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Aujourd’hui l’Espagne Lydie LÓPEZ-BENHAMOU

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Aujourd’hui l’Espagne

Cet ouvrage s’adresse à tout lecteur, spécialiste ou non de l’Espagne,curieux de la destinée de notre voisin transpyrénéen qui a vécu,en à peine trente ans, de profondes transformations dansles domaines économique, politique et culturel. Les questionstraitées dans cet ouvrage évoquent les grandes étapes historiquesqui ont fait de l’Espagne un membre de l’Union européenneouvert sur le XXIe siècle.Au-delà de l’attrait touristique que ce pays exerce sur ses voisinseuropéens, Aujourd’hui l’Espagne décode les particularitéshispaniques. Par exemple, comment expliquer l’actuel engouementpour le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle?Le puzzle que constituent ses dix-sept communautés autonomespeut-il être un modèle pour l’Europe ou tend-il vers une dangereusebalkanisation? Le volet culturel a également toute sa place à traversl’étude de l’évolution des mentalités d’une société qui se plaîtà innover en matière de mœurs et de création artistique,sans renier pour autant ses traditions. C’est bien ce mélangeparticulier qui rend ce pays si attachant.

Lydie López-Benhamou, de nationalité franco-espagnole, est agrégée d'espagnol.Elle possède une longue expérience dans l'enseignement, du primaire au secondaire et dans la formation des enseignants (IUFM), en France et à l'étranger (Espagne, Argentine).Aujourd'hui, elle enseigne l'espagnol essentiellement en classes de BTS.

Couverture : composition D. PoupeauÉventails Olivia Oberlin – www.olivia-oberlin.com

Aujourd’hui l’EspagneLydie LÓPEZ-BENHAMOU

PRIX : . . . . . . . . .17,90 €ISSN : . . . . . . .1969-5543ISBN : 978-2-86626-368-3RÉF : . . . . . .340QA061

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L’auteure :Lydie LÓPEZ-BENHAMOU, de nationalité franco-espagnole, est agrégée d’espagnol.Elle possède une longue expérience dans l’enseignement, du primaire au secondaire et dans la formation des enseignants (IUFM), en France et à l’étranger (Espagne, Argentine). Aujourd’hui, elle enseigne l’espagnol essentiellement en classes de BTS.

Catalogage page 208

Suivi éditorial : Claude LLENA

Responsable de collection : Jean-Pierre COMERT

Maquette, couverture et cartographie : Dominique POUPEAU

Éventail en couverture : création Olivia OBERLIN – www.olivia-oberlin.com

© 2010 CRDP académie de Montpellier Centre régional de documentation pédagogiqueAllée de la Citadelle – 34064 Montpellier Cedex 2

http://www.crdp-montpellier.fr

Tous droits de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de son article L. 122-5, d’une part que « les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que « les analyses et les courtes citations justifiées par le carac-tère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées », « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (article L. 122-4).Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie, constituerait donc une contrefaçon, c’est-à-dire un délit. « La contrefaçon en France d’ouvrages publiés en France ou à l’étranger est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende » (articles L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle).

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Sommaire

Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

Des fondements de l’histoire aux problèmes contemporainsQuel héritage les Arabes ont-ils légué à l’Espagne ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

Comment les chrétiens ont-ils mené la Reconquête de la Péninsule ? . . . . . . . . . . . 12

En quoi l’épisode napoléonien a-t-il fait chanceler la monarchie absolue ? . . . . . . . . . 16

Comment la guerre civile a-t-elle imposé l’ère franquiste ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

Comment la monarchie et la démocratie ont-elles réussi

à réconcilier les Espagnols ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Espace et politiqueQuelles sont les spécificités des frontières espagnoles ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

Faut-il parler de décentralisation ou de balkanisation ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Quelles sont les perspectives des institutions espagnoles ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

Le bipartisme a-t-il un avenir ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

