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PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE : PERSPECTIVES CONCEPTUELLES, INSTITUTIONNELLES ET... ACTUELLES Rémi Barré De Boeck Supérieur | Innovations 2011/3 - n°36 pages 9 à 19 ISSN 1267-4982 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-innovations-2011-3-page-9.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Barré Rémi, « Programmation de la recherche : perspectives conceptuelles, institutionnelles et... actuelles », Innovations, 2011/3 n°36, p. 9-19. DOI : 10.3917/inno.036.0009 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h30. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 02h30. © De Boeck Supérieur

Programmation de la recherche : perspectives conceptuelles, institutionnelles et... actuelles

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PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE : PERSPECTIVESCONCEPTUELLES, INSTITUTIONNELLES ET... ACTUELLES Rémi Barré De Boeck Supérieur | Innovations 2011/3 - n°36pages 9 à 19

ISSN 1267-4982

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-innovations-2011-3-page-9.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Barré Rémi, « Programmation de la recherche : perspectives conceptuelles, institutionnelles et... actuelles »,

Innovations, 2011/3 n°36, p. 9-19. DOI : 10.3917/inno.036.0009

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Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.

© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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PROGRAMMATIONDE LA RECHERCHE :

PERSPECTIVES CONCEPTUELLES,INSTITUTIONNELLES ET…

ACTUELLES 1

Rémi BARRÉCNAM

[email protected]

On veut situer la notion de programmation dans le contexte plus large desfonctions d’un système national de recherche et d’innovation, ce qui amène àdistinguer deux grands modèles d’agencement de ces fonctions qu’on caractérisepar leurs propriétés. On montre que les réformes actuelles en France peuvents’interpréter comme le passage d’un modèle à l’autre, la situation actuelle étantcelle d’une transition dont les aboutissements peuvent faire l’objet d’hypothèses.

DÉFINITIONS ET CONCEPTS

Trois fonctions : orientation, programmation, recherche

À partir des travaux de ces dernières années sur la théorie de l’agence2, leconcept de « système de recherche et d’innovation » a été approfondi etrendu plus opérationnel. L’idée centrale est celle d’un schéma qui fait appa-raître des fonctions d’orientation, d’intermédiation (ou programmation) etd’opérationnalisation (ou recherche), portées par des acteurs en relation les

1. Cet article s’appuie en partie sur : Barré, R., Essai d’interprétation de l’évolution 2006-2007du SFRI : la réforme à la croisée des chemins ? (chapitre 4), in Lesourne, J. et al. (dir.), La Recher-che et l’Innovation en France – Rapport Futuris 2007, Odile Jacob, Paris, 2007 et Bouquin, N., Raf-four, C., Trois scénarios pour l’avenir des relations entre enseignement supérieur et recherche(chapitre 3), in Lesourne, J. et al. (dir.), La Recherche et l’Innovation en France – Rapport Futuris2010, Odile Jacob, Paris, 2010.2. Cf. les notions de principal et d’agent.

DOI: 10.3917/inno.036.0009

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uns avec les autres, en insistant sur le fait que ces acteurs sont chacun por-teur d’une intelligence stratégique spécifique (encadré 1).

Encadré 1 – Les fonctions d'un système de recherche et d'innovation

La fonction orientation est la vision du devenir du système, la définition des grandsobjectifs et des budgets utiles à leur réalisation, globalement et par secteur. Ellerelève de la responsabilité du politique — à l’échelle nationale (le gouvernement etses ministères), mais concerne également les collectivités territoriales et le niveaueuropéen (Commission européenne).

La fonction programmation est la fonction qui consiste à traduire les grands objectifsdéfinis ci-dessus en priorités scientifiques, en programmes de recherche et en mise àdisposition des ressources nécessaires selon une variété de modalités possibles. Ellerelève de la responsabilité des organismes de recherche, notamment au niveau de leursdirections scientifiques, des agences de financement et des directions de recherchedes ministères.

