Matthieu (28.7, 10, 16). L’existence de cette multitude de personnes qui sontétaient encore en vie quand Paul a écrit son épître et qui peuvent, si nécessaire, corroborer lesses déclarations de Paul, est une preuve convaincante de la réalité de la résurrection de Jésus. La dernière apparition était peut-être celle de l’Ascension (Lc 24.36-51). Paul fait une distinction entre « les douze » et « tous les apôtres », ce qui indique que dans son esprit, le terme « apôtre » s’applique à d’autres en plus des douze.

Parmi les personnes qui ont vu le Seigneur ressuscité, il y en avait deux au moins deux qui ne le suivaientl'avaient pas suivi pendant sa vie. L’apôtre Jean nous informe que Jacques, le frère de Jésus, ne croyait pas en lui (Jn 7.5), mais après la résurrection, Jacques s’est trouvé parmi les disciples (Ac 1.14). Tout porte à croire que c’est cette rencontre avec son frère ressuscité qui l’a fait changer d’avis. Et Paul lui-même était un farouche adversaire de Christ avant que ce dernier ne lui apparaisse sur la route de Damas. Il se considère alors comme un avorton, un enfant qui normalement n’aurait pas dû normalement voir le jour.

À ces témoignages s’ajoute celui des prophéties de l’Ancien Testament, « qui attestait d’avance » non seulement « les souffrances de Christ » mais aussi « la gloire dont elles seraient suivies » (1P 1.11). Ainsi, le prophète Ésaïe, après avoir annoncé la mort du Messie, parle de sa victoire et de sa suprématie (Es 52.13-53.12), ce qui implique nécessairement

une résurrection. Elle est aussi préfigurée dans Psaumes 16.10-11 et dans Psaumes 22, où la description de la mort du Messie (1-21) est suivie pard' une célébration de sa victoire (23-32).

Pour nous qui sommes si éloignés de ces événements, il n’y a plus de témoins encore en vie pour nous raconter de vive voix leur rencontre avec le Seigneur dans son corps ressuscité, comme au temps de Paul. Néanmoins, la résurrection de Christ est certainement un des faits historiques les mieux attestés de l’histoire.l’Histoire. L’existence même de l’Église constitue une grande preuve de sa véracité. Comment expliquer autrement que toute une multitude de Juifs acceptent de changer de religion et de proclamer que Jésus est le Christ, leur Messie et leur Seigneur au risque de toutes sortes de persécutions et même de la mort ? Un auteur écrit :

Pensez à l’absurdité psychologique de décrire une bande de poltrons vaincusdisciples craintifs, un jour réfugiés dans une chambre haute, puis quelques jours plus tard transformés en un groupe qu’aucune persécution ne pouvait réduire au silence – et alors… chercher à attribuer ce changement dramatique à rien de plus qu’une légende fabriquée de toutes pièces qu’ils tentaient d’imposer au monde. Ceci n’a vraiment aucun sens45.

15.10 Par la grâce de Dieu je suis ce que je suis, et sa grâce envers moi n’a pas été vaine ; loin de là, j’ai travaillé plus qu’eux tous, non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi.

45 ANDERSON J.N.D., « The Resurrection of Jesus Christ », Christianity Today, 12 avril 1968, pages 5-6.

1 Corinthiens

Ce verset contient d’importantes vérités touchant le mystère des rapports entre l’œuvre de Dieu et l’effort humain. D’abord, ce texte nous invite à regarder tout ce que nous avons de bon comme immérité et comme un don de Dieu. « Ne vous y trompez pas, mes frères bien-aimés : toute grâce excellente et tout don parfait descendent d’en haut, du Père des lumières » (Jc 1.16-17). Non seulement notre salut, mais encore notre santé, notre intelligence et notre force physique et morale viennent de Dieu. Alors, tout orgueil est réellement déplacé. Nous avons constamment besoin de nous rappeler cette parole de l’Écriture : « … qui est-ce qui te distingue ? Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1Co 4.7).

Mais ce texte nous rappelle aussi qu’il est nécessaire de travailler afin que la grâce de Dieu ne soit pas donnée en vain. Car là encore, les injonctions des Écritures sont nettes. Il nous est commandé de faire tous nos efforts pour cultiver les vertus chrétiennes (2P 1.5-7), de travailler de mieux en mieux en son œuvre à l'œuvre de Dieu (1Co 15.58), et de mettre en œuvre notre salut avec crainte et tremblement, puisque c’est Dieu qui produit en nous le vouloir et le faire (Ph 2.12-13). Sinon, on risque effectivement de recevoir la grâce de Dieu en vain (2Co 6.1). La grâce de Dieu n’élimine pas l’effort humain ; au contraire, elle l’encourage et agit en accord avec lui. Si nous ne faisons rien, Dieu ne fera rien par nous. Mais quand nous agissons pour le Seigneur et selon sa paroleParole, nous pouvons et nous devons dire, comme l’apôtre : « je travaille, en combattant avec sa force qui agit puissamment en moi » (Col 1.29). Dieu désire que ses enfants s’efforcent de lui être agréableagréables (2Co 5.9), mais qu’ils reconnaissent en même temps que c’est sa grâce qui seule leur donne la possibilité de le faire.

b. L’importance de ce fait pour la foi 15.11-34

1) La vanitéfutilité de l’Évangile si Christ n’est pas ressuscité 15.11-1915.11-12 Ainsi donc, que ce soit moi, que ce soient eux, voilà ce que nous prêchons, et c’est ce que vous avez cru. Or, si l’on prêche que Christ est ressuscité des morts, pourquoi quelques-uns parmi vous disent-ils qu’il n’y a point de résurrection des morts ?

Le fait de la résurrection corporelle de Christ est alors établi et constitue une partie essentielle du message proclamé par tous les apôtres. Pour le chrétien, cette vérité garantit celle de sa propre résurrection. Les doutes des Corinthiens ne sont pas difficiles à expliquer, car l’idée d’un corps ressuscité allait à l’encontre de tout ce que les Grecs avaient appris de leurs philosophes. Pour eux, il était inconcevable que le corps, qui devenait méprisable avecque la maladie et la vieillesse rendaient méprisable, puisse revenir à la vie après sa destruction. Ils considéraient plutôt le corps comme une prison de l’âme que la mort allait libérer. Ainsi, dès que Paul, dans son exposé devant les Athéniens, a mentionné la résurrection des morts, plusieurs auditeurs ont commencé à se moquer de lui (Ac 17.32). Il n’est pas impossible que les Corinthiens aient été séduits par l’erreur que Paul dénonce plus tard dans sa lettre à Timothée. Il le met en garde contre « Hyménée et Philète, qui se sont détournés de la vérité, disant que la résurrection est déjà arrivée, et qui renversent la foi de quelques-uns » (2Ti 2.17-18). Cette erreur consiste à altérer le sens de la résurrection pour la voir seulement comme une réanimation de vie spirituelle, peut-être au moment de la conversion.

La confusion au sujet de la résurrection subsiste encore aujourd’hui dans l’esprit de beaucoup. Comme pour les Grecs,

1 Corinthiens

beaucoup ont tendance à opposer le spirituel au matériel, comme si les deux étaient incompatibles. Mais la vraie opposition, telle que l’apôtre la révèle dans ce chapitre, est entre le spirituel et le naturel (grec = psychique). Comme il l’écrira plus loin, le chrétien, dans la résurrection, aura un corps matériel, mais aussi spirituel, pourtant bien différent de celui qu’il habite à présent, corruptible et fait de chair et de sang et corruptible (1Co 15.42-50). Notre corps actuel est appelé « terrestre », une « tente », et un « vase de terre » (2Co 4.7 ; 5.1), mais il est en même temps une création merveilleuse de Dieu (Ps 139.14-15) que le Seigneur de gloire n’a pas hésité à prendre quand il est devenu homme. Ce n’est pas le corps qui est mauvais, c’est l’usage qu’on en fait qui est souvent répréhensible. Alors malgré ses imperfections actuelles, notre corps est la meilleure expression de nous-mêmes, et pour cela il ne sera pas anéanti àpar la mort, mais transformé.

15.13-19 S’il n’y a point de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est donc vaine, et votre foi aussi est vaine. Il se trouve même que nous sommes de faux témoins à l’égard de Dieu, puisque nous avons témoigné contre Dieu qu’il a ressuscité Christ, tandis qu’il ne l’aurait pas ressuscité, si les morts ne ressuscitent point. Car si les morts ne ressuscitent point, Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés, et par conséquent aussi ceux qui sont morts en Christ sont perdus. Si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes.

Ces affirmations n’ont pas besoin de commentaire. Sans le fait de la résurrection de Christ ou des morts en Christ, la foi

chrétienne perd toute sa validité et du coup, tout son intérêt. Le christianisme n’est plus qu’une autre religion qui n’offre qu’un soutien psychologique (et faux) aux crédules et superstitieux. Blomberg écrit :

… sans faire appel à des faits historiques, nous n’avons aucun moyen de différencier entre les affirmations concurrentes des diverses expériences personnelles qui se ressemblent. Les mormons, les bouddhistes et les chrétiens, tous rendent témoignage aujourd’hui de forts sentiments ou de rencontres spirituelles qui ont « confirmé » la véracité de leur foi. Mais puisque ces trois religions se contredisent dans sur les points importants, elles ne peuvent pas être toutes vraies. Les chrétiens doivent faire appel à en plus quede leur témoignage personnel ; ils doivent se rendre compte que lesaux preuves historiques qui leur donnent raison46.

Si Christ est resté au tombeau, le message de Paul, ainsi que toute la Bible, sont de faux témoignages concernant Dieu. Y croire n’est pas seulement inutile (kenos- = vain – v. 14), c’est insensé (mataios- = vain – v. 17). D’une certaine manière, ce que Paul dit est exagéré, car celui qui met en pratique les conseils de Christ va trouver qu’ils contribuent à des habitudes saines et à une vie à l’abri de beaucoup d’erreurs pernicieuses qui détruisent le corps et l'âme. Christ a bien dit que celui qui l’écoute et qui met en pratique ses commandements est comme un homme qui bâtit sa maison sur une fondation solide (Mt 7.24-25). Par contre, comme des millions de martyrs peuvent amplement l’attester, suivre Christ signifie parfois la perteperdre des biens, des amis, et même de 46 BLOMBERG Craig, The NIV Application Commentary, Grand Rapids : Zondervan, 1994, page 308.

