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[desarmir.fr]. Document sous License Crea5ve Commons (by-nc-sa). Académie de Paris Inter-Région Ile-de-France Coordonnateur : Professeur Benoît Plaud Année 2017 Mémoire pour l’obtention du Diplôme d’Etudes Spécialisées d’Anesthésie Réanimation Présenté et soutenu le 13 septembre 2017 par Sarah Sabbagh Prise en charge anesthésique des césariennes en cas de placenta percreta U.F.R. de Médecine : Université de Médecine Paris Descartes Directeur du mémoire : Docteur Catherine Fischer Service : Anesthésie-Réanimation, hôpital Cochin Relu et validé par : Professeur Christophe Baillard Rapporteur : Professeur Catherine Paugam-Burtz

Prise en charge anesthésique des césariennes en cas de placenta percretamedias.desar.org/Memoires-Theses/Memoires/2017/c_Sabbagh... · 2017. 9. 16. · Le placenta accreta, increta,

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    Académie de Paris

    Inter-Région Ile-de-France

    Coordonnateur : Professeur Benoît Plaud

    Année 2017

    Mémoire pour l’obtention du

    Diplôme d’Etudes Spécialisées d’Anesthésie Réanimation

    Présenté et soutenu le 13 septembre 2017 par

    Sarah Sabbagh

    Prise en charge anesthésique des césariennes en cas de

    placenta percreta

    U.F.R. de Médecine :

    Université de Médecine Paris Descartes

    Directeur du mémoire : Docteur Catherine Fischer

    Service : Anesthésie-Réanimation, hôpital Cochin

    Relu et validé par : Professeur Christophe Baillard

    Rapporteur : Professeur Catherine Paugam-Burtz

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    SOMMAIRE

    ABREVIATIONS 3 Résumé 4 I. Introduction 5

    1. Définitions 5 2. Physiopathologie 5 3. Incidence 6 4. Facteurs de risque 7 5. Diagnostic 7 6. Traitement 10

    a. Information du couple 10 b. Organisation de l’accouchement 11 c. Procédures en cas de diagnostic anténatal 12 d. Mesures associées à la prise en charge des placentas accreta 15 e. Procédures en cas de diagnostic fortuit au cours de l’accouchement 16 f. Cas du placenta percreta 16

    7. Prise en charge anesthésique 17 8. Objectif de l’étude 21

    II. Matériels et Méthodes 22 1. Population d’étude et critères d’inclusion 22 2. Données recueillies 22 3. Analyse statistique 23

    III. Résultats 24 IV. Discussion 35 V. Conclusion 44 VI. Bibliographie 45

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    ABREVIATIONS

    AG : Anesthésie générale

    AIP : Anomalie d’insertion placentaire

    ALR : Anesthésie loco-régionale

    APD : Anesthésie péridurale

    ARCF : Anomalie du rythme cardiaque fœtal

    CGR : Culot globulaire

    DM : Données manquantes

    IRM : Imagerie par résonance magnétique

    PFC : Plasma frais congelés

    RA : Rachianesthésie

    RPC : Rachipéridurale combinée

    RPM : Rupture prématurée des membranes

    SA : Semaines d’aménorrhée

    SD : Standard déviation

    EAU : Embolisation des artères utérines

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    Résumé

    Introduction: Les anomalies d’insertion placentaire constituent une cause rare mais

    croissante des hémorragies du postpartum dont la prise en charge n’est pas clairement

    codifiée. Objectif: Description de la prise en charge peropératoire des patientes atteintes de

    placenta percreta.

    Type d’étude : étude de cohorte monocentrique, rétrospective

    Patients et méthodes : Entre 2003 et 2017, dans une unité de maternité de niveau 3, toutes

    les femmes présentant un placenta percreta ont été incluses. Dans les cas de placenta

    percreta suspectés en préopératoire, la stratégie multidisciplinaire consistait en une gestion

    conservatrice (préservation utérine) a priori. Les résultats sont exprimés en nombre et % ou

    médiane (extrêmes).

    Résultats : 51 femmes ayant un placenta percreta ont été prises en charge par césarienne

    programmée (n=27) ou césarienne en urgence (n=24). Un traitement conservateur a pu être

    effectué chez 15/27 césariennes programmées (55%) et 9/24 césariennes réalisées en

    urgence (37%) mais avec un taux d’hystérectomie secondaire important (67%) identique

    dans les deux groupes (10/15 et 6/9 respectivement). Le taux de préservation utérine était

    finalement de 15,6%. Une anesthésie générale première a été réalisée dans 21 cas (41%) et

    une anesthésie locorégionale seule dans 11 cas (22%). Une rachianesthésie suivie d'une

    anesthésie générale a été réalisée dans 19 cas (37%). Les patientes ayant nécessité une

    césarienne en urgence ont été plus fréquemment polytransfusées (plus de 5 CGR) 14/22

    (64%) que celles ayant nécessité une césarienne programmée 7/27 (26%), p=0,001. La

    proportion de patientes ayant reçu plus de 5 CGR était plus importante dans le groupe

    césarienne-hystérectomie 18/27 (67%), par rapport au groupe traitement conservateur 3/24

    (12,5%), p=0,0001. Le recours aux catécholamines a été nécessaire dans 6 cas (10%). Un

    cathéter de monitorage de la pression artérielle invasive a été posé chez 28 patientes (55%).

    Conclusion : Nos résultats confirment qu’en cas d’insertion placentaire de type percreta, le traitement conservateur, classiquement recommandé dans cette situation, réduit le risque

    hémorragique mais les complications à distance sont nombreuses dont celle d’une

    hystérectomie d’hémostase secondaire. La stratégie devrait inclure un monitorage

    hémodynamique pour l’ensemble des patientes. Si la prise en charge, en cas d’insertion

    placentaire de type accreta, est actuellement mieux codifiée, l’insertion percreta est

    beaucoup plus rare et beaucoup plus difficile à gérer car les choix thérapeutiques peuvent

    être modifiés en fonction des constations per opératoires.

    Mots clés : placenta percreta, traitement conservateur, césarienne-hystérectomie, transfusion, remplissage.

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    I. Introduction

    1. Définitions Le placenta accreta, increta, et sa forme extrême, le placenta percreta sont des anomalies

    de l'insertion placentaire. Le placenta accreta est un terme général désignant toutes les

    formes cliniques où une partie du placenta ou le placenta entier envahit la paroi utérine. Ils

    se caractérisent par une invasion du myomètre par les villosités trophoblastiques, liée à une

    altération de la décidue (endomètre spécialisé correspondant à la partie maternelle du

    placenta)(1). L’hystérectomie en cas de percreta peut s’avérer délicate du fait de l’invasion

    des organes de voisinage.

    2. Physiopathologie

    La physiopathologie du placenta accreta est mal connue mais des hypothèses sont

    avancées : remodelage vasculaire maternel excessif, invasion trophoblastique excessive,

    déficit de la décidue. Les mécanismes exacts de l’adhérence anormale et de la croissance

    du tissu placentaire n’ont pas encore été totalement élucidés.

    Garmi et al.(2) ont étudié le rôle de l’altération de la décidue dans l’invasion trophoblastique

    excessive en utilisant des cellules trophoblastiques saines. Ils ont montré qu’un déficit

    qualitatif et quantitatif en décidue entraine une augmentation du potentiel d’invasion des

    cellules trophoblastiques à l’origine du placenta accreta. Cependant, Cohen et al ont montré

    que le cytotrophoblaste sécrète des facteurs qui favorisent l’invasion et que la décidue ne

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    semble pas jouer un rôle majeur dans la régulation de l’invasion trophoblastique in vitro(3).

    Tseng et Chou ont émis l'hypothèse que l'expression anormale des facteurs de croissance et

    d’angiogenèse placentaire et de facteurs liés à l’invasion au niveau des cellules

    trophoblastiques sont les principaux facteurs responsables de l'apparition du placenta

    accreta(4). Les données de Tantbirojn et al suggèrent que l’invasion des gros vaisseaux du

    myomètre le plus externe à proximité de la séreuse est plutôt favorisée par l’existence d’une

    cicatrice utérine qu’à un excès de croissance trophoblastique préexistant qui serait

    responsable d’une invasion incontrôlée à travers toute la profondeur du myomètre à l’origine

    d’un placenta accreta(5). Ces derniers résultats pourraient en partie expliquer le fait que les

    antécédents de césarienne ou de cicatrice utérine constituent un facteur de risque majeur

    dans la survenue d’un placenta accreta.

    Le placenta accreta peut être méconnu et découvert au décours de l’accouchement après

    échec de délivrance complète entrainant une hémorragie du postpartum sévère qui peut

    conduire à une hystérectomie d’hémostase. L’insertion des villosités trophoblastiques dans

    la profondeur du myomètre ne permettent pas de délimiter un plan de clivage

    utéroplacentaire. Les conséquences des anomalies d’insertion placentaire sont associées à

    des taux de mortalité maternelle rapportés dans la littérature aux alentours de 7 %(6).

    Ces anomalies placentaires sont responsables de 35 à 50% des hystérectomies du peri-

    partum dans les études récentes(7).

    3. Incidence

    L’incidence du placenta accreta est en augmentation constante, de 0.08% il y a 30 ans à

    0.3% dans la dernière décennie(8). Le taux de placenta accreta rapporté dans les études

    observationnelles, descriptives et rétrospectives, peu nombreuses, semble croître

    parallèlement à celui des césariennes depuis les trente dernières années. En effet, Wu et al.

    ont rapporté une incidence de placenta accreta de 1 sur 533 grossesses durant la période

    1982-2002(9), ce qui contraste avec les précédents rapports qui situaient l’incidence de

    placenta accreta de 1 sur 4 027 grossesses dans les années 70 à 1 sur 2 510 durant la

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    période 1985-1994(10). En parallèle, Gielchinsky et al. ont évalué l’incidence de placenta

    accreta à 0,9% durant la période 1990-2000(11).

