70

PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons
Page 2: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons
Page 3: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

la société actuelle. Nos universités jouent bien sûr un rôle très important en termes de forma-tion et d’innovation  : le programme Numédiart de l’UMONS est ainsi actif dans la recherche sur les arts numériques. À l’interface entre le monde académique et le monde économique, on trouve aussi des spin-offs telles qu’Acapela, active dans le domaine des solutions vocales, ou Xperthis (ancienne Polymedis), spécialisée dans la numé-risation des dossiers médicaux. Peu connues du grand public, elles sont des références interna-tionales.

La Ville et la Fondation Mons 2015 contribuent activement à cet essor des nouvelles techno-logies. La Fondation, avec des projets tels que métro IT et les cafés Europa. La Ville, avec des projets tels que les Fenêtres du temps du Beffroi, les scénographies multimédia du futur Office du Tourisme, l’Artothèque ou encore le Musée du Doudou. Toutes ces initiatives visent à mettre en avant les attraits touristiques, historiques et culturels de Mons, non seulement pour 2015, mais aussi pour les années à venir.

Par ailleurs, le projet Digital cities - déploiement d’un réseau wifi urbain et d’un planificateur de voyage - vise à apporter des solutions innovantes et mutualisées dans le cadre de Mons 2015, avec l’objectif de développer un service de haute qualité pour les touristes et visiteurs. Ce projet sera particulièrement utile en 2015, mais il participera dans les années à venir à la réduction de la fracture numérique en servant de socle au déploiement d’applications destinées à améliorer le quotidien des citoyens.

Ce projet Digital cities est un premier jalon sur le chemin qui mène à l’avènement d’une « ville intelligente », qui intègrera des applications très innovantes en termes de mobilité, de consom-mation énergétique, de communication avec les citoyens, de cohésion sociale ou encore de soli-darité intergénérationnelle…

Les besoins sont innombrables, la volonté d’avancer est forte et les technologies nouvelles décuplent nos possibilités. C’est une certitude, Mons 2015 nous apporte le progrès !

Elio Di RupoPremier MinistreBourgmestre en titre de Mons

En 2015, Mons sera la Capitale européenne de la Culture. Ce projet ambitieux n’est pas une fin en soi, mais le commencement d’une nouvelle ère pour la ville et sa région. Ce puissant levier va permettre de transformer notre cadre de vie et d’améliorer l’existence des habitants pour les décennies à venir. Tout le programme de Mons 2015 repose ainsi sur le concept de méta-morphose  : celle d’une ville en mouvement qui entend marier harmonieusement un patrimoine historique exceptionnel et les technologies du futur. Au cœur du projet Mons 2015, les nou-velles technologies sont déjà bien présentes dans les programmes de développement mis en œuvre dans la région depuis de nombreuses années. C’est à Mons qu’a été créée la Digital Innovation Valley. L’objectif est d’attirer sur notre territoire des entreprises internationales de haute tech-nologie telles que Google ou Microsoft. Celles-ci travaillent en collaboration avec nos PMEs, reconnues pour leur excellence. Ce foisonne-ment permet aujourd’hui à Mons d’occuper une place de choix sur la carte du monde. Plus que jamais, notre redéploiement économique passe par les nouvelles technologies.

TechnocITé joue un rôle majeur dans la for-mation continue et dans la société des connais-sances de l’économie numérique  : ce sont cinq mille personnes qui sont formées par an dans les filières innovantes IT et les industries créa-tives suivant un modèle de plate-forme unique à Mons pour les demandeurs d’emploi, les salariés, les indépendants ou les étudiants  ! Résolument, TechnocITé est un outil qui a per-mis et permet une culturation technologique massive pour Mons et sa région, avec un impact plus large sur Bruxelles, la Région wallonne, le Nord de la France et au-delà. TechnocITé a initié la mise sur pied de circuits courts qui permettent la création d’entreprises directement à la sor-tie des formations, notamment dans le secteur du gaming, inexistant à Mons il y a quatre ans, avec l’essaimage d’entreprises comme Little Big Monkey ou Drag ON Slide parmi de nombreuses autres. C’est un outil unique qui nous permet de répondre aux accélérations de connaissances de

/ PRÉFACE

05

Page 4: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

/ ÉDITO / LA GESTION DES CONNAISSANCES NUMÉRIQUES COMME ENJEU STRATÉGIQUE DE NOTRE SOCIÉTÉ

Éditeur responsable :Pascal Keiser

TechnocITé :Pascal Keiser (Directeur)Joyce Proot (Directrice opérationnelle)Catherine Dethy (Directrice adjointe Administration, Finance, Ressources humaines)Richard Roucour (Directeur adjoint,Responsable technique et pédagogique)Jennifer Flament (Secrétariat)Marie-Anne Legrand (Secrétariat)Fabienne Saba (Secrétariat)Sabine Detry (Comptable)Benoît Demoulin (Responsable technique)Fabian Clerbois (Assistant technique)Gaelle Michel (Développeuse Web)Dominique Dufour (Formateur)Bernadette Lacrosse (Responsable Progression)Astrid Van wynsberghe (Formatrice)Amélie Kestermans (Responsable formation DMI)Quentin Machiels (Développeur)Jérôme Marciniak (Formateur et assistant pédagogique)Rosalia Astorino (Formatrice)Florian Goffin (Technicien en informatique / audiovisuel)Eric Deherve (Formateur et technicien)Antoine Sevais (Community Manager / Editorialiste)

Conseil d’administration :Basilio Napoli (Président), Annie Taulet (Vice-présidente), Bernard Carlot (Administrateur délégué), Patrice Duvivier, Serge Boucher, Rogghe Christian, Patrick Salvi, Patrick Petit, Guibert Debroux, Eric Robert, Alain Diseur, Dany Hismans

Rédacteur en chef : Vincent Delvaux

Comité de rédaction : Bertille CoudevylleVincent DelvauxBrigitte DoucetOlivier FabesPhilippe FranckDelphine JenartPascal KeiserPier Luigi SaccoJacques Urbanska

Secrétaire de rédaction (français) :Isabelle Greivelding

Traduction (anglais) :Alison NolanGuy ParkerSteve BlackahV&O Expressions

Une publication

Partenaires publics :

Partenaires privés :

Conception graphique : Les produits de l’épicerie (Lille-France)www.lesproduitsdelepicerie.org

Photo de couverture :Cie Adrien Mondot/Claire Bardainne, Hakanaï © Romain Etienne Cie Adrien Mondot/Claire Bardainne

Impression :Imprimerie HayezRue Fernand Brunfaut 191080 Bruxelles

Imprimé sur papier MunkenPolices de caractères : Avant Gardeet Minion Pro

N. ISBN : 978-2-9601488-0-0

Remerciements :Marie Arena, Claire Bardainne,Alain Bidegain, Franck Butstraen, Richard Coconnier, André Delpont, Caroline Decamps, Jean-Paul Deplus, Espace Dragone, Thierry Dutoit, William Echikson, Alain Finet, Jennifer Flament, Philippe Franck, Eris Joris, LAb[au], Pierre Larauza, Pierre Leclercq, Ariane Loze, Jean-Pierre Marcelle, Gaelle Michel, Valentina Montalto, Adrien MondotGeorges Ollinger, Joyce Proot,David Picard, Juliette Picry, Ben Piquard, Olivier Py, Paul Rondin, Pier Luigi Sacco, Superamas, t.r.a.n.s.i.t.s.c.a.p.e, Tuur Van Balen, Yves Vasseur

Remerciements particuliers à : M. Elio Di Rupo, Premier Ministreet Bourgmestre en titre de Mons

Ce livre est dédié à la mémoire de Jacques Delaunois, premier directeurde Technocité (2001-2007)

06 07

lancement du cluster TWIST regroupant les acteurs de l’image et du son en Wallonie en 2007, soutien actif à la candidature de Mons au titre de Capitale européenne de la Culture par le biais du concept de Digital Innovation Valley, stratégie de centres d’innovation et d’accélération portés par des synergies nouvelles entre acteurs publics et privés (Microsoft Innovation Center en 2008 et FuturoCité en 2009), étude et création d’un cadastre des entreprises de la DIV avec l’UMONS en 2013 permettant d’objectiver et de suivre les besoins de la nouvelle économie numérique et créative.

Ces initiatives se sont naturellement accompa-gnées d’une installation au cœur de l’écosystème entrepreneurial montois au sein du parc Initia-lis, dès 2008. Leader aujourd’hui en Belgique et au-delà dans les cursus intensifs innovants en gaming, en internet des objets, en Social TV, TechnocITé est aussi et surtout un outil de cultu-ration technologique massif pour les publics demandeurs d’emploi, salariés, indépendants et étudiants. TechnocITé joue à la fois un rôle de culturation numérique, de poumon numérique, de resocialisation numérique au cœur d’un écosystème unique en Europe liant « majors » du secteur et start-ups initiées par des porteurs de projets endogènes.

Nous sommes très heureux de publier ce livre qui retrace ces initiatives prises au cours des dix dernières années, et le rôle de pionnier que TechnocITé a pu jouer et jouera encore à l’échelle locale et européenne dans la gestion des connaissances numériques.

Basilio Napoli Président du Conseil d’AdministrationBernard Carlot Administrateur délégué

TechnocITé est l’héritier de deux centres dits de technologie avancée, CTA et CETEL, développés de manière visionnaire sur le site du Grand-Hornu à la fin des années quatre-vingt-dix.

Financé par le Forem, la Province de Hainaut et des fonds européens FSE, FEDER et Interreg notamment, TechnocITé a obtenu le label de centre de compétence de la Wallonie au début des années 2000.

Dès 2004, le centre a développé, sous la direction de Georges Ollinger et Jacques Delaunois, une diversification dans les médias numériques et les industries créatives qui s’est avérée straté-gique pour la région de Mons, notamment par le biais de financements européens FSE et FEDER. Une antenne a été ouverte en 2004 au Carré des Arts, dans le centre ville de Mons, destinée à ces formations intensives en vidéo, en image de synthèse, en son, en outils interactifs. Divers programmes européens ont été lancés dès 2004 autour de ces thématiques : le CECN (Centre des Ecritures Contemporaines et Numériques), TRANSDIGITAL, dans une stratégie transfron-talière avec le nord de la France.

Très vite, TechnocITé a dépassé son rôle premier de centre de formation intensive visant à soutenir diverses activités de développement économique dans ces métiers innovants et dans l’économie numérique : missions à San Francisco dès 2006 pour comprendre les processus d’accé-lération à l’œuvre dans la Silicon Valley, stand commun de l’AWEX et d’entreprises wallonnes au grand salon NAB de Las Vegas dès 2007,

Page 5: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

TECHNOCITÉ, 2004-201410 ANSDE NUMÉRIQUE À MONS

08

P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministreet Bourgmestre en titre de Mons

P.07 ÉDITORIALPar M. Basilion Napoli et M. Bernard Carlot

01. PLONGÉE AU CŒUR DUMODÈLE MONTOIS

P.12 MONS 2015, CAPITALE EUROPÉENNEDE LA CULTUREUne opinion de Pier Luigi Sacco

P.16 AU CŒUR DE L’ÉCOSYSTÈME MONTOISPar Vincent Delvaux

P.22 MONS, TERRE D’ÉMERGENCE NUMÉRIQUE Entretien avec Jean-Pierre Marcelle Par Vincent Delvaux

02. ÉCONOMIE NUMÉRIQUEET INDUSTRIES CRÉATIVES, TRANSVERSALITÉ ET SPILLOVERS

P.28 DIGITAL INNOVATION VALLEY, DE JEUNES POUSSES PORTEUSES D’UN NOUVEL HÉRITAGEPar Brigitte Doucet

P.35 MONS 2015. GENÈSE D’UNE CAPITALEEUROPÉENNE DE LA CULTUREEntretien avec Yves VasseurPar Philippe Franck

P.38 TECHNOCITÉ, INCUBATEURDE CONNAISSANCESEntretien avec Pascal KeiserPar Vincent Delvaux et Olivier Fabes

P.44 MICROSOFT INNOVATION CENTER,AGENT D’ÉMERGENCE. Entretien avec Ben PiquardPar Brigitte Doucet

P.50 FUTUROCITÉ, AGENT DE DURABILITÉ LOCALEPar Brigitte Doucet

P.54 GOOGLE, UN ACTEUR DE POIDS DANS LE SOUTIEN À LA CULTURE NUMÉRIQUEEntretien avec William EchiksonPar Delphine Jenart

P.58 NUMÉDIART, QUAND LA RECHERCHE ET LA TECHNOLOGIE S’INTÉRESSENT À LA CULTUREEntretien avec Thierry Dutoit

P.64 DES CHERCHEURS DE HAUT VOL EN SUPPORT DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUEPar Olivier Fabes

03. MONS, PÔLE POUR LES INDUSTRIES CRÉATIVES

P.68 BENCHMARKING. DE QUELQUES EXPÉRIENCES INTERNATIONALES À LA PARTICULARITÉTECHNOCITÉPar Philippe Franck

P.74 LES RENCONTRES PROFESSIONNELLES VIA. LABORATOIRE DE MONS 2015Par Bertille Coudevylle

P.78 CECN, TRANSMISSION ET DIFFUSION D’ŒUVRES NUMÉRIQUESPar Bertille Coudevylle

P.88 TRANSDIGITAL. BILANPar Vincent Delvaux

P.92 SUPERAMAS. LA TECHNOLOGIE À L’ÉPREUVE DE L’ARTPar Jacques Urbanska

P.100 TO BE WHERE THE PIXELS ARE. CONVERSATION AVEC ERIC JORISPar Jacques Urbanska

P.107 CITY SONIC, FESTIVAL DES ARTS SONORESEntretien avec Philippe FranckPar Jacques Urbanska

P.113 LE MUNDANEUM À MONS : UNE RENAISSANCE 2.0Entretien avec Jean-Paul DeplusPar Delphine Jenart

04. EN ROUTE VERS MONS 2015

P.120 2015 ET AU-DELÀ. VISION ET ÉCONOMIEDE LA CRÉATIVITÉ NUMÉRIQUEEntretien avec Yves VasseurPar Philippe Franck

P.126 LE NUMÉRIQUE, NOUVEAU CREUSETDU LIEN SOCIALEntretien avec David PicardPar Vincent Delvaux

P.129 DES INFRASTRUCTURES POUR BOOSTERLA CRÉATIVITÉPar Olivier Fabes

P.131 QUAND L’ÉCOSYSTÈME MONTOISINSPIRE L’ÉTRANGERPar Brigitte Doucet

P.136 TECHNOCITÉ APRÈS 2015Par Pascal Keiser

Page 6: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

10 11

10 A/N/M

01

/PLONGÉEAU

CŒURDU

MODÈLEMONTOIS/

Quartier général de la Fondation Mons 2015 au 106 rue de Nimy © David Bormans

Page 7: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

12 13CHAP. 01 10 A/N/M10 A/N/M CHAP. 01

MONS 2015 : CAPITALE EUROPÉENNE DE LA CULTUREUNE OPINION DE PIER LUIGI SACCO

Le programme «  Capitale européenne de la Culture (CEdC)  » est peut-être la tentative la plus ambitieuse à ce jour de démontrer le potentiel de transformation du développement par la culture. Et c’est sans doute la tentative de ce genre la plus largement reconnue à l’échelle mondiale. Au cours de sa longue histoire, elle a généré un certain nombre de success stories impressionnantes, qui ont laissé une empreinte permanente dans les communautés locales autant que dans l’opinion publique européenne. Un tel résultat, toutefois, a été rendu possible par un long processus d’apprentissage, qui a graduel-lement transformé ce qui était à l’origine une célébration touchante mais éphémère de l’identité et de la culture européenne en une plate-forme innovante, pérenne et participative de changement social et économique.

L’utilisation effective du titre de CEdC par les villes a été indissociable d’une telle attitude apprenante. La compréhension de leurs propres points faibles a débouché sur une stratégie de développement urbain à long terme, qui a elle-même anticipé et saisi à bras-le-corps les nom-breuses crises politiques, organisationnelles et sociales qui ont émaillé le processus. Les villes n’ont pas eu peur de rechercher de nouveaux outils et solutions, favorisant une véritable participation, avec toutes les complexités qu’elle implique, plutôt qu’un consensus dicté et orchestré d’en haut. Une des leçons les plus claires des expériences passées est que les citoyens et les communautés doivent avoir la pos-sibilité de construire et consolider une large gamme de compétences, ce qui distingue une véritable participation d’une présence passive. Une autre leçon-clé est que tout doit partir d’une équipe d’experts, de volontaires et de fonctionnaires capables d’écouter réellement, de créer une confiance et un respect mutuels et d’agir en conséquence.

Pier Luigi Sacco est professeur d’économie et recteur adjoint aux relations internationales de l’université IULM, Milan. Il pilote également l’offre pour Sienne 2019, Capitale européenne de la Culture, et intervient dans de nombreuses publications sur des thèmes liant économie et culture.

/MONS 2015 : CAPITALE EUROPÉENNE DE LA CULTUREUNE OPINION DE PIER LUIGI SACCO

Toutes les CEdC qui ont connu le succès se sont distinguées par leur stratégie concrète en faveur de l’apprentissage communautaire et du dévelop-pement des compétences avant, pendant et après l’année de CEdC. Lorsqu’une telle stratégie existe et fonctionne correctement, il est alors possible de  « capitaliser » sur l’expérience CEdC pour que celle-ci mène à une accumulation de formes pré-cieuses de capitaux culturels, sociaux et humains, en plus des atouts physiques les plus visibles. La relation entre les premiers éléments, intangibles, et les seconds, tangibles, est comparable à celle existant entre le software et le hardware. Aussi fascinants que soient les nouveaux bâtiments et équipements que génère souvent une CEdC, sans un engagement renouvelé de la communauté en-vers la production et la diffusion de la culture et des impacts sociaux et économiques de cette der-nière, le risque est de construire une cathédrale magnifique mais vide, car située dans un désert.

Mons va-t-elle apprendre en 2015 ?Dans le cadre de Mons 2015, le processus d’ap-prentissage de la communauté puise ses racines dans la relation entre la culture et la technologie et dans la capacité à se réinventer. Se basant sur l’héritage de Lille 2004 – en raison de la proximi-té géographique et des complémentarités fonc-tionnelles entre les deux villes – le projet montois vise à rajeunir profondément le tissu socio- économique d’une région qui, en 2004, était en proie à un taux de chômage de 15 % et une fuite significative des cerveaux. La stratégie a été de créer les conditions pour l’émergence d’une véritable économie numérique qui, après quatre ans de développement, a conduit au lan-cement de la Digital Innovation Valley en 2008, à la naissance de start-ups dans le secteur nu-mérique et à l’obtention du titre de CEdC en 2011. La stratégie de Mons a été double. D’une part, attirer des investissements étrangers dans l’économie numérique tout en tirant les leçons de certains des plus grands hubs d’innovation dans le monde. D’autre part, lancer un pro-gramme massif d’éducation permanente en encourageant la coordination et la mise en réseau entre les organisations locales. C’est cette double approche qui différencie la Digital Innovation Valley de Mons de beaucoup d’autres clusters technologiques à travers l’Europe et le monde. Il ne s’agit pas d’un cluster traditionnel axé sur des chaînes de valeur spécifiques, mais plutôt d’un cluster transsectoriel où la culture fait

Inauguration du 106 rue de Nimy, quartier général de la Fondation Mons 2015 © David Bormans

Page 8: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

14 1510 A/N/M CHAP. 01

le lien en stimulant la diversité et en constituant le principal facteur concurrentiel du cluster. Le programme CEdC fait ainsi partie intégrante de la stratégie de développement à long terme de la région. Les résultats à ce stade, à un an de l’année CEdC, parlent d’eux-mêmes : 1.000 em-plois et 100 PME créés dans la Digital Innovation Valley, 1.000 autres emplois dans les secteurs culturels et créatifs et 1.000 travailleurs free-lance dans les secteurs créatifs et numériques, le tout sur une population active de 30.000 habitants. Le lancement du programme CEdC surviendra lors d’un point culminant de développement créatif et sera une opportunité d’expérimenter de nouvelles fertilisations croisées entre la culture, la technologie, la société et l’économie, en ayant un œil rivé vers l’avenir sur le plan du dévelop-pement durable, de l’intégration sociale et de la connectivité européenne. Le réel défi pour Mons en 2015 sera par conséquent de ménager suffisamment d’espace pour l’imprévisibilité créative. En d’autres termes, il s’agit de rendre cette année CEdC suffisamment «  indomptée  » pour que s’initie un nouveau cycle d’aventures et d’expérimentations risquées, au lieu de gérer un nouveau status quo.

Les petites villes sont-elles plus grandes ? Quels exemples dans le passé récent du programme CEdC peuvent servir de points de comparaison intéressants pour Mons ? Il n’existe pas de cri-tères objectifs pour faire des rapprochements. Toutes les CEdC peuvent avoir un point en com-mun pour l’une ou l’autre dimension. Selon moi, deux CEdC sont proches de Mons (pour des rai-sons opposées) : Turku 2011 et Guimarães 2012. Turku 2011 est comparable à Mons sur le plan de la continuité : un même accent sur le développe-ment des industries culturelles et créatives et sur la revitalisation urbaine, un rôle majeur pour la technologie dans le cadre du programme artis-

Sienne 2019 : ce que la finance a détruit, la culture peut-elle le recréer ?Au moment d’aller sous presse, nous ne savons pas si Sienne sera la CEdC italienne de 2019. Comme Mons, c’est une ville de taille moyenne qui doit se remettre d’une crise sociale et écono-mique sévère. Comme Mons, elle peut s’enor-gueillir d’un patrimoine mondial UNESCO et d’un capital culturel immatériel vieux de plusieurs siècles (le combat de saint Georges contre le dragon à Mons et le Palio à Sienne). Comme Mons, Sienne a axé sa stratégie sur le numérique. Comme Mons, elle envisage son avenir sous la forme d’un dialogue entre la tradition les technologies de pointe. Mais, alors qu’à Mons, l’accent est mis en premier lieu sur l’innovation technologique, à Sienne il est mis sur l’innovation sociale, en tenant compte aussi du décalage de cinq ans. Sienne veut montrer à l’Europe que les villes au riche patrimoine, si elles valorisent correctement leurs atouts (prendre en considération l’héritage culturel comme espace d’archive, de narration et de partage avec le pu-blic), peuvent surfer sur la vague de l’innovation de façon encore plus dynamique que leurs com-parses postindustrielles. La véritable question, maintenant que la technologie numérique évolue à un rythme effréné, est de savoir comment la so-ciété y réagit.

Sienne a une riche tradition d’engagement citoyen qui remonte au Moyen Âge. Ses jalons sont la Costituto de 1309, qui a initié la première expérience européenne de démocratie directe en traduisant en langue vulgaire les textes de loi de la ville afin que chaque citoyen puisse les com-prendre et les assimiler. Au cours de son histoire,

Sienne a imaginé le crowdsourcing par le biais des contrade, la participation à la vie culturelle partant de la base avec l’Accademia dei Rozzi, un langage visuel pour les sourds avec les recherches de Tommaso Pendola et de nombreuses autres formes d’innovation sociale, encore en cours de développement aujourd’hui. La ville avait des siècles d’avance sur la tendance actuelle. Aujourd’hui, il faut capitaliser sur cette tradition pour lancer de nouvelles formes d’innovation sociale, afin d’apporter une réponse concrète à la crise du principal employeur de Sienne, la banque Monte dei Paschi.

L’idée est de se concentrer sur trois fronts prin-cipaux d’innovation sociale, où la culture peut faire la différence  : le bien-être et la prospérité, la cohésion sociale et l’économie 2.0. Démontrer le pouvoir de transformation du patrimoine culturel en tant qu’espace d’archivage, de nar-ration et de partage dans ces trois domaines, en explorant neuf manières différentes de parvenir, via la culture, à l’innovation sociale. Les principaux projets sont développés avec la communauté de Sienne et les partenaires européens.

En se basant sur les expériences de villes petites et moyennes comme Linz, Turku, Guimarães et, dans quelques mois, Mons, la Ville de Sienne veut insister sur le fait que des villes européennes moins grandes peuvent également avoir un im-pact social et économique majeur lorsqu’elles exploitent leurs atouts culturels de façon intel-ligente, inclusive et imaginative. Leur explora-tion de nouvelles voies de spécialisation peuvent inspirer d’autres villes européennes qui ont des profils similaires.

Pour rendre cela possible, la Ville de Sienne veut impliquer tous les citoyens dans ce qui pourrait devenir le projet d’apprentissage communau-taire le plus ambitieux dans l’histoire des CEdC. Leur approche sera conçue en collaboration avec la Cittadellarte de Michelangelo Pistolet-to et développera la notion de « transformation sociale responsable  » que Michelangelo et son équipe ont défendue au cours des dix dernières années. Elle cherche aussi à apprendre des nom-breuses CEdC qui ont relevé le défi avec brio et est impatiente de découvrir Mons 2015.

tique et une image de la ville redorée en tant que destination touristique attractive dans le cadre d’une stratégie à long terme claire et cohérente. Guimarães 2012, au contraire, tout en étant une CEdC couronnée de succès elle aussi, a connu de fortes discontinuités et complexités organisa-tionnelles et a pu mettre à profit la participation directe des citoyens, dans un contexte de pénurie de ressources et d’incertitude. Guimarães parta-geait également avec Mons une forte orientation numérique.

Ce qui réunit ces cas apparemment très différents, c’est le rôle que la culture a joué dans la redéfini-tion de la trajectoire future de villes européennes moyennes ou petites, qui étaient riches d’un potentiel culturel largement inexploité (la référence absolue sur ce point remonte à l’expérience de Linz 2009). La leçon à en tirer, c’est que la culture peut faire la différence dans des contextes aussi divers, pour autant que les facteurs adéquats soient réunis.

À Turku, le processus d’apprentissage visait à intégrer le rôle innovant de la culture dans une des sociétés européennes les plus orientées vers l’apprentissage et l’éducation. À Guimarães, le processus d’apprentissage avait pour but de reconstruire une société citoyenne dans une ville qui avait été durement touchée par la crise économique et qui cherche encore à retrou-ver le chemin d’une croissance durable. Dans un certain sens, Mons hérite des deux villes (et a fortiori aussi de Linz) alors qu’elle se prépare à une année CEdC qui devrait la projeter dans le club restreint des principaux hubs créatifs numériques en Europe. Parallèlement, Mons est occupée à retisser les liens d’une coopération sociale autour de son réseau d’asbl pour faire de celles-ci de nouveaux catalyseurs d’innovation et de changement.

Certaines CEdC ambitieuses ont échoué, tandis que d’autres plus humbles ont réussi. Si le cou-rage de voir en face les véritables urgences et la détermination nécessaire pour construire les moyens d’une politique font défaut, le bilan final sera maigre. Mais, si le contraire se produit, les résultats peuvent réellement dépasser les attentes. Ce constat s’applique particulièrement aux villes petites et moyennes, où l’impact d’un programme CEdC bien conçu et mis en œuvre peut réellement changer les règles du jeu.

MONS 2015 : CAPITALE EUROPÉENNE DE LA CULTUREUNE OPINION DE PIER LUIGI SACCO

MONS 2015 : CAPITALE EUROPÉENNE DE LA CULTUREUNE OPINION DE PIER LUIGI SACCO

/ FORMATION PERMANENTE ET MISEEN RÉSEAU. C’EST CETTE DOUBLEAPPROCHE QUI DIFFÉRENCIE LADIGITAL INNOVATION VALLEY DE MONSDE BEAUCOUP D’AUTRES CLUSTERSTECHNOLOGIQUES À TRAVERS L’EUROPEET LE MONDE. /

/ IL NE S’AGIT PAS D’UN CLUSTERTRADITIONNEL AXÉ SUR DES CHAÎNES DE VALEUR SPÉCIFIQUES, MAIS PLUTÔTD’UN CLUSTER TRANSSECTORIEL OÙ LA CULTURE FAIT LE LIEN EN STIMULANT LA DIVERSITÉ ET EN CONSTITUANT LE PRINCIPAL FACTEUR CONCURRENTIELDU CLUSTER. /

CHAP. 01 10 A/N/M

Page 9: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

16 1710 A/N/M CHAP. 01

AU CŒURDE L’ÉCOSYSTÈME MONTOIS

Depuis une dizaine d’années, Mons a développé une dynamique nouvelle. Par une approche unique en son genre, alliant développement économique, partenariats publics et privés, vision culturelle à long terme et rénovation en profondeur de ses infrastructures, elle a su, au fil des ans, se réinventer et se distancier de l’image tenace d’une ville au passé industriel en déclin. En préparant le terrain par un en-seignement de qualité, grâce à la présence de l’UMONS notamment, elle a pris un pari sur le futur, qui s’appuie largement sur les forces vives de sa jeunesse.

De nombreux faits objectifs viennent soutenir l’idée d’une ville en mutation, bien au-delà de l’ébullition momentanée qu’induit Mons 2015. La présence sur son territoire de nombreux centres de recherche et d’une université recon-nue, de centres de formation continue, actifs dans des domaines prometteurs, tel Techno-cITé, de programmes audacieux de soutien à la recherche appliquée, que ce soit dans le do-maine des arts (Numédiart) ou de l’industrie (Materia Nova), pose les bases d’une refonda-tion sur le long terme.

les soupçons de la concurrence, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il pouvait s’agir de Google. Nous avons mis le temps, les moyens et l’énergie pour traiter ce dossier dans les règles de l’art et nous avons immédiatement bénéficié d’un soutien politique au plus haut niveau », explique Pierre Leclercq.

« La principale difficulté était qu’ils recherchaient un très grand terrain industriel, ce qui n’était nul-lement évident à trouver. Par un heureux hasard, la Région wallonne disposait d’un terrain plat, de près d’un kilomètre carré, à proximité de lignes à haute tension, d’un canal pour le refroidissement et de fibres optiques proches. Dès lors, tout s’est enchaîné assez rapidement. Aujourd’hui, Google représente le plus gros investissement étranger en Wallonie avec près de deux fois quatre cent millions d’euros investis. Sur le plan de la recon-naissance internationale de notre région, c’est absolument considérable. Après l’implantation de Google et grâce au développement continu de plus petites sociétés, Pascal Keiser a suggéré de baptiser l’écosystème montois en gestation la Digital Innovation Valley, ce qui au départ procé-dait plus d’un acte de foi que d’une réalité, mais s’est ensuite avéré un pari gagnant. »

Une nouvelle dynamique est en marche : « Nous préparions une mission économique du prince Philippe en Californie et à Seattle, qui devait visiter Microsoft, avec lesquels j’étais en contact régulier. Peu auparavant, M. Di Rupo avait ren-contré au sommet de Davos Craig Mundie, le numéro deux de Microsoft et responsable de la stratégie d’investissements. Lorsque celui-ci s’est rendu en Belgique, M. Di Rupo nous a conviés, Pascal Keiser et moi, à participer à la réunion

/ TOUS LES INGRÉDIENTS SONT EN PLACE POUR DONNER UN NOUVEL ÉLAN À LA VILLE ET ACHEVER SA RECONVERSION, ENTRE RESPECT DE SON HISTOIRE ET REGARD TOURNÉ VERS LE FUTUR. /

Des grands noms de l’industrie et un tissu dense de PME innovantesDepuis plusieurs années, on assiste à Mons à un changement de paradigme, grâce à un certain nombre d’éléments déclencheurs, qui ont provoqué un basculement d’échelle. L’arrivée de grandes multinationales, comme Google ou Microsoft (mais aussi par l’entremise de projets comme FuturoCité, qui ont amené à Mons d’autres grands noms de l’informatique, tels CISCO, IBM ou HP), a envoyé un signal très positif d’une région en plein renouveau, confiante en elle-même et en ses potentialités.

Cette dynamique nouvelle a aussi été le fait de quelques personnes qui ont assisté en première ligne à la germination de nombre de ces projets, comme Pascal Keiser, directeur de TechnocITé, ou Pierre Leclercq, ingénieur en informatique, qui a passé une grande partie de sa carrière dans la Silicon Valley chez Apple, avant de rejoindre le bureau de l’OTI1 à San Francisco comme représentant pour les investissements étrangers. «  J’ai rencontré Pascal Keiser en 2006 au salon NAB2 où étaient présentes un certain nombre de sociétés wallonnes comme Flying Cam3, I-Movix ou EVS. Pascal m’avait alors parlé de Virtualis, une coalition de petites entreprises actives dans le numérique mais disposant de peu de moyens, unies afin de mutualiser les énergies. J’avais trouvé ce projet particulièrement intéressant. Au même moment, à San Francisco, nous rece-vions un dossier de demande d’implantation en Belgique d’un investisseur mystérieux, dont le cahier des charges se révélait étonnamment pré-cis. Après quelques recherches, bien que l’iden-tité de nos interlocuteurs soit restée mystérieuse jusqu’au bout, afin sans doute de ne pas éveiller

avec M. Mundie. Nous avons ensuite travaillé sur un projet et j’ai rédigé un premier draft de business plan autour d’un concept de Microsoft Innovation Center (MIC) bâti autour de parte-nariats avec des acteurs locaux, sur le modèle d’un incubateur d’entreprises. Lors de la mis-sion princière, Jean-Claude Marcourt a remis le dossier à Steve Ballmer, CEO de Microsoft et les choses se sont précipitées lors de la venue de celui-ci en Belgique à l’annonce du lancement du MIC à Mons. Il était dès lors temps de trouver le bâtiment et le financement, ce qui s’est concrétisé dans les mois qui ont suivi. »

«  Intéressées par la venue de deux acteurs de poids dans la région, d’autres sociétés se sont mises à nous contacter, telles IBM et CISCO. Après quelques mois de réflexion, en surfant sur la vague du Green Tech, nous avons réfléchi à un projet autour de l’IT vert car l’informatique per-met une utilisation rationnelle des ressources et le monitoring de la consommation d’énergie. De là est né le projet EuroGreen IT4 qui a coïncidé assez heureusement avec le lancement du Plan Marshall 2.Vert », conclut Pierre Leclercq.

Dans le sillage de ces géants de l’industrie, aidés en cela par des structures ad hoc d’accompagne-ment, telles les incubateurs ou le cluster TWIST, un nombre impressionnant de jeunes start-ups et de PME se sont implantées dans la région ou ont connu une croissance rapide  : Fishing Cactus, I-Movix, Atomic Turtle, … Ces jeunes entreprises sont aujourd’hui le fer de lance du renouveau numérique de la région et donnent une raison d’espérer à nouveau dans un «  rêve wallon ».

/AU CŒURDE L’ÉCOSYSTÈME MONTOIS

PAR VINCENT DELVAUX

1 // À présent intégré à l’AWEX.

2 // National Association of Broadcasters réunissant les professionnels de l’audiovisuel et des télécommunications à Las Vegas.

3 // Flying Cam est une société liégeoise, qui a conçu un hélicop-tère drone avec caméra embarquée, utilisée par les producteurs de cinéma, notamment pour filmer des scènes d’Harry Potter ou de James Bond.

4 // Devenu depuis FuturoCité.

CHAP. 01 10 A/N/M

Page 10: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

18 1910 A/N/M CHAP. 01

Des infrastructures neuves, une fierté retrouvéeBien sûr, tout n’est pas rose, des poches de pau-vreté subsistent en de nombreux endroits de la région, les inégalités sociales sont encore légion, le chômage de masse, particulièrement chez les jeunes, reste un fléau difficile à éradiquer. Mais une dynamique positive, à même de rendre leur fierté aux habitants, est en marche  : un orgueil nouveau dont on peut sentir les prémices à l’ap-proche du grand événement fédérateur qu’est Mons 2015 mobilise les forces vives de la ville et ses habitants autour d’un objectif commun.

En perspective de la grande fête à venir, la ville a d’ailleurs fait peau neuve  : nouvelle gare multi-modale en construction confiée au talentueux architecte espagnol Santiago Calatrava, infrastructures culturelles rénovées avec le Théâtre Le Manège, Arsonic, ancienne caserne des pompiers aujourd’hui convertie en cité du son, le musée des Beaux-Arts mis aux normes pour accueillir des expositions de niveau international, le Mundaneum rafraîchi ou encore le nouveau Centre d’interprétation de saint Georges dédié au mythe du célébrissime Doudou. Riche de son patrimoine, triplement reconnu par l’Unesco5 et fière de ses traditions, Mons est prête à briller d’un jour nouveau et n’a d’ailleurs pas attendu 2015 pour le faire.

Tous les ingrédients sont en place pour donner un nouvel élan à la ville et achever sa recon-version, entre respect de son histoire et regard tourné vers le futur  : volontarisme politique, développement économique tourné vers des secteurs d’avenir, implantation de grandes mul-tinationales, tissu dense de PME dans le secteur numérique, infrastructures neuves, pôle éducatif fort autour de l’université, présence de structures d’accompagnement et d’organismes de formation continue, dynamisme des opérateurs culturels et mobilisation des habitants autour d’un projet fédérateur.

Ces différents éléments se retrouvent d’ailleurs pointés dans une étude d’impact lancée à l’occa-sion de Mons 2015 et confiée au bureau de consul-tance KEA6 : « Il s’agit d’une étude qui s’étale sur quatre ans et qui passe au crible les différents impacts de Mons 2015. Elle a été initiée avec une première phase de collecte de données en 2012 et

se poursuivra par des phases successives en 2015 et 2016 afin de pouvoir comparer les statistiques dans le temps et d’observer les évolutions à long terme », nous explique Valentina Montalto, l’une des auteures de l’étude et conseillère en affaires européennes chez KEA. «  Depuis quelques années, de nombreuses Capitales européennes de la Culture mettent en place des études d’impact, dans le sillage de ce que Liverpool avait initié en 2008. Il est nécessaire de mesurer quels sont les effets de l’événement et comment, sur la base des résultats obtenus, mieux définir la politique culturelle de demain. Pour Mons, il y a un intérêt à pouvoir réfléchir dès à présent à l’après-2015 et à s’interroger sur la place de la culture dans la politique de la Ville à l’avenir. Il s’agit d’un outil d’aide à la prise de décisions politiques, qui pourra se baser sur un grand nombre de données qualitatives grâce à des entretiens réalisés auprès d’entreprises et de structures-clés, mais aussi sur un large panel de données statistiques. »

« Le modèle d’analyse que nous mettons en place pour Mons a sa spécificité car il se concentre avant tout sur des villes de petite ou moyenne dimension. Ici, l’étude porte sur le Grand Mons et le Borinage, mais les villes partenaires de Mons 2015 sont également étudiées d’un point de vue qualitatif (Liège, Bruxelles, La Louvière, Namur…). »

Les premiers résultats de cette étude7 donnent une photographie du Grand Mons et une carto-graphie précise des industries culturelles et créa-tives, du point de vue économique notamment, mais aussi du secteur horeca et d’autres secteurs bénéficiant des retombées économiques liées à l’événement. Les attentes des différentes parties prenantes ainsi que les perceptions par rapport à l’événement y sont également analysées de ma-nière fine. Il s’agira d’un outil précieux car procé-dant « d’une méthodologie multidimensionnelle, travaillant sur les axes du développement écono-mique, socioculturel, les aspects liés à l’image et la notoriété ainsi que les impacts structurants en termes de gestion  », dixit Valentina Montalto. Un large spectre d’étude donc, qui donne à voir un panorama complet et étayé par des données statistiques de la situation montoise. On y apprend notamment que Mons compte près de sept cent

six entités (organismes publics, enseignement, organisations associatives, secteur des arts et de la culture, industries culturelles et créatives, etc.) impliquées d’une manière ou d’une autre dans la filière culturelle au sein de l’arrondisse-ment de Mons et que près de 36% de l’activité des entreprises est liée aux industries créatives. Un grand nombre de travailleurs indépendants sont également concernés par les retombées d’un tel événement.

