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1 I S U P PROMOTION 2011 Mémoire présenté devant l'Institut de Statistique de l'Université Pierre et Marie Curie Pour l'obtention du Diplôme de Statisticien Mention Actuariat Assurance Finance Par M. Jonathan BASTIEN Sujet : Quantification du risque de crédit au sein d’une institution financière basée sur une approche JP Morgan. Lieu du stage : Covéa Finance, 8-12 rue boissy d’anglas 75008 Paris Responsable du stage : Hélène Dyé Invité(s) : CONFIDENTIEL

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ISUP

P R O M O T I O N 2 0 1 1

Mémoire présenté devant

l ' I n s t i t u t d e S t a t i s t i q u e

de l'Université Pierre et Marie Curie

Pour l'obtention du

D i p l ô m e d e S t a t i s t i c i e n

M e n t i o n A c t u a r i a t

A s s u r a n c e F i n a n c e

Par M. Jonathan BASTIEN

Sujet :

Quantification du risque de crédit au sein d’une institution

financière basée sur une approche JP Morgan.

Lieu du stage : Covéa Finance, 8-12 rue boissy d’anglas 75008 Paris

Responsable du stage : Hélène Dyé

Invité(s) :

CONFIDENTIEL

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Résumé

La crise de la zone Euro que nous sommes en train de traverser montre bien l’importance

d’une bonne gestion du risque de crédit sur les marchés financiers qui est l’un des risques les

plus anciens et les plus importants.

Les régulateurs essaient de plus en plus d’inciter les institutions financières à quantifier leur

risque de crédit elles-mêmes via l’instauration de modèles internes. C’est sur ce point que

portera ce mémoire. Nous allons décrire pas à pas les étapes qui nous ont permis de

développer un modèle interne au sein d’une société de gestion d’actifs.

C’est ainsi qu’après avoir fait un tour d’horizon de la littérature financière à ce sujet, et après

avoir défini soigneusement notre vision du risque de crédit, nous exposerons notre choix de

modèle aussi bien du point de vue des hypothèses que des méthodes de calcul.

Pour finir nous comparerons les sorties de notre modèle à des données de marché issues des

Credit Default Swap et discuterons de ses limites.

Abstract

Credit risk is the oldest and most important risk on financial markets. The current crisis of the

Euro zone illustrates how important it is to be able to assess its value correctly.

Basel 2 and Basel 3 regulations allow financial institutions to make their own credit risk

calculation by developing and using internal risk models. This document deals with this last

point. We will explain step by step how we managed to develop an internal risk model within

an asset management company. First, we will present an overview of the financial literature

concerning credit risk, and then we will justify the hypothesis we chose to use and show how

we did the computation in practice.

Finally, we will present the results of the test we did using data from the Credit Default Swap

market, and will propose methods that could be used to improve the model.

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier la société Covéa Finance de m’avoir accueilli pendant 6 mois

au sein de son pôle Recherche Quantitative. Ce stage de fin d’étude a été extrêmement

enrichissant car il m’a permis de découvrir l’univers fascinant de la gestion d’actifs aussi bien

par les discussions quotidiennes que j’ai pu avoir avec les gérants que par les nombreux

comités d’investissement auxquels j’ai été convié.

Mes remerciements vont à Hélène Dyé, ma tutrice pour tout le temps qu’elle a réussi à

m’accorder malgré son emploi du temps chargé, ainsi qu’à Eric Domergue pour avoir partagé

ses connaissances pointues en analyse quantitative.

J’adresse une pensée toute particulière à Amine Zatout, Nabile Bouhenni et Matthieu Ohana

pour leur bonne humeur permanente.

J’en profite également pour témoigner ma gratitude à l’ISUP pour sa formation de haut niveau

et tout particulièrement à M. Chevalier qui m’a encadré lors de ce mémoire.

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Table des Matières

Résumé/Abstract (p.2)

Remerciements (p.3)

Table des matières (p.4)

Introduction (p.7)

Partie I : Le Risque de Crédit (p.9)

Chapitre 1 : Préliminaires (p.10)

1.A Les risques financiers (p.10)

1.B L’histoire du risque de crédit (p.11)

1.C Les difficultés du risque de crédit (p.12)

1.D Calcul du capital économique (p.13)

Chapitre 2 : Les modèles classiques (p.14)

2.A Modèles structurels stricts (p.15)

2.A.1 Modèle de la valeur de la firme (p.15)

2.A.2 Le modèle CreditMetrics (p.19)

2.B Modèle à intensité (p.24)

2.C Modèle économétrique (CreditPortfolioView) (p.26)

2.D Modèles moins courants (p.29)

2.D.1 Modèles mixtes (p.29)

2.D.2 Modèles stratégiques (p.31)

i. Anderson et Sundaresan (1996)

ii. Mella-Barral et Perraudin (1997)

2.D.3 Modèles de la valeur de la firme « raffinés » (p.32)

Chapitre 3 : Les modèles empiriques (p.34)

3.A Le puzzle du spread de crédit (p.34)

3.B La modélisation des migrations (p.38)

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Partie II : La calibration du modèle interne (p.39)

Chapitre 1 : Les agences, un facteur essentiel à prendre en compte (p.40)

1.A Historique (p.41)

1.B Le processus de notation (p.41)

1.C Les reproches faits aux agences (p.41)

1.D Les difficultés de la notation (p.43)

Chapitre 2 : Le choix du type de modèle (p.44)

Chapitre 3 : Le modèle vu en détail (p.46)

3.A La simulation des changements de rating (p.48)

3.A.1 La matrice de transition (p.52)

3.A.2 Calcul des seuils (p.52)

3.A.3 La calibration des vecteurs gaussiens (p.53)

3.B La modélisation de l’impact sur le portefeuille (p.55)

3.B.1 Le modèle de Nelson-Siegel (p.58)

3.B.2 Estimation du modèle (p.60)

3.B.2.a Méthode utilisée (p.64)

3.B.2.b Les données (p.66)

i. Les indices Iboxx (p.66)

ii. La sélection des titres (p.67)

iii. La scission en classes de risque (p.67)

3.B.2.c Exemple d’application (p.68)

Partie III : Application du modèle à un portefeuille (p.71)

Chapitre 1 : Distribution du rating à 1 an (p.72)

1.A Le portefeuille (p.73)

1.B La distribution du rating à 1 an (p.73)

1.C L’agrégation des portefeuilles (p.74)

1.D La distribution du rating du portefeuille global (p.76)

Chapitre 2 : Distribution des pertes à 1 an (p.78)

2.A Distribution des pertes (p.79)

2.B Calcul du capital économique (p.80)

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Chapitre 3 : Résultats à horizon 5 ans (p.82)

3.A Les données (p.84)

3.B Le rating à 5 ans (p.84)

3.C Les pertes à 5 ans (p.85)

3.D Confrontation des résultats à 5 ans au marché des CDS (p.87)

Conclusion (p.92)

Bibliographie (p.93)

Annexes (p.94)

1. Les matrices de migration utilisées dans cette étude (p.95)

1.A. Horizon 1 an (p.95)

1.B. Horizon 5 ans (p.95)

2. Les courbes de taux utilisées dans cette étude (p.97)

3.A Courbes zéro-coupon à 1 an (p.97)

3.B Courbes zéro-coupon à 5 ans (p.99)

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Introduction

Des études ont été effectuées en 2001 pour évaluer la part représentée par le risque de crédit

dans l’ensemble des risques supportés par les institutions financières. Ces travaux ont montré

que cette proportion s’élevait à environ 50%, ce qui explique pourquoi autant d’efforts ont été

faits pour pouvoir maîtriser au mieux ce risque.

Pour mieux l’encadrer, les régulateurs mettent de plus en plus l’accent sur sa quantification

aussi bien au sein des établissements bancaires (par le biais des accords de Bâle 2 et 3), que

dans le monde assurantiel (directives européennes de Solvabilité II). Ces accords prévoient

des formules standard qui tentent de correspondre au plus grand nombre d’investisseurs sur le

marché, mais laisse la possibilité à ceux qui le souhaitent d’utiliser une modélisation en

interne.

Une société de gestion d’actifs mutualiste comme Covéa Finance a une politique

d’investissement et des problématiques spécifiques. Il nous a donc semblé naturel de vouloir

implémenter un modèle interne pour obtenir une quantification du risque « sur mesure » et

ainsi développer un outil qui soit parfaitement adapté à la compagnie et aux conditions de

marché actuelles. C’est sur ce point que sera centré toute la réflexion. Tout au long de ce

document nous allons décrire une à une les étapes qui nous ont permis de mener à terme ce

projet.

La maîtrise d’un risque passant par sa bonne connaissance, nous allons dans un premier temps

définir les concepts principaux du risque de crédit et énoncer quelques généralités à son sujet.

Puis nous ferons un tour d’horizon de la littérature financière à la lumière des explications

précédentes afin de sélectionner le modèle qui nous semblera le plus en adéquation avec notre

vision du risque. La seconde partie sera donc consacrée à la mise en place du modèle interne,

sa description et son étude : une fois l’approche choisie nous exposerons pas à pas les

difficultés que l’on a rencontrées, ainsi que les solutions apportées. Une fois cette

méthodologie bien établie, la dernière partie sera consacrée à une critique objective du modèle

concernant ses limites. Nous proposerons des pistes d’amélioration à exploiter pour des

versions ultérieures du modèle.

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Partie I

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Partie I : Le Risque de Crédit

Cette partie a pour but de décrire le travail de recherche qui a dû être fait en amont de

l’implémentation du modèle à proprement parler.

Nous allons dans le chapitre 1 présenter le risque de crédit de manière assez générale et

voir ce qui le différencie des autres risques et fait ainsi sa complexité.

Nous allons ensuite faire un tour d’horizon de la littérature financière pour voir les

différentes méthodes utilisables afin de quantifier ce risque. Dans le chapitre 2, nous

présenterons les modèles les plus courants, et dans le chapitre 3 des modèles plus

« expérimentaux » issus d’articles de recherche assez récents.

Ces deux derniers chapitres ont pour but de montrer l’extraordinaire richesse de la

littérature sur le risque de crédit et ainsi la complexité du choix d’un modèle. Ils sont donc

très denses. Afin de ne pas perdre le lecteur nous avons inséré un « résumé du chapitre »

en début de ces sections qui permet d’en voir plus clairement la structure.

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Chapitre 1 : Préliminaires

1.A Les risques financiers

On rencontre plusieurs types de risques sur les marchés financiers. Les deux principaux sont

le risque de crédit et le risque de marché. Ce dernier peut se décomposer en risque de taux,

risque de change, et risque de marché stricto sensu.

- Risque de taux : risque impactant la valorisation des produits de taux détenus par

l’investisseur.

- Risque de change : risque impactant la valeur des actifs détenus par l’investisseur en

lien avec la variation d’une devise donnée.

- Risque de marché stricto sensu : risque de variation de certains actifs particuliers

indépendant des risques affectant la quasi totalité des titres (comme les risques définis

précédemment).

De même le risque de crédit peut se décomposer en risque de recouvrement, risque de défaut,

et risque d’exposition.

- Risque de défaut : risque que le débiteur ne soit pas en mesure de respecter

l’échéancier, que ce soit pour le remboursement des intérêts ou le remboursement du

nominal.

- Risque de recouvrement : facteur reflétant l’incertitude sur le montant que

l’investisseur récupérera en cas de défaut.

- Risque d’exposition : ce risque traduit l’incertitude sur le montant des pertes

potentielles en cas de défaillance, en raison des clauses optionnelles pouvant être

présentes dans les caractéristiques de l’emprunt.

En plus de ces 2 types de risque, nous pouvons également citer le risque opérationnel, le

risque de business, le risque de liquidité et le risque actif-passif.

- Risque opérationnel : risque d’essuyer une perte à la suite d’une erreur d’un employé.

- Risque de business : possibilité de subir une perte de rentabilité pour des raisons

propres à l’activité de la compagnie (augmentation de l’agressivité des concurrents,

bouleversement de l’équilibre offre-demande, …).

- Risque actif-passif : risque d’avoir une inadéquation entre l’actif et le passif de la

société (au niveau de la convexité ou de la duration par exemple).

- Risque de liquidité : risque de décaler les cours et de faire des pertes lorsque l’on est

contraint d’acheter ou vendre très rapidement des valeurs sur lesquelles peu de volume

s’échange.

Comme annoncé dans le titre, ce mémoire se consacrera exclusivement au risque de crédit. Il

s’agit d’un thème très actuel dans la mesure où les nombreuses turbulences qui agitent les

marchés ces derniers temps sont l’une des illustrations de ce risque.

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1.B L’histoire du risque de crédit

Le risque de crédit est un des risques les plus anciens sur les marchés financiers et un des plus

importants : des études récentes auprès d’importantes institutions financières révèlent qu’il

représente environ la moitié du risque que supportent les banques de nos jours.

Paradoxalement, il a été pendant une longue période relégué au second plan au profit du

risque de marché, qui s’avère cependant être d’une importance relativement moindre.

Pour comprendre le développement des modèles de risque, il faut observer l’histoire à travers

le prisme des crises financières successives. En procédant ainsi on s’aperçoit que la

quantification du risque de marché n’a réellement commencé qu’à partir de la seconde moitié

des années 80 (avant, le seul risque à être quantifié de manière sommaire était le risque de

taux), au moment où les États-Unis faisaient face à une série de grandes secousses comme les

faillites de ses caisses d’épargne, de deux de ses grandes banques, ou encore le Lundi Noir

d’octobre 1987.

Pour autant le risque de crédit existait bel et bien et les taux de défaillance ne cessait de

croître. Dans ce contexte financier tumultueux, les chocs pétroliers et la hausse des taux

d’intérêt n’ont pas aidé à faire diminuer le taux de défaillance des entreprises de l’époque qui

atteignaient des records historiques. C’est ce qui a conduit aux accords du Comité de Bâle.

Ceux-ci avaient pour objectif d’imposer des niveaux de fonds propres réglementaires

obligatoires pour les banques afin de pallier la fragilité du système financier en 1988. Ceci

s’est fait via le ratio de Cooke, ratio qui imposait de manière forfaitaire aux banques

internationales un niveau de fonds propres proportionnel à l’exposition au crédit,

indépendamment du risque réel porté. La banque devait détenir des fonds propres supérieurs

ou égaux à 8% des sommes prêtées.

Malheureusement, cela n’a pas aidé à réduire le risque de crédit : les taux de défaillance se

maintenaient à des niveaux très élevés, et le risque de crédit continuait à augmenter avec

l’essor du marché des dérivés. De plus, avec la concurrence grandissante dans le secteur

bancaire, les investisseurs étaient contraints de fournir de plus en plus de rendement et

s’orientaient de plus en plus vers des actifs risqués, puisque le capital réglementaire est

identique quel que soit le profil de risque. Et le collatéral des prêts perdit de sa valeur

notamment en raison de la crise de l’immobilier (années 1990) et la crise asiatique (fin des

années 90).

C’est dans ce contexte difficile (sans compter l’entrée en phase de récession des USA en

1990-1991) que l’on a réellement commencé à tenter de quantifier de manière précise le

risque de crédit. On peut s’en rendre compte en remarquant à quelle vitesse le marché des

instruments de couverture s’est développé.

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1.C Les difficultés du risque de crédit

Le risque de crédit est beaucoup plus difficile à quantifier que le risque de marché. Ceci

explique en partie pourquoi son calcul a été plus tardif. Cette complexité réside

essentiellement dans le fait que les données nécessaires sont beaucoup moins facilement

accessibles. En effet, les observations sont assez rares : les événements de crédit ont une

fréquence d’occurrence très faible et ont surtout lieu dans les périodes où les marchés sont

stressés. Ainsi, il est difficile d’obtenir une base de données recensant les taux de défaillance

facilement exploitable mathématiquement. Il en est de même pour les taux de recouvrement,

ou encore pour les matrices de probabilités de transition d’une classe de risque à une autre (en

supposant que l’on puisse classer par risque les émetteurs de produits financiers sur les

marchés). Les marchés évoluant sans cesse, les mesures sont faites dans des conditions

différentes et la profondeur des historiques nous permettant de travailler sur des données

homogènes est souvent limitée.