La place de l’Espagne au plan internationalDu xvie au xixe siècle, quelle fut la place de l’Espagne dans le concert des nations ? 50

Quel est le bilan de l’intégration de l’Espagne dans l’Union européenne ? . . . . . . . . 56

Quelle a été l’évolution des relations franco-espagnoles ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

Peut-on parler d’entente cordiale entre l’Espagne et l’Amérique latine ? . . . . . . . . . . 66

Les nouveaux défis économiquesLe tourisme est-il encore le pilier de l’économie espagnole ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

Sur quels atouts l’Espagne peut-elle compter pour sortir de la crise économique ? . 78

Pourquoi la question de l’immigration est-elle particulièrement complexe ? . . . . . . . 84

Quelles ont été les évolutions du secteur agricole ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90

L’eau ou la nouvelle « bataille de l’Èbre » : quels en sont les enjeux ? . . . . . . . . . . . . 96

Pourquoi l’Espagne mise-t-elle sur les énergies renouvelables ? . . . . . . . . . . . . . . . 102

Culture, mode de vie et sociétéPeut-on encore parler d’un style de vie à l’espagnole ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

La corrida est-elle menacée ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112

Quelle place le sport de haut niveau tient-il dans l’Espagne d’aujourd’hui ?. . . . . . . 116

La loi sur l’égalité des sexes viendra-t-elle à bout du machisme ? . . . . . . . . . . . . . . 120

La jeunesse espagnole souffre-t-elle du syndrome « Tanguy » ? . . . . . . . . . . . . . . . 126

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Sommaire

Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

Des fondements de l’histoire aux problèmes contemporainsQuel héritage les Arabes ont-ils légué à l’Espagne ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

Comment les chrétiens ont-ils mené la Reconquête de la Péninsule ? . . . . . . . . . . . 12

En quoi l’épisode napoléonien a-t-il fait chanceler la monarchie absolue ? . . . . . . . . . 16

Comment la guerre civile a-t-elle imposé l’ère franquiste ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

Comment la monarchie et la démocratie ont-elles réussi

à réconcilier les Espagnols ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Espace et politiqueQuelles sont les spécificités des frontières espagnoles ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

Faut-il parler de décentralisation ou de balkanisation ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Quelles sont les perspectives des institutions espagnoles ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

Le bipartisme a-t-il un avenir ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

La place de l’Espagne au plan internationalDu xvie au xixe siècle, quelle fut la place de l’Espagne dans le concert des nations ? 50

Quel est le bilan de l’intégration de l’Espagne dans l’Union européenne ? . . . . . . . . 56

Quelle a été l’évolution des relations franco-espagnoles ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

Peut-on parler d’entente cordiale entre l’Espagne et l’Amérique latine ? . . . . . . . . . . 66

Les nouveaux défis économiquesLe tourisme est-il encore le pilier de l’économie espagnole ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

Sur quels atouts l’Espagne peut-elle compter pour sortir de la crise économique ? . 78

Pourquoi la question de l’immigration est-elle particulièrement complexe ? . . . . . . . 84

Quelles ont été les évolutions du secteur agricole ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90

L’eau ou la nouvelle « bataille de l’Èbre » : quels en sont les enjeux ? . . . . . . . . . . . . 96

Pourquoi l’Espagne mise-t-elle sur les énergies renouvelables ? . . . . . . . . . . . . . . . 102

Culture, mode de vie et sociétéPeut-on encore parler d’un style de vie à l’espagnole ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

La corrida est-elle menacée ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112

Quelle place le sport de haut niveau tient-il dans l’Espagne d’aujourd’hui ?. . . . . . . 116

La loi sur l’égalité des sexes viendra-t-elle à bout du machisme ? . . . . . . . . . . . . . . 120

La jeunesse espagnole souffre-t-elle du syndrome « Tanguy » ? . . . . . . . . . . . . . . . 126

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Pourquoi les réformes concernant l’éducation font-elles polémique ? . . . . . . . . . . . 130