Il apparaît donc évident, au vu de tels chiffres, que Mons 2015 est bien plus qu’un simple évé-nement culturel. La manifestation a également un impact économique fort à l’échelle de toute une région et provoque un important effet d’en-traînement pour des pans entiers de l’économie locale. Les retombées économiques, touristiques et en termes d’images et de notoriété pour la région seront donc considérables.

En conclusionLe modèle montois présente un certain nombre de caractéristiques intéressantes par rapport à nombre de villes de taille égale, voire à d’autres Capitales européennes de la Culture. Le mélange original d’un pôle économique important, tour-né vers le futur et structuré autour de grands noms de l’industrie et d’un maillage étroit de PME innovantes, d’un niveau d’excellence dans la formation (UMONS, TechnocITé) et la re-cherche (Materia Nova, Numediart, CETIC), d’un grand dynamisme culturel (Manège, BAM, Mundaneum…) porté par une volonté politique forte, une adhésion des habitants et une vision partagée autour d’objectifs communs, a permis le décollage réussi de toute une région que Mons 2015 viendra mettre sous le feu des projecteurs européens une année durant. Souhaitons-lui tout le succès qu’elle mérite !

5 // Sont reconnus par l’Unesco : le Beffroi, le site des minières néo-lithiques de Spiennes et le Doudou.

6 // KEA est une agence en conseil stratégique, fondée par Philippe Kern et active à Bruxelles depuis 1999. Sa mission est d’apporter aux secteurs de la création le meilleur conseil et de réaliser des études de référence dans le secteur culturel. Elle compte parmi ses clients réguliers les ins-titutions européennes et a notamment réalisé, en 2006, une étude importante portant sur l’économie de la culture en Europe, premier état des lieux des industries culturelles et créatives. Cette étude a influencé la réflexion globale de la Commission européenne dans le domaine des industries créatives, notamment lors de la publication du livre vert. En 2009, KEA réalise une autre étude marquante pour le compte de la Com-mission européenne portant sur l’impact de la culture sur la créativité, autrement dit, à tout ce qui touche à l’innovation économique et sociale, car le secteur culturel ne contribue pas seulement à l’emploi mais il nourrit aussi l’innovation dans d’autres domaines.

6 // Bientôt disponible sur le site de www.keanet.eu.

AU CŒURDE L’ÉCOSYSTÈME MONTOIS

AU CŒURDE L’ÉCOSYSTÈME MONTOIS

L’écosystème montois en quelques chiffres :

- -MONS : 95.000

HABITANTS- -

107PME actives dans l’innovation numérique

et les industries créatives au sein de l’écosystème

1.095 emplois dans la haute technologie

2 centres d’innovation en partenariat

public-privé (Microsoft, IBM)

3 centres de recherche en IT et dans

la physique des matériaux

1centre de formation continue qui forme

plus de 5000 personnes par an

1 Data Center Google,

le plus grand d’Europe

CHAP. 01 10 A/N/M

/ L’ÉCOSYSTÈME MONTOIS EST UN MÉLANGE ORIGINAL D’UN PÔLE ÉCONOMIQUE TOURNÉ VERS LE FUTUR, D’UN NIVEAU D’EXCELLENCE DANS LA FORMATION ET LA RECHERCHE, D’UN GRAND DYNAMISME CULTUREL PORTÉ PAR UNE VOLONTÉ POLITIQUE FORTE, D’UNE ADHÉSION DES HABITANTS ET D’UNE VISION PARTAGÉE AUTOUR D’OBJECTIFS COMMUNS. /

Page 11: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

20 2110 A/N/M CHAP. 01

AU CŒURDE L’ÉCOSYSTÈME MONTOIS

AU CŒURDE L’ÉCOSYSTÈME MONTOIS

CHAP. 01 10 A/N/M

2004 2005 2006 2007 2008 2010 2011 2012 2014

Education continue aux médias

numériques par TechnocITé

CECN arts de la scène/

technologies numériques

Mission à San Francisco.

Mapping des entreprises

technologiques.Partenariat

publics-privés et incubateurs

Visite du Microso� research center

de Cambridge (G-B)

2009

Start-up MIC, Bootcamps

Annonce de la création du MIC en tant que PPP, en la présence de Steve

Ballmerconcept de Digital Innovation Valley

Augmentation (point culminant) dans le

création de start-upsTechnocité :

diversi�cation vers des sessions intensives de

moyenne durée, 3500 pers/an

Cartographie des PME :

100 entreprises, 1000 emplois

high-tech (2006 : 300 emplois)

Mise en réseau des entreprises de la DIV

Réseau des organisations sans

but lucratif dans les industries créatives

Attribution du titre de CEdC

Structuration des organisations sans but lucratif actives dans le numérique

(30) et DIV

Candidature pour CEdC, groupes de

ré�exion sur la ville. Accent sur la

rencontre entre technologie et

culture

Fishing cactus, société leader du

gaming (jeux vidéo)en Belgique

Programme commun avec

FEDER Recherche/formation

permanente/croissance

Réseau européen des capitales numériques

Numediartest intégré

à l’Universitéen tant qu’Institut

Parc supplémentaire de 40 ha le long de

l’autoroute Paris-Bruxelles

UMons Numediart,recherche dans les arts numériques

Présence d'I-Movix aux JO de Beijing

2008

Google annonce un investissement de

300 M€

Centre d’innovation IBM sous la forme

d’un PPPTechnocITé : premier

cours intensifs de gaming

20152013

Page 12: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

22 2310 A/N/M CHAP. 01

Le développement économique d’une région convoque un ensemble d’acteurs et de forces vives qui, pour parvenir à un objectif commun de croissance, doivent conjuguer leurs efforts, leurs ressources et leurs visions. Au niveau local, régional ou international, une sé-rie d’intervenants convergent pour soutenir l’activité de jeunes entrepreneurs dans leur quête d’expansion. Depuis une dizaine d’années, les industries créatives, réunies au sein d’un pôle numérique, ont connu un essor considérable à Mons, avec la venue de géants de l’industrie tels Google ou Microsoft, qui ont entrainé dans leur sillage de nombreuses jeunes pousses pro-metteuses. En amont, des pôles de recherche ou des centres de formation, comme TechnocITé, ont préparé le terrain, en concevant des produits innovants ou en formant les travailleurs de demain aux métiers les plus pointus en matière technologique.

Jean-Pierre Marcelle, directeur général des investissements étrangers à l’AWEX (l’Agence wallonne à l’exportation), a été un témoin pri-vilégié de ces mutations dans la région mon-toise. Il a été aux premières lignes lorsqu’ont germé des projets novateurs, comme le cluster Twist, l’installation du MIC ou de FuturoCité. Il nous livre son point de vue sur cette passion-nante histoire de l’émergence d’une région au-tour du credo de l’innovation numérique.

Depuis 2007, un  «  décret cluster  » réglemente ce que le gouvernement entend par ce terme et définit les objectifs, les missions et la stratégie particulière. L’aide publique se fait sur la base d’un horizon à trois ans renouvelable et se concentre sur un appui financier à l’équipe d’animation du cluster, rôle particulièrement important pour initier des projets et fédérer des initiatives. Twist en est à présent à sa neuvième année d’existence. La raison d’être d’un cluster est d’emmener les entreprises à l’international lors de missions économiques et de créer du réseau. Lors des précédentes missions princières, dans la Silicon Valley ou à Montréal, le cluster a pu tisser un grand nombre de liens à l’international. L’AWEX appuie fortement ce type d’initiatives. Les entreprises membres de Twist ont une approche assez désinhibée en mission économique et arrivent à nouer des partenariats facilement. Si, aujourd’hui, une partie des arrière-plans du long-métrage animé d’Astérix sont dessinés en Wallonie, c’est aussi grâce au cluster. Il s’agit de créer un écosystème positif avec des entreprises présentant du potentiel.

Quel type de soutien l’AWEX offre-t-elle aux clusters d’entreprises ? L’AWEX aide les clusters et les entreprises à exporter, tant au niveau collectif (depuis 2008) qu’individuel. L’agence contribue à la structura-tion des entreprises et soutient des démarches de prospection ou de reconnaissance, mais aussi le développement de partenariats commerciaux, de distribution et la participation à des salons.

Vous avez vu naître le projet d’implantation du Microsoft Innovation Center à Mons. Pouvez-vous nous en expliquer la genèse ? Dans le cas de Microsoft, il s’agit d’une belle his-toire. Aux alentours de 2007, la division américaine de Microsoft avait rêvé de lancer au niveau mondial un espace privatif sur le web qui serait une sorte de coffre-fort virtuel renfermant des données re-latives à la santé des individus, ce qu’ils appellent le Health Vault. Seraient ainsi regroupées sur le web toutes les données de santé personnelle : analyses de sang, radiographies, dossier médical complet… Pendant ce temps, Pierre Leclercq officiait à l’AWEX en tant que représentant au bureau de San Francisco et était en contact ré-gulier avec le siège de Microsoft. En revenant du sommet de Davos, Elio Di Rupo, qui connaissait bien Craig Mundie, le numéro deux de Micro-

/ UNE NOUVELLE RÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE EST EN MARCHE ET IL NE FAUT PAS RATER LE TRAIN DU DÉVELOPPEMENT. IL EST NÉCESSAIRE DE FAIRE RÊVER LES GENS, DE LEUR REDONNER ESPOIR ET CONFIANCE EN EUX-MÊMES TOUT EN GARDANT LES PIEDS SUR TERRE. /

Comment avez-vous participé à la dynamique de développement économique liée aux indus-tries numériques dans la région montoise ? Jean-Pierre Marcelle : Le développement à Mons de TechnocITé, de FuturoCité et du Microsoft Innovation Centre remonte aux débuts des années 2000. Une réflexion avait été entamée au cabinet d’Elio Di Rupo, lorsqu’il était ministre-président de la Région wallonne. L’idée avait germé d’un regroupement d’entreprises autour du multimédia, ce qui était amené à devenir plus tard le cluster Twist, réunissant des acteurs du numérique et d’autres issus des arts de la scène.

Les clusters étaient alors des projets pilotes. Lorsque Jean-Claude Marcourt est devenu ministre de l’Économie, le rôle des clusters et leur encadre-ment légal ont été mieux définis. Twist est ainsi devenu l’un des douze clusters actifs en Wallonie avec une particularité intéressante. Les clusters sont en général à vocation industrielle, un cluster étant un regroupement volontaire d’entreprises généralement actives dans le même secteur. Dans le cas de Twist, il s’agit d’un cluster multisectoriel comportant des entreprises multimédia, des acteurs de l’informatique de développement ou des structures actives dans la scénographie.

Twist a pour vocation de faire dialoguer et colla-borer des sociétés qui ont une thématique com-mune mais parfois des métiers très différents. Entre des sociétés comme Fishing Cactus, posi-tionnée dans le domaine du serious gaming1 et d’autres entreprises qui développent de l’éclairage de scène, il y a parfois un grand écart. Mais c’est aussi la force de Twist de proposer cette diversité de métiers. Twist trouve d’ailleurs un fort écho à l’international, notamment grâce à des partenariats avec d’autres clusters, dans la région Rhône-Alpes ou du côté de Genève.

soft, convoque une réunion avec Pierre Leclercq, Pascal Keiser, le directeur de TechnocITé, et quelques autres personnes. L’idée émerge d’adapter à la Belgique le concept de coffre-fort de santé. Un dossier est ainsi monté. Peu après, une mission économique belge est envoyée sur la côte ouest des États-Unis, dans le but notamment de présenter à Microsoft un projet conjoint piloté par Elio Di Rupo et Jean-Claude Marcourt. En compagnie du prince Philipe, ils rencontrent Steve Ballmer, le CEO de Microsoft, et lui pré-sentent le dossier, réalisé avec l’aval de Microsoft Belgique2. Le projet a mûri et l’on parle à présent de créer un incubateur pour entreprises. Les équipes de Microsoft sont intéressées car elles ont déjà mis sur pied une trentaine d’Innovation Center dans le monde afin de soutenir le dévelop-pement de projets. L’idée est de transposer cela chez nous.

Lorsque Steve Ballmer vient en Belgique en avril 2008, il rencontre Jean-Claude Marcourt et Elio Di Rupo à Louvain-la-Neuve et annonce qu’il va créer un Microsoft Innovation Center à Mons. Dans les mois suivant cette annonce, nous met-tons en place un partenariat public-privé et, en novembre 2008, le gouvernement wallon accorde une subvention pour lancer le MIC. Celui-ci devient alors un centre d’incubation capable d’accueillir des porteurs de projet et les accom-pagner dans leurs démarches, mais aussi un centre d’accélération servant à développer des prototypes et un lieu de formation aux tech-nologies, qu’elles proviennent de Microsoft ou non. Très rapidement, d’autres sociétés (Mobis-tar, HP, …) se raccrochent au projet. La volonté du gouvernement était, outre de créer de l’emploi, de provoquer également une mise à niveau du secteur informatique wallon, qui était jusque là surtout axé sur le développement web. Au-jourd’hui, le MIC en est à son troisième terme de trois ans depuis sa mise en place officielle en décembre 2008. Il y a eu une évolution en termes de produits, d’activités et de retours technologiques sur l’écosystème informatique au niveau régional. Microsoft a mis la main à la poche pour le développement du centre et a détaché du personnel, notamment Ben Piquard, qui a façonné le MIC grâce à un certain nombre de projets innovants. Cela a eu un impact im-portant en termes d’accélération de croissance sur de jeunes entreprises, comme Fishing Cactus par exemple.

/MONS, TERRE D’ÉMERGENCENUMÉRIQUE

1 // Jeux vidéo sérieux à vocation éducative.

2 // Notamment grâce à Bruno Schröder, directeur technologique chez Microsoft et Philippe Vandervoort, CEO de Microsoft Belux à l’époque

MONS, TERRE D’ÉMERGENCE NUMÉRIQUE

CHAP. 01 10 A/N/M

/ ITW : JEAN-PIERRE MARCELLEDIRECTEUR GÉNÉRAL DES INVESTISSEMENTSÉTRANGERS À L’AWEX

PROPOS RECUEILLIS PAR VINCENT DELVAUX

Page 13: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

24 2510 A/N/M CHAP. 01

MONS, TERRE D’ÉMERGENCE NUMÉRIQUE

MONS, TERRE D’ÉMERGENCE NUMÉRIQUE

Qu’en est-il de FuturoCité (ex-EuroGreen IT), un dossier que vous avez également suivi de près ? En 2009, suite au lancement du Plan Marshall 2. Vert, le gouvernement et l’équipe de conception qui avait travaillé sur le projet du MIC entament une réflexion autour de l’informatique et de l’écologie, en postulant que l’IT peut améliorer les performances énergétiques par le monitoring, le management de la mobilité et des ressources d’énergie, la sécurité des villes,… De cette réflexion naît l’idée d’un centre identique au MIC dans la philosophie et qui aurait pour vocation de sensibiliser les communautés, les individus et surtout les villes et communes à un usage intelligent de l’informatique, au service d’objectifs écologiques.

EuroGreen IT avait deux ambitions au départ  : la diminution des coûts énergétiques liés à l’infor-matique, une option vite abandonnée car trop liée aux coûts de développement du hardware, et l’accompagnement de projets visant à des écono-mies d’énergie pour les villes et les communes. EuroGreenIT a ensuite changé de nom et l’accent a été mis sur l’amélioration du bilan énergétique des collectivités et le développement du télétravail afin de réduire l’impact écologique des déplace-ments. Des partenaires comme CISCO ou IBM, qui possède une importante division Smart Cities, ont montré comment on peut aider des communes à gérer leurs ressources énergétiques.FuturoCité a alors développé le concept de coworking et de smart centers, c’est-à-dire des centres partagés, en bordures des grands axes routiers, où l’on peut venir travailler, bénéficier d’infrastructures professionnelles et se connecter pour éviter de perdre du temps dans les embou-teillages. L’Axis Parc à Louvain-la-Neuve est un exemple concret de ces smart centers opérationnels. D’autres projets sont en cours à Marche, Andenne et Namur. Au niveau montois, il existe un pro-gramme européen de développement de Digital City à l’occasion de Mons 2015. Par ailleurs, FuturoCité est également actif au niveau des clusters TWIST et TWEED, qui milite pour le développement éolien et les technologies valorisant la biomasse. Des contacts et des parte-nariats existent pour mettre en place des projets informatiques basés sur des capteurs placés sur les machines industrielles, comme les éoliennes notamment.

L’AWEX soutient la présence d’entreprises dans de nombreux salons à travers le monde. Quel est l’intérêt pour nos entreprises departiciper à un salon comme le NAB à Las Vegas par exemple ? L’AWEX a participé régulièrement au NAB3, le grand salon mondial du broadcast. Nous avons pu compter sur une forte présence wallonne avec des entreprises comme I-Movix (spécialiste des ralentis sportifs), Dreamwall (le studio d’anima-tion de Dupuis), EVS, Fishing Cactus (serious gaming) ou TechnocITé, pour le volet formation. En Wallonie, l’accent était jusque là surtout mis sur le secteur manufacturier, mais aujourd’hui les services et les industries créatives prennent de plus en plus de place car la richesse intellectuelle et la créativité sont à présent reconnues, comme le prouve l’exemple de réussite de Fishing Cactus. Suite à leur présence au NAB, I-Movix et EVS ont mis au point des technologies de ralentis qui sont aujourd’hui utilisées dans le monde entier, surtout dans le domaine sportif. D’autres sociétés belges, qui développent des systèmes de caméras embarquées sur des hélicoptères drones, ont éga-lement bénéficiés de cette présence au NAB, en remportant des contrats pour filmer certaines scènes pour Harry Potter ou en développant une activité relative à la surveillance et la sécurité.

Comment évaluez-vous le développement des industries numériques et créatives à Mons et quelle est votre vision d’avenir par rapport à la Digital Innovation Valley ? Une nouvelle révolution technologique est en marche et il ne faut pas rater le train du dévelop-pement. Il est nécessaire de faire rêver les gens, de leur redonner espoir et confiance en eux-mêmes tout en gardant les pieds sur terre. La Digital Innovation Valley est une réalité d’enchante-ment, elle s’est développée autour de quelques grands noms de l’industrie, comme Google ou Microsoft, auxquels se sont raccrochés une myriade de jeunes start-ups. Même si Google a relativement peu d’impact en termes d’emplois locaux directs, sa venue en Belgique a donné un signal extrêmement fort. De plus, il y a chez eux une grande envie d’implication sociale. L’implan-tation de Microsoft ou de Johnson & Johnson en Wallonie ont également été d’autres signaux très positifs, qui ont ensuite été captés par des acteurs comme TechnocITé ou par le programme Creative Wallonia.

À présent, il est nécessaire de consolider ces réussites. Aujourd’hui, par exemple, on assiste à un changement au sein du monde financier, en particulier au niveau de l’informatique bancaire. On pourrait se diriger vers une Digital Financial Innovation Valley, ce qui redonnerait un nou-veau souffle au projet d’origine. Nous avons en Belgique francophone des capacités sur les pro-duits de cryptage, avec des sociétés comme Swift notamment. De plus, notre environnement légis-latif sur la vie privée est assez étendu. Il y a donc un momentum à saisir autour de l’informatique bancaire que l’on pourrait développer chez nous. TechnocITé pourrait être amené à jouer un rôle majeur à l’avenir dans la formation aux métiers informatiques de pointe, dans les domaines de la sécurité et de la cryptographie notamment.

Je vois, pour la période 2014-2020, des op-portunités en Wallonie autour de l’éducation et de la finance. Mais il faudrait pour cela pouvoir consolider les budgets et disposer d’un plan Marshall de l’éducation, tous niveaux confon-dus  : primaire, secondaire, universitaire et formation permanente.

Que peut apporter un événement comme Mons 2015 en termes de retombées économiques et de visibilité pour la région montoise ?La Wallonie a tous les éléments en main pour être une grande région d’Europe. Mais il lui manque encore une vraie image à l’internatio-nal, ce qui est long à construire et coûteux. Un événement comme Mons 2015 permet pen-dant une période déterminée de mettre en lu-mière une région, ce qui est évidemment très positif. Il faudrait concentrer les budgets pour avoir tous les deux ans un événement récurrent de portée internationale. Au-delà du strass et des paillettes, cela mobiliserait la population et nous donnerait des objectifs communs autour de pro-jets ambitieux.

Des régions comme la Catalogne ont été boos-tées par l’organisation des Jeux Olympiques. Nous devons également nous positionner sur de grands événements de ce type, comme un mon-dial des métiers par exemple, mais en pensant correctement au retour sur investissements et, surtout, en tenant les promesses qui sont faites à nos citoyens.

3 // Le salon NAB est organisé par l’Association nationale de radiodiffusion à Las Vegas et est consacré aux professionnels de la radiodiffusion, des spectacles et de la distribution de contenus. Le salon organise également des séances éducatives, des séminaires et des exposés animés par les leaders de l’industrie.

CHAP. 01 10 A/N/M

M. Elio Di Rupo, premier ministre, annonçant le partenariat entre Google et le Mundaneum© Mundaneum

Page 14: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

10 A/N/M

02

/ÉCONOMIENUMÉRIQUE

ET INDUSTRIESCRÉATIVES,

TRANSVERSALITÉET SPILLOVERS/

26 27

Casque de réalité virtuelle Oculus Rift, utilisé lors d’une formation en jeu vidéo à TechnocITé© TechnocITé

Page 15: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

28 2910 A/N/M CHAP. 02

DIGITAL INNOVATION VALLEYDE JEUNES POUSSES PORTEUSES D’UN NOUVEL HÉRITAGE

La Digital Innovation Valley a été imaginée comme un lieu de fertilisation croisée entre culturel et numérique, entre recherche et activités économiques, entre ténors de l’IT et jeunes pousses innovantes. Creuset expérimental à plus d’un titre, il lui faut aujourd’hui réussir une phase de croissance et de pérennisation. L’un des leviers en sera l’« effet Mons 2015 ».

La Digital Innovation Valley, aux portes de Mons, a comme point d’ancrage le parc scientifique Initialis mais dépasse ce seul cadre pour inclure des acteurs installés en périphérie, voire ayant essaimé à plus grande distance. Créée pour cristalliser activités et innovations dans le domaine numérique à dimension culturelle et créative, la DIV s’inscrit parfaitement dans la stratégie de renouveau initiée voici plus de dix ans par la Ville. Les autorités locales ont en effet vu dans la culture un outil de redynamisation et d’attraction, porteur de déve-loppement pour le tourisme, l’économie et l’emploi. L’un des points d’orgue de cette stratégie sera à coup sûr l’événement Mons 2015 qui, pendant une année entière, fera de la ville la Capitale européenne de la Culture. Dans ce contexte, la DIV agit comme un véritable écosystème qui opère en réseau et génère une dynamique d’activi-tés. On y rencontre de multiples acteurs venus de divers horizons : développements Web et mobiles, diffusion numérique, jeux vidéo et jeux sérieux, services réseau, connectique, technologies de l’image... L’imbrication et la complémentarité des profils, compétences et ressources vise à susciter un dynamisme nouveau, une relance des activités économiques. Et le scénario imaginé se concrétise bel et bien dans les faits.

trouvent dans leur voisinage immédiat à la fois des consœurs,

sources d’innovation, et un ensemble de res-sources d’encadrement et d’accompagnement :- TechnocITé, un centre de formation au numé-rique qui s’adresse à la fois aux professionnels actifs et aux chercheurs d’emploi ;- Le Microsoft Innovation Center (MIC) combine formations, cours de certification, incubation de projets et mise à disposition de technologies avan-cées et d’outils : solutions cloud, outils de dévelop-pement, technologies mobiles... ;- La Maison de l’Entreprise procure des conseils, du coaching et des formations en management ;- FuturoCité, centre d’expertise orienté villes intelligentes, partenariat privé entre la Région et des acteurs tels IBM, Mobistar, Microsoft et Cisco. L’un de ses objectifs est de susciter la création de start-up innovantes et d’emplois ;- L’université de Mons, réservoir de compé-tences qui a donné naissance par exemple à la spin-off Multitel, centre de recherche spécialisé en traitement de l’image et du signal et en télécom-munications, et à Numediart, institut dédié aux technologies des arts numériques.

Bien que décentrés par rapport à la DIV, Google et son data center contribuent à la notoriété et à l’attractivité de la zone. Au-delà d’un partenariat d’animation numérico-culturelle avec le Mun-daneum, lui aussi basé à Mons, la société désire mettre en œuvre des programmes de soutien au développement local, voire d’incubation de projets.

Un véritable district numériqueLa proximité et l’interaction de tous ces acteurs font de la DIV un district numérique mêlant les ingrédients d’un cocktail d’innovation. «  On y trouve des centres de formation et d’expertise, des start-up, des success stories telles qu’I-Movix, Fishing Cactus ou Acapela », souligne le profes-seur Alain Finet, attaché à l’institut de recherche HumanOrg de la Faculté d’économie et de gestion Warocqué de l’UMONS. « Le tout favorise le nu-mérique dans un esprit très actuel. L’orientation culturelle et créative rencontre parfaitement la pensée et les attentes sociologiques actuelles, très axées sur le patrimoine, le développement du-rable, la participation... »

Chiffres bruts et implications softAlain Finet a été chargé d’une étude économique qui observera le fonctionnement et l’évolution de la DIV. Objectif : quantifier l’intérêt économique du parc d’activités montois et mesurer l’impact que les mesures prises - publiques ou privées - et les projets initiés ont sur la création d’entreprises et d’emplois.

Elle permettra aussi d’évaluer les effets - que l’on espère dynamisants  - qu’aura Mons 2015 sur l’écosystème local. Placé sous le thème Where Technology meets Culture, cet événement de portée internationale braquera en effet les pro-jecteurs sur la ville, sa région et les acteurs qui y évoluent. Alain Finet a dressé le bilan des dix premières années, élaborant une sorte de ca-dastre des entreprises de la DIV. Sur la base de données objectives (chiffres d’affaires, résultats d’exploitation, capital de départ, effectifs...), il a pu dégager de premiers éléments objectifs  : création d’entreprises et d’emplois, santé finan-cière, transformation de ce qui était, jusque dans les années soixante-dix, une région industrielle (charbonnages, sidérurgie, cimenteries...).

/DIGITALINNOVATION VALLEYDE JEUNES POUSSESPORTEUSES D’UN NOUVEL HÉRITAGE

PAR BRIGITTE DOUCET

/LES START-UPSDE LA DIV

/ LAURENT RENARD (I-MOVIX) : « FORCE EST DE CONSTATER QU’EN DIX ANS, MONS A VU SON PAYSAGE ENTREPRENEURIAL FORTEMENT MODIFIÉ GRÂCE NOTAMMENT À UNE FORTE CONCENTRATIOND’UNIVERSITÉS ET DE HAUTES ÉCOLES ET, CE, MÊME DANS UN CONTEXTE OÙ LES FINANCEMENTS LOCAUX POUR LES ENTREPRISES DE R&D SONT ENCORE RARES. » /

Situation en 2006

Situation en 2012 Évolution

Nombre d’entreprises 41 107 + 161%

Emplois directs 358 1.095 + 205%

Nombre moyen d’emplois par entreprise 8,7 10,2

Situation en 2005* % Situation

en 2011 %

Résultat net négatif 12 sur 25 46% 14 sur 44** 32%

Résultat opérationnel négatif

13 sur 26 50% 13 sur 44 30%

Fonds propres négatifs 4 sur 25 16% 3 sur 44 6,5%

STATISTIQUES GÉNÉRALES [TABLEAU 1]

PERFORMANCES MOYENNES DES ENTREPRISES [TABLEAU 2]

(*) Nombre d’entreprises affichant un résultat négatif par rapport au total des entreprises analysées.(**) Seules 44 entreprises ont été analysées sur la période 2005-2011. De nombreuses nouvelles start-ups se sont créés sur cette même période.

CHAP. 02 10 A/N/M

Page 16: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

30 3110 A/N/M CHAP. 02

Sa première conclusion est que l’orientation numérico-culturelle de la majorité des acteurs de la DIV leur a permis de mieux traverser la crise que d’autres secteurs d’activités. Les chiffres repris dans le tableau 1 en témoignent. Les trois indicateurs démontrent une claire amélioration des performances. «  L’effet a particulièrement été remarquable jusqu’en 2010, époque à laquelle la crise a eu un impact certain », relève Alain Finet. « L’analyse du paramètre fonds propres négatifs [tableau 2] signale une amélioration très sensible de la situation bilantaire ». Petite ombre au tableau : la sous-capitalisation, « qui est une constante auprès des toutes jeunes sociétés, tous secteurs confondus. L’accès au financement demeure difficile. Les capitaux sont souvent aux mains des fondateurs ou de leur entourage - familial ou assimilé. On peut déplorer l’absence de gros investisseurs. Voilà pourquoi le principe du réseautage et de la mutualisation des efforts a tellement d’importance et de valeur. Sans parler du rôle essentiel joué par un acteur tel que TechnocITé pour assurer les formations et servir d’outil d’impulsion [le centre de compétence forme environ sept mille personnes par an] ou par le MIC pour son action de réseautage et de visibilité vers le monde extérieur ».

Ces chiffres seront complétés à l’avenir par d’autres observations  : effets d’essaimage, création de nouvelles sociétés par des entrepreneurs multirécidivistes, constitution de micro-ruches d’activités complé-mentaires autour d’acteurs-phare, longévité des entreprises, attracti-vité vis-à-vis d’acteurs venus d’ailleurs…

L’effet écosystèmeTant TechnocITé que par exemple le MIC participent à l’effet com-munauté et réseau, faisant se rencontrer ressources et talents, procu-rant de l’accompagnement, des contacts, voire des moyens concrets. Le réseautage est également très actif entre sociétés, même lorsque leurs sphères d’activités pourraient en faire des concurrents directs. Elles préfèrent souvent jouer la carte de la complémentarité et de la mutualisation plutôt que de défendre une quelconque exclusivité. C’est notamment le cas dans le domaine de la création de jeux, d’ap-plis et de sites Internet, où les compétences s’entrecroisent de plus en plus.

Pépites et success storiesSi la plupart des sociétés de la DIV sont des microstructures, on a pu voir émerger, au fil des ans, quelques pépites qui se sont hissées parmi les meilleurs acteurs de leur créneau. Elles ne sont pas forcément devenues - ou pas encore - de grandes entreprises, mais ont réussi à percer tant sur la scène locale que sur les marchés étrangers.On pointera par exemple I-Movix (caméras de super-ralentis de télévision sportive), Acapela (synthèse vocale), Fishing Cactus (jeux vidéo et jeux sérieux), Mémoire de Patrimoine (techno-logies 2D et 3D pour architectes, archéologues, conservateurs de musée...), ReakLab (création et infogérance de sites Internet) ou Kollector (traçabilité d’œuvres musicales).

Aucun fil rouge ou recette commune n’explique leur réussite. Si ce n’est qu’elles ont été « initiées par des visionnaires, par des personnes qui, formées au numérique, ont perçu l’évolution du marché et ont su bien se faire encadrer lors du lancement de leur projet et au cours de leurs premières années », analyse Alain Finet.

Mons 2015, facteur de dynamisation« L’efficacité du modèle DIV est démontrée, quantitativement, par les chiffres », répète Alain Finet. « Ils démontrent le potentiel de création de valeur du modèle. Il s’agira demain de tirer parti de l’effet Mons 2015 qui donnera un élan supplé-mentaire. 2015 sera une année charnière, pour encore mieux faire connaître les activités numé-riques de la DIV et Mons elle-même. »

L’un des éléments de réussite sera l’implication des sociétés locales les plus emblématiques et des entrepreneurs, à titre personnel. Certains se font ainsi «  ambassadeurs  » de l’événement, tant en Belgique qu’à l’étranger.

Pour eux, Mons 2015 est « une formidable vitrine pour la culture locale et régionale, un marche-pied pour permettre à toute une région de s’éveiller à celle-ci, mais aussi un beau challenge écono-mique et humain » (Romain Carlier, ReakLab), ou encore «  l’occasion de montrer au monde que notre petite ville est dynamique et souriante, la possibilité d’utiliser notre savoir-faire local pour un événement global » (Laurent Grumiaux, Fishing Cactus).

Un tissu très microLa plupart des sociétés de la DIV sont des TPE1. «  Elles se créent souvent autour d’un projet et basent leur existence sur le renouvellement de projets dans le temps. Cela suppose une importante flexibilité de la main-d’œuvre. L’une des caractéristiques des sociétés est donc de procéder par durées contractuelles déterminées. C’est là un nouveau modèle d’organisation qui fonctionne parfaitement dans le secteur du nu-mérico-culturel. »

La taille modeste des sociétés est un paramètre sur lequel il faudra sans doute agir davantage à l’avenir. «  Le positionnement vers le numé-rique et le culturel s’inscrit dans une perspective de stratégie de différenciation dans le chef des entreprises. Cette différenciation est peu créa-trice d’emplois et débouche rarement sur des résultats nets élevés. Nous ne sommes pas dans le manufacturier et sa stratégie de volume ». Par contre, poursuit Alain Finet, « dans une pers-pective temporelle longue, grâce à cette stratégie de différenciation, les sociétés de la DIV ont ten-dance à mieux traverser la crise que les sociétés du secondaire ».

La politique de croissance - tant individuelle que globale - et d’amplification devra reposer sur un ensemble d’éléments. « Communiquer davantage, accentuer la mise en exergue des success stories, développer des activités citoyennes, voire créer un living lab, une plate-forme où les porteurs de projets viendront tester leurs produits et créations avant de les commercialiser. D’où l’importance de l’implication citoyenne, d’une communauté qui doit jouer le jeu du positionne-ment numérique. »

DIGITAL INNOVATION VALLEYDE JEUNES POUSSES PORTEUSES D’UN NOUVEL HÉRITAGE

DIGITAL INNOVATION VALLEYDE JEUNES POUSSES PORTEUSES D’UN NOUVEL HÉRITAGE

/ ALAIN FINET : « TECHNOCITÉ JOUE UN RÔLE-CLÉ DE PAR LESFORMATIONS QU’IL ASSURE. IL SERT D’OUTIL D’IMPULSION ET D’INCUBATEUR D’INTELLIGENCE ». /

1 // 69 % des sociétés sont des micro-entreprises ou TPE de moins de dix personnes. 30 % sont de petites sociétés (entre dix et quarante-neuf personnes et un chiffre d’affaires de moins de sept millions d’euros). Une seule dépasse la barre des cinquante personnes.

/ ALAIN FINET : « DANS UNE PERSPECTIVE TEMPORELLE LONGUE, GRÂCE À LEUR STRATÉGIE DE DIFFÉRENCIATION, LES SOCIÉTÉS DE LA DIGITAL INNOVATION VALLEY ONT TENDANCE À MIEUX TRAVERSER LA CRISE QUE LES ACTEURS DU SECONDAIRE. » /

CHAP. 02 10 A/N/M

Le projet culturelcomme force

motrice

Programmed’ éducation

continuemassif

5.000 pers/an

Partenariatpublic-privé

dans les incubateurs/accélérateurs

Créationd’un label

Digital InnovationValley

LE MODÈLE DE DÉVELOPPEMENTNUMÉRIQUE À MONS 2008 -2014

Page 17: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

32 3310 A/N/M CHAP. 02

DIGITAL INNOVATION VALLEYDE JEUNES POUSSES PORTEUSES D’UN NOUVEL HÉRITAGE

DIGITAL INNOVATION VALLEYDE JEUNES POUSSES PORTEUSES D’UN NOUVEL HÉRITAGE

CHAP. 02 10 A/N/M

PARC N°13 / MONS INITIALISSITUATION 2006

PARC N°13 / MONS INITIALISSITUATION 2012

Page 18: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

MONS 2015, GENÈSE D’UNE CAPITALE EUROPÉENNE DE LA CULTURE

Pour être élue officiellement en 2010, Capitale européenne de la Culture, Mons a dû élaborer puis mener à bien une stratégie portée par une force politique, mais aussi par la détermination de ses opé-rateurs et une énergie rassembleuse. C’est fort de celle-ci qu’Yves Vasseur, commissaire de Mons 2015, a su réunir dans son projet les dimensions patrimoniales, touristiques et technologiques. À moins d’un an de l’ouverture, il retrace la genèse de cette grande aventure collective.

D’où est née cette volonté de Mons de poser sa candidature au titre de Capitale européenne de la Culture et comment s’est déroulé ce processus ? Yves Vasseur  : L’envie est née de la volonté de positionner claire-ment Mons dans un cadre de redéploiement économique et culturel. Dès le début, les fiançailles de la technologie et de la culture étaient engagées et puis le mariage est arrivé. Elio Di Rupo venait alors d’être élu bourgmestre de Mons. Dans les années 2002-2003, il a réuni une task force afin d’envisager une politique de restructuration. Trois lignes de force se sont dégagées : l’accent sur les nouvelles technologies, une intuition basée sur la réalité encourageante des universités et des start-ups, un pari sur la culture qui était nouveau et le potentiel touristique de la région jusque là sous-exploité. Il fallait alors se don-ner un but avec des objectifs dans le temps et un pouvoir d’attractivité pour les citoyens afin qu’ils puissent s’approprier la manifestation.

À l’automne 2003, j’ai demandé à notre bourgmestre, Elio Di Rupo, de porter la candidature de Mons, Capitale européenne de la Culture sachant que la Belgique y avait droit en 2015. La candidature offi-cielle a été annoncée début 2004 et nous nous sommes mis à la tâche. Au début, je menais ce travail en solitaire, sans équipe mais en me nourrissant de beaucoup de rencontres dans les trois champs qui nous intéressaient. En 2006, un premier document de travail est né, que le collège des bourgmestre et échevins a validé et on a constitué une équipe pour la candidature en 2009. Les thématiques et les intuitions

/ ITW : YVES VASSEURCOMMISSAIRE GÉNÉRAL DE LA FONDATION MONS 2015

PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE FRANCK

/MONS 2015,

se sont révélées bonnes  ; on a vu, par exemple, l’implantation de Google à Saint-Ghislain et la création de la Digital Innovation Valley au parc Initialis avec la présence d’importantes multinationales mais aussi de jeunes entreprises de la région. Cette dynamique nouvelle a créé près d’un millier d’emplois. Nous avons reçu l’appui total des services de la Ville et par la suite une fondation a été créée comme outil opéra-tionnel du projet. Nous avons respecté le processus en cours, avec un premier jury en juin 2009 et un deuxième dossier début 2010 avec une visite du jury à Mons en février 2010 et là, nous nous sommes retrouvés dans la phase de réalisation.

J’avais phasé le projet en quatre étapes, tout au long des quatre années de programmation qui nous séparaient de 2015 : les fondations en 2011, (grandes lignes budgétaires et partenariats, une étape plutôt ingrate), les lignes directrices du projet à établir en 2012 avec une première commu-nication sur les thématiques et les quatre figures emblématiques représentatives de la dimension européenne (Vincent Van Gogh, Paul Verlaine, Roland de Lassus et Saint-Georges comme figure hiératique de mémoire de la ville), la pro-grammation potentielle en 2013 et, en 2014, un dernier screening et la faisabilité budgétaire, humaine, logistique… afin de pouvoir valider fin mars le programme, le distiller sous forme de balises dans les prochains mois et l’annoncer officiellement en septembre 2014.

Quels ont été les principaux atouts de la candidature montoise ?Après Anvers en 1993, Bruxelles en 2000 et Bruges en 2002, nous savions qu’une ville belge pouvait prétendre en 2015 au titre de Capitale européenne de la Culture. In fine, Mons a été la seule ville candidate1 et nous nous sommes retrouvés le jour J du dépôt de dossier seuls en lice. Nous avons fait preuve d’une grande ténacité par rapport aux autres, ce qui s’explique par une envie forte de la Ville de s’impliquer dans ce projet.