1 Corinthiens

la vie. Comme Paul l'écrit, alors, « quel avantage m’en revient-il ? » (1Co 15.32). Le chrétien trouve son bonheur quand il fixe ses les yeux sur les choses invisibles et futures ; il ne peut pas trouver sa satisfaction dans ce qui est visible et passager. Il accepte l’affliction et la difficulté parce qu’il sait que « les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous » (Rm 8.18). Il travaille dans la certitude que tout ce qu’il fait pour le Seigneur aura une portée et une récompense éternelles (1Co 15.58). Il peut affronter la mort dans le calme et la tranquillité, parce qu’il sait que « quitter ce corps » c’est « demeurer auprès du Seigneur » (2Co 5.8). Si cette confiance n’était qu’une illusion, effectivement le chrétien serait à plaindre. Mais elle ne l’est pas ; la résurrection de Christ en est la ferme garantie.

2) La résurrection et ses implications 15.20-2815.20 Mais maintenant, Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui sont morts.

L’idée de Paul est simple : Christ, dans son corps ressuscité, est à la fois la garantie d’une de la résurrection des autres morts, et aussi l’archétype du corps des ressuscités. Car « les prémices » sont les premiers fruits dans d'une récolte. Elles sont une bonne indication de la nature et de la qualité de la moisson à venir. Nous ne savons pas grand-chose concernant l’au-delà, mais déjà cette seule affirmation est déjà merveilleuse – au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer (1Jn 3.2). Le chrétien le plus insignifianthumble peut s’exclamer avec Paul, « nous sommes citoyens des cieux, d’où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ, qui transformera le corps de notre humiliation, en le rendant semblable au corps de sa gloire, par le pouvoir qu’il a de s’assujettir toutes choses » (Ph 3.20-21). Comment était lece corps de gloire du Seigneur ? Ses ? Les apparitions du Seigneur

après sa mortrésurrection peuvent peut-être nous laisser quelques indices. On a l’impression que son aspect visible était plutôt celui qu’il avait avant sa mort. Il portait les marques des clous dans son corps, on l’a reconnu la plupart du temps, et il mangeait avec les disciples. Mais il pouvait aussi entrer dans une pièce dont les portes étaient fermées, et il est monté au ciel sans hélicoptère. Les ressuscités auront-ils ces possibilités ? Puisqu’il est les prémices des ressuscités, les enfants et les vieillards qui meurent en lui auront-ils le corps d’un homme mort au moment où il est en pleine force de l’âge, comme leur Maître ? Un jour nous le saurons ; pour l’instant, il nous suffit de savoir que « comme nous avons porté l’image du terrestre, nous porterons aussi l’image du céleste » (1Co 15.49 – BBA).

15.21-23 Car, puisque la mort est venue par un homme, c’est aussi par un homme qu’est venue la résurrection des morts. Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ, mais chacun en son rang. Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent à Christ, lors de son avènement.

Paul fait souvent la comparaison,ressortir le contraste entre « Christ » et « Adam ». Dans ce contexte, il le faitc'est probablement pour souligner l’humanité de notre Seigneur. Les Corinthiens acceptaient la résurrection de Christ puisqu’ils le considéraient comme divin. Mais c’est justement parce que l’homme Jésus est ressuscité qu’il devient la garantie de « la résurrection des [autres] morts ».

Nous aurions aimé interroger Paul pour obtenir quelques précisions concernant l’ordre de la résurrection, car cette question divise les chrétiens modernes. Un survol des textes qui mentionnent la résurrection indique qu’elle comporte en toute probabilité plusieurs phases, mais leur ordre chronologique est

1 Corinthiens

compris différemment suivant le schéma eschatologique que l’on accepte. Nous y trouvons :

1. la résurrection de Christ ;

2. la résurrection ( ?) de certains lors de la mort de Christ – Mt 27.52-53 ;

3. celle qui est associée à l’enlèvement de l’Église – 1Th 4.13-18 et 1Co 15.51-52 ;

4. celle des deux témoins de l’Apocalypse – Ap 11.1-12 ;

5. celle des martyrs décrits dans Ap 20.4-6 – ceux qui n’avaient pas adoré la bête durant la période de la grande tribulation de l’Apocalypse ;

6. les résurrections décrites dans Dn 12.2 et Jn 5.29, qui décrivent en termes globaux les destins des sauvés et des perdus, les uns qui ressuscitent pour la vie et les autres pour le jugement.

15.24-28 Ensuite viendra la fin, quand il remettra le royaume à celui qui est Dieu et Père, après avoir réduit à l’impuissance toute domination, toute autorité et toute puissance. Car il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds. Le dernier ennemi qui sera réduit à l’impuissance, c’est la mort. Dieu, en effet, a tout mis sous ses pieds. Mais lorsqu’il dit que tout lui a été soumis, il est évident que celui qui lui a soumis toutes choses est excepté. Et lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous.

Ces versets nous font connaître le grand dessein de Dieu pour son univers. Le but de toute l’histoirel’Histoire, de tout ce qui se passe dans notre monde est la suprématie absolue du Créateur : que Dieu – le Père, le Fils et le Saint-Esprit – soit TOUT EN TOUS. Ce plan comporte deux grandes phases : 1) L’intégration de « toutes choses en Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre » (Ep 1.10) « afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2.10-11)). 2) L’élimination ou le bannissement de tout ce qui s’oppose à lui, que ce soit Satan ou toute autre autorité ou individu qui s’obstine dans son inimitié contre Dieu (1Co 15.24).

« Le dernier » de ces ennemis, c’est la mort elle-même. Elle est la dernière, parce qu’elle est éliminée en dernier lieu. Elle est aussi le plus redoutable des ennemis. Même si, pour le chrétien, la venue du Christ « a réduit la mort à l’impuissance et a mis en évidence la vie et l’immortalité par l’Évangile » (2Ti 1.10), la mort reste un terrible adversaire par les souffrances et les séparations qu’elle inflige à tous. Quelle merveilleuse assurance de lire qu’un jour elle disparaîtra à tout jamais, et que chaque enfant de Dieu sera « immortel » (1Co 15.53) !

La soumission finale de Jésus-Christ à son Père n’implique pas une infériorité, car plusieurs textes indiquent qu’il est l’égal de son Père. Sa soumission ressemble à celle qu’une femme doit avoir envers son mari – une soumission volontaire entre deux personnes égales dans leur nature. Paul avait déjà énoncé ce principe dans 1 Corinthiens 11.3, quand il avait écrit que : Dieu le Père est « la tête de Christ », comme l’homme est la tête de la femme. Déjà dans les Psaumes, quelques passages révèlent ce rapport entre Dieu le Père et le Messie son Fils :

1 Corinthiens

Je publierai le décret ; l’Éternel m’a dit : Tu es mon fils ! Je t’ai engendré [t’ai déclaré Fils] aujourd’hui. Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage, les extrémités de la terre pour possession (Ps 2.7-8).

Parole de l’Éternel à mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied (Ps 110.1).

3) Les conséquences du reniementde la négation de la résurrection 15.29-32

Avec le verset 29, Paul présente deux autres raisons pour montrer l’importance de croire en la résurrection des morts : le rite du baptême, et les difficultés associées à la foi en Christ. Le premier de ses arguments a suscité d’énormes problèmes pour les exégètes, à tel point que certains estiment que ce passage est le plus difficile de tout le Nouveau Testament ! Un survol des commentaires relève plus de quarante différentes explications de ce texte.

a) le baptême devient un rite insensé 15.2915.29 Autrement, que feraient ceux qui se font baptiser pour les morts ? Si les morts ne ressuscitent absolument pas, pourquoi se font-ils baptiser pour eux ?

Ce qui cause la difficulté dans ce passage, c’est la nature de la pratique à laquelle Paul fait allusion. Que veut-il dire quand il dit que les gens « se font baptiser pour les morts » ? Au premier abord, nous pourrions comprendre qu’il s’agit d’une sorte de baptême par délégation, des chrétiens qui se font baptiser à la place des amis morts et non baptisés. Plusieurs

commentaires adoptent cette interprétation, parce qu’elle semble être la lecture la plus normale du texte47. Les mormons, s’appuyant sur ce verset, ont échafaudé tout un rituel de baptême de substitution, par lequel les fidèles se font baptiser à la place des membres de leur famille qui ne sont pas mormons, afin de leur procurer le salut. Cette doctrine est devenue si importante pour eux qu’ils entretiennent par ordinateur une des plus grandes bases de données des généalogies du monde afin de pouvoir déterminer qui a bénéficié ou non de ce « baptême par procuration ».

Pourtant, cette manière de lire Paul encourt comprendre le texte cause de très grandes difficultés. Premièrement, rienRien n’indique que les chrétiens des premiers siècles pratiquaient un tel baptême de substitution. Si ce rite existait, il serait vraiment étonnant de n’en trouver aucune mention dans le grand nombre des écrits des chrétiens de l’époque. Mais la plus grande difficulté réside dans l’idée même d’un baptême de remplacement. Toutes les Écritures s’accordent pour enseigner que le baptême est l’acte par lequel un croyant rend témoignage de sa foi en Christ et de son intention de vivre pour lui. Il est inconcevable que quelqu’un l’accomplissede l'accomplir à la place d’un autre. Une telle pratique est en contradiction avec l’enseignement clair de la Bible concernant le baptême et le salut. Le baptême ne sauve pas ; il n’est pas non plus un rite magique qui peut avoir un effet sur l’état d’une personne décédée. Chacun vit sa propre vie devant le Seigneur. Nous ne pouvons pas croire à la place d’un autre, et nous ne pouvons 47 « En partie à cause de la grande multitude d’options, dont aucune n’est aussi satisfaisante que la lecture naturellenormale du texte, la majorité des érudits pensent que Paul fait allusion à une forme de baptême de substitution. Mais encore, il n’existe aucune unanimité concernant la forme de ce baptême ». FEE Gordon D., The First Epistle to the Corinthians, Grand Rapids : Eerdmans, 1987, page 766.