    4. Facteurs de risque

    Toute intervention ou pathologie modifiant l'intégrité de l'endomètre (césarienne, curetage,

    myomectomie, cure de synéchies, endométrite) constitue un facteur de risque d'implantation

    placentaire anormale(12). Les autres facteurs de risque identifiés sont : l'âge maternel

    supérieur à 35 ans, la multiparité ainsi que la présence d'un placenta prævia. Un placenta

    accreta/percreta survient principalement en cas d’insertion praevia. Dans l'étude de Miller et

    al., le risque relatif de placenta accreta/percreta est de 2065 (IC 95% 944-4516) en cas de

    placenta prævia(10). Le risque de placenta prævia est lui-même augmenté par le nombre de

    césariennes antérieures et l'âge maternel avancé de même que celui de survenue d'un

    placenta accreta/percreta(13). L’association d’un placenta prævia et d’un ou plusieurs

    antécédents de césarienne constituent donc une situation à haut risque. Ce risque est

    majoré de façon exponentielle avec le nombre de césariennes antérieures. Il est

    indispensable de dépister précocement ces anomalies d’insertion afin de pouvoir organiser

    une prise en charge ou un transfert dans un établissement doté d’un plateau technique

    adapté au risque hémorragique.

    5. Diagnostic

    Le diagnostic de certitude de placenta accreta est anatomopathologique. Il est donc

    essentiel d’identifier les patientes à risque en prénatal afin d’organiser une prise en charge

    optimale.

    Deux situations peuvent se présenter :

    - Le diagnostic de placenta accreta est suspecté en anténatal lorsque des facteurs de

    risques sont présents et orientent le dépistage ou sur les données échographiques

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    - Un diagnostic au moment de la délivrance lorsque celle-ci s’avère difficile ou

    impossible. Cette situation est une extrême urgence et doit faire évoquer

    immédiatement le diagnostic car le risque hémorragique est très élevé.

    L’objectif du dépistage prénatal est d’évaluer la balance bénéfice/risque entre les différentes

    stratégies possibles (traitement conservateur, césarienne-hystérectomie), anticiper le risque

    d’hémorragie massive et optimiser la prise en charge. En effet, une étude américaine a

    montré en 2010 sur une série rétrospective de 99 cas que le diagnostic anténatal associé à

    une césarienne programmée à 34-35 SA sans tentative de délivrance (traitement

    conservateur) a permis une diminution des CGR transfusés et le volume des pertes

    sanguines en comparaison avec une découverte fortuite en per partum(14). Une autre étude

    rétrospective Scandinave de 44 patientes en 2011 a également mis en évidence une

    diminution de la morbidité maternelle en cas de diagnostic prénatal de placenta accreta (15).

    En prénatal, le diagnostic est suspecté en cas de facteurs de risque (placenta praevia,

    antécédent de césarienne et métrorragies en cours de grossesse) et exploré par

    l’échographie-Doppler, examen de première intention, complétée par l’IRM (imagerie par

    résonance magnétique).

    La spécificité de l’échographie-Doppler n’est pas démontrée dans le cadre du dépistage

    systématique d’un placenta accreta. En effet, plusieurs études ont montré qu’il existe des

    faux positifs par l’échographie-Doppler(16)(17). Elle reste néanmoins l’examen le plus

    sensible pour le diagnostic de placenta accreta en raison de sa précision, de son caractère

    non-invasif et son faible coût avec une valeur prédictive positive entre 66% et 92% et une

    valeur prédictive négative de 98%(18). Parmi les signes échographiques évocateurs : la

    présence de lacunes anéchogènes est le signe le plus fréquemment retrouvé avec une

    sensibilité de 78 à 93%. Les autres arguments échographiques sont : la perte du liseré

    hypoéchogène (peu sensible) et l’interruption de la zone hyperéchogène à l’interface de la

    séreuse utérine et de la vessie. Selon Comstock et al., ces différents signes pourraient être

    présents et détectables dès 16 SA(19).

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    L’apport de l’échographie 3D et du Doppler énergie sont actuellement en cours d’évaluation

    dans le dépistage. Ils pourraient avoir un intérêt pour l’évaluation préopératoire de

    l’extension de la vascularisation placentaire et aider à l’exploration du réseau vasculaire(20).

    L’IRM, examen de seconde intention, est indiquée pour les femmes présentant des facteurs

    de risque (incluant un antécédent d’une ou plusieurs césariennes associées à un placenta

    bas inséré) et pour celles dont l’échographie fait suspecter le diagnostic d’AIP.

    Elle a pour but d’affiner le dépistage anténatal en cas de fort doute à l’échographie et

    d’évaluer le degré de sévérité de l’AIP. L’étude la plus intéressante et la plus proche de la

    pratique clinique est celle de Warshak et al où 453 patientes à risque d’AIP (utérus cicatriciel

    ou implantation basse du placenta) ont été dépistées par échographie-Doppler et si un

    placenta accreta était suspecté, une IRM était réalisée. L’IRM a permis d’éliminer le

    diagnostic chez 14 sur 16 faux positifs retrouvés par l’échographie-Doppler(18). En cas de

    localisation placentaire postérieure, l’IRM fournit des indications pertinentes et peut

    permettre d’éliminer les faux positifs retrouvés par l’échographie Doppler(16). Une série

    prospective de 300 cas publiée en 2005 a démontré la performance de l’IRM pour décrire le

    degré d’invasion placentaire et préciser ses liens avec le système vasculaire anastomotique

    régional(21). De plus, elle permet de préciser les rapports anatomiques avec les organes

    voisins et la vascularisation placentaire, de mettre en évidence les zones hétérogènes

    correspondant aux lacunes observées en échographie. La disparition de la ligne basale

    normale et l’amincissement focal du myomètre ainsi qu’un bombement anormal du segment

    inférieur constituent des arguments en faveur du diagnostic.

    En cas de suspicion de placenta percreta, l’IRM avec injection de gadolinium permet

    d’obtenir une cartographie du réseau vasculaire abdomino-pelvien et de rechercher

    d’éventuelles anastomoses artério-veineuses ou de troncs vasculaires aberrants. Cette

    cartographie vasculaire en préopératoire peut être d’une grande aide pour le chirurgien et le

    radiologue dans les choix de prise en charge chirurgicale ou en cas de recours à

    l’embolisation.

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    Cependant, s’il existe une forte suspicion de placenta accreta à l’échographie-Doppler, le

    résultat de l’IRM, même s’il est négatif, ne doit pas modifier la stratégie obstétricale. La

    combinaison des deux examens permet d’augmenter la spécificité de chacun permettant

    d’éliminer au maximum les faux positifs et d’évaluer le degré d’invasion placentaire dans le

    myomètre et les organes de voisinage.

    Concernant les examens biologiques, la créatine kinase et l’alpha foetoprotéine seraient

    élevées dans le sang maternel mais les données actuelles restent insuffisantes pour pouvoir

    utiliser ces marqueurs en pratique clinique.

    6. Traitement

    Le choix de la stratégie de prise en charge des AIP dépend du degré d’invasion placentaire à

    l’imagerie anténatale, des constatations per partum, et du désir maternel.

    Par ailleurs, deux situations doivent être considérées : celle où le diagnostic d’AIP est fait au

    moment de la délivrance et celle où le diagnostic est suspecté en anténatal. Dans ce dernier

    cas, il convient de distinguer les formes de placenta accreta des formes plus sévères que

    sont les placentas percreta.

    a. Information du couple

    L’information de la patiente et de sa famille des risques de complication est primordiale. Il est

    important de s’enquérir de son désir de grossesse ultérieure afin de mettre en place une

    stratégie opératoire adaptée. Tous les scénarii doivent être évoqués et discutés, notamment

    la transfusion, les embolisations, le séjour en réanimation, les complications (sepsis,

    hémorragie, décès) et le risque d’hystérectomie. Le choix du terme de la césarienne doit

    permettre de réduire le risque de mise en travail spontané avant la date prévue sans exposer

    le nouveau-né à une trop grande prématurité. En effet, une étude multicentrique a montré

    que 23,9% (27/113) des patientes avec placenta accreta qui avaient une césarienne

    programmée accouchaient en urgence. De plus l’équipe d’O’Brien a trouvé qu’après 35 SA,

    93% des patientes avec placenta accreta présentaient des métrorragies conduisant à un

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    accouchement en urgence. Warshak et al. ont proposé que les femmes suspectées d’avoir

    un placenta accreta devaient être programmées pour une césarienne-hystérectomie entre 34

    et 35 SA(14).

    b. Organisation de l’accouchement

    Les données de la littérature suggèrent qu’une prise en charge multidisciplinaire et

    coordonnée dans un centre de référence adéquat avec des équipes anesthésiques et

    obstétricales entrainées diminue la morbidité maternelle.

    Eller et al. ont comparé en 2011 les complications de placenta accreta chez 141 patientes,

    dont 79 prises en charge dans un centre de référence et 62 dans un centre standard. Ils ont

    mis en évidence une diminution de la morbidité de 50%, une diminution du besoin

    transfusionnel et une diminution des reprises chirurgicales pour saignement dans le cas

    d’une prise en charge dans un centre de référence(22). Shamshirsaz et al.,en 2014, ont

    étudié 90 patientes atteintes de placenta accreta, confirmés histologiquement. Ils ont mis en

    évidence que les 57 patientes inclues dans un protocole de prise en charge multidisciplinaire

    dans un des centres de niveau 3 (avec un pourcentage plus élevé de placenta percreta) ont

    présenté moins de saignement, ont nécessité moins de transfusion comparées aux 33

    patientes prises en charge de manière standard dans ces mêmes centres. De plus, grâce à

    une organisation protocolisée et adaptée, les 57 patientes ont pu bénéficier d’un

    accouchement programmé(23). Wright et al. ont aussi pu noter en 2010 une diminution de la

    mortalité maternelle des patientes présentant des hémorragies du post-partum prises en

    charge dans des centres de référence comparées à celles traitées dans des centres

    standards(24). Dans le cas d’un placenta accreta, l’élaboration de la stratégie de prise en

    charge doit être synthétisée en réunion multidisciplinaire regroupant gynécologues

    obstétriciens, urologues, anesthésistes, radiologues et chirurgiens digestifs disposant des

    paramètres d’évaluation du degré de l’invasion placentaire et, en particulier, en extra-utérin.