Au cours de la deuxième phase, je pense que le jury –  qui a été un peu surpris que nous soyons seuls en piste lors de la première phase - a ressenti cette détermination qui ne venait pas seulement du monde artistique mais aussi de toutes les couches associatives et des différents types d’acteurs impliqués. Cela prouvait que,

GENÈSE D’UNE CAPITALEEUROPÉENNE DE LA CULTURE

34 3510 A/N/M CHAP. 02CHAP. 02 10 A/N/M

Arsonic, nouveau lieu de Mons 2015, dédié aux musiques contemporaines © Fondation Mons 2015

Page 19: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

MONS 2015, GENÈSE D’UNE CAPITALE EUROPÉENNE DE LA CULTURE

MONS 2015, GENÈSE D’UNE CAPITALE EUROPÉENNE DE LA CULTURE

entre lui et Marie Arena, confirmant la volonté de créer un secteur numérique au sein du manège.mons. Le CECN a proposé diverses formations très appréciées, produit et soutenu nombre d’événements de qualité et nourri également notre réflexion sur ce que devait être Mons 2015.

La dimension transfrontalière fait partie intégrante de votre ap-proche tant au manège.mons qu’à Mons 2015. Quels enseigne-ments avez-vous retenus de l’expérience Lille 2004, laquelle est souvent citée en exemple de réussite de Capitale européenne de la Culture, en termes de succès public et d’impact durable pour la ville ?J’ai été un observateur privilégié du projet Lille 2004 mené par Didier Fusiller et son équipe, sans en être un acteur direct. J’ai pu le suivre du début à la fin mais l’aventure de Maubeuge5 a aussi été importante pour moi. J’ai appris des points structurels et organisationnels et cela m’a interpellé quant à la nécessité de l’héritage : comment cette méta-morphose de la ville peut perdurer avec des retombées économiques et sociales (d’ailleurs toujours tangibles aujourd’hui avec Lille 3000 qui maintient vive la flamme). Mais il ne s’agit pas ici de comparer des villes et des contextes différents. Mons vit et vivra son expérience avec sa topologie propre.

.

36 3710 A/N/M CHAP. 02CHAP. 02 10 A/N/M

/ LA JEUNESSE EST UN FORMIDABLE CHEVAL DE TROIE QUI NOUSPERMET AUSSI D’ENTRER DANSLES FAMILLES, LES CLUBS SPORTIFS, LE MILIEU ASSOCIATIF…. /

5 // Yves Vasseur a été pendant plusieurs années administrateur du Manège de Maubeuge.

au-delà d’une légitimité conférée par son patri-moine historique, la ville avait envie de porter ce projet en actionnant la dynamique de sa jeunesse (vingt mille étudiants de l’enseignement supérieur désireux de s’engager dans cette aven-ture). Un autre élément est le lien fort avec les nouvelles technologies dans la thématique, ce qui permet de fédérer le monde de la créativité au sens large et de le croiser à la dimension sociétale. Je pense, en effet, qu’une capitale européenne ne peut pas être uniquement un projet culturel. Il peut aussi y avoir un grand écart entre la ville, l’Europe (qui doit être représentée et s’inviter dans la ville choisie) et les potentialités à mettre en exergue, avec les artistes, les participants et les différents projets, d’ici et d’ailleurs.

N’y a-t-il pas un hiatus entre la réputation de Mons, souvent prise comme exemple à l’étranger pour son pari sur l’innovation et son dynamisme technologique et culturel, et les résistances rencontrées sur le terrain, nécessitant encore un effort de sensibilisation au niveau local ?Cela ne me semble pas étonnant que des dé-marches aussi poussées, qui demandent une communication adaptée, ne rencontrent pas immédiatement la compréhension du public. Cela fait aussi la beauté et la grandeur du travail. Rappelons-nous, en toute modestie, que même Mozart se faisait siffler à son époque  ! Nous obtenons des résultats et le public nous suit, même si l’on peut juger qu’il n’est jamais assez grand. La jeunesse est pour nous un public cible et c’est aux jeunes que nous pensons d’abord.

On ne métamorphose pas une ville pour les seniors mais avant tout pour que des projets puissent se développer et pour faire aboutir des rêves ici. La jeunesse est un formidable cheval de Troie qui nous permet aussi d’entrer dans les familles, les clubs sportifs, le milieu associa-tif… C’est ce qui est à l’œuvre dans le projet de Wajdi Mohawad qui travaille, sur cinq ans, avec un groupe de cinquante jeunes issus de Mons, Namur, Nantes, La Réunion et Montréal autour de la pensée de Sophocle. C’est un projet qui s’in-terroge sur le vivre-ensemble, la cité et la démo-cratie. À l’issue de celui-ci, le metteur en scène présentera les sept tragédies en 2015 à Mons.

Le projet du Centre des Écritures Contem-poraines et Numériques2, initié en 2004, par le manège.mons avec son complice voisin le Manège de Maubeuge et en partenariat avec TechnocITé3, apparaît aujourd’hui comme un élément particulièrement précurseur et porteur de cette thématique finalement choisie pour la candidature de Mons 2015 : la ren-contre de la culture et de la technologie…En 2002-2003, le manège.mons vient de se constituer, s’appuyant principalement sur la création théâtrale (Centre dramatique hennuyer) et musicale (avec Musiques Nouvelles) et je bâ-tis ce partenariat avec le Manège de Maubeuge qui souhaitait créer un studio numérique sous l’impulsion de son directeur, Didier Fusiller. On s’était rendu compte qu’il manquait des appuis pour que les artistes puissent développer leurs projets plus loin et on a imaginé à Mons un partenariat pour offrir une complémentarité avec Maubeuge.

Marie Arena, alors ministre de l’Emploi et de la Formation du Gouvernement wallon, demande à me voir et on lui présente cet outil formidable qu’est TechnocITé, qui manquait encore de visibilité. Elle m’a alors demandé de trouver une personne responsable très rapidement pour pou-voir utiliser des budgets qui risquaient de ne plus être disponibles si nous n’avancions pas concrè-tement très vite. Daniel Cordova4 m’informe alors qu’il a rencontré, en invité du conseil d’adminis-tration du Théâtre des Doms, un certain Pascal Keiser, qui était présent à Avignon et possédait un background d’ingénieur avec une expérience internationale qui pouvait nous être utile. Je l’ai appelé et quarante-huit heures après c’était signé

1 // Si Mons était l’unique ville candidate à ce titre pour la Belgique, elle a dû, pour être finalement sélectionnée, répondre à des critères stricts, contrôlés par un jury de treize experts, dont six désignés par la Belgique et sept par les instances européennes.

2 // Le CECN, structure de formation, production et sensibilisation aux technologies numériques appliquées aux arts de la scène, est soutenu par la Commission européenne

3 // Dont les acteurs principaux étaient, à l’époque, Jacques Delaunois (le directeur aujourd’hui disparu), George Ollinger (administrateur délégué) et Pascal Keiser, actuel directeur.

4 // co-directeur artistique du manège.mons pour le théâtre avec Jean-Paul Dessy pour la musique.

/ LE LIEN FORT AVEC LESNOUVELLES TECHNOLOGIESPERMET ÉGALEMENT DE RAMENER, DANS SON SILLAGE, LE MONDE DE LA CRÉATIVITÉ AU SENS LARGE POUR LE CROISER À LA DIMENSION SOCIÉTALE. /

Page 20: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

38 3910 A/N/M CHAP. 02

TechnocITé s’est inscrit durablement dans le paysage du secteur numérique montois depuis plusieurs années. Au-delà de son action reconnue dans le domaine de la formation permanente, Pascal Keiser, son dynamique directeur, a œuvré au redéploiement écono-mique de la région en pariant sur les nouvelles technologies. Un pari gagnant au vu du re-nouveau qu’a connu Mons en quelques années autour de la Digital Innovation Valley et la ve-nue de quelques majors tels Google, Microsoft ou IBM. Pascal Keiser revient avec nous sur les raisons de ce succès.

Comment s’est passé votre arrivée à TechnocITé en 2003 ?Pascal Keiser : Ayant démarré un lieu au festival d’Avignon, La Manufacture, je rencontrais énor-mément d’artistes et de techniciens en Avignon qui s’étaient emparés des nouveaux logiciels professionnels apparus sur le marché au début des années 2000 pour le montage vidéo et son, qui ne trouvaient pas d’endroit pour se former professionnellement à ces outils. Les écoles d’art en France étaient peu ouvertes à ces nouveaux logiciels. Je me suis intéressé à ces manières d’enseigner et j’ai été convaincu que nous étions face à une rupture sociétale avec la nécessaire apparition de nouveaux processus pédagogiques

INCUBATEUR DE CONNAISSANCES

intensifs. J’ai commencé à rédiger des cursus pédagogiques, sans savoir trop pourquoi, car ce n’était pas mon métier. Puis par un concours de circonstances, j’ai rencontré Yves Vasseur qui venait de créer le manège.mons, et des rencontres se sont organisées entre le cabinet de Marie Arena, alors Ministre régionale de la Formation, et TechnocITé. Les projets rédigés ont été acceptés avec enthousiasme, et cela a été le début d’une longue histoire.

D’où la naissance du CECN (Centre des Écritures Contemporaines et Numériques) ?Oui, la première étape, via un financement interreg, s’est faite avec le Manège, scène nationale de Maubeuge, et Didier Fusillier qui a de suite été partant. L’idée était de répondre au besoin énoncé ci-avant. Nous avons créé des cycles intensifs d’une semaine gérés par TechnocITé autour de différentes disciplines  : vidéo dans les arts vivants avec l’équipe de Denis Marleau qui venait de mettre en scène Les Aveugles, traitement de la voix en temps réel avec Alexandre Mac Sween qui avait travaillé avec Robert Lepage, etc. Ces ateliers pouvaient déboucher sur des résidences de création utilisant les plateaux des manèges (Mons et Maubeuge), avec mise à disposition de matériel. Ensuite, dès 2004, TechnocITé a souhaité développer un département «  médias numériques » dont j’ai eu la charge, et qui s’est installé au Carré des Arts. L’objectif était double : asseoir TechnocITé à Mons, car la structure était localisée au Grand-Hornu et, cela peut paraître bizarre aujourd’hui, elle était inconnue à Mons.Ensuite créer une dynamique de viviers dans les métiers de l’image et du son numérique qui dé-passait le champ des arts vivants du CECN mais pouvait toucher les secteurs de la communica-tion, de l’ingénierie, du web.

Cette démarche était assez unique à l’époque ?Absolument, nous avons pris une position de leader très rapidement en France et en Bel-gique et étions le seul organisme à dispenser de la formation continue dans toute une série de domaines.

/TECHNOCITÉ

Comment TechnocITé s’est-il orientérapidement vers des enjeux de développement économique ?C’est très clairement l’une des missions d’un centre de compétence, le label créé début des an-nées 2000 par Marie Arena, même si la plupart se cantonnent à la formation. En 2005 et 2006, nous avions une position de leader, comme je le disais, mais il n’y avait pas d’économie ou d’éco-système numériques à Mons. Être leader sur des aspects pédagogiques était intéressant mais ne représentait pas une fin en soi. Avec la direction de TechnocITé de l’époque, nous avons tenté une série d’actions résolues pour tenter de changer la situation.

Il m’est immédiatement apparu que le modèle de la Silicon Valley devait être étudié de plus près si nous voulions développer une dynamique nouvelle. Je me suis rendu à San Francisco et ai pris rendez-vous avec le directeur du bureau de l’AWEX sur place, Pierre Leclercq, en lui deman-dant d’organiser diverses visites d’incubateurs, notamment à San José. L’implication des par-tenaires privés et une approche spécifique dans le développement de l’économie numérique me sont apparues comme une évidence à ce mo-ment, mais nous étions dans une logique d’ac-compagnement strictement public et généraliste en Wallonie. Les dynamiques à l’œuvre entre majors et start-ups représentaient un modèle performant, mais pourtant inconnu chez nous.Cela a pu déboucher deux ans plus tard sur la création de centres d’accélération comme le MIC ou FuturoCité, en s’appuyant sur une série d’opportunités et grâce au travail d’une équipe réduite comprenant Pierre Leclerq, Jean-Pierre Marcelle et moi-même.

Quel a été le rôle d’Elio Di Rupo dans ce processus ?Il a été fondamental, et ce dès 2004. Elio Di Rupo a compris l’enjeu que constituait l’économie numérique pour le redéploiement de sa ville et nous a solidement accompagnés dans tous les projets. Un appui politique de cet ordre et de cette qualité a été un élément décisif sur toute une série de dossiers.

Comment est apparu le thème « Where Technology meets Culture » de Mons 2015 ?Très simplement. Dans toute cette démarche, nous avions réalisé un teaser présentant les atouts de Mons dans le numérique qui ferait aujourd’hui rire les jeunes entrepreneurs de la DIV, car nous avions peu de choses à faire valoir. J’avais réalisé ce teaser et l’avais avec ambition nommé «  Where Technology meets Culture  ». Lors des ateliers préparant Mons 2015 à la ville, il a été apprécié et a imposé le challenge de miser sur les nouvelles technologies pour le dossier, risque qu’Elio Di Rupo a osé prendre à l’époque.

Dans le projet Mons 2015, quelle est la place de TechnocITéet de la formation continue ?Elle fut décisive. Les premières questions du jury européen lors de la présentation finale portaient sur le nombre de personnes formées par an à TechnocITé, sur les cursus de formation etc. C’était un moment très émouvant car nous récoltions le fruit de sept années de travail et avions pu développer une démarche singulière à l’échelle européenne.

Vous vous êtes impliqué dans plusieurs entreprises de la DIV,cela a-t-il été utile pour votre compréhension des besoins en formation ?L’implication opérationnelle et financière dans des start-ups devrait être une obligation pour travailler dans le champ de la formation professionnelle, en particulier dans le secteur numérique, mais aussi du développement économique numérique. Je ne suis pas un tech-nocrate du numérique mais un praticien avec une triple casquette culture, technologie et économie, que l’on retrouve également dans mon action au sein de TechnocITé. J’ai pris beaucoup de plaisir à accompagner I-Movix et Fishing Cactus dans sa recherche en capital à leurs débuts. Je me suis beaucoup investi dans Virtualis, une mise en réseau d’une dizaine d’entreprises actives dans les médias numériques, projet qui n’a pas été un succès pour diverses raisons, mais où j’ai le plus appris. Malheureusement, nous n’avons pas encore une culture de l’échec ni du succès en Wallonie.

TECHNOCITÉ, INCUBATEUR DE CONNAISSANCES

/ CE DONT JE SUIS PARTICULIÈREMENT FIER, C’EST QUE CETTE ACTIONDE REDÉPLOIEMENT ÉCONOMIQUEET D’INNOVATION A PU ÊTRE RÉALISÉE EN PARALLÈLE À UNE DÉMARCHETRÈS FORTE ET VOLONTARISTE DERESOCIALISATION, PRÈS DE MILLE CINQ CENTS DEMANDEURS D’EMPLOI ÉTANT RÉINSÉRÉS ANNUELLEMENT DANS LES FILIÈRES NUMÉRIQUES. /

/ FAIRE COMPRENDRE ET ACCEPTER LA VISION QUE LA GESTION ET LA MAÎTRISE MASSIVE DES CONNAISSANCES NUMÉRIQUES ET UN OUTIL COMME TECHNOCITÉ SONT DES ÉLÉMENTS DÉ-CISIFS DANS L’ÉCONOMIE D’AUJOURD’HUI : ILS CRÉENT UN AVANTAGE COMPÉTITIF MAJEUR POUR LE TERRITOIRE DANS NOTRE SOCIÉTÉ EN ACCÉLÉRATION CONSTANTE. /

/ ITW : PASCAL KEISERDIRECTEUR DE TECHNOCITÉ

PROPOS RECUEILLIS PAR VINCENT DELVAUXET OLIVIER FABES

CHAP. 02 10 A/N/M

Page 21: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

4140 10 A/N/M CHAP. 02

TECHNOCITÉ, INCUBATEUR DE CONNAISSANCES

TECHNOCITÉ, INCUBATEUR DE CONNAISSANCES

CHAP. 02 10 A/N/M

Formation aux technologies du jeu vidéo © TechnocITéFormation photographie numérique © TechnocITé

Salle de formation de TechnocITé © TechnocITé

Page 22: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

TechnocITé a souhaité mieux connaître les besoins des entreprises de la DIV, et nous avons dès lors demandé une étude à l’UMONS (menée par le Professeur Alain Finet) afin de constituer une base de données analytique des éléments économiques des entreprises réper-toriées, complétée par une étude qualitative des besoins.

Comment a été lancé le concept de Digital Innovation Valley ?Il s’agissait de relier sous un même label des évènements tels que l’investissement énorme de Google, l’action à échelle massive de for-mation permanente de TechnocITé, les centres d’innovation et de recherche présents sur le territoire, bref mettre en lumière un éco-système naissant sur la carte européenne. Lors d’une conférence de presse en compagnie de Steve Ballmer en avril 2008, Elio Di Rupo a accepté de lancer le terme de Digital Innovation Valley pour qualifier le nouveau dynamisme économique montois. Ce terme de rupture a été amplement repris par la presse, sans qu’il n’y ait jamais eu de structure juridique pour le soutenir. Au-delà du coup marketing, ce nom de Digital Innovation Valley a vraiment réussi le challenge de ré-unir toute une série d’initiatives complémentaires qui auraient pu ap-paraître comme disparates, qui ont fait que Mons compte aujourd’hui dans le monde numérique européen. Le plus important sans doute, c’est que ce mouvement a permis de créer des emplois endogènes, générés par des entreprises locales, au bénéfice direct de l’économie régionale. Non seulement, Mons est parvenue à endiguer la fuite des cerveaux, mais elle accueille de plus de plus de talents attirés par notre qualité de vie.

Quelle est votre vision des dix années passéesau sein de TechnocITé ?J’ai pu, avec Georges Ollinger, Jacques Delaunois et quelques autres, faire comprendre et accepter la vision que la gestion et la maîtrise massive des connaissances numériques et un outil comme TechnocITé sont des éléments décisifs dans l’économie d’aujourd’hui : ils créent un avantage compétitif majeur pour le territoire dans notre société en accélération constante. L’animation économique du secteur numé-rique s’est déplacée très fortement vers la compétence et les connais-sances de l’individu, des écosystèmes, le soutien et l’accompagnement privé. En dix ans, nous avons pu, à partir d’un projet culturel et du cursus de formation permanente, changer le destin et l’horizon de notre région : attirer de grands acteurs du numérique, créer des éco-systèmes nouveaux innovants entre acteurs publics et privés, capter les talents sur le territoire, créer un terreau fertile sur lequel peut croître la nouvelle économie numérique et créative, créer une ambi-tion collective et virale pour la jeunesse d’une région qui avait perdu l’esprit d’entreprendre. Ce dont je suis particulièrement fier, c’est que cette action de redéploiement économique et d’innovation a pu être réalisée en parallèle à une démarche très forte et volontariste de reso-cialisation, près de mille cinq cents demandeurs d’emploi étant réin-sérés annuellement dans les filières numériques grâce à TechnocITé, ce qui en fait un projet exemplaire et unique à l’échelle européenne.

42 4310 A/N/M CHAP. 02

En tant que ministre de la formation en Ré g i o n w a l l o n n e , Marie Arena a sou-tenu activement le

développement de TechnocITé et l’émer-gence d ’un pôle numérique à Mons. À l’époque, le contrat d’avenir pour la Wallonie visait à créer de véritables pôles de développe-ment économique wallons, en misant sur la for-mation. « Nous avons privilégié sur Mons l’axe du numérique car il s’agissait d’un secteur émer-gent créateur d’emplois. Ce constat avait été posé par les partenaires économiques de la région tels que l’intercommunale IDEA, qui était prête à soutenir économiquement l’arrivée d’entreprises leader dans ce secteur. Ce partenariat nous a convaincus d’investir dans la formation. »

La clé de la réussite selon Marie Arena, c’est qu’un maximum d’acteurs ont cru dans le projet : « Les mondes académique, économique et politique ont construit ensemble une stratégie cohérente pour rendre la région montoise plus attractive. Il ne faut pas non plus oublier le monde culturel. Le développement d’une région passe aussi par son offre culturelle et Mons 2015 constitue à cet égard une opportunité exceptionnelle. »

En plus d’avoir la foi, il faut aussi oser prendre des risques. « Le principal mérite de TechnocITé, c’est son ouverture et son innovation. Le centre de formation aurait pu rester sur des voies relati-vement balisées du secteur des TIC convention-nel. Au contraire, ils ont pris le risque d’investir dans des compétences plus pointues, sur des “niches” comme le gaming par exemple. Ne pas faire ce que tout le monde fait mais le faire dans l’excellence ! »

/UN CREDO ACADÉMIQUE, ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE

TECHNOCITÉ, INCUBATEUR DE CONNAISSANCES

TECHNOCITÉ, INCUBATEUR DE CONNAISSANCES

5.000personnes formées aux métiers

du numérique par ansur la période 2004-2014

- -+ 100

PME high-tech

- -3.000

EMPLOIS CRÉÉSOU ACCOMPAGNÉS

1.000dans la Digital Innovation Valley

1.000 dans les industries créatives

1.000parmi les indépendants et free-lance en support

de l’économie numérique.

Le développement numérique de Mons, à travers notamment le rôle moteur de TechnocITé, puise en fait ses racines à quelques kilomètres de là, sur le site

industriel minier du Grand Hornu. C’est en effet lors de la rénovation de ce patrimoine néoclas-sique exceptionnel, dans les années quatre-vingt, qu’une équipe de cinq doux rêveurs, emmenée par Claude Durieux, imagine de lui donner un nouveau souffle. «  Au départ, il s’agissait de créer une nouvelle utopie, un laboratoire d’idées neuves, qui allierait culture et nouvelles technologies », se souvient Georges Ollinger, qui faisait partie de l’équipe et est devenu le premier administrateur délégué de TechnocITé. «  J’étais en charge des projets “technologies”, que j’ai orientés vers l’informatique, les télécoms et le numérique. Le ferment de TechnocITé et d’un développement de projets numériques était en place.  » En 1991, un Centre de technologies avancées consacré au numérique voit le jour, suivi en 1995 d’un Centre d’excellence en télé-communications. Les deux fusionneront en 2000 pour créer TechnocITé.

« La magie du site du Grand Hornu a été détermi-nante, tout comme par la suite l’enthousiasme d’Elio Di Rupo pour adhérer au projet et lui donner une nouvelle ampleur avec la Digital Innovation Valley. La spirale positive était alors enclenchée, avec l’adhésion de partenaires insti-tutionnels tels que l’Europe, la Région wallonne, la province de Hainaut, le Forem, mais surtout de partenaires technologiques de renom interna-tional », souligne Georges Ollinger.

/UN LABORA-TOIRE D’IDÉESNÉ AVECLE GRANDHORNU

CHAP. 02 10 A/N/M

Page 23: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

44 4510 A/N/M CHAP. 02

MICROSOFT INNOVATION CENTER : AGENT D’ÉMERGENCE

MICROSOFT INNOVATION CENTER : AGENT D’ÉMERGENCE

Une communauté forte autour de l’innovation au MIC © Microsoft Innovation Center

CHAP. 02 10 A/N/M

Page 24: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

46 4710 A/N/M CHAP. 02

MICROSOFT INNOVATION CENTER : AGENT D’ÉMERGENCE

AGENT D’ÉMERGENCE

/ ITW : BEN PIQUARDDIRECTEUR DU MICROSOFT INNOVATION CENTER

PROPOS RECUEILLIS PAR BRIGITTE DOUCET

/MICROSOFTINNOVATION CENTER :

Au sein d’un écosystème, chaque acteur apporte des ingrédients de l’alchimie globale. C’est aussi le cas dans l’Innovation Digital Valley montoise, où divers acteurs —  tant privés que publics  — servent de moteurs d’activités. Parmi eux, le Microsoft Innovation Center fait office de point d’ancrage et de source d’initiatives com-binant incubation, formation et impulsion à l’innovation.

En 2008, les intérêts de divers acteurs publics et privés se sont rencontrés autour d’un projet de redynamisation économique de la région montoise. La volonté des autorités publiques était d’agir sur quelques faiblesses et besoins de la région  : sous-équipement informatique des PME et, dans une certaine mesure, des administrations, manque d’informaticiens, nécessité d’aider les chercheurs d’emplois mais aussi les personnes actives à développer des compétences supplémen-taires en IT… Le terreau sur lequel Mons pouvait greffer sa transfor-mation en une région tournée vers les nouvelles technologies avait de claires connotations artistiques et culturelles. Terreau fertile et propice à l’inventivité du numérique.

Mais, pour réussir sa genèse, tout nouveau parc d’activités a besoin d’acteurs de renom pour servir de pôles d’attraction et jouer les mo-teurs et stimulateurs d’activités. Après Google et son data center, ce fut au tour de Microsoft de voir dans l’Innovation Digital Valley une initiative qui correspondait à ses propres objectifs. Pour favoriser son propre modèle, la société a en effet besoin de booster le taux d’infor-matisation des PME locales, de susciter de nouveaux besoins pour ses solutions et de rehausser le degré de maturité de ses partenaires.

De là naquit l’idée d’implanter un Microsoft Innovation Center à Mons. Un MIC qui allait devenir l’un des maillons de l’écosystème, participer à la création de valeur, susciter des projets d’innovation, former ou inspirer de nouvelles compétences numériques chez les jeunes et les chercheurs d’emploi.

Le premier MIC du genreLa rencontre de ces deux besoins — publics et privés — fut l’occasion de faire évoluer le modèle sur lequel reposait le concept d’Innova-tion Center chez Microsoft. Jusque là, ces centres n’étaient créés que dans les pays dits émergents et, habituellement, en partena-riat avec des universités, réservoirs traditionnels de talents. Pour la première fois —  d’autres pays et régions allaient rapidement adopter le modèle montois —, un MIC se montait dans un pays mature sous forme de partenariat privé-public. La Région s’engageait à cofinancer le centre tandis que Microsoft apportait quelques fonds de départ mais surtout, à long terme, des ressources humaines et des moyens technologiques.

Un ADN évolutifLe triple leitmotiv de départ du MIC était apprendre, innover, entreprendre.Trois axes d’activités ont donc été initiés :- apprendre, via des formations, des certifications et des stages ;- innover, en initiant des appels à projets ;- entreprendre, au travers des Boostcamps pour porteurs de projets.

«  Au début, le MIC avait pour vocation d’être un laboratoire où des start-up viennent tester et exploiter de nouvelles technologies », explique Ben Piquard, directeur du MIC. Bien vite, ce modèle a pris une nouvelle tournure, à l’instigation des premiers intéressés, les porteurs de projets. L’évolution progressive des activités du MIC a été impulsée par la situation locale et des demandes venant des acteurs de terrain (PME, jeunes start-ups, personnes en demande d’emploi...)

«  Nous nous sommes en effet aperçus que la qualité des stages qui étaient proposés aux étudiants des hautes écoles était souvent inégale et décevante pour ces jeunes. Dans le même temps, les PME de la région et surtout les start-ups ne trouvaient pas chaussure à leur pied. Elles n’ont en outre pas le temps ou les moyens d’encadrer les stagiaires. L’idée a dès lors émergé d’un triangle vertueux : le MIC accueille les stagiaires, leur donne des formations, un encadrement, leur permet de décrocher des certifications ; les jeunes trouvent des stages de qualité, peuvent travailler sur des projets novateurs qui accentuent leurs chances de mise à l’emploi au sortir des études  ; et les PME et start-ups peuvent concentrer leur accompagnement sur la partie purement business du projet. »

Le MIC a aussi eu un effet moteur non négli-geable en initiant divers appels à projets dans des domaines novateurs. L’un des premiers exemples en fut les jeux sérieux. Exemple emblématique : un petit studio de développement de jeux vidéo, Fishing Cactus, allait saisir l’occasion d’ouvrir un nouvel axe d’activités qui, aujourd’hui, lui donne une notoriété internationale. L’équipe s’est sérieusement étoffée, des contrats ont été pas-sés avec des clients internationaux de renom et la start-up a même mis un pied aux États-Unis. Et l’effet ne se limite pas à une seule société. Souvent, il essaime et rebondit. Fishing Cactus a inspiré d’autres starter qui ont créé leurs propres agences orientées jeux vidéo ou jeux sérieux et ont profité de l’émulation mais aussi d’une demande qui, entre-temps, avait pris de l’ampleur.

Une approche exclusivement top down n’aurait à l’évidence pas donné les mêmes résultats. Le modèle qui a été instauré est plutôt de type bottom up, ou peer to peer, celui de l’écoute des besoins et de leur transposition dans l’offre de nouveaux services. Tout en préservant, bien en-tendu, les intérêts de la société américaine.

L’effet papillonLe même schéma s’est répété à la faveur d’un appel à projets orienté développement d’applis pour le Windows Phone, projet qui a éveillé l’intérêt de quelques starter et jeunes pousses qui ont ajouté cet environnement à leur panoplie. « Au début, dans la phase early stage, nos ateliers et appels à projets étaient la principale source d’applis pour Windows Phone. Dans cette phase, sur les 400 premières applis répertoriées dans le monde, 250 étaient sorties du MIC.  » De quoi faire émerger des développeurs qui y ont trouvé un nouveau champ d’activités et ont propagé le virus dans les sociétés qui les ont engagés.

/ S’ADAPTER RAPIDEMENTÀ L’ÉVOLUTION DU CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET TECHNOLO-GIQUE ET AUX BESOINSDE LA RÉGION DE MONS. /

Boostcamp au MIC © MIC

L’innovation au MIC, une priorité © MIC

CHAP. 02 10 A/N/M

Page 25: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

48 4910 A/N/M CHAP. 02

MICROSOFT INNOVATION CENTER : AGENT D’ÉMERGENCE

MICROSOFT INNOVATION CENTER : AGENT D’ÉMERGENCE

C’est ainsi qu’un stagiaire qui avait développé une petite appli anodine pour Windows Phone a ensuite converti son futur employeur à cet environnement. « Et, quand la société a dû trouver une solution d’hébergement, elle s’est tout naturellement tournée vers Azure plutôt que vers Amazon. Dans la foulée, tous ses clients l’ont imitée.  » Conclusion  de Ben Piquard  : « L’investissement auquel nous avons consenti au départ avec ce stagiaire est pour le moins payant. »

L’imagination au pouvoirAutre exemple d’activité qui a suscité des vocations et amené les jeunes à se découvrir des talents insoupçonnés ? Des ateliers de robotique pour jeunes étudiants.

Le MIC, lui, poursuit dans sa philosophie d’im-pulsion, de test de nouvelles idées. 2014 verra ainsi naître les SoftLabs, désinence logicielle des FabLabs. « Nous mettrons à disposition des moyens logiciels permettant à des PME et start-ups, à des personnes qui n’ont pas forcément un profil technique de tester et prototyper en quelques jours des idées ayant un réel potentiel de valorisation business. Nous apportons le sa-voir-faire technique. Nous voulons ainsi booster 40 start-ups par an. Les idées générées pourront être mutualisées, implantées dans l’écosystème. »

Impact tangible et essaimageL’un des objectifs chiffrés du MIC, défini de concert par les autorités publiques et Microsoft, était de générer une centaine de nouveaux em-plois par an. Objectif atteint quand on mesure la somme des créations d’activités  : nouvelles start-ups ou croissance de jeunes pousses déjà existantes, lancement de nouvelles activités par des sociétés plus matures...

Et l’effet se fait parfois sentir loin de Mons. Un phénomène d’essaimage est à l’œuvre. Le succès des activités d’incubation et d’accom-pagnement de projets a poussé d’autres acteurs à adopter la formule. Des activités similaires ont ainsi vu le jour ailleurs, à commencer dans les MIC qui ont ouvert leurs portes à Bruxelles et en Flandre. Mais aussi auprès d’autres acteurs locaux, tant privés que publics.

Là encore, les résultats ont dépassé ce que les responsables avaient sans doute imaginé au départ. Des stagiaires ont donné libre cours à leur inventivité pour combiner par exemple robotique et cloud  : stocker l’intelligence (les programmes et scénarios) dans le cloud afin de la rendre disponible en permanence pour les sollicitations de robots, tel Nao. L’idée a été saluée par des médias internationaux et a permis à son auteur d’être sélectionné parmi les cinq meilleurs projets du concours Microsoft Next, où concourraient pas moins de vingt-sept mille candidats à travers le monde…

De l’innovation à l’incubationDe terrain d’expérimentation technologique, le MIC allait aussi devenir un incubateur de jeunes pousses. Là encore, la réorientation a été impulsée par le terrain. «  Nombre d’entrepreneurs désiraient pouvoir lancer un projet et venaient vers nous avec toute une série de questions qui portaient davantage sur des aspects business que technolo-gie : choix de tarification, qualité de leur business model, recherche de visibilité… Nous avons donc initié des ateliers ainsi que des “journées experts”, où des spécialistes viennent traiter de problématiques spécifiques. Nous sommes ainsi passés en mode transmission de savoir ».

Et cette piste de l’incubation a suscité l’intérêt d’autres organismes qui ont reproduit l’idée. À telle enseigne que la profusion d’initiatives pousse aujourd’hui le MIC à se repositionner. Désormais, le MIC ne sera plus le pilote des Boostcamps, se contentant d’organiser des acti-vités et de mettre des compétences à disposition d’autres acteurs qui ont repris le flambeau.

De son côté, le MIC a commencé à jouer la carte de la décentralisation. À partir de 2013, les Boostcamps ont quitté leur terre d’ancrage montoise pour aller essaimer formations et sessions d’incubation à travers toute la Wallonie, au plus près des porteurs de projets mais aussi d’autres organismes d’accompagnement —  centres d’entreprise, agence publique de stimula-tion économique, autres incubateurs...

La formule de stages pour jeunes, au service de PME et de start-ups, a quant à elle été reprise par le MIC bruxellois.

Autre impact sur l’économie locale  : le taux de mise à l’emploi. Les stages encadrés par le MIC, effectués au sein de petites sociétés novatrices, et les certifications décernées aux stagiaires ont eu un effet non négligeable sur le taux de mise à l’emploi. « Il est prouvé qu’une personne qui a décroché une certification a 65 % de chances de plus de trouver un emploi », déclare Ben Piquard.

Autre effet direct  : grâce au renforcement de l’écosystème local, les personnes qui bénéfi-cient de formations et de certifications trouvent davantage un emploi dans leur région, plutôt que de devoir «  s’expatrier  » vers Bruxelles ou d’autres zones hier plus propices.

/ NOTRE PHILOSOPHIE EST CELLE DE L’IMPULSION. À SAVOIRENCOURAGER UNE BONNE IDÉE PAR UNE MISE DE FONDS OUUN APPORT D’EXPERTISE ET LUI DONNER LES MOYENS DE VIVRE SA VIE. / BEN PIQUARD

/ L’UN DES ÉLÉMENTS MAJEURSEST LE SPIRIT DE CES NOUVELLES GÉNÉRATIONS DE STAGIAIRES. ILS NE SE POSENT PAS DE QUESTIONS. POUR EUX, C’EST COMME S’ILS ÉVOLUAIENT DANS LA SILICON VALLEY. ILS SONT DÉCOMPLEXÉS, LEURS AMBITIONS SONT PLANÉTAIRES. / BEN PIQUARD

CHAP. 02 10 A/N/M

Jean-Claude Marcourt, Ministre de l’Economie, des PME, du Commerce extérieur, des Technologies nouvelles et

de l’Enseignement supérieur au MIC @ MIC

Page 26: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

50 5110 A/N/M CHAP. 02

Contribuer à impulser l’économie en suscitant de nouveaux potentiels d’activités pour des acteurs locaux. Tel est l’un des objectifs d’un partenariat public-privé qui a choisi comme terrain d’action les besoins multifacettes des petites et grandes municipalités wallonnes. FuturoCité se propose de les engager davan-tage dans la voie des «  villes intelligentes  » et de l’innovation durable. Pour celles-ci, rationalisation, modernisation et innovation passent nécessairement par la mise en œuvre des nouvelles technologies numériques.

Pour parler de FuturoCité, il nous faut —  paradoxalement  — faire un bref retour vers le passé proche. FuturoCité est en effet la réincar-nation d’EuroGreen IT, un centre de R&D et de prototypage créé à Mons en 2010 afin de servir de pôle de développement économique orienté croissance et innovation durables. Sa mission  : «  stimuler la création et le développement, par des PME wallonnes, de solutions informatiques visant à améliorer l’efficience énergétique de l’en-semble des secteurs de l’économie régionale ». Le rôle confié au centre était multiformes : ima-giner, susciter et inspirer des projets novateurs, identifier et exploiter de nouvelles technologies, favoriser les activités et l’innovation d’acteurs locaux apportant des réponses dans ce registre du green et du durable, impulser l’innovation mais aussi les changements de comportement en matière d’efficience environnementale (auprès des citoyens, des entreprises et des pouvoirs publics), promouvoir la création de start-ups et d’emplois dans cette nouvelle filière.

Green IT et IT for green devint ainsi le leitmo-tiv du centre. Et, ce, dans une série de domaines identifiés comme prioritaires  : la mobilité, les bâtiments, l’espace urbain ou encore l’éclairage public. Outre l’orientation choisie — les techno-logies de l’information et des communications mises au service du développement durable  —, le centre d’expertise a eu comme particulari-té de se structurer d’emblée sous la forme d’un partenariat public-privé. Aux financements directs apportés par la Région wallonne sont venus se combiner des compétences et des ressources humaines mises à disposition par plusieurs sociétés privées actives dans le secteur de l’infor-matique et des communications1.

Nouveau fil rouge pour la « vertitude » À l’issue des trois premières années, un bilan fut tiré pour juger de l’efficacité des démarches initiées. Parmi les facteurs ayant largement influencé les activités du centre, on ne pou-vait que prendre en considération le contexte économique. Les restrictions budgétaires aux-quelles tous les acteurs de l’économie — grands ou petits — mais aussi les simples citoyens ont dû

faire face à l’entame de la décennie ont souvent eu raison d’élans généreux qui voulaient inciter l’homo dilapidus à revoir ses comportements et à prendre conscience de l’urgence des défis. Pour optimiser l’action du centre, il fut donc décidé de refocaliser en partie sa charte et ses thèmes d’action. Sans remettre en cause le thème fonda-mental de l’efficience énergétique, un nouveau fil rouge fut choisi, à savoir celui des villes qui concentrent à la fois une masse croissante de population et un nombre élevé de probléma-tiques liées à l’efficience. Raison pour laquelle on assiste aujourd’hui à un mouvement de fond vers ce qu’on appelle les villes intelligentes. Loin du buzz et des effets purement marketing qu’ins-pire souvent ce concept de smart city, FuturoCité veut ancrer l’intelligence urbaine au cœur même des réalisations, des projets et des transforma-tions entamées par les villes et communes.

Désormais, sa mission est de mettre l’innova-tion technologique au service de la croissance et de la relance économique régionale en accé-lérant le développement de villes et communes plus intelligentes. Pour ce faire, FuturoCité peut s’appuyer sur les bases jetées par EuroGreen IT et sur certains projets, dossiers et analyses déjà ini-tiés. Le périmètre d’action redéfini est celui de la mobilité, de la gestion énergétique des bâtiments publics et de la sécurité.