Comment la conscience éco-citoyenne dynamise-t-elle la société espagnole ? . . . . . . 136

Peut-on parler de divorce entre l’Église et l’État ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142

Comment expliquer l’engouement pour le pèlerinage

de Saint-Jacques-de-Compostelle ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148

Quel rôle jouent les médias dans la nouvelle démocratie espagnole ?. . . . . . . . . . . 152

Que cachent les mots espagnols intraduisibles en français ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156

La création artistique dans l’Espagne contemporaine Quel est l’héritage des pères fondateurs de la peinture espagnole ? . . . . . . . . . . . . 160

Quelle est l’originalité de la création catalane ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164

Quels messages les peintres contemporains cherchent-ils à transmettre ? . . . . . . . 166

La nouvelle gastronomie espagnole va-t-elle détrôner la paëlla ? . . . . . . . . . . . . . . . 170

Que reste-t-il de la création artistique après la Movida madrilène ? . . . . . . . . . . . . . 174

Dans quelle mesure les problèmes de société inspirent-ils les écrivains espagnols ? . . 180

Sciences, design, concepts, musique… l’Espagne rime-t-elle avec innovation ? . . . 184

AnnexesLes avancées chrétiennes pendant la reconquête. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190

Cuéntanos la invasión árabe en España. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191

Les 17 Autonomies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192

Les 50 provinces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193

L’héritage de Charles Quint (xvie siècle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194

Les quatre voyages de Christophe Colomb. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195

Les principaux territoires de l’empire espagnol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196

Le monde hispanophone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197

La Palabra . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198

Un intranet global contre immigrants illégaux et trafiquants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199

Les parcs nationaux espagnols . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200

Les villes classées au patrimoine mondial de l’Unesco en 2010

Les zones d’irriguation en Espagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201

Le système éducatif espagnol (LOE 2006) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202

Des « faux-amis » dont il faut se méfier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203

Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204

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Préface

Il convient assurément d’éviter le cliché d’une Espagne qui après plusieurs siècles de stagnation réussit à partir de 1975 à monter dans le train d’une modernité qui jusqu’alors avait été l’apanage des nations du nord de l’Europe. L’idée d’un divorce entre les trajectoires de l’Espagne et du reste du continent qui apparaît sous la plume de maints intellectuels des xixe et xxe siècles, a engendré le mythe d’une exception historique espagnole qui ne résiste pas à l’examen.Dès le xviiie siècle, en effet, l’Espagne ne reste pas en marge du mouvement des Lumières et elle connaîtra à son tour, au siècle suivant, les convulsions révolutionnaires qui partout en Europe jettent à bas l’édifice politique et social de l’Ancien Régime. Il est vrai que l’État dont accouche la révolution libérale ne parviendra à se consolider qu’au terme de plusieurs décennies jalonnées de guerres civiles et de pronunciamientos militaires. Lorsqu’il le fera, à partir de 1875, ce sera sous la forme d’un régime oligarchique qui se montrera incapable, si tant est qu’il en eût la volonté, de démocratiser la politique et de parachever la construction de l’État-nation espagnol. Le « désastre » de 1898 finit de convaincre nombre d’Espagnols que leur pays faisait pleinement partie de ces « nations moribondes » dont parlait le premier ministre britannique Lord Salisbury dans un discours prononcé cette même année. Mais ce pessi-misme, qui fera dire à Manuel Azaña que l’Espagne était restée à l’écart de la civilisation inventée par les autres nations, ne cadre pas avec une évolution qui voit la société espagnole initier dans la seconde moitié du xixe siècle un processus de modernisation qui ira en s’accélérant jusqu’à l’avènement de la Seconde République. Lorsque celle-ci est proclamée, le 14 avril 1931, l’Espa-gne n’a certes pas comblé son retard par rapport à l’Europe, mais les trans-formations économiques, sociales et culturelles qu’elle a connues sont tout à fait en phase avec l’évolution du reste du continent. Sous l’angle politique, on peut considérer que la République se situe dans le prolongement de cette modernisation qu’elle se donne pour tâche d’amplifier et d’étendre à l’ensem-ble de la société. L’échec de la République est imputable à des causes diverses qu’il est impossible d’analyser ici. Il en est une, pourtant, qu’il importe d’évo-quer pour notre propos : celle qui lie son sort à une Europe ébranlée par la montée des totalitarismes et le recul subséquent de la démocratie.Le mythe de l’exception espagnole trouva un dernier avatar dans le slogan « España es diferente » inventé par le régime franquiste autant à des fins de promotion touristique que de justification subliminale de son caractère dicta-