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    c. Procédures en cas de diagnostic anténatal La prise en charge d’un placenta accreta suspecté avant l’accouchement consiste

    actuellement à ne pas tenter une délivrance forcée qui peut provoquer une hémorragie

    cataclysmique. Il est recommandé, dans tous les cas, de réaliser une césarienne avec une

    incision fundique verticale au-dessus de l’insertion placentaire(25).

    Différents types d’attitudes sont possibles :

    - Une méthode extirpative consistant en une tentative de délivrance manuelle forcée

    du placenta qui s’accompagne d’un risque majeur d’hémorragie du postpartum et

    d’hystérectomie, cette stratégie n’est pas recommandée si le diagnostic est connu ou

    fortement suspecté car le risque d’hémorragie incontrôlable est majeur.

    - Un traitement radical consistant en une césarienne ou un accouchement voie basse

    associée à une hystérectomie recommandée par le Collège Américain de

    Gynécologie-Obstétrique(8), considéré comme le traitement de référence.

    - Un traitement dit conservateur consistant, après l’extraction fœtale, à abandonner le

    placenta accreta in utero sans aucune tentative d’extraction. Cette stratégie permet

    de réduire d’environ 50% le volume de sang transfusé et permet une préservation de

    la fertilité(26).

    v Traitement radical : césarienne-hystérectomie

    Le traitement radical a été longtemps le seul traitement décrit en cas de placenta accreta, il

    reste le seul traitement recommandé aux Etats-Unis(27). Cette procédure a pour objectif de

    limiter les risques de saignement en réalisant une hystérectomie pendant la césarienne

    après la naissance de l'enfant sans tenter de retirer le placenta, lorsque le diagnostic de

    placenta accreta est fortement suspecté en anténatal ou après un échec de tentative de

    retrait placentaire lorsque celui-ci n'a pas pu être établi avant la délivrance pendant un

    accouchement voie basse ou une césarienne.

    Le taux de mortalité maternelle après césarienne-hystérectomie est faible (parmi 95 morts

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    maternelles sur 1 461 270 naissances, entre 2000 et 2006, seul un décès dû à un placenta

    accreta a été rapporté)(25), mais peu d’études ont évalué la morbidité après traitement

    radical. L’étude d’Eller, en 2009, à propos de 76 cas survenus entre 1996 et 2008, retrouve

    après césarienne-hystérectomie un taux de transfusion de 41,2%, un taux de cystotomie de

    28,9%, un taux de lésions urétérales de 6,6% et au total une morbidité majeure chez environ

    59% des femmes sans aucun décès rapporté(28). Dans cette analyse rétrospective, la

    morbidité maternelle apparaît significativement réduite lorsqu’aucune tentative de délivrance

    forcée n’est réalisée. Les auteurs ont relevé un taux de faux positifs de placenta accreta de

    28% après analyse anatomopathologique des pièces d’hystérectomies(28). Les lourdes

    conséquences (infertilité définitive) d’un tel traitement doivent être mises en balance avec le

    risque d’erreur diagnostique. Warshak et al., en 2010, ont décrit un taux de morbidité du

    traitement radical similaire à celui retrouvé par Eller et al(14). La césarienne-hystérectomie

    dans ce contexte s’accompagne de complications maternelles importantes : transfusions

    massives (25 à 84%), plaies vésicales (20 à 29%) et urétérales (3 à 8%) ainsi que l’infertilité

    définitive et ses conséquences psychologiques pour les patientes(28)(14). La parité est donc

    un élément important à prendre en compte dans la stratégie thérapeutique : le traitement

    radical est plus facilement proposé pour des patientes multipares.

    v Traitement conservateur

    Depuis le milieu des années 1980, plusieurs séries de cas de traitement conservateur ont

    été rapportés dans la littérature. Arulkumaran et al. ont été les premiers à décrire, en 1986,

    le traitement médical du placenta accreta par méthotrexate après chirurgie

    conservatrice(29)(30)(31). Il consiste à extraire le nouveau-né, abandonner le placenta in

    utero et conserver l’utérus. Ce traitement a été initialement utilisé dans des cas de placenta

    accreta ou percreta avec difficultés per opératoires prévisibles, rendant l’hystérectomie trop

    risquée. Par la suite, certaines équipes, essentiellement françaises, ont adopté cette prise en

    charge de façon plus systématisée. Ainsi, dès 2003, Courbière et al. publient une série

    rétrospective de 23 cas de placenta accreta dont 13 patientes ayant bénéficié de traitement

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    conservateur; dans cette série, deux hystérectomies secondaires ont été réalisées pour

    saignements, et deux grossesses ultérieures ont été observées(32).

    Le traitement conservateur présente un intérêt évident de conservation de la fertilité et

    diminue la morbidité maternelle immédiate. Les rares études comparant les complications du

    traitement conservateur au traitement radical mettent en évidence des pertes sanguines

    moins importantes en cas de conservation utérine(33)(26). Ainsi, Kayem et al., en 2004, ont

    comparé deux périodes consécutives caractérisées par un changement de prise en charge :

    une première période de 1993 à 1997 incluant 13 patientes présentant un placenta accreta

    et bénéficiant d’une extirpation forcée du placenta, suivie d’une hystérectomie en cas

    d’hémorragie sévère et une deuxième période 1997 à 2002 incluant 20 cas de placenta

    accreta pris en charge de manière conservatrice. Les volumes transfusés en culots

    globulaires (3,2 litres versus 1,5 litres, p

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    d. Mesures associées à la prise en charge des placentas accreta

    v Méthotrexate Un traitement adjuvant par méthotrexate est proposé par certains auteurs lorsque l’option

    d’un traitement conservateur est choisie, l’objectif étant d’accélérer la résolution

    placentaire(35). Du fait d’une faible vitesse de renouvellement cellulaire placentaire, son

    intérêt semble limité. De plus, il n’existe actuellement aucun dosage standard et la voie

    d’administration varie selon les auteurs. Seul un cas est décrit dans la littérature et son

    efficacité dans cette indication n’a jamais été démontrée(36). Le Collège Royal des

    Obstétriciens et Gynécologues ne recommande pas son utilisation en routine en raison

    notamment d’effets secondaires importants tels qu’une neutropénie ou une aplasie

    médullaire entraînant des complications infectieuses majeures, qui s’élèvent à environ 30%

    en cas de persistance d’un placenta en intra-utérin et sont majorées par l’administration de

    méthotrexate(34).

    v Embolisation des artères utérines

    L’embolisation des artères utérines (EAU) est la première des techniques décrites pour la

    prise en charge des placenta accreta en 1993(37). Les cathéters d’embolisation peuvent être

    mis en place dans les artères utérines avant l’intervention chirurgicale permettant leur

    utilisation en peropératoire lors de la césarienne-hystérectomie en cas de saignement ou en

    post-opératoire lorsque le saignement persiste après hystérectomie(38)(39). Les techniques

    d’embolisation peuvent aussi constituer une composante du traitement en cas de traitement

    conservateur. Depuis sa première utilisation en 1993, le taux d’échec est de 23,3%(40).

    L’embolisation thérapeutique a été proposée en cas d’hémorragie postopératoire lorsque le

    placenta est laissé in situ(40). L’EAU associée au traitement conservateur peut être une

    alternative thérapeutique pour les patientes chez qui la fertilité doit être préservée(33).

    Cependant, l’embolisation artérielle s’accompagne d’une morbidité propre, plusieurs

    complications ont été rapportées, en particulier des cas de nécrose utérine(34).

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    v Ballonnets artériels Un ballonnet endovasculaire peut être mis en place de manière prophylactique dans les

    artères iliaques internes sous contrôle radiologique pour pouvoir être gonflé en cas

    d’hémorragie durant la césarienne après l’extraction fœtale. En réduisant le flux sanguin vers

    les artères utérines grâce au gonflement du ballonnet en peropératoire, l’objectif est de

    diminuer le volume des pertes sanguines, d’améliorer la visualisation du champ opératoire

    jusqu’à ce que l’hémostase ou l’hystérectomie soient réalisées. Cette technique peut aussi

    être proposée après traitement conservateur en cas de saignement permettant de différer

    une hystérectomie d’hémostase. Mais les données de la littérature sont insuffisantes pour

    recommander l’utilisation de ces techniques (EAU et ballonnets artériels).

    e. Procédures en cas de diagnostic fortuit au cours de l’accouchement

    Dans certaines situations, le diagnostic d’AIP n’est pas suspecté en anténatal. Il peut être fait

    au décours d’un accouchement par les voies naturelles, au moment de la délivrance en

    l’absence de plan de clivage retrouvé entre le placenta et l’utérus. Dans ce cas-là, la

    délivrance forcée ne doit pas être tentée en raison du risque hémorragique majeur. Si

    l’hémodynamique est stable, un traitement conservateur peut être tenté. Si la patiente

    présente une hémorragie du postpartum sévère, la prise en charge doit être faite selon les

    recommandations actuelles(46). Cependant, le plus souvent l’hémorragie n’est pas contrôlée

    par des agents utérotoniques standards. L’embolisation des artères utérines ou la ligature

    des artères hypogastriques peuvent être réalisées ainsi que la mise en place d’un dispositif

    de tamponnement intra-utérin. D’autres techniques de compression utérine ont été

    proposées mais n’ont pas été évaluées dans ce contexte. En cas d’échec, le recours à

    l’hystérectomie d’hémostase doit être envisagé le plus rapidement possible.

    f. Cas du placenta percreta

    Les risques spécifiques liés à l’insertion, le plus souvent antérieure, du placenta percreta

    sont liés à l’envahissement des organes de voisinage, le plus souvent vésical responsable

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    de complications urologiques peropératoires évaluées à 72,2%(25). Le placenta percreta est

    défini par une invasion placentaire franchissant la séreuse utérine associée à des

    remaniements vasculaires pelviens parfois majeurs. La pénétration du placenta dans les

    organes voisins compromet l’efficacité d’une hystérectomie sur l’hémorragie et peut

    nécessiter des gestes chirurgicaux complémentaires. Il représente environ 20% des cas

    d’AIP. Les facteurs de risques et le dépistage diffèrent peu de ceux d’un placenta accreta.