Passage à l’acteFuturoCité agit plus en aval qu’EuroGreen IT, mettant davantage l’accent sur la réalisation de projets concrets que sur la veille et l’expérimen-tation technologiques. La charte signée avec la Région prévoit un impact tangible sur un grand nombre de villes et communes de Wallonie et sur l’activité économique régionale (voir enca-dré). Pour concentrer mais aussi optimiser son action, FuturoCité s’adresse en priorité aux qua-rante principales entités. Ces villes et communes sont non seulement des terrains idéaux pour le lancement d’initiatives qui dégagent des effets tangibles immédiats, mais elles deviennent ainsi des cas d’école, des sources de bonnes pratiques et d’inspiration pour les autres entités, éventuel-lement plus modestes.

AGENT DE « DURABILITÉ » LOCALE

/FuturoCité

/ INCITER L’HOMO DILAPIDUS À REVOIR SES COMPORTEMENTS ET À PRENDRE CONSCIENCE DE L’URGENCE DES DÉFIS. /

FUTUROCITÉ, AGENT DE « DURABILITÉ » LOCALE

Un axe Innovation technologique. À l’is-sue de son mandat initial de trois ans, le centre doit avoir sen-sibilisé l’ensemble des communes et admi-nistrations wallonnes

et avoir concrétisé des projets auprès des qua-rante plus importantes entités, qui représentent une population de 1,7 million d’habitants.

Un axe Croissance et relance économique.Au cours de son premier mandat de trois ans, FuturoCité se donne pour objectif- de générer un marché wallon d’intelligence urbaine évalué à minimum cent millions d’euros,- de susciter la création de vingt start-ups actives dans le domaine des nouvelles technologies de l’information dédiées à l’optimisation de l’effi-cience énergétique des villes et communes,- et de créer directement ou indirectement deux cents emplois dans le secteur IT local.

/LA MISSION DÉVOLUE À FUTUROCITÉ SE STRUCTURE EN DEUX AXES.

/ ITW : FRANCK BUTSTRAENDIRECTEUR DE FUTUROCITÉ

PROPOS RECUEILLIS PAR BRIGITTE DOUCET

1 // Les partenaires privés qui, dès le départ, se sont engagés dans ce partenariat public-privé furent IBM, CISCO, Mobistar, Alcatel, Microsoft et Deloitte. Le modèle de parte-nariat a été reconduit lorsque EuroGreen IT est devenu FuturoCité. Les partenaires au-jourd’hui actifs sont IBM, CISCO, Mobistar, Microsoft et NRB. D’autres pourraient les rejoindre.

/ LA MUTUALISATION EST UN OUTIL DONT IL FAUDRAIT DAVANTAGE SE SERVIR. IL EST POSSIBLE DE TROUVER, DU CÔTÉ DES VILLES ET COMMUNES, DES SIMILARITÉS DANS LES PROBLÉ-MATIQUES AUXQUELLES ELLES SONT CONFRONTÉES. CELA PERMET D’INITIER DES BONNES PRATIQUES ET DE METTRE DES MOYENS ET DES SOLUTIONS EN COMMUN. /FRANK BUTSTRAEN, DIRECTEUR EXÉCUTIF DE FUTUROCITÉ.

CHAP. 02 10 A/N/M

Page 27: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

52 5310 A/N/M CHAP. 02

FUTUROCITÉ, AGENT DE « DURABILITÉ » LOCALE

FUTUROCITÉ, AGENT DE « DURABILITÉ » LOCALE

Low hanging fruitsSi la prise de conscience des défis énergétiques, environnementaux et pérennants est désormais une chose acquise, les contraintes économiques ont parfois pour conséquence de faire remiser dans les cartons des projets orientés économie durable. Des exemples concrets de réalisations réussies sont dès lors de nature à dynamiser les investissements.

Dans le secteur public, l’une des problématiques les plus aiguës est celle des coûts de l’énergie. Dans ce domaine, des gains évidents et considérables peuvent être engrangés assez rapidement. Divers pa-ramètres y contribuent, à commencer par l’ancienneté qui caractérise souvent les bâtiments publics (administrations, écoles,...).

70 % du parc immobilier public a été construit avant la fin du siècle dernier, et bien souvent largement avant, à une époque où l’énergie était sensiblement moins chère. Certains d’entre eux datent d’avant même que le premier choc pétrolier ne frappe, voici déjà plus de quarante ans. C’est ce parc plus ancien qui engloutit la majorité des ressources énergétiques. Si la facture énergétique représente 30 % du coût total d’exploitation d’un bâtiment, elle est encore sensiblement plus lourde pour ces édifices plus anciens. Or, il a été démontré que, sans procéder à de lourds et (trop) coûteux travaux de rénovation, la mise en œuvre d’une solution qui assure une surveillance constante de la consommation peut, à elle seule, conduire à une réduction de consommation de l’ordre de 10 à 15  %. Elle permet en effet de pointer les carences et déperditions et conduit à une optimisation de l’utilisation qui est faite du bâtiment et à une adaptation des com-portements. Pour les villes et communes, quelle que soit leur taille, cela peut aisément se chiffrer en dizaines, voire centaines de milliers d’euros d’économie par an. C’est donc là un terreau porteur, généra-teur d’innovation et d’activités pour l’écosystème local. Le rôle que joue FuturoCité est celui d’un conseiller et d’un accompagnateur de projets (voir encadré).

À ce titre, le centre favorise la mobilisation de ressources nouvelles. Sur la base de ses propres activités et interventions, l’objectif est de susciter la création de nouveaux logiciels ou services. Notamment pour le suivi, l’analyse, l’interprétation des relevés de consommation — dans le cloud ou ailleurs. Une multitude de services et d’applica-tions peuvent venir s’y greffer, qui devraient inspirer aussi bien les grands acteurs que des PME, start-up ou spin-off.

La première entité communale à faire appel à ce service de FuturoCité est Ottignies-Louvain-la-Neuve. D’autres villes et communes ont d’ores et déjà marqué leur intérêt, notamment les villes d’Andenne et de Verviers. D’autres ont été contactées (Liège, Namur, Mons, Seraing, Marche-en-Famenne ...) et ont pu bénéficier d’une information préliminaire.

Un maillon qui jette des pontsPour espérer un impact et une efficacité maximale, FuturoCité mise sur les partenariats. Non seulement avec les sociétés et opérateurs commerciaux engagés dans le partenariat public-privé, mais aussi avec des organismes et associations actifs sur des terrains proches de sa mission et avec qui synergies et complémentarités peuvent s’organiser. Ces relais et alliés viennent potentiellement de divers horizons : association de villes et communes, prestataires de services qui s’adressent plus spécifiquement à ces cibles municipales, déve-loppeurs de solutions... sans oublier les hautes écoles et les universitésLe travail de sensibilisation et de mobilisation passe également par des canaux à la fois plus modestes et plus viraux. Des collaborations ont ainsi été engagées avec des coworking spaces ou des initiatives telles que les Cafés numériques pour relayer le message et toucher un public le plus large possible. En ce compris via les réseaux sociaux.

La mission de consul-tance se déroule en deux phases et s’appuie sur une méthodologie et des outils d’analyse de données développés par

IBM, en collaboration avec FuturoCité.

La première phase concerne la collecte des in-formations nécessaires à l’élaboration du ca-dastre énergétique (calcul de surfaces, consom-mation énergétique en chauffage, climatisation, éclairage, électricité, eau chaude sanitaire,...). Les chiffres sont ensuite analysés et contextuali-sés (type de bâtiment, environnement, scénario d’utilisation) pour dégager des conclusions.

Un rapport est alors rédigé dans lequel une série de priorités sont documentées et de conseils formulés  : projets de rationalisation ou d’amé-lioration, changement d’affectation du bâtiment, aménagements d’ordre organisationnel ou tech-nologique, plan d’action à moyen et long terme ...

FuturoCité prend aussi en charge la formation des responsables Énergie des communes  : exposé des méthodes d’évaluation des performances énergétiques, apprentissage des critères de sélection des paramètres à retenir, formation à l’outil d’encodage, à l’exploitation du tableau de synthèse,...

/ LA QUÊTE D’EFFICIENCE N’EST PAS FORCÉMENT UN RÉFLEXE INNÉ MAIS S’INSPIRE DE PRÉFÉRENCE D’EXEMPLES CONCRETS, À CONDITION QU’ILS SOIENT ASSORTIS D’EFFETS TANGIBLES, MESURABLES, RAPIDESET SUFFISANTS. /

/DE L’AUDITÀ LA MISEEN ŒUVRE

CHAP. 02 10 A/N/M

Une smart city conçue par IBM © IBM

Pierre Leclercq, fondateur d’EuroGreen IT (FuturoCité)et Jean-Claude Marcourt, Ministre de l’emploi et des technologies © MIC

Page 28: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

54 5510 A/N/M CHAP. 02

1 // À noter qu’en décembre 2013, sous l’impulsion conjointe du Mundaneum, de Google et de TechnocITé, une importante délégation de représentants d’ins-titutions culturelles et d’entrepreneurs actifs dans les industries créative provenant de la région de Kotka-Hamina, s’est rendue à Mons pour une série de rencontres et d’ateliers avec des partenaires locaux. Ces échanges ont débouché sur des partenariats multiples, une délégation montoise devant se rendre dans le courant2014 en Finlande.

Inauguré en 2010 sur le territoire de la com-mune de Saint-Ghislain, le data center de Google a depuis son arrivée fait l’objet d’un certain engouement  : «  Google s’installe à Mons  !  » Un peu comme les générateurs électriques de notre société de l’information, les data centers constituent l’infrastructure de l’Internet. Dans la perspective de Mons, capitale européenne de la Culture en 2015, Google se positionne comme l’un des soutiens actifs aux opérateurs locaux porteurs d’un projet de sensibilisation aux technologies numériques. Du global au local  : nous avons rencontré William Echikson, responsable « Community Affairs » du Data center de Saint-Ghislain, pour discuter de la présence à Mons de ce leader mondial de l’industrie technologique.

Google à Mons : une réalité économique mais aussi… symbolique ?William Echikson : Si l’information était im-portante il y a un siècle, elle l’est encore plus aujourd’hui. «  Information is the oil of our cen-tury  », Internet est la clé de la croissance éco-nomique moderne… et son infrastructure est d’autant plus fondamentale. Afin de répondre à la demande croissante générée par nos services en Europe, nous avons dû procéder à un renfor-cement de nos data centers et notre choix s’est

Enso » à Hamina (subrégion de Kotka-Hamina, Finlande ndlr), afin de la convertir en l’une de nos infrastructures les plus modernes et perfor-mantes. Un beau symbole également : « du papier au digital », le passage de la seconde à la troisième révolution industrielle ! Mais, aujourd’hui, nous voulons faire plus que simplement nous instal-ler dans une région pour y mener notre activité. Notre souhait est de pouvoir construire un projet concret avec les forces vives qui environnent nos sites industriels. Simultanément à Mons et à Hamina, nous avons lancé un programme de médiation avec la communauté locale et les partenaires locaux1. La région de Kotka- Hamina compte 87.000 habitants, celle de Mons et du Borinage en compte 250.000. Aujourd’hui, ces deux régions européennes partagent bien plus qu’un passé industriel florissant  : au-delà d’être des terres d’accueil pour l’infrastruc-ture de Google, elles regardent toutes deux vers demain en intégrant pleinement les technologies de l’information et de la communication à leur processus de reconversion.

La Finlande est plus spécifiquement reconnue sur la scène internationale pour le développe-ment de son industrie du gaming, tandis que Mons mise sur la culture et le tourisme comme moteurs de développement de l’économie locale. Notre action en Finlande consiste à soutenir le développement régional par l’entrepreneuriat numérique. À Mons, nous avons jusqu’à main-tenant investi dans la sensibilisation, l’éducation à la culture du numérique. En tant qu’investis-seur étranger majoritaire dans ces deux régions d’Europe, il est de notre responsabilité de nous investir sur le terrain local. Il nous apparaît également pertinent d’encourager les transferts d’expérience entre nos interlocuteurs belges et finlandais, pour prendre pleinement part à ce renouveau à l’œuvre autour de nos data centers.

UN ACTEUR DE POIDSDANS LE SOUTIEN À LA CULTURE DU NUMÉRIQUE

/ ITW : WILLIAM ECHIKSONHEAD OF COMMUNICATION AND PUBLIC AFFAIRS FOR FREE EXPRESSION IN EUROPE, MIDDLE EAST AND AFRICA, GOOGLE

PROPOS RECUEILLIS PAR DELPHINE JENART

/GOOGLEporté sur la Belgique et la Finlande. Ces inves-tissements étaient stratégiques pour l’entreprise, non seulement en termes d’offre de services mais aussi de développement  : l’installation de Google à Saint-Ghislain est un investissement sur le long terme. Google est aujourd’hui l’un des plus importants investisseurs étrangers en Belgique. Ceci implique, au-delà de la construction d’un tout nouveau site, de la création d’emplois nouveaux, des opportunités business pour les fournisseurs locaux et notre volonté — puisque nous sommes ici pour rester  — de nous impli-quer dans la vie de la communauté locale. Mais il existe, il est vrai, un lien plus symbolique qui unit Google à Mons. C’est à Mons que l’on peut découvrir « le berceau du web », le Mundaneum. Lorsque nous l’avons découvert alors que nous étions occupés à identifier des pionniers de l’Internet à travers l’Europe, ce patrimoine exceptionnel nous a semblé étrangement fami-lier. Il nous tenait donc à cœur de mettre en lu-mière cette filiation avec le leitmotiv de Google : organiser l’accès à l’information utile à chacun, et la volonté de ses deux fondateurs qui, au tout début du XXe siècle, imaginèrent cet impression-nant système d’indexation de l’information.

En tant que leader mondial de l’industrie technologique, Google a choisi de s’installer dans une région au passé industriel riche, qui intègre aujourd’hui le numérique dans sa stratégie de reconversion économique. Quel regard portez-vous sur cette réalité ? L’entreprise souhaite-t-elle jouer un rôle actif dans cet écosystème ?À vrai dire, nous rencontrons cette réalité dans d’autres régions du monde, notamment en Finlande. Pendant que nous installions le data center à Saint-Ghislain, nous avons ache-té en 2009 l’ancienne usine à papier «  Stora

GOOGLE, UN ACTEUR DE POIDS DANS LE SOUTIEN À LA CULTURE DU NUMÉRIQUE

CHAP. 02 10 A/N/M

/ AUJOURD’HUI NOUS VOULONS FAIRE PLUS QUE SIMPLEMENT NOUS INSTALLER DANS UNE RÉGION POUR Y MENER NOTRE ACTIVITÉ. /

Un data center Google à Douglas en Géorgie © Google

Installation de refroidissement des serveurs dans un Data Center, The Dalles, Oregon © Google

Page 29: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

5710 A/N/M CHAP. 02

GOOGLE, UN ACTEUR DE POIDS DANS LE SOUTIEN À LA CULTURE DU NUMÉRIQUE

GOOGLE, UN ACTEUR DE POIDS DANS LE SOUTIEN À LA CULTURE DU NUMÉRIQUE

56

La Ville de Mons mise beaucoup sur sa richesse culturelle en tant qu’atout écono-mique, notamment dans le cadre de Mons 2015. En quoi le soutien à la culture dans le monde est-elle stratégique dans la politique de Google ?Il est important pour nous de contribuer au développement économique et culturel de l’Eu-rope. Dans ce cadre, nous développons depuis quelques années des actions très concrètes. Au niveau mondial, le Google Art Project rassemble sur le web les collections de musées européens, dont les Musées royaux des Beaux-Arts de Bel-gique. Le Google Cultural Institute, installé à Paris, est l’un de nos plus beaux efforts pour valoriser la culture en ligne avec, notamment, une plateforme de présentation d’archives qui rassemble les collections de nombreux musées et institutions dans le monde : la Fondation Nelson Mandela, le centre de mémoire Yad Vashem, la Mairie de Paris, le Musée Acropole d’Athènes, la National Library of Ireland, le Musée natio-nal de Corée ou encore, pour la Belgique, les ar-chives du Mundaneum. Les fondateurs du Mun-daneum, Paul Otlet et Henri La Fontaine, se sont quant à eux retrouvés au centre de l’une de nos campagnes d’hommage aux pionniers oubliés. Ce programme de mémoire international a été lancé par Google en 2011 avec la volonté de ra-conter cette fabuleuse histoire  : tout au long du XXe siècle, l’Europe a joué un rôle majeur dans la genèse des technologies de l’information et de la communication… et en a très peu conscience. L’on cite souvent les succès américains, mais retenons déjà pour la Belgique le Bruxellois Paul Otlet et le Flamand Robert Cailliau, qui a co-fondé le web au CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire, ndlr) avec Tim Ber-ners-Lee ! Ce programme nous a menés dans de nombreuses régions du monde  : de l’Espagne à l’Ukraine en passant par l’Autriche, Israël, ou encore l’Angleterre, avec le site exceptionnel de Bletchley Park et ses casseurs de codes durant la Seconde Guerre mondiale… Un patrimoine

méconnu du grand public et pourtant, vérita-blement exceptionnel ! Ce maillage a également débouché sur la création d’un réseau euro-péen informel des pionniers, dont nous avons réuni tous les représentants au London Science Museum en 2013. La liberté d’expression sur le net fait aussi partie de nos actions prioritaires, pour ce faire nous créons de nombreux partena-riats partout dans le monde pour y sensibiliser la jeune génération. En Belgique, nous avons mené avec l’Université de Gand une importante opéra-tion de numérisation de livres anciens (plus de deux cent mille), nous avons développé un parte-nariat avec la Sabam pour assurer une meilleure mise en valeur des artistes belges sur notre réseau social de diffusion vidéo Youtube. À un niveau plus local, nous avons sponsorisé un dispositif interactif au sein de l’exposition du musée des Beaux-Arts de Mons dans le cadre de l’exposition « Andy Warhol. Life, Death and Beauty » et nous avons pourvu l’une des plus belles infrastructures culturelles de Mons – le Théâtre Le Manège – d’un réseau wifi, et ce n’est que le début. Sans oublier, bien entendu, notre partenariat fort avec le Mundaneum.

L’investissement consenti par Google à Mons est pensé pour durer  et monter en puissance dans les prochaines années. Quelles sont les perspectives futures en termes d’infrastruc-tures techniques mais aussi d’investissement dans la communauté ?Nous sommes ravis de notre investissement en Wallonie. Dans la mesure où la demande pour nos services grandit, nous étendons nos data centers. Par exemple, le seul réseau Youtube est le réceptacle de cent heures de vidéo par minute ! Ces amas de données gigantesques doivent être stockés quelque part. Il nous est impossible à ce stade de détailler la hauteur de nos investis-sements futurs, quand et où nous investirons. Mais, pour l’heure, nous poursuivons l’agrandis-sement de notre infrastructure de Saint-Ghislain avec, à la clé, une demande croissante de capacité et d’emplois à pourvoir.

/ IL EST IMPORTANT POUR [GOOGLE] DE CONTRIBUER AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET CULTURELDE L’EUROPE. /

Google a provoqué l’un des temps forts de l’actualité culturelle de cette année 2013 à Mons. L’un des pères de l’Internet, l’Américain Vint Cerf, avait fait le déplace-ment spécialement pour rendre un hommage à ces « héros méconnus de l’Internet »… Plus de 500 personnes étaient au rendez-vous au Théâtre Le Manège  : ce fût une belle rencontre orchestrée avec nos partenaires belges, dont le Mundaneum et l’Université de Gand. Ces temps forts participent de notre volonté de nous investir dans la vie locale. Vint Cerf a joué un rôle majeur dans l’invention de cette technologie révolutionnaire du XXe siècle qu’est l’Internet. Il était à Mons pour deux raisons  : en tant que vice-président de Google, il rendait visite au data center pour rencontrer tous ces travailleurs de l’ombre qui rendent possible l’activité de Google. Vint Cerf a aussi eu l’occasion de participer à un échange stimulant avec de jeunes entrepreneurs du digital, l’occasion pour lui de faire passer notre message  : «  Google n’est pas simplement un moteur de recherche bâti sur des data centers, c’est aussi une vision neuve de l’entrepreneuriat. Google joue d’ailleurs un grand rôle dans le sou-tien aux entrepreneurs. Il leur offre la possibilité de créer de nouveaux services, en s’appuyant sur ses infrastructures ».

En ces temps de célébration (2013 marquait le quarantième anniversaire de l’Internet, ndlr), il était aussi important pour Vint Cerf de rendre un hommage à ses ancêtres, pionniers oubliés de l’histoire de l’Internet dont font partie les Belges Paul Otlet et Henri La Fontaine, fondateurs du Mundaneum. Son message à ce propos est teinté d’humilité et de pragmatisme : « Le Mundaneum me rappelle qu’il n’y a rien de nouveau : il s’agit toujours de redécouvertes faites autrement, avec de nouvelles technologies et de nouvelles capa-cités. Le Mundaneum, le Memex et maintenant l’Internet et le world wide web en sont seulement les dernières manifestations. Je suis impatient de découvrir la suite ! »

CHAP. 02 10 A/N/M

Page 30: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

58

On sait peu que Mons 2015 s’est mise en place dès 2004. Consacrée Capitale culturelle wallonne en 2002, la Ville de Mons annonçait quelques années plus tard son désir de déposer sa candidature au titre de Capitale européenne de la Culture. La culture faisait déjà partie des cinq axes prioritaires du Projet de ville. Il en résultait une véritable dynamique culturelle montoise et la presse parlait déjà d’une possible reprise de l’activité économique, autour du numérique, dans une Digital Innovation Valley.

À la faveur de ce contexte, un petit groupe de professeurs et de chercheurs de l’UMONS1 a décidé, dès 2005, de mettre sur pied un vaste programme de recherche. Thierry Dutoit, initiateur et aujourd’hui directeur du projet, s’en explique  : « Ouverts à la culture, nous pressentions l’impor-tance d’une collaboration entre l’art, la science, et la technologie pour le développement de produits et services liés au numérique, et nous avons rassem-blé un ensemble de compétences essentielles pour la mise en œuvre d’un tel projet. Nous avons donc introduit le programme numediart dans un appel de la Région wallonne centré sur les programmes d’excellence prévus dans le plan Marshall. Il a rapidement reçu le soutien de la Région. Je suis très reconnaissant envers la Région pour la confiance qu’elle nous a accordée et je sais gré aux décideurs montois d’avoir, sans le savoir, orienté notre énergie créatrice vers Mons 2015. »

QUAND LA RECHERCHE ET LA TECHNOLOGIE S’INTÉRESSENT À LA CULTURE

/ ITW : THIERRY DUTOIT DIRECTEUR DU PROGRAMME NUMÉDIART À L’UMONS

PROPOS RECUEILLIS PAR JACQUES URBANSKA

/NUMEDIART Quel manque est venu combler le projet nume-diart ? Qu’en est-il aujourd’hui ?Thierry Dutoit  : Nous nous sommes progressi-vement rendu compte que le développement de la créativité numérique2 se heurte principalement à trois obstacles  : la complexité technologique, le manque de formation ad hoc, la difficulté de monter des projets de coproduction. Depuis 2007, nous nous sommes successivement atta-qués à chacun de ces problèmes. Dans nume-diart, nous avons ajouté à notre mission de re-cherche une mission de soutien en ingénierie. C’est une demande récurrente des artistes et des entrepreneurs qui nous contactent : la faisabilité technologique d’idées complexes et le budget à y associer. Les réponses que nous pouvons offrir passent souvent par du conseil technique, éclairé par notre connaissance de l’état de l’art et des so-lutions de terrain (logicielles et/ou matérielles). Ensuite, seulement, nous pouvons proposer un travail plus en profondeur3. Nous avons pour cela dû engager et former du personnel qualifié, capable de répondre rapidement à de telles de-mandes et disposant d’une maîtrise des outils technologiques actuels.

Nous avons également équipé notre labo d’une grande quantité de matériel. Au niveau de la formation, nous avons lancé en 2011 les ateliers du soir Créactifs ! destinés aux universitaires. Ils sont consacrés à un apprentissage actif des outils de la créativité numérique, tels que Processing, Arduino, OpenFrameworks… et plus largement à la programmation créative (avec applications Android ou iOS). Nous avons étendu cette initia-tive vers le secondaire en 2013 à travers le projet de cybermalette éducative CYBERPACK4. Nous avons également organisé plusieurs conférences internationales à Mons5, ainsi que les master classes CUTE6 en 2013 et 2014. Nous y avons par exemple accueilli Miller Puckette, l’inventeur de MAX et PureData, professeur de l’uCSD

1 // Alors encore Faculté Polytechnique de Mons.

2 // Qui se manifeste essentiellement au travers de ce que l’Europe a identifié comme les Industries culturelles et créatives, ICC.

3 // Par exemple, rendre disponible une technologie qui se trouve encore à l’état de preuve de concept au niveau de la recherche.

4 // Subsidiés par Smart People/Creative Wallonia.

5 // Les Journées d’Informatique Musi-cale en 2012, NOLISP et INTETAIN en 2013.

6 // CUlture et TEchnologie.

San Diego, qui est désormais un ami de la maison7. Enfin, en 2014, nous préparons la mise en place d’une option en Industries culturelles et créatives. Elle sera inscrite dans le cursus des étudiants informaticiens, ingénieurs et en sciences écono-miques et aura donc véritablement une portée interdisciplinaire. C’est une grande première à l’université  : des étudiants d’horizons différents vont se retrouver dans des projets communs, chacun y apportant ses compétences propres. Les cours associés à cette option permettront aux étudiants de se familiariser aux mécanismes de financement et de gestion de projets dans le do-maine des ICC. Les industriels y seront associés dans les séminaires.

Y a-t-il un projet ou une structure en particulier desquels numediart pourrait se revendiquer ?Il y a finalement assez peu de structures du type de numediart dans le monde. On pourrait citer, parmi les plus connues, l’IRCAM à Paris, le ZKM à Karlsruhe, ou encore HEXAGRAM et CRRMIT à Montréal. Nous avons de très bons contacts avec ces différentes structures, dont au-cune ne correspond cependant vraiment à 100 % à la nôtre. L’IRCAM est certainement la plus proche, mais est centrée uniquement sur le son.

Si vous deviez faire un rapide bilan du projet numediart, quels seraient les points que vous retiendriez ?Tout d’abord nous avons eu la chance de pouvoir constituer un solide réseau. C’est sans doute l’action qui prend le plus de temps et qui est la moins visible, mais pourtant la plus fon-damentale. Grâce aux très nombreux contacts qui ont été établis entre chercheurs, artistes, opérateurs culturels, entreprises, et avec d’autres centres de recherche, notre action est aujourd’hui (re)connue tant au niveau local, régional, qu’international. Il y a ensuite les nombreux projets de recherche à plus long terme qui nous ont permis de lever des fonds (là aussi soute-nus par de nombreux acteurs8). Ils contribue-ront à maintenir en place les chercheurs seniors qui nous ont accompagnés depuis le début et, à travers eux, la dynamique même de l’institut. Enfin je voudrais mettre en évidence les in-frastructures assez uniques que nous avons pu constituer grâce à ces sources de financement multiples. Notre labo numediart est   équipé comme une scène de spectacle tout numérique

7 // Il a été fait docteur honoris causa de l’UMONS en 2009.

8 // FNRS, Région wallonne, projets européens, programme Expériences Interactives de Pictanovo-Lille, etc.

9 // Grâce au soutien conjoint du FNRS, de l’Europe et de la Région Wallonne.

10 //nataliademello.com

11 // creaceed.com

12 // nicolasdalessandro.net

13 // tanastringquartet.be

14 // blackmoon-productions.com

et permet donc aux chercheurs de tester les tech-nologies développées dans le cadre des projets dans des conditions d’utilisation réelles. Outre l’équipement vidéo HD et audio 8.1, le labo dispose par exemple d’un costume de capture de mouvements (IGS190), un système de cap-ture de mouvements faciaux (OptiTracks) et d’un système professionnel de suivi du regard. Cet équipement sera prochainement augmenté d’un système de capture de mouvements op-tique9. Nous sommes enfin occupés à installer un FabLab impliquant TechnocITé, ARTS2, la Haute École en Hainaut (HEH), la Maison du Design et d’autres… tout cela grâce au soutien de l’UMONS bien sûr, mais aussi de Google.

Y a-t-il eu des projets qui ont dépassé leurs objectifs initiaux ?Il y en a pas mal en fait. Une des premières expériences artistiques très intéressante s’est développée dans le cadre de notre projet MORFACE, en collaboration avec le collectif Métamorph’Oz10. L’installation qui en a résulté permet à un visiteur qui regarde suffisamment longtemps une reproduction de la Mona Lisa de voir le visage de la Joconde se transformer progressivement en son propre visage. La mise au point de ce dispositif a nécessité une colla-boration entre les artistes (pour l’idée et la mise en forme finale), les chercheurs (pour l’analyse du visage du visiteur) et la société montoise Creaceed11 (qui a fourni une version sur mesure de son logiciel de morphing). Cette installation, qui a remporté et remporte encore un très franc succès, a des applications qui dépassent l’art numérique  : ce type d’interaction peut tout à fait servir à des applications de digital signage, par exemple pour des publicités interactives en rue. L’instrument de musique Handsketch a été utilisé dans plusieurs performances de son auteur Nicolas D’Alessandro12. Notamment dans le ChoirMob en collaboration avec l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver, ou lors de concerts avec Jean-Paul Dessy. Il est ac-tuellement intégré dans le travail de recherche du quatuor Tana13. C’est une belle réussite pour ce travail : créer un instrument de musique nou-veau, qui soit apprécié des musiciens, est un défi considérable… Je pourrais citer également, dans un autre registre, notre intervention sur le projet Parallaxe de Patric Jean et Blackmoon produc-tions14. Sur une idée originale de Patric et de son

5910 A/N/M CHAP. 02

NUMEDIART, QUAND LA RECHERCHE ET LA TECHNOLOGIE S’INTÉRESSENT À LA CULTURE

CHAP. 02 10 A/N/M

Page 31: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

60 6110 A/N/M CHAP. 02

NUMEDIART, QUAND LA RECHERCHE ET LA TECHNOLOGIE S’INTÉRESSENT À LA CULTURE

NUMEDIART, QUAND LA RECHERCHE ET LA TECHNOLOGIE S’INTÉRESSENT À LA CULTURE

équipe, nous avons réalisé une fenêtre numérique sur un espace scénique virtuel. Lorsque le visi-teur de l’installation s’approche de cette fenêtre (un écran vidéo donc), le contenu de la fenêtre s’adapte pour simuler un effet de parallaxe natu-relle. Les couches de contenu vidéo ont été réali-sées par Blackmoon Prods. Et puis, il y aussi les nombreux mapping3D sur lesquels nous avons travaillé à Namur, Maubeuge et Mons en liaison avec des artistes numériques et des sociétés spé-cialisées dans la projection.

Quelle est votre méthode de gestion de projets ? Avez-vous procédé à d’éventuels repositionnements au fil du temps ? Nous avons réellement beaucoup appris… Dès le départ, nous avons adopté un fonctionne-ment par périodes courtes (typiquement trois mois). Nous avons gardé ce principe qui nous permet de répondre rapidement à une demande et de tester directement une idée technologique. Chaque période de trois mois se termine par une présentation publique de résultats et comprend, à mi-parcours, une semaine de workshop où les chercheurs concernés se retrouvent dans un même lieu15  : des résidences de recherche, pour reprendre le vocabulaire artistique. Au fil du temps cependant, certains projets ont été placés sur six mois et une certaine continuité dans nos projets est apparue, qui correspondait au départ aux trois axes que nous avions prévus. Cela a progressivement évolué vers les six thèmes actuels  : la capture de mouvements, les média performatifs, les espaces intelligents, la navigation multimédia, le design 3D et la réalité augmentée. Enfin, nous avons également progressivement pris conscience de l’importance de séparer un peu mieux la recherche à plus long terme et le soutien immédiat en ingénierie, ainsi que d’y ajouter un volet formation continue associé à une action d’animation économique plus marquée. C’est dans ce but que nous sommes en train de finaliser le programme DigiSTORM16, qui vise à créer un véritable LivingLab à destination du secteur des industries culturelles et créatives, ainsi que, plus largement, du secteur des TIC. L’axe thématique principal de DigiSTORM sera les nouveaux territoires numériques, les indus-tries culturelles et créatives au cœur du paysage urbain. Nous attendons beaucoup de ce projet !

Qu’est-ce qui a changé à la fin de votreprogramme d’excellence ?L’Institut numediart a été inauguré en 2010. C’était le premier des dix instituts de recherche actuels de l’UMONS. Cette étape a été décisive : par cette action, l’UMONS a pérennisé l’action de nos chercheurs bien au-delà du programme d’excellence numediart qui s’est éteint en août 2013.   Nous sommes depuis lors repris dans toute la communication de l’Université. Le nombre de services de recherche liés à nume-diart est passé de quatre à dix et nos thématiques de recherche sont passées de trois à six. Et puis, surtout, les chercheurs qui nous ont suivis dans cette aventure sont maintenant des chercheurs seniors. Ils occupent des fonctions de direction technique pour chacun de nos axes de recherche et contribuent directement au rayonnement de l’Institut.

Quels rapports entretient l’Institut avec les acteurs socioculturels et les entrepreneurs de la région montoise (TechnocITé, Virtualis, Transcultures, le manège.mons,…) ?Lors de la formalisation de l’Institut numediart, nous avons tenu à constituer un consortium d’acteurs issus des milieux de la recherche, de la culture et des industries culturelles et créatives. Les quinze membres initiaux sont aujourd’hui vingt-cinq. Les membres de ce consortium sont invités à nos présentations publiques trimestrielles, ainsi qu’à la journée annuelle de l’Institut numediart. Même s’ils ne viennent pas systématiquement, les contacts que nous avons maintenus de cette façon ont plusieurs fois permis de faire rebondir nos projets. Nous sommes également membres fonda-teurs du cluster TWIST17 et un membre actif de la coupole numérique Mons 201518. Les liens avec l’industrie sont venus naturellement  : la Wallonie impose depuis quinze ans dans ses appels à projets de recherche universitaire un lien systématique avec les entreprises régio-nales. Plus récemment, le souci de fédérer les forces vives autour de l’économie créative s’est manifesté dans le cadre de Creative Wallonia (je pense notamment aux programmes Creative People, Boost’Up ou Nest’Up). Plusieurs living labs thématiques sont en préparation et on parle aujourd’hui de hubs créatifs dans les grandes villes wallonnes. Nous sommes évidemment impliqués dans toutes ces démarches.

15 // Si possible hors UMONS ; nous avons travaillé au Théâtre Royal de Mons, au Wiels, à IMAL, à l’Université de Gand, chez Transcultures, au Mundaneum,  chez ARTS2, au MIC, etc.

16 // Qui associe les instituts numediart et humanorg de l’UMONS, TechnocITé et IDEA

17 // Cluster wallon d’entreprises spécialisées dans les technologies de l’image, du son, et du texte.

18 // Celle-ci regroupe les acteurs du numérique non marchand dans la région de Mons.

CHAP. 02 10 A/N/M

Nicolas d’Alessandro, Handsketch © numediart

Espace numediart © numediart

Page 32: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

62 6310 A/N/M CHAP. 02

NUMEDIART, QUAND LA RECHERCHE ET LA TECHNOLOGIE S’INTÉRESSENT À LA CULTURE

NUMEDIART, QUAND LA RECHERCHE ET LA TECHNOLOGIE S’INTÉRESSENT À LA CULTURE

Quelle sera l’implication de numediart dans Mons 2015 ? De manière concrète, l’Institut numediart (UMONS) et la fondation Mons 2015 ont convenu de collaborer à la mise en œuvre de trois installations numériques. Elles sont basées sur les technologies développées et mises au point par l’institut et elles pourront être investies et réappropriées par des artistes associés à l’évé-nement. Le projet CityLight vise à créer, sur la façade du bâtiment de l’UMONS23, un espace de mapping architectural ouvert à la participa-tion citoyenne. Le projet CityGate vise à la mise au point d’un canal de téléprésence entre Mons et Plzen24, dont les flux audio et vidéo25 seront ouverts aux citoyens. L’idée est d’installer en divers endroits des capitales, des espaces publics, de téléprésence permettant un échange de sons et d’images 3D entre des groupes de personnes de part et d’autre. La Voix des Anges est un pro-jet interdisciplinaire rassemblant les Instituts numediart et Sciences du langage de l’Univer-sité de Mons, Patric Jean de Blackmoon Pro-duction26, le manège.mons27 et Transcultures28. L’objectif principal du projet est de munir d’une interactivité vocale unique et expressive différents objets et espaces urbains dans la ville de Mons. On peut ajouter à ces trois projets prin-cipaux d’autres interventions plus ponctuelles. Cela fait beaucoup de belles expériences qui se préparent pour cette année que nous attendons avec impatience.

19 // Les auteurs de MAMEMO - mamemo.com

20 // ilhaire.eu

21 // i-treasures.eu

22 // linkedtv.eu

23 // Rue de Houdain

24 // L’autre Capitale européenne de la Culture.

25 // Y compris vidéo 3D et squelettes des personnes en interaction.

26 // blackmoon-productions.com

27 // lemanege.com

28 // transcultures.be

Y a-t-il des projets qui ont dépassé le simple cadre de numediart ?Plusieurs projets, que nous avons menés sur des sessions de trois mois, ont conduit à des financements à plus long terme en liaison avec des sociétés wallonnes. Je pense par exemple à notre projet sur le vocodeur de phase pour le ralenti sonore, qui a intéressé une société de Liège et a conduit à deux partenariats public- privé. Cela a permis aux chercheurs concernés de poursuivre leurs recherches pendant cinq ans. Récemment, nous avons proposé et obtenu trois projets de recherche industrielle, cofinancés par une entreprise et par la Région wallonne. Notre projet CAPTURE, pour n’en citer qu’un, est basé sur la captation de mouvements et fait suite à la collaboration avec Belle Productions et Tapage Nocturne19. En effet, nous avions travaillé, en 2009, à la réalisation de capsules vidéo mettant en scène la mascotte de leur dessin animé Mamemo. Le défi était d’utiliser la motion capture pour accélérer le processus d’édition. Nous étions parvenus, avec l’aide de la société NeuroTV, à créer un premier dessin animé quasi en temps réel, qui avait suffi à convaincre France3 Corse. Nous avons également deux spin-off en préparation, centrées sur deux des trois axes initiaux de numediart. La première commercialisera des instruments de musique augmentés. La seconde fournira à ses clients un service d’analyse de pages web basé sur la modélisation de l’attention visuelle. Cette dernière est un bel exemple des retombées de nos activités : un problème arts/science/tech-nologie débouche ici sur des applications dans des domaines connexes (en l’occurrence le mar-keting de sites web).

Quels seront les gros chantiers de numediart dans les années qui viennent ?Notre plus gros chantier est le programme DigiSTORM. En parallèle à cette action, nous avons lancé ou participons à plusieurs projets européens, comme ILHAIRE20, un projet Future and Emerging Technologies sur l’analyse et la synthèse du rire. Nous participons aussi au projet iTREASURES21, qui a pour but de contribuer à la sauvegarde du patrimoine immatériel. Enfin, nous faisons partie du consortium du projet EU LinkedTV22, dont l’objectif est de prépa-rer la transformation du web et de la TV en un gigantesque espace hypermédia. Nous y sommes responsables du scénario Media Arts.