La fonction recherche est la fonction de réalisation de la recherche qui relève de laresponsabilité des institutions de recherche et des établissements d’enseignementsupérieur (souvent organisés en unités de recherche). Ces organismes et établisse-ments ont une fonction d’employeur, de financeur et de gestionnaire d’équipements,d’intégrateur de connaissances, de montage de partenariats, de valorisation des con-naissances.

Le modèle auquel renvoie ce référentiel est celui d’un fonctionnementinteractif entre les acteurs situés au sein de chacune des fonctions 3, mixantles démarches ‘bottom-up’ et ‘top-down’, en proportions variables selon lesdomaines et types de recherche. Les acteurs sont ici considérés, au moinspotentiellement, comme des stratèges agissant dans un espace de liberté etde contraintes, dans le cadre de rapports de coopération et de concurrence.C’est un modèle de type multi-niveaux politiques et fonctionnels – qui défi-nit un système complexe dont les régulations sont construites sur la notiond’intelligence distribuée.

Quatre considérants essentiels

Il est important de considérer les caractéristiques suivantes de ce schéma :

a. Il est de caractère fractal : la trilogie des fonctions, en y regardantde près, s’applique à toutes les échelles : depuis celle de l’équipe ou del’unité de recherche, à celle de l’université, de la région, de la nation

3. de fait, les mêmes individus, parfois les mêmes institutions, peuvent être actifs à plus d’un seulniveau à la fois

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et à l’échelle européenne. Dans ce qui suit on se focalise sur échellenationale.b. La programmation est une fonction qui s’applique à tous les types derecherche, y compris fondamentale et programmes blancs : en ces cas,cette fonction correspond aux décisions relatives au volume financier,global et par domaine, aux critères d’éligibilité…c. Les fonctions sont bien distinctes, mais les chercheurs peuvent êtreimpliqués sur deux, voire trois fonctions au cours de leur carrière, etmême simultanément (cas de chercheurs gardant une activité à tempspartiel dans leur laboratoire et ayant des fonctions dans les instances deprogrammation de leur organisme et/ou ayant une responsabilité auministère de la recherche.d. Le schéma est basé sur la notion d’allers-et-retours, d’interactionsentre les fonctions, avec une circulation à la fois top-down et bottom-up.

LES MODÈLES DE SYSTÈME DE RECHERCHE

Deux configurations possibles pour les fonctions — les deux modèles

On identifie le modèle « à fonctions majoritairement séparées » et le modèle« à fonctions majoritairement intégrées ».

Le modèle « à fonctions majoritairement séparées »

Dans ce schéma, les trois fonctions sont exercées, dans tous les cas où c’estpertinent, par des institutions distinctes, dans le cadre de rôles et de règlesprécisément définis. Le schéma canonique simplifié est le suivant :

• le gouvernement fixe les grandes orientations, les grands objectifs etle cadre financier par grands domaines,• des agences publiques dédiées en font la traduction, dans chaquegrand domaine, en objectifs scientifiques et techniques ; elles allouentles ressources aux opérateurs selon des instruments appropriés (appelsd’offres, contrats pluriannuels, allocation budgétaire à des instituts…),• les opérateurs (universités et leurs laboratoires ou instituts publicsnon universitaires) réalisent les travaux de recherche à partir des res-sources obtenues, de manière récurrente ou sur projet.

Cette organisation suppose une coordination forte entre les instrumentsde financement, qui émanent d’une logique unique de programmation. Lesinteractions entre les fonctions, qui sont autonomes et séparées, prennent la

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forme de relations contractuelles et d’évaluation, assurant la coordination, lacohérence et la gouvernance d’ensemble. Dans ce modèle, les universitéssont l’élément central et majeur de la recherche publique.

Le schéma d’organisation « à fonctions majoritairement intégrées »

Dans ce schéma, les instituts de recherche non universitaires réalisent lafonction Programmation pour eux-mêmes et, de fait, pour l’ensemble desacteurs du territoire national intervenant dans leur domaine. Les universitésfont l’objet d’une programmation spécifique complémentaire, par exemple deniveau ministériel (l’essentiel étant réalisé par les instituts non universitairesqui, par exemple par leurs ‘unités mixtes’, véhiculent les orientations de leurprogrammation dans les universités). Dans ce modèle, les universités ne sontpas un élément central de la recherche publique, ce rôle étant tenu pas un ouplusieurs organismes non universitaires.