De plus, la notion de risque de crédit est en elle-même complexe à cerner. En effet, le risque

de crédit est souvent confondu avec le risque de défaut : il est devenu courant de voir défini ce

risque comme la conséquence de la volonté d’un émetteur à honorer sa dette en respectant

l’échéancier des flux. Cependant, le défaut n’est pas le seul événement de crédit à prendre en

compte : il faut également prendre en considération le risque de dégradation de la qualité du

crédit. Un indicateur de cette dernière est évidemment donné par les agences de notation. Leur

autorité étant montée en puissance, ce sont leurs notes qui font foi et qui sont « actées dans les

prix » sous la forme d’une prime de risque. Ainsi, dans la mesure où une dégradation de la

qualité du crédit peut entrainer une augmentation des primes et donc une baisse de la valeur

de marché des actifs, il s’agit également d’une source de risque de crédit qui dépasse le cadre

du risque de défaut classique. C’est typiquement ce qui se passe aujourd’hui dans le cadre de

la crise de la zone euro. La Grèce n’a pas fait défaut pour l’instant, mais les obligations

grecques ont subi une dévaluation loin d’être négligeable.

Dans ce document, pour être en phase avec les conditions de marché actuelles nous

considérerons le risque de crédit de la façon suivante.

Risque de Crédit : Risque qu’une modification de la solvabilité ou plus généralement de la

qualité de crédit de l’emprunteur entraîne une dévalorisation non attendue des créances

détenues par les prêteurs.

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1.D Calcul du capital économique

Les accords de Bâle imposent de détenir un « capital économique » (que l’on définit en détail

un peu plus bas sur cette page) pour pouvoir absorber une éventuelle dérive du montant des

pertes espéré. Pour cela ils prévoient des formules standard.

On pourrait alors se demander l’intérêt de développer des modèles internes. En fait, les

mesures prises par les autorités de contrôle essaient d’encourager les institutions financières à

évaluer elles-même leur risque de crédit. En modélisant en interne leur risque de manière plus

précise que ce que prévoit la formule standard, elles peuvent ainsi réduire leurs exigences en

capital réglementaire.

Le capital économique

Il se calcule comme l’écart entre la perte espérée et le quantile des pertes potentielles à un

niveau donné (Value At Risk) :

De manière formelle la Value At Risk est définie comme suit.

Soit le niveau de confiance auquel on se place. La Value At Risk au seuil de confiance pour

une loi de densité est la valeur telle que :

On peut noter au passage que ce niveau du quantile est variable : il peut provenir d’un choix

du régulateur, ou de l’institution financière elle-même. En effet, si l’institution recherche un

rating particulier, elle choisira un quantile correspondant (0.03% pour un rating AA par

exemple).

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Résumé des chapitres 2 et 3

L’objectif de ces chapitres est de donner un aperçu de l’ensemble des modèles de risque de

crédit existants à l’heure actuelle, d’exposer leurs avantages et leurs principaux

inconvénients.

La plupart des modèles de crédit ont commencé à se développer dans les années 1990. Il en

existe plusieurs catégories : des modèles structurels, des modèles empiriques, des modèles

économétriques, des modèles actuariels et des modèles à intensité. Pour pouvoir présenter

toutes les catégories nous ne rentrerons pas dans les détails et essaieront de synthétiser au

maximum, l’essentiel étant de réussir à dégager la « philosophie » de chaque modèle.

La revue de chaque modèle s’organisera de la façon suivante :

- Tout d’abord la section « Principe du modèle » : paragraphe consacré à décrire

succinctement le modèle.

- Puis la « Formalisation » : on formalise de manière plus technique les concepts

mathématiques sous-jacents.

- Ensuite les « Avantages » et « Limites » concernant la mise en œuvre du modèle

seront listés (difficultés ou facilités de calcul, hypothèses réalistes ou contraignantes,

etc…).

- Et finalement le « Verdict » expliquera pourquoi le modèle a été choisi ou non.

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2.A Modèles structurels stricts

Les modèles structurels stricts se différencient des autres par le fait qu’ils définissent

l’événement de crédit déclenchant le défaut comme la conséquence directe de la modification

d’une caractéristique inhérente à l’entreprise (endogène). Nous verrons que certains modèles

supposent cet événement complètement aléatoire et l’étudient de manière purement statistique.

Ce sont les modèles basés sur le modèle de crédit le plus ancien : le modèle de Merton (1974)

appelé encore « modèle de la valeur de la firme ».

2.A.1 Modèle de la valeur de la firme

Principe du Modèle

Il a été élaboré dans la continuité de la théorie des options de Black-Scholes-Merton et repose

sur les mêmes hypothèses. On cherche à modéliser la probabilité de défaut à horizon un an

d’une entreprise. On s’appuie sur la modélisation des actions comme un droit (une option) sur

les actifs de la société : on considère qu’un actionnaire détient le droit à tout moment de

liquider sa part du capital.

Dans le modèle de Merton on considère qu’il y a défaut lorsque la valeur de l’actif d’une

entreprise devient inférieure au montant de sa dette.

On suppose le niveau de dettes que l’on appellera X fixé a priori et la valeur de l’actif de

l’entreprise nommée VA variable.

La dynamique de VA est difficilement observable sur le marché. En effet, d’une part, on est

soumis à des difficultés d’ordre comptable : il y a plusieurs définitions de l’actif, ce qui en fait

un élément de bilan très complexe. D’autre part, même si on arrive à s’accorder sur la

terminologie, les données ne sont pas mises à jour souvent et on se retrouve confronté au

problème du retraitement de l’information.

Ainsi Merton propose pour pallier ce problème d’observer cette variable de manière indirecte

par le biais du marché actions. Dans son article de 1974 il propose de modéliser le prix de

l’action VE comme une option d’achat sur la valeur de marché des actifs VA avec comme prix

d’exercice le niveau de dettes X.

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Ceci prend tout son sens lorsque l’on remarque que, si l’on est actionnaire à 100% d’une

entreprise, on détient, si elle est en bonne santé financière, tout son actif diminué de la

dette (VE = VA-X) et que si elle n’a plus assez d’actif pour couvrir sa dette, on ne doit rien (VE

= 0). D’où le graphique ci-dessus : le pay-off de l’action est équivalent à celui d’un call.

En écrivant la formule de Black-Scholes-Merton pour cette option de valeur VE de volatilité

σE et en inversant la formule, il nous est donc possible de calculer de manière implicite VA

ainsi que sa volatilité σA. Nous pourrons ainsi simuler les valeurs de l’actif et étudier de

manière probabiliste l’événement de défaut.

Formalisation

On suppose que la valeur AV de l’actif A suit un mouvement brownien géométrique :

,

avec A le rendement de A, A sa volatilité et ttW )( un processus de Wiener.

Écrivons la formule de Black-Scholes-Merton :

),

avec

Tdd

TrX

VLn

Td

A

A

A

A

12

2

12

11

et T la maturité de l’option, et (.)N la fonction de répartition de la loi normale centrée réduite.

En utilisant le lemme d’Itô et en réorganisant les termes on obtient :

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17

A

E

AA

A

E

E

AE dN

V

V

V

V

V

V

)( 1

Ce qui donne (avec la formule de Black & Scholes) un système de 2 équations à 2

inconnues duquel on peut extraire AV et A :

La société KMV a repris ce modèle dans les années 1990 et a introduit une quantité appelée

« Distance au Défaut » (DD) représentant le risque de défaut :

à partir de laquelle il est possible d’inférer une probabilité de défaut :

.

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Avantages

- On utilise un modèle calibré sur des données du marché : on tient compte des anticipations

des investisseurs actées dans les cours.

- On peut appliquer la méthode à toutes les sociétés cotées et traiter chaque émetteur de façon

distincte.

Limites

- Les taux d’intérêt sont supposés constants et le prix des actions suit un mouvement brownien

géométrique. Ainsi on sous estime les risques extrêmes (faiblesses inhérentes au modèle de

Black-Scholes-Merton sous-jacent).

- Le prix de l’action ne reflète correctement le risque de crédit de la firme uniquement

lorsqu’elle est proche du défaut. Ainsi, les probabilités de défaut calculées sont très

inférieures à celles observées empiriquement.

- Les données de marché peuvent contenir parfois des « anomalies » (bulles spéculatives par

exemple).

- Le modèle nécessite de nombreuses données en entrée qui sont pour la plupart soit

inobservables soit difficilement accessibles.

- On modélise de manière très simpliste la dette de la société : elle est supposée constante, et

être uniquement composée d’une dette à long terme et d’une dette à court terme. De plus il

n’y pas d’ordre de priorité entre les créanciers.

- On prend comme hypothèse que le défaut a lieu dès que la valeur des actifs est inférieure à

la dette. En pratique, la valeur des actifs peut rester en dessous de cette valeur seuil pendant

une certaine durée sans qu’il y ait pour autant faillite (une mise sous tutelle n’entraîne pas

forcément un défaut).

- On a une relation en temps réel entre la volatilité de l’actif et celle de l’action alors qu’en

réalité il existe un décalage :

A

E

AE dN

V

V

)( 1

En effet, l’actif de la société met plus de temps à réagir que le prix des actions qui incorpore,

lui, les anticipations des investisseurs : le marché est toujours en avance sur l’économie réelle.

- L’actif d’une société est très complexe : il est composé de plusieurs compartiments ayant

chacun leur niveau de liquidité, ce dont ne tient pas compte le modèle.

- L’actif de la firme suit un processus continu. Ceci revient à dire qu’on peut anticiper le

défaut (le défaut n’est pas brutal), ce qui est contraire au sens commun.

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Verdict

Le modèle est très simpliste et ne tient pas compte du risque de dégradation de

notation qui fait partie de nos préoccupations majeures, comme on le verra dans le

chapitre 1 de la partie II.

Le modèle nécessite de disposer d’une nappe de volatilité que l’on puisse mettre à jour

facilement pour pouvoir faire diffuser les prix des sous-jacents et valoriser les options,

ce qui est impossible sans une équipe de traders.

Il n’a pas été retenu.

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2.A.2 Le modèle CreditMetrics

Principe du modèle

CreditMetrics est une méthode qui a été développée par JP Morgan en 1997.

Cette méthode permet de quantifier le risque de crédit à l’échelle d’un portefeuille sous la

forme d’un quantile des pertes dues à des dégradations de ratings (contrairement au modèle

précédent qui ne prenait en compte que le défaut).

On part du principe que lorsqu’un émetteur est dégradé, le spread des obligations augmente.

(Le changement de rating sera ici modélisé par des chaines de Markov homogènes.) Ainsi en

simulant de nombreuses transitions de rating à l’échelle d’un portefeuille nous disposerons

d’une distribution des pertes potentielles à un horizon donné et nous pourrons calculer une

Value At Risk ainsi que la valeur du capital économique défini lors des préliminaires.

Formalisation

Voici l’ensemble des données que l’on doit avoir en entrée.

- Une matrice de probabilités de transition (le plus souvent calculée par les agences de

notation à partir de données historiques sur une longue période).

Aaa Aa A Baa Ba B Caa-C D

Aaa

Aa

A

Baa

Ba

B

Caa-C

D 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 100%

Le tableau se lit de gauche à droite et représente la probabilité qu’un émetteur noté

voit sa note réévaluée à à un horizon fixé (usuellement un an). Les probabilités de conserver

le même rating sont habituellement très élevées par rapport aux autres, et les probabilités

d’être dégradé plus élevées que celles d’être surclassé.

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- Une matrice de courbes de taux forward par rating :

Année 1 Année 2 Année 3 Année 4

Aaa

Aa

A

Baa

Ba

B

Caa-C

Où est le taux zéro coupon i ans forward (le plus souvent dans un an) pour une obligation

de note x.

(On calcule des courbes zéro coupon incorporant un spread risqué différent pour chaque

classe de risque afin qu’un changement de rating entraîne un changement de courbe

d’actualisation et impacte la valeur du portefeuille)

- Un taux de recouvrement par degré de seniorité :

Séniorité de la dette Taux de Recouvrement

Senior Garantie 52.3%

Senior Non Garantie 36.4%

Senior Subordonnée 31.7%

Subordonnée 32.0%

Junior subordonnée 24.0%

Pour plus de détail sur son origine on peut se référer au chapitre 3 de la partie II : « Le modèle

vu en détail ». On utilise cette matrice pour tenir compte des priorités de remboursements. Un

détenteur de dette junior sera remboursé après un créancier senior. Ainsi dans le cas où un

émetteur fait défaut, un créancier sénior touchera en moyenne 52.3% de son nominal tandis

qu’un junior devra s’attendre à recevoir en moyenne uniquement 24.0%.

Pour tenir compte de la corrélation entre les migration de rating des différents émetteurs on va

utiliser une structure gaussienne. Ne pouvant pas estimer facilement et encore moins

précisément les corrélations entre migrations, le modèle préconise d’utiliser comme proxy les

corrélations entre les rendements des actions émises par les émetteurs de dettes.

Exemple unidimensionnel

Prenons l’exemple d’un titre Baa de rendement moyen nul. On va simuler une loi normale

centrée en zéro et dont la variance sera égale à celle du rendement des actions de son émetteur.

En fonction de la région où se trouve la valeur simulée on déterminera le nouveau rating.

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Ainsi dans le cas représenté dans le graphique ci-dessus, la valeur simulée est dans la « zone

B ». L’obligation notée initialement Baa subira donc une dégradation à la note B dans le

scénario simulé.

Les zones de transition sont délimitées par des seuils de manière à corroborer les probabilités

de transition des matrices de migration vues plus haut. Formellement ils sont calculés de la

façon suivante.

Notation Équation

Aaa

Aa

A

Ba

B

Caa-C

D

Avec la fonction de répartition de la normale centrée réduite )1,0(N .

On trouve les en résolvant les équations ci-dessus.

Une fois toutes les nouvelles notations dans le scénario simulé connues, on peut réévaluer le

prix de chaque obligation au bout d’un an grâce aux matrices de courbes de taux et aux taux

de recouvrement, ce qui permet d’obtenir la valeur simulée du portefeuille.

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On remarquera que la problématique de la corrélation est traitée ici de manière analogue au

modèle de Merton : les corrélations des migrations sont approchées par les corrélations entre

rendements actions. Ainsi, les événements de crédit de ce modèle (changement de notation)

sont lors du calcul de la corrélation, directement liés au cous des actions et ainsi des valeurs

des actifs de la société que l’on considère.

Avantages

- On tient compte du risque de dégradation en plus du risque de défaut.

- Les temps d’exécution sont assez courts.

Limites

- Les entreprises doivent être correctement notées (sinon l’étude perd tout son sens).

- Le modèle est très schématique : les émetteurs d’une même classe ont les mêmes

probabilités de défaut et de changement de notation.

- L’évaluation des corrélations par le prix des actions est discutable : la corrélation des

rendements actions n’est pas forcément un bon proxy pour la corrélation entre les qualités de

crédit.

- Le modèle dépend des données des agences de notation dont les méthodologies peuvent

changer au cours du temps.

Verdict

C’est le modèle vers lequel s’est orienté notre choix. En effet, la compréhension du modèle

dans ses grandes lignes est assez simple. De plus il tient compte du risque de migration de

notation qui nous semble primordial compte tenu de la situation actuelle des marchés.

C’est le modèle qui a été sélectionné.

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2.B Modèle à intensité

Principe du modèle

Contrairement aux modèles structurels, les modèles à intensité ne cherchent pas à comprendre

l’origine du défaut. Ils supposent que cet événement est complètement aléatoire et l’étudient

de manière purement statistique. Cette méthode a été développée par Credit Suisse en 1997. Il

s’agit d’une méthode similaire aux méthodes actuarielles employées pour calculer les primes

pures.

L’événement de crédit est le défaut. Ce dernier est supposé suivre une loi binomiale à

l’échelle individuelle. On suppose que pris isolément un défaut a une probabilité d’occurrence

faible (événement rare) et ne dépend pas de la période que l’on considère.

L’utilisation de la loi binomiale n’étant pas pratique, nous considérerons de manière

approchée qu’à l’échelle agrégée (au niveau du portefeuille) le nombre de défauts X suit une

loi de Poisson de paramètre :

!)(

n

enXP

n

( est la moyenne de la distribution et l’écart-type).

La méthode consiste à calculer la fonction génératrice des pertes « par bande » pour ensuite

déterminer la fonction génératrice du portefeuille global.

Formalisation

Voici l’expression de la fonction génératrice des pertes :

.