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torial. Mais cette différence-là ne survivra pas à la mort du dictateur, le 20 novembre 1975. La séquence qui commence alors voit la société et ses élites construire sur une base consensuelle cette démocratie dont on savait qu’elle était le sésame qui ouvrirait à l’Espagne les portes de l’Europe. Certains ont prétendu que la Constitution de 1978 a été le moment fondateur d’une nouvelle Espagne. C’est sans doute excessif, mais elle a été certainement l’expression de la volonté historiquement inédite des Espagnols de partager un destin commun au-delà des clivages idéologiques et territoriaux qui les avaient si souvent opposés dans le passé. Ce destin passait inévitablement par une intégration européenne qui, dans le prolongement de la Transition démocratique, a permis à l’Espagne de connaître l’une des étapes les plus brillantes de son histoire contemporaine. Qu’il suffise de rappeler le rôle déci-sif joué par les fonds européens dans le financement de travaux d’infrastruc-ture et de projets de cohésion sociale et régionale qui ont achevé de moder-niser le pays. La convergence économique avec l’Europe, jadis horizon lointain, était devenue une réalité palpable au début du xxie siècle.Sans doute convient-il de se garder d’un enthousiasme excessif. Si l’État démocratique est aujourd’hui pleinement légitimé, il reste néanmoins soumis à des tensions centrifuges qui fragilisent le système des Autonomies établi par la Constitution de 1978. On ne soutiendra pas ici que l’unité de l’Espagne est menacée, mais il est certain que son articulation territoriale n’a pas encore trouvé son point d’équilibre et reste une source de tensions politiques. Plus préoccupant peut-être, la récente crise économique internationale a permis de vérifier la fragilité d’une croissance trop dépendante de la demande intérieure et reposant principalement sur une bulle immobilière. Le changement de modèle productif est devenu une nécessité urgente pour l’économie espagnole.Partant d’une nécessaire mise en perspective historique, Lydie López-Benhamou aborde cet ouvrage Aujourd’hui l’Espagne dans une triple dimension politique, socio-économique et culturelle. Ses analyses nous donnent à voir une société dont les multiples facettes témoignent de la richesse de sa culture et de son aptitude à faire de sa diversité un atout. C’est un constat qui ne peut que rassurer quant à sa capacité à relever les défis auxquels elle est aujourd’hui confrontée.

Francisco CamPuzano

Professeur des universitésMontpellier 3

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En b

ref…

Quelles sont les perspectives des institutions espagnoles ?

La Constitution vient de fêter ses trente ans et certains

aménagements sont annoncés à plus ou moins long terme.

Les débats font parfois rage pour défendre ou combattre

des positions régionalistes, voire séparatistes, incompatibles

avec l’intégrité de la nation. Le président du Gouvernement

voudrait faire porter également les efforts sur la réforme

du Sénat, qui représente faiblement les gouvernements

des communautés autonomes. Enfin, la question de

la succession est également ouverte. Mais certains

appellent de leurs vœux l’avènement d’une IIIe République.