Un indicateur pour identifier le modèle concernant un pays est la partrelative, dans la recherche publique, des universités et des organismes nonuniversitaires.

Dans la réalité

Dans la réalité, il y a une certaine co-existence entre les deux configurations ;certains domaines sont nécessairement intégrés (par exemple le nucléaire,les grands programmes). Néanmoins il apparaît clairement qu’en fonction deleur histoire, les pays ont des configurations différentes de leur système derecherche et d’innovation. Ceci apparaît bien lorsqu’on compare le poidsrelatif des universités et des organismes.

Le modèle à fonctions majoritairement séparées est le modèle anglo-saxon et nordique ; à noter le cas particulier des États-Unis qui juxtaposentun modèle à fonctions séparées (pour la recherche civile) et un modèle àfonctions intégrées (pour le militaire). Le modèle à fonctions majoritaire-ment intégrées concerne l’Europe continentale ; c’était celui du systèmesoviétique dont il reste des traces importantes dans certains pays.

Part relative des universités et des organismes dans la recherche publique :– Organismes peu importants en volume relatif (inférieur à 25 %) :Royaume-Uni, Suède– Organismes moyennement importants en volume relatif (25 à 40 %) :Italie, Japon– Organismes à peu près égaux à universités (45-55 %) : Allemagne,France (hors CNRS) États-Unis, Corée– Organismes importants ou très importants en volume relatif (supé-rieurs à 60 %) : France (avec CNRS), Chine, Russie

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Tableau 1 – La part relative des universités et des organismes dans la recherche publique – comparaison internationale (2008)

Source : OCDE

* ‘secteur de l’État’, ‘organismes publics de recherche’, ‘public research organisations’

Caractéristiques de chaque modèle

Le modèle « à fonctions majoritairement séparées »

Il correspond aux caractéristiques suivantes :

– insertion de la recherche universitaire au cœur du dispositif natio-nal (et non via des unités « mixtes »),– capacité pour les acteurs de construire des stratégies puisqu’ils ontdes missions, des identités et périmètres définis,– lisibilité des grandes orientations politiques et de leur traductionsous forme d’allocations des ressources, du fait de la distinction entreles fonctions Orientation et Programmation,– participation explicite possible des « porteurs d’enjeux » (stakeholders)et du public, en plus des chercheurs, à la fonction Programmation,puisqu’elle est identifiée comme telle,

public* privé total (DIRD)

UNIV ORG*

Allemagne16

(53 %)14

(47 %)70 100

France

CNRS compté avec Universités

20(54 %)

17(46 %)

63 100CNRS compté avec

Organismes13

(35 %)24

65 %)

Royaume-Uni27

(75 %)9

(25 %)64 100

Italie33

(66 %)17

(34 %)50 100

Suède21

(81 %)5

(19 %)74 100

États-Unis13

(46 %)15

(54 %)72 100

Japon14

(64 %)8

(36 %)78 100

Chine9

(32 %)19

(68 %)72 100

Russie7

(19 %)29

(81 %)64 100

Corée 12

(50%)12

(50%)76 100

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– évaluation plus claire puisque chaque institution a une fonction etune seule,– possibilité de coordination, voire d’intégration européenne, puisqu’ily a interopérabilité entre les systèmes – par correspondance fonction àfonction.

Les caractéristiques de ce modèle sont la compétition pour les ressources,l’importance des relations contractuelles, de l’évaluation externe, avec desrisques sur la continuité, les conditions de travail et de reproduction descompétences.