1 Corinthiens

pas lui procurer du mérite en nous faisant baptiser à sa place. Certes, on peut imaginer que les Corinthiens pratiquaient un baptême pour les morts par superstition ou à cause d’une mauvaise compréhension des voies de Dieu. Mais alors, il est impensable que Paul en parle sans le désapprouver ou corriger l’erreur importante qu’il implique. La conclusion nous paraît évidente : ce à quoi l’apôtre ne fait as allusion n’est pas à un baptême de substitution. D’ailleurs, la lecture « normale » n’exige pas une telle interprétation ; il est parfaitement possible de le comprendre autrement.

Avant de regarder ce qui semble être la meilleure manière de comprendre ce passage, considérons brièvement deux autres interprétations. Plusieurs commentaires pensent que Paul, quand il écrit « pour les morts », veut dire que quelques Corinthiens se sont convertis et se sont fait baptiser à cause du témoignage de chrétiens qui sont déjà morts. Par leur baptême ils prennent la place de ceux qui les ont précédés dans la foi. Cette interprétation est possible, mais elle impose sur leau grec un sens inhabituel. D’autres prennent la préposition « pour » (’‘uper dans le grec) dans le sens de « par-dessus », et pensent que Paul fait allusion à des baptêmes pratiqués dans un cimetière, au-dessus des tombeaux de chrétiens morts. S’il est vrai que le baptême symbolise la mort et la résurrection en Christ (Rm 6.1-5), nous n’avons aucune indication qu’une telle coutume existait parmi queles chrétiens du premier siècle auraient baptisé en ces lieux.

Il existe une explication qui nous paraît beaucoup plus simple et qui correspond parfaitement au contexte. Paul vient d’écrire que si les morts ne ressuscitent pas, non seulement Christ, mais aussi ceux qui croyaient en lui sont morts et resteront morts à tout jamais. Maintenant il pose la question : « Si tel est le cas, pourquoi quelqu’un accepterait-il de se faire baptiser pour une cause morte, pour suivre des gens morts et

disparus à jamais ? » Car le mot grec, « pour », signifie tout aussi bien « en faveur de, pour la cause de ». C’est la préposition que Paul emploie quand il écrit en Rm 8.31: « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8.31).». C’est aussi celle que Jésus utilise quand il diten Mc 9.40. : « Qui n’est pas contre nous est pour nous » (Mc 9.40).». Ces deux cas nous aident à comprendre le sens de ce que Paul écrit ici. Le baptême, plus que tout autre acte, est un témoignage public et concret d’un engagement « pour » la cause de Christ, qui a souvent pour conséquence la persécution et la souffrance. Mais si Christ et ceux qui l’ont suivi sont et restent « morts », pourquoi le faire ? Alors Paul dit tout simplement aux Corinthiens : « Si les morts ne ressuscitent pas du tout, pourquoi quelqu’un se ferait-il baptiser [et ainsi s’engagerait publiquement] pour la cause des gens morts et restés au tombeau ? » (c’est-à-dire, Christ et ceux qui l’ont suivi au prix de leur propre vie).

Cette manière de comprendre le texte respecte le sens des mots, et aussi le sens du contexte, car tout de suite après l’apôtre utilise un autre argument du même style : Pourquoi accepterait-il lui-même de supporter les outrages ? Si les morts ne ressuscitent pas, l’engagement du baptême et la persévérance en Christ perdent tout leur intérêt. Autant passer sa vie à manger et à boire, car demain la mort est la fin de tout.

b) la lutte chrétienne ne vaut pas le prix la peine 15.30-3215.30-32 Et nous, pourquoi sommes-nous à toute heure en péril ? Chaque jour je suis exposé à la mort, je l’atteste, frères par la gloire dont vous êtes pour moi le sujet, en Jésus-Christ notre Seigneur. Si c’est dans des vues humaines que j’ai combattu contre les bêtes à Éphèse, quel avantage m’en revient-il ? Si les morts

1 Corinthiens

ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons.

Paul écritrédige sa lettre depuis la ville d’Éphèse (16.8). C’est la seule fois qu’il parle spécifiquement des dangers qu’il courait dans ce lieu, mais plus tard il écrirait aux Corinthiens que les afflictions qu’il a connues en Asie étaient tellement dramatiques qu’il désespérait même de conserver sa la vie (2Co 1.8). Pour la plupart d’entre nous, chrétiens qui vivent plus ou moins tranquillement dans notre le monde occidental, il est vraiment difficile de nousse mettre dans la peau de Paul. Nous avons de la peine à imaginer une vie où à chaque heure nous serions en péril. C’est sans doute aussi pourquoi nous pensons trop au manger et au boire, et nous oublions trop facilement ce qui est invisible et éternel. Heureusement, Dieu n’impose pas à tous ses enfants les mêmes tribulations quequ'à Paul a éprouvées, et qui sont décrites partiellement dans sa deuxième lettre aux Corinthiens (2Co 11.23-29). Par contre, le Seigneur Jésus nous met en garde contre le danger de l’assoupissement d’une vie trop aisée : « Prenez garde à vous-mêmes, de crainte que vos cœurs ne s’appesantissent par les excès du manger et du boire, et par les soucis de la vie » (Lc 21.34).

Quand il écrit qu’il a « combattu contre les bêtes à Éphèse », il utilise en toute probabilité un langage figuré, car en tant que citoyen romain, il ne pouvait pas être condamné à cette sanction desaux arènes. De plus, même si les autorités avaient outrepassé cette loi, on voit difficilement comment il aurait pu survivre à une telle rencontre.épreuve. D’autres écrivains de l’époque ont utilisé la même métaphore pour décrire des conflits avec des adversaires humains48. Luc, l’auteur des Actes, ne mentionne qu’un seul incident fâcheux à Éphèse, l’émeute 48 BLOMBERG Craig, The NIV Application Commentary, Grand Rapids : Zondervan, 1994, pages 299-300.

causée par les fabricants des idoles de Diane (Ac 19.23-40). Mais il indique que Paul a quitté la ville aussitôt après (20.1), ce qui laisse penser que l’apôtre avait en vue pensait à un autre trouble antérieur que nous ignorons.

4) La réprimande 15.33-3415.33-34 Ne vous y trompez pas, les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs. Revenez à vous-mêmes, comme il est convenable, et ne péchez pas ; car quelques-uns ne connaissent pas Dieu, je le dis à votre honte.

La première phrase, une citation du poète Ménandre, était devenue une sorte de proverbe dans le monde grec. Le mot « compagnies » peut signifier également « communications ». Les deux traductions expriment une vérité fondamentale de la vie. Les « compagnons » que nous choisissons exercent une grande influence sur notre pensée et notre comportement, et les paroles que nous écoutons le font également. La compagnie et les déclarations erronées de certains Corinthiens ont eu un effet nocif sur les autres membres de l’Église. Une expression anglaise affirme, en matière de données traitées par un ordinateur : « garbage in ; garbage out » (ordures à l’entrée ; ordures à la sortie). L’ordinateur ne fait que traiter la matière qu’on y entre. Si les données à l’entrée sont mauvaises, celles que produit l’appareil seront forcément erronées. Il en est de même pour l’être humain. Nous sommes, en effet, ce que nous « mangeons ». Le chrétien qui passe son temps en mauvaise compagnie ou à écouter et à voir des choses salissantes deviendrase corrompra petit à petit comme eux. Et celui qui passe du temps avec le Seigneur sera transformé en son image, par petites étapes le plus souvent imperceptibles (2Co 3.18). Alors, chacun de nous amasse, au long de sa vie, de bons et de mauvais « trésors » qui déterminent en grande partie ce que

1 Corinthiens

nous faisons. Jésus a dit : « … c’est de l’abondance du cœur que la bouche parle. L’homme bon tire de bonnes choses de son bon trésor, et l’homme méchant tire de mauvaises choses de son mauvais trésor » (Mt 12.34-35).

Le fait d’une La certitude de la résurrection corporelle future donne au chrétien une formidable espérance qui encourage de « bonnes mœurs ». Par contre, une mauvaise compréhension de l’au-delà peut entraîner un comportement malsain. Si l’on refuse toute notion d’une existence après la mort, la vie devient absurde et il vaut mieux maximiser son plaisir maintenant, sans se soucier ni des autres ni de l’avenir. Mais l’homme ne pourrait jamais être à l’aise avec cette philosophie nihiliste, car Dieu a placé dans son cœur « la pensée de l’éternité » (Ec 3.11). Alors, il se nourrit de toutes sortes de conceptions fantaisistes concernant l’au-delà : des esprits qui reviennent hanter ou influencer les vivants, la réincarnation à l’infini dans d’autres formes, le nirvana ; ou pour les martyrs de l’Islam, un paradis de plaisirs charnels. Les « mauvaises communications » concernant l’éternité, plus que beaucoup d’autres, peuvent corrompre les « bonnes mœurs ».

Paul invite les chrétiens de Corinthe à « revenir à eux-mêmes » ou littéralement, à sortir de leur stupeur. Cet appel est toujours actuel. Les signes de torpeur spirituelle sont nombreux à notre époque. Nous nous laissons facilement ensorceler par les revendications miroitantes des affaires du que le monde nous fait miroiter et qui obscurcissent les réalités éternelles. Quand nous prions, nous sommes souvent plus préoccupés de nos petits soucis que de l’état éternelspirituel des gens qui nous entourent. Nous nous laissons accaparer par l’urgence des besoins visibles et nous refoulons la solennelle vérité de la perdition éternelle de nos proches sans Christ. C’est alors pour nous aussi le commandement de nous réveiller et de cesser de pécher.

2. La forme de la résurrection 15.35-58

a. Le « comment » de la résurrection 15.35-4115.35 Mais quelqu’un dira : Comment les morts ressuscitent-ils, et avec quel corps viennent-ils ?