On la calcule pour chaque bande (on découpe l’ensemble des pertes potentielles en tranches)

de manière approchée en calculant les coefficients d’un développement limité de Taylor. On

« agrège » ensuite toutes les fonctions génératrices pour obtenir la fonction globale en vertu

de la propriété suivante :

(pour i décrivant l’ensemble des tranches que l’on aura définies)

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Avantages

- La distribution des pertes ne dépend que d’un nombre réduit de paramètres.

- On obtient des formules fermées.

Limites

- On ne tient pas compte de la perte ou du gain de valeur du portefeuille provoqués par des

changements de rating.

- Les techniques de calcul utilisées ne sont pas simples et ne sont pas forcément accessibles à

tout utilisateur du modèle.

- Les taux d’intérêt sont supposés constants.

Verdict

Ce modèle aurait pu être choisi mais sa complexité le rendrait difficile d’accès.

Le modèle n’a pas été retenu.

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2.C Modèle économétrique (CreditPortfolioView)

Principe du modèle

Le premier modèle de ce type a été développé par Wilson au sein de McKinsey en 1997. Ce

type de modèle est très en vogue surtout depuis 2002 avec l’article de Kimmo Virolainen qui

l’a utilisé pour la banque de Finlande. Il a été repris à maintes reprises notamment en

Roumanie et en France.

Ici, le défaut correspond à la définition utilisée par l’institut de statistique qui a fait le

recensement des défaillances (en France par exemple il peut s’agir de la date légale de la

publication du défaut au Bulletin Officiel Des Annonces Civiles et Commerciales).

La modélisation repose sur le fait qu’empiriquement, on peut constater que les cycles du

crédit et de l’économie sont liés. Fort de cette connaissance on utilise les taux de défaillance

publiés par les instituts de statistique nationaux, et on essaye de les expliquer via un modèle

multifacteur utilisant des variables macro-économiques (taux d’accroissement du PIB, taux de

chômage, taux de change, etc…) qui vont constituer un proxy de l’état de l’économie réelle.

Formalisation

On part de données de défaillance récoltées par des instituts nationaux de statistique.

Voici un exemple corrigé des variations saisonnières de taux de défaillance issues de

l’Insee que l’on pourrait utiliser si on voulait faire une étude sur la France sur le secteur de la

construction.

Il s’agit du nombre mensuel d’entreprises du secteur de la construction à avoir été déclarées

en faillite. La série a été retraitée en utilisant l’algorithme de dessaisonalisation census-x11.

Nombre de Défaillances Construction CVS

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

déc1992 août1995 mai1998 févr2001 nov2003 août2006 mai2009

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CreditPortfolioView modélise les probabilités de défaut par une "fonction logit" qui permet

d’assurer que les probabilités de défaut seront comprises entre 0 et 1,

avec :

tjtmjmjtjjtjjjtj XXXY ,,,,,2,2,,1,1,0,, ... ,

et

),0( 2

,, jtj N ,

où représente la probabilité de défaut sur la période t des débiteurs conditionnelle à leur

pays ou leur industrie j , et représente un indice issu d’un modèle à m facteurs explicatifs

Les coefficients sont estimés par la méthode des Moindres Carrés Ordinaires.

Une fois les paramètres estimés, il est possible de simuler les probabilités de défaut à venir sur

la base des données historiques où à partir de scenarii de stress générés par des économistes.

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Avantages

- Les données macro-économiques sont observables de manière directe

- Le modèle tient compte des cycles de l’économie.

- Le modèle permet de faire des prévisions si on est capable de prévoir de manière

quantitative les séries macro économiques.

Limites:

- Les séries macro-économiques sont retardées.

- Faire des prévisions quantitatives de séries macro-économiques n’est pas une tâche aisée.

- Les processus utilisés dans la modélisation de ces séries sont des processus autorégressifs,

ainsi chaque cours peut s’expliquer uniquement par son passé. Cette hypothèse discutable a

pour conséquence qu’un choc violent se fait encore ressentir 20 ou 30 ans après dans ce

modèle.

- Le modèle détermine de manière très globale les probabilités de défaut d’un pays ou d’un

secteur d’activité, mais pas d’un émetteur isolé

- Les données des instituts de statistique risquent de ne pas être homogènes d’un pays à

l’autre .

Verdict

Le concept est intéressant et en phase avec l’approche macro-économique de la société de

gestion. Cependant il nécessite de pouvoir faire des prévisions macro-économiques

quantitatives précises ce qui n’est pas une tâche aisée.

Le modèle n’a pas été retenu.

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2.D Modèles moins courants

2.D.1 Modèles mixtes

Principe du modèle

Un modèle à intensité (voir 2.B) suppose la cause du défaut exogène : on ne cherche pas à

expliquer les raisons du défaut mais uniquement à le modéliser de manière statistique et

probabiliste comme un processus aléatoire quelconque.

Un modèle structurel strict (voir 2.A) quant à lui suppose le défaut endogène et va chercher

son explication.

Les modèles mixtes ou modèles à intensité structurelle sont des modèles à mi-chemin entre

les modèles structurels stricts et les modèles à intensité. Les modèles à intensité structurelle

sont des modèles à intensité dont certains paramètres du processus sont calibrés de manière

endogène (typiquement, à l’aide de ratios financiers)

Les premiers modèles de ce type ont été créés par Madan et Unal, Lotz, et Hübner à la fin des

années 1990. Ici, le défaut est exogène et suit un processus aléatoire dont les paramètres sont

endogènes.

Formalisation

Voici des exemples de modèles mixtes ayant été développés.

L’intensité est calibrée à l’aide de différents ratios ou variables financières intrinsèques à

l’entreprise comme les fonds propres, la dette, ou encore la valeur des actifs. La structure de

la fonction d’intensité permet plus ou moins de flexibilité selon ce que l’on souhaite. Les

modèles prévoient également la possibilité d’introduire une dépendance entre les variables

financières et les taux d’intérêt, et ainsi dans une certaine mesure une sensibilité aux

conditions économiques.

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Avantages

- Le calibrage de l’intensité est plus simple que pour un modèle structurel strict.

Limites

- On peut obtenir des incohérences (incompatibilité avec l’hypothèse d’absence d’opportunité

d’arbitrage lorsque l’on agrège les lignes de crédit pour travailler à l’échelle d’un portefeuille).

- On ne fait pas de différence de séniorité entre les créanciers.

- La formule fermée reliant l’intensité aux paramètres de la firme donne une certaine rigidité au

modèle.

Verdict

On peut lui faire les mêmes reproches qu’au modèle de la firme.

De plus, le gain en simplicité n’est pas suffisamment important vis-à-vis de la rigidité

apportée

Le modèle n’a pas été retenu.

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2.D.2 Modèle stratégique

Principe du modèle

Les premiers chercheurs à avoir travaillé sur ce type de modèles ont été Anderson et

Sundaresan (1996) et Mella-Barral et Perraudin (1997).

L’idée de base du modèle est de représenter les relations entre actionnaires et créanciers en

utilisant la théorie des jeux.

Le caractère novateur du modèle réside dans le fait qu’il ait introduit une définition plus large

du défaut. Elle englobe en effet le « défaut stratégique » : l’actionnaire peut imposer aux

créanciers une réduction du service de la dette sans engendrer pour autant la liquidation en

faisant du chantage.

i. Anderson et Sundaresan (1996)

Il s’agit d’un modèle en temps discret dans lequel chaque période correspond à un flux

(remboursement de coupon, amortissement du capital, …) de l’actionnaire aux créanciers.

En théorie la faillite d’une société équivaut à la nullité des actions possédées par les

actionnaires. Mais en pratique, il peut y avoir des coûts de banqueroute qui peuvent les

concerner.

Ainsi dans certaines situations, l’actionnaire peut se livrer à un chantage sur les détenteurs de

dette. Dans le cas où la valeur de l’entreprise est suffisante pour payer le coupon mais

relativement basse, il peut en effet proposer un paiement inférieur au coupon contractuel. Le

montant proposé, cumulé à celui des coupons futurs espérés sera toutefois supérieur à la

valeur de liquidation de la firme (nette des coûts de banqueroute). Rationnels, les créanciers

accepteront alors ce faible service de la dette.

ii. Mella-Barral et Perraudin (1997)

Mella-Barral et Perraudin considèrent également les interactions stratégiques entre

actionnaires et créanciers mais dans un modèle en temps continu.

Ils supposent qu’en cas de difficultés financières, si la valeur de la production diminuée des

coûts de production est inférieure aux intérêts de la dette, l’actionnaire a la possibilité

d’injecter du capital dans la société. Il peut également à tout moment la déclarer en faillite et

choisir de la liquider.

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Avantages

- La méthode induit un type de défaut lié au comportement des acteurs sur le marché et qui

n’est pas pris en compte usuellement.

Limites

- Modéliser des phénomènes liés au comportement humain peut se révéler hasardeux.

- Le chantage pouvant provoquer le défaut stratégique n’est pas forcément possible au sein de

toute entreprise ou de tout secteur.

Verdict

L’idée est intéressante mais nous manquons de recul par rapport aux résultats de cette

méthode pour risquer de la mettre en place.

Le modèle n’a pas été retenu.

2.D.3 Modèles de la valeur de la firme « raffinés »

Le modèle de la firme qu’on a vu plus haut dans les modèles « classiques » impose de

nombreuses hypothèses qui peuvent ne pas être réalistes (niveau de dette constant, taux

constants, etc…).

On peut s’en affranchir partiellement en introduisant des hypothèses supplémentaires :

- On peut s’affranchir de la structure plate des courbes de taux en introduisant dans

la valorisation de l’option un modèle de taux (déterministe ou stochastique).

- On peut affaiblir l’hypothèse de constance du niveau de dettes en remplaçant

l’option classique par une option américaine à barrière (égale au niveau de dette)

stochastique désactivante à la baisse.

- On peut tenir compte de l’imprévisibilité du défaut en utilisant un processus à

sauts à la place du processus continu dans la modélisation du sous-jacent.

- On peut rendre compte du fait que la valeur de l’actif d’une société peut rester sous

le seuil de défaut pendant une courte période sans pour autant entraîner la faillite

de l’entreprise, en utilisant une option parasian permettant une excursion d’une

durée plus ou moins longue sous la barrière.

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- Si on veut être encore plus précis, on peut remarquer qu’avant un paiement de

coupon, les actionnaires ont le choix entre payer le coupon ou liquider la société.

Ainsi, si on est dans le cadre d’une entreprise ayant une dette entraînant un

versement de coupon en 1t et le remboursement du dernier coupon et du nominal

en 2t , alors en

1t l’actionnaire détient . On reconnaît le

pay-off d’un Call et peut donc modéliser les actions de l’entreprise comme une

option composée (on est en présence d’un Call dont le sous-jacent est l’actif de la

société donc un autre Call selon le modèle de Merton classique).

- Certains auteurs rajoutent même des paramètres pour tenir compte des taxes, des

coûts de banqueroute, etc…

Néanmoins on parvient très rapidement à des modèles extrêmement complexes à calibrer et à

interpréter.

Avantages

- Les limites théoriques de ce type de modèle sont uniquement les limites de notre

imagination.

Limites

- La précision devient très rapidement illusoire et les calculs rapidement inextricables, ce qui

limite l’intérêt pratique du modèle.

Verdict

Le modèle serait très difficile d’accès compte tenu de sa complexité

Le modèle n’a pas été retenu.

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Chapitre 3 : Les modèles empiriques

3.A. Le puzzle du spread de crédit

Le risque de crédit se traduit sur les marchés financiers par une prime de risque, également

appelée spread. Ce spread peut se mesurer de différentes façon (Z-Spread, Asset Swap

Spread, …) mais nous allons ici uniquement définir la notion la plus répandue : le spread

nominal.

Considérons une obligation donnant lieu aux flux représentés sur le schéma suivant :

avec :

- 100 : le nominal.

- Prix : le prix d’achat de l’obligation.

- C : la valeur du coupon pour un nominal de 100.

Ceci revient à dire que pendant toute la durée de vie du produit, on reçoit à chaque date

d’anniversaire un coupon et à maturité le coupon plus le capital.

On peut associer à cet investissement son taux actuariel rdt défini par l’expression suivante :

Ni

N

i rdt

C

rdt

C

)1(

100

)1(Prix

1

Lorsque l’on porte le papier jusqu’à maturité (stratégie « buy and hold » souvent utilisée dans

l’univers mutualiste) la performance devrait être égale au rendement en date d’achat.

Cependant, en réalité la performance espérée est inférieure au rendement en raison du risque

de crédit.

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Soit maxr le taux actuariel rdt défini plus haut. Il s’agit du taux promis par l’émetteur et qui

ne tient donc pas compte du risque de crédit. Soit R le rendement réel de l’obligation. Si un

événement de crédit se produit on aura maxrR . Dans le cas contraire on aura maxrR . On a

donc : max)( rRE

Dans la littérature, cette espérance est souvent décomposée de la manière suivante :

lrRE )(

avec :

r le taux sans risque (souvent le taux d’une obligation gouvernementale de

référence comme l’Allemagne, ou un taux interbancaire si on est sur des maturités

très courtes).

)(max REr une prime de risque stricto sensu, compensant la prise de risque

supplémentaire par rapport à un placement « sans risque » .

l une prime de liquidité qui reflète l’importance du volume que l’on pourra

échanger sur le marché secondaire sans décaler les cours.

La quantité l est ce que l’on appelle communément le spread de crédit ou encore

signature.

Ce spread reflète la qualité de crédit de l’émetteur aux yeux des investisseurs et régit les

conditions d’accès au financement sur les marchés de l’emprunteur. Il s‘agit donc d’un

indicateur intéressant à décortiquer. Malheureusement, de nombreuses études montrent que la

décomposition vue plus haut est loin d’expliquer la totalité du phénomène.

Beaucoup de chercheurs se sont essayés à résoudre cette décomposition. A un tel point que ce

problème est parfois appelé « le puzzle » ou « l’énigme du risque de crédit ». A ce jour les

auteurs qui nous semblent être les plus avancés dans cette direction sont Joost Driessen et

Frank de Jong. Un des principaux résultats de leur article de 2006 Liquidity Risk Premia in

Corporate Bond Markets est que le spread reflète le risque de crédit uniquement lorsque la

société que l’on considère est très proche du défaut.

Lorsqu’on est loin de la faillite, le spread est en grande partie expliqué par :

- un effet liquidité : non pas celui décrit usuellement comme un écart de liquidité

dans l’absolu, mais un écart de liquidité relatif au type d’obligations. En effet, une

obligation gouvernementale est en général beaucoup plus liquide qu’une obligation

corporate que l’on prend comme référence pour le taux sans risque par exemple.

Toutefois, ceci est un propos à nuancer aujourd’hui lorsque l’on voit la liquidité

sur certaines obligations souveraines de la zone euro.

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- un effet taxe (aux USA) : le second grand facteur expliquant le spread est la

différence de taxation entre les obligations souveraines et corporate aux États-Unis.

En effet, les taux de rendement des obligations sont déterminés en fonction de

l’offre et la demande. Or, les acteurs sur les marchés financiers tiennent compte

des taxes lorsqu’ils investissent et donc du fait que les obligations corporate sont

taxées au niveau fédéral, à un taux qui est variable selon l’état dans lequel on se

trouve. Ce phénomène est donc acté dans les prix et ainsi les spread.

Voici un graphique tiré de leur article illustrant leur décomposition des spread pour les USA.

Les données utilisées sont des données mensuelles concernant les obligations des indices

obligataires de Lehman Brothers par Datastream sur une période de 1993 à 2002.

La courbe bleue représente la prime de risque en fonction de la maturité et du rating. Les

barres de couleur représentent le résultat de la décomposition en différents facteurs (vus plus

haut) de cette prime : l’effet liquidité en jaune, l’effet taxe en vert, et la composante risque

stricto sensu en rouge.

Nous ne rentrerons pas dans les détails de la méthode car celle-ci fait intervenir des

instruments complexes, notamment pour la modélisation de la liquidité (proposée

originalement par Yakov Amihud en 2002).

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Les auteurs semblent à arriver à expliquer une majorité de la prime de risque de leur

échantillon grâce à leur modèle.

Cependant, il n’a à ce jour pas été trouvé d’équivalent en Europe à l’effet taxe aux USA. Mais

les auteurs de l’article ont quand même essayé de faire le même travail pour cette zone.

Voici leur résultat pour cette zone.

