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Principes généraux des traitements du lupus érythémateux systémique et mesures préventives Éric Hachulla a, *, Olivier Moranne b , Frédéric Lioté c a Service de médecine interne, hôpital Claude-Huriez, CHU, 59037 Lille cedex, France b Service de néphrologie, hôpital Calmette, CHU, 59037 Lille cedex, France c Fédération de rhumatologie, Pôle appareil locomoteur et Université Paris 7, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, BP 7, 75475 Paris cedex 10, France Reçu le 25 novembre 2004 ; accepté le 29 novembre 2004 Disponible sur internet le 12 mars 2005 Mots clés : Lupus érythémateux systémique ; Traitement ; Prévention Keywords: Systemic lupus erythematosus; Treatment; Prevention La meilleure connaissance physiopathologique de la mala- die lupique, l’identification de critères d’évolutivité de la maladie, l’avènement des corticoïdes et l’utilisation des immunosuppresseurs a considérablement modifié le pronos- tic du lupus érythémateux systémique (LES) ces 50 dernières années. En effet, la survie à cinq ans qui était inférieure à 50 % en 1955 est actuellement supérieure à 90 % [1]. En Europe, le taux de survie à dix ans est de l’ordre de 94 % en l’absence de néphropathie et de 88 % en cas d’atteinte rénale [2]. Le taux de décès reste néanmoins quatre fois supérieur à celui de la population générale de même âge [1]. Les deux principales causes de décès dans les cinq premières années d’évolution du lupus restent les atteintes rénales et les infec- tions. Après cinq ans d’évolution, les deux principales causes sont les atteintes vasculaires (infarctus cérébral et infarctus du myocarde) et les complications infectieuses. La prise de conscience depuis quelques années de ces risques infectieux et vasculaires nous amènent aujourd’hui à modifier nos com- portements en évaluant mieux le rapport risque/bénéfice des traitements choisis et en prenant en compte les facteurs de risque cardiovasculaires associés. La prise en charge des patients lupiques doit se faire de manière multidisciplinaire de concert entre rhumatologues, internistes, dermatologistes, néphrologues, cardiologues, infectiologues et avec l’aide d’une diététicienne, tout en assurant le soutien psychologi- que nécessaire dans toutes maladies chroniques. La multiplicité des formes cliniques de LES nous amène ici à discuter les grands principes de traitement de cette mala- die auto-immune qui, jusqu’à présent, n’a pas encore bénéfi- cié de l’explosion des biothérapies que connaît la polyarth- rite rhumatoïde. L’objectif à court terme est un contrôle rapide des atteintes viscérales de la maladie en pesant bien les ris- ques des traitements immunosuppresseurs notamment, l’objectif à long terme est de définir le traitement minimal efficace pour maintenir la maladie en rémission, permettre une qualité de vie appréciée par le patient avec un nouvel objectif qui est la protection cardiovasculaire. Enfin la prévention de la pathologie iatrogène a bénéficié de l’essor des nouvelles médications utilisables dans le trai- tement et la prévention de l’ostéoporose cortisonique aux- quelles s’ajoutent des recommandations générales. 1. Inventaire des atteintes viscérales : évaluation multidisciplinaire Lorsque le diagnostic de LES vient d’être porté, il faut non seulement faire le bilan des atteintes viscérales mais aussi évaluer et prendre en charge la réaction anxieuse ou dépres- sive qui peut suivre l’annonce du diagnostic. Les patients doi- vent apprendre à reconnaître les signes spécifiques du lupus et à les différencier de symptômes non spécifiques pour mieux collaborer avec le clinicien et ainsi mieux équilibrer la mala- die. L’inventaire des lésions viscérales peut se faire par l’éva- luation des critères d’activité de la maladie donnée par le SLE- * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] ( Hachulla). Revue du Rhumatisme 72 (2005) 537–545 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/ 1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2004.11.008

Principes généraux des traitements du lupus érythémateux systémique et mesures préventives

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Principes généraux des traitements du lupus érythémateux systémiqueet mesures préventives

Éric Hachulla a,*, Olivier Moranne b, Frédéric Lioté c

a Service de médecine interne, hôpital Claude-Huriez, CHU, 59037 Lille cedex, Franceb Service de néphrologie, hôpital Calmette, CHU, 59037 Lille cedex, France

c Fédération de rhumatologie, Pôle appareil locomoteur et Université Paris 7, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, BP 7,75475 Paris cedex 10, France

Reçu le 25 novembre 2004 ; accepté le 29 novembre 2004

Disponible sur internet le 12 mars 2005

Mots clés : Lupus érythémateux systémique ; Traitement ; Prévention

Keywords: Systemic lupus erythematosus; Treatment; Prevention

La meilleure connaissance physiopathologique de la mala-die lupique, l’identification de critères d’évolutivité de lamaladie, l’avènement des corticoïdes et l’utilisation desimmunosuppresseurs a considérablement modifié le pronos-tic du lupus érythémateux systémique (LES) ces 50 dernièresannées. En effet, la survie à cinq ans qui était inférieure à50 % en 1955 est actuellement supérieure à 90 % [1]. EnEurope, le taux de survie à dix ans est de l’ordre de 94 % enl’absence de néphropathie et de 88 % en cas d’atteinte rénale[2]. Le taux de décès reste néanmoins quatre fois supérieur àcelui de la population générale de même âge [1]. Les deuxprincipales causes de décès dans les cinq premières annéesd’évolution du lupus restent les atteintes rénales et les infec-tions. Après cinq ans d’évolution, les deux principales causessont les atteintes vasculaires (infarctus cérébral et infarctusdu myocarde) et les complications infectieuses. La prise deconscience depuis quelques années de ces risques infectieuxet vasculaires nous amènent aujourd’hui à modifier nos com-portements en évaluant mieux le rapport risque/bénéfice destraitements choisis et en prenant en compte les facteurs derisque cardiovasculaires associés. La prise en charge despatients lupiques doit se faire de manière multidisciplinairede concert entre rhumatologues, internistes, dermatologistes,néphrologues, cardiologues, infectiologues et avec l’aided’une diététicienne, tout en assurant le soutien psychologi-que nécessaire dans toutes maladies chroniques.