/ NOUS AVONS EU LA CHANCE DE POUVOIR CONSTITUER UN SOLIDE RÉSEAU. C’EST SANS DOUTE L’ACTION QUI PREND LE PLUS DE TEMPS, QUI EST LA MOINS VISIBLE, MAIS POURTANT LA PLUS FONDAMENTALE. /

Aujourd’hui, l’Institut numediart constitue l’un de nos dix insti-tuts de recherche de l’UMONS, le seul du genre en Wallonie. Il assure des activités de for-mation et de recherche, ainsi

que la valorisation de nouvelles activités dans le secteur des industries créatives. Il regroupe une douzaine de services de recherche, cinq facultés, plus de soixante-dix chercheurs et une vingtaine de thèses de doctorat en cours. Enfin, il génère plus de deux millions d’euros annuels de chiffre d’affaires, a quatre brevets exploités et deux partenariats public-privé en cours. Il est logique que ce secteur soit en bonne place au sein de l’Université de la ville de Mons, car l’éco-nomie numérique s’y est fortement développée. La Digital Innovation Valley rassemble les forces vives locales autour de cette thématique et elle a récemment franchi un pas important avec l’arrivée d’un Microsoft Innovation Center et d’un des deux data center européens de Google.

/M. CONTI, RECTEUR UMONS

CHAP. 02 10 A/N/M

Page 33: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

64 6510 A/N/M CHAP. 02

DES CHERCHEURS DE HAUT VOL EN SUPPORT DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

Mons et sa région comptent pas moins de trois centres de recherche – le CETIC, Multi-tel et, dans une moindre mesure, Materia Nova pour les aspects « hardware » – qui disposent de compétences de pointe complémentaires au développement d’un pôle d’économie numérique. S’y est également ajouté plus récemment numediart, dédié aux arts numé-riques. Petit tour d’horizon des imbrications entre les cellules grises et le tissu économique régional.

Ville universitaire, Mons a la chance de compter des centres de recherche de niveau international. Ceux-ci font partie des forces vives qui contri-buent à la construction et au développement d’un tissu de PME et jeunes entreprises tournées vers l’avenir. Toutes ne sont pas directement actives dans les métiers du numérique, mais c’est le cas pour une bonne partie d’entre elles. Par ailleurs, sans constituer nécessairement le cœur de métier des PME, les TIC (technologies de l’information et de la communication) et les médias numé-riques en particulier sont un important vecteur de croissance. La Commission européenne a en effet démontré à travers diverses études que l’utilisation des TIC dans les secteurs tant indus-triels que publics est à l’origine d’une augmen-tation moyenne de plus de 30  % des gains de productivité et de compétitivité. La mission du CETIC est de stimuler l’innovation en Wallonie, en offrant une expertise TIC aux entreprises afin

Investi dans des domaines technolo-giques de pointe tels que le cloud computing, le big data, le génie logiciel, l’internet des objets,

l’e-santé ou la sécurité, le CETIC a établi des partenariats avec des industriels et des leaders technologiques, tant au niveau régional qu’euro-péen, accélérant le transfert technologique au profit des entreprises locales.

Ce centre de recherche agréé a été créé en 2001 sur le site de l’Aéropôle de Charleroi, à l’initiative de l’Université catholique de Louvain (UCL), de l’Université de Namur et de l’Université de Mons. La quarantaine d’experts du CETIC sont actifs dans des projets de recherche et développement régionaux, en collaboration avec des acteurs industriels et académiques, visant le développe-ment économique de la Wallonie, en particulier dans les secteurs couverts par le Plan Marshall. Ils ont par ailleurs positionné le CETIC en tant que partenaire de choix dans de nombreux projets des programmes européens.

Installé sur le site Initialis à Mons, au cœur de la Digital In-novation Valley, Multitel emploie soixante-cinq personnes dans

des activités de R&D articulées autour de cinq  domaines d’expertise  : photonique appliquée (étude des photons), télécommunications et ingénierie des réseaux, traitement du signal et systèmes embarqués, traitement de l’image et certification ferroviaire. Multitel est reconnu sur la scène internationale, notamment en tant que laboratoire indépendant accrédité pour le secteur de la signalisation ferroviaire en matière de certification ERTMS. Le centre de recherches est très actif dans les programmes européens de recherche en ce domaine, notamment ceux de l’ERA (Agence ferroviaire européenne) et de la Commission européenne. Multitel mobilise ses compétences en informatique, traitement du signal et de l’image pour réduire la durée du processus de certification ferroviaire (de neuf mois à quatre semaines). Ces compétences tech-niques permettent à Multitel de revendiquer des clients de premier plan en Belgique, en Europe (Invensys, Ansaldo) et dans le monde (Hitachi au Japon,…).

PAR OLIVIER FABES

que celles-ci puissent adopter de nouvelles technologies plus rapi-dement et répondre à de nouveaux besoins. Il peut s’agir de la mise à disposition d’une expertise technologique de pointe (en cloud computing, en big data ou en internet des objets) pour que les entre-prises puissent embarquer plus d’intelligence et plus de connectivité dans les systèmes qu’elles conçoivent.

Anticiper les besoins des PMEConcrètement, le CETIC fournit chaque année à plusieurs dizaines de porteurs de projets et start-ups un accompagnement et un support technologique leur permettant de passer d’une idée à une preuve de concept pouvant être testée sur le marché et, ce, jusqu’à ce que l’entreprise créée soit autonome. C’est le cas par exemple des sociétés Kollector (gestion via le web de la diffusion d’œuvres artistiques) et Gemotions (jeux de pistes et itinéraires éducatifs par téléphone mobile). Le CETIC aide également de nombreuses entreprises TIC matures, PME et grandes entreprises, à  résoudre des problèmes méthodologiques et technologiques pointus, tout en tenant compte des contraintes des secteurs qu’elles servent, tels la santé, la logis-tique… Dans le secteur de l’e-santé, le CETIC a par exemple aidé la société MIMS (logiciels de gestion pour les hôpitaux) à gérer les volumes sans cesse croissants d’informations numériques qui concernent les patients.  

Ouvrir des portesDe façon comparable, Multitel apporte quotidiennement son support technique et scientifique en matière de traitement du signal (son et image) aux entreprises locales. Le but est ici aussi de mettre au point les produits de demain. Multitel ouvre également des portes interna-tionales, à travers la participation à une bonne trentaine de projets européens. Sa mission est plus que jamais de développer le tissu régional en l’intégrant dans un contexte européen.

Projet fédérateurTous ces centres de recherche reconnaissent de façon unanime que Mons a réussi à les intégrer à un écosystème, qu’on l’appelle Digital Innovation Valley ou non, qui a atteint une certaine masse critique en rassemblant un certain nombre d’acteurs clés  : le Microsoft Innovation Center, TechnocITé, numediart, FuturoCité, le centre de données de Google, le Mundaneum, etc. Ils sont également convaincus que Mons 2015 sera vraiment un projet fédérateur, qui rapprochera les acteurs culturels, technologiques et économiques et sera ainsi à la source de nombreuses initiatives de développement économique. Un vecteur d’image positive pour Mons et pour toute la Wallonie.

/CETIC

/MULTITEL

EN SUPPORT DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

/DES CHERCHEURS DE HAUT VOL

CHAP. 02 10 A/N/M

Page 34: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

66

10 A/N/M

03

/MONS, PÔLE

POUR LES INDUSTRIESCRÉATIVES/

5 sur 5 © Espace Dragone

Page 35: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

6968 10 A/N/M CHAP. 03

BENCHMARKING. DE QUELQUES EXPÉRIENCESINTERNATIONALES À LA PARTICULARITÉ TECHNOCITÉ

Comment des initiatives porteuses mêlant cultures numériques et formation, en lien avec différentes réalités économiques et sociales, peuvent aider à définir une stratégie et un projet singulier intégrant ces différents champs de plus en plus complémentaires ? Des exemples éclairants de niveau international nous permettent de mieux saisir la spécificité du projet de TechnocITé et les perspectives du futur immédiat.

Dans une annonce des conférences organisées à Paris autour de la thématique « Savoir et industrie », Caroline Stiegler1 dressait ce constat  général  : « Le XXe siècle a vu naître en Amérique du Nord une nouvelle époque de l’industrie – taylorienne et consumériste, fondée sur le marketing et les industries culturelles, formant des marchés de masse en prenant le contrôle des comportements, court-circuitant les savoir-vivre et dominée par le soft power américain  –, le XXIe siècle voit la question des savoirs et de leur rapport à l’indus-trie revenir au premier plan. Avec cette nouvelle question des savoirs émerge un smart power (c’est-à-dire une nouvelle stratégie planétaire) tandis que de très profondes transformations de l’appareillage industriel se concrétisent à grande vitesse (y compris l’industrie de l’enseignement) à travers les réseaux numériques, les imprimantes

/ AUJOURD’HUI, LES TECHNOLOGIES DE L’ESPRIT SONT AUSSIRELATIONNELLES. /

/BENCHMARKING DE QUELQUES EXPÉRIENCESINTERNATIONALES À LA PARTICULARITÉ TECHNOCITÉ

PAR PHILIPPE FRANCK

3D et l’automatisation généralisée ». Aujourd’hui ces «  technologies de l’esprit  2  » sont au centre du débat.

Bernard Stiegler, avec Ars Industrialis et d’autres intellectuels, responsables d’entreprises, de structures pédagogiques et culturelles, pense que celles-ci, soumises à la seule loi du marché, risquent de n’être que des «  technologies de contrôle  » mais aussi qu’elles sont aussi aujourd’hui des « technologies relationnelles 3 » dont les réseaux sociaux constituent la manifestation la plus visible. Toutefois, précise Ars Industrialis, Facebook, Twitter,…n’en sont «  qu’une par-tie qui s’inscrit plus globalement  4 dans le mi-lieu technologique que constitue l’internet et le web, un milieu technologique associé qui permet le développement de logiques bottom-up et contributives  ». Si nombre de structures impli-quées dans le numérique ont intégré ces problé-matiques, on ne peut toutefois pas dégager un «  modèle  », mais plutôt s’inspirer de certaines lignes de force et aussi pointer les faiblesses, dans une approche benchmarking5, s’inspi-rant des « meilleures pratiques » pour mieux se positionner et s’adapter au contexte tant sociétal qu’économique et culturel.

Parmi les récentes structures phares associées à la politique culturelle d’une ville, on peut évoquer l’exemple6 de la Gaîté Lyrique, lieu ouvert en 2009 à Paris et bâti sur un modèle mixte, tant au niveau du partenariat privé- public7 que dans ses champs croisés, cultures numériques et musiques actuelles. Se définissant comme un «  lieu-média  », la Gaîté est tournée principalement vers la diffusion. Elle accueille également, au dernier étage de son bâtiment si-tué au boulevard Sébastopol, une quarantaine de «  résidences d’entrepreneurs culturels  » (en formule incubateur ou co-working à proxi-mité)avec la plate-forme CREATIS, consacrée à l’entrepreneuriat et à l’innovation dans les champs culturels très divers8. Ce dispositif vise «  à accompagner et accélérer le développement

des entreprises du secteur culturel, qui associent excellence et création de sens, en leur proposant non seulement une solution d’hébergement souple et évolutive, mais aussi l’insertion dans un écosystème vertueux, un accompagnement d’experts personnalisé et un accès facilité à des financements.9  » On voit bien ici le maillage entre les processus d’innovation portés par ces entreprises et cette nouvelle culture pop (qui passe aujourd’hui par le numérique) que la Gaîté entend promouvoir.

Ars ElectronicaLinz (où la compagnie Vöst Alpine AG10 investit annuellement cent millions d’euros dans la recherche et le développement) a misé avec succès sur Ars Electronica, devenu la Mecque internationale des arts numériques et de la créativité innovante, avec un festival qui accueille chaque année cent mille visiteurs sur les bords du Danube. Cette ini-tiative fut fondée en 1979 avec la volonté de passer d’industries obso-lètes à la société de l’information.

Elle fut suivie par le lancement du prix éponyme11 en 1987 et par l’instauration du centre Ars Electronica en 1996 (rénové en 2009) avec son Future Lab, pour proposer des expositions didactiques, des travaux de recherche impliquant des laboratoires et des entreprises issues du monde entier. Si certains12 remarquent, à juste titre, dans les publications et les symposiums d’Ars Electronica, un discours éter-nellement positif, peu analytique et peu critique des rapports arts-so-ciété-technologies, contrairement à ce que les thématiques13 du festi-val pourraient laisser penser, on ne peut que constater le succès d’Ars Electronica qui s’installe dans la durée et a réussi à fédérer toute une ville et à tisser des ramifications internationales fortes.

01 // Caroline Stiegler (anciennement avocate) est impliquée dans Ars Industrialis, association internationale pour une politique industrielle des technologies de l’esprit cofondée par son mari, le philosophe Bernard Stiegler dont elle est aussi la proche collaboratrice.

04 // La « globalocalisation » (associant « global » et « local ») est une expression utilisée également dans le monde économique (dès les années quatre-vingt) pour représenter l’effort de diversification ou l’ajustement de l’offre selon la qualité et l’analyse sociologique de la clientèle locale (à partir des années quatre-vingt-dix) mais aussi dans des mouvements de culture dite alternative en vue d’une personnalisation des biens industrialisés par les utilisateurs. On retrouve aussi cette tendance dans le domaine des NTIC fournissant tant des services globaux que des services adaptés à des communautés locales afin d’améliorer leurs communications.

05 // Technique de marketing (développée au début des années 80 par la société Xerox) qui consiste à étudier et analyser les techniques de gestion, les modes d’organisation des autres entreprises afin de s’en inspirer et d’en tirer le meilleur.

06 // D’autres exemples français mériteraient d’être aussi relevés. Ainsi à Meylan, dans l’Isère, L’hexagone organise, depuis plusieurs années maintenant, des ateliers et une biennale arts-sciences (les rencontres-i), trait d’union qu’a choisi pour définition cette scène nationale atypique.

07 // Ce projet a mis de longues années à se concrétiser. Il est porté par l’agence d’ingénierie culturelle Le Troisième Pôle avec le groupe Naïve et une forte implication de la Ville de Paris dont la Gaîté est un établissement culturel important.

08 // De l’audiovisuel à la web culture en passant par la publicité, les jeux vidéo, la mode, le design ou encore les « arts culinaires ».

09 // Voir le site www.residencecreatis.fr

10 // Le PDG, Wolfgang Eder, déclare que « pour innover, les entreprises ne doivent pas se contenter d’observer les changements, elles doivent les induire ».

11 // Les lauréats du Prix Ars Electronica sont exposés au festival, les catégories évoluant en fonction des pratiques nouvelles.

12 // Lire l’article du curateur/essayiste/artiste nouveaux médias Armin Medosch, From Total Recall to Digital Dementia sur son blog www.thenextlayer.org

13 // Infowar, Goodbye Privacy,Total Recall-The evolution of memory,…

02 // Ensemble formé par la convergence de l’audiovisuel, des télécommunications et de l’informatique.

03 // « Les technologies relationnelles », telles que définies par Ars Industrialis, « désignent l’ensemble des technologies qui, non seulement mettent en relation, mais également qui engramment les relations » (www.arsindustrialis.org)

CHAP. 03 10 A/N/M

Page 36: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

70 7110 A/N/M CHAP. 03

BENCHMARKING. DE QUELQUES EXPÉRIENCESINTERNATIONALES À LA PARTICULARITÉ TECHNOCITÉ

BENCHMARKING. DE QUELQUES EXPÉRIENCESINTERNATIONALES À LA PARTICULARITÉ TECHNOCITÉ

Six Mil Antennas à la Société des Arts Technologiques, Montréal © Sébastien Roy - SAT Soma Mapping II - ZHAN JIA-HUA - Bains Numériques#7 Enghien-les-Bains© Nicolas Laverroux

Dromos à la SAT par Fraction & Maotik © Fraction & Maotik - SAT Strata - Maria Donata D’Urso - Bains Numériques #7 Enghien-les-Bains- © Nicolas Laverroux

CHAP. 03 10 A/N/M

Page 37: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

72 7310 A/N/M CHAP. 03

BENCHMARKING. DE QUELQUES EXPÉRIENCESINTERNATIONALES À LA PARTICULARITÉ TECHNOCITÉ

BENCHMARKING. DE QUELQUES EXPÉRIENCESINTERNATIONALES À LA PARTICULARITÉ TECHNOCITÉ

/ LA FORMATION CONTINUE DOITÉVOLUER ELLE AUSSIDE MANIÈRECONTINUE. /

Les cultures numériques en réseau À Montréal, la mondialement célèbre Société des Arts Technologiques (SAT), fondée en 1996, est pionnière dans le domaine des cultures numériques mais est également très proactive dans le maillage avec la recherche appliquée. Son Metalab, laboratoire de recherche et de développement, se définit comme «  un lieu vivant et ouvert où les utilisateurs et les communautés de créateurs interagissent avec les chercheurs, les designers et les développeurs ». Elle mise « sur les rap-ports dynamiques entre l’art, la technologie et la société, afin d’accen-tuer son rôle d’incubateur d’idées et de projets dans les domaines de l’immersion et de l’interactivité ». La SAT collabore très régulièrement avec des entreprises. Elles contribuent par ailleurs à son financement en louant ce lieu polyvalent14, où l’on peut passer d’un set de Moby à un work in progress sur la téléprésence, à une soirée d’entreprise ou encore goûter, au Food Lab, à la dernière invention gourmande. La SAT propose aussi un programme de formations techno-artistiques et des initiatives originales tel le souk@sat qui, pendant quatre jours, transforme le bâtiment en un immense loft habité par de jeunes créa-teurs montréalais.

La SAT, à l’instar d’une quarantaine d’opérateurs internationaux15, a rejoint le Réseau des Arts Numériques (RAN) initié par le Centre des Arts d’Enghien-les-Bains dont la Ville a misé sur la créativité numérique16. Le RAN développe des collaborations entre les membres, croise les expertises et la création, la formation et la recherche en lien avec le développement économique. Ce type d’associations d’intérêts se démultiplie devant l’évidente nécessité d’échanger des compé-tences et de se regrouper pour solidifier à la fois son implantation territoriale mais aussi sa puissance logistique, économique, innovante… et, plus largement, sa force de proposition.

Formation continue en évolutionPoussée par une volonté politique mais également par les acteurs de terrain, Mons a pu couvrir en un temps relativement court une série de besoins dans le domaine de la créativité et du numérique, grâce à des opérateurs culturels, universitaires17 et issus du secteur privé qui ont pu travailler en bonne entente. En ce qui concerne la formation, il faut sans doute remonter à 2001 et au lancement des centres de compétence tech-nologique18 en Région wallonne à l’initiative de Marie Arena19 qui a mis en place une véri-table politique volontariste en ce qui concerne le développement du numérique en Wallonie. Une structure unique comme TechnocITé, précise son directeur Pascal Keiser, « peut couvrir différents domaines, l’enseignement secondaire, le supérieur, les indépendants, les demandeurs d’emploi et les salariés (les entreprises) et toucher ainsi cinq cibles avec un effet d’échelle (utilisant le même parc d’équipement, parfois le même formateur s’il est susceptible de former différents publics…). En France ou dans d’autres régions en Wallonie ou à Bruxelles, par contre, chacun de ces domaines est segmenté. Ici, avec un budget de trois millions et demi d’euros, on forme cinq mille personnes par an à raison de deux ou trois semaines par personne, ce qui représenterait dans d’autres structures, plus segmentées et donc moins efficaces, trois fois ce coût  ». Contraire-ment aux autres centres de compétence wallons davantage tournés vers les secteurs «  tradition-nels  » des TIC, TechnocITé s’est orienté vers les industries créatives et ce dès 2003. C’est à cette époque que naît le projet Images et sons numériques démarré au Carré des Arts, puis le Centre des Écritures Contemporaines et Numériques (CECN) au sein du manège.mons, partenaire privilégié de TechnocITé, notamment

au sein de projets européens. Cette même vision transversale permet d’établir « une complémen-tarité précieuse et assez unique à l’époque, entre formations aux outils technologiques et aux nouvelles pratiques artistiques liées au numé-rique, notamment dans le domaine des arts de la scène  ». La formation continue, sur laquelle a misé Mons, fait alors un bon en avant béné-ficiant d’une rupture technologique notable au début des années 2000. « Avec les logiciels pro-fessionnels, on devait aller dans un studio sou-vent onéreux et donc inaccessible à beaucoup de gens, alors que là ces technologies sont devenues accessibles. Tous ces nouveaux outils portables ont brusquement changé le spectre de personnes à former. À la place des techniciens spécialisés, tous ceux qui possédaient un ordinateur ont eu la possibilité d’y avoir accès et la formation conti-nue s’est imposée comme un enjeu d’autant plus fondamental  ». Depuis, poursuit Pascal Keiser, « ce phénomène n’a fait que s’amplifier car toutes les technologies s’accélèrent avec des logiciels qui évoluent très vite. C’est devenu un enjeu de socié-té de se perfectionner, d’apprendre… De même, les chômeurs doivent aujourd’hui acquérir des compétences supplémentaires et sont donc en demande de ce type de formations actualisées ». Cette étendue de possibilités et ce souci d’adap-tabilité font de TechnocITé une plate-forme as-sez unique de formation continue qui rejoint un enjeu sociétal, également sensible à l’intégration de la créativité artistique (via notamment les di-verses collaborations menées avec Transcultures et au sein du CECN avec des partenaires français tels le Studio national des Arts Contemporains Fresnoy à Tourcoing ou encore flamand avec le Vooruit à Gand20).

«  La spécificité de TechnocITé par rapport à ses homologues, c’est aussi d’avoir embrayé d’emblée, au-delà du domaine plus balisé des TIC, sur les jeux vidéo, les technologies audio de pointe, la télévision interactive ou plus récemment l’Internet des objets.  Beaucoup d’acteurs se rendent compte aujourd’hui que la formation continue doit évoluer elle aussi de manière continue, en live, et c’est peut-être ce qui explique que TechnocITé soit souvent cité en exemple ». Mons 2015, Capitale européenne de la Culture devrait aussi permettre à la complémen-tarité entre créativité, formation et économie de trouver une visibilité, un public élargi et un

tremplin de développement tant régional qu’in-ternational. Dans ce même esprit, le gouverne-ment français vient de lancer la « French Tech », une initiative dotée de moyens importants, avec une vision d’emblée plus «  systémique  » sus-ceptible de réunir la diversité des acteurs et des champs de l’innovation numérique. Cette ap-proche volontariste et structurelle, adaptée aux spécificités des territoires, des forces et faiblesses des opérateurs, est sans doute à considérer pour sortir des cloisonnements obsolètes et œuvrer pour une « intelligence collective ».

14 // La SAT s’est dotée, en 2011, d’un nouvel étage avec théâtre immersif sous la forme d’un dôme – la « Satosphère » – qui est un écran de projection sphérique sur 360°, premier environnement immersif permanent dédié à la création artistique et aux activités de visualisation.

15 // Le RAN réunit une dizaine de pays, autant de festivals associés et également des laboratoires de recherche, universités et des écoles d’art.z

16 // Enghien-les-Bains a été sélectionné récemment par l’Unesco pour rejoindre le Réseau des villes créatives. Elle est à ce jour la plus petite ville du réseau et la troisième ville dans le monde à être désignée dans la catégorie « arts numériques » avec Lyon en 2008 et Sapporo.

17 // Tel l’Institut pour les technologies des arts numériques Numediart (Université de Mons), qui est aussi un consortium regroupant une quinzaine de membres des mondes de la culture, de l’entreprise et de l’éducation.

18 // Outre TechnocITé, les autres centres de compétence TIC en Région wallonne sont Technofutur (Gosselies), Technifutur

19 // L’actuelle sénatrice était alors ministre de l’Emploi et de la Formation du Gouvernement wallon et ce jusqu’ en 2003, avant d’être appelée au gouvernement Verhofstadt puis, en 2004, d’être nommée ministre-présidente du Gouvernement de la Communauté française de Belgique.

20 // Au sein du programme européen transfrontalier Transdigital (2008-2012), une plate-forme d’échange pour la connaissance transcendant les frontières sectorielles, qui met en relation les artistes, les scientifiques et les entreprises.

Fin novembre 2013, Fleur Pellerin, ministre déléguée à l’Économie numérique du gouvernement français, a présenté l’initiative « La French Tech » qui fait suite aux «  quartiers numériques  »,

un programme de labellisation décerné aux métropoles qui développent un écosystème de start-ups dynamique et ambitieux. Celles-ci auront accès à des services et des ressources visant à soutenir leur croissance et bénéficieront d’une visibilité internationale.

L’objectif est de «  construire un mouvement de mobilisation collective pour la croissance et le rayonnement international des start-ups françaises du numérique  », en soutenant activement la diversité des talents numériques. Au-delà des entreprises, ce label, qui est aussi un programme de formation continue et « d’accélération » avec des possibilités de co-investissements, est suscep-tible de toucher tous ceux qui participent à la dynamique du numérique dans ce qui serait une future « start-up république ».

Plusieurs des préconisations du projet French Tech reprennent des stratégies développées à Mons depuis 2008, notamment la mise en oeuvre de programmes de formation massifs, l’accélé-ration des start-ups avec les entreprises privées, la création d’un bâtiment totem et d’un label, comme celui de la DIV.www.lafrenchtech.com

/LA FRENCH TECH

CHAP. 03 10 A/N/M

Page 38: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

74 7510 A/N/M CHAP. 03

LES RENCONTRES PROFESSIONNELLES VIA, LABORATOIRE DE MONS 2015

PAR BERTILLE COUDEVYLLE

/LES RENCONTRESPROFESSIONNELLES VIA,LABORATOIRE DE MONS 2015

Via.Pro, ce sont trois journées au planning très serré pour décliner un éventail de propositions intégrant des technologies dans leur processus ou dispensant un discours critique sur ces dernières. Celles-ci entrent en résonance avec les thématiques développées dans le cadre du magazine Patch (Actor #1 de Kris Verdonck, présenté en mars 2010, en écho au  dossier Acteur/Machine de Patch 10 ; portfolio autour de Rémanences de Thierry de Mey dans Patch 11, présenté en mars 2010). Le souhait d’encourager le débat entre artistes et institutions culturelles conduit le CECN à tester différents formats de rencontres : du débat à l’issue des représentations au speed-dating, les artistes défendent leurs projets, dossier à l’appui et en un temps record, devant un maximum de programmateurs et finalisent parfois des coproductions. Si le travail d’artistes confirmés est présenté, le soutien à la jeune création est prépondérant à travers les programmes « matinées Jeune Création  », puis « À suivre » et l’attribution, par un jury de profes-sionnels, du prix des rencontres professionnelles à une compagnie émergente (t.r.a.n.s.i.t.s.c.a.p.e, Antoine Defoort et Halory Goerger, Jacques André et les Hommes Penchés, Mylène Benoit).

En accompagnement des propositions artistiques, des tables-rondes ou conférences accueillant des représentants de structures significatives du secteur (Mapping festival, L’Hexagone, Timelab, etc.) tentent un état de l’art ou présentent des pistes de recherche. Des ateliers questionnent les pratiques du métier  : Quels outils pour quelles écritures ? L’art numérique rend-il le spectateur plus heureux  ? Peut-on créer, par le biais des technologies, des formes artistiques adaptées aux différents handicaps ? Quelles sont les nouvelles perspectives de création ?

Les rencontres professionnelles Via.Pro, organisées à Mons par le manège.mons et TechnocITé en marge du festival Via constituent, de 2007 à 2011, le point d’orgue de la saison du CECN. Ce temps de programmation et de rencontre présente à un public de profes-sionnels européens (artistes, techniciens, chercheurs, responsables de structures culturelles et étudiants) une vitrine des compétences du centre en matière de formation, d’accompagnement d’artistes, de publications, de recherche et transmission des savoirs, valorisées par une démarche intégrée.

Les rencontres professionnelles Via.Pro sont nées du constat que les propositions artistiques à composante technologique sont victimes d’un a priori de la part des programmateurs qui ne sont pas familiers de ces nouvelles formes. Elles sont donc conçues dans un esprit de médiation, afin de favoriser la rencontre entre artistes et responsables de structures culturelles et la diffusion des œuvres ailleurs que dans les théâtres dédiés aux seules écritures numériques.

Reflet de la démarche collaborative du CECN, Via.Pro privilégie la pluridisciplinarité et la diversité des formes artistiques, faisant dialoguer performances de danse ou de théâtre, installations, concerts, dispositifs interactifs et immersifs, … en alternance avec des temps de réflexion et de partage de connaissances. Parmi les projets présentés – spectacles aboutis ou en chantier –, plusieurs sont issus des résidences menées dans le cadre des projets CECN2 et Transdigi-tal, bénéficiant ainsi du soutien du programme Interreg IV (FEDER). Ceci n’est qu’un exemple parmi les multiples connexions réalisées, à l’occasion de ce temps de diffusion, entre les différents pôles de com-pétence du centre : formation, recherche et programme de résidences.

CHAP. 03 10 A/N/M

K, a Society - BEETLE © Hendrik De Smedt

Page 39: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

76 7710 A/N/M CHAP. 03

LES RENCONTRES PROFESSIONNELLES VIA, LABORATOIRE DE MONS 2015

LES RENCONTRES PROFESSIONNELLES VIA, LABORATOIRE DE MONS 2015

Cent trente à deux cents professionnels participent aux rencontres et, dans un esprit de transmission, l’ensemble du programme est ouvert aux artistes et techniciens de demain, mais aussi à un public étudiant, dans le cadre du dispositif Ambition Numérique, qui prévoit la sensibilisation du jeune public. En écho aux cycles de formation proposés par le CECN, des étudiants du Fresnoy exposent leurs travaux, les équipes d’UMONS/Numediart, le programme Transforme du Centre de recherche et de composition chorégraphiques de la Fon-dation Royaumont ou encore la plate-forme de recherche Virage du GMEA sont invités à partager leurs dernières investigations. L’événe-ment sert également de support à un workshop à destination des stagiaires en médias numé-riques de TechnocITé. Photographes, cadreurs, monteurs, preneurs de son documentent en direct l’ensemble des rencontres dans le cadre de l’atelier Web Tv.

Sous les pavés, la scèneFaisant fi du souci de remplir des salles de spec-tacle, les formes confidentielles et in situ sont privilégiées avec une série de spectacles pour un, deux ou trois spectateurs, dont Un doux reniement de la compagnie du Veilleur, présenté dans le cadre des Inopinés en 2010 et toujours en tournée. Et quitte à nouer une relation intime, parfois déstabilisante avec le spectateur, allons jusqu’au bout de la démarche en supprimant les acteurs… En 2010 toujours, un robot, puis un hologramme et une machine à fumée accueillent successive-ment les spectateurs au sein de la margin’halle (Maison Folie), avec Actor #1 (Mass, Huminid, Dancer #3) de Kris Verdonck. Happy Digital  ?, questionne l’édition 2011, mais aussi «  Happy few », qui ont le loisir de composer leur parcours à la carte !

Au fil des années, le programme se resserre au-tour de la thématique principale de Mons 2015, «  Where technology meets culture  », accompa-gnant la réflexion de la future Capitale euro-péenne de la Culture sur les implications sociales et urbaines des technologies. Le Parcours urbain (2011) investit la ville : au détour d’une rue, sur une façade, l’œuvre est partout où on ne l’attend

pas. Aux alentours de minuit, par un froid de canard, Benoit Labourdette convie le public à une promenade nocturne et offre sur les murs de rues périphériques de Mons une projection de films courts réalisés avec un smartphone (Fast Movies, 2011). Loin du souci d’offrir des condi-tions de confort optimales au public, le festival ne recule devant aucune audace pour bousculer le spectateur dans ses habitudes. On garde le secret, on suscite le questionnement. Le lieu de représen-tation est dévoilé à la dernière minute (Wonder-markt, Rotozaza). Avec Carcans de Patric Jean, le spectateur ne sait pas à quelle expérience il va se prêter et a reçu au préalable des informations mystérieuses par la poste…

La pratique de spectateur prend de plus en plus l’allure d’un jeu de piste dans la ville, «  dont vous êtes le héros  ». Une performance dont le spectateur unique est l’acteur d’un «  au-to-théâtre » est organisée dans un supermarché local, avec Wondermarkt de Rotozaza (2011). La même année, CREW/Eric Joris bouscule nos perceptions jusqu’au vertige, avec le dispositif immersif C.A.P.E, une promenade virtuelle dans Bruxelles, qui réveille nos rêves de téléportation. Avec Roger Bernat, l’ensemble du public, commandé à distance par des voix auxquelles il obéit aveuglement, improvise une manifestation (Domini Public, présenté en 2010) ou interprète avec plus ou moins de grâce le mythique Sacre du Printemps de Pina Bausch (2011).

Spect’acteur, figurant manipulé, flâneur curieux, le public est largement mis à contribution dans la co-réalisation de ces parcours artistiques, dont la caractéristique principale est de surprendre toujours plus ceux qui accepteront de jouer le jeu. Le caractère ludique de ces performances participatives à technologie ajoutée préfigure la progressive orientation du CECN en faveur de pratiques artistiques, inspirées du gaming, déployées dans l’espace urbain. Dès 2012, le social gaming expérimente les possibilités de créer du lien social à l’aide de jeux vidéo menés à l‘échelle de la ville de Mons. La suite de ces expé-rimentations, poussées plus loin chaque année, sera à découvrir en 2015.

* Huit partenaires sur CECN2 et six sur Transdigital. CECN2 : Le Manège - Maubeuge, Le manège.mons, TechocITé (Mons), la Ville de Jeumont, Danse à Lille/CDC, Charleroi/Danses, Le Fresnoy (Tourcoing) et Art Zoyd (Valenciennes). Transdigital : TechnocITé (Mons), Le Fresnoy (Tourcoing), Latitudes Contemporaines (Lille), le manège.mons, le Manège – Maubeuge, le Vooruit (Gand).

CHAP. 03 10 A/N/M

K, a Society - FRIEZE © Luc Schaltin

K, a Society - MONSTER (2) © Hendrik De Smedt

Page 40: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

78 7910 A/N/M CHAP. 03

CECN, TRANSMISSION ET DIFFUSIOND’OEUVRES NUMÉRIQUES

CECN, TRANSMISSION ET DIFFUSIOND’OEUVRES NUMÉRIQUES

CHAP. 03 10 A/N/M

t.r.a.n.s.i.t.s.c.a.p.e, Distorsions urbaines © t.r.a.n.s.i.t.s.c.a.p.e

Page 41: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

80 8110 A/N/M CHAP. 03

CECN, TRANSMISSION ET DIFFUSIOND’OEUVRES NUMÉRIQUES

CECN, TRANSMISSION ET DIFFUSIOND’OEUVRES NUMÉRIQUES

CHAP. 03 10 A/N/M

Couvertures du magazine du CECN, 8 numéros parus entre 2004 et 2008 © CECN

Page 42: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

82 8310 A/N/M CHAP. 03

CECN, TRANSMISSION ET DIFFUSIOND’ŒUVRES NUMÉRIQUES

2004, année-lumière. Deux centres culturels et un centre de formation initient un projet pilote en Europe en développant sur la zone frontalière franco-belge le premier centre dédié à la formation technologique des pro-fessionnels des arts du spectacle. TechnocITé, centre de compétence de la Région wallonne en médias numériques, apporte au Centre des écritures contemporaines et numériques son expertise en matière de pédagogie et les manèges de Mons et Maubeuge, leurs plateaux et savoir-faire en accompagnement d’artistes.

L’idée d’un tel centre émerge à un moment-clé de l’histoire du territoire franco-wallon. Maubeuge et sa scène nationale bénéficient en direct de l’expérience et des étincelles de Lille 2004, sous la houlette de Didier Fusillier. Et Mons, a établi dès 2003 les bases d’un parte-nariat solide entre le nouveau centre culturel transfrontalier placé sous la direction d’Yves Vasseur et son homologue maubeugeois. De part et d’autre de la frontière, on imagine déjà la suite… Des visionnaires dessinent l’ave-nir d’une euro-région modeste qui, dans un

PAR BERTILLE COUDEVYLLE

peu plus d’une dizaine d’années à peine, aura réalisé un formidable bond en avant en termes de développement. Les premiers jalons sont posés pour faire de Mons la Capitale culturelle de l’Europe et, situation inédite, de Maubeuge, la Capitale régionale de la Culture, la même année, en 2015… Dès 2004 encore, la presse belge salue l’émergence d’une Digital Innovation Valley montoise. La Ville a fait le pari de fonder sa reconversion économique sur un projet fort autour des nouvelles technologies et des médias numériques et le succès est au rendez-vous. Son pouvoir d’attraction auprès de multina-tionales puissantes telles que Google ou Microsoft mais aussi de start-ups (Acapela, I-Movix, Fishing Cactus…) n’est pas sans rapport avec le renouveau culturel de la cité qui participe de la même dynamique. Fidèle à son passé artistique, Mons redevient un territoire propice à la création.

Dès lors, Mons 2015 incarne la synergie culture-technologie du projet de ville à travers le slogan qui constitue sa trame thématique : « Mons, where technology meets culture  ». Le CECN est alors initié dans l’idée de fournir aux artistes les moyens de se former et de créer avec les technologies nouvelles, de faire émerger des projets inédits et sur mesure et de nourrir la réflexion sur les mutations possibles de la Cité par l’art et les technologies.

La création du Centre comble une lacune en matière de formation aux technologies numériques appliquées aux arts de la scène. Afin de répondre aux exigences d’efficacité des professionnels, le pro-gramme propose des formations courtes (de trois à cinq jours) alliant théorie et pratique et prenant appui sur les projets des apprenants. Les dernières pistes d’innovation sont présentées : capture de mouve-ment, traitement de la voix en temps réel, vidéo, MAX/MSP, Isadora, robotique, conception de capteurs, technologies mobiles…

En 2008, grâce au soutien du programme européen Interreg IV, de nouvelles formations voient le jour afin d’exploiter les pistes offertes par les biotechnologies et le développement durable, qui tendent, à l’instar des technologies numériques, à interférer sur la création contemporaine. Et, grâce à de nouveaux partenariats, le CECN2 peut désormais proposer une approche tantôt par métiers, tantôt transdis-ciplinaire. Danse, à Lille, et Charleroi/Danses lui assurent une compé-tence Danse, Art Zoyd et Musiques Nouvelles (via le manège.mons), une compétence musique, Le Fresnoy, une compétence cinéma/arts plastiques.

LE CENTRE DES ÉCRITURES CONTEMPORAINESET NUMÉRIQUES : TRANSMISSION ET DIFFUSION D’ŒUVRES NUMÉRIQUES

/CECN

CHAP. 03 10 A/N/M

Superamas, THEATRE. Superamas a collaboré intensivement avec le CECN et TechnocITé, notamment sur des ateliers de modélisation 3D dont le résultat a été utilisé dans leurs spectacles

© Superamas

Page 43: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

84 8510 A/N/M CHAP. 03

CECN, TRANSMISSION ET DIFFUSIOND’OEUVRES NUMÉRIQUES

CECN, TRANSMISSION ET DIFFUSIOND’OEUVRES NUMÉRIQUES

CHAP. 03 10 A/N/M

t.r.a.n.s.i.t.s.c.a.p.e/Pierre Larauza, Paysages rhizomatiques© t.r.a.n.s.i.t.s.c.a.p.e/Pierre Larauza

LAb[au], Liquid Space, présenté lors de City Sonic aux Abattoirs (Frigo) à Mons en 2006, avec le concours du CECN © LAb[au]

Cie Adrien Mondot/Claire Bardainne, Convergence © Cie Adrien Mondot/Claire Bardainne

Page 44: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

86 8710 A/N/M CHAP. 03

CECN, TRANSMISSION ET DIFFUSIOND’OEUVRES NUMÉRIQUES

CECN, TRANSMISSION ET DIFFUSIOND’OEUVRES NUMÉRIQUES

Des accueils en résidence sont également proposés à des compagnies souhaitant développer un aspect technologique particulier dans leurs spectacles ou simplement expérimenter sans obligation de résultat. Les possibilités offertes par les technologies découvertes en formation peuvent ainsi être explorées durant ces temps de recherche et parfois déboucher vers un projet de création. Le CECN joue ici encore un rôle de conseil en mettant en relation des équipes artistiques et des professionnels reconnus pour leur maîtrise technologique. Des artistes de renom sont accompagnés (Adrien Mondot, Superamas, Michèle Noiret, Myriam Gourfink, Denis Marleau, Thierry De Mey…), mais aussi de jeunes compagnies émergentes  telles que la compagnie du Veilleur, Antoine Defoort et Halory Goerger, Clémence Coconnier, la compagnie Haut et Court… Dans ce secteur en constante évolution, la documentation des projets utilisant la technologie fait souvent défaut. Le CECN tente une conservation et une structuration des connaissances à travers un pôle éditorial, dont la revue semestrielle Patch est le principal outil, avec des cahiers spéciaux réalisés en collaboration avec Mouvement. Des thématiques telles que la lumière, le bio-art ou Acteur/Machines ou Vidéo/Scène font l’objet de dossiers spéciaux et les processus créatifs d’artistes et techniciens significatifs sont décryptés afin de faciliter la transmission des savoirs.