Paul anticipe deux questions, des questions qui sont plutôt des objections à la notion de la résurrection. Il est probable que les Corinthiens doutaient de la résurrection parce qu’ils la considéraient comme une simple réanimation de leur corps naturel, qui était périssable, et qui nécessitait de la nourriture et du sommeil pour le maintenir en bonne santé. D’autant plus que le corps était largementgénéralement vu comme mauvais et voué à l’anéantissement. L’idée que ce corps aurait pu être réanimé leur paraissait insensée. Paul indique que c’est la leur qui est déraisonnable.

Aujourd’hui, on entend ces mêmes objections à l’idée d’une résurrection corporelle. Après tout, n’est-il pas complètement impossible de réunir toutes les molécules d’un corps disparu pour en faire un nouveau corps ? Pour relever l’extravagance d’une telle idée, on aime raconter comment un homme mange un requin qui a lui-même mangé un noyé. Ainsi,Si les molécules d’une personne s’intègrent dans une autre – comment deux corps peuvent-ilspourraient donc posséder les mêmes molécules ? La discussion qui suit répond à ces questions cyniques. Le « corps » qui naîtra sera bien différent de celui que l’on place dans le tombeau. D’ailleurs, au cours de la vie, les molécules d’un corps se renouvellent à plusieurs reprises, sans pour autant modifier l’identité d’une personne. La variété quasi infinie de corps dans l’univers est une preuve convaincante que Dieu n’est pas limité dans ses moyens pour faire un corps de résurrection.

1 Corinthiens

15.36-38 Insensé ! ce que tu sèmes ne reprend point vie, s’il ne meurt. Et ce que tu sèmes, ce n’est pas le corps qui naîtra ; c’est un simple grain, de blé peut-être, ou d’une autre semence ; puis Dieu lui donne un corps comme il lui plaît, et à chaque semence il donne un corps qui lui est propre.

L’épithète que Paul emploie montre toute l’impatience qu’il ressent face aux objections que peuvent présenter ses interlocuteurs. Nous pouvons être surpris de voir que Paul appelle quelqu’un un « insensé », puisque le Seigneur a averti que celui qui traite un autre d’insensé « mérite d’être puni par le feu de la géhenne » (Mt 5.22). Cependant, ce que le Seigneur condamne dans l’Évangile est un esprit de mépris et de ridicule, et le mot qu’il emploie est plus fort que celui utilisé dans notre le texte qui nous occupe. De plus, Paul s’adresse non pas à une personne précise, mais à ce « quelqu’un » qui opposerait une telle objection. L’apôtre aurait très bien pu penser à cette déclaration d’antan : « L’insensé dit en son cœur, Il n’y a point de Dieu ! » (Ps 14.1). L’objection que Paul examine est justement insensée parce qu’elle ne prend pas en considération la personne et la puissance du Créateur.

L’analogie des avec les plantes sert surtout à montrer que le corps de la résurrection, bien qu’il ait des liens avec le corps terrestre, sera radicalement transformé et sera bien plus glorieux. L’illustration apporte des parallèles qui sont frappants : le grain paraît insignifiant et doit être mis en terre pour disparaître, afin que le corps véritable apparaisse. Ainsi, la vie végétale consiste ense présente sous deux modes d’existenceaspects, le simple grain et la plante, qui est bien plus impressionnante. C’est vrai aussi pour d’autres formescatégories de viecréatures ; le beau papillon commence son existence comme une minable larve. Et les deux formes de vie, bien qu’elles soient de la même nature, sont tellement

différentes que l’on ne pourrait jamais imaginer, l’aspect de la deuxième en regardant la première, comment serait l’aspect de la deuxième. C’est Dieu qui opère ces changements, et c’est aussi lui qui nous « revêtira » d’un nouveau corps incorruptible et immortel (2Co 5.4-5).

15.39-41 Toute chair n’est pas la même chair ; mais autre est la chair des hommes, autre celle des quadrupèdes, autre celle des oiseaux, autre celle des poissons. Il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres ; mais autre est l’éclat des corps célestes, autre celui des corps terrestres. Autre est l’éclat du soleil, autre l’éclat de la lune, et autre l’éclat des étoiles ; même une étoile diffère en éclat d’une autre étoile.

La deuxième analogie concerne surtout la multiplicité des formes de vie et d’objets que Dieu a créés dans l’univers, et la différence qui existe dans leur apparence et leur splendeur. L’objectif de Paul n’est pas de montrer qu’au ciel les ressuscités auront une gloire plus ou moins importante selon leur vie actuelle, même si cette idée est suggérée par l’exemple des étoiles (Dn 12.3). Il veut souligner surtout le fait que si Dieu a créé l’univers avec une telle diversité, rien ne l’empêche de faireconcevoir des corps encore plus éclatants au moment de la résurrection. Certains exégètes considèrent que Paul, quand il mentionne les « corps célestes », désigne le corps des anges ou celui des ressuscités, mais le contexte semble plutôt indiquer qu’il veut parler des objets inanimés, du soleil, de la lune, et des étoiles, comme il le fait tout de suite après.

1 Corinthiens

b. Le corps ressuscité 15.42-4915.42-44 Ainsi en est-il de la résurrection des morts. Le corps est semé corruptible, il ressuscite incorruptible ; il est semé méprisable, il ressuscite glorieux ; il est semé infirme, il ressuscite plein de force ; il est semé corps naturel, il ressuscite corps spirituel. S’il y a un corps naturel, il y a aussi un corps spirituel.

Ce passage est certainement une des plus belles révélations concernant l’avenir glorieux qu’attend tout croyant. Les descriptions font rêver et sont une consolation merveilleuse pour le croyant chrétien qui voit son propre corps et le corps de ses bien-aimés se dégrader avec l’âge. Qui n’a pas senti une profonde répugnance face à la vieillesse qui avilit et humilie un proche ? CombienQue c’est triste de voir un être cher perdre ses capacités physiques ou mentales, rongé par la maladie ou les handicaps physiques ! Quel réconfort de savoir qu’un jour ce corps périssable revêtira l’immortalité, que ce corps méprisable deviendra glorieux et que sa faiblesse se changera en force inimaginable !

Le dernier contraste est difficile à traduire en français. L’expression « naturel » traduit un adjectif grec (psychikos-) dérivé du mot « âme », comme le terme « spirituel » (pneumatikos-) l’est du mot « esprit ». Paul indique alors que le corps que nous avons maintenant est associé avecà « l’âme » ou gouverné par « l’âme »elle, tandis que celui que nous aurons est associé avec ou gouverné par à « l’esprit » (« l’Esprit ? »).») ou gouverné par lui. On retrouve une comparaison de ces deux descriptions déjà aux chapitres 2 et 3, où l’homme « spirituel » est un chrétien sensible aux directives de Dieu tandis que l’homme « naturel » ne connaît pas Dieu (1Co 2.14-15). Le contexte permet de préciser un peu

ce que Paul voulait dire. Le « corps naturel » est ce que nous possédons par naissance ; le « corps spirituel » ressemblera à celui de Jésus-Christ dans sa gloire. Comme Paul l’écrirait plus tard aux Philippiens : « Mais nous, nous sommes citoyens des cieux, d’où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ, qui transformera le corps de notre humiliation, en le rendant semblable au corps de sa gloire, par le pouvoir qu’il a de s’assujettir toutes choses » (Ph 3.20, 21).

15.45-49 C’est pourquoi il est écrit : Le premier homme, Adam, devint une âme vivante. Le dernier Adam est devenu un Esprit vivifiant. Mais ce qui est spirituel n’est pas le premier, c’est ce qui est naturel ; ce qui est spirituel vient ensuite. Le premier homme, tiré de la terre, est terrestre ; le second homme est du ciel. Tel est le terrestre, tels sont aussi les terrestres ; et tel est le céleste, tels sont aussi les célestes. Et de même que nous avons porté l’image du terrestre, nous porterons aussi l’image du céleste.

Se rapportant au récit de la création, Paul reprend le contraste déjà abordé entre Adam et Christ qu’il avait abordé plus tôt (15.21-22). Non seulement il cite Genèse 2.7 qui indique qu’Adam est devenu « une âme vivante », mais puisque les mots « souffle » et « esprit » traduisent le même mot en hébreu, il est possible qu’il fasse un lien léger entre Dieu qui « souffle » dans les narines d’Adam pour lui donner la vie, et Jésus qui est l’« Esprit vivifiant », qui donne la vie. Jésus est « le dernier Adam », puisque le mot « Adam » en hébreu veut aussi dire « homme ». Le motterme que Paul emploie quand il dit qu’Adam a été tiré de la « terre » est aussi un mot grec qui est proche du mot de « poussière » que l’on trouve dans la traduction grecque de la Genèse. Et le fait que nous portons « l’image » du terrestre nous rappelle le verset de la Genèse qui nous raconterapporte qu’« Adam, âgé de cent trente ans,

1 Corinthiens

engendra un fils à sa ressemblance » (Gn 5.3), plutôt qu’à celle de Dieu. Ce passage nous promet qu’un jour l’image de Dieu sera parfaitement rétablie dans notre nouveau corps ressuscité.

c. Le mystère de la résurrection 15.50-5315.50-53 Ce que je dis, frères, c’est que la chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu, et que la corruption n’hérite pas l’incorruptibilité. Voici, je vous dis un mystère, nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons changés, en un instant, en un clin d’œil, à la dernière trompette. La trompette sonnera, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons changés. Car il faut que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l’immortalité.

Notre corps actuel, que Paul décrit comme étant composé de chair et de sang, doit ses qualités et ses défauts en grande partie à son héritage génétique. Mais ce « patrimoine génétique » est complètement incapable de produire le corps que Dieu destine aux siens. Ce texte nous enseigne qu’il faut une transformation totale, afin que ni la mort ni la dégradation n’existent plus. Ce changement est aussi nécessaire afin de pouvoir entrer dans le Royaume de Dieu, car notre Roi « habite une lumière inaccessible, que nul homme n’a vuvue ni ne peut voir » (1Tm 6.16). C’est pour cela que Jésus disait à Nicodème qu’il fallait naître de nouveau pour y entrer (Jn 3.5). Un survol de la Bible nous montre que Dieu règne de toute éternité et que les croyants dans leur corps non ressuscité font déjà partie d’une forme de son royaume (les paraboles de Matthieu 13). Mais la grande majorité des textes annoncent un royaume encore futur, quand « le Fils de l’homme enverra ses anges, qui arracheront de son royaume tous les scandales et ceux qui

commettent l’iniquité » (Mt 13.41). Les étudiants des Écritures diffèrent dans l’interprétation de certains textes bibliques, mais une lecture normale des promesses faites au peuple d’Israël laisse penser qu’une première phase de ce royaume du futur sera le règne de Jésus sur la terre et le rétablissement spirituel et national du peuple d’Israël (Ez 36.22-37.28 ; Ac 1.6 ; 3.19-21). Paul avait décrit la forme ultime de ce royaume plus tôt dans ce chapitre ; c’est lorsque le moment où le Fils lui-même remettra le royaume à son Père, afin que Dieu soit tout en tous pour toute l'éternité (1Co 15.25-28).