La multiplicité des formes cliniques de LES nous amèneici à discuter les grands principes de traitement de cette mala-die auto-immune qui, jusqu’à présent, n’a pas encore bénéfi-cié de l’explosion des biothérapies que connaît la polyarth-rite rhumatoïde. L’objectif à court terme est un contrôle rapidedes atteintes viscérales de la maladie en pesant bien les ris-ques des traitements immunosuppresseurs notamment,l’objectif à long terme est de définir le traitement minimalefficace pour maintenir la maladie en rémission, permettreune qualité de vie appréciée par le patient avec un nouvelobjectif qui est la protection cardiovasculaire.

Enfin la prévention de la pathologie iatrogène a bénéficiéde l’essor des nouvelles médications utilisables dans le trai-tement et la prévention de l’ostéoporose cortisonique aux-quelles s’ajoutent des recommandations générales.

1. Inventaire des atteintes viscérales : évaluationmultidisciplinaire

Lorsque le diagnostic de LES vient d’être porté, il fautnon seulement faire le bilan des atteintes viscérales mais aussiévaluer et prendre en charge la réaction anxieuse ou dépres-sive qui peut suivre l’annonce du diagnostic. Les patients doi-vent apprendre à reconnaître les signes spécifiques du lupuset à les différencier de symptômes non spécifiques pour mieuxcollaborer avec le clinicien et ainsi mieux équilibrer la mala-die.

L’inventaire des lésions viscérales peut se faire par l’éva-luation des critères d’activité de la maladie donnée par le SLE-

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] ( Hachulla).

Revue du Rhumatisme 72 (2005) 537–545

http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/

1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.rhum.2004.11.008

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DAI (Systemic Lupus Erythematosus Disease Activity Index)modifié récemment (SLEDAI-2 K) (Tableau 1).

Il n’y a pas de réel consensus sur la définition de l’activitéde la maladie, beaucoup considèrent que si le SLEDAI estsupérieur ou égal à 3, la maladie est active. Cependant l’avisdu clinicien compte aussi dans cette définition. L’inventairedes atteintes viscérales du lupus ne se limite pas à l’évalua-tion du SLEDAI. Certaines données sont manquantes : l’éva-luation de l’état général : fatigue, perte de poids ; l’inventairedes lésions cutanées (érythème en vespertilio, éruption mor-billiforme, lésions de lupus subaigu de type annulaire ou pso-riasiforme, lupus discoïde) ; la recherche de manifestationsdigestives (nausées, vomissements, douleur abdominale, réac-tion pancréatique) ; la recherche d’une atteinte pulmonaireparenchymateuse ; la recherche d’une atteinte cardiaque myo-cardique ou valvulaire ; la recherche d’une atteinte des orga-nes hématopoïétiques : adénopathies, splénomégalie, hépa-

tomégalie ; d’autres atteintes hématologiques notammentanémie hémolytique.

L’inventaire initial des atteintes viscérales chez un patientatteint de LES nécessite une série d’examens complémentai-res systématiques ou ciblés en fonction de la présentation cli-nique. Ces examens sont rassemblés dans le Tableau 2.

Cet inventaire clinique et viscéral permet l’identificationdes formes de pronostic plus sévère : sexe masculin, sujet àpeau noire, forme à début pédiatrique, atteinte rénale, atteintedu système nerveux central, syndrome des antiphospholipi-des associé.

2. Stratégies médicamenteuses

Qu’il s’agisse d’une forme modérée ou d’une forme sévère,la photoprotection (crèmes protectrices vis-à-vis des UVA et

Tableau 1SLEDAI-2 K : index d’activité du lupus érythémateux systémique [3]

Valeur Score a Manifestations Définition8 Convulsion Apparition récente. Exclusion des causes métaboliques, infectieuses ou médicamenteuses.8 Psychose Perturbation de l’activité normale en rapport avec une altération sévère de la perception de la réalité. Com-

prend : hallucinations, incohérence, appauvrissement du contenu de la pensée, raisonnement illogique, com-portement bizarre, désorganisé ou catatonique.Exclusion d’une insuffisance rénale ou d’une cause médicamenteuse.

8 Atteinte cérébrale Altération des fonctions mentales avec troubles de l’orientation, de la mémoire ou autre, d’apparition brutaleet d’évolution fluctuante.Comprend : troubles de la conscience avec réduction des capacités de concentration, incapacité à rester attentifavec en plus 2 au moins des manifestations suivantes : troubles perceptifs, discours incohérent, insomnie ousomnolence diurne, augmentation ou diminution de l’activité psychomotrice.Exclusion d’une cause infectieuse, métabolique ou médicamenteuse.