La révision des statuts des Autonomies

La question s’avère épineuse et l’enjeu est de taille. En effet, dès son arrivée au pouvoir, José Luis Rodríguez Zapatero s’est engagé à revoir les statuts des Autonomies, comme le prévoyait la Constitution de 1978, tout en exigeant l’approbation des Cortès générales dans l’article 147. C’est le coup d’envoi de la Conférence des présidents des communautés autonomes qui initie les négo-ciations pour réviser ces statuts. Mais, soucieux de ne pas ouvrir la porte aux nationalistes les plus véhéments qui demandent toujours plus d’autonomie, Zapatero a prudemment orienté cette réforme vers l’amélioration de la coopé-ration entre État et Autonomies pour un meilleur partage des compétences. Cependant, les points litigieux sont nombreux. Ainsi, les polémiques nationales sont reparties de plus belle quand la Generalitat, le gouvernement autonome catalan, ne se contentant plus de son statut de « nationalité » qui lui est reconnu depuis 1931, a revendiqué celui de « nation ». Dans le domaine fiscal, les Catalans ont sollicité le recouvrement direct de l’impôt comme la coutume le permet au Pays basque. Les députés des Cortès ont refusé ces deux propositions car, à leurs yeux, la seule « nation » est l’Espagne, patrie commune à tous les Espagnols. D’autre part, les « castillanistes » entendent bien obtenir eux aussi un « statut historique » que l’Andalousie a déjà obtenu, ce qui a été ressenti comme une injustice eu égard à l’ancienne hégémonie castillane. Au Pays basque, le Plan Ibarretxe, du nom de l’ancien président de région, a demandé « la libre associa-tion » avec l’Espagne, visant la complète indépendance, « une libre détermina-tion » refusée également par les Cortès. Les dernières élections régionales de mars 2009 ont amené à la présidence du Pays basque Patxi López qui est devenu,

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selon ses mots, le premier lehendakari (président) « de tous les Basques ». Son étiquette de socialiste non nationaliste laisse espérer des négociations moins tendues avec le gouvernement central.Par ailleurs, pour respecter une répartition équitable, les critères de référence ne sont pas simples à fixer. Prenons deux Autonomies voisines mais très oppo-sées, celle de Madrid, très peuplée, plus de 6 millions d’habitants sur une superficie très réduite, et sa voisine Castille et Léon, la plus grande en superficie mais l’une des plus désertées [cf. question 7]. Cette dernière a connu l’exode rural de plein fouet dès les années 1960. Par conséquent si, comme le demande la Communauté de Madrid, le critère de financement est en rapport avec le nombre d’habitants, il ne fera qu’aggraver le problème de Castille et León. Il semble difficile d’arriver à des accords contentant toutes les parties. Le dernier projet de loi de financement des Autonomies présenté par l’ancien ministre des finances Pedro Solbes vise à garantir la défense de l’intérêt général. Cependant, le Parti Populaire n’approuve pas un financement qui ne ferait, selon lui, qu’aug-menter la dette publique. Ce n’est un secret pour personne que le PP a toujours privilégié le centralisme de Madrid, alors que le PSOE affiche sa volonté de dialoguer avec les partenaires pour arriver à un accord dans le respect des diffé-rences de chacun. Au vu des revendications des 17 Autonomies, le débat semble loin d’être clos.

La réforme du Sénat

Longtemps réclamée et toujours remise à plus tard, cette réforme, souvent taxée d’« histoire interminable », pourrait offrir l’occasion de faire d’une pierre deux coups. Il s’agirait de désamorcer les tensions et insatisfactions créées par la révision des statuts des Autonomies tout en les associant davantage à l’État.Tout d’abord, le système de représentation pose problème. Le Sénat, ou Chambre haute, est composé de 259 sénateurs dont 208 sont élus au suffrage direct pour quatre ans. À chaque province, l’équivalent du département français, sont attri-bués quatre sièges de sénateur et ce, indépendamment de sa population. C’est bien là que le bât blesse. Si l’on reprend les exemples cités ci-dessus, la Communauté de Madrid, constituée d’une province unique avec plus de 6 millions d’habitants, se trouve lésée par rapport à sa voisine castillane qui possède 9 provinces mais une population d’à peine 2,5 millions d’habitants. Les 51 sénateurs restants sont désignés à la proportionnelle par les parlements des communau-tés autonomes pour une représentation territoriale de la nation, en tenant compte cette fois-ci du recensement de la population. Un sénateur supplémentaire est octroyé par million d’habitants. Mais les tentatives pour rééquilibrer cette repré-sentation se sont heurtées à diverses critiques. Le système actuel avantage