Le pourcentage d’information expliqué par le modèle est nettement moins élevé que

précédemment, ce qui limite la pertinence du modèle dans le cadre de notre utilisation.

Avantages

- La méthode propose une décomposition pertinente du spread.

Limites

- En Europe, il n’y a pas d’équivalent à l’effet taxe aux États-Unis.

- Cette méthode n’est qu’une tentative d’explication très théorique du spread de crédit.

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Verdict

C’est une méthode qui aurait mérité que l’on s’y attarde même s’il s’agit de travaux récents et

pas totalement aboutis. Néanmoins l’absence d’effet taxe en Europe nous contraint à choisir

une autre voie étant donné que les investissements de Covéa Finance sont essentiellement

concentrés en Europe.

Le modèle n’a pas été retenu.

3.B. La modélisation des migrations

Récemment, des chercheurs se sont penchés sur la prévision des migrations de rating. Pour

cela, ils se sont basés sur les historiques de notation des agences et ont tenté de modéliser de

manière statistique les migrations comme un processus à saut dans le cadre de la théorie des

modèles de durée.

Avantages

- La méthode propose une modélisation du risque de procyclicité inhérent au processus de

notation qui est un des risques majeurs auquel sont soumises les sociétés de gestion (voir

partie II Chapitre 1.C.)

Limites

- Les modèles de durée utilisés sont construits à partir d’énormément de données censurées.

En effet, beaucoup d’entreprises existent avant l’apparition des notations (historique

incomplet), certaines entreprises ne sont créées ou notées qu’après (historique plus faible),

etc… Ainsi les résultats que l’on pourrait tirer de telles études seraient très discutables.

Verdict

Ce type de modèle pourrait donner lieu à une étude statistique très intéressante d’un point de

vue théorique mais nous doutons de la compatibilité des résultats que l’on obtiendrait de cette

manière avec la réalité.

Le modèle n’a pas été retenu.

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Partie II

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Partie II : La calibration du modèle interne

Nous venons de faire le tour d’horizon de la littérature financière concernant le risque de

crédit en essayant d’être le plus exhaustif possible. Il est temps maintenant de passer à la

construction de notre modèle interne.

Pour cela il faut choisir une approche en accord avec notre conception du risque de crédit.

En cette période de crise, les agences de notation soufflent le chaud et le froid sur les

marchés. C’est donc un paramètre essentiel à prendre en compte dans notre modèle.

Dans le chapitre 1, nous évoquerons le rôle des agences de notation sur les marchés

financiers.

Dans le second chapitre nous ferons un récapitulatif de nos décisions concernant le choix

du modèle en passant en revue toutes les parties « Verdict » de la partie 1.

Nous détaillerons le fonctionnement et la calibration de notre modèle pas à pas dans le

chapitre 3. Celui-ci étant très dense, il sera précédé d’un résumé pour permettre une plus

grande facilité de compréhension.

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41

Chapitre 1 : Les agences, un facteur essentiel à prendre en compte

1.A Historique

Les agences de notation sont des entreprises ayant pour mission de donner à des émetteurs de

dette des notes reflétant leur risque de crédit. Les trois plus grandes agences au monde sont

Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s.

Ces agences de notation soufflent le chaud et le froid sur les marchés ces derniers mois. Pour

mieux comprendre comment ces institutions ont pu devenir aussi puissantes, faisons un petit

récapitulatif historique.

Les agences ont été créées au début du 20ème

siècle et ont gagné rapidement en influence sur

les marchés financiers. En effet, elles sont devenues rapidement des références dans la mesure

où le périmètre d’investissement de nombreux investisseurs est déterminé de manière

officielle par leur notation. Par exemple, dès les années 30 on mentionne les agences dans les

textes de lois comme le « banking act » qui entre autre interdit aux banques de détenir une

majorité de valeurs trop mal notées (valeurs spéculatives). Cette interdiction sera étendue aux

assurances peu de temps après dans les années 40.

1.B Le processus de notation

La démarche de se faire noter est volontaire en général (exception faite des « notations

sauvages » qui peuvent être attribuées sans demande préalable de l’émetteur). De plus une

entité émettant une dette sur le marché voulant se faire noter doit payer une agence à cette fin.

Comment sont calculées ces notes ?

De manière très schématique, on peut considérer que les notes données sont le fruit d’une

moyenne pondérée entre deux notes, une note quantitative et une note qualitative.

La note quantitative provient du résultat d’un modèle type « Z- Score d’Altman » qui consiste

à effectuer une régression linéaire sur des ratios financiers ou macro-économiques pour

déterminer la santé financière de l’entreprise ou du pays.

La note qualitative quant à elle est produite par des analystes.

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Comment s’articule la grille de notation ?

Les notations sont différentes pour chacune des 3 agences les plus connues. Malgré cela, les

structures de notation se ressemblent beaucoup. Elles vont de manière décroissante de AAA

(Standard & Poor’s et Fitch) ou Aaa (Moody’s) à C (Moody’s) ou D (Standard & Poor’s et

Fitch) :

Moody’s Standard & Poor’s Fitch

Aaa AAA AAA

Univers

d’investissement

Aa1 AA+ AA+

Aa2 AA AA

Aa3 AA- AA-

A1 A+ A+

A2 A A

A3 A- A-

Baa1 BBB+ BBB+

Baa2 BBB BBB

Baa3 BBB- BBB-

Ba1 BB+ BB+

Univers spéculatif

Ba2 BB BB

Ba3 BB BB

B1 B+ B+

B2 B B

B3 B- B-

Caa1 CCC+

CCC

Caa2 CCC

Caa3 CCC-

Ca CC

C

C

D

DDD

\ DD

\ D

N.B. : Nous n’en avons pas fait mention jusqu’ici mais il existe 2 notations : une notation

court terme et une notation long terme. Nous avons omis ce point jusqu'à présent et ne

reviendrons plus sur cette distinction car il sera question dans ce mémoire uniquement

de notation long terme.

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1.C Les reproches faits aux agences

Les agences sont censées essentiellement aider à réduire l’asymétrie d’information entre

prêteurs et emprunteurs. Cependant, elles sont loin de faire l’unanimité. On leur reproche

même d’être en partie responsable des turbulences agitant les marchés ces dernières années.

Examinons cette controverse.

On reproche aux agences souvent 3 choses.

i. Les agences sont au cœur d’un conflit d’intérêt

Le fait que la démarche de notation soit volontaire et payante laisse planer un doute sur

l’impartialité des agences d’autant plus qu’il s’agit de leur principale source de revenu. Les

émetteurs sont des clients, et il n’est pas rare de voir des entreprises arrêter de se faire noter

lorsqu’elles ne sont pas satisfaites de leur note. On peut même avoir une estimation chiffrée

de ce phénomène : Moody’s stocke cette information dans la catégorie « withdrawn

rating » qu’elle publie mensuellement dans ses rapports.

Voici un extrait du rapport de Juillet 2011 qui donne la probabilité qu’un investisseur d’un

rating donné suspende sa notation au cours de la période août 2011 – juillet 2012 calculée à

partir d’un historique d’arrêt de notation d’une dizaine d’année :

Notation Moody’s Probabilité d’arrêter la notation au cours de l’année

Aaa 3.5%

Aa1 5.4%

Aa2 6.4%

Aa3 7.4%

A1 7.2%

A2 6.3%

A3 6.4%

Baa1 5.3%

Baa2 5.9%

Baa3 5.6%

Ba1 8.6%

Ba2 9.1%

Ba3 9.4%

B1 12.9%

B2 12%

B3 13.8%

Caa1 14.3%

Caa2 15.2%

Caa3 19%

Ca 20.5%

Le tableau ci-dessus montre bien que les suspensions de notation sont bien réelles et que leur

probabilité croît globalement lorsque que le rating baisse. Les émetteurs ont ainsi un moyen

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de pression sur les agences et n’hésitent pas à s’en servir. On est donc en droit de se demander

si les agences ne notent pas parfois de manière complaisante pour préserver la relation client.

ii. Les agences amplifient les crises en générant de la procyclicité

On pourrait résumer cet écueil en un mot : autoréalisation. L’importance des agences s’est

accrue à un tel point que leur notation interfère avec la qualité du crédit de l’émetteur.

Plaçons nous sur le marché des taux. Les investisseurs institutionnels représentent plus de

80% des investisseurs du marché et leur univers d’investissement est cantonné à l’ « univers

d’investissement » défini plus haut.

Lorsqu’une valeur est dégradée dans l’univers spéculatif, plus de 80% du marché n’a plus le

droit de la détenir. Il s’ensuit une vente massive faisant augmenter brutalement les taux

auxquels l’émetteur peut se financer, aggravant sa situation. La probabilité de défaut

augmente donc, de même que la probabilité d’une nouvelle dégradation.

iii. Les agences sont en retard et déconnectées des fondamentaux

Pour illustrer ce défaut, nous prendrons pour exemple la faillite de la compagnie Enron en

2001 : les agences ont maintenu le bon rating de cette société jusqu’à 4 jours avant sa faillite.

1.D Les difficultés de la notation

En dehors du défaut de la section i ci-dessus qui est de nature morale, les deux autres défauts

des agences sont liés à la notation uniquement. Ces phénomènes semblent toucher toutes les

agences, on peut donc se demander s’il est réellement possible de capturer la qualité de crédit

d’un émetteur. Pour cela, étudions de manière plus approfondie le processus de notation.

Il existe 2 types de méthodes pour évaluer la qualité d’un émetteur :

la méthode PIT (Point In Time).

la méthode TTC (Through The Cycle).

Alors que la première vise à effectuer une évaluation ponctuelle, la seconde utilisée par les

agences vise à ne retenir pour l’évaluation que les composantes de long terme et donc à se

décorréler vis-à-vis des cycles économiques.

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Voici de façon schématique (en vert) la notation PIT théorique (sensible aux cycles) et en bleu

la notation TTC théorique (insensible aux cycles).

Une agence ne peut pas utiliser la méthode PIT et ainsi contraindre les investisseurs

institutionnels à sans cesse réallouer leur portefeuille. Cependant dans la pratique la méthode

TTC est difficilement applicable : comment déterminer de manière certaine qu’une difficulté

financière est passagère ou permanente ? Comment savoir dans quelle phase d’un cycle on se

trouve ? Comment mesurer la durée d’un cycle ?

Toutes ces incertitudes peuvent provoquer le phénomène ci-dessous qui peut parfois être

interprété comme un retard des agences, ou une décorrélation vis-à-vis des fondamentaux :

On voit ici que le rating TTC de l’agence (en rouge) est en moyenne égal au rating TTC

théorique, mais qu’il est toujours en retard par rapport à la courbe bleue (notation PIT

ponctuelle) et instable.

On peut réhabiliter en partie les agences en se penchant sur la philosophie des méthodes

utilisées, néanmoins elles restent une source de risque conséquente dans la mesure où malgré

les incertitudes sur la qualité de leur notation, elles définissent le périmètre d’investissement

de nombreux investisseurs.

Le modèle que l’on choisira à partir du panel décrit dans la partie I se devra donc de tenir

compte de ce phénomène.

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Chapitre 2 : Le choix du type de modèle

Nous allons dans ce chapitre passer en revue les « verdicts » de la partie I.

Modèles structurels stricts

Modèle de la valeur de la firme

× Le modèle est très simpliste et ne tient pas compte du risque de

dégradation qui fait partie de nos préoccupations majeures,

× Le modèle nécessite de disposer d’une nappe de volatilité que l’on

puisse mettre à jour facilement pour pouvoir faire diffuser les prix des

sous-jacents et valoriser les options, ce qui est impossible sans une

équipe de traders.

CreditMetrics

C’est le modèle vers lequel s’est orienté notre choix. En effet, la

compréhension du modèle dans ses grandes lignes est assez

simple. De plus il tient compte du risque de migration de notation

qui nous semble primordial compte tenu de la situation actuelle

des marchés.

Modèle à intensité

CreditRisk+

× Ce modèle aurait pu être choisi mais sa complexité le rendrait

difficile d’accès.

Modèle économétrique

CreditPortfolioView

× Le concept est intéressant et en phase avec l’approche macro-

économique de la société de gestion. Cependant il nécessite de pouvoir

faire des prévisions macro-économiques quantitatives précises ce qui

n’est pas une tâche aisée.

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Modèles avancés

Modèles Mixtes

× Même reproche qu’au modèle de la firme

× Le gain en simplicité n’est pas suffisamment important vis-à-vis

de la rigidité apportée

Modèles stratégiques

× L’idée est intéressante mais nous manquons de recul par rapport

aux résultats de cette méthode pour risquer de la mettre en place.

Modèles de la firme « raffinés »

× Le modèle serait difficile d’accès en raison de sa complexité

Modèles empiriques

Décomposition du Spread

× C’est une méthode qui aurait mérité que l’on s’y attarde même

s’il s’agit de travaux récents et pas totalement aboutis.

Néanmoins l’absence d’effet taxe en Europe nous contraint à

choisir une autre voie étant donné que les investissements de

Covéa Finance sont essentiellement concentrés en Europe.

Modélisation des migrations de notation

× Ce type de modèle pourrait donner lieu à une étude statistique

très intéressante d’un point de vue théorique mais nous doutons

de la compatibilité des résultats que l’on obtiendrait de cette

manière avec la réalité.

Nous allons donc choisir l’approche de JP Morgan : CreditMetrics

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Chapitre 3 : Le modèle vu en détail

Résumé du chapitre

Ce chapitre a pour but d’expliquer pas à pas les étapes de calcul du modèle, les méthodes

utilisées et les hypothèses choisies.

Le contexte :

A ce stade on dispose d’un portefeuille obligataire dont on veut déterminer le risque de

crédit en déterminant la distribution de son rating et de sa valeur dans un an.

Nous allons décrire le portefeuille sur lequel on va travailler aux pages 50 et 51.

Ensuite nous procéderons en deux étapes.

- 3.A : nous allons expliquer comment déterminer la distribution du

rating du portefeuille à un an

- 3.B : nous allons calculer des courbes de taux nécessaires à

l’estimation de la valeur de marché du portefeuille à un an

(L’estimation sera détaillée dans la partie 3 chapitre 2.A) .

3.A La simulation des changements de rating

Dans le paragraphe 3.A le but est de déterminer comment simuler la notation du

portefeuille dans un an.

Pour cela, les données dont on se sert sont essentiellement une matrice de probabilités de

transition (à un an) d’une note à une autre pour un émetteur, fournie par Moody’s.

Étant donné qu’il existe une corrélation entre les migrations de chacun des émetteurs en

portefeuille, il nous faudra pour simuler les changements de ratings simuler des lois

discrètes corrélées. Ceci n’est pas aisé.

Nous utiliserons donc une méthode indirecte en simulant des lois gaussiennes dont les

paramètres seront calculés à partir de rendements de cours d’actions ou de rendements de

génériques de taux. On calibrera des seuils de transitions, et lorsque la valeur des lois

normales simulées franchira un seuil, cela occasionnera une migration de notation.

(Ceci n’est évidemment pas exact, on devrait calibrer nos lois avec des paramètres reflétant

la réelle corrélation entre les migrations des émetteurs. Cependant, cette quantité étant très

difficilement estimable, la méthodologie que l’on utilise ici est un pis-aller largement toléré

et utilisé dans la littérature financière.)

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3.B La modélisation des courbes zéro-coupon

A cette étape du modèle, on dispose en théorie de z scénarii d’évolution de rating pour

chaque obligation du portefeuille.

On va donc chercher les z valeurs du portefeuille correspondantes. Pour cela, il nous faut

évaluer chaque obligation. Il nous faut donc :

- une matrice de taux de recouvrement venant de Moody’s qui nous sert

à connaître la valeur moyenne du flux reçu en cas de défaillance

- une courbe de taux zéro-coupon forward par rating, qui nous

permettra d’actualiser les flux des obligations et de calculer leur prix.

La matrice de taux de recouvrement est à notre disposition, mais nous calibrerons nous-

même ces courbes zéro-coupon. Cela sera l’objet de la section 3.B. toute entière. Nous

utiliserons un modèle paramétrique : celui de Nelson et Siegel, que l’on estimera à partir

d’un panier obligataire sous-jacent à un indice propriétaire, un indice Iboxx.

Pourquoi des courbes zéro-coupon ?