8 Troubles visuels Atteinte rétinienne du lupus.Comprend : nodules dysoriques, hémorragies rétiniennes, exsudats séreux ou hémorragies choroïdiennes,nécrite optique.Exclusion d’une cause hypertensive, infectieuse ou médicamenteuse

8 Nerfs crâniens Neuropathie sensitive ou motrice d’apparition récente touchant un nerf crânien.8 Céphalées liées au lupus Céphalées sévères et persistantes, pouvant être migraineuses mais résistant aux antalgiques majeurs.8 AVC Accident(s) vasculaire(s) cérébral(aux) d’apparition récente. Artériosclérose exclue.8 Vascularite Ulcérations, gangrène, nodules digitaux douloureux, infarctus péri-unguéaux ou preuve histologique ou arté-

riographie de vascularite.4 Arthrites Plus de 2 articulations douloureuses avec signes inflammatoires locaux (douleur, tuméfaction ou épanchement

articulaire).4 Myosite Douleur/faiblesse musculaire proximale associée à une élévation des CPK, et/ou aldolases ou à des modifica-

tions électromyographiques ou à une biopsie montrant des signes de vascularite.4 Cylindres urinaires Cylindres de globules rouges.4 Hématurie > 5 GR/champ en l’absence de lithiase, d’infection ou d’une autre cause.4 Protéinurie >0,5 g/24 heures.4 Pyurie > 5 GB/champ en l’absence d’infection.2 Rash Éruption cutanée inflammatoire.2 Alopécie Perte anormale des cheveux en plaque ou diffuse.2 Ulcères muqueux Ulcérations orales ou nasales.2 Pleurésie Douleur thoracique d’origine pleurale avec frottement ou épanchement ou épaississement pleural.2 Péricardite Douleur péricardique avec au moins l’une des manifestations suivantes : frottement, épanchement ou confir-

mation électrographique ou échographique.2 Complément Diminution du CH50, du C3 ou du C4 au-dessous de la normale inférieure du laboratoire.2 Augmentation des anti-

DNAAugmentation des anti-DNA par le test de Farr à un taux supérieur à la normale du laboratoire.

1 Fièvre > 38 °C en l’absence de cause infectieuse.1 Thrombopénie < 100 000 plaquettes/mm3 en l’absence de cause médicamenteuse.1 Leucopénie < 3000 GB/mm3 en l’absence de cause médicamenteuse.

a = 0 si n’existe pas.

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UVB), la suppression du tabac et l’arrêt des estrogènes sontnécessaires. Il faut par ailleurs s’assurer de l’absence de médi-caments inducteurs car, dans ce cas précis, leur simple arrêtpeut amener une rapide guérison ou rémission.

Les modalités d’utilisation des anti-inflammatoires, desimmunomodulateurs et immunosuppresseurs en fonction desdifférentes situations cliniques et niveaux de gravité du LESsont détaillées par ailleurs dans cette monographie. Nous nouslimiterons ici aux principes de prise en charge du syndromedes antiphospholipides (SAPL).

Le SAPL complique au moins 10 % des LES. C’est la 1re

cause de thrombophilie acquise. Le SAPL associe des mani-festations thrombotiques artérielles ou veineuses ou des mani-festations obstétricales à type de mort fœtale inexpliquée,avortements spontanés à répétition ou prématurité, éclamp-sie par un mécanisme d’insuffisance placentaire et des anti-corps antiphospholipides confirmés au-delà de six semaines(antiprothrombinase ou lupus anticoagulant et/ou anticorpsanticardiolipine à titre moyen ou élevé) [4]. Le SAPL est unmarqueur pronostique péjoratif dans le LES, la survie cumu-lée à 15 ans n’est que 65 contre 90 % en l’absence de SAPL[5]. Ce pronostic péjoratif doit interpeller et impose d’établirau moment du diagnostic de LES le profil biologique de cha-que patient (avec ou sans antiphospholipides). En général,comme pour les anticorps antinucléaires, l’apparition des anti-corps antiphospholipides précède les premières manifesta-tions du lupus [6]. Mais parfois ils apparaissent secondaire-ment, c’est pourquoi un suivi longitudinal biologique estnécessaire s’ils sont absents lors du diagnostic de LES.

Dans un article de synthèse récemment publié, Piette et al.[7] proposent schématiquement :

2.1. En prévention primaire

Découverte fortuite d’anticorps antiphospholipides asymp-tomatiques, proposer l’aspirine à dose antiagrégante plaquet-taire ; l’héparinisation préventive peut être proposée dans dessituations à haut risque de thrombose veineuse notammenten fin de grossesse et dans le post-partum.

2.2. En prévention secondaire

Elle est classiquement assurée par les antivitamines K pro-posées au long cours avec pour objectif un INR entre 3 et3,5 dans les formes artérielles, entre 2,5 et 3 dans les formesveineuses. En cas de rechute thrombotique sous AVK, l’aspi-rine est volontiers proposée en association [8].

2.3. SAPL catastrophique

Héparinisation à forte dose, corticothérapie, échanges plas-matiques ou perfusions d’IgIV [9].

2.4. En cas de SAPL obstétrical

Aspirine à dose antiagrégante (75 à 100 mg/24 heures) +HBPM dont les doses varient en fonction des antécédentsthrombotiques ou obstétricaux ± IgIV en cas d’échec du trai-tement conventionnel [10].