Ce changement radical et soudain de corps, Paul l’appelle un « mystère ». Mais il faut comprendre ce terme dans le sens biblique, et non dans celui de son usage moderne. Selon l’utilisation du mot dans le Nouveau Testament, un « mystère » est un concept que l’homme ne peut pas connaître sans que Dieu le lui révèle. La résurrection des morts et la transformation des croyants vivants au retour du Christ ne sont pas des idées obscures et « mystérieuses », mais représentent plutôt une nouvelle révélation de Dieu.

Cette transformation, Dieu va l’opérer en une fraction de seconde lors du retour de Jésus-Christ pour les siens. Le mot grec traduit par « un instant » est à l’origine du motd'« atome », qui en grec signifie un»: fragment de matière ou de temps ou d’une chose si petit qu’il est indivisible.

La mention de « la dernière trompette » a suscité des discussions touchant la chronologie des événements de la fin. Il semble clair que l’événement dont parle l’apôtre ici est le même qu’il décrit aux chrétiens de Thessalonique, quand il diten 1Th 4.16-17 : « Car le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d’un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront premièrement. Ensuite, nous les vivants, qui serons restés, nous

1 Corinthiens

serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur » (1Th 4.16-17).». Mais il est bien moins évident de conclure que la trompette mentionnée ici est la dernière des sept trompettes de l’Apocalypse (Ap 11.15), car ces trompettes-là annoncent un jugement plutôt qu’un rassemblement. Il est probable que Paul appelle cette trompette « la dernière » simplement parce qu’elle marque le rassemblement final de ses élus.

Sans entrer davantage dans le grand débat de la chronologie des événements autour de l’avènement de notre Seigneur, nous pouvons noter avec certitude la grande vérité de ce passage. Chaque chrétien attend le proche retour de son Seigneur et Sauveur. Déjà Paul exprimait son espoir d’être encore en vie à ce moment quand il a dit : « Nous [les vivants], nous serons changés » (1Co 15.52). Il ne s’agit pas d’une erreur dans sa compréhension des faits, car il savait fort bien que le Seigneur viendrait « comme un voleur dans la nuit », sans avertir (1Th 5.1-2). Il écrit de cette manière pour nous rappeler que Jésus peut revenir à n’importe quel instant. Nous n’avons pas à nous préparer pour sept années de grande tribulation, pour entendre six trompettes de jugement ou pour affronter l’antichrist. Certes, nous connaîtrons des souffrances, et cela d’autant plus que les temps difficiles approchent (2Ti 3.1-3). Mais le Seigneur nous demande surtout de veiller et de demeurer en lui, « afin qu’au moment où il sera manifesté, nous ayons de l’assurance, et qu’à son avènement nous n’ayons pas honte devant lui » (1Jn 2.28 – Colombe).

Le langage de ce texte rappelle ce que notre Seigneur avait prédit quand il enseignait aux apôtres : « Veillez donc, puisque vous ne savez pas quel jour votre Seigneur viendra. Sachez-le bien, si le maître de la maison savait à quelle veille de la nuit le voleur doit venir, il veillerait et ne laisserait pas

percer sa maison. C’est pourquoi, vous aussi, tenez-vous prêts, car le Fils de l’homme viendra à l’heure où vous n’y penserez pas » (Mt 24.42-44).

d. La victoire de la résurrection 15.54-5715.54-57 Lorsque ce corps corruptible aura revêtu l’incorruptibilité, et que ce corps mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole qui est écrite : La mort a été engloutie dans la victoire. Ô mort, où est ta victoire ? Ô mort, où est ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché ; et la puissance du péché, c’est la loi. Mais grâces soient rendues à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ !

Il nous est difficile d’imaginer une existence où il est impossible de tuer ou d’abîmer le corps, mais c’est précisément ce que le Seigneur compte faire pour nous. Alors ce terrible ennemi – la mort – sera complètement détruit, englouti danspar la victoire que Jésus-Christ nous aura procurée. Un « aiguillon » est un bâton pointu qui sert à guider le bétail (Ac 26.14). Mais le mot grec peut également signifier « dard piquant », comme on trouve dans la queue d’un scorpion (Ap 9.10). Cette dernière traduction convient mieux au à ce contexte ici. La mort est ainsi dépeinte comme une bête féroce dotée d’un dard plein du venin mortel du péché, rendu encore plus virulent par la loi. Paul écrit ailleurs : « …par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et …ainsi la mort s’est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché » (Rm 5.12). Et la loi est « la puissance du péché » parce qu’elle révèle la vraie nature du péché comme une transgression, une révolte contre Dieu (Rm 4.15 et 5.13).

1 Corinthiens

C’est « par notre Seigneur Jésus-Christ » que nous avons cette victoire définitive sur ces adversaires. En lui nous avons la victoire sur la loi, parce que Christ a accepté d’être condamné à notre place, subissant notre châtiment, et ainsi il a effacé l’acte de condamnation que la loi avait formulépromulgué contre nous. « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (Rm 8.1). En lui nous avons aussi la victoire sur le péché, car non seulement il nous a procuré le pardon de nos péchés, mais puisque nous sommes unis avec lui dans sa mort et sa résurrection, le péché n’a plus de pouvoir sur nous (Rm 6.1-14). Et nous attendons avec impatience ce jour où tout péché sera éradiqué à jamais, quand « nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est » (1Jn 3.2).

e. L’implication de la résurrection pour notre vie 15.5815.58 Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, travaillant de mieux en mieux à l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail ne sera pas vain dans le Seigneur.

Ainsi s’achève ce grand chapitre sur la résurrection et notre victoire en Christ. La perspective qu’il présente sur la vie est un facteur important qui détermine la conduite d’un chrétien. La grande majorité des hommes, si on les interroge, diront qu’ils ont l’intention de faire du bien. On entend tous les jours des exhortations et des ordres comparables à ceux que Paul donne ici. Mais le plus difficile, c’est de motiver une personne à les suivre tout au long de sa vie. Ce chapitre offre au chrétien cette motivation : la certitude d’un avenir glorieux et l’assurance que tout ce qui est fait pour la gloire du Seigneur aura une portée éternelle.

Le mot « ferme » a« Ferme » et « fondation » ont la même racine que « fondation » dans le grecgrecque, et le mot « inébranlable » est une belle description qui désigne d'une personne qui ne se laisse pas ébranler, et qui déstabilisée et ne se détourne pas de sa voie. Le Seigneur nous exhorte ainsi au courage, à la stabilité, et à la persévérance face :

1. à l’opposition : « afin que personne ne soit ébranlé au milieu des afflictions présentes » (1Th 3.3) ;

2. aux diverses fausses doctrines : « ainsi, nous ne serons plus des enfants, flottants et emportés à tout vent de doctrine, par la tromperie des hommes, par leur ruse dans les moyens de séduction » (Ep 4.14) ;

3. à la tentation de se lasser dans le travail du Seigneur : « Ne nous lassons pas de faire le bien ; car nous moissonnerons au temps convenable, si nous ne nous relâchons pas » (Ga 6.9).

Nous retrouvons dans ce passage le principe important quepar lequel Paul a énoncé quand il a exhorté les Corinthiens à « ne pas recevoir la grâce de Dieu en vain » (2Co 6.1). Les révélations de ce chapitre constituent une grande grâce de la part de Dieu. La seule réponse appropriée à ces vérités est d’« abonder » dans l’œuvre de Dieu, et cela en tout temps, sachant que celui qui offre même le un verre d’eau au nom du Seigneur va un jour être très largement récompensé (Mt 10.42).

SUJETS DE DISCUSSION

1. Que savons-nous au juste concernant l’au-delà pour le croyant ? Comment la Bible décrit-elle l’état éternel ? la qualité de la vie après la mort ? le lieu ? Textes

1 Corinthiens

complémentaires : Mt 22.30 ; Lc 23.43 ; Jn 5.28 ; Rm 8.18-21 ; 2Co 5.1-8 ; 1P 1.3-4 ; Ap 21.1-4.

2. Pourquoi l’espérance d’une résurrection corporelle est-elle si importante pour le chrétien dans sa vie de tous les jours ? Quelles sont les raisons que l’on trouve dans 1Co 15 ? dans d’autres passages ? Textes complémentaires : Mt 6.19-21 ; Lc 16.9-12 ; 2Co 4.16-18 ; Ep 5.3-5 ; 1Tm 6.17-19.

G. La collecte pour les saints 16.1-4

16.1 Pour ce qui concerne la collecte en faveur des saints, agissez, vous aussi, comme je l’ai ordonné aux Églises de la Galatie.