Nous ne disposons pas à proprement parler de « pricer » donc nous calculerons les prix des

obligations en actualisant leurs flux « simplifiés » à l’aide de courbes zéro-coupon : nous

les flux des obligations ayant des clauses spéciales seront approchées (on effectue un

« mapping » du portefeuille), mais nous détaillerons ce point en Partie 3 Chapitre 2. A.

Pour une obligation donnée, on actualise la même série de flux avec des courbes de taux

dépendant du rating du scénario considéré. Ainsi selon le scénario envisagé, la valeur de

chaque titre sera d’autant moins élevée que sa note dans un an sera basse.

Mais tout d’abord décrivons les données qui seront utilisées.

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Description du portefeuille

Notre objectif est de quantifier le risque de crédit d’un portefeuille obligataire à un horizon

donné.

L’exemple sur lequel on testera notre modèle sera un portefeuille adossé à des engagements

d’assurance vie ayant subi un retraitement que l’on verra plus tard (Partie 3 Chapitre 1.A).

Voici ce que l’on désignera par la suite par « portefeuille obligataire » :

Obligation 1 Obligation 2 Obligation 3 Obligation 4 . . . Obligation n

Maturité 1 Maturité 2 Maturité 3 Maturité 4 . . . Maturité n

Rating 1 Rating 2 Rating 3 Rating 4 . . . Rating n

Coupon 1 Coupon 2 Coupon 3 Coupon 4 . . . Coupon n

Type 1 Type 2 Type 3 Type 4 . . . Type n

Taux de

Recouvrement

1

Taux de

Recouvrement

2

Taux de

Recouvrement

3

Taux de

Recouvrement

4

. . .

Taux de

Recouvrement

n

Exposition 1 Exposition 2 Exposition 3 Exposition 4 . . . Exposition n

Prix 1 Prix 2 Prix 3 Prix 4 . . . Prix n

Numéro de

l’émetteur 1

Numéro de

l’émetteur 2

Numéro de

l’émetteur 3

Numéro de

l’émetteur 4 . . .

Numéro de

l’émetteur n

Il s’agit d’un ensemble d’obligations (qu’on appellera indifféremment titre, ligne de crédit ou

encore actif) qui correspondent chacune à un vecteur de 8 variables.

Maturité : le nombre d’années avant l’échéance, arrondi à la valeur entière la plus

proche.

Rating : le rating de l’émetteur du papier par Moody’s.

Coupon : le taux de coupon que rapporte l’obligation.

Type : variable indiquant si l’émetteur est une société financière, un corporate, ou

un souverain (ou proxy d’un souverain; pour plus de détails, voir Partie 2 Chapitre

3.B.2.b.iii).

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Le taux de recouvrement : il s’agit, comme son nom l’indique, du taux de

recouvrement en cas de défaut. On le détermine à partir de la séniorité du titre et

du tableau de correspondance suivant.

Séniorité de la dette Taux de Recouvrement

Senior Garantie 52.3%

Senior Non Garantie 36.4%

Senior Subordonnée 31.7%

Subordonnée 32.0%

Junior subordonnée 24.0%

Il s’agit de la moyenne des taux de recouvrement de 1982 à 2008, en fonction de la séniorité

de la dette obtenus par Moody’s à partir des moyennes de valeurs de marché post-défaut

d’instruments de crédit sur 30 jours. Cette matrice est ancienne mais cela n’est pas

problématique dans la mesure où il semble raisonnable de penser que cette quantité est stable

dans le temps.

Exposition : le montant facial de la dette que l’on détient.

Prix : le prix pied de coupon de l’obligation.

Numéro de l’émetteur : il s’agit du numéro de l’émetteur de l’obligation que l’on

trouve dans le tableau de correspondance suivant.

N° de l’émetteur Nom de l’émetteur Rating

1 Nom 1 Rating 1

2 Nom 2 Rating 2

. . . . . . . . .

m Nom m Rating m

« Nom de l’émetteur » correspond au nom de la société ou du pays émetteur de l’obligation.

Le tableau ci-dessus répertorie les émetteurs en portefeuille et leur attribue un numéro et leur

rating. Cette table est indispensable, car il est courant de détenir des obligations de

caractéristiques différentes mais ayant le même émetteur. Ainsi grâce à elle, lorsque l’on fera

des simulations de changement de rating, on pourra s’assurer que les obligations d’un même

émetteur subiront les mêmes modifications de notation si un changement de rating se produit.

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3.A La simulation des changements de rating

3.A.1 La matrice de transition

Afin de simuler les changements de rating nous allons utiliser la même approche que dans

CreditMetrics : nous allons utiliser des chaines de Markov.

Pour utiliser des chaines de Markov il nous faut disposer d’une matrice de transition, c'est-à-

dire disposer d’une matrice contenant les probabilités de passage d’un état du monde à un

autre (où les états du monde sont ici les notations).

Aaa Aa A Baa Ba B Caa-C D

Aaa

Aa

A

Baa

Ba

B

Caa-C

D 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 100%

Les agences sont les plus à même de fournir ce type de données car elles disposent d’un

historique extraordinairement long comparé aux autres acteurs sur le marché. Nous utiliserons

donc leur matrices, et en l’occurrence une matrice de transition de Moody’s publiée en Juillet

2011 :

Aaa Aa A Baa Ba B Caa D

Aaa 82,1% 13,5% 2,1% 0,5% 0,5% 0,5% 0,7% 0,2%

Aa 0,5% 75,3% 18,7% 1,8% 0,9% 0,9% 1,3% 0,4%

A 0,4% 1,5% 88,0% 6,3% 1,2% 1,0% 1,3% 0,3%

Baa 0,3% 1,0% 3,3% 90,1% 2,7% 1,1% 1,1% 0,3%

Ba 0,4% 1,5% 1,4% 6,8% 80,1% 7,1% 2,1% 0,5%

B 0,6% 1,9% 1,9% 2,2% 5,3% 78,5% 8,1% 1,5%

Caa 0,7% 2,2% 2,2% 2,2% 2,4% 9,2% 74,3% 6,9%

D 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 100%

Ce n’est pas la matrice telle que l’agence l’a publiée. Elle a subi un retraitement qui est

expliqué en détail dans l’annexe 1.A. Il s’agit de l’estimation des probabilités de transition sur

la période août 2011-juillet 2012 prévues par Moody’s à partir de la méthode dite « des

cohortes », sur un historique de données de défaillance mensuelles d’une profondeur de 12

ans.

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3.A.2 Calcul des seuils

Nous voulons simuler de manière stochastique des chaînes de Markov. Nous allons donc

chercher à simuler des variables aléatoires discrètes. Nous allons partager l’espace des valeurs

que peuvent prendre les variables aléatoires en zones ayant pour probabilité les probabilités de

migration vers les états possibles de l’univers. Ainsi, suivant la valeur de la simulation, on

saura quel sera le nouveau rating correspondant.

Faisons un exemple à une dimension.

Considérons un portefeuille contenant une obligation Baa. Voici ses probabilités de migration

à un an (voir la matrice de Moody’s plus haut).

Aaa Aa A Baa Ba B Caa D

Baa 0,3% 1,0% 3,3% 90,1% 2,7% 1,1% 1,1% 0,3%

Supposons que l’on utilise une variable aléatoire X pouvant prendre ses valeurs dans

l’intervalle . Il nous faut trouver une partition telle que :

Un moyen simple de parvenir à ce résultat est de procéder au découpage suivant :

Les seuils étant obtenus en résolvant le système de 7 équations suivant :

Avec la fonction inverse de la fonction de répartition de la variable X.

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N.B. : , ainsi n’existe pas, ce qui explique le fait que le nombre

d’équations soit égal à 7 alors qu’il y a 8 ratings possible (voir p.21).

La partition est représentée sur le schéma ci-dessus pour plus de clarté. Lorsqu’on simule la

variable aléatoire X, suivant la partition dans laquelle se trouve la valeur simulée, on obtient

le rating dans un an de l’émetteur.

Exemple : si la valeur de la simulation se trouve entre et c'est-à-dire dans , cela veut

dire que le titre migrera au cours de l’année de la note Baa à la note Ba.

La corrélation

Jusqu’à maintenant nous nous sommes placés dans le cadre unidimensionnel et nous avons

supposé X quelconque. Dans le cas multidimensionnel, il faut tenir compte de la corrélation

des migrations des émetteurs. Pour faciliter l’introduction de ce facteur, nous choisirons une

structure gaussienne.

Pourquoi devrait-il y avoir une corrélation entre les migrations ?

La corrélation vient du fait que les actifs que l’on détient en portefeuille réagissent à un

ensemble commun de facteurs (taux de change, facteurs macro-économiques, …) et à un

ensemble de facteurs spécifiques : certaines entreprises ont des relations commerciales très

fortes, ainsi une baisse de la qualité de crédit de l’un peut se propager au sein d’un même

secteur par exemple. Dans notre étude nous n’avons pas fait la différence entre les facteurs

communs et les facteurs spécifiques.

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3.A.3 La calibration des vecteurs gaussiens

Pour simuler les migrations de ratings nous allons simuler un vecteur gaussien dont chaque

composante correspondra à un émetteur. On calculera les seuils de transition vus plus haut et

nous déterminerons grâce à eux les migrations.

En résumé

On dispose de la liste des émetteurs en portefeuille et de leur rating correspondant :

N° de l’émetteur Nom de l’émetteur Rating

1 Nom 1 Rating 1

2 Nom 2 Rating 2

. . . . . . . . .

m Nom m Rating m

On va simuler un vecteur gaussien multidimensionnel (qui sera comme on va le

voir interprétable comme un vecteur dont chaque composante est un rendement) :

avec la loi normale de moyenne et de variance .

On va calculer pour chaque émetteur i les seuils de transition avec

– , que l’on aura calculés à partir

de la méthode vue précédemment.

En fonction de la valeur de chaque composante , et de sa position par rapport

aux seuils, on déterminera le nouveau rating simulé de chaque émetteur.

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Ainsi il ne nous reste plus qu’à calibrer les lois normales pour pouvoir simuler les ratings.

Comment calibrer les paramètres de la loi ?

Nous allons calibrer les paramètres à partir de rendements actions ou de taux Ceci n’est

évidemment pas exact, on devrait calibrer nos lois avec des paramètres reflétant la corrélation

réelle entre les migrations des émetteurs. Cependant cette quantité étant très difficilement

estimable, la méthodologie que l’on utilise ici est un pis-aller largement toléré et utilisé dans

la littérature financière : ceci peut se justifier si on se place dans le cadre du modèle de

Merton où c’est la variation de l’actif qui déclenche le défaut. Commençons par les émetteurs

possédant un cours action, le cas le plus simple.

Les émetteurs cotés sur le marché action

Nous allons utiliser pour cette catégorie les rendements journaliers actions sur une période de

4 ans.

Concrètement, soient et les séries des cours de clôture quotidiens des actions

des émetteurs i et j.

Le rendement journalier de l’action de l’émetteur i au t-ème jour de cotation de la période est

défini par :

.

On procède à un lissage sur chaque semaine pour réduire le bruit de la série. Ainsi on définit

la quantité la moyenne des rendements journaliers de l’action de l’émetteur i sur la

semaine k :

.

Matrice de covariance

C’est à partir des et

que l’on va estimer notre covariance,

.

Si on note le nombre de semaines contenues dans la période de 4 ans que l’on utilise, on

peut écrire :

.

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Moyenne

On peut prendre une moyenne nulle : une translation de la distribution de la loi simulée n’aura

pas d’effet car les seuils calculés se retrouveraient translatés de la même manière.

Les émetteurs non cotés sur le marché action

La méthode précédente est applicable lorsque l’on dispose d’un cours action. Lorsque

l’émetteur de l’obligation est un état (govies ou société avec garantie explicite de l’état) il

n’est pas possible d’appliquer le même raisonnement.

En effet, on est soumis au problème du roulement des obligations : Bloomberg ne garde pas

de trace des prix des obligations échues. Le seul cours conservé et sur lequel on peut se baser

est le cours du générique de taux de Bloomberg (historique du taux de rendement interne,

notion définie page 37 sous le nom de « rendement »). Bloomberg fournit des génériques par

état pour diverses maturités. Le plus souvent on dispose des taux 2 ans, 5 ans, 7 ans, 10 ans,

15 ans, 20 ans et 30 ans.

Ainsi, si on a une obligation de la SNCF de maturité 9 ans, nous utiliserons pour calculer les

coefficients de variance et covariance correspondants le générique le plus proche, à savoir

celui du taux 10 ans français.

Cependant, étant donné que les coupons n’ont pas toujours été les mêmes dans le passé, il

n’est pas possible d’obtenir un équivalent en prix.

Nous allons donc devoir raisonner en taux : nous utiliserons le même raisonnement que

précédemment en remplaçant dans les expressions par .

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58

Les taux et les prix variant en sens opposés il nous sera impossible de calculer une matrice de

variance-covariance globale. Il faudra simuler 2 vecteurs gaussiens : un pour les émetteurs

bénéficiant d’un cours action (qui constitueront ce que l’on appellera « portefeuille

corporate ») et ceux qui n’en possèdent pas (qui constitueront le « portefeuille

gouvernemental »).

3.B La modélisation de l’impact sur le portefeuille

Le prix théorique d’une obligation est égal à la somme des valeurs actualisées des flux qu’elle

engendrera dans le futur. Une migration de rating d’un émetteur n’impacte pas l’échéancier

des flux de ses obligation. Nous modéliserons donc les conséquences du déclassement ou du

surclassement d’un émetteur par une modification des taux utilisés pour les calculs

d’actualisation.

Deux choix s’offrent à nous : on peut calculer une courbe de taux sans risque et calculer un

spread qui s’écartera ou se resserrera au rythme des changements de notations. Cependant,

cette méthode impliquerait de pouvoir isoler le taux sans risque et le spread de manière assez

précise. Hors, comme on l’a vu dans le paragraphe sur le puzzle du spread de crédit dans la

partie I, il s’agit d’une tâche loin d’être facile.

Nous opterons donc pour la modélisation de courbes de taux d’actualisation incorporant déjà

un spread de crédit. Nous construirons une courbe de taux par catégorie de risque, et ainsi une

migration entrainera une modification du taux d’actualisation et ainsi une variation du prix.

Comment construire les courbes de taux ?

Nous utiliserons un panier d’obligation dont on décrira la constitution plus loin. On le

scindera en plusieurs classes de risque puis ensuite construirons une courbe zéro-coupon pour

chacune de ses classes à partir des titres composant cette classe.

On définira une classe de risque par :

1. un rating : Aaa, Aa, A, Baa, Ba, B, Caa-C

2. et un type : Gouvernemental (govies ou proxy d’un état), bancaire, corporate (société

non financière)

(La notion de « type » sera vue en détail plus loin lors de la description de l’échantillon

servant à la calibration des courbes de taux par le modèle de Nelson-Siegel en 3.B.2.b.iii).

Ce qui fait un total de 21 courbes de taux.

Étant donné que ce qui nous intéresse ici est plus de savoir comment se positionnent les

courbes les unes par rapport aux autres que leur niveau absolu. On optera donc pour un

modèle paramétrique. Étant donné que le modèle de Nelson-Siegel prend en compte un

nombre réduit de paramètres facilement interprétables financièrement, nous avons préféré

cette méthode à d’autres plus compliquées.

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59

Quelle méthodologie allons-nous employer ?

On cherche à évaluer la valeur de notre portefeuille dans un an, on aura donc besoin de

courbes zéro-coupon forward pour pouvoir actualiser les flux futurs des obligations que l’on

possède.

Nous procéderons de la façon suivante pour les obtenir.

1. Estimation du modèle de Nelson-Siegel à partir d’un échantillon de n obligations

avec :

- , la maturité du titre en années

- Et , le taux de rendement interne (« yield to maturity ») de l’obligation i, c'est-

à-dire le taux d’actualisation solution de l’équation égalant la valeur de marché du

titre (coupon couru inclus) et sa séquence de flux futurs actualisés :

Avec les flux futurs de l’obligation i.

Dans le cas d’un coupon fixe nommé on aurait par exemple .

2. Calcul de la courbe forward à partir de la courbe spot obtenue à l’étape 1.

3. Extraction des taux zéro-coupon à partir de la courbe forward par la méthode du

Bootstrap (ou méthode de proche en proche).

Nous ne détaillerons pas la méthode du Bootstrap dans ce document. La méthode étant très

classique, la documentation à ce sujet est abondante et on peut trouver sa définition dans

n’importe quel cours de mathématiques financières.