3. Éducation du patient et du médecin de famille

La prise en charge d’une maladie chronique passe obliga-toirement par l’éducation du patient.Afin que le patient adhèrecomplètement à son traitement et que la relation soignants–soignés soit optimale, deux grands principes : apprendre aupatient les signes de sa maladie afin qu’il puisse précocementles identifier et consulter ; informer sur la toxicité et sur lesprécautions d’emploi des médicaments prescrits.

La mise sous glucocorticoïdes nécessite des conseils dié-tétiques précis et une évaluation des habitudes alimentaires.Le régime pauvre en sel, limité en sucres rapides, en graissesanimales ou en graisses cuites, enrichi en calcium ne peutêtre expliqué en quelques minutes et justifie une consultationspécialisée ou leur répétition.

Les autres étapes de l’éducation du patient lupique com-prennent les points qui suivent.

3.1. La photoprotection

On conseille l’utilisation de crèmes solaires de protectionmaximale bloquant les UVB et les UVA : écran extrême

Tableau 2Examens complémentaires à réaliser dans le bilan initial d’une maladie lupique récemment diagnostiquée

• Bilan systématique initial :C Inventaire clinique avec bandelette urinaire, poids et température, évaluation de l’asthénie et des douleurs articulaires par échelle visuelle

analogique + contrôle de la pression artérielleC Biologie : numération formule, créatininémie, CRP, bilan hépatique, protéinurie des 24 heures, HLM, recherche de cylindres urinaires, électro-

phorèse des protéines avec dosage pondéral des Ig (recherche de déficit en IgA), anticorps antinucléaires, anticorps anti-DNA natif (Test de Farrou méthode du Crithidia), CH50, C3, anticorps antiprothrombinase, anticorps anticardiolipine, évaluation du statut métabolique (glycémie, bilanlipidique)

C Radiographie de thorax face + profilC ÉlectrocardiogrammeC ÉchocardiographieC Examen ophtalmologique avec fond d’œil pour inventaire des lésions spécifiques et électrorétinogramme dans l’objectif de la mise sous antipalu-

déens de synthèse• Examens à réaliser selon circonstances cliniques :

C IRM cérébrale et/ou médullaireC Échographie et/ou scanner abdominalC Holter ECG, holter tensionnel

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(Avène®, Lutsine® ou crèmeAnthélios L® ou Photoderm Spé-cial®). Pour être bien efficaces, ces crèmes doivent être appli-quées toutes les deux heures, voire toutes les trois–quatre heu-res seulement pour les nouvelles formes longue durée, et aprèschaque baignade ; proscrire les bains de soleil, éviter les lieuxoù la réverbération est forte comme le bord de mer, la hautemontagne ; éviter les sorties en période du midi où le rayon-nement UV est maximal ; se méfier de certaines protectionscomme le parasol qui ne bloque pas tous les UV et n’évitepas la réverbération ou les tee-shirts blancs qui n’apportentqu’une faible photoprotection ; préférer les vêtements en tissuserré comme le coton ou le jean ; protéger le visage par unchapeau à bord large ou une casquette à visière et préférer lesmanches longues et le pantalon plutôt que le short ; éviter lesmédicaments photosensibilisants : AINS en topique et phé-nothiazine, certains médicaments par voie orale (certainesAINS, cyclines, quinolones, phénothiazine, etc.) ; les antipa-ludéens de synthèse font partie intégrante du traitement pho-toprotecteur.

3.2. Prise en charge de la fatigue

La fatigue rapportée dans le LES est la conséquence d’undéconditionnement musculaire, parfois d’un état dépressif,parfois d’une altération de la qualité du sommeil, parfois ils’agit d’un symptôme lié à l’activité de la maladie elle-même, mais il peut aussi s’agir de l’expression d’un syn-drome fibromyalgique [11].

3.3. Exercice physique

L’exercice physique aérobique progressif apporte un béné-fice tant physique que psychique et doit être encouragé.

3.4. Arrêt du tabac

Une méta-analyse récemment publiée confirme que letabac augmente faiblement mais significativement le risquede survenue d’un LES (OR = 1,5 ; IC 95 % = 1,09–2,08) [12].Cela incite à encourager les patients lupiques à arrêter touteintoxication tabagique ce d’autant que le tabac peut aussi dimi-nuer l’efficacité cutanée des antipaludéens de synthèse [13].Les fumeurs ont en général une maladie plus active et plussévère que les non-fumeurs ou les anciens fumeurs [14]. Cetteconstatation incite donc à obtenir un sevrage tabagique com-plet chez les patients lupiques en leur apportant l’aide néces-saire pour cela, prise en charge psychologique, acupuncture,bupropion.

3.5. Vaccinations

On craint toujours au cours d’une maladie auto-immunede stimuler les lymphocytes autoréactifs en administrant unantigène vaccinal. Les complications infectieuses consti-tuant la 2e cause de mortalité des patients lupiques, une atten-tion particulière doit être portée à la vaccination. Il a été

démontré que la vaccination antipneumococcique et anti-Haemophilus influenzae de type B est possible chez lespatients lupiques, même sous-immunosuppresseurs [15]. Enmatière de vaccination des patients lupiques, voici les conseilsque nous apportons : vacciner en dehors des poussées de lamaladie ou d’infections concomitantes ; vaccins obligatoi-res : diphtérie, tétanos, polio. injectable ; vaccins recomman-dés : pneumocoque, grippe selon l’âge et pathologies asso-ciées ; vaccins contre l’hépatite B chez les patients à risqueen l’absence d’antécédent de poussée de la maladie lié à cettevaccination ; sont contre-indiqués chez le patient immunodé-primé (corticothérapie ≥ 20 mg/24 heures et/ou traitementimmunosuppresseur), les vaccins vivants ou atténués : polio-myélite orale, rubéole, rougeole, oreillons, varicelle, fièvrejaune et BCG.