    Son taux de morbidité (25%) et de mortalité (5,6%) sont supérieurs à ceux des placentas

    accreta(6)(34). La stratégie de prise en charge chirurgicale est plus complexe. Auparavant

    tous les placentas percreta bénéficiaient d’un traitement conservateur en raison des

    difficultés opératoires attendues et des risques de saignement majeurs. Aujourd’hui, grâce

    aux performances des techniques d’imageries, il est possible de mieux préciser l’anatomie et

    le degré d’envahissement des organes de voisinage permettant dans certains cas de réaliser

    une césarienne-hystérectomie d’emblée.

    v Place des sondes urétérales

    Des sondes urétérales peuvent être mises en place en préopératoire immédiat en cas

    d’atteinte percreta, en particulier en cas de visualisation d’un réseau vasculaire anarchique

    important. En effet, préserver l’intégrité des uretères est l’un des enjeux en cas

    d’hystérectomie, notamment en contexte hémorragique. La mise en place de sondes

    urétérales avant de débuter la césarienne peut guider le chirurgien dans la dissection et

    l’accès aux axes vasculaires hypogastriques et utérins. Les uretères pourront alors être

    facilement disséqués et repérés sur des lacs.

    7. Prise en charge anesthésique

    Si les placentas prævia sont des situations à risque hémorragique, les placentas accreta, a

    fortiori percreta, sont de vraies situations d’hémorragie obstétricale, parfois cataclysmique,

    pouvant engager le pronostic vital. La technique d’anesthésie à privilégier pour les

    césariennes dans un contexte d’anomalies d’insertion placentaire fait l’objet de controverses.

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    La prise en charge anesthésique doit être anticipée au cours d’une consultation spécifique,

    qui comporte notamment la réalisation d’un bilan pré-transfusionnel et la mise en réserve de

    produits sanguins labiles appropriés. Il est nécessaire d’effectuer la consultation

    d’anesthésie précocement pour proposer une démarche anesthésique adaptée à la

    technique opératoire proposée. Dans la série de 23 patientes où un placenta accreta est

    diagnostiqué en ante-partum de Lilker en 2011(47), la consultation d’anesthésie était

    programmée entre 24 et 28 SA permettant une évaluation globale en vue d’une anesthésie

    générale. Des explications concernant les différentes techniques d’anesthésie combinées

    pouvant être utilisées, le recours au monitorage invasif, le risque de transfusion et la

    possibilité d’une admission en USI ont pu être données au cours de cette consultation

    dédiée. Dans cette étude, 6 patientes sur 23 ont eu une anesthésie générale associée à une

    péridurale et 17 patientes ont bénéficié d’une ALR seule. Au total 5 patientes ont eu une

    conversion en AG dans le groupe ALR seule, en raison de saignements peropératoires

    importants dans 4 cas et d’une anesthésie inadéquate dans 1 cas. Dans cette étude

    rétrospective, la mise en place de cathéters fémoraux en préopératoire avait été réalisée

    sous ALR. Si une embolisation des artères utérines était nécessaire en post-opératoire en

    cas d’hémorragie du post partum, la technique d’anesthésie choisie était l’ALR. 35% des

    patientes au total ont présenté des pertes sanguines supérieures à 2L.

    Une enquête sur les pratiques anesthésiques menée sur toutes les maternités d’Israël, en

    2015, a montré qu’en cas de forte suspicion de placenta accreta, 96,2% des équipes

    pratiquaient une anesthésie générale et 4,3% une rachianesthésie. Si le degré de suspicion

    était faible, une rachianesthésie était réalisée dans 23,1% des cas, une anesthésie générale

    dans 69,2% et une rachipéridurale combinée dans seulement 7,7% des cas (48). Dans cette

    étude, l’accouchement était programmé le plus souvent après 36 SA, 84,6% des maternités

    disposaient de procédures de transfusion massive mais l’utilisation d’un Cellsaver® ne

    concernait que 19,2% des structures interrogées. L’étude rétrospective monocentrique de

    Taylor et al. publiée en 2017, portant sur 40 césariennes pour placenta accreta/percreta

    confirmé au cours de la chirurgie montre que, si 95% des interventions étaient débutées

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    sous rachipéridurale combinée (RPC), une conversion en anesthésie générale était

    pratiquée dans 45% des cas, dont la moitié avant la naissance. Les motifs de conversion

    étaient divers : inconfort, instabilité hémodynamique, durée de l’intervention(49). Les auteurs

    font état des modifications de pratiques anesthésiques sur la durée de l’étude. En effet au

    cours des premières années, la technique de RPC était classique « needle through needle »

    lombaire basse, alors que les 12 derniers mois, les anesthésistes utilisaient une technique

    de rachipéridurale combinée en deux espaces (pose d’un cathéter péridural thoracique bas

    et réalisation d’une rachianesthésie au niveau lombaire). Le bénéfice attendu de la mise en

    place d’un cathéter péridural au niveau thoracique était de permettre une supplémentation

    anesthésique peropératoire plus efficace, réduisant l’inconfort peropératoire et une prise en

    charge analgésique postopératoire optimale par PCEA.

    Le choix de la technique anesthésique est multifactoriel. Il doit prendre en compte le souhait

    de la parturiente, l’existence d’éventuelles comorbidités maternelles, la difficulté d’accès aux

    voies aériennes, l’expérience de l'équipe anesthésique et la technique chirurgicale.

    L’anesthésie générale d’emblée pour une césarienne programmée, lorsque le diagnostic est

    connu ou fortement suspecté, permet aux anesthésistes de se concentrer sur la

    compensation des pertes sanguines et sur la stabilisation du système cardiovasculaire ; elle

    permet la mise en place des dispositifs de monitorage hémodynamique invasifs. Elle évite

    également d’être confronté à une conversion en anesthésie générale en contexte d’urgence

    vitale et/ou en cas d’instabilité hémodynamique. Depuis quelques années, la proportion de

    patientes bénéficiant d’une anesthésie locorégionale est en augmentation, les avantages

    sont multiples. Elle permet à la patiente de se sentir impliquée dans l’accouchement et

    d’établir le premier lien mère-enfant dès la naissance. Elle facilite la pose de ballonnets

    endovasculaires iliaques ou de sondes urétérales préopératoires. Elle minimise le passage

    transplacentaire des drogues anesthésiques et permet de réduire l’utilisation d’halogénés qui

    majorent le risque d’atonie utérine. La mise en place d’un cathéter péridural peut être utilisée

    pour l’analgésie post-opératoire. Pour certains auteurs, grâce à la pose de ballonnets

    endovasculaires qui assurent un contrôle des saignements peropératoires, l’anesthésie

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    locorégionale seule deviendrait alors possible(47). Cependant, la vasoplégie induite par

    l’anesthésie périmedullaire peut constituer un facteur aggravant en cas d’hémorragie

    massive.

    Lors d’une hystérectomie pour placenta accreta, le saignement est considérable et

    l’anticipation d’une transfusion massive est nécessaire. Une communication avec l’équipe de

    la banque du sang, la vérification de la disponibilité des produits sanguins et la mise en place

    d’un protocole de transfusion sont indispensables. Il est maintenant démontré qu’une

    optimisation du ratio transfusionnel de CGR:PFC proche de 1:1 permet de réduire la

    mortalité dans ce contexte. Une étude observationnelle récente a montré qu’une

    augmentation du ratio transfusionnel de CGR:PFC était associée à une diminution du besoin

    de procédures interventionnelles (chirurgie ou radiologie)(50). La transfusion sera réalisée

    avec un réchauffeur et accélérateur de perfusion, l’apport de PFC étant d’emblée sur un

    rapport 1:1 avec les CGR, compte tenu de la situation à très haut débit de saignement le

    plus souvent. La lutte contre l’hypothermie initiée dès l’induction sera utile pour optimiser

    l’hémostase. L’acide tranexamique (Exacyl®) sera utilisé́ d’emblée à l’incision, comme en

    chirurgie à très haut risque hémorragique. Des bilans biologiques répétés permettront de

    maintenir l’homéostasie (pH, calcémie, hémostase et hémoglobine).

    De nombreux centres utilisent le CellSaver® à des fins d’épargne sanguine en peropératoire.

    Il s’agit d’une technique de recyclage des pertes sanguines peropératoires. Le sang est

    aspiré du site chirurgical à travers des tubes héparinés et un filtre dans un réservoir

    collecteur. Les cellules sont séparées par hémoconcentration et une centrifugation

    différentielle dans une solution saline à 0,9%, elles sont ensuite lavées dans 1 à 2 litres de

    solution saline à 0,9%, ce qui élimine la fibrine circulante, les débris, le plasma, les micros

    agrégats, le complément, les plaquettes, l'hémoglobine libre, les facteurs procoagulants

    circulants et la majeure partie de l'héparine. Son efficacité est démontrée dans certaines

    spécialités, l'orthopédie ou la chirurgie cardiaque par exemple(51). Avec une incidence

    estimée des hémorragies obstétricales sévères au Royaume-Uni de 6,7/1000

    accouchements et une consommation d’environ 70000 unités de globules rouges par an(52),

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    il est possible de réduire les transfusions de sang allogéniques et de conserver

    l'approvisionnement national en utilisant des techniques d’épargne sanguine telles que le

    CellSaver® en peropératoire des césariennes programmées où un saignement important est

    attendu(53). En cas d'hémorragie obstétricale massive et inattendue où l'approvisionnement

    immédiat en sang allogénique peut être difficile, le CellSaver® est utilisé avec succès

    comme une procédure de sauvetage pour recycler les pertes sanguines peropératoire et

    maintenir l'oxygénation tissulaire jusqu'à ce que des CGR compatibles soient

    disponibles(54). Se pose le problème, en obstétrique, de la récupération parallèle de liquide

    amniotique, et donc du risque d'embolie amniotique. De nombreux progrès techniques ont

    été effectués. L'utilisation de filtre anti-leucocytaire permet de diminuer très nettement la

    présence de cellules fœtales dans le sang restitué. Il y persiste néanmoins des squames et

    des globules rouges fœtaux. La présence de squames fœtaux dans le sang maternel est

    considérée comme un marqueur d’embolie amniotique mais la mise en évidence de

    squames fœtaux dans la circulation pulmonaire maternelle de parturientes saines remet en

    question cette notion. Après une large utilisation au Royaume-Uni, cette technique ne

    semble pas exposer aux complications graves craintes dans ce contexte et permet de

    diminuer les transfusions hétérologues. De nombreuses études en milieu obstétrical plaident

    en faveur de la sécurité de cette technique(53)(55).