Le schéma d’organisation « à fonctions majoritairement intégrées »

Ce type d’organisation a pour première vertu d’être simple à concevoir et deprocéder d’une évidence : à un domaine scientifique et technique correspondun grand institut qui, en tant que de besoin, peut s’appuyer sur des compéten-ces universitaires. Ce schéma est performant dans un contexte de rattrapage,en position de « suiveur », puisqu’alors l’activité de recherche, même fonda-mentale, concerne des domaines établis, pour lesquels on peut définir ex-antel’ensemble des compétences nécessaires. Dans ce schéma, les instituts non uni-versitaires jouent un grand rôle par rapport aux universités ; celles-ci ne fontguère de recherche, ou une recherche relativement fragmentée et découpléede celle des instituts, sauf dans le cadre d’unités « mixtes ».

Dans ce schéma, l’interdisciplinarité et la conjugaison des champs thé-matiques sont difficiles car elles doivent passer par des accords entre insti-tuts, ou entre départements au sein de tel ou tel institut. En outre, ce schémaest intrinsèquement opaque pour le citoyen et le politique puisqu’il n’y a pasde lieu visible de traduction des grandes orientations en priorités et affecta-tion de ressources, du fait que ces fonctions sont exercées en un continuumet au sein d’institutions.

Ce schéma est celui d’une grande efficacité sectorielle, permettant unebonne intégration des connaissances, mais qui est peu lisible et peu évaluablede l’extérieur, et suppose que compétences pour un secteur sont celles présen-tes dans l’institut correspondant ; ce schéma n’est guère adapté à l’explora-tion de nouvelles frontières de la connaissance.

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LE CAS DE LA FRANCE SUR LA PÉRIODE DE 1945 A AUJOURD’HUI

De 1945 aux années 1990

Pour des raisons historiques, le système français de recherche et d’innovation(SFRI) s’est développé depuis la dernière guerre dans une configuration à« fonctions majoritairement intégrées », avec :

– les organismes de recherche d’un côté, qui intègrent de fait, dans unemême institution, les fonctions Programmation et Recherche de leurdomaine de compétence, et même parfois des éléments de la fonctionOrientation,– les universités de l’autre, exerçant la fonction Recherche sans véri-table niveau Programmation correspondant ; la création des unitésmixtes de recherche dans les années soixante-dix, et fortement déve-loppé durant les années quatre-vingt-dix, a permis de pallier cettecarence puisque l’organisme de recherche partenaire fournit aux uni-versités, outre des ressources, un cadre de programmation matérialisépar ses directions scientifiques et un dispositif d’évaluation des unités.

La loi sur la recherche de 1982 constitue l’expression aboutie du schéma à« fonctions majoritairement intégrées ». De ce point de vue, elle peut être con-sidérée comme l’accomplissement des évolutions qui ont marqué la périoded’après-guerre, caractérisée par la création de ces organismes intégrés dans uneoptique de rattrapage volontariste. Ce schéma est celui d’un succès tant que laFrance était dans une phase de rattrapage ; celui de difficultés depuis lesannées 1990.

Le tournant des années 2000

À partir du tournant du siècle, la mondialisation et la concurrence globaliséesont devenues des évidences. De multiples indices montrent des insuffisancesau niveau du SFRI : insuffisantes synergies avec les entreprises, difficulté à seporter sur les domaines les plus rapidement émergents, lenteur de l’évolutionvers l’interdisciplinarité, problèmes de communication avec le politique etavec la société… Un grand nombre d’analyses ont été réalisées au début desannées 2000 par l’Assemblée nationale et le Sénat, les Corps de contrôle(Cour des Comptes, IGAENR, Inspection des finances), le Conseil Écono-mique et Social, le Commissariat du Plan, par des groupes d’experts créés pardes ministres… Ces rapports convergent toujours sur un diagnostic et desrecommandations qui consistent à appeler à la prise en compte le nouvel

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16 innovations 2011/3 – n° 36

environnement international et sociétal de la recherche et de l’innovation.Mais les tentatives d’évolution par ajustements à la marge créent de la com-plexité supplémentaire et c’est un sentiment d’impuissance qui prédomine.