3.6. Quand la grossesse est-elle possible et avec quelsmédicaments ?

Les craintes de démarrer une grossesse au cours du LESsont légitimes. Au cours de la grossesse peut survenir unepoussée de la maladie lupique, la grossesse peut s’accompa-gner d’un retard de croissance intra-utérin, d’une augmenta-tion de risque de fausse couche, d’une maladie thromboem-bolique et d’un risque de lupus néonatal. Les renseignementset les conseils apportés aux femmes lupiques souhaitant débu-ter une grossesse peuvent être les suivants [16–22] : la ferti-lité des femmes lupiques est comparable à celle de la popu-lation générale. Une hypofertilité peut survenir en casd’insuffisance rénale ou de traitement immunosuppresseurassocié ; la prévalence de la stérilité primaire est similaire aucours du LES à celle du reste de la population (10 à 13 % vs8 à 15 % de la population générale) ; l’utilisation de cyclo-phosphamide après 32 ans et au-delà de 10 g de dose cumu-lée s’accompagne d’un risque élevé d’aménorrhée prolongéequi peut compromettre la mise en route d’une grossesse ; unegrossesse peut être envisagée si la maladie est en rémissiondepuis au moins six mois (SLEDAI < 3/4) ; la prise en chargedoit être multidisciplinaire associant rhumatologue, inter-niste ou dermatologue et obstétricien avec un planning pré-déterminé de consultations ; un traitement corticoïde prophy-lactique n’est pas requis, mais en cas de poussée la prednisone,l’hydroxychloroquine et l’azathioprine peuvent être utiliséesen toute sécurité au cours de la grossesse ; l’aspirine à faibledose et les HBPM sont autorisées au cours de la grossesse ; ilne faut pas faire d’arrêt intempestif et irrationnel d’une faiblecorticothérapie, ni des antipaludéens de synthèse ; le risquede poussée de lupus est moins important si la maladie en débutde grossesse est inactive (la période à risque est le 2e et le 3e

trimestre mais 1 fois/5 la poussée survient dans les 3 moissuivant le post-partum) ; il existe une augmentation du risquede perte fœtale en cas de présence d’anticorps antiphospho-lipides mais dans la majorité des cas les antiagrégants pla-quettaires voire l’héparine préviennent ces pertes fœtales ; lapréexistence d’une néphropathie lupique n’est pas une contre-indication à la grossesse s’il n’y a pas d’hypertension non

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contrôlée, s’il n’y pas d’insuffisance rénale, si la protéinurierésiduelle est inférieure à 1 g/24 heures (en cas d’atteinterénale évolutive pendant la grossesse, le risque de perte fœtaleest de 50 %, le risque de prématurité est de 50 % ; en casd’antécédent d’atteinte rénale en rémission, le risque de pertefœtale est de 34 %, le risque de prématurité est de 22 %) ; encas d’épisode thrombotique récent sur SAPL, déconseiller unegrossesse avant 12 mois, 18 mois en cas d’antécédent d’infarc-tus cérébral ; informer la patiente sur le risque faible de BAVcongénital et la nécessité d’une surveillance écho-Dopplerfœtal régulière à partir de la 16e semaine d’aménorrhée encas de présence d’anticorps anti-SSA/Ro et/ou SSB/La (ris-que de 2, 17 % si antécédent de grossesse compliquée de BAVfœtal) ; le risque de prématurité varie de 19 à 49 % contre7 % dans la population générale ; ce risque est plus élevé encas d’atteinte rénale, de traitement corticoïde à dose supé-rieure ou égale à 10 g/24 heures, ou s’il existe des anticorpsantiphospholipides.

Si la mise en route d’une grossesse est souvent possiblechez la femme lupique, quelques contre-indications de prin-cipe persistent : poussée de la maladie en cours ; hyperten-sion artérielle sévère non contrôlée ; hypertension artériellepulmonaire ; valvulopathie sévère ; clairance de la créatinineinférieure à 40 ml/minute; corticodépendance supérieure ouégale à 0,5 mg/kg ; antécédent thrombotique grave récent.

3.7. Contraception et traitement hormonal substitutif(THS)

Les estroprogestatifs sont classiquement considérés commecontre-indiqués au cours du LES, mais la relation estrogèneset LES n’est pas définitivement établie [23]. La contracep-tion progestative est largement préconisée (Cérazette®, Luté-ran®). Le dispositif intra-utérin est déconseillé en cas de trai-tement immunosuppresseur ou de traitement corticoïde à fortedose à cause du risque infectieux. Concernant le THS, il estaccusé d’augmenter le risque de voir apparaître un LES. Quel-ques cas rapportés dans la littérature semblent indiquer que

le THS peut favoriser les poussées de lupus de femmes enrémission [24]. Ce traitement ne sera envisagé que si lademande de la patiente est forte, si le lupus est en bonne rémis-sion clinique et biologique depuis au moins 12 mois. Danstous les cas, il doit être évité chez les femmes ayant des anti-corps antiphospholipides. Actuellement, il n’est plus admis-sible de proposer un THS pour le seul motif de prévention del’ostéoporose postménopausique.