    Enfin, en fonction du déroulé de l’intervention, un séjour en réanimation est plus ou moins

    nécessaire. Si le placenta laissé en place ne saigne pas, une surveillance simple, mais très

    rapprochée, est organisée en maternité.

    8. Objectif de l’étude

    Notre travail consiste en la description de la prise en charge anesthésique des anomalies

    d’insertion placentaire, en particulier des placentas percreta survenus à la maternité de Port-

    Royal de 2003 à 2017.

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    II. Matériels et Méthodes

    1. Population d’étude et critères d’inclusion Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective de toutes les patientes ayant accouché à la

    maternité Port-Royal pour qui le diagnostic de placenta percreta a été retenu entre 2003 et

    2017. Les recherches ont été effectuées sur les bases de données informatisées et les

    données ont été recueillies à partir des dossiers obstétricaux papiers originaux pour tous les

    cas. Le diagnostic de placenta percreta a été fondé sur l’anatomopathologie quand cela était

    possible, sinon à partir d’une description claire et détaillée des constatations peropératoires

    au moment de la césarienne : (i) une délivrance placentaire manuelle partiellement ou

    totalement impossible avec absence de plan de clivage partiel ou total lors de

    l'accouchement ou (ii) une suspicion prénatale de placenta accreta/percreta confirmée par

    l'absence de délivrance possible lors de l'accouchement ou (iii) une mise en évidence lors de

    la césarienne d'une invasion utérine par le placenta avec franchissement de la séreuse et/ou

    envahissement des organes de voisinage (vessie). Dans les cas où le diagnostic de placenta

    percreta a été suspecté en anténatal, la stratégie multidisciplinaire consistait en une prise en

    charge par traitement conservateur a priori. La réalisation d’une hystérectomie pouvait être

    prise au cours de la césarienne selon la faisabilité chirurgicale ou en cas d’hémorragie

    sévère : césarienne-hystérectomie.

    2. Données recueillies

    Caractéristiques des femmes :

    • Caractéristiques maternelles : âge, nationalité, IMC, parité, gestité, antécédents

    médicaux, antécédents obstétricaux (utérus cicatriciel, antécédent d’AIP, de révision

    utérine, de rupture utérine), antécédents chirurgicaux (interventions endo-utérines)

    • Caractéristiques de la grossesse : mode de conception, gémellité, localisation

    placentaire, transfert et motif de transfert

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    • Modalité du diagnostic prénatal : suspicion anténatale, imagerie (échographie en

    faveur de l’AIP, IRM), localisation du placenta, stratégie préopératoire

    • Caractéristiques de l’accouchement : terme, mode d’entrée en travail, voie

    d’accouchement, césarienne programmée ou en urgence, motif de césarienne,

    traitements complémentaires (embolisation préventive ou thérapeutique, pose de

    ballonnets intra-utérin, sondes urétérales)

    Description de la stratégie opératoire et anesthésique :

    • Prise en charge opératoire : traitement conservateur, extirpation du placenta,

    hystérectomie, embolisation curative et préventive, ligatures vasculaires

    • Prise en charge anesthésique : technique d’anesthésie, monitorage hémodynamique,

    remplissage, administration de catécholamines, transfusion, traitements adjuvants

    (acide tranexamique, fibrinogène, facteur VII activé), hospitalisation en réanimation,

    décès.

    3. Analyse statistique

    Les résultats sont présentés pour les variables :

    • Qualitatives : nombre et pourcentage

    • Quantitatives non gaussienne : médiane (extrêmes)

    Les données recueillies sont analysées et comparées pour la plupart d’entre elles selon le

    caractère urgent ou programmé et selon la réalisation ou non d’une hystérectomie

    peropératoire : comparaison du taux de transfusion, du remplissage peropératoire et du

    saignement. Les données qualitatives sont comparées par un test de khi deux et les

    données quantitatives par un Test de Mann-Whitney. Une valeur de p

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    III. Résultats

    • Données globales Entre 2003 et 2017, 51 cas de placenta percreta ont été identifiés parmi la série de 156

    patientes recensées ayant une anomalie d’insertion placentaire dont 40 (80%) transférées

    après diagnostic d’AIP dans leur maternité d’origine. L’âge gestationnel lors du transfert in

    utéro médian était de 29 SA (24-38) (tableau II).

    • Caractéristiques des patientes

    Les caractéristiques des patients sont présentées dans le tableau I. Seules 8 patientes

    étaient nullipares (16%).

    TableauI:Caractéristiquesmaternelles

    n= 51 % DM# Age médian (extrêmes) 36 (22-44) Age >35 ans n (%) 28 55 IMC (kg/m2) médian (extrêmes) 23 (18-43) 5 Gestité médianes (extrêmes) 4 (1-11) Parité médiane (extrêmes) 4 (0-7) Primipares n (%) 8 16 Multipares n (%) 42 82 Dont : Multipares ≥ 3 n (%) 22 43

    #:DM=donnéesmanquantes

    • Facteur de risque de placenta accreta

    Toutes les patientes sauf 2 avaient au moins un facteur de risque majeur de placenta

    accreta, principalement un antécédent de césarienne (n=49), un âge supérieur à 35 ans

    (n=28) ou un antécédent de curetage (n=24) (tableau II).

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    TableauII:Caractéristiquesdelagrossesse

    N= 51 % DM# Grossesse gémellaire n (%) 1 2 Transfert in utero n (%) 40 78 Age gestationnel (SA) lors du transfert

    médian (extrêmes) 29 (24-38) 10

    Antécédent de césarienne n (%) 49 96 Nombre de césariennes antérieures

    médiane (extrêmes) 2 (0-5)

    Aucune n (%) 1 2 Entre 1-2 n (%) 34 67 >2 n (%) 15 29,4 Antécédent de placenta accreta n (%) 2 3,9 Antécédent de rupture utérine n (%) 1 2 Antécédent de chirurgie utérine (sauf césarienne) Myomectomie n (%) 0 0 Curetage n (%) 24 47 Hystéroscopie opératoire n (%) 3 6 Terme d’accouchement médian (SA) (extrêmes) 36 (25-38) 25 - 33 SA n (%) 15 29 34 - 39 SA n (%) 36 71

    #:DM=donnéesmanquantes

    • Diagnostic anténatal

    Toutes les femmes, exceptée deux, étaient suspectées en anténatal d’anomalie d’insertion

    placentaire. Pour 38 patientes sur 49, le diagnostic de placenta percreta avait été suspecté

    en anténatal. Pour les 11 autres patientes le diagnostic anténatal de placenta percreta

    n’avait pas été suspecté (AIP non percreta). Les circonstances du diagnostic de placenta

    percreta sont précisées dans le tableau III. Deux découvertes fortuites de placenta percreta

    ont eu lieu en cours de césarienne, dont l’échographie anténatale était négative.

  • [desarmir.fr].Do

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    TableauIII:Modalitésdiagnosticplacentapercretaetaccouchement

    Circonstances diagnostic de placenta percreta N=51 % Suspicion prénatale d’anomalie d’insertion placentaire

    Echographique n (%) 49 96 Diagnostic prénatale de placenta percreta 38 74,5

    • Echographie n (%) 24 47 Confirmée par IRM n (%) 15 29,4

    • Placenta accreta échographiquement dont IRM en faveur percreta n (%)

    12 23,5

    • Placenta increta échographiquement dont IRM en faveur percreta n (%)

    2 3,9

    Suspicion prénatale de placenta accreta n (%) 11 • Echographie n (%) 23 45

    IRM en faveur percreta n (%) 12 23,5 IRM placentaire n (%) 45 88,2 IRM en faveur diagnostic de placenta percreta n (%) 29 56,9

    Dont échographie en faveur accreta n (%) 12 23,5 Dont échographie en faveur percreta n (%) 15 29,4

    Avec injection de gadolinium n (%) 20 39,2 Mode d’accouchement Césarienne programmée n (%) 27 53

    Césarienne/hystérectomie n (%) 12 44,4 Traitement conservateur n (%) 15 55,6

    Césarienne en urgence n (%) 24 47 Césarienne/hystérectomie n (%) 15 62,5 Traitement conservateur n (%) 9 37,5

    • Modalité d’accouchement Le terme d’accouchement était de 36 SA (25-38), la majorité des patientes (70,6%) ont

    accouché après 34 SA et aucune femme n’a accouché avant 25 SA. Toutes les patientes ont

    bénéficié d’un accouchement par césarienne, parmi elles, 24 ont été réalisées en urgence,

    en raison, entres autres, de métrorragies (22%), de rupture prématurée des membranes

    (8%), de chorioamniotite (4%) ou d’anomalies du rythme cardiaque fœtal (4%).