Tout d’abord voyons en détail comment fonctionne ce modèle.

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60

3.B.1 Le modèle de Nelson-Siegel

Le modèle propose de modéliser les courbes de taux spot zéro-coupon par la fonctionnelle

suivante :

Avec : des paramètres à estimer.

A partir de cette expression on peut obtenir l’expression des taux forward à un an (qui est très

simple d’ailleurs) en dérivant l’expression ci-dessus:

Cette expression est importante car c’est cette courbe que l’on utilisera.

En effet notre but est de pouvoir calculer la valeur du portefeuille dans un an. Il nous faut

donc pouvoir évaluer le portefeuille dans le futur et donc de disposer de courbes forward.

Quel est l’intérêt de ce modèle ?

L’intérêt de ce modèle réside dans le fait qu’il peut capturer aisément un grand nombre de

formes que l’on retrouve dans les courbes de taux, et cela avec un nombre réduit de facteurs

contrairement à d’autres méthodes plus sophistiquées comme celle des splines.

De plus les 4 paramètres sont facilement interprétables :

: représente la composante constante (long terme) de la courbe.

: le paramètre correspond à la composante court terme de la courbe. Le

terme qu’il pondère dans l’équation vue plus haut commence à 1 en 0 et

décroît de manière rapide et monotone jusqu’à 0.

: le paramètre correspond à la composante long terme de la courbe. Le

terme qu’il pondère dans l’équation vue plus haut commence à 0 en 0, croît

puis décroît de manière rapide et monotone jusqu’à 0.

: il agit de la vitesse de décroissance des composantes. Plus le paramètre est

grand, plus la décroissance est brutale, et plus on est à même de capturer des

phénomènes de court terme. Inversement, pour des petites valeurs de on

approche mieux la réalité pour les maturités longues.

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61

Voici une illustration de la décomposition en composantes que l’on vient de voir :

La courbe de Nelson-Siegel est le résultat de la somme des 3 composantes ci-dessus.

C’est ce qui donne toute sa flexibilité au modèle. En faisant varier virtuellement les différents

paramètres on se rend compte que le modèle peut prendre en compte de nombreuses formes

de courbes différentes.

Voici un aperçu des variétés de formes de courbes que l’on peut obtenir et leur jeu de

coefficients correspondant:

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62

Ou encore :

Voici les conditions sur les coefficients permettant d’obtenir des courbes ayant les formes

exposées ci-dessus :

N° Forme de la Courbe Spot 1 2

3 Condition

1 Croissante, Concave + - + + 32

2 Croissante + - - + 32

3 Décroissante, Convexe + + - + 32

4 Décroissante + + + + 32

5 « Bosse au dessus de 1 » + + + + 32

6 « Bosse coupant1 » + - + + 32

7 « Creux » sous1 » + - - + 32

8 « Creux coupant1 » + + - + 32

Quels sont ses inconvénients ?

Malgré cet éventail de possibilités, ce modèle a un défaut majeur : on ne parvient pas à décrire

l’ensemble de toutes les courbes de taux possibles : on ne peut pas modéliser les courbes avec

« une bosse et un creux » que l’on peut rencontrer en cas de fort stress sur le court terme :

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63

On peut remédier à ce problème en utilisant le modèle de Nelson-Siegel-Svensson (appelé

encore Nelson-Siegel « augmenté ») qui introduit un facteur de courbure supplémentaire :

avec :

Le modèle de Nelson-Siegel-Svensson introduit un nouveau facteur de courbure analogue au

terme en mais avec un facteur de vitesse différent . Ainsi, si l’un des facteurs de vitesse

est très grand et l’autre très petit, il est possible de capturer les effets court terme et long terme

simultanément.

Cependant nous ne nous y intéresserons pas car on augmenterait la colinéarité entre les

paramètres et la sensibilité aux conditions initiales qui sont déjà bien présents comme on le

verra dans la prochaine section et compliquerait ainsi l’estimation du modèle.

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64

3.B.2 Estimation du modèle

3.B.2.a Méthode utilisée

Pour estimer ce modèle nous allons chercher à trouver un jeu de paramètres minimisant

l’erreur quadratique entre la courbe théorique et les observations, c'est-à-dire à calculer :

avec les maturités de chacune des obligations du panier que nous utilisons pour

construire la courbe de taux, les taux spots théoriques du modèle de Nelson-Siegel et le

vecteur des TRI empiriques (des obligations du panier).

Nous allons utiliser pour la résolution la méthode des moindres carrés non linéaires.

Voici un graphique des résidus obtenus en bloquant et en faisant varier et :

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65

La fonction objectif n’est pas convexe, il peut y avoir plusieurs minimas locaux comme on

peut le voir sur la nappe représentée ci-dessus, ou sur le graphique de lignes de niveaux ci-

contre.

Il en résulte un problème de colinéarité entre les paramètres à estimer ainsi qu’un problème de

sensibilité aux conditions initiales. En effet, plusieurs jeux de paramètres peuvent conduire à

la même erreur quadratique, ainsi suivant les valeurs initiales il est possible de converger vers

des ensembles de paramètres différents.

Il suffira donc de lancer le programme d’optimisation à plusieurs reprises et ce pour plusieurs

valeurs initiales choisies aléatoirement et conserver la solution donnant l’erreur la moins

élevée.

Si on s’intéressait à la valeur des paramètres, la colinéarité aurait été problématique. En effet,

séparer les effets des différentes composantes dans le « fit » à l’échelle globale aurait été

extrêmement complexe.

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66

3.B.2.b Les données

Nous avons pour l’instant évoqué les méthodes de calcul que l’on utilisera sur l’échantillon

sans parler de ce dernier. Nous allons nous y intéresser dans ce paragraphe.

i. Les indices Iboxx

Nous allons devoir choisir des obligations reflétant la situation des marchés financiers pour

chaque classe de risque que l’on a défini plus haut (un rating et un type). Pour cela nous

allons partir d’un panier obligataire utilisé par le fournisseur de données MarkIt pour produire

ses indices de prix « Markit Iboxx € Overall » et « MarkIt Iboxx € High Yield ».

Voici à titre d’illustration les allures des indices MarkIt cités ci-dessus :

Il s’agit d’un indice de valeur initiale 100 en 2003 calculé à partir d’un panier dont la

composition est mise à jour tous les mois et qui représente le niveau de prix des obligations à

haut rendement libellé en euro.

0

20

40

60

80

100

120

140

01

-jan

v.-0

3

01

-mai

-03

01

-sep

t.-0

3

01

-jan

v.-0

4

01

-mai

-04

01

-sep

t.-0

4

01

-jan

v.-0

5

01

-mai

-05

01

-sep

t.-0

5

01

-jan

v.-0

6

01

-mai

-06

01

-sep

t.-0

6

01

-jan

v.-0

7

01

-mai

-07

01

-sep

t.-0

7

01

-jan

v.-0

8

01

-mai

-08

01

-sep

t.-0

8

01

-jan

v.-0

9

01

-mai

-09

01

-sep

t.-0

9

01

-jan

v.-1

0

01

-mai

-10

01

-sep

t.-1

0

01

-jan

v.-1

1

01

-mai

-11

Market Iboxx € High Yield - Indice de Prix

84 86 88 90 92 94 96 98

100 102 104

01

-jan

v.-9

9

01

-ju

il.-9

9

01

-jan

v.-0

0

01

-ju

il.-0

0

01

-jan

v.-0

1

01

-ju

il.-0

1

01

-jan

v.-0

2

01

-ju

il.-0

2

01

-jan

v.-0

3

01

-ju

il.-0

3

01

-jan

v.-0

4

01

-ju

il.-0

4

01

-jan

v.-0

5

01

-ju

il.-0

5

01

-jan

v.-0

6

01

-ju

il.-0

6

01

-jan

v.-0

7

01

-ju

il.-0

7

01

-jan

v.-0

8

01

-ju

il.-0

8

01

-jan

v.-0

9

01

-ju

il.-0

9

01

-jan

v.-1

0

01

-ju

il.-1

0

01

-jan

v.-1

1

01

-ju

il.-1

1

Market Iboxx € Overall - Indice de Prix

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Quant au MarkIt Iboxx € Overall, il s’agit du même type d’indice mais calculé à partir d’un

panier d’obligations « investment grade » depuis 1999.

ii. La sélection des titres

Le choix de l’échantillon est primordial. En effet, on ne peut se permettre de prendre en

compte des titres qui ne sont pas représentatifs du marché : obligations à clauses optionnelles,

obligations illiquides, obligation trop liquides, etc…

Pour être quasiment sûr de ne retenir que des obligations dont les prix correspondent au

marché, nous n’avons retenu dans l’échantillon que les obligations vérifiant les conditions

suivantes :

- l’obligation ne doit pas disposer de clause optionnelle (possibilité de

rachat anticipé, convertible, etc…) .

- le montant en circulation doit être supérieur à 300 millions (pour assurer

une liquidité suffisante).

- le coupon doit être fixe.

- la dette doit être senior.

iii. La scission en classes de risque

Nous allons dans un premier temps scinder le panier global par rating et ainsi distinguer 7

groupes d’obligations : Aaa, Aa, A, Baa, Ba, B, Caa-C.

Ensuite au sein de chaque sous-groupe nous ferons la distinction entre 3 « types »

d’obligation :

- les bancaires (ou financières).

- les corporate.

- les gouvernementales (ou souveraines).

Dans le groupe des bancaires, nous sélectionnerons toutes les obligations émises par des

banques ou plus généralement des sociétés financières.

Derrière le sigle corporate, on trouvera toutes les obligations non bancaires non garanties par

l’état.

Et enfin, dans la catégorie des « gouvernementales », on mettra les titres souverains (appelés

dans le jargon « Govies ») et les sociétés non bancaires garanties par un état (appelées aussi

« agences » ou « proxies »).

On isole les sociétés financières car ces valeurs ont été particulièrement chahutées par le

marché ces derniers temps, et ainsi forment une classe de risque à elles toute seule.

Ce découpage étant fait, on dispose de 3 échantillons par rating, donc en tout 21 échantillons

à partir desquels on pourra estimer nos 21 courbes de taux qui nous permettront de faire

tourner le modèle.

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68

Passons à un exemple d’estimation de courbe de taux.

3.B.2.c Exemple d’application

Nous allons présenter ici en guise d’exemple la calibration de la courbe « couponnée » spot

pour les sociétés financières Aa à partir de laquelle on dérivera la courbe forward qui nous

servira à extraire les taux zéro-coupon.

La courbe rouge ci-dessus représente l’estimation du modèle de Nelson-Siegel par la méthode

des moindres carrés non linéaires sur un échantillon représenté par les « petits cercles ». Il

s’agit en fait des 37 obligations du panier : chaque point correspond à une maturité (abscisse)

et à un taux de rendement interne (ordonnée) de chacune des obligations corporate notées Aa

composant l’indice Iboxx.

La courbe bleue quant à elle représente la courbe de taux forward dans un an donnée par le

modèle. On constate sans surprise que puisque la courbe de taux spot est croissante monotone,

la courbe forward a la même monotonie et se situe au dessus de cette dernière.

Comment peut-on quantifier le résidu ?

Pour évaluer la qualité du « fit » on peut calculer l’erreur quadratique moyenne RMSE (Root

Mean Squared Error) :

avec les taux observés et les taux estimés par la méthode Nelson et Siegel, et le

nombre d’obligations du panier.

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69

Pour cet exemple nous avons obtenu :

%.

Pour que ce nombre soit plus facilement interprétable, « normalisons » cette quantité en

calculant la même chose sur un écart relatif :

On obtient ainsi :

.

Le « RMSE Normalisé » entre le modèle et les données observées s’élève à 0.44%, ce qui est

très faible et donc satisfaisant.

Nous ne nous livrerons pas ici à une batterie de tests statistiques pour déterminer si le résultat

est acceptable ou non. En effet, cela n’aurait pas de sens pour certaines courbes que l’on a

tracées : pour certaines catégories de rating l’erreur est principalement issue des données : à

ce stade du projet nous avons choisi de garder le plus de titres possibles en privilégiant la

quantité à la qualité des données malgré les inconvénients que cela entraîne.

Compte tenu de la faible volumétrie de données à notre disposition et du temps imparti il nous

a semblé préférable d’être « moins fin » dans un premier temps et d’avoir des indicateurs

reflétant le marché dans sa globalité plutôt que de faire des choix sur une base arbitraire qui

introduirait de la subjectivité et ainsi un biais dans le modèle.

Voici un exemple typique d’inconvénient que cela peut causer :

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70

Il s’agit de la courbe de taux spot « couponnée » calibrée pour les obligations souveraines Aa.

Il n’est pas nécessaire de faire de calcul pour se rendre compte que l’erreur quadratique sera

ici beaucoup plus importante que pour l’estimation précédente en raison de l’hétérogénéité de

l’échantillon.

Bien que la courbe calculée soit adaptée dans sa globalité à l’échantillon, on a l’impression

qu’elle sépare graphiquement pour les maturités courtes et moyennes (moins de 10 ans) 2

groupes d’obligations. Pour faciliter la lecture, ils ont été entourés.

En réalité ce n’est pas une impression : si on regarde de manière approfondie la composition

du panier, on s’aperçoit que les valeurs situées au dessus de la courbe verte correspondent à

des obligations italiennes et espagnoles qui subissent actuellement un très gros stress.

Supprimer un groupe ou l’autre n’aurait pas de sens car ce sont des prix qui reflètent ce que

pense le marché actuellement. Pour remédier à ce problème, il faudrait effectuer une

classification plus fine dans les classes de risque, mais nous avons décidé à ce stade du projet

de garder la courbe dans cet état.

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71

Partie III

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72

Partie III : Application du modèle à un portefeuille

Nous allons dans cette partie exposer nos résultats et les commenter.

A ce stade, nous disposons des données et des paramètres nécessaires pour étudier la

distribution du rating du portefeuille. Ce sera l’objet du chapitre 1. Nous y décrirons le

portefeuille utilisé en 1.A, commenterons les résultats obtenus pour les sous-portefeuilles

gouvernemental et corporate (1.B). Ensuite nous expliquerons en 1.C la méthode utilisée

pour produire un résultat à l’échelle du portefeuille agrégé puis son application (1.D).

Dans le chapitre 2 nous décrirons les résultats obtenus pour les pertes à horizon 1 an et

utiliserons ces derniers afin de calculer le capital économique.

Le chapitre 3 quant à lui sera consacré à la même étude à horizon 5 ans. Nous voulions

tester la robustesse du modèle par rapport au choix de l’horizon de temps. De plus, étant

donné que les Credit Default Swap de maturité 5 ans sont les plus liquides, nous en avons

profité pour comparer les taux de défaillance actés dans les prix de ces derniers aux taux de

défaillances prévus par le modèle (3.D).

Mais nous ne ferons cela qu’après avoir produit les mêmes résultats qu’aux chapitres 1 et 2

pour pouvoir vérifier la robustesse de la méthodologie.

Nous finirons (3.E) par donner des pistes d’amélioration du modèle interne.

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Chapitre 1 : Distribution du rating à 1 an

1.A Le portefeuille

Le portefeuille sur lequel nous allons tester notre modèle est un portefeuille d’actifs adossé à

des engagements d’assurance vie.

En entrée du modèle, il sera sous la forme vue plus haut (au tout début du chapitre 3) :

Obligation 1 Obligation 2 Obligation 3 Obligation 4 . . . Obligation n

Maturité 1 Maturité 2 Maturité 3 Maturité 4 . . . Maturité n

Rating 1 Rating 2 Rating 3 Rating 4 . . . Rating n

Coupon 1 Coupon 2 Coupon 3 Coupon 4 . . . Coupon n

Type 1 Type 2 Type 3 Type 4 . . . Type n

Taux de

Recouvrement

1

Taux de

Recouvrement

2

Taux de

Recouvrement

3

Taux de

Recouvrement

4

. . .

Taux de

Recouvrement

n

Exposition 1 Exposition 2 Exposition 3 Exposition 4 . . . Exposition n

Prix 1 Prix 2 Prix 3 Prix 4 . . . Prix n

Numéro de

l’émetteur 1

Numéro de

l’émetteur 2

Numéro de

l’émetteur 3

Numéro de

l’émetteur 4 . . .

Numéro de

l’émetteur n

Il contient 306 lignes ( ).

Cependant il n’est pas tout à fait exploitable en l’état.