3.8. Correction des facteurs de risque cardiovasculaireet néphroprotection

Comparativement à la population générale, les patientsatteints de LES ont cinq fois plus de risque de développerune maladie coronaire [25]. La mortalité cardiovasculaire estaugmentée au cours du LES. Les facteurs de risque conven-tionnels n’expliquent à eux seuls l’augmentation du risquecardiovasculaire chez les patients lupiques. Il semble existerdes facteurs de risque spécifiques à la maladie [26], notam-ment la durée d’évolution et l’activité de la maladie, laprésence d’un traitement corticoïde, s’il existe des anticorpsantiphospholipides, une insuffisance rénale, une hyperhomo-cystéinémie, un syndrome inflammatoire. On proposeaujourd’hui d’optimiser la prise en charge des facteurs de ris-que vasculaire chez le patient lupique (Tableau 3).

Concernant la néphroprotection, une fois les lésions réna-les fixées, il existe un processus d’hyperfonctionnement desnéphrons sains restants qui s’avèrent à terme délétère expli-quant la majoration de la protéinurie et l’évolution vers l’insuf-fisance rénale. Cette évolution est associée à une destructionprogressive des glomérules hyperfonctionnels et une fibroseinterstitielle responsable elle aussi d’une réduction néphroni-que, avec au final des lésions histologiques caractérisées parla coexistence de glomérules scléreux non fonctionnels, detubules atrophiés et d’une fibrose interstitielle. La néphropro-tection a pour objectif de ralentir l’évolution de ce processusinéluctable. Les objectifs qui suivent reposent sur les don-nées récentes de la littérature concernant les atteintes glomé-rulaires chez les patients non diabétiques [27–30].

Tableau 3Optimisation des facteurs de risque vasculaire chez les patients lupiques proposés par Wajed et al. [25]

Facteurs de risque Objectif idéalPression artérielle < 130 mmHg pour la systolique et < 80 mmHg pour la diastoliqueLDL cholestérol < 2,6 mmol/LDiabète Glycémie à jeun < 7,0 mmol/l

Glycémie post-prandiale < 11,0 mmol/lTabac Arrêt du tabacObésité BMI < 25 g/m2

Mesures additionnelles Indication a

Aspirine S’il existe une maladie vasculaire connueSi lupus + 1 facteur de risque vasculaireSi présence d’anticorps anticardiolipine ou d’un lupus anticoagulant

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion En cas de maladie cardiovasculaire incluant l’insuffisance cardiaqueHypertrophie ventriculaire gaucheDiabèteMédicament de 2e intention pour l’hypertension artérielle

a Des contre-indications spécifiques pour ces médicaments existent et doivent être évaluées à l’échelon individuel.

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Un objectif de protéinurie inférieur à 0,5 g/24 h est recher-ché mais à réévaluer à distance de l’épisode aigu, environtrois mois, afin de ne pas interférer avec le traitement corti-coïde et immunosuppresseur. Un bon équilibre tensionnel doitêtre obtenu rapidement : objectif inférieur à 130/80 mmHg etinférieur à 115/75 mmHg si la protéinurie est supérieure à2 g/24 h avec en première intention un traitement associantdes inhibiteurs du système rénine–angiotensine et régimehyposodé (4 à 6 g de NaCl/24 heure). Le régime hyposodépotentialise l’effet des inhibiteurs du système rénine–angio-tensine [inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et sar-tans] de 20 à 30 %. Les IEC doivent être introduits dans unpremier temps à une posologie adaptée à la fonction rénale età la tolérance (kaliémie, pression artérielle).Après trois à qua-tre mois d’IEC, si les objectifs de protéinurie ne sont pasatteints mais avec un contrôle tensionnel correct, un traite-ment par sartan peut être associé. L’association IEC–sartansprésente une synergie d’action pour diminuer la protéinuriemais elle nécessite une surveillance biologique régulière(kaliémie, créatininémie). En cas d’objectif tensionnel insuf-fisant avec une insuffisance rénale chronique, un traitementpar diurétiques doit être associé aux inhibiteurs du systèmerénine angiotensine. Si la clairance estimée de la créatininé-mie est supérieure à 60 ml/minute, un traitement par diuréti-que thiazidique pourra être introduit. Si la clairance est infé-rieure à 60 ml/minute ou en cas de néphropathie incipiens(protéinurie ou syndrome néphrotique), un diurétique del’anse sera préféré en fractionnant les prises matin, midi etfin d’après midi. Un sevrage tabagique doit être obtenu et untraitement par statine doit être discuté selon le niveau de LDLcholestérol et les facteurs de risque cardiovasculaires asso-ciés. L’effet bénéfique des statines en termes de néphropro-tection semble être indépendant du taux de cholestérol maissi l’effet bénéfique des statines a été démontré chez l’animaldes études sont en cours chez l’homme. Un objectif de tauxd’hémoglobine supérieur à 12 g/dl, mais la preuve formelled’un taux d’hémoglobine suffisant pour permettre le ralentis-sement de l’évolution de l’insuffisance rénale chronique estencore à l’étude (correction de l’hypoxie médullaire rénale).Enfin, respecter les contre-indications des produits potentiel-lement néphrotoxiques : AINS conventionnels ou anti-Cox2 s’il y a une insuffisance rénale marquée, aminosidesavec surveillance strict des taux sanguins et limiter l’utilisa-tion des produits de contraste iodé.