Mais la plus grande réussite du projet réside dans sa capacité à intégrer dans une synergie globale ses différents pôles  -  formation, création, recherche et diffusion – et son efficace mise en réseau des artistes, techniciens et chercheurs. Le CECN tente de réduire l’iso-lement des pratiques  ; la formation est pensée comme une trans-mission d’artiste à artiste. Le CECN accueille des artistes confirmés, mais entend surtout aider de jeunes compagnies à se développer, en privilégiant un engagement dans la durée. Dans la pratique, le schéma d’accompagnement parfait sera de former un artiste, de l’accompagner en résidence en le faisant bénéficier d’une consultance technologique et de présenter le résultat de cette collaboration lors des rencontres professionnelles Pro.Via, puis en tournée chez un ou plusieurs des partenaires du projet. En effet, l’avenir de ces nou-velles écritures passe par leur diffusion et la médiation à la fois auprès des professionnels et du public au sens large. Enfin, dans le cas de développement de pratiques ou de dispositifs inédits, certaines compagnies se verront même proposer de partager leur expérience à leur tour dans le cadre d’une formation… Ce sera le cas de Cyrille Henry et Mylène Benoit, sur les capteurs embarqués, ou encore de Thierry De Mey, autour de Light Music. D’autres mixeront leurs pratiques, à l’instar de Kitsou Dubois et Eric Joris pour un atelier autour des dispositifs immersifs et de l’apesanteur… L’essentiel étant de ne jamais rompre la chaîne de la transmission.

/ LE CECN EST INITIÉ DANS L’IDÉE DE FOURNIR AUX ARTISTES LES MOYENS DE SE FORMER ET DE CRÉER AVEC LES TECHNOLOGIES NOUVELLES ET DE FAIRE ÉMERGER DES PROJETS INÉDITS ET SUR MESURE. /

CHAP. 03 10 A/N/M

Couvertures du magazine Patch, N. 09 > 12, publié par le CECN entre 2009-2010 © CECN

Page 45: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

88 8910 A/N/M CHAP. 03

TRANSDIGITAL, BILAN

CHAP. 03 10 A/N/M

Couvertures du Transdigital Cookbook, publication transfrontalière autour des enjeux art-technologie-science-entreprises © TechnocITé

Fruit d’un partenariat transfrontalier entre des structures culturelles (Le Manège — Maubeuge et Mons, Le Vooruit — Gand, Latitudes Contemporaines — Lille) et de formation (TechnocITé — Mons, Le Fresnoy — Tourcoing), Transdigital s’associe le concours de centres de recherche (IBT — Gand, UMONS/Numediart) et de pôles d’excellence tels que Euratechnologies — Lille ou Virtua-lis SA — Mons. Il oeuvre pour la mise en réseau des arts, de la recherche et de l’industrie autour des technologies numériques afin d’encourager l’innovation, la compétitivité et le rayonnement de la zone transfrontalière Nord-Pas de Calais/Wallonie/Flandre. Initié grâce au concours du programme européen Interreg IV, Transdigital arrivera à son terme le 30 juin 2012. Retour sur les réalisations qui ont été rendues possibles par ce partenariat trans-national inédit.

Transdigital est né en réponse au constat que les artistes du secteur des arts numériques se heurtent à de grandes difficultés pour accéder à une veille technologique de haut niveau ou pour bénéficier du sou-tien de chercheurs dans la réalisation de leurs projets. Pourtant, les compétences en la matière sont remarquablement représentées dans la région transfrontalière avec la présence de plusieurs centres de recherche et d’entreprises innovantes, tels que Multitel, l’Université d’Hasselt ou l’IBBT de Gand, pour en citer quelques uns. Il manquait donc une mise en réseau de ces différents acteurs pour faire naître des synergies entre l’art, la science et la technologie. À titre d’exemple, la méthodologie développée par le Fresnoy est représentative de ce partage de savoirs et savoir-faire, puisque les artistes y étudiant bénéficient régulièrement du concours des laboratoires de recherche tels que l’IRCICA (Université de Lille 1 et CNRS), l’INRIA Lille-Nord Europe ou encore le CITU (Universités Paris 8 et Paris 1).

Pour rapprocher les différents acteurs, Transdigital a organisé une dizaine de rencontres et de séminaires alternativement entre Lille, Tourcoing, Mons, Maubeuge et Gand, autour de sujets tels que les applications mobiles, les serious games, les textiles innovants, la syn-thèse vocale ou encore les images 3D. Des workshops sont également développés à partir des présentations réalisées durant les rencontres, afin d’approfondir les axes de recherche par l’expérimentation pratique. Leur objectif est d’aboutir à de véritables collaborations entre artistes, ingénieurs et chercheurs des trois régions autour de

PAR VINCENT DELVAUX

/TRANSDIGITALBILAN

projets communs. Seize projets ont ainsi été menés à bien sur des thèmes variés tels que : les puces RFID et les médias localisés (Thierry Coduys et Serge Hoffman), la caméra trois cent soixante degrés dédiée aux expériences immer-sives (Crew_Eric Joris), les dispositifs immersifs et le corps en apesanteur (Kitsou Dubois, Eric Joris, Jean-Louis Larcebeau, Vincent Jacobs), l’autosuffisance énergétique (Keiko Courdy et Cédric Sabato), la projection « intelligente » (Daniel Danis).

Les Crossroads ont vu le jour en 2012. Ces évènements consistent en un temps de réflexion et de recherche préliminaire à la mise en œuvre de la trame thématique de Mons 2015 : « Where technology meets culture ». Les Crossroads se déclinent en deux temps : une journée de réflexion, à huis clos, suivie de cinq journées de laboratoire qui permettent à une équipe artistique épaulée par des entreprises ou des chercheurs de concevoir l’ébauche d’un projet susceptible d’être développé en 2015. Le premier laboratoire a été confié à Patric Jean autour du concept de social gaming et le second à Crew pour mener une recherche autour de nouvelles variantes de dispositifs immersifs. Enfin, Trans-digital soutient la production artistique, via des résidences d’artistes autour des technologies numériques. Les productions font l’objet d’une diffusion dans les structures partenaires des trois régions, particulièrement dans le cadre des festivals et expositions qui émaillent leur saison : Via (Mons, Maubeuge), Panorama (Tourcoing), Latitudes contemporaines, The Game is Up (Gand).

La compagnie Superamas a ainsi pu bénéficier du soutien transversal des différentes structures partenaires de Transdigital. Youdream a été coproduit et diffusé par le Vooruit à Gand, le Kustencentrum Buda de Courtrai et le Manège de Maubeuge dans le cadre du festival Via. Le film Liberty Chérie, qui est intégré dans le spec-tacle, a été coproduit par les Manèges de Mons et Maubeuge, TechnocITé ainsi que le Fresnoy et a été présenté lors du séminaire « Rencontres numériques » (avec le concours de l’Ambassade de France en Belgique), le 22 novembre 2010. Enfin, la compagnie a été invitée par TechnocITé et le manège.mons à participer à une rencontre autour des rapports vidéo/scène lors de Via.Pro 11. L’expertise de Transdigital a notamment per-mis au collectif de recevoir le support technique de l’entreprise wallonne I-Movix, spécialisée dans le développement de solutions de ralenti extrême utilisées dans le domaine du broadcast.

Page 46: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

90 9110 A/N/M CHAP. 03CHAP. 03 10 A/N/M

Tuur Van Balen, SynIS © Tuur Van Balen

TRANSDIGITAL, BILAN TRANSDIGITAL, BILAN

/ TRANSDIGITAL EST NÉEN RÉPONSE AU CONSTATQUE LES ARTISTES DU SECTEUR DES ARTS NUMÉRIQUESSE HEURTENT À DE GRANDES DIFFICULTÉS POUR ACCÉDER À UNE VEILLE TECHNOLOGIQUEDE HAUT NIVEAU. /

Théâtre, a également fait l’objet d’une résidence au Vooruit à Gand, durant le festival The Game is Up ! en mars 2011, puis à Mons en juin 2011. Forte de sa collaboration avec Transdigital, la com-pagnie développe une méthodologie de travail collaboratif ouverte au partage d’expériences, puisqu’elle participe en novembre 2011 à un atelier de mise en situation 3DS MAX chez TechnocITé, dont les résultats bénéficieront directement à sa nouvelle création.

Artistes et projets soutenus depuis le lancement du programme :Yukie, Daniel Danis, O’REX, Line-Up, Immercity (Bolscan, CAPE),Terra Nova, Eric Joris_CREW, Actor #1 et K, a society, Kris Verdonck/A two Dogs Company, Rémanences, Thierry De Mey, Domini Públic, Roger Bernat, Dancers! , Bud Blumenthal, Walden, Jean-François Peyret, Into the Light of the Night, Plan B, O Oui !, Benoit Lachambre, Cie Par b.l. eux, Permafrost, Aernoudt Jacobs, Les Corps Oubliés/ Les Cavalières#2, Thierry Alcaraz, Walk man, Antoine Defoort et Halory Goerger, Souffles, Vincent Dupont, Pharmakon, Matthieu Adrien Davy de Virville, Roadside Attractions, Jacques Loeuille, The Cradle of Humankid, Steven Cohen, Youdream, Liberty chérie, Superamas, Distorsions urbaines, t.r.a.n.s.i.t.s.c.a.p.e, Crimes sans Victimes, Aniara Rodado, Halo-CR, Keiko Courdy et Jacques Parnel, Dance with Viola, Todor Todoroff, Blink, HC Gilje, Chevalier de la résignation infinie, Diane Landry, Grues et Migrations piano, Kathy Hinde, Espace au-delà ME, Julius von Bismarck, Boucle Continuization, Wim Janssen, Effektgerät, Tina tonagel, Disclaimer, Wouter Huis, Ce n’est pas mon Expression de Voix, Ant Hampton & Britt Hatzius, Circonstance — Notre voix cassée, Duncan Speakman, Toujours à chaque Minute, Mélanie Wilson & Abigial Conway, J’ai fait une promesse, RANDOM SCREAM — Davis Freeman, The diaries of Richard, Création titre provisoire, This is major Tom to ground control, Véronique Béland, Tempo scaduto, Vincent Ciciliato, Cellulairement, Dorothée Smith

Page 47: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

92 9310 A/N/M CHAP. 03CHAP. 03 10 A/N/M

SUPERAMAS : LA TECHNOLOGIE À L’ÉPREUVE DE L’ART

SUPERAMAS : LA TECHNOLOGIE À L’ÉPREUVE DE L’ART

THÉÂTRE © Superamas

Page 48: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

94 9510 A/N/M CHAP. 03

LA TECHNOLOGIE À L’ÉPREUVE DE L’ART

PROPOS RECUEILLIS PAR JACQUES URBANSKA

/SUPERAMAS

En une quinzaine d’années et une petite trentaine de créations (spectacles-performances et instal-lations multimédias), le collectif belgo-franco- autrichien Superamas s’est imposé sur la scène théâtrale internationale et flirte aujourd’hui avec une certaine starification, dont il s’amuse pourtant toujours à disséquer la vacuité… Les œuvres scéniques de Superamas ont tou-jours voulu innover, tant sur le fond que sur la forme : ça cogne, ça dérange, c’est techno, ça fait du bruit et ça se veut jouissif… On pour-rait dire que ça ne laisse indifférents que ceux qui ne vont pas au théâtre, ce qui fait pas mal de monde. Et c’est peut-être sur ce point que les six membres du collectif affichent leur ambition la plus démesurée : essayer d’attirer à nouveau les foules grâce au théâtre.

Y a-t-il encore besoin de souligner que l’art a pour mission d’interroger les limites, décon-struire le rôle du spectateur et déclassifier les formes ?L’art devrait toujours continuer à interroger les limites, déconstruire, bousculer… Bien sûr  ! Tout comme la politique. Mais, en pratique, le milieu de l’art est conformiste. Conformiste et bourgeois. C’est une question qu’il m’est arrivé de poser à des étudiants récemment  : «  Quelle est pour vous la spécificité de l’art ? ». Ils étaient tous d’accord sur le fait que l’art avait pour tâche de remettre en question ce qui est établi. Mais, en même temps, ils prétendaient qu’une œuvre d’art se devait aussi de proposer quelque chose... De donner des réponses... Ce qui est contradictoire. Selon nous, l’art se doit de poser des questions et

Vous sentez-vous parfois enfermés dans votre recherche, vos procédés techniques ou vos expérimentations scéniques ?Oui. [rires] Oui, on peut facilement se répéter. Tous les artistes rencontrent cette question à un moment. Mais il me semble qu’il y a deux niveaux qu’il faut bien différencier. D’une certaine manière, une œuvre artistique est travaillée par une certaine constante. C’est ce qui fait que l’œuvre existe en tant que telle. C’est cette constante qui lui donne une articulation, une structure  : un visage en quelque sorte. Et, pour Superamas, ce qui travaille notre œuvre, c’est sa posture po-litique : nous sommes un collectif. Nous existons en tant que groupe. Nos travaux sont le fruit d’une gestation collective et revendiquent leur nature plurielle. Il y a cependant un autre point qui nous permet de bouger, de nous renouveler : c’est le fait que nous veillons à changer réguliè-rement nos modes de recherche, d’expérimenta-tion, de production et de création.

Quels ont été les moments charnières dans la continuité du collectif ?Nous pourrions dire que nous entamons notre quatrième période. Notre première période, ce furent les créations : Building 1 et 2, puis Body Builders, des spectacles où la danse et le corps étaient les vecteurs principaux. La deuxième période, c’est la trilogie des Big  : ces spectacles sont basés sur la boucle et la répétition et ques-tionnent le théâtre et la culture en général. En-fin, avec Empire, Youdream et THEATRE, nous avons créé une trilogie qui questionne les modes de représentation et la politique. Trois spectacles avec beaucoup de gens sur le plateau et des temps de recherche plus longs.

se garder de trouver des solutions : les églises et les écoles en ont suffisamment. L’art doit nous permettre de questionner ce que l’on croit. C’est le fondement de notre travail. Nous ne nous retrouvions pas trop dans ce qui se faisait au théâtre et ça n’a pas beaucoup changé depuis que nous avons commencé à travailler. Il y a plus de choses intéressantes dans les milieux de la performance ou de la danse contemporaine, mais ce sont pour nous, malgré tout, des mi-lieux élitistes et les spectacles s’adressent, fina-lement, à un très petit nombre d’initiés. Ce qui nous intéresse, c’est de faire de l’art vivant pour tout le monde. Et, comme les gens ont l’habitu-de de penser que l’art est fait pour apporter des réponses et que, souvent, ils ne comprennent pas ces réponses, on est face à un problème… Ou à un challenge ! [rires]

Pourquoi introduisez-vous des éléments lu-diques dans vos créations ?Nous avions coutume de dire  : « Ne pas laisser à Walt Disney le monopole du divertissement », et cela signifie deux choses. La première est po-litique : si résister à la société du spectacle qu’a décrite Guy Debord – et dont nous constatons aujourd’hui la pleine puissance – c’est faire des spectacles que personne ne voit (le plaisir étant banni du spectacle car ce serait céder à la facilité), alors, on laisse toute la place à Disney pour amuser les masses (ou à Bouygues et autres, qui s’occupent du temps de cerveau disponible). Et la seconde est politique : le plaisir est une bonne chose et on doit pouvoir réfléchir, questionner, s’émouvoir... en ayant du plaisir. L’équation : tra-vail = souffrance = sérieux = qualité nous semble une équation de domination (comme d’ailleurs celle inverse : loisir = plaisir = légèreté = bêtise).

Y a-t-il une référence à Kant1 dans votre : « Regardez comment ça existe et non regardez comme c’est moche ! »Oui, une chose moche peut être passionnante à regarder, voire devenir belle selon le point de vue que l’on adopte. Nous travaillons souvent à ramener des objets ou des éléments de la réali-té triviale sur le plateau. On apprend beaucoup en regardant. On questionne les certitudes  : selon quels critères le bon goût a-t-il rangé telle ou telle chose dans la catégorie du laid ? Voilà ce qui nous intéresse.

01 // Critique de la faculté de juger

02 // theyesmen.org

03 // etoy.com

04 // Au risque de simplifier, on pourrait résumer le concept comme suit : un artiste qui désire remettre en question un aspect de la société imite ce fait social ou politique dans son œuvre artistique afin de provoquer un questionnement chez le spectateur. Cultural Activism Today: The Art of Over-identification - sous la direction du groupe de recherche Bavo - Episode Publishers 2007

05 // Qu’est-ce que l’acte de création ? Gille Deleuze - Conférence donnée dans le cadre des mardis de la fondation Femis - 17/05/1987

SUPERAMAS : LA TECHNOLOGIE À L’ÉPREUVE DE L’ART

Comment situez-vous votre recherche par rapport à des collectifs d’activistes tels que les Yes Man2, etoy.CORPORATION3 ou par rapport au concept d’over-identification4 développé par le groupe de recherche Bavo ?Nous sommes assez proches dans la démarche, mais nous réinscrivons la grande majorité de nos créations dans le cadre classique et conventionnel du théâtre. On recontextualise des stratégies artistiques assez similaires aux leurs, dans un espace de représentation qui ne les contient pas et qui, a priori, les exclut. Et, ce faisant, on espère bien pouvoir critiquer le théâtre et la posture que ces stratégies impliquent. Nous sommes également très proches de ce concept d’over-identification dans notre façon de travailler. Mais il s’agit de recontextualiser les choses. On n’invente rien. Rien ne vient jamais de rien, tout ne fait que se transformer. Et en tant qu’artistes, nous travaillons simplement à contextualiser la réalité afin de la questionner.

Le théâtre a la réputation de ne réunir que des gens qui sont plus ou moins d’accord avec le message qui y est produit. Pensez-vous qu’il est encore, en tant qu’institution, un lieu pour diffuser un discours politique ? Attention, on ne prétend pas avoir un discours politique. Bien au contraire. On agit plutôt avec une certaine conscience politique : c’est-à-dire que, justement, on prétend pouvoir encore s’adresser aux gens d’une manière qui soit ques-tionnante. Mais il ne s’agit pas de débattre. L’art, ce n’est pas une question de communication (dixit Deleuze5).

Vous n’avez pas un discours politique ?Dans la pièce Empire Arts and Politics, des notre travail et de nos recherches, exposant ainsi les principes qui sous-tendent notre approche ar-tistique. Et nous moquons ces soi-disant principes. Nous nous moquons de la posture de l’artiste, car elle est avant tout une posture. Dans Empire, en l’occurrence, nous moquons même le fait qu’on prétende pouvoir être politique. Comme dans cette interview d’ailleurs. Bien sûr, nous sommes politiques. Mais, comme vous le souligniez dans votre question, cela fait longtemps que le théâtre ne rassemble plus réellement. Nous sommes parfai-tement d’accord : ça fait des lustres que le théâtre est un art mort (dixit Serge Daney cette fois),

/ L’ART SE DOIT DE POSER DES QUESTIONS ET SE GARDER DE TROUVER DES SOLUTIONS : LES ÉGLISES ET LES ÉCOLES EN ONT SUFFISAMMENT. /

CHAP. 03 10 A/N/M

Page 49: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

9796

SUPERAMAS : LA TECHNOLOGIE À L’ÉPREUVE DE L’ART

SUPERAMAS : LA TECHNOLOGIE À L’ÉPREUVE DE L’ART

Big III © SuperamasTHÉÂTRE © Superamas

Youdream © Superamas

10 A/N/M CHAP. 03CHAP. 03 10 A/N/M

Page 50: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

98 99

SUPERAMAS : LA TECHNOLOGIE À L’ÉPREUVE DE L’ART

SUPERAMAS : LA TECHNOLOGIE À L’ÉPREUVE DE L’ART

mais cela nous enrage. Car le théâtre reste, mal-gré tout, un endroit très privilégié et, s’il était moins prétentieux, vieux jeu, chiant…, il pourrait encore réunir les gens. Les seuls arts qui, pour nous, sont encore un peu vivants, c’est le cinéma (ou les séries tv d’aujourd’hui) et les arts média-tiques/technologiques (mais de manière encore balbutiante). Ce qui est également intéressant avec ces arts dits numériques, c’est qu’il y a des processus de production qui impliquent des compétences spécifiques et des collaborations. On peut difficilement faire l’économie d’une coopération, d’un travail d’équipe. Et là, ce qui nous intéresse, c’est la façon dont le groupe va faire de l’art. Pas du discours, pas de la propagande.

Vous avez affirmé lors d’une interview6 : « La technologie sert un propos et elle est utile à une pièce ». Pouvez-vous développer ?La technologie n’est pas intéressante quand elle n’est pas nécessaire, si elle ne sert pas un propos. Elle doit être réfléchie, pensée par la forme d’art qui l’utilise. Mais, a contrario, il n’y a pas d’œuvres qui ne réfléchissent sur le média. Donc la technologie, les technologies nous inté-ressent, car elles transforment radicalement notre manière de comprendre le monde, d’être les uns avec les autres... On travaille avec ce que l’on nomme les nouvelles technologies, parce qu’on travaille la réalité. En tant que matériau à observer, à triturer... Le numérique, les nouveaux outils, changent la réalité et c’est en cela qu’ils nous intéressent. Il nous semble également important de questionner ce paradigme qu’est la nouveauté technologique, car il est inextricable de la société capitaliste. Donc, si on veut exercer une critique sociale aujourd’hui, on doit en passer par une critique de la technologie.

Pouvez-vous décrire les technologies utilisées dans votre dernière pièce « THEATRE », qui questionnait, entre autres, la production d’images numériques « qui déterminent et manipulent notre regard sur la réalité »7 ? L’objectif premier était de créer un environne-ment interactif de répétitions et de captations qui permette un jeu théâtral entre les performers réels et des avatars 3D : les acteurs devaient pou-voir contrôler la chaîne créative du début à la fin.

Pour ce projet, vous avez collaboré avec le manège.mons et TechnocITé, pouvez-vous nous décrire le contexte de ce partenariat ?Notre collaboration avec le manège.mons et TechnocITé a commencé lors de notre pièce précédente. Nous avons rencontré Pascal Keiser8 et le courant est passé immédiatement. Nous avions des besoins spécifiques pour la réali-sation d’un film et TechnocITé nous a mis en relation avec I-Movix9. Nous avons utilisé leur camera slow motion pour certains plans. Pour «  THEATRE  » la collaboration s’est donc amorcée assez naturellement. Nous avons été en résidence à la Gare Numérique de Jeumont10 pendant quinze jours et, en parallèle, des étudiants de TechnocITé travaillaient en ateliers sur de la modélisation 3D. Deux ateliers de modelage 3D ont été mis en place au sein de TechnocITé avec à chaque fois de dix à douze étudiants. Le premier concernait la modélisation des acteurs de la pièce, d’après photos (corps et visages), et l’autre les décors virtuels. Ces ateliers avec les modeleurs 3D ont été très fructueux. D’une part pour nous qui découvrions la 3D, ses contraintes et ses atouts et, d’autre part, pour les étudiants qui ont pu travailler sur un projet concret, avec tous les aléas liés à la création : changements d’idée en cours de projet, découverte de nou-veaux problèmes à solutionner, apprendre à s’adapter, apprendre à communiquer,…

Dans votre nouveau projet en préparation, quels sont les médias avec lesquels vous travaillez et les technologies mises en œuvre ? Pour ce nouveau projet, nous voulons utiliser la technologie pour travailler le rapport au temps et plus particulièrement le temps de la performance. Nous pensons utiliser des technologies assez simples de bouclage sonore et de synchronisation lumière/son/robotique, ainsi que très vraisem-blablement une imprimante 3D. La première de ce nouveau spectacle, qui s’appellera sûrement Superamax, est prévue pour l’automne 2014.

Remerciements à Ariane Loze

06 // Rencontre avec Superamas à Stéréolux - 28/11/2012 - vimeo.com/55612897

07 // Présentation de « THEATRE » - Dossier de presse du festival Perspectives 2013

08 // Directeur du CECN (Centre des Écritures Contemporaines et Numériques) et de TechnocITté.

09 // i-movix.com

10 // garenumerique-jeumont.fr

/ CES ATELIERS AVEC LES MODELEURS 3D ONT ÉTÉ TRÈS FRUCTUEUX. D’UNE PART POUR NOUS QUI DÉCOUVRIONS LA 3D,SES CONTRAINTES ET SES ATOUTS ET, D’AUTRE PART, POUR LES ÉTUDIANTS QUI ONT PUTRAVAILLER SUR UN PROJET CONCRET, AVEC TOUS LES ALÉAS LIÉS À LA CRÉATION. /

10 A/N/M CHAP. 03CHAP. 03 10 A/N/M

C’est le dispositif numérique qui s’est mis au service du travail et de la créativité théâtrale pour aboutir à l’écriture du spectacle. Le deuxième objectif était de créer un dispositif technique qui per-mette de travailler en temps réel les projections vidéo, les lumières, les environnements sonores des scènes et les éléments de décor 3D, les effets spéciaux, ainsi que les points de vue des caméras virtuelles. Il s’agissait de générer une vraie mise en scène et une véritable mise en perspective (au sens propre et figuré) des deux espaces, afin de rendre leur frontière aussi poreuse que pos-sible au cours de la représentation. Ce dispositif numérique nous a permis de contrôler les deux univers (projeté/virtuel et physique) du spectacle en temps réel, avec la souplesse nécessaire au spectacle vivant. 

Le plus difficile à mettre en pratique a, sans aucun doute, été l’animation des avatars 3D. Après avoir travaillé des mois avec les acteurs à la conception d’un système de motion capture adapté à notre manière de travailler, nous n’avons eu que trop peu de temps pour vraiment l’optimiser et l’exploiter. Nous avons donc réduit le nombre d’animations et, par conséquence, la présence des avatars. Nous avons alors privilé-gié le travail avec le décor et les mouvements de caméra : c’est-à-dire le point de vue. Nous avons travaillé sur le plateau avec nos décors virtuels sur grand écran grâce à un moteur de jeu vidéo. Avec les comédiens nous avons établi les règles dramaturgiques et les conventions liées à l’utili-sation des mouvements de caméra dans le décor 3D. L’expérimentation des images 3D en temps réel et de la performance nous a fait découvrir un incontestable outil théâtral. En effet, nous avons conçu un système qui amplifie les mouvements des acteurs en les prolongeant par la mise en mouvement des décors 3D, connectant ainsi les deux univers.

Page 51: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

100 101

TO BE WHERE THE PIXELS ARECONVERSATION AVEC ERIC JORIS

/TO BE WHERETHE PIXELS ARE

À la différence des écrans scéniques, la scène-image serait la transposition de la scène elle-même en images. Sans écran identifiable1, la proposition devient une immersion dans une imagerie 3D, associée à des technologies d’interactivité permettant d’agir sur le visuel, de le modifier en temps réel ou en temps diffé-ré. Dans la scène-image, le visuel médiatisé devient un espace habitable, sensoriel, inte-ractif et modifiable à souhait2. Emmené par l’artiste Eric Joris, le collectif belge CREW3 explore des immersions très spécifiques, au travers de projets qui tentent d’élaborer, de circonscrire et de théoriser un nouveau médium artistique.

À la différence d’autres recherches du même genre, la sensorialité artefactuelle immersive de CREW a toujours privilégié la diffusion d’images vidéo issues d’une captation et non pas d’un virtuel créé de toutes pièces. Cela induit pour le public des univers proches de leur réalité, qui peuvent donc plus facilement se mélanger, se substituer ou se superposer à cette dernière. Le mélange de captations, live versus préenregistrées, crée des zones de flotte-ment, des pertes de repères – qui peuvent être minimes – mais qui génèrent des expériences mentales et physiques inhabituelles.

Si les philosophes créent des concepts, les artistes travaillent sur des percepts  : «  un ensemble de perceptions et de sensations qui survivent à celui qui les éprouve4 » et qui influencent durablement notre manière de percevoir et de penser le monde. Ce qui intéresse Eric Joris, c’est moins ce que l’on fait avec la technologie que ce que la technologie produit sur nous  : « Nous essayons de créer des conditions technologiques dans lesquelles nous pouvons nous plonger entière-ment, qui nous détachent d’une certaine réalité à laquelle nous sommes habitués. Nous regardons alors les effets qui en résultent et c’est la matière première de nos spectacles. Il ne s’agit pas seulement de réactions intellectuelles, ça peut être très physique et très fort  : lors de nos premiers essais, beaucoup de personnes se sentaient mal et une sur dix s’évanouissait littéralement pendant l’expérience. Il a fallu affiner le cadre, trouver des moyens pour transformer la recherche en expérience reproductible, afin de pouvoir la (re)présenter au public. » En une quinzaine d’années, le collectif a produit une trentaine de projets qui vont de l’installation à la performance théâtrale.

Quelles difficultés peut-on rencontrer quand on présente des œuvres aussi spécifiques et innovantes que celles de CREW ?Eric Joris  : Il y a une grande part de recherche et d’expérimentation dans notre travail – je pré-fère même plutôt parler d’essais –, pas seulement au niveau de la conception de nos projets, mais également au niveau des œuvres que l’on présente et que le public doit lui-même expérimenter. Même si l’on parle depuis très longtemps de transdisci-plinaire, d’intermédias, d’arts numériques, d’ins-tallation interactive… ça reste parfois difficile, les publics se mélangent encore très peu. Certaines personnes arrivent avec un rôle présup-posé de spectateur (ou même de spect-acteur)  ; certaines ont des attentes ou veulent une immé-diateté de l’œuvre, ils veulent comprendre sans explication ; ou, en voyant les caméras, prévoient une sorte de cinéma ou de théâtre où on va leur raconter une histoire… Cela provoque parfois des malentendus et des déceptions. Quand on a commencé, ce médium artistique n’existait pas en tant que tel, encore aujourd’hui il en est à ses balbutiements, il est en train de se construire.

01 // Via des interfaces immersives : casque de réalité virtuelle, casque audio, caméras multidirectionelles.

02 // Clarisse Bardiot, Arts de la scène et technologies numériques : les digital performances - Collection Les Basiques, Leonardo/Olats, 2013. Collection dirigée par Annick Bureaud.

03 // crewonline.org

04 // L’Abécédaire de Gilles Deleuze – réalisation Pierre-André Boutang - 1988

10 A/N/M CHAP. 03CHAP. 03 10 A/N/M

CREW, U © Eric Joris/CREWCREW a été de nombreuses fois soutenu par TechnocITé, notamment lors des rencontres VIA.Pro

Crossroad n. 2, CECN 2012 © Eric Joris/CREW

/ ITW : ERIC JORISDIRECTEUR ARTISTIQUE DE CREWPROPOS RECUEILLIS PAR JACQUES URBANSKA

Page 52: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

102 10310 A/N/M CHAP. 03

TO BE WHERE THE PIXELS ARECONVERSATION AVEC ERIC JORIS

TO BE WHERE THE PIXELS ARECONVERSATION AVEC ERIC JORIS

CREW, Terra Nova, 2012 © Eric Joris/CREW

CREW, U © Eric Joris/CREWCREW, Headswap, Mons, 2009 © Stéphane Lintermans

CHAP. 03 10 A/N/M

Page 53: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

104 10510 A/N/M CHAP. 03

TO BE WHERE THE PIXELS ARECONVERSATION AVEC ERIC JORIS

TO BE WHERE THE PIXELS ARECONVERSATION AVEC ERIC JORIS

Ça n’est pas du cinéma, ni du théâtre ou de la performance, ce ne sont pas non plus des arts visuels, de l’art interactif ou ce qu’on entend cou-ramment par réalité virtuelle/augmentée… bien que ça emprunte, ici et là, à tous ces médiums… Cela entraîne une autre manière pour le public de se percevoir, de dialoguer avec l’objet. Et par-fois le dialogue peut ne pas s’enclencher. C’est un risque, nous avons appris à en tenir compte dans l’élaboration de nos projets. Ainsi que de l’échec, dont nous n’avons pas peur  : l’échec fait partie du processus.

Vous m’avez dit que, dans les premières années, certaines personnes ne comprenaient pas quel était le but de l’expérience : les faire monter au premier étage de l’immeuble dans lequel ils se trouvaient, puis au deuxième, puis les faire redescendre, leur faire faire un tour dans la rue, etc., pour revenir dans la salle… ils n’avaient tout simplement pas réalisé qu’ils n’avaient fait que marcher dans un cercle de cinq mètres de diamètre, sans jamais quitter le lieu où ils se trouvaient.Oui [rires], aujourd’hui, le projet (et les tech-nologies qu’il utilise) commence à être mieux connu du grand public, mais, il y a une dizaine d’années, c’était assez magique  : on pouvait fa-cilement créer une espèce de réalité virtuelle à laquelle le public croyait très naturellement car il ne s’y attendait pas du tout. C’était une première étape de travail, passionnante, même si on s’est très vite rendu compte que, au delà du subterfuge et de la prouesse technologique, ça n’était pas très intéressant en soi. Nous avons donc com-plètement changé de cap  : nous avons travaillé sur la lenteur, sur des gestes/actions simples et sur la conscience que ce que l’on voit n’est pas réel (ou se trouve dans une réalité autre). La personne voit par exemple ses jambes, mais elle est consciente que ce n’est qu’une image de

celles-ci. En même temps, elle sent bien que ses jambes physiques sont à la même place, faisant les mêmes mouvements. Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est ce que l’on appelle les zones transitionnelles, le point où les deux réalités se touchent, où il y a glissement. C’est très intéressant, ce qui se passe dans le cerveau à ce moment-là.

Le cadre technologique mais aussi scénique et dramaturgique que vous mettez en place ne crée donc pas l’œuvre… ni même le médium, puisqu’il manque encore l’expérimentation du public, son système nerveux, son cerveau et sa manière personnelle de percevoir et de réagir ?Cela crée en tout cas le cadre dans lequel ce médium peut naître. Et, bien sûr, il faut que le public fasse ce travail qui consiste à expéri-menter : c’est plus qu’une simple interaction. S’il s’attend à ce que des choses lui arrivent, comme ça, il n’y aura rien, car il ne ressentira rien. Il faut dialoguer avec le médium, le tester, être réceptif à ses propres sensations. D’ailleurs, dans nos spectacles, nous avons abandonné les concepts de spectateur/spect-acteur au profit de celui d’immersant, qui a l’avantage d’être moins connoté, tout en invitant à l’action.

Si on prend l’exemple de U, nous avons voulu explorer les proces-sus mentaux des patients atteints d’Alzheimer. La plupart des gens considèrent la technologie comme un moyen de progresser. Nous voulions l’explorer comme une expérience de régression, nous avons cherché à faire ressentir cela aux immersants. À faire (re)sentir cette maladie plutôt qu’à l’expliquer. L’être humain n’est pas en contact direct avec la réalité, puisque notre cerveau travaille avec des modèles de simulations mentales qui sont vérifiés à travers nos sens. Si l’on modifie légèrement un des paramètres du processus, ça peut être très intéressant. La prise de conscience que notre mémoire des faits est altérée, que nous ne sommes peut-être plus en possession de tous nos moyens, est une sensation qu’il est difficile de traduire en mots. Nous avons donc voulu créer un cadre qui permettait au public de vivre cette expérience, de percevoir, au moyen de subterfuges, une réalité légèrement modifiée.

Dans une interview5 réalisée en compagnie de Franck Bauchard6, on voit que les notions d’écriture textuelle théâtrale et de narration sont centrales. Pourquoi vouloir réintroduire ce genre de dramaturgie dans votre recherche ?Nous avons toujours voulu explorer les possibilités dramaturgiques de notre dispositif : comment raconter une histoire avec ce médium, puisque l’immersion se vit à la première personne  ? Introduire un narrateur ou des systèmes de narration importés tels quels d’autres médias – comme ceux du théâtre ou du cinéma – n’a donc pour moi aucun sens. Il faut réinventer, repenser le texte. Être là, ensemble avec les pixels, ça n’est pas pour (re)présenter les choses : on plonge dans cette matière, on fait corps avec elle. Notre challenge n’est pas seule-ment technologique, s’il existe des écritures théâtrales ou cinémato-graphiques spécifiques, il doit exister également une écriture spécifique à ce nouveau médium, et c’est ce que nous expérimentons.

Vous avez fait le pari de développer vous-mêmes les technologies dont vous aviez besoin, tant hardware que software. Comment situez-vous votre matériel face à des produits commerciaux comme l’Oculus Rift7 et en quoi vos recherches sont-elles semblables ou différentes ?Tout d’abord, lorsque nous avons commencé, les technologies existantes étaient non seulement peu nombreuses, mais hors de notre portée. Nous avions des envies et nous avons tout simplement cherché à les concré-tiser avec nos moyens. Nous avons eu la chance de très vite travail-ler avec des laboratoires scientifiques qui se sont mis au service de notre projet en échange d’informations. Nous continuons encore comme cela aujourd’hui : c’est du win-win. On nous aide à créer le cadre, nous l’expérimentons, nous ne sommes pas là pour trouver des réponses, mais plutôt questionner.

Au sujet de l’Oculus Rift : c’est très intéressant, bien sûr. Pour un budget modeste, on peut faire davantage avec plus de personnes. Le dispo-sitif offre un bon rendu visuel pour des jeux, mais, pour des images filmiques comme nous les utilisons, moins uniformes, plus complexes, les pixels sont un peu trop grands et on ne distingue plus les détails. Cela marche bien pour des close-ups, des plans larges, mais pour des plans moyens, c’est nettement moins bon que le système que nous développons. Il a un bon système de fixation, très simple à mettre en place, par contre il y a un petit problème de ventilation qui fait que la transpiration devient très vite gênante. Pour le moment, c’est encore un projet qui n’en est qu’à ses débuts, on peut imaginer que, s’il se dé-veloppe, ces problèmes seront corrigés et que ça deviendra vraiment intéressant. Ceci dit, quand on utilise des produits grand public, on est toujours, à un moment ou un autre, limité par quelque chose. C’est pourquoi nous avons toujours préféré tout développer nous-mêmes, même si, évidemment, cela pose un problème de budget.

Envisagez-vous d’utiliser un jour le système de crowdfundingpour vos projets ?Comme notre prochaine étape consiste à travailler en réseau, et donc à multiplier l’hardware, nous devrons développer des systèmes plus légers, compacts, moins complexes et moins coûteux. Cela pourrait évidemment être un bon moyen de toucher plus de monde et d’autres milieux. Ce qui se passe depuis quelques années avec le crowdfun-ding est très intéressant. Il n’y a pas que l’évolution des casques qui retient notre attention, les caméras, par exemple, représentent un autre aspect essentiel et il y a actuellement une masse de nouvelles idées qui affluent sur le marché par ce canal. Cela permet également de toucher le monde de l’entreprise, ce qui est une très bonne chose.