En toute probabilité, les quelques suggestions que Paul donne au sujet de cette collecte sont en réponserépondent à une question posée par les Corinthiens, comme les six autres fois qu’il emploie l’expression : « pour ce qui concerne » (7.1, 25 ; 8.1, 4 ; 12.1 ; 16.12). On suppose que dans sa lettre précédente, il l’avait proposée, et que les Corinthiens lui ont demandé en retour quelques précisions. Le projet d’une « collecte » en faveur des pauvres à de Jérusalem était une préoccupation principaledes préoccupations principales de Paul lors de son troisième voyage missionnaire. Comme notre ce texte l’indique, il avait déjà donné des instructions aux Églises de la Galatie, sans doute après la lettre que nous possédons, car il n’en parle pas dans cet envoi, écrit six ans auparavant. Les Églises de la Macédoine avaient aussi participé généreusement à cette collecte, stimulées au début par l’enthousiasme des Corinthiens au début (2Co 9.2). Par contre, les Corinthiens, après leur premier élan de bonne volonté, n’ont pas dû suivre totalementjusqu'au bout les conseils de Paul, car dans sa deuxième lettre il les encourage à achever ce qu’ils avaient commencé l’année précédente (2Co 8.6-11). Il n’est pas impossible que leurs diverses brouilles avec l’apôtre Paul aient refroidi leur ardeur. L’appel que Paul leur adresse dans sa deuxième lettre est un texte magistral sur les principes bibliques d’une libéralité qui honore Dieu ; et il a porté ses fruits, car les Corinthiens ont fini par recueillir leurs dons. Paul écrirait plus tard aux Romains : « Car la Macédoine et l’Achaïe ont bien voulu s’imposer une contribution en faveur des pauvres parmi les saints de Jérusalem. […] Dès que j’aurai terminé cette

1 Corinthiens

affaire et que je leur aurai remis ces dons, je partirai pour l’Espagne » (Rm 15.26-28).

Cette collecte était importante non seulement à cause du secours qu’elle portait aux démunis de Jérusalem ; Paul la voit, mais aussi comme une occasion de glorifier Dieu à travers la reconnaissance et les prières des destinataires (2Co 9.12-14) et de « rembourser » en quelque sorte la dette de reconnaissance que les chrétiens grecs devaient aux premiers croyants de la Judée (Rm 15.27). Cet acte de miséricorde devait ainsi contribuer à fortifier les liens entre les chrétiens d’origine juive et ceux d’origine païenne.

16.2-4 Que chacun de vous, le premier jour de la semaine, mette à part chez lui ce qu’il pourra, selon sa prospérité, afin qu’on n’attende pas mon arrivée pour recueillir les dons. Et quand je serai venu, j’enverrai avec des lettres, pour porter vos libéralités à Jérusalem, les personnes que vous aurez approuvées. Si la chose mérite que j’y aille moi-même, elles feront le voyage avec moi.

Ces brèves instructions révèlent de bons principes bibliques touchant la question délicate des dons et des appels à l’argent.demandes d’argent. Les abus dans ce domaine sont nombreux, même dans les milieux chrétiens. D’un côté, les œuvres et les individus utilisent des moyens de publicité et de pression indignes du Seigneur ; de l’autre, l’écart se creuse de plus en plus entre les nantis de l’Église et leurs frères dans les pays pauvres qui manquent de l’essentiel. Plus que jamais, les chrétiens doivent apprendre à suivre les conseils que Dieu donne dans sa parole. Notons en quelques-uns ici.

1) « Que chacun… » : La vertu la plus importante dans la vie chrétienne, c’est l’amour. L’idée principale dans l’amour,

c’est de donner et de se donner et de donner pour le bien des autres. Alors, chacun est appelé à aimer de tout son cœur et chacun, riche ou pauvre, doit à donner librement avec générosité et avec joie. Paul indique ailleurs que donner, c’est la preuve de la sincérité de notre amour (2Co 8.8). On ne peut pas aimer sans donner. L’important devant Dieu n’est pas l’ampleur du don, mais l’esprit dans lequel on le donne. Jésus l’a clairement indiqué quand il a dit à ses disciples que en parlant de la veuve qui a placé deux lepta dans l’offrande du temple enet a mis ainsi fait un don plus grand que tous les riches (Lc 21.1-4). Un lepton était la pièce de monnaie la plus petite en Israël ; il en fallait 128 pour faire un denier, le salaire journalier d’un simple ouvrier. Cela veut dire qu’un lepton ne valait que quatre minutes de salaire dans une journée de huit heures !

2) « … le premier jour de la semaine, mette à part chez lui » : Paul exhorte les chrétiens à donner systématiquement. On comprend ces termes différemment selon les commentaires, mais l’idée semble claire : chaque semaine les chrétiens devaient mettre de côté leurs dons, et peut-être les apporter à l’assemblée au le jour du culte (Ac 20.7). On n’a pas besoin de voir dans ce conseil une loi absolue concernant la fréquence de ses dons ; un don mensuel ou trimestriel peut tout aussi bien honorer le Seigneur. Par contre, la mise à part régulière de nos dons comporte de réels avantages spirituels. Chaque fois que nous donnons, nous nous rappelons la grâce et la provision de Dieu à notre égard, et la régularité nous aide à être fidèles et à donner sagement, sans être excessivement troublés par la pression des appels déplacésmultipliés.

3) « … ce qu’il pourra, selon sa prospérité » : On note que Paul ne conseille pas la dîme, le dixième des revenus, exigée par la loi de Moïse. À vrai dire, la dîme ne figure jamais parmi les instructions destinées aux chrétiens. Certes, ce texte

1 Corinthiens

encourage des dons en proportion de nos revenus ; mais il laisse penser que dans beaucoup de cas, une vraie libéralité dépassera de loin les dix pour cent. Ce principe est admirable pour plusieurs raisons. D’abord, il permet à chacun de s’interroger devant le Seigneur pour déterminer librement ce qu’il peut et doit donner, selon les circonstances et ses revenus. Il sert aussi à protéger contre les dons trop importants qui peuvent, par un élandes élans de générosité inconsidérée, qui peuvent mettre le donateur en difficulté celui qui les donne. Paul explique dans sa deuxième lettre que « la bonne volonté, quand elle existe, est agréable en raison de ce qu’elle peut avoir à sa disposition, et non de ce qu’elle n’a pas. Car il s’agit, non de vous exposer à la détresse pour soulager les autres, mais de suivre une règle d’égalité : dans la circonstance présente votre superflu pourvoira à leurs besoins, afin que leur superflu pourvoie pareillement aux vôtres » (2Co 8.12-14).

4) « … les personnes que vous aurez approuvées » : Nous notons le principe important de la prudence et de la transparence dans la gestion des libéralités. Paul prend soin, en effet, d’éviter toute possibilité de fraude ou de médisance, en confiant la responsabilité de l’administration aux autres, et en particulier, aux gensà des hommes choisis par les Corinthiens eux-mêmes. De cette manière, même si Paul avait été à l’origine du projet, les Corinthiens participaient pleinement à sa réalisation. Ce n’était pas une mince affaire, car le voyage à Jérusalem pouvait prendre des semaines et même des mois. Mais l’importance de la collecte nécessitait l’aide de plusieurs personnes. On ne disposait pas, à cette époque, de transfert électronique entre banques ! Il fallait transporter la somme en pièces, et il y avait toujours le danger des représenté par les brigands, ou du détournement par une personne peu scrupuleuse. Paul explique les pourquoi de ses actes dans sa deuxième lettre : « Nous agissons ainsi, afin que personne ne nous blâme au sujet de cette abondante collecte dont nous

avons la charge ; car nous recherchons ce qui est bien, non seulement devant le Seigneur, mais aussi devant les hommes » (2Co 8.20-21).

1 Corinthiens

IV. Instructions finales 16.5-24A. Des nouvelles personnelles 16.5-12

1. Concernant lui-même 16.5-92. Concernant Timothée 16.10-113. Concernant Apollos 16.12

B. Des recommandations 16.13-18C. Les salutations 16.19-24

IV. INSTRUCTIONS FINALES 16.5-24

A. Des nouvelles personnelles 16.5-12

1. Concernant lui-même 16.5-916.5-9 J’irai chez vous quand j’aurai traversé la Macédoine, car je traverserai la Macédoine. Peut-être séjournerai-je auprès de vous, ou même y passerai-je l’hiver, afin que vous m’accompagniez là où je me rendrai. Je ne veux pas cette fois vous voir en passant, mais j’espère demeurer quelques temps auprès de vous, si le Seigneur le permet. Je resterai néanmoins à Éphèse jusqu’à la Pentecôte ; car une porte grande et d’un accès efficace m’est ouverte, et les adversaires sont nombreux.

Ce que Paul prévoit semble assez clair : Il écrit de la ville d’Éphèse au printemps de l’année, où il et compte y rester jusqu’à la Pentecôte, cinquante jours après Pâques. Ensuite il veut traverser la Macédoine avant de se rendre à Corinthe vers aux environs de l’automne pour y passer peut-être y passer l’hiver. Selon le récit des Actes, une partie de ce plan s’est réaliséréalisée (Ac 20.1-3). Mais dans sa deuxième lettre, il

explique qu’il voulait tout d’abord aller directement à Corinthe avant de passer en Macédoine, pour leur donner une deuxième occasion de le voir (2Co 1.15-16), et il leur parle d’une troisième visite (2Co 13.1). On constate alors que, d’une manière ou d’une autre, Paul a été obligé de changer ses projets à cause des troubles à Corinthe (2Co 1.23-2.1), et que certains éléments dans l’Église l’ont calomnié pour l’avoir fait, disant qu’il était capricieux dans ses décisions (2Co 1.17-18).

Ces quelques versets apportent au lecteur moderne de précieux renseignements concernant la direction de Dieu dans la vie de Paul. Les chrétiens sont souvent troublés pour savoir comment Dieu révèle sa volonté à ses enfants. L’exemple de Paul est d’une grande aide. Notons, entre autres, les points suivants :

1) Le langage mesuré de Paul : Il ne s’attendait pas à ce que Dieu lui accorde des révélations directes dans toutes ses décisions. Relevons, par exemple, les différentes expressions qu’il utilise en parlant de ses projets dans 1 Corinthiens 16 :

a. « si la chose mérite » v. 4 ;

b. « Peut-être séjournerai-je » v. 5 ;

c. « Je ne veux pas cette fois » v. 7 ;

d. « J’espère demeurer » v. 7 ;

e. « si le Seigneur le permet » v. 7 ;

f. « une porte […] m’est ouverte » v.9.

Combien cette manière d’exprimer diffère des déclarations dogmatiques que nous entendons trop souvent

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aujourd’hui : « Dieu m’a dit de… » ! Le langage de Paul est bien plus nuancé, et indique qu’il s’est laissé diriger par un sage examen des circonstances et des besoinsde la situation, en s’appuyant sur le Seigneur dans la prière. Nous feronsferions bien de suivre son exemple.