3.9. Conseils de prophylaxie de l’endocardite infectieuseen cas de valvulopathie (recommandations de la Sociétéfrançaise de cardiologie, consensus 2002(http://www.cardio-sfc.org)

De manière générale chez un patient lupique, le choix d’uneantibiothérapie doit tenir compte des traitements en coursnotamment des traitements corticoïdes. Les quinolones doi-vent être évitées de préférence, sauf s’ils sont incontourna-bles sur antibiogramme. En effet, l’association quinolones etcorticoïdes majore le risque de tendinopathie [31] (Tableau 4).

3.10. Prévention et traitement des complications osseuses(ostéonécrose et ostéoporose cortisonique)

Les complications osseuses de la corticothérapie asso-cient les ostéonécroses aseptiques et l’ostéoporose fractu-raire qui doivent être dépistées et prévenues. La survenue desostéonécroses aseptiques est associée dans la majorité des casà la corticothérapie générale, mais quelques travaux suggè-rent une relation directe et encore controversée des anticorpsantiphospholipides [32]. Il s’agit d’une atteinte souvent poly-articulaire touchant les épiphyses des hanches, des genoux,des épaules ou des calcanéus. À l’origine de douleurs méca-niques, elles peuvent évoluer vers une arthrose secondaireredevable d’une arthroplastie totale. Des arthralgies fixes,voire un épanchement au cours de bolus de cortisonique, peu-vent faire craindre une telle complication articulaire locale.L’IRM permet de faire le bilan lésionnel. La scintigraphieosseuse a l’avantage de réaliser une cartographie de l’ensem-ble des épiphyses actives. Le traitement repose sur la réduc-tion de l’activité physique, les antalgiques et le recours éven-tuel à la chirurgie prothétique.

Les patientes lupiques sont à haut risque de développerune ostéoporose « silencieuse » ou cliniquement établie.Comme l’athérosclérose accélérée, l’ostéoporose lupiquecommence à être reconnue comme une entité propre à côtéde la forme secondaire à la cortisonothérapie [33]. Une ostéo-pénie ou une ostéoporose densitométrique est ainsi détectéechez des jeunes femmes lupiques bien avant la ménopause.Le risque de fracture est globalement augmenté par un fac-teur de 2,5 [34]. Elle dépend de l’âge du sujet et de son statuthormonal, de l’ancienneté de la maladie, mais sa relation avecla dose cumulée de glucocorticoïdes est débattue comme dans

Tableau 4Antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse lors de soins dentaires et d’actes portant sur les voies aériennes supérieures – Soins ambulatoires

Produit Posologie et voie d’administration Prise uniquedans l’heure précédant le geste

Pas d’allergie aux b-lactamines Amoxicilline a 3 g per osAllergie aux b-lactamines Pristinamycine 1 g per os

ou b

Clindamycine 600 mg per osa 2 g per os si poids du sujet inférieur à 60 kg ou si intolérance digestive préalable à la dose de 3 g. Posologies pédiatriques per os : amoxicilline 75 mg/kg ;

clindamycine 15 mg/kg ; pristinamycine 25 mg/kg.b Le pourcentage respectif de souches de streptocoques de sensibilité diminuée à ces deux antibiotiques doit être pris en considération dans le choix. Admi-

nistration des antibiotiques dans le respect des contre-indications et des conditions habituelles d’utilisation et de surveillance.

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d’autres populations traitées [35]. Les bolus de corticoïdesauraient un effet délétère [34], en particulier chez les femmesainsi traitées pour glomérulonéphrites sévères [36]. En revan-che chez l’homme la perte osseuse ne serait pas différente decelle de sujets sains [37] : un suivi densitométrique est toute-fois recommandé en cas de corticothérapie à forte posologie.

La prévention de l’ostéoporose cortisonique doit être envi-sagée selon les recommandations actuelles de l’Afssaps (siteinternet : http ://afssaps.sante.fr). La réduction de posologiede cortisoniques doit être systématiquement recherchée. Lestraitements immunosuppresseurs, le méthotrexate et les anti-paludéens de synthèse permettent une telle épargne cortiso-nique. L’hormonothérapie substitutive n’est pas indiquée dansl’indication de prévention de la perte osseuse et a fortiori chezune femme lupique. L’acétate de cyprotérone (Androcur®),utilisé parfois comme immunomodulateur ou comme contra-ception, pourrait avoir des effets osseux délétères qui sontdiscutés [38]. Il faut rechercher les autres facteurs de risqueindividuel de perte osseuse (dysthyroïdie, carence alimen-taire, diurétiques, héparinothérapie prolongée, etc.).

Les mesures préventives et curatives de l’ostéoporose cor-tisonique sont bien classiques. Les apports de calcium et vita-mine D doivent être ajustés pour éviter les carences mais nesuffisent pas à eux seuls à prévenir la perte osseuse ni àprévenir les fractures. L’apport de calcium doit être de1500 mg/jour, et celui de vitamine D de 800 UI/jour. Les troisbisphosphonates disponibles par voie orale sont efficaces dansla prévention et le traitement de l’ostéoporose cortisoniqueau rachis lombaire, et l’alendronate et le risédronate ont éga-lement un effet densitométrique significatif au col fémoral.Les contre-indications sont l’insuffisance rénale sévère et lagrossesse. La stratégie est actuellement simplifiée par consen-sus professionnel mais ne prend pas en compte la particula-rité de la femme non ménopausée [39] : la prévention del’ostéoporose cortisonique doit être systématiquement pro-posée lorsqu’une corticothérapie par voie générale est débu-tée pour une durée de plus de trois mois au-delà de 7,5 mg/jourde prednisone. L’intérêt de la densitométrie osseuse est moin-dre que dans l’ostéoporose postménopausique.