Cette situation traduit l’impasse que constitue la tentative de jouer le jeude la concurrence mondiale dans le cadre d’un système majoritairementintégré : ce dernier est en effet utilisé en dehors de son domaine de validité.L’inadéquation intrinsèque du système à ce qu’on essaye de lui faire faire setraduit par une prolifération de complexité qui met un terme à toute tenta-tive. De fait, on observe au plan international des évolutions qui vont versl’affirmation du modèle à fonctions séparées : insistance sur le rôle des uni-versités avec leurs doctorants et post-doctorants, sur l’appel projet commemodalité de financement permettant des évolutions rapides et l’incitation àla pluridisciplinarité, sur l’évaluation des programmes et des institutionscomme nécessité de la relation au politique et à la société… En Europe, leschéma de l’Espace européen de la Recherche (EER) avec ses instrumentsspécifiques de chaque fonction s’inscrit clairement dans ce référentiel.

Depuis 2005 : les réformes en France

Depuis 2005, des réformes de fond, qui touchent aux institutions et aux règlesdu système, sont menées :

2005 : création de l’ANR2006 : Loi de programmation pour la recherche (création de l’AERES,des PRES, du HCST…)2007 : Loi sur la liberté et la responsabilité des universités (LRU)2008-2010 : divers décrets et rapports conduisant à donner la gestion desunités de recherche aux universités, à rapprocher les organismes derecherche par grand domaine au titre de la programmation (Alliances).

Les textes fondamentaux des réformes, en particulier les lois de 2006 et2007, mais aussi les décrets et décisions diverses prises pour leur mise enœuvre, renvoient plus ou moins explicitement, mais clairement, au référen-tiel « à fonction séparées autant que de besoin » :

– organisation et mise en évidence, avec la création du HCST, de lafonction Orientation, articulée en outre au dispositif LOLF,– restructuration de la fonction programmation avec le déploiement del’ANR et insistance sur le rôle programmatique des organismes derecherche à travers le principe qui consiste à confier la gestion des UMRà l’hébergeur, c’est-à-dire pour l’essentiel aux universités, ce qui peutêtre interprété comme tendant à minimiser la fonction ‘réalisation’ desorganismes,

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– positionnement des universités comme acteurs à part entière du dis-positif de production de la recherche, ce qui oblige à distinguer lafonction recherche (où les universités sont présentes) de la fonctionprogrammation nationale (où, en tant qu’institution, elles ne sont pasprésentes 4).

Le modèle de référence ne semble-il pas être celui à fonctions majoritaire-ment séparées même si, comme partout dans le monde, un certain nombred’activités de recherche restent dans un schéma intégré ?

LE DEVENIR DU SFRI : LES TRAJECTOIRES POSSIBLES

Une telle lecture d’un passage d’un modèle à l’autre est peut-être un peu troprapide. En effet, comme la loi de 2006 portait des ambiguïtés quant aux res-ponsabilités respectives de l’ANR et des organismes de recherche sur la pro-grammation, ainsi que sur leur rôle d’opérateur de recherche (réalisateur), unelecture des intentions du législateur de type ‘modèle hybride’, voire à fonctionsmajoritairement intégrées, a pu être promue, plus ou moins explicitement :l’objectif ne serait pas de se référer à une nouvelle configuration, mais de revi-siter le modèle historique pour l’adapter aux conditions nouvelles – sans enchanger la logique profonde.

L’émergence, en 2009, du dispositif des « alliances » est à ce titre exem-plaire : il peut aussi bien annoncer les futures agences sectorielles de program-mation d’un modèle à fonctions séparées qu’une ré-incarnation du modèle àfonctions intégrées. C’est ainsi qu’on peut s’interroger sur l’évolution de cha-que fonction :