Le nettoyage des données a consisté à supprimer :

- les obligations convertibles : il s’agit de produits très particuliers à mi-chemin entre le

marché des taux, et le marché des actions. Ne disposant pas de « pricer » en interne, et

ces actifs étant trop complexes pour que l’on puisse approcher leur prix de manière

acceptable et très simple nous avons décidé de les écarter de l’étude.

- les titres émis par les organismes supranationaux. Il n’existe pas de génériques de taux

supranationaux, ainsi il est impossible de calculer une corrélation avec les autres actifs

en portefeuille, ce qui bloque au niveau de l’étape de simulation des changements de

rating.

- les obligations émises par des entreprises non cotées : on ne peut pas trouver de titre

action correspondant, ainsi on retrouve le même problème qu’avec les supranationaux

en ce qui concerne les covariances.

- les entreprises non notées par Moody’s : l’approche est axée principalement sur la

notation, ainsi cette donnée est indispensable pour pouvoir dérouler le modèle.

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Une fois ce tri effectué, il nous reste dans le portefeuille 266 lignes obligataires, ce qui

représente en terme de valeur faciale 87% du portefeuille initial.

Notre méthodologie nous conduit à scinder le portefeuille global en une partie

« gouvernementale » (obligations gouvernementales) et une partie « corporate » (obligations

corporate et bancaires).

Ces sous portefeuilles contiennent respectivement 138 et 128 lignes, soit 72% et 28% de la

valeur en nominal du portefeuille global.

1.B La distribution du rating à 1 an

Les ratings dont l’on dispose sont des variables ordinales. Nous allons les transformer en

variables chiffrées de la façon suivante :

Note chiffrée Note de l’agence

0 D

1 Caa-C

2 B

3 Ba

4 Baa

5 A

6 Aa

7 Aaa

Ainsi un portefeuille noté 6.2 sera considéré comme un portefeuille de rating Aa.

Effectuons 80 000 simulations de changement de rating à horizon 1 an pour les 2 sous

portefeuilles. On obtient pour chaque sous portefeuille 80 000 tableaux de la forme :

N° de l’émetteur Nom de l’émetteur Rating Simulé

(Simulation n° j)

1 Nom 1 Rating Simulé 1

2 Nom 2 Rating Simulé 2

. . . . . . . . .

m Nom m Rating Simulé m

Pour chaque scénario on peut calculer un rating moyen du sous-

portefeuille sous la forme d’une moyenne des ratings pondérée par la valeur faciale de dette

correspondante :

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Voici les distributions du rating moyen à un an des deux portefeuilles issues des simulations :

Ainsi que leur moyenne et leurs quantiles à 5% et 1% correspondants :

Horizon 1 an Moyenne Quantile à 5% Quantile à 1% Portefeuille Gouvernemental Aaa (6.69) Aaa (6.6) A (4.61)

Portefeuille Corporate Aa (5.81) A (5.12) Baa (4.25)

Dans 95% des cas les plus favorables, les portefeuilles gouvernemental et corporate ne seront

respectivement pas dégradés à une note inférieure à Aaa et A. Dans 99% des cas, ils ne seront

pas dégradés à moins de A et Baa.

On remarque que la moyenne et les quantiles (à 1% et 5%) du portefeuille gouvernemental

sont plus grands que les mêmes quantités concernant le portefeuille corporate.

Ceci est tout à fait normal puisque le premier contient essentiellement des titres de pays Aaa

donc de notes plus élevées et avec un risque très faible de dégradation. Il n’est donc pas

surprenant que d’un point de vue rating le portefeuille gouvernemental apparaisse comme

moins risqué que le corporate.

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1.C L’agrégation des portefeuilles

A l’issue de l’étape précédente nous disposons des distributions des ratings des portefeuilles

gouvernemental et corporate à 1 an.

Nommons les variables aléatoires égales à leur rating dans un an respectivement

et .

Le rating du portefeuille global à un an a alors l’expression suivante :

Mais il ne faut pas oublier que le cadre de l’étude n’est pas déterministe et que les obligations

gouvernementales et les obligations corporates sont corrélées. En effet elles réagissent à un

ensemble de facteurs communs (macro-ou micro-économiques) et spécifiques. (voir p°54)

Comment introduire la corrélation ?

Nous allons encore utiliser des indices Iboxx de MarkIt. Nous utiliserons comme proxy de la

corrélation entre et la corrélation entre les indices Iboxx

Sovereign et Iboxx Corporate.

Ils représentent respectivement le niveau de prix des obligations souveraines, et celui des

obligations corporate.

Voici la représentation de ces courbes :

0

20

40

60

80

100

120

01

/07

/20

03

01

/11

/20

03

01

/03

/20

04

01

/07

/20

04

01

/11

/20

04

01

/03

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05

01

/07

/20

05

01

/11

/20

05

01

/03

/20

06

01

/07

/20

06

01

/11

/20

06

01

/03

/20

07

01

/07

/20

07

01

/11

/20

07

01

/03

/20

08

01

/07

/20

08

01

/11

/20

08

01

/03

/20

09

01

/07

/20

09

01

/11

/20

09

01

/03

/20

10

01

/07

/20

10

01

/11

/20

10

01

/03

/20

11

01

/07

/20

11

Corporate

Gouvernemental

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Nous utiliserons pour être consistant exactement la même méthode que lors du calcul des

covariances entre actifs (à partir de rendements journaliers moyennés sur la semaine sur un

historique de 4 ans) vue Partie II Chapitre 3.A.3 :

- On définit les rendements journaliers de l’indice i au jour t:

avec le cours journalier de l’indice. Les indices Iboxx ne cotent qu’une fois par jour.

- On moyenne sur la semaine de cotation :

- On calcule les coefficients de la matrice de covariance grâce à :

où est le nombre de semaines contenus dans l’historique.

Une fois cette matrice 2 x 2 calculée, nous allons pouvoir calculer par simulation la

distribution de .

- On simule autant de fois que l’on veut un vecteur gaussien de loi .

On peut à titre informatif calculer la corrélation corporate-souverain issue des indices Iboxx

grâce à la formule suivante :

On obtient :

.

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1.D La distribution du rating du portefeuille global

En agrégeant les deux portefeuilles, on obtient la distribution suivante :

Ainsi que sa moyenne et ses quantiles à 5% et à 1% correspondants :

Horizon 1 an Moyenne Quantile à 5% Quantile à 1%

Portefeuille Agrégé Aa (6.44) Aa (5.86) A (4.75)

Dans 95% des cas les plus favorables, la valeur du portefeuille ne descendra pas en dessous de

Aa. Dans 99% des cas les plus favorables, la valeur du portefeuille ne descendra pas en

dessous de A.

La notation du portefeuille agrégé est très nettement tirée par le portefeuille gouvernemental

qui représente 72% de la valeur du portefeuille global.

Globalement on remarque une asymétrie des distributions. Cet effet vient de l’asymétrie des

matrices de transition : un émetteur a très peu de chance de voir sa note revue à la hausse. En

effet, l’événement le plus probable au sein de la catégorie investment grade est de loin le

maintien du rating. Ensuite vient la dégradation.

On remarquera que la distribution ne présente pas plusieurs « bosses » alors que les

distributions des sous portefeuilles sont concentrées en des zones nettement distinctes. Ce

phénomène peut être justifié par la corrélation entre les 2 portefeuilles.

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Chapitre 2 : Distribution des pertes à 1 an

2.A Distribution des pertes

Comment allons nous évaluer les produits ?

Nous avons évoqué les courbes de taux zéro-coupon forward qui nous serviront à actualiser

les flux futurs des obligations en portefeuille et donc à les valoriser , mais nous n’avons pas

évoqué ces flux à proprement parler.

Le cas le plus simple est le cas de l’obligation « bullet » lorsque le montant des flux est connu

dès l’achat (coupon fixe, « step coupon ») :

avec : la série des versements de coupon occasionnés par le portage de

l’obligation, la courbe de taux zéro-coupon forward estimée dans le cadre du

modèle de Nelson-Siegel vu dans la partie II pour la classe de risque correspondant à

l’obligation considérée, et la maturité du titre.

Notre but premier n’étant pas de développer une librairie de pricing, nous utiliserons des

approximations pour se ramener au cas précédent.

- Les obligations à taux variables : elles seront considérées comme des obligations dont

on a verrouillé le taux de coupon dans le futur.

- Les obligations « callables » (rappelables) : elles seront évaluées dans le cas le plus

défavorable, c'est-à-dire le cas où l’obligation est rappelée uniquement à maturité

comme une obligation standard.

Comment évaluer la valeur du coupon couru ?

Pour l’instant nous avons évalué le prix pied de coupon (clean price). Il nous faut cependant

tenir compte du dirty price (prix coupon inclus) car entre aujourd’hui et la date d’évaluation

du portefeuille, un coupon court. Pour cela nous avons choisi d’additionner au prix pied de

coupon l’espérance de coupon sur cette période.

Grâce aux simulations on a 80000 ratings possibles pour chaque émetteur :

N° de l’émetteur Nom de l’émetteur Rating Simulé

(Simulation n° j)

1 Nom 1 Rating Simulé 1

2 Nom 2 Rating Simulé 2

. . . . . . . . .

m Nom m Rating Simulé m

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Ainsi pour chaque émetteur , on peut calculer une

probabilité de défaut empirique :

avec

Ainsi l’espérance du coupon versé est égal à :

avec le coupon qui devrait être versé entre aujourd’hui et l’année prochaine si

l’émetteur ne fait pas défaut (s’il fait défaut, on n’a pas du tout de coupon car c’est le capital

qui est garanti, pas les intérêts).

Ainsi le prix forward de l’obligation se calcule de la manière suivante :

avec et ayant les expressions vues plus haut.

En additionnant les prix forward des obligations présentes en portefeuille, on peut donc

calculer la valeur du portefeuille dans 1 an que l’on nommera . Disposant de la valeur du

portefeuille en date d’aujourd’hui (que l’on nommera ), on pourra calculer le rendement du

portefeuille à un an :

Pour calculer la distribution des pertes, nous prendrons pour échantillon les valeurs

simulées négatives de cette quantité :

avec

la fonction indicatrice de l’événement « le portefeuille subit une

perte à 1 an ».

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Voici la distribution des pertes potentielles des portefeuilles corporate et gouvernemental

ainsi obtenue :

Voici leur moyenne et leurs quantiles à 5% et 1% correspondants :

Horizon 1 an Moyenne Quantile à 5% Quantile à 1% Portefeuille Gouvernemental -5.39% -24.02% -41.16%

Portefeuille Corporate -3.77% -13.36% -22.21%

Le graphique montre que dans 95% des cas les plus favorables, le portefeuille

gouvernemental perdra au plus 24.02% de sa valeur contre 13.36% pour le portefeuille

corporate. Dans 99% des cas, les montants précédents s’élèveraient à 41.16% et 22.21%.

Le fait que la Value At Risk du portefeuille gouvernemental soit sensiblement inférieure à

celle du portefeuille corporate peut sembler contre intuitif au premier abord. La perte

potentielle du portefeuille gouvernemental à 1 an à un seuil de confiance de 99% est

quasiment deux fois plus grande que celle pour le portefeuille corporate. Mais il ne faut pas

oublier que les courbes de taux sont calibrées à l’aide de prix actuels.

Le marché des govies étant très stressé, on assiste ces derniers temps à un écartement global

des spread, ce qui se traduit par des taux zéro-coupon beaucoup plus élevés que ce que l’on

pourrait penser. Ainsi, les courbes de taux gouvernementales étant au dessus de celles des

bancaires et des corporate à rating égal, on obtient des pertes plus importantes pour les govies

lorsque l’on simule une même dégradation.

Ce résultat pourrait être considéré comme aberrent dans la littérature classique car une

obligation d’état est dans l’inconscient collectif moins risquée qu’une obligation corporate

voire même sans risque. Cependant ceci est en train de changer et ce résultat nous semble

donc corroborer l’état des marchés actuels.

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2.B. Calcul du capital économique

Voici la distribution des pertes potentielles du portefeuille global en agrégeant les sous

portefeuilles de la même manière que pour les ratings :

Ainsi que sa moyenne et ses quantiles à 1% et 5% correspondants :

Horizon 1 an Moyenne Quantile à 5% Quantile à 1%

Portefeuille Agrégé -3.09% -10.77% -17.67%

Le portefeuille que l’on détient peut perdre à un an dans 99% des cas les plus favorables au

plus 17.67 % de sa valeur selon le modèle, et 10.77% à 95%.

On peut remarquer ici l’effet diversification : les pertes d’un sous portefeuille peuvent être

compensées par les gains de l’autre. Ainsi le capital économique à détenir pour le portefeuille

agrégé est inférieur à celui qu’on devrait avoir pour chacun des sous portefeuilles isolément.

Calculons le capital économique idoine

On va le mesurer comme on l’a défini au début du document, dans les préliminaires à savoir

comme la différence entre la moyenne et le quantile :

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On obtient ainsi les résultats suivants :

Horizon 1 an Capital Économique en pourcentage de l’exposition

Portefeuille Seuil : 95% Seuil : 99%

Gouvernemental 18.63% 35.77%

Corporate 9.59% 18.44%

Somme des sous portefeuilles 16.10% 30.92%

Agrégé 7.68% 14.58%

La ligne « Somme des sous portefeuilles » correspond à la somme des capitaux économiques

à détenir au seuil de confiance 95% et 99% pour chacun des sous portefeuilles isolés.

Ainsi, par exemple, à 95% :

0.72 et 0.28 correspondent aux poids respectifs des sous portefeuilles gouvernemental et

corporate.

Notre modèle nous indique qu’il faut détenir 14.58% pour être solvable dans 99% des cas les

plus favorables, et 7.68% pour l’être dans 95% des cas. Le fait que ces capitaux soient

inférieurs aux montants de la même colonne mais de la ligne « Somme des sous-

portefeuilles » illustrent l’effet de la diversification. Grâce à la mutualisation des risques, on

fait diminuer les exigences réglementaire.

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Chapitre 3 : Résultats à horizon 5 ans

Étant donné que nous disposons grâce à Moody’s d’une matrice de transition à 5 ans, nous

allons pousser l’étude un peu plus loin en faisant tourner le modèle avec cet horizon de temps

pour tester sa robustesse. Nous en profiterons pour confronter nos résultats avec le marché des

CDS.

3.A Les données

Le portefeuille

Nous allons changer l’horizon de temps. Ceci posera problème dans la mesure où une grande

partie des titres en portefeuille ont une maturité inférieure à 5 ans. Si on les supprime de

l’étude, on change complètement le portefeuille (aussi bien d’un point de vue composition

que d’un point de vue sensibilité), ce qui rendra les résultats inexploitables dans la mesure où

ils ne seront pas comparables à ceux obtenus à horizon 1 an.

Nous prendrons donc comme hypothèse que lorsqu’une obligation arrive à échéance avant 5

ans, on peut racheter au pair une obligation du même émetteur versant les mêmes coupons.

Vu d’aujourd’hui cela revient à remplacer la maturité de ces obligations par :

Les taux de recouvrement

Nous supposons la matrice des taux de recouvrement stable dans le temps donc nous

utiliserons la même.

Les courbes de taux

Pour ce qui est des courbes de taux, nous avons déjà calculé les paramètres de Nelson et

Siegel. Il nous suffira donc de calculer des courbes forward à 5 ans :

avec le taux spot pour la maturité et le taux forward 5

ans pour la même maturité.

Une fois ces changements effectués il ne nous reste plus qu’à dérouler le modèle comme au

chapitre précédent.

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3.B Le rating à 5 ans

Résultat pour les sous-portefeuilles

On obtient ainsi la distribution du rating à 5 ans pour les sous portefeuilles :

Avec leur moyenne et leurs quantiles :

Horizon 5 ans Moyenne Quantile à 5% Quantile à 1%

Portefeuille Gouvernemental Aa (6.24) Baa (4.02) B (2.25) Portefeuille Corporate A (5.40) Baa (3.54) B (2.31)

Dans 95% des cas les plus favorables les portefeuilles seront au moins Baa, tandis qu’au seuil

de 99% ils seront au moins B.