Pour ce qui revient à la maladie inflammatoire elle-même,aucune recommandation n’est disponible ni justifiée hormisle contrôle d’apports calcique et vitaminique D suffisants.

Les femmes ménopausées ou en aménorrhée secondairedue aux immunosuppresseurs, doivent être considéréescomme à haut risque d’ostéoporose cortisonique, surtout encas d’antécédent de fracture. En l’absence de fracture ostéo-porotique, la densitométrie osseuse peut aider à la décision :un seuil inférieur à –1,5 TS au col ou au rachis lombaire jus-tifie une prévention par un bisphosphonate.

Chez les femmes non ménopausées et les hommes, la stra-tégie va dépendre du contenu minéral osseux. Un T-score infé-rieur à –1,5 en l’un au moins des sites va justifier d’un traite-ment par bisphosphonate : l’alendronate et le risédronateapportent un bénéfice aux deux sites, l’étidronate seulementau rachis. Si le T-score est supérieur à –1,5, seules les mesu-res générales sont indiquées. L’indication va dépendre aussi

du désir de grossesse de la patiente : une forme à demi-viecourte peut être préférée ; une période de « wash-out » estsuggérée par Franchimont et al. [39] mais les données d’épu-ration des bisphosphonates ne sont pas bien connues. La duréedu traitement est de deux ans ; au-delà, le rapport risque/bénéfice doit être réévalué. Le suivi thérapeutique justifie larépétition de l’ostéodensitométrie après un an quelle que soitla dose en cours (30 % de non-répondeurs).

4. Un arrêt du traitement est-il possible ?

S’agissant d’une affection chronique et évoluant par pous-sées, on peut s’interroger sur les raisons qui feraient inter-rompre temporairement ou définitivement certaines médica-tions. Certains auteurs ne se posent même pas cette questionqui sous-entend l’interruption de la corticothérapie, des immu-nosuppresseurs ou des antipaludéens. Il faut aussi prendre encompte la tolérance à long terme qui peut imposer un arrêt ouune suspension thérapeutique (antipaludéens de synthèse).Enfin après la ménopause, certaines patientes ont une mala-die inactive, situation qui peut alors faire discuter un arrêtthérapeutique progressif sous surveillance.

4.1. Corticothérapie

Elle doit être systématiquement réduite au fur et à mesurede la réponse thérapeutique attendue. Elle participe à la pré-vention du risque d’ostéoporose et d’athérosclérose. La doseminimale recherchée doit être celle qui permet un contrôleclinique et immunologique du LES ou de son activité rési-duelle. Dans les cas de « petits » lupus cutanéoarticulaires oude poussées de sérites, il faut rechercher l’interruption défi-nitive des corticoïdes. En revanche dans les formes les plussévères, rénales ou neurologiques, la réduction de dose devraêtre des plus progressives avec des paliers effectués mg parmg. Certains cliniciens maintiennent la corticothérapie à5 mg/jour sans chercher à réduire en deçà. Aucune recom-mandation ou consensus n’est disponible : il s’agit simple-ment d’avis d’experts. La surveillance immunologique destaux d’anticorps anti-ADN et des fractions complémentairespermettent en sus des paramètres rénaux et hématologiquesd’ajuster la posologie et d’anticiper une poussée.

4.2. Antipaludéens de synthèse

Plusieurs études contrôlées ont montré un effet préventifdes antipaludéens de synthèse sur la fréquence, voire la sévé-rité des poussées par comparaison à une période contrôle pré-thérapeutique [40,41]. Cela doit donc rendre circonspect quantà l’arrêt de cette médication hors situation d’intolérance oude complication oculaire ou neuromusculaire. Le groupe deToronto a ainsi randomisé les patients en poursuite ou inter-ruption des antipaludéens de synthèse. Les sujets maintenussous antipaludéens de synthèse avaient un risque relatif defaire une poussée réduit de près de 60 %, qu’il s’agisse de

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poussées rénales ou de vascularites, bien que cela n’était passtatistiquement significatif. L’interruption des antipaludéensde synthèse n’est donc pas souhaitable car, à côté du risquede poussée, il faut mettre en balance d’autres bénéfices commele contrôle de la dyslipidémie des glucocorticoïdes et d’uneffet antiathéromateux potentiel [42].

4.3. Immunosuppresseurs

L’emploi d’immunosuppresseurs comme le cyclophospha-mide n’est actuellement concevable que sur des périodes limi-tées en début de traitement agressif, de trois à six mois enrègle générale. Leur arrêt est donc effectif. Le relais est alorspris par l’azathioprine ou plus récemment le mycophénolatemycétil. La question posée concernera à terme ces deux médi-cations auxquelles peut s’ajouter le méthotrexate. Ce dernierbénéficie de l’expérience acquise dans le traitement de la poly-arthrite rhumatoïde avec des patients traités depuis plus dedix ans sans complication hépatique. Chez ces patients, onne cherche pas à arrêter le médicament mais seulement à enréduire la dose hebdomadaire. Il pourrait en être différem-ment du mycophénolate mofétil pour lequel on ne disposepas de recul à long terme ni d’essai thérapeutique comparantles taux de rechutes après arrêt vs maintien thérapeutique.L’arrêt de l’azathioprine n’a été documenté que de façon anec-dotique [43].

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