– Question sur la fonction orientation : la loi de 2006 crée le Hautconseil de la science et de la technologie (HCST) et la direction géné-rale de la recherche et de l’innovation du MESR s’est ré-organisée pourassurer une fonction stratège, marquée par la présentation de la Straté-gie nationale de la Recherche et de l’Innovation (SNRI) en 2009. Ilreste cependant des interrogations sur la réelle capacité d’entraînementde cette fonction orientation revisitée : elle peut être forte (hypothèse1a) ou faible (1b) ;– Question sur la fonction programmation : il y a aujourd’hui co-exis-tence de l’ANR, de fonds de financement placés dans des ministères

4. bien évidemment, des enseignants – chercheurs sont, intuitu personae, impliqués dans les acti-vités de programmation réalisées tant à l’ANR que par les organismes de recherche

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Rémi Barré

18 innovations 2011/3 – n° 36

techniques et des organismes de recherche ayant aussi une fonction pro-grammation, pour eux-mêmes et les unités mixtes où ils sont présents.La fonction programmation peut se recomposer autour de l’ANR (hypo-thèse 2a), autour des Alliances (hypothèse 2b) ou selon un schéma varia-ble en fonction des domaines (hypothèse 2c).– Question sur la fonction recherche : le passage au modèle à fonctionsmajoritairement séparées exige des universités une capacité managé-riale et stratégique élevée. Dans ce modèle en effet, elles sont le cœurdu système de recherche, choisissent leurs axes de développement, anti-cipent les besoins de compétences, gèrent des équipements et du per-sonnel tant permanent que contractuel… La capacité d’adaptation desuniversités à ce nouveau contexte reste incertaine. Les capacités straté-giques et managériales des Universités peuvent être rapidement renfor-cées (hypothèse 3a) ou rester faibles (hypothèse 3b) ou encore être trèsvariables de l’une à l’autre (hypothèse 3c).

En combinant ces différentes hypothèses, on arrive à trois scénarios pos-sibles (tableau 2).

Tableau 2 – La combinaison des hypothèses et les scénarios du SFRI

Scénario A : nouveaux équilibres [1a – 2a – 3a] – c’est le scénario d’unpassage résolument vers le modèle à fonctions majoritairement séparées ;l’ANR coordonne les alliances qui se détachent de leur fonction recherche,celle-ci étant pour l’essentiel intégrée de fait dans les universités ; le minis-tère de la recherche et les universités deviennent stratèges ;

Scénario B : réaffirmation des Organismes de recherche [1b - 2b – 3b] –c’est un scénario de réorganisation du modèle à fonction majoritairementintégrées, qui serait pour l’essentiel maintenu ; les organismes de recherchese coordonnent par grand domaine et ‘satellisent’ les activités de l’ANRcorrespondantes ; la fonction orientation reste relativement faible, de mêmeque les capacités des universités ;

Question sur chaque fonction Hypothèses

1.Orientation : quelle capacité d’entraînement ?

1aForte

1bFaible

2. Programmation : quelle organisation ?

2aAutour de l’ANR

2bAutour des alliances

2cplusieurs intervenants

par domaines

3. Recherche : quelles capacités stratégiques et managériales des Universités ?

3aFortes

3bFaibles

3cVariables

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Programmation de la recherche

n° 36 – innovations 2011/3 19

Scénario C : concurrences et fragmentation : [1b – 2c – 3c] – c’est un scé-nario de fragmentation ; selon le domaine, l’un ou l’autre modèle s’impose,ce qui génère probablement une complexité et une illisibilité accrues.

CONCLUSIONS : QUESTIONS ET DILEMMES INTERNES AU SFRI

Le processus de réformes du SFRI pose la question de la cohérence interned’un système qu’il faut bien qualifier – aujourd’hui – d’hybride puisque laconfiguration en cours d’élaboration combine les caractéristiques du systèmeissu de l’après guerre et de la loi de 1982 – à savoir des organismes de recher-che puissants et présents sur la plupart des champs, de nombreuses unitésmixtes de recherche entre universités et organismes et rôle des Grandes éco-les – et celle du système ‘international’, qui en diffère sur ces trois pointsessentiels, sans que les autres caractéristiques aient disparu.

La question se pose de la lisibilité de ce système inédit et de sa capacité àfaire émerger des universités au sens international.

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