2) La vision et le bon sens de Paul : De toute évidence, Paul a considéré les besoins et les circonstances, et il a réfléchi dans la prière pour déterminer quelle était la meilleure voie à suivre. Devant le besoin matériel des chrétiens pauvres à Jérusalem, il monte le projet de la collecte. Si on estime que sa participation serait souhaitable, il est prêt à faire le voyage aussi. Face aux besoins de l’édification des saints à Corinthe, il projette de faire un long séjour chez eux. Il prend en compte les questions géographiques et climatiques dans ses voyages. Puisqu’il trouve une occasion favorable et une réponse positive à l’Évangile à Éphèse, il compte y rester encore un bon bout de temps. Il a sans doute formé ces projets dans la prière, et il avance dans l’assurance que Dieu peut le diriger si nécessaire. Dieu ne veut pas que ses enfants tournent en rond parce qu’ils n’ont pas reçu une confirmation claire de sa direction. Certes, parfois le Seigneur nous fait patienter avant de nous donner une conviction de sa volonté. Mais comme un voilier ne peut pas se diriger à l’arrêt, mais seulement quand il se met en route, de même aussi le chrétien va trouver que Dieu le dirige surtout quand il est en train d’avancer selon les projets qu’il a formés dans la prière.

3) La nature conditionnelle de ses projets : Paul n’hésitait pas de faire des projets, mais il restait souple quant à leur réalisation. Il voulait que les Corinthiens puissent l’accompagner « là où je me rendrai » (v.6), sans préciser davantage justement parce qu’il ne savait pas encore où il irait. Il a écrit aux chrétiens de Rome : « Je ne veux pas vous laisser ignorer, frères, que j’ai souvent formé le projet d’aller vous

voir, afin de recueillir quelque fruit parmi vous, comme parmi les autres nations ; mais j’en ai été empêché jusqu’ici » (Rm 1.13). Et nous avons déjà vu qu’il a été obligé de changer ses plans de visite auprès des Corinthiens. Il est encourageant de savoir que, comme nous, le grand apôtre Paul a aussi fait des projets qui sont tombés à l’eau !

4) L’attitude d’humilité et de souplesse devant la souveraineté de Dieu : PrésentsCes quelques mots sont toujours présents dans la pensée de Paul sont ces quelques petits mots : « si le Seigneur le permet ». Il les a employés également au chapitre 4 de 1 Corinthiens (v.4.19). Parler de la sorte n’est nullement une indication de manque de foi ; c’est plutôt une reconnaissance de notre petitesse, de notre ignorance de la pensée de notre Seigneur, et de notre désir de nous soumettre en toutes choses à sa volonté. Jacques avertit contre le danger d’oublier cet aspect de notre relation avec Dieu : « À vous maintenant, qui dites : Aujourd’hui ou demain, nous irons dans telle ville, nous y passerons une année, nous trafiquerons, et nous gagnerons ! Vous qui ne savez pas ce qui arrivera demain ! car, qu’est-ce que votre vie ? Vous êtes une vapeur qui paraît pour un peu de temps, et qui ensuite disparaît. Vous devriez dire, au contraire : Si Dieu le veut, nous vivrons, et nous ferons ceci ou cela » (Jc 4.13-15).

5) Le rôle des circonstances : Paul juge que les circonstances à Éphèse méritent qu’il y reste encore quelque temps. Dans le langage de Paul, « une porte ouverte » n’est pas nécessairement la preuve de la volonté de Dieu, mais seulement une occasion favorable et bénie par lui. À Troas, Paul considérait que l’absence de Tite était une raison suffisante pour quitter la ville, malgré la porte qui y était ouverte. Néanmoins, on constate que cette ouverture à l’Évangile constitue un élément important pour Paul lorsqu’il forme ses projets.

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Son ministère à Éphèse est en quelque sorte un modèle de toute œuvre efficace pour le Seigneur. Le serviteur de Dieu va chercher à optimiser toutes les occasions favorables à l’annonce de l’Évangile. En même temps il sera le plus souvent appelé à faire face à des adversaires. Paul écrit cette lettre avant l’éclatementle début des hostilités générées par Démétrius et les autres fabricants d’idoles, car cet incident l’a contraint à quitter la ville (Ac 19.23-20.1). Mais le succès important de l’Évangile dans cette région a créé en même temps une opposition grandissante. Paul rappelle cette réalité incontournable quand il écrit à Timothée : « Or, tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés. Mais les hommes méchants et imposteurs avanceront toujours plus dans le mal, égarant les autres et égarés eux-mêmes » (2Ti 3.12-13).

2. Concernant Timothée 16.10-1116.10-11 Si Timothée arrive, faites en sorte qu’il soit sans crainte parmi vous, car il travaille comme moi à l’œuvre du Seigneur. Que personne donc ne le méprise. Accompagnez-le en paix, afin qu’il vienne vers moi, car je l’attends avec les frères.

Ces quelques injonctions laissent penser que Paul appréhende un peu la réception que les Corinthiens risquent d’accorderde réserver à Timothée. Car Paul avait demandé à Timothée d’aller chez eux pour leur rappeler en personne ce qu’il leur avait écrit dans sa lettre (1Co 4.17). C’était une tâche délicate ; l’apôtre avait déjà ressenti une certaine hostilité à son égard, et il souhaitait éliminer tout mépris envers son jeune collègue. On ne sait pas si les Corinthiens ont bien respecté les désirs de Paul. Certains commentateurs pensent que la visite de Timothée a provoqué une crise et qu’il est revenu avec de mauvaises nouvelles qui ont occasionné des changements dans les projets de Paul. On suggère que c’est pour cette raison-là

que Paul envoie plus tard Tite à la place de Timothée (2Co 8.6 ; 7.6-7).

Paul demande aux Corinthiens non seulement de respecter Timothée, mais aussi de subvenir à ses besoins, car tel est le sens du verbe « accompagner » dans le grec. Le mot désigne toute l’hospitalité que l’on pouvait montrerescompter dans la préparation d’un voyage à cette époque : la fourniture de logement, de nourriture, et aussi l’accompagnement du voyageur si nécessaire. C’est également ce que Paul souhaitait recevoir lui-même lors de sa visite (1Co 16.6).

À trois reprises dans ce chapitre, Paul exhorte ses lecteurs à honorer ceux qui travaillent à l’œuvre de Dieu (16.10, 16 et 18). Au chapitre 4, il appelle Timothée son « enfant bien-aimé et fidèle dans le Seigneur » (4.17). Mais c’est dans sa lettre aux Philippiens qu’il exprime tout l’estime qu’il a pour son associé : « J’espère dans le Seigneur Jésus vous envoyer bientôt Timothée, […] Car je n’ai personne ici qui partage mes sentiments, pour prendre sincèrement à cœur votre situation ; tous, en effet, cherchent leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ. Vous savez qu’il a été mis à l’épreuve, en se consacrant au service de l’Évangile avec moi, comme un enfant avec son père » (Ph 2.19-22). On ne peut guère imaginer un meilleur modèle pour quelqu’un qui désire travailler « à l’œuvre du Seigneur ». Il est plutôt rare de trouver un homme qui laisse de côté ses propres intérêts pour prendre sincèrement à cœur ceux des autres et du Seigneur. De tels hommes méritent notre respect et notre aide.

3. Concernant Apollos 16.1216.12 Pour ce qui est du frère Apollos, je l’ai beaucoup exhorté à se rendre chez vous avec les

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frères, mais ce n’était décidément pas sa volonté de le faire maintenant ; il partira quand il en aura l’occasion.

On présume que les Corinthiens avaient demandé à Paul de leur envoyer Apollos (voir notes sur 16.1). La réponse de l’apôtre surprend quelque peu. Il avait déjà désapprouvé les différents partis formés autour d’Apollos et de lui-même et d’Apollos (1.11-12). La réaction normale aurait été de décourager le retour d’un homme que certains prenaientconsidéraient comme leur le chef d’opposition à l’égard de Paul.l’opposition. Alors l’attitude de Paul est révélatrice. Elle montre d’une manière concrète que Paul non plusqu'il ne cherchait pas ses propres intérêts, mais qu’il avait sincèrement à cœur ceux des Corinthiens. Il était tout à fait prêt à partager la responsabilité de l’œuvre qu’il avait fondée avec d’autres. Son action confirme également que Paul avait une pleine confiance dans son frère Apollos. Les divisions à Corinthe ne reflétaient nullement une rivalité entre ces deux hommes. En même temps, le refus d’Apollos est possiblement une indication de sa bonne volonté. Il a peut-être préféré reculer sa visite pour ne pas contribuer involontairement au problème des cliques.

B. Des recommandations 16.13-18

16.13-14 Veillez, demeurez fermes dans la foi, soyez des hommes, fortifiez-vous. Que tout ce que vous faites se fasse avec amour !

Paul a l’habitude de conclure ses lettres par de brefs rappels de l’essentiel de leur contenu. Deux grandes idées ressortent de ces versets : d’une part, l’exhortation à la fidélité et à la maturité dans leurs rapports avec Dieu, et de l’autre, la nécessité de l’amour dans tout ce qu’ils font. Les Corinthiens, par leurs divisions, leurs erreurs doctrinales et leur indifférence

vis-à-vis des autres, se sont montrés particulièrement déficients dans ces aspects de leur vie en Christ. Et lesLes Églises d'aujourd’hui ont tout autant besoin de cultiver les mêmes vertus.

1) Nous devons « veiller », ce qui implique la vigilance d’une sentinelle, qui ne s’assoupit pas dans sa garde. Dieu nous invite à veiller :

a. dans l’attente du retour du Seigneur – Mt 24.42-44 ;

b. dans la prière – Ep 6.18 ;

c. par rapport à notre ennemi, Satan – 1P 5.8 ;

d. par rapport à l’enseignement de la Parole – 1Tm 4.16 ;

e. afin d’éviter tout esprit d’amertume – Hé 12.15.