    • Prise en charge obstétricale

    La prise en charge obstétricale est résumée dans la figure I selon le caractère programmé

    ou non de la césarienne. Malgré la décision d’un traitement conservateur a priori, on observe

    que la préservation utérine n’est obtenue que chez moins de 20% des patientes à l’issue de

    l’hospitalisation en raison de nombreuses reprises chirurgicales pour hystérectomie

    secondaire. Parmi les patientes ayant bénéficié d’un traitement conservateur initial (n=24),

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    16 se sont compliquées à distance, d’hémorragie (n=8), de sepsis (n=6) ou de rétention

    (n=1) nécessitant une hystérectomie secondaire avec un délai médian de reprise chirurgicale

    de 52 jours (7-165). Une hospitalisation en réanimation a été nécessaire chez 7 d’entre elles.

    Parmi les deux cas d’AIP découverts de manière fortuite et s’avérant être un placenta

    percreta au cours d’une césarienne réalisée en urgence, l’une était réalisée pour ARCF sous

    rachianesthésie avec un traitement conservateur. Dans le deuxième cas, la césarienne a eu

    lieu pour début de travail dans un contexte d’utérus bi-cicatriciel sous rachianesthésie

    convertie en anesthésie générale en raison de saignement nécessitant une hystérectomie en

    urgence.

    FigureI:Priseenchargeopératoiredespercretaavecdiagnosticanténatald’AIP(n=51)

    Un traitement conservateur a pu être réalisé chez 15 cas/27 césariennes programmées

    (55,5%) et 9 cas/24 césariennes en urgence (37,5%), p=0,26. Le taux d’hystérectomie

    secondaire était identique dans les deux groupes 10/15 et 6/9 (66,6%) respectivement,

    p=0,38. Le taux de préservation utérine final est de 15,6% (8 patientes).

    La pose de ballonnets artériels préopératoires a été réalisée chez 7 patientes dont 5 avant

    césarienne programmée. Onze patientes ont bénéficié d’une embolisation artérielle

    préventive post-césarienne au décours d’un traitement conservateur, mais 9 d’entre elles ont

    Césarienne programmée N = 27/51 (53%)

    Hystérectomie primaire N = 12/27 (44,4%)

    Hystérectomie secondaire

    N = 3/51 (5,8%)

    Césarienne en urgence N = 24/51 (47%)

    Préservation utérine

    N = 15/24 (62,5%)

    N = 5/51 (9,8%)

    N = 10/15 (66,6%)

    N = 6/9 (66,6%)

    Suspicion anténatale de Percreta n= 38 (74,5%)Suspicion anténatale d’AIP non percreta n= 11 (21,6%)

    Absence de suspicion d’AIP n=2 (3,9%)

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    finalement nécessité une hystérectomie secondaire. Trois patientes ont bénéficié d’une

    embolisation artérielle curative au décours d’une césarienne réalisée en urgence associée à

    une hystérectomie pour deux d’entre elles. Enfin, une patiente a bénéficié d’une embolisation

    artérielle curative à J1 pour saignements persistants après traitement conservateur.

    • Modalités de prise en charge anesthésique peropératoire

    o Technique d’anesthésie

    Une césarienne a été réalisée sous anesthésie générale, en première intention, dans 21 cas

    (41%), dont 6 étaient suspectés d’avoir un placenta accreta et 15 d’un placenta percreta en

    anténatal. 10 de ces 21 césariennes étaient réalisées en urgence. Une ALR suivie d’une AG

    a été réalisée pour 19 patientes (37%),dont 14 en raison de la décision peropératoire de

    réaliser une hystérectomie. Douze de ces 19 césariennes étaient réalisées en urgence. Pour

    15 de ces 19 patientes des sondes urétérales ou des sondes JJ ont été mises en place sous

    ALR juste avant la césarienne et 4 patientes n’ont pas bénéficié de mesures associées à la

    césarienne. Le taux d’AG (20%) était le même que la césarienne ait été réalisée en urgence

    ou non. Une ALR seule (rachianesthésie) a pu être pratiquée pour 21,5% des patientes,

    avec une proportion plus importante entre 2010 et 2017 (82%) par rapport à 2003-2009 où

    seulement 18% ont pu bénéficier de cette technique. Dans ce groupe (ALR seule) 8

    patientes étaient suspectes d’avoir un placenta percreta, 2 de placenta accreta. Une seule

    césarienne programmée avec traitement conservateur pour placenta percreta suspecté en

    anténatal a pu être réalisée sous anesthésie péridurale seule (tableau IV).

  • [desarmir.fr].Do

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    TableauIV:Priseenchargeperopératoire

    Total n=51#

    Suspicion percreta anténatale n=38

    Suspicion d’AIP anténatale n=11

    Césarienne programmée

    n=22

    Césarienne en urgence

    n=16

    Césarienne programmée

    n=5

    Césarienne en urgence

    n=6 Prise en charge peropératoire

    Technique d’anesthésie

    AG d’emblée n (%)

    21 (41,1) 8 (36,3) 7 (43,7) 3 (60) 3 (50)

    ALR seule n (%) 11 (21,5) 7 (31,8) 1 (6,2) 2 (33,3) 0 ALR puis AG n (%)

    19 (37,2) 8 (36,3) 7 (43,7) 0 3 (50)

    Monitorage hémodynamique

    Cathéter artériel n (%)

    28 (54,9) 15 (68,1) 9 (56,2) 2 (33,3) 2 (33,3)

    Cathéter veineux central n (%)

    1 (2) 1 (4,5) 0 0 0

    #:dont2découvertesfortuitesd'AIPnonprésentéesdanscetableau

    o Monitorage hémodynamique et gestion du risque peropératoire Un cathéter de monitorage de la pression artérielle invasive a été posé chez 28 patientes

    (54,9%), dont 17/27 (63%) césariennes programmées et 11/22 (50%) césariennes réalisées

    en urgence, p=0,39 (tableau IV). On observe une tendance non significative (p=0,09) à une

    mise en place plus fréquente d’un cathéter artériel selon que le diagnostic de placenta

    percreta était suspecté en anténatal 24/38 (63%) ou pas 4/11 (36%). Un seul cathéter central

    veineux a été mis en place pour une césarienne programmée chez une patiente suspectée

    en anténatal de placenta percreta avec rupture prématurée des membranes ayant bénéficié

    d’une césarienne-hystérectomie programmée. Toutes les patientes ont bénéficié d’un

    système de réchauffeur de fluides et accélérateur de perfusion type Level one®. Aucun

    dispositif de récupération sanguine peropératoire (type CellSaver®) n'a été utilisé.

    • Besoins transfusionnels et gestion du remplissage peropératoire

    o Données globales

    Les données concernant la délivrance des produits sanguins labiles et des solutés de

    remplissage peropératoire sont précisées dans le tableau VI. Les pertes sanguines estimées

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    médianes étaient de 1L (0,2-10L) (tableau V). Toutes les patientes ont bénéficié d’un

    remplissage par cristalloïdes et 26 ont également reçu un remplissage par colloïdes. Six

    patientes (9,8%) ont présenté une instabilité hémodynamique peropératoire nécessitant un

    traitement par noradrénaline. Dix-neuf patientes ont reçu de l’acide tranexamique et 10 un

    utéro-tonique. Le nadir du taux d’hémoglobine médian à 24h était de 9,9 g/dL (6,1-13,6). Du

    facteur VII activé (Novoseven R) a été administré chez 2 patientes.

    TableauV:Besoinstransfusionnelsetgestionduremplissageperopératoire

    Prise en charge peropératoire N=51 % DM # Pertes sanguines estimées médianes (mL) 1000 (200-10000) 1500mL n (%) 20 39,2 Transfusion n (%) 35 68,6 CGR n (%) 35 68,6 Nombre CGR médian (extrêmes) 6 (1-35) PFC n (%) 27 52,9 Nombre médian PFC (extrêmes) 5 (0-30) CPA n (%) 9 17,6 Nombre médian de CPA (extrêmes) 2 (1-3) Ratio PFC/CGR médian (extrêmes) 0,6 (0-1) Remplissage n (%) 40 78,4 10 Cristalloïdes (mL) médian (extrêmes) 2000 (1000-6500) Colloïdes (mL) médian (extrêmes) 1000 (500-2000) Fibrinogène (g) n (%) 16 31,3 Dose fibrinogène (g) médian (extrêmes) 3 (1,5-10,5) Acide tranexamique (g) n (%) 19 37,2 Dose acide tranexamique (g) médian (extrêmes)

    1 (1-3)

    Sulprostone (g) n (%) 10 19,6 Dose totale médiane (g) (extrêmes) 1 (0,5-1) Facteur VII activé n (%) 2 3,9 Catécholamines n (%) 6 9,8 Nadir taux hémoglobine à 24h médian (extrêmes) 9,9 (6,1-13,6) 6 Nadir taux hémoglobine à 7 jours médian (extrêmes)

    9 (5,7-11,9) 13

    #:DM=donnéesmanquantes

    o En fonction de la stratégie obstétricale

    Le nombre de CGR et le saignement peropératoire étaient différents selon le caractère

    programmé ou non et selon la réalisation ou non d’une hystérectomie. Les patientes ayant

    nécessité une césarienne en urgence ont été plus fréquemment polytransfusées (plus de 5

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    CGR) 14/22 (64%) que celles ayant nécessité une césarienne programmée 7/27 (26%),

    p=0,001. La proportion de patientes ayant reçu plus de 5 CGR était plus importante dans le

    groupe césarienne-hystérectomie 18/27 (67%), par rapport au groupe traitement

    conservateur 3/24 (12,5%), p=0,0001. Un remplissage vasculaire peropératoire par

    cristalloïdes (supérieur à 3L) a été plus fréquent dans le groupe césarienne en urgence en

    comparaison au groupe césarienne programmée quel que soit le type d’AIP suspecté en

    anténatal (respectivement 7 cas (31,8%) versus 5 (18,5%), p=0,33).

    Six patientes sur 51 (11,8%) ont nécessité des catécholamines dont 4 avec hystérectomie

    réalisée en urgence. La majorité des patientes nécessitant un transfert en réanimation était

    dans le groupe césarienne-hystérectomie en urgence (8 cas versus 2) (tableau VI).