Les densités de rating sont beaucoup plus étalées. On observe toujours les mêmes

caractéristiques que plus haut mais en encore plus marqué : une asymétrie à gauche et un

aplatissement très net. En effet, en 5 ans, les chances de forte dégradation sont beaucoup plus

élevées qu’à un an. De plus, les changements de notation sont asymétriques, ainsi l’asymétrie

de la distribution due à celle de la matrice de transition se retrouve accentuée par

l’allongement de l’horizon temporel, sans compter la corrélation entre les rating des émetteurs

faisant partie du portefeuille. Cette dernière fait que la probabilité d’avoir beaucoup de

dégradations simultanées est plus importante que pour une loi normale. On est en présence

d’une queue épaisse.

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Résultat pour le portefeuille agrégé

En agrégeant les résultats précédents par simulation, on obtient la distribution du rating

moyen à 5 ans du portefeuille agrégé :

Avec sa moyenne et ses quantiles :

Horizon 5 ans Moyenne Quantile à 5% Quantile à 1% Portefeuille Agrégé Aa (6.00) Baa (4.14) Ba (2.71)

Dans 95% des cas les plus favorables, le portefeuille global ne sera pas dégradé en dessous de

Baa. Dans 99% des cas il restera au moins Ba.

On retrouve les mêmes caractéristiques qu’à un an : le rating du portefeuille agrégé est tiré

par le portefeuille gouvernemental qui a la meilleure note. La principale différence réside

dans le fait que les notations financières moins élevées sont plus représentées que dans le

cadre d’une étude à horizon plus court (la queue est plus épaisse).

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3.C Les pertes à 5 ans

Résultat pour les sous-portefeuilles

Faisons l’étude de la distribution des pertes :

Avec leur moyenne et leurs quantiles :

Horizon 5 ans Moyenne Quantile à 5% Quantile à 1%

Portefeuille Gouvernemental -10.23% -35.53% -43.89% Portefeuille Corporate -7.05% -22.48 -32.68%

Dans 95% des cas les plus favorables, on ne perdra pas plus de 33.53% sur le portefeuille

gouvernemental, et pas plus de 22.48% pour le portefeuille corporate. Au seuil de 99%, ces

montants sont respectivement égaux à 43.89% et 32.68%.

En mesurant l’écart entre la moyenne et les quantiles, on obtient le montant en capital

économique à détenir :

Horizon 5 an Capital Économique en pourcentage de l’exposition

Portefeuille Seuil : 95% Seuil : 99%

Gouvernemental 25.30% 33.66%

Corporate 15.43% 25.63%

Somme des sous portefeuilles 22.54% 31.41%

Un capital à 5 ans ne fait pas vraiment de sens. Pour pouvoir faire des comparaisons avec ce

que l’on a trouvé au chapitre précédent, nous allons ramener ces quantités à 1 an en linéarisant

(en divisant par 5).

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Horizon 1 an (linéarisé) Capital Économique en pourcentage de l’exposition

Portefeuille Seuil : 95% Seuil : 99%

Gouvernemental 5.06% 6.73%

Corporate 3.09% 5.13%

Somme des sous portefeuilles 4.51% 6.28% %

On doit détenir 5.06% et 3.09% de la valeur faciale des créances du portefeuille

gouvernemental et du portefeuille corporate pour couvrir 95% de leurs pertes à horizon 1 an,

et 6.73% et 5.13% pour 99% de ces même pertes.

Les capitaux économiques à détenir sont donc moins élevés lorsque l’on se place à un horizon

5 ans que lorsque l’on fait le calcul à horizon 1 an : les anticipations des probabilités de

migration contenues dans les matrices de Moody’s sont donc moins pessimistes pour 2011-

2015 que pour 2011-2012, comme si l’agence pensait que la conjoncture actuelle est

particulièrement défavorable, mais qu’elle se normaliserait dans les 1 à 5 ans à venir.

Résultat pour le portefeuille agrégé

Au niveau agrégé on obtient la distribution suivante :

Avec les statistiques descriptives suivantes.

Horizon 5 ans Moyenne Quantile à 5% Quantile à 1% Portefeuille Agrégé -6.21% -19.12% -28.15%

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On peut donc compléter le tableau vu plus haut.

Horizon 1 an (linéarisé) Capital Économique en pourcentage de l’exposition

Portefeuille Seuil : 95% Seuil : 99%

Gouvernemental 5.06% 6.73%

Corporate 3.09% 5.13%

Somme des sous portefeuilles 4.51% 6.28%

Agrégé 2.58% 4.39%

On doit donc détenir en capital 2.28% des créances pour pouvoir absorber 95% des pertes

potentielles à un an, et 4.39% pour 99% des pertes.

Ce montant est inférieur à la moyenne pondérée des ratios en capital calculés pour chaque

portefeuille de manière séparée (effet diversification) mais moins élevé que lors du calcul fait

sur une base de 1 an (7.68% et 14.58% seulement dans ce cas), ce qui confirme notre

interprétation des anticipations de Moody’s.

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3.D Confrontation des résultats à 5 ans au marché des CDS

Définition

Les Credit Default Swap (CDS) sont des contrats d’assurance permettant de se protéger contre

un défaut. Il s’agit d’un instrument qui a commencé à se développer réellement sur les

marchés à partir des années 2000. Ils donnent lieu aux flux suivants :

L’acheteur verse une prime périodique tant que les flux de l’obligation sous-jacente

continuent à être versés. Si un événement de crédit survient, les versement des primes sont

interrompus, le vendeur rembourse le nominal à l’acheteur et le contrat de swap se termine.

(En réalité c’est le cas uniquement pour les CDS américains, pour les CDS dits européens le

remboursement se fait à la date d’échéance du contrat de la même manière que pour les

options dites européennes).

La prime est fixée en terme de spread. En théorie ce spread devrait être égal au spread

nominal de l’obligation sous-jacente. En réalité le spread est fixé par l’offre est la demande :

ainsi on a très souvent un effet de base, d’autant plus que le marché des CDS est un marché

particulièrement spéculatif.

La prime de CDS est donc censée refléter la qualité de crédit perçue par les investisseurs.

Nous allons donc utiliser ces actifs pour comparer les sorties de notre modèle avec le marché.

Ce choix est d’autant plus discutable qu’il s’agit d’un marché assez jeune et bénéficiant d’un

historique peu profond. Néanmoins nous allons tout de même faire cette étude mais en nous

cantonnant aux swaps de maturité 5 ans pour les émetteurs corporate car il s’agit en règle

générale du CDS pour lequel la liquidité est la plus élevée. Nous ne traiterons pas le cas des

protections contre le défaut des souverains car ces produits sont trop particuliers : ils sont

apparus plus tard que les CDS corporate (environ 2 ans après) et sont impactés directement

par des décisions politiques. En période de stress comme maintenant par exemple, certains

CDS n’ont plus le droit d’être traités. Les prix ne reflètent pas alors la réelle pensée des

investisseurs.

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Principe de la confrontation

On va comparer les taux de défaillances issus du marché et issus du modèle.

Il est possible à partir des primes des CDS 5 ans de calculer une probabilité de défaut

implicite à 5 ans.

Les prix de ces produits sont calculés comme la valeur actuelle des flux futurs pondérés par la

probabilité de survie de l’émetteur dans l’hypothèse d’un taux de recouvrement de 40%. En

disposant des prix cotés par le marché, il est possible en égalant le prix théorique et le prix de

marché d’extraire la probabilité de défaut voulue.

On pourra donc calculer un taux de défaillance de marché pour le portefeuille de la façon

suivante :

Nous allons comparer ce taux au taux de défaillance du modèle que l’on pourra calculer ainsi :

Voici les résultats obtenus :

Horizon 5 ans Taux de défaillance moyen du portefeuille corporate Modèle Interne Taux moyen = 3.81%, =8.17%, Quantile ( 95%) = 19.53%

Marché Taux marché : 17.42%

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Voici la distribution du taux de défaillance du modèle, avec en rouge le quantile à 95%

empirique issu des simulations, et en noir le taux de marché.

On remarque que le taux marché est inférieur au quantile empirique à 95% des taux issus du

modèle.

Ainsi bien que qualitativement, on voit qu’en moyenne le taux de défaillance simulé sous-

estime nettement le taux de défaillance anticipé par le marché et acté dans les prix (comme

dans de nombreux modèles de la littérature d’ailleurs), notre modèle n’est pas à rejeter au sens

statistique : la valeur réelle est bien dans l’intervalle de confiance à 95% de notre estimateur.

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Conclusion

Dans ce mémoire nous avons fait un tour d’horizon de la littérature financière concernant le

risque de crédit après avoir rappelé sa définition et ses concepts principaux. Fort de ces

considérations, nous avons pu choisir une approche concordant avec notre vision de ce risque

et avec nos principes d’investissement.

Nous avons ainsi pu développer un modèle interne de risque de crédit. Il s’agit d’une première

version qui sera bien évidemment amenée à être améliorée. Malgré cela notre modèle nous

permet d’avoir une bonne idée du risque de crédit global présent dans un portefeuille et de

rendre compte de phénomènes très actuels. En effet, par son moteur de corrélation il permet

de prendre en compte les effets de contagion. En se basant sur des matrices de transition il

laisse une place importante aux agences de notation qui font dernièrement la pluie et le beau

temps sur les marchés dans le cadre de la crise de la zone euro. Et en utilisant des courbes de

taux différentes pour chaque classe de risque calibrées sur des données de marché actuelles on

a la possibilité de prendre en compte le stress acté dans les prix des obligations.

Les avantages de ce modèle résident essentiellement dans sa flexibilité et sa relative simplicité.

Néanmoins il reste très perfectible. A titre d’exemple :

- on pourrait améliorer sa précision en prenant en compte dans le moteur de

corrélation la différence entre les facteurs spécifiques et communs aux

émetteurs par un modèle économétrique comme le modèle

CreditPortfolioView de McKinsey vu dans la partie I,

- on pourrait affiner les classes de risque afin d’améliorer la valorisation du

portefeuille et mieux estimer les pertes potentielles.

Il pourrait être également intéressant de pousser un peu plus loin les procédures de backtest en

étudiant l’influence du choix de l’horizon de temps sur les résultats, ou en calculant une VaR à

une date dans le passé et la comparer avec la VaR historique.

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Bibliographie

Ouvrages :

Roland Portait – Fabrice Poncet, Finance de Marché, Dalloz , 2ème

édition, 2009

Michel Dietsch – Joël Petey, Mesure et gestion du risque de crédit dans les institutions

financières, Revue Banque, 2ème

édition, 2008

Franck Moraux – Olivier Renault, 30 ans de modèles structurels de risque de défaut,

Collection Recherche en Gestion, Economica, 2002

Articles

M. Gilli – Stefan Große – E. Schumann, Calibrating the Nelson-Siegel-Svensson Model,

Comisef Working Papers Series, 30/03/2010

J.P. Morgan, CreditMetrics Technical Document, 02/04/1997

Credit Suisse First Boston, CreditRisk+ A credit risk management framework, 1997

Hull – Predescu – White, The relationship between credit default swap spreads, bond yields,

and credit rating announcements, Rotman School of Management, University of Toronto,

2004

Christian Gouriéroux – André Tiomo, Risque de Crédit : Une approche avancée, Les Cahiers

du CREF, Avril 2007

Frank de Jong – Joost Driessen, Liquidity Risk Premia in Corporate Bond Markets,

University of Amsterdam, 22/09/2006

Kimmo Virolainen, Macro stress testing with a macroeconomic credit risk model for Finland,

Bank of Finland Discussion Papers, 12/10/2004

Sanvi Ayouvi-Dovi – Mireille Bardos – Caroline Jardet – Kendaoui – Jérémy Moquet, Macro

Stress Testing with a Macro Economic Credit Risk Model : Application to the French

manufacturing sector, Document de travail n°238, Banque de France, 06/2009

Moody’s Investor Service, July Default Report, 05/09/11

Moody’s, Corporate Default and Recovery Rates, 1920-2008, Moody’s Global Credit Policy,

February 2009

Mémoires

Chloé Blanchard, Utilisation de la méthode affine pour l’évaluation du risque crédit.

Comparaison avec les méthodes classiques .Mémoire ULP, 2008

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Annexes

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Annexes

1 Les matrices de migration utilisées dans cette étude

1.A Horizon 1 an

Voici l’estimation des probabilités de transition août 2011-juillet 2012 prévues par Moody’s.

Cette matrice est obtenue en faisant des prévisions à partir de données historiques collectées

par l’agence elle-même sur 12 ans.

N’ayant pas suffisamment de données pour pouvoir calibrer les courbes de taux pour tous les

ratings, il nous faut obtenir une matrice de transition plus sommaire (ne tenant pas compte des

émetteurs non notés, et ne faisant pas autant de distinctions dans les ratings).

La première étape consistera à traiter les cas des WR (withdrawn rating : notation suspendue).

On considérera que les entités qui font suspendre leur notation peuvent avoir n’importe quel

rating de manière équiprobable :

avec les probabiltés de transiter de x à y de la matrice de Moody’s.

Ensuite nous agrégerons par colonne.

Par exemple nous aurons :

Et nous ferons ensuite une agrégation par ligne pondérée par le poids de la classe de risque.

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Ces poids sont stockés dans cette matrice :

Ainsi, les émetteurs notés Aaa en juillet 2011 représentent 1.6% des émetteurs, les émetteurs

notés Aa1 1.7%, etc…

Nous aurons donc par exemple :

D’où la matrice finale utilisée dans notre étude :

Aaa Aa A Baa Ba B Caa D

Aaa 82,1% 13,5% 2,1% 0,5% 0,5% 0,5% 0,7% 0,2%

Aa 0,5% 75,3% 18,7% 1,8% 0,9% 0,9% 1,3% 0,4%

A 0,4% 1,5% 88,0% 6,3% 1,2% 1,0% 1,3% 0,3%

Baa 0,3% 1,0% 3,3% 90,1% 2,7% 1,1% 1,1% 0,3%

Ba 0,4% 1,5% 1,4% 6,8% 80,1% 7,1% 2,1% 0,5%

B 0,6% 1,9% 1,9% 2,2% 5,3% 78,5% 8,1% 1,5%

Caa 0,7% 2,2% 2,2% 2,2% 2,4% 9,2% 74,3% 6,9%

1.B Horizon 5 ans

Nous avons fait une étude à horizon 5 ans pour pouvoir comparer nos sorties avec les données

du marché CDS. La matrice de prévision à 5 ans de Moody’s a ainsi subi le même traitement

que la matrice précédente. Voici le résultat du retraitement :

Aaa Aa A Baa Ba B Caa D

Aaa 55,67% 25,57% 7,08% 2,91% 2,17% 2,14% 2,11% 2,35%

Aa 3,85% 53,63% 26,1% 6,19% 2,8% 2,6% 2,26% 2,57%

A 2,77% 8,35% 56,52% 17,72% 4,91% 3,53% 2,83% 3,37%

Baa 3,45% 4,11% 14,19% 50,91% 11,36% 6,24% 3,85% 5,89%

Ba 4,54% 4,62% 5,91% 16,96% 32,58% 15,58% 5,98% 13,83%

B 4,98% 5,01% 5,4% 6,97% 15,86% 27,15% 7,9% 26,73%

Caa-C 4,29% 4,29% 4,55% 5,32% 7,72% 16,25% 7,52% 50,06%

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2 Les courbes de taux utilisées dans cette étude

Voici les courbes de taux zéro-coupon forward qui ont été utilisées pour obtenir les résultats

présentés dans la partie III.

2.A Courbes zéro-coupon à 1 an :

Voici les courbes à 1 an utilisées pour les émetteurs corporate pour chaque classe de risque :

- courbes corporate

Voici les courbes utilisées pour les émetteurs financiers à 1 an pour chaque classe de risque :

- courbes bancaires

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Voici les courbes à 1 an utilisées pour les émetteurs gouvernementaux pour chaque classe de

risque :

- courbes gouvernementales

2.B Courbes zéro-coupon à 5 ans

Voici les courbes qui ont été calibrée à horizon 5 ans. Chacune d’elle a été obtenue avec les

mêmes paramètres que son analogue à un an en utilisant la formule du taux forward vue

Partie III, Chapitre 3.B.

Voici les courbes utilisées pour les émetteurs corporate à 5 an pour chaque classe de risque :

- courbes corporate

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Voici les courbes utilisées pour les émetteurs bancaires à 5 an pour chaque classe de risque :

- courbes bancaires

Voici les courbes utilisées pour les émetteurs gouvernementaux à 5 an pour chaque classe de

risque :

- courbes gouvernementales