2) Nous devons « demeurer fermes dans la foi ». Le mot», du grec est « rester debout ». Il donne le portrait d’qualifie un homme qui se tient debout, ferme dans ses résolutions, inébranlable face à l’adversaire. Dieu nous invite à nous tenir debout :

a. dans l’Évangile, la bonne nouvelle de notre salut – 1Co 15.1 ;

b. dans la foi, c’est-à-dire l’ensemble de la vérité que nous croyons – 1Co 16.13 ;

c. dans le combat spirituel que nous menons, protégés par son armure – Ep 6.11, 13-14 ;

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d. dans la liberté que nous avons en Christ, sans nous laisser asservir par un le légalisme – Ga 5.1.

3) Nous devons « être des hommes ». C’est la seule fois que ce motcette expression apparaît dans les Écritures. Il décrit une personne qui est arrivée àayant atteint la maturité, et qui possède le courage et la stabilité d’un homme fait.

4) Nous devons « nous fortifier ». Ce verbe est celui que Luc utilise quand il parle deen 1.80 ; 2.40 : « l’enfant Jésus qui «croissait, et se fortifiait en esprit » (Lc 1.80 ; 2.40).». Il apparaît une seule autre fois dans le Nouveau Testament, quand Paul prie pour les Éphésiens afin qu’ils soient « puissamment fortifiés par [l’Esprit de Dieu] dans l’homme intérieur » (Ep 3.16). Ces textes nous laissent l’image d’un enfant de Dieu qui grandit dans sa ténacité et son dynamisme en laissant l’Esprit agir dans son cœur.

5) Tout ce que nous faisons doit être fait dans l’amour. Les qualités deLa constance sont importantesest importante, mais ne serventsert à rien si l’amour est absent (1Co 13.1-3). Nous voyons alors dans ces injonctions le parfait équilibre entre la fermeté dans la foi et l’impératif de l’amour dans tous les actes – équilibre qui nous échappe trop souvent. Que le Seigneur nous aide non seulement à « nous fortifier » par son Esprit, mais aussi à « abonder toujours plus dans cet amour » (1Th 4.10).

16.15-18 Encore une recommandation que je vous adresse, frères. Vous savez que la famille de Stéphanas est les prémices de l’Achaïe, et qu’elle s’est dévouée au service des saints. Ayez vous aussi de la déférence pour de tels hommes, et pour tous ceux qui travaillent à la même œuvre. Je me réjouis de la présence de Stéphanas, de Fortunatus et

d’Achaïcus ; ils ont suppléé à votre absence, car ils ont tranquillisé mon esprit et le vôtre. Sachez donc apprécier de tels hommes.

Notre Cette version française du texte ne permet pas de voir le lien entre le service de la famille de Stéphanas et l’attitude que les Corinthiens devaient avoir envers elle. Car Paul utilise deux formes d’un même verbe pour dire que la famille « s’est mise » (tassein-) au service des saints, et que les chrétiens doivent « se soumettre » (‘upotassein-) à de telles personnes et à tous ceux qui « œuvrent » et « peinent » avec eux. Cette relation est un bon modèle pour nos Églises. Stéphanas était en toute probabilité un des anciens ou conducteurs de l’Église à de Corinthe, mais il ne l’aqu'il n'a pas conduite comme un dictateur, mais en tant que serviteur, dans le travail et la peine. La soumission que l’apôtre demande aux autres n’est pas non plus une obéissance servile ; il exhorte les chrétiens à reconnaître la famille de Stéphanas pour ce qu’elle fait, et à se soumettre par estime pour son effort et son service.

Au début de sa lettre, Paul indique qu’il a baptisé la famille de Stéphanas (1Co 1.16). C’estDans le Nouveau Testament, c’est la seule autre mention dans le Nouveau Testament de ces frères, qui ont été probablement les envoyés des Corinthiens auprès de l’apôtre, et qui dont ils ont sans doute rapporté sala lettre à l’Église. Leur présence était d’un grand encouragement pour Paul. Leur, même si leur soutien était probablementplus psychologique plutôt que matériel, car les Corinthiensils n’avaient jamais contribué financièrement à l’œuvre de Paul (2Co 11.8-9).

C. Les salutations 16.19-24

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16.19 Les Églises d’Asie vous saluent. Aquilas et Priscille, avec l’Église qui est dans leur maison, vous saluent beaucoup dans le Seigneur.

Paul ne précise pas quelles sont ces Églises, à l’exception de celle qui se réunit à Éphèse dans la maison d’Aquilas et de Priscille. Luc nous raconte que le ministère de Paul à Éphèse « dura deux ans, de sorte que tous ceux qui habitaient l’Asie, Juifs et Grecs, entendirent la parole du Seigneur » (Ac 19.10). On suppose que plusieurs petites Églises ont pris naissance dans cette région. Les sept Églises mentionnées dans l’Apocalypse sont toutes de l’Asie, ainsi que celle de la ville de Colosses.

sont toutes en l’Asie. Paul a rencontré Aquilas et sa femme Priscille pour la première fois à Corinthe où ils ont dû s’établir après avoir été chassés de la ville de Rome (Ac 18.1-2). Ils ont accompagné l’apôtre à son départ de Corinthe pour s’installer par la suite à Éphèse, où ils ont ouvert leur maison à l’Église. Plus tard, on les voitretrouve à Rome de nouveau, et là encore, leur maison sert de lieu de rencontre pour l’Église (Rm 16.3-5). Leur dernier lieu de résidence semble avoir été à Éphèse, car Paul, écrivant sa dernière lettre à Timothée, qui était dans cette ville, lui demande de les saluer de sa part (2Ti 4.19). En toute probabilité, leur métier de fabricants de tentes nécessitait ces fréquents déplacements, mais offrait aussi une certaine prospérité, car ils possédaient des maisons assez grandes pour réunir les chrétiens. Paul les tenait en haute estime ; il les appelle « mes compagnons d’œuvre en Jésus-Christ, qui ont exposé leur tête pour sauver ma vie » (Rm 16.3-4).

16.20-21 Tous les frères vous saluent. Saluez-vous les uns les autres par un saint baiser. Je vous salue, moi Paul, de ma propre main.

Le « baiser » était une salutation courante au premierIer

siècle. Il apparaît douze fois dans le Nouveau Testament, et l’on se rappelle que c’est par un baiser que Judas a salué Jésus au moment de sa trahison. C’est Paul qui insiste pour que cette forme de salutation soit sainte ou pure. Pierre l’appelle « un baiser d’affection [littéralement : d’amour] » (1P 5.14).

À partir de cette dernière phrase, Paul prend en main lui-même la plume pour signer et ajouter les derniers mots finaux. La plupart de ses lettres ont été dictées, et sa signature servait à authentifier la lettre comme étant réellement de lui – une précaution nécessaire à cause des contrefaçons qui pouvaient déjà circuler dans les milieux chrétiens (2Th 2.1-2).

16.22-23 Si quelqu’un n’aime pas le Seigneur, qu’il soit anathème ! Maranatha. Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec vous !

La lettre s’achève avec un mot de malédiction et un mot de grâce. Y a-t-il un lien entre l’« anathème » de ce passage et celui de 1 Corinthiens 12.3 ? Il n’est pas impossible que certains Corinthiens, en état d’extase, aient appliqué cette imprécation à Jésus. Paul le retournel'utilise alors pour avertir ses lecteurs de la sanction terrible qui pèse sur tous ceux qui rejettent le Seigneur. La question ultime qui décide du destin éternel de tout être humain, c’est son attitude envers Jésus-Christ. Celui qui ne l’aime pas se trouvera sous l’anathème, la malédiction éternelle de Dieu (Mt 25.41), et celui qui l’aime bénéficiera de sa grâce pendant toute l’éternité de sa grâce. L’urgence de cette questiondécision est reflétéerendue dans le mot « Maranatha », un mot araméen qui veut dire « Notre Seigneur arrive ».

16.24 Mon amour est avec vous tous en Jésus-Christ.

1 Corinthiens

À plusieurs reprises, Paul a dû recourir à des paroles sévères pour reprendre ses amis à de Corinthe. Il tient à souligner dans sa toute dernière phrase que malgré tous leurs problèmes, leurs péchés, et leurs erreurs, il les aime « tous » dans les liens de Christ. La deuxième lettre prouve que les relations entre l’Église et son fondateur se sont plutôt dégradées par la suite. Mais l’amour de Paul n’a pas diminué. Il écrira à la fin de sa deuxième lettre : « Pour moi, je ferai très volontiers des dépenses et je me dépenserai moi-même pour vos âmes. En vous aimant davantage, serais-je moins aimé de vous ? » (2Co 12.15). En fin de compte, quand Paul demande à chaque chrétien de tout faire par amour, il montre par son exemple ce que cela signifie.

SUJETS DE DISCUSSION

1. La question des appels de dons est toujours délicate. Quelles sont les méthodes qui sont bibliques et bonnes ? Lesquelles sont à réprouver ? Textes complémentaires : 2Co 8-9 ; Ph 4.10-20 ; 1Ti 6.3-10 ; 3Jn 1.5-8

2. Quels sont les moyens que Dieu utilise pour montrerrévéler sa volonté à ses enfants  sa volonté ? Textes complémentaires : Ps 23 1-3 ; 119.105 ; Pr 3.5-6 ; Rm 12.1-2 ; Ep 5.15-17 ; 1Th 4.1-3

BIBLIOGRAPHIE

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HODGE Charles, Commentary on the First Epistle to the Corinthians, Grand Rapids : Eerdmans,, 1980.

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1 Corinthiens

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VARAK Florent, « L’immoralité sexuelle : Ne méprisez ni le corps ni le Corps », Dans une série de 37 messages sur 1 Corinthiens donnée à l’Église Évangélique de Frères, à Villeurbanne : disponible sur http://www.unpoissondansle.net/1cor/1cor.php?d=&i=9 (consulté le 26.09.2006)

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DU MÊME AUTEUR AUX ÉDITIONS CLÉ

Commentaires bibliques :

Matthieu 373 pages

2 Corinthiens 232 pages

Découverte de l’Évangile :

Catholique et chrétien 64 pages

Si Dieu est bon, pourquoi la souffrance, l’injustice ? 55 pages

Et après ?… la mort 80 pages

Au commencement… Dieu ? 94 pages

Noël – le plus beau cadeau 64 pages

Bien être parents 94 pages

Le message de la Bible 16 pages