    FigureII:Comparaisondutauxdetransfusionetpertessanguinesenfonctiondelastratégieopératoire

    0

    2

    4

    6

    8

    10

    12

    14

    traitementconservateur césarienne/hystérectomieenurgence

    césarienne/hystérectomieprogrammée

    NombredeCGRtransfusésmoyen Pertessanguinesestiméesmoyennes(L)

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    TableauVI:Priseenchargeanesthésiqueenfonctiondelastratégieobstétricale

    Le volume de remplissage peropératoire était plus faible mais non significatif dans le groupe

    traitement conservateur (césarienne programmée ou en urgence) comparé au groupe

    césarienne-hystérectomie programmée (respectivement 2031 ± 740 mL contre 2500 ± 879

    mL, p = 0,13). Le taux de transfusion sanguine était significativement plus faible dans le

    groupe traitement conservateur (césarienne programmée ou en urgence) par rapport au

    groupe césarienne/hystérectomie programmée (respectivement 9 cas/24 (37,5%) versus 12

    cas/12 (100%), p=0,0002) (tableau VII).

    TableauVII:Comparaisonduvolumederemplissageperopératoireetlenombredepatientestransfuséesenfonctiondelastratégieopératoire

    Traitement conservateur

    N=24

    Césarienne-hystérectomie programmée

    N =12

    P

    Volume remplissage peropératoire (mL)

    2031 ± 740# 2500 ±879 =0,13

    Transfusion CGR n (%) 9 (37,5) 12 (100) = 0,0002 #:donnéesexpriméesenmoyenne±déviationstandard

    Les patientes ayant bénéficié d’une hystérectomie primaire ont majoritairement eu des

    pertes sanguines > 1000mL et ont été transfusée de plus de 5 CGR de manière significative

    comparativement au groupe traitement conservateur (p=0,0001, tableau VIII).

    Total n = 51#

    Suspicion percreta anténatale

    N= 38

    Suspicion d’AIP anténatale

    N=11 Césarienne

    programmée n= 22

    Césarienne en urgence

    n = 16

    Césarienne programmée

    n = 5

    Césarienne en urgence

    n= 6 Transfusion CGR >5 n (%)

    21 (41,1) 5 (22,7) 10 (62,5) 2 (40) 4 (66,6)

    Pertes sanguines > 1000mL n (%)

    24 (47) 8 (36,3) 9 (56,2) 2 (40) 4 (66,6)

    Amines vasopressives n (%)

    6 (11,8) 2 (9) 4 (25) 0 0

    Remplissage cristalloïde ≥ 3000mL n (%)

    13 (25,5) 4 (18,1) 5 (31,2) 1 (20) 2 (33,3)

    Transfert en réanimation n (%)

    10 (19,6) 1 (4,5) 6 (37,5) 1 (20) 2 (33,3)

    Décès n (%) 2 (3,9) 0 2 (12,5) 0 0

    #:dont2découvertesfortuitesd'AIPpercésariennenonprésentéesdanscetableau

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    TableauVIII:Comorbiditésenfonctiondelastratégieopératoire

    Hystérectomie Primaire

    n=27

    Traitement conservateur

    n= 24

    P

    Pertes sanguines >1000mL n (%) 20 (74) 4 (16,6) = 0,0001 Pertes sanguines (mL) moyenne ± déviation standard

    2986 ± 2331 704 ± 1020 =0,99

    Transfusion > 5 CGR n (%) 18 (66,6) 3 (12,5) =0,0001 Transfert en réanimation n (%) 5 (18,5) 5 (20,8) =0,83

    • Complications et morbidités maternelles

    Dix patientes ont nécessité un transfert en réanimation pour suite de la prise en charge,

    toutes pour hémorragie sévère. Le nombre de patientes nécessitant une prise en charge en

    réanimation était identique dans les deux groupes (p=0,83). Parmi elles, 3 se sont

    compliquées d’une insuffisance rénale aigüe et 6 d’un sepsis grave.

    Dans 34 cas une plaie vésicale peropératoire a été observée dont 3 compliquées

    ultérieurement de fistule vésico-vaginale. Une patiente a été suspectée de rupture utérine en

    pré-partum nécessitant une césarienne en urgence et une hystérectomie.

    Trois patientes ont présenté un arrêt cardiaque peropératoire, dont 2 sont décédées (tableau

    IX). Le premier décès concerne une patiente suspectée de placenta percreta confirmé par

    l’IRM césarisée en urgence pour métrorragies sous AG et traitée de manière conservatrice.

    L’intervention initiale s’est déroulée sans complication, les pertes sanguines estimées

    inférieures à 500mL et transfusée d’1 CGR. Elle nécessite une reprise opératoire devant des

    hématuries macroscopiques à J13 postpartum avec hystérectomie secondaire sous AG

    après embolisation curative. La patiente présente un état de choc hémorragique, une CIVD.

    La patiente est transfusée de 29 CGR, 18 PFC, 3 CPA et reçoit 4mg de Novoseven. Un

    packing est mis en place et la patiente est transférée en réanimation où elle décède d’une

    défaillance multiviscérale. Le second décès survient chez une patiente suspectée de

    placenta percreta ayant été césarisée en urgence sous rachianesthésie convertie par AG

    ayant nécessité une hystérectomie en urgence devant une hémorragie sévère. Au cours de

    l’intervention, la patiente a nécessité une cystectomie partielle en raison d’une néoformation

    vasculaire paramétriale gauche atteignant le col, compliquée de plaies des veines iliaques.

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    Les pertes sanguines estimées sont de 6000mL, elle est transfusée de 35 CGR, 30 PFC, 3

    CPA et 3g de Fibrinogène et reçoit 4mg de Novoseven. La patiente présente deux arrêts

    cardiaques traités par massage cardiaque externe et Adrénaline. Survient une plaie

    hépatique post massage cardiaque, la patiente nécessite une embolisation thérapeutique

    post césarienne. La patiente est transférée en réanimation pour suite de la prise en charge

    où elle décède de défaillance multiviscérale.

    TableauIX:Complicationsprécocesettardives

    N= 51 % Complications précoces Plaie vésicale n (%) 34 66,6 Rupture utérine n (%) 1 2 Arrêt cardiaque peropératoire n (%) 3 5,8 Transfert en réanimation n (%) 10 19,6 Insuffisance rénale aigüe n (%) 3 5,8 Complications tardives Sepsis n (%) 6 11,7 Fistule vésico-vaginale n (%) 3 5,8 Durée d’hospitalisation (jours) médiane (extrêmes)

    8 (7-33)

    Décès 2 3,9

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    IV. Discussion

    L’incidence des placentas percreta est faible mais est en augmentation constante au cours

    des deux dernières décennies. En comparaison avec l’enquête périnatale de 2010, les

    patientes de notre étude sont en moyenne plus âgées (54,9% ont plus de 35 ans versus

    19,2%), ont un IMC plus important (25,4% ont un IMC≥30 versus 9,9%) et ont un nombre

    d’accouchement antérieur plus important (82,3% ont une parité ≥ 2 versus 33,9%). Dans

    cette étude, la majorité des patientes avaient des facteurs de risques majeurs de placenta

    accreta. Comme recommandé par les sociétés savantes, toutes les femmes suspectes d’AIP

    ont bénéficié d’un accouchement par césarienne. Seules 2 patientes sur les 51 ont eu une

    découverte fortuite per-césarienne (imagerie négative en ante-partum). Dans l’ensemble, la

    présence d’un placenta accreta/percreta s’associe à un taux de césarienne important (100%

    dans cette étude) et à des naissances prématurées (90,2% dans cette étude). Les

    césariennes ont été réalisées en urgence dans 47% des cas, le plus souvent en raison de

    métrorragies. Un traitement conservateur n’a pu aboutir que dans 8 cas (15,6%) en raison

    d’un taux d’hystérectomie secondaire très élevé : 66,6% (16 cas/24).

    Warshak et al. ont démontré que le dépistage en anténatal des placenta percreta permet de

    diminuer le risque transfusionnel(14). En effet, dans cette étude, le diagnostic anténatal

    associé à une césarienne programmée à 34-35 SA sans tentative de délivrance (traitement

    conservateur) a permis une diminution du taux de transfusion ainsi que le volume des pertes

    sanguines en comparaison avec une découverte fortuite en per-partum. Un dépistage

    anténatal et une connaissance du diagnostic sont donc primordiaux pour permettre une prise

    en charge optimale de ces patientes et éviter des complications qui peuvent être fatales.

    L’échographie reste l’outil de dépistage le plus simple, le plus pratique, le plus rapide avec

    une valeur prédictive négative de 98%(18). Actuellement, le diagnostic du caractère

    accreta/percreta ne peut être établi avec certitude en anténatal ; la décision de réaliser une

    hystérectomie définitive d’emblée est donc toujours difficile, notamment lorsque les patientes

    souhaitent des grossesses ultérieures. Il n’existe qu’une seule étude comparant le traitement

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    radical versus le traitement conservateur(44). Aucune différence n’a été mise en évidence

    entre les deux groupes exceptés sur les pertes sanguines qui étaient inférieures dans celui

    du traitement conservateur avec un taux de préservation utérine initiale de 60%. En effet 4

    patientes sur 10 dans le groupe conservateur ont finalement été hystérectomisées en raison

    de saignements importants percésarienne, d’un sepsis et d’une coagulopathie. L’un des

    objectifs du traitement conservateur est de préserver la fertilité, cependant le risque de

    récurrence de placenta accreta pour les grossesses ultérieures est de 28,6% dans la série

    de Sentilhes et al. en 2010(45), avec un risque infectieux non négligeable. Les patientes

    doivent également être informées de la nécessité d'un suivi prolongé sur plusieurs mois ; les

    risques infectieux et hémorragiques persistent jusqu’à l’involution placentaire complète et un

    risque de nécrose utérine secondaire existe.