Cela fait quinze ans que vous êtes plongés dans l’immersion, est-ce devenu une obsession pour vous ? Ressentez-vous le besoin de travailler sur autre chose ?Oui et non, parce que, lorsqu’on travaille sur des domaines en friche tels que ceux-là, les pos-sibilités sont énormes et cela peut partir dans tous les sens et vous emmener très loin de votre recherche initiale. Et on en a très envie, donc la matière qu’on accumule et les projets sont très nombreux et variés. Malheureusement, on ne peut pas tout faire et il y a toujours, pour moi, la volonté de montrer un résultat public. Mais on collabore avec de nombreux acteurs, sur beaucoup de terrains et pas seulement au niveau culturel et artistique.

Par exemple, nous sommes actuellement dans un consortium qui réunit toute une séries d’acteurs qui travaillent sur des procédés de postproduction pour le cinéma. La post- production d’un film prend un temps considérable, parfois des années et, comme c’est souvent un processus décentralisé, il peut facilement échapper au producteur ou au réalisateur. Nous avons eu l’idée de développer des technologies pour que ces étapes de production soient ramenées sur le plateau, que ça puisse se faire (presque) en temps réel et que tout le monde puisse directement intervenir sur le film pendant qu’il est tourné.

Pour l’instant, seules quelques productions à très gros budgets ont accès à ce genre de technologie (et encore, on peut aller beaucoup plus loin). Il faut que cela se répande pour que des projets plus modestes puissent aussi en profiter et l’expéri-menter. Par exemple, nous cherchons à pouvoir retravailler la captation de nos univers en temps réel. Les premiers tests sont tout simplement in-croyables.

05 // Patch magazine #12 – 2011 – CECN2, Centre des Écritures Contemporaines et Numériques

06 // Alors directeur de La Chartreuse - C.I.R.C.A - C.N.E.S, aujourd’hui directeur de La Panacée, Centre de culture contemporaine - Montpellier

07 // Casque immersif grand public et bon marché, très à la mode dans le domaine du jeu vidéo.

/ QUAND ON A COMMENCÉ, CE MÉDIUM ARTISTIQUE N’EXISTAIT PAS EN TANT QUE TEL, ENCORE AUJOURD’HUI, IL EN EST À SES BALBUTIEMENTS, IL EST EN TRAIN DE SE CONSTRUIRE. /

CHAP. 03 10 A/N/M

Page 54: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

106 10710 A/N/M CHAP. 03

TO BE WHERE THE PIXELS ARECONVERSATION AVEC ERIC JORIS

Vous êtes venus de nombreuses fois à Mons dans le cadre de vos projets. Que retenez-vous de ces diverses collaborations montoises ?Pascal Keiser8 est vraiment un interlocuteur privilégié et il nous a accompagné –  que ce soit via le CECN9 ou TechnocITé10 – tant dans la production, la monstration que dans la diffusion. Je me souviens particulièrement des Rencontres Professionnelles du festival VIA, qui étaient un espace de présentation tout à fait exceptionnel. Nous travaillons tous chacun de notre côté, nous sommes très pris et ne prenons pas le temps d’aller voir ce qui se passe ailleurs. Des espaces-temps où les professionnels peuvent se rencontrer, prendre contact, réfléchir et échanger, sont indispensables.

En Belgique, nous avons d’autres structures partenaires, comme Buda à Courtrai ou le Kaai à Bruxelles, mais, à Mons, il y a cette spécificité technologique qui manque souvent ailleurs. Je pourrais encore citer quelques exemples  : le projet O_Rex, une de nos productions très compliquée, n’aurait tout simplement pas pu se poursuivre sans l’aide du CECN  ; des ate-liers et résidences, dont CROSSROAD11, un temps de réflexion n’impliquant pas la produc-tion d’un résultat, comme on en a trop peu  ; la participation au projet européen Transdigital12 (proposé par TechnocITé) qui s’attachait à faire se rencontrer le monde de la recherche, de la science, de l’entreprise et de l’art ; il y a eu aussi des moments de présentation magiques, comme le Headswap par satellite, avec un immersant à Mons et l’autre à Barcelone…

En attendant leur nouvelle création, CREW continue à travailler et à présenter son projet C.A.P.E (Cave Automatic Personal Environ-ment), qui vous invite à une promenade dans des lieux virtuels et dont le contenu immersif s’enri-chit d’année en année.

/ PAR RAPPORT À MONS, JE ME SOUVIENS PARTICULIÈREMENT DESRENCONTRES PROFESSIONNELLESDU FESTIVAL VIA, QUI ÉTAIENT UNESPACE DE PRÉSENTATION TOUT À FAIT EXCEPTIONNEL. /

/ LE SEUL PROBLÈME AVEC LE SON, C’EST LA MUSIQUE3 /

08 // Directeur du CECN et de TechnocITé

09 // cecn.eu

10 // technocite.be

11 // Recherche préliminaire à la mise en œuvre de la trame thématique de Mons 2015 : « Where technology meets culture ». Proposition du CECN.

12 // transdigital.org voir aussi la série d’articles publiés sur CREW dans le Cookbook #1 - Trans-digital

City Sonic, le festival international des arts sonores, a été initié en collaboration avec la Ville de Mons en 2003 par Transcultures1. Ces deux institutions défricheuses de talents innovants, sont toujours dirigées par Philippe Franck et s’inscrivent dans un tissu culturel montois riche en collaborations locales, mais également transfrontalières, européennes et même transatlantiques. Si les dernières éditions du festival ont été coproduites par le manège.mons, partenaire privilégié de Transcultures, il faut également noter les collaborations toujours plus nombreuses avec des acteurs comme l’Université de Mons (Numediart, Faculté d’Architecture et d’Urbanisme…), le Mundaneum, Art2, TechnocITé2… et dernièrement avec un ensemble d’acteurs de la région réunis sous l’appellation «  Coupole Numérique », créée à l’occasion de Mons2015, Capitale européenne de la Culture. C’est aussi ce réseautage permanent, qu’entretient et revendique Philippe Franck avec son projet intermédia Transcultures et, qui donne à City Sonic son identité si particulière.

La conception du «  sound art  » de Philippe Franck est «  plurielle et non figée  ». Il préfère d’ailleurs parler des arts sonores plutôt que d’un hypotétique « art sonore » Parler au singulier de l’art numérique le dérange d’ailleurs tout autant, car cela sous-entendrait qu’il n’y aurait qu’une seule entrée et sortie possible pour ces champs-là. Il parle du son, qui y est travaillé « comme ma-tériau principal (sans s’interdire des interactions avec d’autres médiums) et dépassant la musique, qui est bien sûr un des grands champs du sonore, mais pas le seul  ». C’est à partir de ce champ exploratoire et ouvert qu’il a conçu et continue de développer le festival City Sonic.

Quand on l’interroge sur la différence entre les arts sonores et la musique, Philippe Franck nous rappelle qu’il est indispensable d’avoir une bonne connaissance historique de ces disciplines afin de saisir les nuances ténues qui les distinguent, sans pour autant les opposer : «  Certaines grandes avancées de la musique du XXe siècle ont permis d’explorer le son en tant que tel et pas seulement l’agencement musical, c’est l’un des grands apports de Schaeffer, Scelsi, Cage, Ferrari, La Monte Young, Kupper, Xenakis, Stockhausen et d’autres aventuriers du son, souvent décon-sidérés par leurs contemporains, avant d’être sacralisés, pour certains, bien plus tard.

La dimension spatiale est essentielle. La spatiali-sation des œuvres musicales, notamment via l’électro-acoustique, est d’ailleurs affaire courante à présent et le son est bien plus voyageur et textural qu’auparavant, ce qui est vrai aussi pour certaines musiques électroniques dites plus expérimentales. Le son est aussi affaire de matière et cela bouscule forcément les notions de grammaire, de syntaxe, de notation… et autres codes musicaux figés, qui sont du coup obligés de s’ouvrir et de se réinventer. »

1 // Transcultures, Centre des cultures numériques et sonores a été créé en 1996 à Bruxelles.

2 // TechnocITé a co-produit six éditions de City Sonic. Parmis les autres partenaires, on retrouve des belges (L’iselp, Galeries, Flagey, Centres culturels de Huy et de la Région Centre…) mais aussi des structures internationales (Les Folies de Maubeuge, L’Ososphère à Strasbourg, Centre des Arts d’Enghien-les-Bains, Rhizome Productions à Québec…).

3 // « I have never heard any sound that I didn’t enjoy: the only trouble with sounds is music » John Cage;

Daniel Charles - La Souterraine : la Main courante, 1994

CHAP. 03 10 A/N/M

/CITY SONICFESTIVAL INTERNATIONALDES ARTS SONORES

/ ITW : PHILIPPE FRANCKDIRECTEUR ARTISTIQUE DE CITY SONIC

PROPOS RECUEILLIS PAR JACQUES URBANSKA

/ EN BELGIQUE, NOUS AVONS D’AUTRES STRUCTURESPARTENAIRES MAIS, À MONS, IL Y A CETTE SPÉCIFICITÉTECHNOLOGIQUE QUI MANQUE SOUVENT AILLEURS /

Page 55: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

108 10910 A/N/M CHAP. 03

CITY SONIC, FESTIVAL INTERNATIONALDES ARTS SONORES

CITY SONIC, FESTIVAL INTERNATIONALDES ARTS SONORES

« La notion d’art sonore est relativement récente, elle remonte aux années quatre-vingt, et se définir comme artiste sonore n’est pas toujours évident, même à l’heure actuelle. De manière générale, je n’aime pas les étiquettes, trop réductrices, mais il faut aussi pouvoir faire des distinctions  : un artiste sonore ne sera donc pas nécessairement un musicien et vice versa. Pour ma part, j’aime reprendre des expressions qui font naître en moi de très belles images : sculpteur ou plasticien so-nore, ou encore poète sonore ».

Pour allez plus loin dans la découverte des arts sonores, une adresse sur le Web est incontour-nable dans la blogosphère francophone  : celle de Gilles Mallatray et de son blog DESART-SONNANTS4, un véritable passionné du son et invité régulier de City Sonic. Le site du festival City Sonic5 est également devenu un portail en 2013, avec une multitude de sources et de flux d’informations sur des créations audio autres provenant du monde entier. Bien qu’il y ait encore peu d’outils critiques sur les arts sonores (surtout en français), on pourrait citer le livre Sound Art6 du musicien Alan Licht, ou Ocean of sound7 de David Toop. Il existe aussi des monographies d’artistes remarquables tels Christina Kubisch, Robin Minard, Hans Peter Kuhn, Rolf Julius, publiées en allemand… En France, on trouve la collection dirigée par Yvan Etienne aux Presses du réel8, avec des traductions et des essais de première main ; les livres d’artistes tels Dominique Petitgand9, Pascal Broccholici10, Pierre Belouin et son label/revue Optical Sound, Jérôme Poret ou encore les publications en ligne du laboratoire d’art sonore Locus Sonus. Enfin, il faut lire les écrits de Cage, Schaeffer, Ferrari... mais aussi de William Burroughs (Electronic revolution) ou d’Henri Chopin (Poésie sonore) qui stimulent les oreilles curieuses et cher-cheuses.. Philippe Franck contribue également à ce corpus en construction via des articles pour différentes revues, essais et bientôt un livre sur l’expérience City Sonic.

City Sonic, 10 ans d’aventures sonores au cœur de la citéEn 10 ans, en développant une dimension in situ et d’occupation de l’espace urbain, l’équipe de Transcultures n’a pas arrêté de s’adapter, d’apprendre et d’avancer, malgré de nombreux écueils, avec la volonté d’affirmer une différence et une singularité jamais pour autant détachée du souci du visiteur-auditeur.

La longévité de la manifestation et la reconnais-sance acquise aujourd’hui n’ont malheureusement pas aplani toutes les difficultés  : «  C’est encore difficile, peut-être même davantage qu’au début, de réunir les moyens pour proposer une mani-festation de qualité  », avoue Philippe Franck. Et de continuer  : «  À l’heure de la société de l’hyper spectacle, City Sonic tente de faire entendre ses voix différentes dans l’intime plutôt que l’accroche-tout et surtout avec une poésie qui nous distancie d’une programmation inter-changeable… Ça n’a jamais été facile et, même si cela s’améliore, il y a encore peu de festivals d’arts sonores, peu de lieux d’expérimentation pour les jeunes artistes, de budgets, d’espaces et de temps de recherche… il est donc important pour nous de soutenir ce type de création en offrant un espace d’intervention urbain et une plate-forme de production, de diffusion et de réflexion ».

4 // desartsonnants.over-blog.com

5 // citysonic.be

6 // Édition Rizzoli 2007

7 // Edition Serpent’s Tail 2001

8 // lespressesdureel.com – domaine Arts de la scène & arts sonores

9 // Dominique Petitgand, Notes, voix, entretiens

10 // dont Philippe Franck a coordonné Surfaces de propagation, en 2007

/ CERTAINES GRANDES AVANCÉES DE LA MUSIQUE DU XXe SIÈCLE ONT PERMIS D’EXPLORER LE SON EN TANT QUE TEL ET PAS SEULEMENT L’AGENCEMENT MUSICAL À L’HEURE DE LA SOCIÉTÉ DE L’HYPER SPECTACLE, CITY SONIC TENTE DE FAIRE ENTENDRE SA VOIX DANS L’INTIME PLUTÔT QUE L’ACCROCHE-TOUT. /

Denys Vinzant – D’Ores et d’espace © Denys Vinzant

CHAP. 03 10 A/N/M

Page 56: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

110 11110 A/N/M CHAP. 03

CITY SONIC, FESTIVAL INTERNATIONALDES ARTS SONORES

CITY SONIC, FESTIVAL INTERNATIONALDES ARTS SONORES

CHAP. 03 10 A/N/M

Daniel Palacios, Waves © Daniel Palacios

Page 57: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

112 11310 A/N/M CHAP. 03

City Sonic : « Made in Mons »Si le festival est maintenant considéré comme un rendez-vous montois du début de saison cultu-relle, de plus en plus de projets, nés en son sein, s’autonomisent et s’exportent en Belgique et à l’étranger. Il en va ainsi de Sonic Kids, des ateliers d’initiation aux pratiques sonores pour le jeune public dirigés par des artistes d’horizons différents, qui ont réussi à s’implanter régulière-ment à l’année tant chez nous que dans le Nord de la France.

Autre événement labellisé City Sonic  : la  Sonic Garden Party, avec des performances proposées dans des jardins privés qui ouvrent leurs portes à l’occasion de cet événement, aussi convivial dans l’approche que parfois pointu dans la program-mation. Il y a également des séries plus récentes, comme les Partages d’écoute (un artiste invité, critique ou mélomane commente une playlist sur un sujet précis), les « showcases  émergences » (avec le manège.mons) proposant une scène à des jeunes talents ou encore le Sonic Lab11, avec des petites formes musicales innovantes, alliant la dimension de recherche à des formes d’écritures audio-numériques.

Il y a enfin un label City Sonic, dont les produc-tions s’exportent régulièrement, tant en Belgique qu’à l’étranger. La diffusion des œuvres est essen-tielle pour son directeur/créateur : « Elle permet aux projets artistiques d’avoir une vie prolongée, une plus grande visibilité et parfois de déboucher sur d’autres opportunités. Je voudrais la déve-lopper encore davantage car le label City Sonic s’exporte de mieux en mieux, et ce dans des circuits très différents. Nous bénéficions d’une certaine mode pour les manifestations dans l’espace public, et d’un intérêt pour le son, de la part de plus en plus d’institutions qui ne savent pas toujours comment l’aborder  ». C’est ainsi que, grâce à ce travail en réseau, les productions City Sonic nées à Mons, se retrouvent en Bel-gique, en France, dans différents festivals en Eu-rope ou même en Tunisie ou au Canada. Outre « Park in progress »12, City Sonic offre également une plate-forme de visibilité à deux autres projets européens du manège.mons  : Espace(s) Son(s) Hainaut(s), une plate-forme pour les musiques innovantes13 ; et Nomade, qui privilégie la mobi-lité et la sensibilisation aux nouvelles pratiques numériques, de part et d’autre de la frontière.Tout aussi important, depuis quelques années, Philippe Franck assure également le commissariat de manifestations sonores telles que la Biennale

des Arts contemporains en milieu urbain Dédale à Huy en 2012, Les Folies à Maubeuge en 2013 ou encore Resonances, les Arts Sonores en Brabant Wallon en 2014, pour ne citer que les plus importantes.

La création sonore dans Mons 2015, Capitale européenne de la CultureMême s’il est encore tôt pour dévoiler le programme, à l’occasion de Mons 2015, City Sonic entend deve-nir un hub pour les arts audio européens, avec une série de créations en collaboration avec des centres, festivals et laboratoires sonores étrangers. Une bonne occasion, pour cette treizième édition du festival, de se redéfinir tout en développant ses spécificités  : «  un parcours au centre-ville mêlant des créations de grands artistes audiophiles à des découvertes/jeunes talents belges et européens. Le parcours partira du Carré des Arts, avec no-tamment une installation monumentale réalisée par les étudiants d’Arts, pour s’étendre au quar-tier récemment baptisé « Le kilomètre cultu-rel ». Celui-ci a pour point d’orgue Arsonic, le nouveau bâtiment dévolu aux musiques inno-vantes qui sera un haut-lieu du festival, et des collaborations électro-contempo avec l’ensemble Musiques Nouvelles  », nous annonce Philippe Franck.

On sait également que City Sonic investira le réseau Web avec deux lignes d’un « Métro IT » virtuel mis en place par Mons 2015, avec des commandes de pièces sonores et poétiques et avec un prix Mobile Sonic récompensant des formes audio connectées14. Enfin, un des pans importants de City Sonic étant la sensibilisation des jeunes publics et l’édition, Transcultures promet un temps fort pour les Sonic Kids, avec la mise en évidence du résultat de ces ateliers pour enfants. Et Philippe Franck pour conclure au sujet de ces projets à venir : « Nous serons aussi sans doute associés à la manifestation D’ici et d’ailleurs, organisée à la Maison Folie, autour de Montréal et Québec. Nous nourrissons avec ces deux villes des échanges soutenus à travers Rhi-zome Productions, une structure qui fait le trait d’union entre la littérature et d’autres disciplines contemporaines, dont la création sonore. Ce sera sans doute l’occasion de publier, via notre soun-dlabel Transonic, une série d’objets sonores liés à ces constellations et rencontres d’un autre type. »

CITY SONIC, FESTIVAL INTERNATIONALDES ARTS SONORES

11 // lancé, en 2012, avec Art Zoyd, groupe pionnier et studio de création musicale

12 // projet nomade initié par les Pépinières européennes pour jeunes artistes et dont Transcultures est co-organisateur. Il a pour but de favoriser des créations et collaborations interdisciplinaires de jeunes professionnels de la culture sur le lieu de leurs résidences

13 // Projet Interreg réunissant le manège.mons, le Phénix scène nationale de Valenciennes et Art Zoyd

14 // projet lié aux Mobile Awards –Art(s) & Network(s) que Transcultures a initié en 2013 lors de la Quinzaine numérique

6 juin 2012. La nouvelle vient de tomber sur le web  : « L’histoire d’Internet connaît un rebond dans le passé. L’idée de toile remon-terait en fait à 1934… » Cette information surgit dans la foulée du World Science Festival de New York, qui attribuait la paternité de l’idée de l’Internet à Paul Otlet, bibliographe belge, fondateur du Mundaneum. Et, ce, devant un panel d’experts reconnus, dont l’Américain Vint Cerf, inventeur du protocole TCP/IP et considéré comme l’un des pères de l’Internet… Il n’en fallait pas plus pour créer le buzz et positionner la Belgique à la genèse de l’Histoire des technologies de l’information et de la communication !

Appelé « Internet de papier » depuis son ouverture à Mons en 1998, le Mundaneum connaît depuis quelques années un regain de visibilité à l’échelle nationale et internationale. Quel regard l’évolution des technologies et de l’Internet nous invite-t-elle à poser sur cette partie du patrimoine belge ?Jean-Paul Deplus : Cette reconnaissance est d’abord médiatique  : Le Monde titrait « Le Mundaneum, Google de papier » (2009), le New York Times « The web time forgot » (2008), l’allemand Der Spiegel « La connaissance en réseau, des décennies avant Google » et on pourrait citer d’autres médias — anglais, hollandais, indonésiens, turcs, danois,… — qui ont un jour raconté l’histoire du Mundaneum dans leurs colonnes. Mais, bien avant cette étape médiatique, il est intéressant de noter que la reconnaissance a d’abord été de nature scientifique : c’est un chercheur australien du nom de Boyd Rayward qui a été le premier à redécouvrir le Mundaneum et Paul Otlet dans les années 1960. Rayward est devenu l’ambassadeur du Mundaneum dans le monde scientifique anglo-saxon, ouvrant ainsi la voie à la formation d’une communauté scientifique in-ternationale qui s’est constituée au fil du temps autour de ce patrimoine d’exception et des thèmes portés par le Mundaneum (des sciences de l’information au droit international en passant par la visualisation, l’architecture, l’Histoire et même aujourd’hui les «  digital studies  »). En juin 2013, c’est l’Unesco qui reconnaissait le Répertoire bibliogra-phique universel comme un patrimoine documentaire à préserver d’urgence dans le cadre de son programme « Mémoire du Monde ». Comme le pense le célèbre dessinateur belge François Schuiten, qui a accompagné le Mundaneum dès le début de son aventure

/ ITW : JEAN-PAUL DEPLUSPRÉSIDENT DU MUNDANEUM.

PROPOS RECUEILLIS PAR DELPHINE JENART

/LE MUNDANEUM À MONS :

montoise, la technologie est la réalité augmentée du Mundaneum. L’avènement du monde digital nous invite aujourd’hui à porter un regard neuf sur cette œuvre prémonitoire et sur ses fondateurs Otlet et La Fontaine : de véritables visionnaires !

/ LA TECHNOLOGIE EST LA RÉALITÉ AUGMENTÉE DUMUNDANEUM /

L’origine du Mundaneum est bruxelloise. Installé à Mons dans les années 1990, soit un siècle après sa création, le Mundaneum s’est en quelques années imposé dans l’écosystème montois comme lieu de débat autour de la culture du numérique. Quels ont été les grands jalons de cette transformation ?Le Mundaneum puise ses origines dans le Bruxelles de la fin du XIXe siècle. Son histoire depuis sa création serait trop longue à retracer ici, l’important étant que nous avons aujourd’hui la chance de jouir de ce patrimoine exceptionnel à Mons  ! Notre force, c’est que nous avons d’une part la « Digital Innovation Valley » faite de grands noms comme Google, Microsoft,… et d’un tissu d’entreprises innovantes dans le domaine ICT. Et, d’autre part, depuis un peu plus de vingt ans, Mons héberge le Mundaneum qui représente aux yeux du monde « l’archéolo-gie du web », un « proto-moteur de recherche », les premières briques du monde digital. C’est précisément dans cette perspective que nous inscrivons le Mundaneum dans le projet 2015 « Where technology meets culture », en déclinant ce leitmotiv comme suit  : «  Where technology meets History ».

La collaboration avec Google est un élément déterminant dans ce positionnement. À l’origine, ce partenariat était basé sur la volonté commune de mettre en lumière les pionniers oubliés que sont Otlet et La Fontaine. Google nous a aidés à placer le Mundaneum sur la ligne du temps de l’Histoire de l’Internet et, par là, à positionner l’institution sur la scène internationale. À l’inverse, le Mundaneum aide Google à s’ancrer localement, ce qui, dans la perspective de 2015 et des récents investissements de Google dans son data center de Saint-Ghislain, est une perspective importante pour l’entreprise. Au-delà de Google, le Mundaneum s’est ouvert à une série de colla-borations avec des acteurs locaux du numérique : universités, organismes de formation continue comme TechnocITé, associations de promotion

UNE « RENAISSANCE 2.0 » !

CHAP. 03 10 A/N/M

Page 58: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

114 11510 A/N/M CHAP. 03

LE MUNDANEUM À MONS : UNE « RENAISSANCE 2.0 » !

LE MUNDANEUM À MONS : UNE « RENAISSANCE 2.0 » !

Le musée Mundaneum à Mons, © Pulsme

L’équipe du Mundaneum complète le Répertoire Bibliographique Universel, Bruxelles, 1910, Collections de la Fédération Wallonie-Bruxelles mises en dépôt au Mundaneum

© Mundaneum

Le Répertoire Bibliographique Universel au Registre Mémoire du Mondede l’Unesco, juin 2013, © Mundaneum

CHAP. 03 10 A/N/M

Page 59: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

116 11710 A/N/M CHAP. 03

du numérique à l’école, clusters d’entreprises actives dans ce domaine, etc. Chacune des activités du Mundaneum, qu’il s’agisse d’expo-sitions («  Shangaï[email protected]  » en 2010, « Renaissance 2.0 » en 2012), de confé-rences-débats, de workshops, d’animations pédagogiques, intègre cette composante digitale qui fera du projet de l’institution un projet connecté aux réalités de notre société de la connaissance. Il est intéressant de noter la naissance depuis quelques mois à Mons d’une « communauté numérique » : des passionnés béné-voles qui font œuvre de créativité pour proposer de nouveaux modes de rencontre et d’échange autour de la question (le « Pixel festival » anciennement «  RDV du Pixel  », les Cafés numériques, les « Pecha kucha »). Il s’agit là d’un renouveau au-quel le Mundaneum souhaite contribuer en étant un lieu d’accueil pour toutes ces initiatives, un carrefour de rencontres.

/ GOOGLE NOUS A AIDÉS À PLACER LE MUNDANEUM SUR LA LIGNE DU TEMPS DE L’HISTOIRE DE L’INTERNET /

L’Histoire fait donc partie intégrante du projet culturel du Mundaneum. À travers ses archives, mais aussi à travers ses fondateurs et le rôle qu’ils ont joué dans la Belgique de la première moitié du XXe siècle. En quoi le message de Paul Otlet et Henri La Fontaine est-il encore aujourd’hui criant de modernité ?Le Mundaneum doit justement son originalité à la rencontre de ces deux hommes. Otlet poursuivra toute sa vie le projet utopique de l’universalité du savoir, La Fontaine a marqué l’Histoire de son engagement pacifiste (il reçoit le Nobel de la Paix en 1913). Au-delà de la vision de société de l’information qu’ils ont eue dès 1895, leur engagement réside dans un véritable projet de société qui intègre pleinement les valeurs d’interna-tionalisme, d’humanisme et de pacifisme. C’est en cela que leur message est intemporel : le combat pour l’accès à l’information pour tous, la lutte contre toute forme d’obscurantisme, l’émanci-pation citoyenne par le partage et l’acquisition des connaissances… la connaissance au service de la paix  ! Des questionnements universels qui se sont posés à chaque étape : l’invention de l’imprimerie par Gutenberg, l’Encyclopédie

LE MUNDANEUM À MONS : UNE « RENAISSANCE 2.0 » !

LE MUNDANEUM À MONS : UNE « RENAISSANCE 2.0 » !

des Lumières, l’avènement des premiers médias dans l’ère indus-trielle et aujourd’hui, la révolution numérique… L’œuvre d’Otlet et La Fontaine est aujourd’hui une invitation à poser un regard éveillé sur les grands bouleversements engendrés par ces changements de paradigmes. De témoin d’une époque – la Belgique et la société du XXe siècle –, le Mundaneum devient sextant, boussole ou encore dé-codeur, dirions-nous aujourd’hui, des grands enjeux de notre société de la connaissance. C’est le plus bel héritage que ces deux hommes aient pu nous laisser.

/ LE MUNDANEUM DEVIENTUN DÉCODEUR DES GRANDS ENJEUX DE NOTRE SOCIÉTÉ DE LA CONNAISSANCE /

Au fil de ses activités, le Mundaneum se montre de plus en plus artisan de « maillage de réseaux ». Définiriez-vous le Mundaneum comme un « hub », qui aurait pour vocation de connecter, à l’échelle nationale et internationale, différents partenaireset expertises ?La notion-même de réseau fait partie de l’ADN du Mundaneum. Comment Otlet et La Fontaine auraient-ils pu concevoir et réaliser un Répertoire bibliographique à vocation universelle sans activer un réseau de coopération intellectuelle à l’échelle internationale  ? Nous conservons d’ailleurs dans nos archives de très intéressantes visualisations de ce réseau mondial, tissé au départ de l’Institut inter-national bibliographique créé par les deux hommes en 1895, dont nous célébrerons le 120e anniversaire en 2015.

Fort de cet héritage, « le réseau de la connaissance avant l’Internet », il est aujourd’hui crucial pour le Mundaneum de se retrouver au cœur de la toile. La notion de réseau définit notre corps de métier : il est de notre ressort d’identifier des expertises, d’activer des collaborations, de connecter des opérateurs issus de différentes sphères, le tout afin de produire un projet de médiation original au départ des ressources qui sont les nôtres. Et il est intéressant de noter que, comme les fon-dateurs du Mundaneum l’ont dessiné en leur temps, le Mundaneum et ses archives se retrouvent aujourd’hui au cœur d’un réseau international scientifique, historique (les pionniers européens de l’Internet avec Otlet, les Nobels de la Paix avec La Fontaine) ou encore patrimonial, avec l’enregistrement en juin 2013 du Répertoire Biblio-graphique universel au registre « Mémoire du Monde » de l’Unesco. Forts du succès de notre collaboration avec Google, nous ouvrons également le Mundaneum au monde de l’entreprise. Un peu à la manière du modèle anglo-saxon, l’intersection entre sphère culturelle et sphère privée tend à s’accroître dans une logique de partenariat public-privé. Le Mundaneum souhaite intégrer pleinement cette logique à son propre écosystème.

/ LA NOTION-MÊME DE RÉSEAUFAIT PARTIE DE L’ADN DU MUNDANEUM /

Quelles sont, dans le cadre de Mons 2015, les perspectives à moyen et à long terme pour le Mundaneum ?« Internet, une histoire belge ? Le Mundaneum devient le centre de la culture web », titrait le magazine Trends tendances en résumant par là notre ambition pour le Mundaneum. Le philosophe français Michel Serres évoque, à propos de l’avènement des technologies de l’infor-mation, une « révolution culturelle et cognitive ». Celle-ci touche au plus profond de ce que nous sommes : notre langage, notre « être au monde ». La légitimité historique fait du Mundaneum un lieu unique en Belgique francophone, au départ duquel proposer une réflexion critique sur la révolution numérique dont nous sommes témoins et acteurs. C’est l’avènement d’une culture émergente qui touche toutes les générations : le Mundaneum aujourd’hui prend sens en ce nouveau champ de la culture humaine, la culture numérique, en se positionnant au point de départ d’une nouvelle vision du monde.

Et c’est pourquoi, plus que jamais, le Mundaneum se tourne vers la jeune génération, née à l’ère du « tout digital »  ! Identifier et comprendre l’impact sociétal de ces technologies, démythifier leur utilisation, aider à comprendre que celles-ci peuvent être vecteurs de lien social, conscientiser le citoyen sur la construction des savoirs et des identités à l’heure du web 2.0, promouvoir la société de la connaissance en mettant en lumière la mutualisation des savoirs… Il est aujourd’hui de notre ressort de capitaliser sur l’originalité du projet d’Otlet et La Fontaine pour positionner le Mundaneum comme un espace en Belgique francophone où l’on met sans cesse notre société connectée en débat.

Dès le printemps 2015, le Mundaneum rouvrira ses portes avec une toute nouvelle infrastructure remise aux normes par notre autorité de tutelle, la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette infrastructure complètement rénovée permettra à une équipe composée de quinze collaborateurs d’assurer les conditions d’un accueil optimal. Qu’il s’agisse de chercheurs provenant du monde entier (Russie, Austra-lie, Japon, Sri Lanka, Canada…) pour consulter nos archives, ou de groupes de visiteurs qui viennent découvrir le « Google de papier » et les expositions temporaires. Sur le plan muséal, la réouverture du Mundaneum se fera autour du thème du Big data et de l’Informa-tion design : une exposition connectée qui invitera le visiteur à une expérience immersive dans l’univers de l’information. Sur le plan archivistique : l’équipe avance sur la voie numérique pour donner un accès exhaustif à nos collections en ligne. Plusieurs dispositifs le per-mettent déjà à l’heure actuelle : la nouvelle plateforme mise en ligne par la Fédération Wallonie-Bruxelles et le Cultural Institute de Google, dont le Mundaneum a été le premier partenaire belge. Des efforts considérables seront également consentis en matière de conserva-tion, grâce à la nouvelle infrastructure. Je fais pleinement confiance à l’équipe en place pour rester attentive et maintenir le projet du Mundaneum dans ce dialogue passionnant, entre Histoire et prospective. De là naît le sens du Mundaneum en 2013.

CHAP. 03 10 A/N/M

Page 60: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

118 119

10 A/N/M

04

/ENROUTEVERS

MONS2015/

Le site des Abattoirs à Mons, lieu d’exposition lors de Mons 2015 © R. Noviello

Page 61: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

120 12110 A/N/M CHAP. 04

Mons 2015 a pu s’appuyer sur un terrain techno-logique et créatif particulièrement fertile qui a également participé à définir l’identité et le potentiel du projet de la Capitale européenne de la Culture. La Digital Innovation Valley1 regroupe des grandes entreprises (Google, Microsoft,…) comme des start-ups. Le secteur privé y collabore avec celui de la recherche (Institut Numediart/UMONS), sans oublier des initiatives culturelles ou éducationnelles qui ont intégré, de manière personnalisée, la dimension numérique (l’expérience fonda-trice du Centre des Écritures Contemporaines et Numériques/CECN, TechnocITé, Trans-cultures,...).

Aujourd’hui, alors que la Coupole numérique initiée dans la perspective de la Capitale européenne de la Culture regroupe nombre de ces opérateurs, nous sommes revenus, avec Yves Vasseur, sur ces maillages technologie- économie-créativité qui ouvrent concrètement l’horizon au-delà de 2015.

/ ON POURRAIT VOIR MONS 2015 COMME UNE SORTE DE LABORATOIRE DE CE QUE DEVRAIT ÊTRE UN CENTRE CULTUREL AU XXIe SIÈCLE /

Quelle est pour vous la validité de projets tels que Café Europa2 et Métro Europa,3 mêlant les dimensions technologique, urbaine et participative dans la programmation de Mons 2015 et au-delà ?Yves Vasseur  : Ce qui m’intéresse dans ces initiatives et singulièrement celle de Café Europa, c’est qu’il s’agit bien de projets trans-versaux. Si je dois choisir entre plusieurs projets, c’est ceux qui couvrent différents champs d’implication que j’essaierai de soutenir en priorité. Café Europa convoque cette dimension de rencontre citoyenne mais aussi la musique, l’image, la parole ou la technologie. L’Europe est présente aussi, de même que l’ancrage local du quartier où est implanté le café. Ces croisements sont indispensables pour la société de demain. On pourrait voir Mons 2015 comme une sorte de laboratoire de ce que devrait être un centre culturel au XXIe siècle. Je pense qu’on est encore aujourd’hui dans un schéma post-Malraux hérité de la deuxième moitié du XXe  siècle. Grâce au projet Mons 2015, nous avons la possibilité de tester d’autres types de public, d’autres approches et d’inventer d’autres formules… Pourquoi, par exemple, les bibliothèques sont-elles fermées pendant les vacances scolaires ? Internet n’a pas d’horaire et nous devons nous engouffrer dans ces nouveaux modes de partenariat en évitant toutefois les excès. Dans cette perspective, Café Europa peut être un laboratoire emblématique.

/2015 ET AU-DELÀ : VISION ET ÉCONOMIE DE LA CRÉATIVITÉ NUMÉRIQUE

1 // Plate-forme impulsée par TechnocITé qui regroupe une série de grandes et petites entreprises travaillant dans l’ICT autour de processus d’incubation avec également pour objectif de faciliter leurs implantations à Mons et en Wallonie.

2 // Le concept de Café Europa se propose de revisiter la notion de café à l’heure de la technologie numérique, en développant une série de projets artistiques créant un lien social fort avec différentes couches de population. Ces projets sont liés notamment à l’ubiquitaire (systèmes avancés de vidéo présence/conférence), à des plates-formes web interactives, à des propositions intégrant des technologies de jeux vidéo en territoire urbain..

Le spécialiste des médias Dominique Wolton4 nous met en garde contre la « dictature de l’interactivité » et la fascination pour le tout technologique qui, tout en mettant à disposition des outils formidables, ne nous permet pas nécessairement de bien faire passer l’information si nous ne l’accompagnons pas… Pensez-vous que le lien avec le numé-rique doit être activé pour chaque projet Mons 2015 ?Nous devons, en tout cas, nous ouvrir davantage à ces possibilités.  Pour ma part, je souhaite que ce lien technologique soit appliqué partout où cela peut être porteur de sens, mais il n’y a rien de pire que de le forcer. Pour vous donner un exemple parmi tant d’autres, récemment, on m’a proposé un projet dans lequel un mathématicien- philosophe peut déceler grâce à un programme spécial le processus de la peinture chez Van Gogh. On pourrait donc proposer, dans l’exposition Van Gogh à Mons, un atelier « google art » et des conférences illustrées sur l’action painting qui révéleraient d’autres facettes de l’acte créateur. Cela ne serait pas possible sans le développement technologique appliqué. Mais, bien entendu, il ne faut surtout pas céder à la « dictature du tout technologique ».

Comment voyez-vous le rôle de la gestion des connaissances à l’avenir et le maillage économie-culture-technologie ?Nous avons beaucoup de chance, dans notre région, que la Digital Innovation Valley fasse la place belle à des industries tournées vers la création (Fishing Cactus, I-Movix et beaucoup d’autres entreprises aux talents reconnus). Avec une douzaine d’entreprises wallonnes, nous venons de clôturer une semaine de mission économique à Marseille qui a très bien marché. Le fait de m’entourer d’une équipe très jeune participe de mon désir de travailler cette dimension de formation dont la région va pouvoir bénéficier après Mons 2015. On voit aussi naître à l’uni-versité et dans les écoles supérieures d’autres regards, d’autres métiers, d’autres aptitudes... Des nouvelles clés y sont données aux étudiants, leur permettant d’aller plus loin pour préparer leurs projets d’avenir.

3 // L’exposition inaugurale de Mons 2015 est basée sur la connectique, notamment sur différents parcours urbains au cours desquels différentes interactions artistiques (vidéo, jeux vidéo, son) sont proposées aux visiteurs via leur outils de connexion (tablettes et smartphones notamment). 

4 // Directeur de recherche au CNRS en sciences de la communication, auteur notamment de Internet et après ? Une théorie critique des nouveaux médias. (Flammarion, 1999) et Informer n’est pas communiquer (CNRS Editions, 2009).

Dans cet esprit, Mons 2015 développe aussi des liens entre des institutions publiques et des partenaires privés (notamment via le club Mons 2015 entreprises)… On peut clairement percevoir un souhait du monde entrepreneurial, qui dépasse les seules industries créatives, d’être épaulé afin de ne pas rater une opportunité unique (par exemple, telle entreprise de construction ou de cimenterie fournit un équipement nécessaire pour telle exposition). Je sens globalement, de leur part, cette envie de nous accompagner pour aboutir aussi à d’autres formes d’échanges et à des parte-nariats à plus long terme.

La plupart des Capitales européennes de la Culture ont été portées par des réalités politiques, économiques et culturelles mais aussi par une forme d’utopie. Mons 2015 apparaît plutôt comme un projet pragmatique, même s’il est d’emblée tourné vers le futur…Nous avons un devoir de bien utiliser les fonds publics et, là, nous sommes assez fiers d’être restés réalistes  ! En effet, le coût des années de préparation sera compensé par les subventions de Mons 2015 et je peux dire aujourd’hui que nous avons réussi cette gageure malgré la crise. Concrètement cela veut dire que 100  % de l’argent public destiné à Mons 2015 va vraiment être mis au service des projets. Ce principe de réalité est de ma responsabilité.