    Dans notre étude, le risque hémorragique majeur concerne le groupe des césariennes-

    hystérectomies réalisées en urgence. En effet dans ce groupe, 13 patientes sur 22 ont eu

    des pertes sanguines supérieures à 1500mL et 14 patientes sur 22 ont été transfusées de

    plus de 5 CGR. Parmi les patientes ayant bénéficié d’une césarienne-hystérectomie

    primaire, 96% (26/27 patientes) ont été transfusées. Il est tout de même difficile de présumer

    du motif de l’hystérectomie en urgence, puisque celle-ci a pu être décidée en raison de

    saignement majeur ne pouvant pas être traité de manière conservatrice. Dans une revue de

    la littérature, Rossi et al [34] retrouvent un taux de seulement 44 % de transfusion en cas

    d'hystérectomie en urgence pour hémorragie du post-partum. Dans la série de Imudia et al

    [35], les pertes sanguines estimées sont au contraire relativement élevées (3492 ml, 900-

    21500 ml). Pour Warshak et al. qui pratiquent une hystérectomie systématique en cas de

    placenta accreta/percreta, les pertes sanguines moyennes sont de 2570 ml, aussi

    importantes que dans notre étude (pertes sanguines moyennes en cas d’hystérectomie

    2900mL).

    Il est important de souligner que la prise en charge des placentas percreta diffère de celle

    des placenta accreta en raison des difficultés chirurgicales liées à l’envahissement des

    organes de voisinage. En effet, en cas de localisation uniquement accreta, la césarienne-

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    hystérectomie constitue une alternative thérapeutique en cas d’hémorragie survenant au

    moment du décollement placentaire puisque l’ablation de l’utérus permet de supprimer

    l’origine du saignement. Cependant, en cas d’une insertion percreta, le saignement peut

    persister après l’hystérectomie si le lit placentaire envahit les organes de voisinage (vessie

    notamment). De plus, avant l’ablation de l’utérus, la dissection de la zone percreta extra

    utérine est le plus souvent complexe et minutieuse et, pendant ce temps chirurgical, l’atonie

    utérine, très fréquente, s’accompagne d’une hémorragie le plus souvent extériorisée par voie

    basse. Ces risques majeurs conduisent donc les équipes médicales à proposer un traitement

    conservateur à priori lorsque le diagnostic de percreta est fortement suspecté, comme c’est

    le cas dans notre série. Comme exposé précédemment, l’un des objectifs secondaires du

    traitement conservateur est également de permettre une préservation de l’intégrité utérine

    afin de favoriser la fertilité ultérieure (34). Cependant le taux d’hystérectomie total dans cette

    étude est très élevé (84%) dont 31% survenant secondairement (délai médian de 52 jours en

    postpartum). En effet, 67% des patientes traitées de manière conservatrice ont nécessité

    une hystérectomie secondaire en post-partum, c’est-à-dire à distance de leur prise en charge

    initiale et 6 patientes ont présenté un sepsis en postopératoire dans le groupe traitement

    conservateur (versus une dans le groupe césarienne-hystérectomie en urgence), la majorité

    étant due à des endométrites, nécessitant une reprise opératoire postpartum pour une

    hystérectomie secondaire dans un délai médian de 43 jours. Donc, le taux de préservation

    utérine finale est de 15,6%, taux bas par rapport aux données de la littérature. Au vu des

    résultats décevants d’une stratégie conservatrice (taux élevés de complications infectieuses,

    hémorragiques et d’hystérectomies secondaires), il peut être licite, pour des équipes

    entraînées et au vu des constatations chirurgicales semblant favorables, de réaliser une

    hystérectomie, notamment lorsque la zone percreta est antérieure et peu étendue.

    Dans notre cohorte, 3 patientes ont été transfusées de plus de 20 CGR au cours de leur

    césarienne. Cette complication est bien décrite dans la littérature, puisque jusqu’à 95% des

    patientes peuvent être transfusées au cours de leur prise en charge pour un placenta

    accreta(6) et jusqu’à 40% de plus de 10 CGR. Dans cette étude qui ne concerne que des

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    AIP de type percreta, 68,6% des patientes ont été transfusées dont 19,6% de plus de 10

    CGR. Au-delà de ces données moyennes, le placenta percreta expose à un risque

    hémorragique supplémentaire qui peut être fatal surtout si la césarienne est réalisée en

    urgence, comme le prouve les décès maternels survenus du fait de complications

    hémorragiques dans des cas de placenta percreta traités de manière conservatrice lors

    d’une césarienne en urgence.

    Au-delà de toutes ces limites attribuées au traitement conservateur, notre étude met en

    évidence qu’une prise en charge conservatrice permet une épargne transfusionnelle

    importante. En effet, les patientes saignent moins (700mL dans le groupe traitement

    conservateur versus 3400mL dans le groupe hystérectomie en urgence) et sont moins

    transfusées (nombre de CGR transfusés médian de 1,75 dans le groupe traitement

    conservateur versus 12 dans le groupe césarienne-hystérectomie en urgence). De plus, sur

    les 19 patientes suspectées d’un placenta percreta et ayant bénéficié du traitement

    conservateur, seules deux patientes ont été transfusées de plus de 5 CGR et ont eu des

    pertes sanguines estimées supérieures à 1500mL. Il est aussi important de noter que le

    nombre de patientes transférées en réanimation était similaire dans les deux groupes

    (traitement conservateur et césarienne-hystérectomie programmée).

    Ces deux approches chirurgicales ont leur avantage et inconvénient, une prise en charge

    conservatrice a son intérêt propre permettant une épargne sanguine non négligeable et un

    bénéfice majeur qui est une préservation utérine dans 8 cas. Néanmoins, il engendre des

    complications et des reprises chirurgicales, notamment pour hystérectomie secondaire

    pouvant être fatales. Faut-il alors privilégier un taux de saignement moindre grâce à une

    prise en charge conservatrice par rapport à une hystérectomie secondaire à distance

    associée à toutes les complications qui en découlent ?

    L'hémorragie massive du post-partum est une situation à risque de coagulopathie. Chez les

    patients polytraumatisés, plusieurs études tendent à montrer qu'un rapport CGR/PFC proche

    de 1/1 pourrait améliorer le pronostic des patients(58). Il semblerait que de tendre à un

    rapport de transfusion de CGR/PFC proche de 1/1 permet de diminuer le recours aux

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    procédures interventionnelles(50). En parallèle à la transfusion de produits sanguins labiles,

    depuis plusieurs années s’y associent des thérapeutiques adjuvantes pro-coagulantes telles

    que l’acide tranexamique et le Fibrinogène. Dans cette étude, leur administration a

    augmenté au cours du temps devenant systématique à partir de 2011.

    Le risque hémorragique important justifie classiquement le choix d’une anesthésie générale.

    Dans notre série, la prise en charge anesthésique a évolué au cours du temps avec une

    diminution progressive des anesthésies générales seules. En effet, elles ont été remplacées

    par la combinaison de deux techniques d’anesthésie à savoir la rachianesthésie suivie de

    l’anesthésie générale. La technique anesthésique choisie doit tenir compte de la stratégie

    opératoire : l’ALR seule peut être proposée initialement, notamment en cas de procédure

    complémentaire préopératoire initiale mais la conversion en AG doit être anticipée et

    possible dans un délai très court après l’extraction fœtale. En cas de traitement conservateur

    programmé, il est licite de privilégier une ALR, cependant l’incision chirurgicale peut

    remonter en sus-ombilical pour permettre une hystérotomie fundique. Le niveau d’anesthésie

    peut dans ce cas être insuffisant et l’AG doit être envisagée également. Dans notre centre, la

    technique d’ALR la plus utilisée est la rachianesthésie-péridurale combinée permettant

    théoriquement un relais péridural de la rachianesthésie initiale en cas de procédure

    prolongée, mais en fait la voie péridurale n’est jamais utilisée dans ce cadre. Dans cette

    étude, une ALR seule a pu être réalisée pour 9 patientes dont le diagnostic était suspecté en

    anténatal, majoritairement, pour des patientes dont la césarienne était programmée en vue

    d’un traitement conservateur, dont l’hémodynamique est restée stable, sans saignements

    majeurs. Les deux autres patientes sont celles dont la découverte a eu lieu percésarienne.

    Le taux de conversion peropératoire de l’ALR en AG était de 37,2%. Ce taux très important

    reflète une incidence très élevée de complications hémorragiques mais témoigne également

    d’une stratégie opératoire comportant la mise en place de techniques complémentaires en

    début d’intervention (sondes urétérales notamment) volontairement réalisées sous ALR. En

    effet, en cas de placenta percreta, il est de plus en plus couramment décidé avec les

    urologues de mettre en place des sondes urétérales (type JJ) avant la césarienne afin de

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    repérer les uretères, souvent envahis, et permettre la dissection des tissus extra-utérins sans

    risque. Ces techniques sont mises en place sous ALR permettant de diminuer le temps

    d’exposition du fœtus aux produits anesthésiques. Une AG peut alors être réalisée en

    deuxième temps, si nécessaire, en fonction de l’évolution opératoire, de l’apparition d’une

    hémorragie ou autre complication. Cela expliquerait sans doute l’évolution de nos pratiques

    d’anesthésie au cours du temps avec une utilisation récente d’une ALR combinée à l’AG

    depuis 2010. Dans ces cas, la conversion était soit « programmée » au décours de

    l’extraction fœtale, soit nécessaire pour la prise en charge du choc hémorragique. Aussi,

    cette technique permettrait à la patiente de participer à la naissance puisque la conversion a

    lieu le plus souvent après l’extraction fœtale. Cette évolution expliquerait également la

    proportion plus importante depuis 2010 des ALR seules. En effet, lorsque les conditions

    peropératoires (absence de complication du geste opératoire, absence de saignement,

    hémodynamique stable) sont réunies, la césarienne est entièrement réalisée sous ALR.

    Dans notre série, la mise en place des mesures associées à la prise en charge des

    placentas accreta a évolué au co