Je me réjouis même d’être contrôlé par nos autorités, à ce niveau, car je tiens absolument à rester dans les clous. Mais, pour répondre plus directement à votre remarque l’utopie c’est qu’après 2015, on se sente autrement, plus positif. Trop souvent, en Wallonie, on peut regretter un certain état d’esprit de «  beautiful losers  ». Mons 2015 peut aussi donner un coup de talon constructif et concourir à changer cette menta-lité, pour que, singulièrement, plus de jeunes deviennent des « joyeux gagnants ».

2015 ET AU-DELÀ : VISION ET ÉCONOMIEDE LA CRÉATIVITÉ NUMÉRIQUE

CHAP. 04 10 A/N/M

/ ITW : YVES VASSEURCOMMISSAIRE GÉNÉRAL DE LA FONDATION MONS 2015

PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE FRANCK

Page 62: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

122 12310 A/N/M

La méthode de direction que vous privilégiez tant au niveau du manège.mons que de Mons 2015 me semble être celle d’un « metteur ensemble », d’abord soucieux d’une bonne gestion et administration des projets et qui accorde sa confiance aux responsables artistiques…C’est très juste. Tout projet culturel ne peut se faire sans une gestion saine et entendue par tous, donc cette base administrative a présidé dans la mise en œuvre des projets importants. Ensuite, j’ai essayé de m’entourer de gens de qualité dans leurs domaines respectifs. Mon boulot, c’est de donner un cadre pour structurer les rêves en un projet qui se tient et qui respecte des engage-ments techniques et budgétaires.

D’autre part, en tant que commissaire de Mons 2015, j’assume le fait que tout ne sera sûrement pas abouti, comme nous le souhaitons, lors de l’ouverture du 24 janvier 2015, ni fini en jan-vier 2016. On ne s’est pas lancé dans un opéra pharaonique : Arsonic, le 106, le manège, le pôle muséal,… ce sont des outils que nous pourrons faire fructifier fort heureusement après 2016.

Parallèlement à la métamorphose urbaine, nous espérons une métamorphose des esprits qui convoque différemment les mixités sociales et les rapports à la culture. C’est cette énergie-là que Mons 2015 appelle !

www.mons2015.eu

Quelles sont les nouvelles infrastructures qui vont participer à l’effet durable Mons 2015 ?On peut citer Arsonic, projet porté par Jean-Paul Dessy pour les musiques nouvelles et les arts du son, le théâtre du manège, le 106 qui n’est pas seulement un bureau pour la Fondation 2015 mais également un endroit de vie, un tampon entre les journalistes et les invités, le pôle muséal avec la mise aux normes du BAM, le Mons Memorial Museum à la Machine à Eau, l’Artothèque qui permettra aux collections (de dessin) de Mons d’être visibles, le Centre d’interprétation de littérature hennuyère... On va également rouvrir le Beffroi en y proposant une visite interactive novatrice. On peut ajouter l’ouverture des minières néolithiques de Spienne qui pourront enfin être visitées, un lieu majeur de l’innovation en région montoise puisque il s’agit de l’une des plus anciennes mines de l’humanité, où, il y a six mille ans, l’homme exploitait des outils en silex.

Des infrastructures paraculturelles très impor-tantes vont être inaugurées en 2015 : la nouvelle gare imaginée par Santiago Calatrava5, un lieu d’architecture majeur qui va ouvrir Mons à une transmobilité unique en Europe avec un parking de voitures, des lignes de bus et de train et, à côté, le Centre de congrès construit par Daniel Libeskind6 et l’association montoise d’ingénieurs architectes H2A, qui tiendra un rôle prépondérant dans le tourisme d’affaires en créant, comme disent les promoteurs, une «  efflorescence urbaine  ». Il manquait, entre Lille et Liège, un lieu de congrès et les possibilités de mobilité de Mons (pas ou moins d’embouteillages par rapport à d’autres villes) ont également joué en faveur de ce projet.

5 // Architecte, artiste et ingénieur espagnol à qui l’on doit notamment l’Opéra de Valence, la gare TGV de Liège et bientôt le World Trade Center Transportation Hub à New York.

6 // Architecte américain d’origine polonaise, auteur no-tamment du Musée juif de Berlin, du Grand Canal Performing Arts Centre de Dublin et du Musée d’histoire militaire de Dresde.

/ PARALLÈLEMENT À LAMÉTAMORPHOSE URBAINE, NOUS ESPÉRONS UNE MÉTAMORPHOSE DES ESPRITS QUI CONVOQUE DIFFÉREMMENT LES MIXITÉS SOCIALES ET LES RAPPORTS À LA CULTURE. /

2015 ET AU-DELÀ : VISION ET ÉCONOMIEDE LA CRÉATIVITÉ NUMÉRIQUE

2015 ET AU-DELÀ : VISION ET ÉCONOMIEDE LA CRÉATIVITÉ NUMÉRIQUE

CHAP. 04CHAP. 04 10 A/N/M

Centre de congrès à Mons, construit par Daniel Libeskind © Daniel Libeskind

Théâtre Le Manège à Mons © Marie-Noelle Dailly

Page 63: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

124 12510 A/N/M CHAP. 04CHAP. 04 10 A/N/M

Centre de congrès à Mons, construit par Daniel Libeskind © Daniel Libeskind

2015 ET AU-DELÀ : VISION ET ÉCONOMIEDE LA CRÉATIVITÉ NUMÉRIQUE

2015 ET AU-DELÀ : VISION ET ÉCONOMIEDE LA CRÉATIVITÉ NUMÉRIQUE

Page 64: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

126 12710 A/N/M CHAP. 04

Depuis l’avènement de la société de l’informa-tion, de nombreux acteurs du monde politique, académique ou culturel se sont penchés sur la fracture numérique, dont les lézardes sont aujourd’hui tant sociales que générationnelles. Face à ce défi social et éducatif, les pouvoirs publics ont lourdement investi sans toutefois parvenir à résorber le déficit d’usage et les nouveaux paradigmes cognitifs induits par le prodigieux développement technologique des trois dernières décennies et à endiguer un phénomène de marginalisation pour ceux qui auraient raté le train du numérique.

L’investissement à une échelle massive dans la formation continue répond en partie à ces besoins de resocialisation par l’apprentissage et à la maîtrise de nouveaux savoirs et compé-tences, qui visent dans bien des cas à la réin-sertion professionnelle ou parfois à la simple acquisition de quelques compétences de base dans l’utilisation des outils numériques. TechnocITé offre depuis plusieurs années une large palette de modules de formation, en phase avec les attentes du marché. Il s’agissait de répondre à un besoin croissant de la part des entreprises qui sont demandeuses d’une main-d’œuvre qualifiée, en particulier dans la région montoise où les industries numériques ont connu un essor important ces dernières an-nées, accélérant ainsi la remise à l’emploi d’un grand nombre de gens.

réel et fournira des informations historiques et une vue sur la ville telle qu’elle était il y a deux cents ans  ». Mais cet investissement de la Ville aura-t-il un effet durable au-delà de Mons 2015 ? «  Digital Cities est financé par les pouvoirs pu-blics, principalement par la Région wallonne et dans une moindre mesure par la Ville. Une par-tie du financement sur le long terme sera couvert par des recettes publicitaires, surtout locales, car les espaces seront principalement disponibles pour les commerçants montois. Le projet devrait perdurer après 2015 et bénéficier à l’ensemble des citoyens montois pendant au moins sept ans », nous assure David Picard.

L’art réenchante la villeSi l’accès gratuit à Internet et à une série de ser-vices peut contribuer à toucher de nouveaux pu-blics et à créer de nouvelles zones de convivialité en ville, il est toutefois nécessaire de travailler en profondeur sur la recréation du lien social, dura-blement entamé par nos modes de vie effrénés. Mons 2015 offre à cet égard la possibilité de sus-citer un vivre-ensemble, un plaisir à partager la ville et une fierté de faire partie intégrante d’un événement fédérateur. Certains projets, comme Café Europa ou Métro IT, devraient susciter l’en-gouement du public car ils s’inscrivent dans un inconscient collectif, fortement ancré historique-ment et socialement.

« Café Europa fait écho à une réalité historique et sociale de la région montoise, qui comptait par le passé un grand nombre de cafés. Les cafés étaient au cœur de l’activité des quartiers, ils répondaient à différents besoins, on y allait autant pour boire un verre que pour se rencon-trer, voire parfois pour participer à des activités et apprendre. Café Europa a pour ambition de re-créer cette atmosphère particulière et de retisser le lien social distendu avec les citoyens. Le projet s’inscrit dans une perspective résolument euro-péenne et ouverte sur le monde, puisque les cafés seront connectés à des établissements sis dans d’autres Capitales européennes de la Culture ou d’autres villes partenaires. L’idée va donc drainer du monde bien au-delà du périmètre montois »,

nous explique David Picard. Mais qu’en est-il de l’implication de la Ville dans ces projets ? « Café Europa, tout comme Métro IT d’ailleurs, sont des projets pilotés par la Fondation Mons 2015, mais qui présentent de nombreux points de conver-gence avec l’action menée par la Ville. Nous effectuons un important travail de concertation pour éviter les doublons et parvenir à une offre cohérente pour les visiteurs. Ainsi, nous avons développé une application de planification de séjours pour supports mobiles qui permettra aux visiteurs de noter des points d’intérêt en ville, mais aussi de composer un programme événe-mentiel personnalisé et de réserver des billets en ligne, tout en laissant la possibilité aux gens de s’exprimer ou de partager sur les réseaux sociaux. La Ville mettra à disposition l’infrastructure de Digital Cities en apportant de la connectivité. »

Le lien social que peut générer un événement comme Mons 2015 doit pouvoir s’ancrer dans un territoire, investir une réalité urbaine que peuvent s’approprier les habitants. Convoquer l’imaginaire artistique pour susciter un lien émo-tionnel avec la ville fait partie de la stratégie mise en place par Mons 2015. Cette ville fantasmée, se superposant à la ville réelle comme une sorte de réalité augmentée, est au cœur du projet Metro IT, qui réenchante l’espace urbain par une présence artistique forte et une vision du monde originale portée par les artistes, épaulés en cela par la technologie numérique.

«  L’idée de départ a été inspirée par des métropoles disposant de réseaux de métro comme Paris, Bruxelles ou Londres. La Fondation Mons 2015 souhaitait créer un parcours en ville autour de lignes imaginaires de métro marqué par une signalétique urbaine forte. Des  “totems” multimédias seront disposés à différents endroits de la ville, comme autant de stations où, à chaque arrêt, on pourra se confronter à une œuvre numérique ou simplement venir chercher de l’information ». Un projet qui permettra de voir Mons autrement et qui, grâce à l’interactivité, devrait susciter la participation des habitants et des visiteurs.

/LE NUMÉRIQUE, NOUVEAU CREUSET DU LIEN SOCIAL

Mais, si l’enjeu fondamental pour s’attaquer à ce défi est bien l’édu-cation et l’alphabétisation numérique, le problème doit s’envisager de manière plus globale que par la mise en œuvre de programmes de formation et d’accompagnement des demandeurs d’emploi. L’investissement dans l’infrastructure par la puissance publique doit également jouer à plein et, enfin, à la faveur d’événements ma-jeurs comme Mons 2015, la culture doit pouvoir faire le pont entre l’humain et la technologie mise à son service, renouant ainsi avec l’une de ses fonctions essentielles : la création de lien social.

David Picard, directeur de la cellule numérique à la Ville de Mons, croit aux bénéfices croisés de l’investissement dans les technologies, tant pour la région que pour ses habitants. « La fracture numérique est perceptible dans la région car une frange de la population n’a pas accès à la technologie. Nous souhaitions dès lors amener celle-ci à nos concitoyens, tout en soutenant des initiatives qui permettent à la ville de rayonner bien au-delà de son périmètre d’influence. La ville tire un bénéfice économique du développement des industries numériques sur son territoire et c’est pourquoi elle souhaite continuer à investir et à apporter son soutien aux jeunes entrepreneurs. »

Le développement d’infrastructures numériques durablesUn événement de l’ampleur de Mons 2015 peut jouer un rôle d’accé-lérateur de développement en mobilisant les énergies et les moyens financiers, afin d’effectuer un saut technologique en termes d’in-frastructures et de connectivité, le tout dans une perspective pérenne. Ainsi, la Ville de Mons a mis en place une cellule numérique chargée de réfléchir au développement harmonieux et durable des dispositifs technologiques. En investissant massivement dans un programme visant à offrir une connectivité gratuite et à large bande en ville, via un certain nombre de hotspots wifi placés à des endroits stratégiques, la Ville entend ainsi encourager les usages mais aussi le développement de services innovants.

« La Ville s’investit particulièrement dans le projet Digital Cities1 qui vise à déployer un accès wifi gratuit à Mons à l’horizon 2015 et au-de-là  », nous explique David Picard. «  La couverture se concentre sur une trentaine de lieux emblématiques, principalement intra muros, comme la Grand-Place ou la Place Marché aux Herbes, mais aussi sur quelques sites du Grand Mons, tels les minières de Spiennes ou la maison Van Gogh à Cuesmes. Digital Cities recouvre aussi le dévelop-pement d’applicatifs au service des citoyens, comme un planificateur de séjour ou une application en réalité augmentée, Les Fenêtres du temps. Cette dernière, placée au sommet du beffroi de la Grand-Place, permettra via un système d’écrans mobiles d’admirer le panorama

01 // Le programme Digital Cities entend offrir un accès wifi gratuit et des e-services dans un certain nombre de villes wallonnes. Jusqu’à présent, six villes (Mons, Liège, Bastogne, Namur, Ottignies-Louvain-La-Neuve et Tournai) participent au programme, porté par la Région wallonne.

/ ITW : DAVID PICARDDIRECTEUR DE LA CELLULE NUMÉRIQUE À LA VILLE DE MONS

PROPOS RECUEILLIS PAR VINCENT DELVAUX

LE NUMÉRIQUE, NOUVEAU CREUSET DU LIEN SOCIAL

CHAP. 04 10 A/N/M

Page 65: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

128 12910 A/N/M CHAP. 04

LE NUMÉRIQUE, NOUVEAU CREUSET DU LIEN SOCIAL

Durant Mons 2015, d’autres artistes sont appelés à contribuer à cette réflexion sur le mieux vivre-ensemble et le partage, comme le metteur en scène catalan Roger Bernat, bien connu pour ses performances participatives, telles que la réinterprétation de la célèbre chorégraphie du Sacre du printemps, exécutée par des anonymes, ou encore Domini Public, un jeu de plateau géant où le spectateur, dirigé par des instruc-tions vocales précises, devient également « spect’acteur » d’une fiction urbaine. Interactives au sens littéral, ces performances de théâtre sans acteurs bouleversent le rapport traditionnellement passif du spec-tateur à la scène et initient une réflexion sur la vie en société et les questions politiques, comme dans Pendiente de voto, où celui-ci se glisse dans le rôle d’un parlementaire dont les décisions influent sur le cours de l’histoire. Ce sera encore le cas dans le projet que l’artiste développera pour Mons 2015 autour de la connectivité et les valeurs de partage qu’elle sous-tend.

Le soutien à l’économie numérique, en toile de fond d’un renouveau montoisDonner un horizon nouveau grâce à l’innovation et au développe-ment économique, dans une région qui a longtemps pâti d’un déclin des industries traditionnelles, revêt une importance capitale dans la construction d’une estime de soi, la foi en de nouveaux possibles et les conditions d’un renouveau social. La Ville mène depuis plusieurs années une politique bienveillante à l’égard des jeunes entreprises qui s’implantent sur son territoire, de concert avec la dynamique enclen-chée par le Plan Marshall en Région wallonne.

« Le Contrat d’Avenir pour la Wallonie, qui a été rédigé au tournant du siècle par Elio Di Rupo et qui est l’ancêtre de l’actuel Plan Marshall, a été conçu pour redonner de l’espoir aux gens avec pour thème cen-tral l’idée de se reprendre en main collectivement. La Digital Innova-tion Valley qui s’est développée à Mons est la concrétisation de cette vision », explique Jean-Pierre Marcelle, directeur général des investis-sements étrangers à l’Agence wallonne à l’exportation (AWEX). Une stratégie plutôt payante pour Mons, qui a connu un essor considé-rable de ses industries créatives et numériques ces dernières années.« Au niveau de la Ville, tout est parti de la constatation qu’à Mons, nous disposions d’excellents techniciens et qu’il existait un certain nombre d’initiatives qui méritaient notre soutien. La Ville a souhaité investir dans le capital de compétences plutôt que d’opter pour une approche strictement axée sur le matériel », relève David Picard. « Le développement de l’industrie du numérique à Mons a été marqué par de nombreux événements, dont le plus notable est certainement l’ins-tallation de Google à Saint-Ghislain », enchaîne-t-il.

dizaines d’entreprises innovantes en croissance, de même que le hall-relais et l’incubateur technologique, eux aussi installés sur le parc Initialis. Pas moins de huit des entreprises hébergées sont actives dans le secteur du jeu vidéo, dans le sillage du succès de Fishing Cactus. Nombre d’autres explorent diverses niches des industries créatives.

En vue de Mons 2015 et au-delà, l’IDEA a d’autres projets dans ses cartons, avec le même souci de fédérer les énergies et de pérenniser la dynamique qui s’est mise en route autour de l’économie numérique.

Le Manège de SuryL’intercommunale va faire construire courant 2014 un hall-relais au cœur de Mons, dans l’ancien complexe militaire de Sury (datant de 1850) et dans l’immeuble provincial Damoiseaux. Ces deux richesses patrimoniales réhabilitées en infrastructures modernes accueilleront sur quelque  1000  m² des TPE et PME, avec une prédilection pour les entreprises actives dans l’économie créative et les industries culturelles. Financé dans le cadre du Plan Marshall 2.Vert, ce nouvel espace entrepreneurial unique s’inscrira dans ce que les acteurs économiques et culturels appellent déjà le «  kilomètre culturel  », au cœur de Mons. Cet itinéraire, qui emprunte en partie la rue de Nimy, relie notamment le Théâtre du Manège, le Manège de Sury, le Mundaneum et la Grand Place.

Living LabIDEA s’est associée à un consortium piloté par l’Université de Mons qui vise à développer un Living Lab, un laboratoire informel et ouvert qui teste la viabilité d’idées soumises par divers porteurs de projet. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un centre d’entreprises ou d’un incubateur, mais d’un espace physique où des ressources techniques et humaines, publiques et privées peuvent se rencontrer. L’idée est également de donner une résonance entrepreneuriale à des projets

/ CAFÉ EUROPA A POUR AMBITION DE RECRÉER CETTE ATMOSPHÈRE PARTICULIÈRE ET DE RETISSER LE LIEN SOCIAL DISTENDU AVEC LES CITOYENS. LE PROJET S’INSCRIT DANS UNE PERSPECTIVE RÉSOLUMENT EUROPÉENNE ET OUVERTE SUR LE MONDE. /

Un corollaire intéressant de la venue de Google à Mons est la volonté de la société californienne de s’impliquer dans des programmes de soutien et d’intégration aux communautés locales, avec une forte dimension sociale et culturelle, comme le montre l’exemple du Mundaneum, avec lequel Google entretient un partenariat structurel de long terme, allant bien au-delà du simple soutien financier. Centre d’archives autant que forum de discussion accueillant les grands débats sociétaux d’aujourd’hui, le Mundaneum symbolise bien ce lien réussi entre culture et technologie mise au service de l’humain.

L’émergence d’un écosystème numérique ne peut se faire qu’en étroite collaboration avec les acteurs de développement économique. Au premier rang de ceux-ci figure l’intercom-munale IDEA, qui a bien compris l’importance de mettre à disposition des infrastructures et initiatives propices à la démultiplication des idées. Mons 2015 joue à plein son rôle d’accélérateur, avec de nouveaux projets en préparation...

À travers la création du parc scientifique Initialis il y a une vingtaine d’années et l’action quoti-dienne de la Maison de l’Entreprise, l’intercom-munale de développement économique IDEA a misé très tôt sur les TIC comme moteur de redéploiement économique et d’innovation dans une région en proie à une fuite des cerveaux. Au fil des ans, les efforts d’accompagnement des start-ups ont fini par payer, à travers de « success stories  » comme celles de Polymedis (racheté par xperthis, leader belge des solutions infor-matiques pour hôpitaux), I Care (maintenance prédictive), I-Movix (technologie d’hyper-ralen-ti) ou Fishing Cactus (jeux vidéo). Parallèlement, le centre de recherche Multitel a pu décrocher pas mal de lauriers internationaux. Et l’arrivée du Microsoft Innovation Center, puis du Greentech Center (entre-temps rebaptisé FuturoCité) ont démontré l’intérêt des partenariats public-privé.En fonction depuis 2010, le Technological Business Accelerator de l’IDEA a hébergé des

/DES INFRASTRUCTURES POUR BOOSTER LA CRÉATIVITÉ

PAR OLIVIER FABES

CHAP. 04 10 A/N/M

Mons 2015, une expérience transgénérationnelle© Ekiem-Discart

Page 66: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

130 13110 A/N/M CHAP. 04

DES INFRASTRUCTURES POUR BOOSTER LA CRÉATIVITÉ

Diverses analyses ont démontré que chaque euro investi dans le projet Mons 2015 rapporterait

six euros à l’économie locale. Il s’agit donc d’un levier de prospérité non négligeable que les en-trepreneurs de Mons et de sa région entendent bien actionner de façon optimale. Dans cette optique, des patrons d’entreprises ont fondé le «  Club Mons 2015 Entreprises  ». L’objectif de cette asbl est de rassembler 2015 entreprises régionales qui cotiseront à raison de minimum mille euros (échelonnés sur quatre ans) afin d’at-teindre la somme symbolique de deux millions d’euros. Ce montant ainsi cotisé leur permettra de devenir le « Main sponsor » de la Fondation Mons 2015. À travers ses actions de visibilité et de networking, le Club, présidé par Eric Domb, le directeur de Pairi Daiza, vise à maximiser les retombées économiques de l’événement pour la région montoise, au-delà même de 2015.www.2015entreprises.eu  

St’art, partenaire financier des industries créativesBasé à Mons, St’art est un fonds d’investisse-ment doté de seize millions d’euros dédié aux industries créatives et culturelles. Il soutient la création et le développement de petites et moyennes entreprises (y compris les asbl) sous la forme de prêts et de prises de participation. Son rayon d’action est l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Plus de trois cent cinquante futurs entrepreneurs ou entreprises en phase de développement ont déjà contacté le fonds St’art depuis sa création il y a quatre ans. On y trouve des spécialistes du design, de la mode, des arts du spectacle, des jeux vidéo, de la musique, des arts visuels, etc.

Parmi les jeunes entreprises ayant bénéficié du soutien financier de St’art figurent notamment les montoises Kollector et Fishing Cactus.www.start-invest.be

universitaires à potentiel. Ce Living Lab pourra se greffer à la dyna-mique existante dans le parc scientifique Initialis. Soutenue par le programme public Creative Wallonia, l’idée d’un Living Lab propice à la fertilisation des idées suscite un vif intérêt dans toute l’Europe. La Finlande est pionnière en la matière, mais aussi une ville comme Marseille, qui, en tant qu’ancienne Capitale culturelle européenne, a pu échanger des bonnes pratiques avec Mons.

Hub créatifIDEA et la Maison de l’Entreprise (LME) ont posé leur candidature pour l’appel à projets de création de hubs créatifs, dans le cadre de Creative Wallonia. L’idée est ici aussi de favoriser l’émergence d’une plateforme commune à différents acteurs de l’économie créative et de démultiplier les énergies. L’intercommunale est par ailleurs associée à différentes initiatives associatives qui visent déjà à rapprocher les personnes et les idées, comme par exemple les espaces de coworking, les Cafés Numériques, les Rendez-vous du Pixel, etc.

Une légitimité à amplifierTout ce cadre propice à l’accompagnement, à la rencontre et au déve-loppement des acteurs privés comme publics du numérique au sens large a permis à Mons d’acquérir une légitimité que d’autres villes n’ont pas. Mons 2015 constitue une opportunité d’amplifier des initiatives bien ancrées et de fixer la matière grise, avec à la clé des retombées positives pour l’emploi dans la région.

/CLUB MONS 2015 ENTREPRENEURS

On pourrait croire que la recette mise au point dans la Digital Innovation Valley —  qui combine recherche, création et accom-pagnement d’entreprise, sensibilisation et formation au numé-rique — avait quelque chose d’évident. Il semblerait en fait qu’il s’agisse là d’une formule plutôt originale qui n’apparaît pas tou-jours comme allant de soi. Preuve en est l’effet « révélateur de potentiels insoupçonnés  » qu’elle a pu provoquer dans quelques régions en quête de redéploiement économique.

La Digital Innovation Valley est née d’une idée de redynamisa-tion économique de la région montoise, bâtie sur le mariage entre culture et numérique et, surtout, sur une imbrication en un même écosystème d’acteurs aux profils complémentaires  : impulseurs pu-blics, monde académique, recherche, grands acteurs commerciaux et start-up. Il y a là une originalité certaine qui a attiré les regards de divers observateurs, en ce compris à l’étranger, eux aussi engagés dans cette quête de renouveau. Le « modèle montois » a ainsi essaimé et inspiré des projets qui, aujourd’hui, prennent naissance à Bordeaux et en Avignon. Dans les deux cas, l’expérience acquise — et vécue — à Mons a permis aux protagonistes de donner de nouvelles dimen-sions à leur réflexion et des ambitions nouvelles au projet de départ.

Bordeaux la numériqueL’image d’une région avant tout viticole colle encore à Bordeaux comme une seconde peau. Or, d’autres secteurs sont riches en acti-vités et perspectives  : recherche, aérospatial, santé, informatique… À Bordeaux, plus de trois cents entreprises travaillent exclusivement dans le domaine du numérique et cinq cents autres en font l’une des clés de leur activité, soit une hausse de 14 % en l’espace de dix ans. Toutefois, une relative atomisation des initiatives ne favorise pas la visibilité et l’attractivité de la région. «  Les activités autour du numérique se sont multipliées ces dernières années  : informatique

/QUAND L’ÉCOSYSTÈME MONTOIS INSPIRE L’ÉTRANGER

PAR BRIGITTE DOUCET

embarquée, édition de logiciels, jeux vidéo, e-santé, centres d’appel…  Il était important de créer un cluster d’activités numériques afin de faire se rencontrer et travailler ensemble un certain nombre d’acteurs  », déclare André Delpont, expert conseil économie-Europe pour le programme d’aménagement urbain Bordeaux EurAtlantique. « Un site vitrine devenait nécessaire pour aider de jeunes sociétés à se dé-velopper, créer de la synergie entre acteurs et en favoriser l’émergence. » D’où l’idée d’implanter une Cité Numérique.

Le tout était de savoir quelle forme lui donner et comment réconcilier des intentions et ambitions parfois disparates. Dans le même temps, un pro-jet orienté vers l’audiovisuel (à savoir la création d’un studio de postproduction) avait été imaginé par la commune voisine de Bègles et son maire, Noël Mamère (par ailleurs député écologiste). «  Il apportait une dimension culturelle intéres-sante puisque cela permettait de mêler innova-tion, hautes technologies et créativité. »

Restait à faire la synthèse de toutes ces pistes. La Communauté urbaine de Bordeaux a alors porté ses regards vers ce qui avait été accompli à Mons. D’emblée, Pascal Keiser [directeur de TechnocITé et l’une des chevilles ouvrières de la Digital Innovation Valley] a apporté une dimension à laquelle les porteurs de projet n’avaient pas pensé : venir y greffer une dimension de formation des non-initiés —  qu’il s’agisse de chercheurs d’emploi ou d’artistes  — et leur permettre de s’approprier le numérique. «  Fort de son passé montois et de son habitude à lier économie et culturel, Pascal Keiser a permis de débloquer la situation qui voyait s’opposer des vues institutionnelles contradictoires », confirme Richard Coconnier, ancien chef du projet Bordeaux Capitale européenne de la Culture 2013. « Il a fait de la vision que nous avions au départ un véritable projet partagé par la Région et la Communauté urbaine. Au lieu de réfléchir tout-économique ou tout-culturel, il a réussi à nous réunir tous autour d’une même table et à mettre les projets culturels à l’aune de l’économie. Et vice versa. Ajouter la dimension formation et pédagogie a été le point de rencontre entre les deux ambitions de départ, là où nous n’aurions jamais imaginé qu’un même projet puisse réunir ces deux dimensions. »

CHAP. 04 10 A/N/M

Page 67: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

132 133

QUAND L’ÉCOSYSTÈME MONTOISINSPIRE L’ÉTRANGER

QUAND L’ÉCOSYSTÈME MONTOISINSPIRE L’ÉTRANGER

10 A/N/M CHAP. 04CHAP. 04 10 A/N/M

La Cité Numérique à Bordeaux © DR

La FabricA à Avignon © Ilka KramerLa Cité Numérique à Bordeaux © DR

Page 68: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

134 13510 A/N/M CHAP. 04

Droit à l’essentielLes responsables bordelais ont été particuliè-rement séduits par le grand pragmatisme avec lequel projets et initiatives ont vu le jour dans la Digital Innovation Valley. « Mons a su exploiter au maximum les atouts dont elle disposait et, à ce titre, nous a servi de source d’inspiration  », souligne André Delpont. « Mons nous a montré combien il était efficace de se concentrer d’abord sur quelques idées qui marchent, comment il est possible d’être tout à la fois créatif et opéra-tionnel. TechnocITé ne disposait pas a priori d’un espace gigantesque, mais a su y implan-ter avec succès une mixité de services  : studio numérique, formation au numérique en vue d’une réinsertion dans la vie active, espace pour monter sa boîte… »

La Cité Numérique va s’en inspirer pour devenir un lieu de formation. « Certes, il existe des écoles et des cursus classiques dans la région mais ce qui nous manque encore, c’est une formation pour non-initiés. Et c’est fondamental parce qu’il faut susciter l’envie du numérique. Ce sur quoi Pacal Keiser nous a ouvert les yeux, c’est qu’il ne s’agit pas uniquement de transformer un féru de numérique en chef d’entreprise, mais qu’il faut pouvoir faire de quelqu’un de quelconque une personne qui acquiert des compétences et qui devient ainsi capable de s’insérer. »

En 2013, le Festival d’Avignon a enfin pu se loger dans un lieu pérenne, baptisé la FabricA, où accueillir le travail et les répétitions des équipes. «  Nous avons voulu en faire un équi-pement structurant qui, toute l’année du-rant, soit accessible et au service de toute cette partie périphérique de la ville, caractérisée par une population fort peu intégrée, que ce soit professionnellement ou culturellement  », explique Paul Rondin, directeur délégué du Festival d’Avignon.

La région d’Avignon est en effet l’une des plus défavorisées de France, avec un chômage des jeunes qui flirte avec les 55 % dans certains quar-tiers et un score global à peine plus enviable de 35 %. La région déplore en outre une importante migration des diplômés universitaires en dehors du territoire. « Olivier Py, nouveau directeur du Festival depuis l’été 2013, a dès lors voulu pro-longer le rôle de la FabricA pour en faire un ou-til de sensibilisation de la population locale à de nouvelles choses. Et quel outil est plus efficace pour les jeunes que le numérique ? »

Si l’idée de base était formulée, restait à la mettre en pratique. En raison des similitudes entre Avignon et Mons (situation socio-économique, patrimoine et projet culturels…) et des liens étroits tissés entre le Festival et Pascal Keiser, les responsables locaux ont tenu à bénéficier de ses conseils sur la manière de «  réussir le tournant de l’histoire postindustrielle, néo-numérique  ». « Nous inspirer du travail accompli à Mons nous a permis d’avancer de manière plus ambitieuse que si on avait limité la réflexion entre nous. Le numérique, la sensibilisation au numérique et la passerelle lancée vers les jeunes mais aus-si vers d’autres groupes de population sont ainsi devenus des outils concrets pour nous faire exploiter pleinement les compétences et le savoir-faire dont nous disposons  », témoigne Paul Rondin.

Le résultat ? La FabricA Numérique deviendra à la fois un instrument de clustering entre acteurs numériques locaux, un centre d’innovation du «  numérique culturel et créatif  » et un lieu

Un autre point qui a marqué les esprits fut la capacité qu’a eue Mons d’attirer quelques grands noms du numérique. « On ne peut pas dire que Mons soit la Silicon Valley et pourtant elle a su convaincre Microsoft ou IBM de venir s’y installer, chacune à sa manière. Qu’importe les intérêts particuliers de ces ténors si tout le monde s’y retrouve… » La présence d’un ou plusieurs ténors manque encore à la Cité Numérique. Les opérateurs du site tenteront donc d’aller les pêcher au niveau national. À moins qu’ils ne jouent la carte de la notoriété de Bordeaux pour ranimer des liens de jumelage, par exemple avec Los Angeles. Le projet compte par ailleurs exploiter le filon de l’appel à projets national French Tech (ci-devant baptisé Quartiers numé-riques). Histoire de prouver que « tout ne se passe pas uniquement à Paris ».

Triple « personnalité »La Cité Numérique sera «  comme une fusée à trois étages. Un lieu d’accueil pour des start-ups encore au stade de la recherche de finan-cement, que nous aiderons à croître. Un pôle de rencontre, pour créer l’élan et susciter une fertilisation croisée entre acteurs du numérique venus de divers créneaux de marché (e-commerce, jeux vidéo et serious games, réalité augmentée, data mining pour le monde des médias, applis mobiles, numérisation de documents, transmédia…) mais aussi fertilisation croisée entre entreprises, acteurs de la recherche, acteurs créatifs et citoyens. Dernier “étage” : un instrument de marke-ting international — par le biais de quelques grands groupes. »

Avignon, la classique réinventéeEn Avignon, le numérique jouera bientôt sur deux tableaux. D’une part, désenclaver des quartiers peu privilégiés. De l’autre, faire entrer le Festival dans le siècle du digital, en lui permettant de se donner encore plus de visibilité et de tisser davantage de liens avec la com-munauté locale ou universelle via des outils tels que référencement sur Internet et les réseaux sociaux, transmédia, archivage de contenus numérisés, développement d’applications mobiles pour les festiva-liers, captation sur divers supports (Web, mobile, etc.)…

d’hébergement d’une école populaire du numérique. Les formations et activités diverses permettront aux jeunes, aux chômeurs, mais aussi aux artistes, parfois précarisés, de s’approprier réseaux sociaux, smartphones ou tablettes mais aussi « d’apprendre la distanciation par rapport à la réalité du numérique, de juger et faire parler le contenu et l’image, d’accéder à une lecture nouvelle du spectacle et du culturel, au-delà du simple j’aime ou j’aime pas. Cette prise de distance critique est un apprentissage nécessaire pour un public non averti. »

De manière plus fondamentale et ambitieuse, la FabricA Numé-rique veut s’inscrire dans le mouvement de l’appel à projets national Quartiers numériques afin d’étendre la perspective à l’ensemble du département du Vaucluse. «  Le Festival n’en sera pas le maître d’œuvre dans la mesure où cette nouvelle dimension va au-delà de nos capacités et de nos compétences, mais nous en serons à coup sûr l’un des moteurs. »

/ RÉUNIR EN QUELQUE SORTE EN UN LIEU UNIQUE L’EURATECHNO-LOGIES LILLOIS (AXE ÉCONOMIE) ET LES CECN ET TECHNOCITÉ MONTOIS (AXES CULTURE ET FORMATION)./

/ LA CITÉ NUMÉRIQUE ESPÈRE AINSI ACCUEILLIR QUELQUE QUARANTE START-UPS À L’ANNÉE ET FORMER UN MILLIER DE PERSONNES PAR AN. /

/ NOUS INSPIRER DUTRAVAIL ACCOMPLIÀ MONS NOUS A PERMIS D’AVANCER DE MANIÈRE PLUS AMBITIEUSE QUE SI ON S’ÉTAIT LIMITÉ À UNE RÉFLEXION ENTRE NOUS. /

QUAND L’ÉCOSYSTÈME MONTOISINSPIRE L’ÉTRANGER

QUAND L’ÉCOSYSTÈME MONTOISINSPIRE L’ÉTRANGER

CHAP. 04 10 A/N/M

Page 69: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons

136 137

En 2014, TechnocITé propose pas moins de trente-cinq domaines d’expertise, pour un volume d’activité de plus de deux cent mille heures de formation par an. TechnocITé est désormais présent sur trois bâtiments situés à Hornu, à Mons et à Bruxelles. Avec un budget annuel de 3.5 millions d’€, ce sont vingt-cinq salariés et une centaine de formateurs spécialisés qui travaillent chaque jour à la diffusion des connaissances numériques.

D’abord situé à Mons au Carré des Arts, TechnocITé est depuis 2008 installé en plein cœur de la DIV (Digital Innovation Valley). À partir de 2009, avec l’arrivée de Joyce Proot aujourd’hui direc-trice opérationnelle accompagnée de Catherine Dethy et Richard Roucour, TechnocITé s’est orienté vers de nouveaux cursus innovants. Le département digital média géré par Joyce est redynamisé et le projet IT Convergence Academy (ITCA) voit le jour. Comme le précise Joyce Proot, « L’approche du projet ITCA s’axe sur l’antici-pation des mutations technologiques, ses nouveaux usages induits et la multiplication des collaborations avec les entités créatives de la région afin d’offrir une pédagogie de mise en situation en contexte réel dans le cadre de formations ateliers. »

La volonté de ce projet est, à travers la réalisation d’un développe-ment global répondant aux exigences professionnelles du secteur, de doter notre région de compétences innovantes à même de lui permettre d’affronter les défis auxquels elle doit faire face et de s’inté-grer de manière positive dans un environnement mondial qui connaît des mutations profondes et rapides.  L’idée étant de booster de développement économique de la région en incitant à l’entreprena-riat. En 2010, TechnocITé met l’accent à travers le projet ITCA sur une orientation Industries Culturelles et Créatives avec l’apparition des premières formations en gaming en Belgique.

/TECHNOCITÉ APRÈS 2015

PAR PASCAL KEISERDIRECTEUR DE TECHNOCITÉ

À partir de cette année charnière, de nouvelles formations innovantes à l’échelle belge et fran-çaise sont programmées et préparent les cursus d’après 2015 : univers du gaming, eReputation, archivage numérique, CMS, marketing mobile, digital signage, développement mobile, Social TV & Connected TV, photographie interactive, livre numérique.

«  Nous mettons en avant, dans la suite du travail des dix dernières années, l’écosystème de TechnocITé et ses retombées sur le dévelop-pement économique de notre région en nous impliquant dans de nombreuses initiatives comme la mise en œuvre de la Digital Innovation Valley avec l’IDEA, la réalisation du projet de LivingLab Digistorm avec l’UMONS et l’IDEA, la collabora-tion avec le Botkamp Geek Factory (le plus grand gaming center de Belgique), et bien d’autres. »

TECHNOCITÉ APRÈS 2015

10 A/N/M CHAP. 04CHAP. 04 10 A/N/M

TechnocITé au Parc Initialis à Mons © TechnocITé

TechnocITé, Château Degorge à Hornu © Bruno Follet

Page 70: PRÉFACE - Technocité · 2015-01-22 · TECHNOCITÉ, 2004-2014 10 ANS DE NUMÉRIQUE À MONS 08 P.05 PRÉFACE Par M. Elio Di Rupo, Premier Ministre et Bourgmestre en titre de Mons