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donc les Communautés les moins peuplées et composées du plus grand nombre de provinces, sans justification réelle. Pourra-t-on satisfaire la majorité des revendications ? Faudra-t-il supprimer les provinces ? La question est encore en suspens.Vient ensuite celle du rôle du Sénat : il a une compétence exclusive dans les relations entre l’exécutif et les communautés autonomes, qui disposent de 51 représentants avec droit de veto, comme le définit l’article 90 de la Constitution. Mais cette compétence ne favorise en rien le Sénat et son contrôle est très relatif, souvent limité à la simple possibilité de retarder l’adoption d’une loi. Il a également capacité à amender un projet de loi, mais le Congrès peut opposer son refus à la majorité simple. D’où l’opportunité qui se présente à José Luis Rodríguez Zapatero : grâce à cette réforme de la Constitution, le Sénat pourrait devenir un représentant des Autonomies doté d’un réel pouvoir de codécision. Il serait alors un partenaire à part entière, ce qui rééquilibrerait les relations entre l’État et les régions dans un système plus fédéraliste.

La question de la succession reste ouverte

Le roi vieillissant (il est né en 1938), Felipe son fils cadet est l’héritier naturel de la Couronne et à ce titre Prince des Asturies. Mais qu’en sera-t-il pour la géné-ration suivante ? Le problème est évoqué régulièrement, car en ces temps de parité entre hommes et femmes, la Constitution pourrait bien avoir besoin d’un aménagement. En effet, la loi salique*, d’origine germanique introduite par la France, qui interdit aux femmes de régner, a été abolie en 1854 par Ferdinand

VII pour que sa fille Isabel II puisse lui succé-der. Or, si Felipe devient roi, cet acquis peut être remis en cause. Marié à Letizia Ortiz, il a eu deux filles, Leonor et Sofía. S’il venait à naître un troisième enfant de sexe mascu-lin, Leonor se verrait, comme aujourd’hui

l’infante Elena, écartée du trône. Pour respecter la parité, on songerait à modifier la loi de succession pour ne plus discriminer la femme dans l’ordre de succession à la couronne. Cependant, si le débat ressurgit de temps en temps, d’autres priorités semblent reléguer pour l’heure cette question au second plan. Elle n’en reste pas moins toujours posée.

Une IIIe République à l’horizon ?

Des voix s’élèvent pour réclamer une IIIe République. C’est ainsi qu’il existe un « Manifeste en faveur d’un processus constituant pour la IIIe République » adressé au peuple espagnol et diffusé par les milieux intellectuels et syndicaux. Celui-ci

La loi salique : article 62 du Pactus legis salicae, loi germanique, « quant à la terre salique, qu’aucune partie de l’héritage ne revienne à une femme, mais que tout l’héritage de la terre passe au sexe masculin. »

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est donné à signer à tout citoyen qui souhaiterait remettre en question la royauté imposée par le franquisme, institution profondément anti-dé-mocratique. À ce jour quelques milliers de signa-tures ont été recueillies. La Couronne et ses attributs sont de plus en plus souvent attaqués, ce qui soulève des polémiques plus ou moins étouffées. Par exemple, suite à un voyage des monarques à Gérone, en novembre 2007, des photos du couple royal ont été brûlées à maintes reprises. Les slogans affichés étaient nettement antimonarchiques et indépendantistes.Il y a eu aussi l’épisode récent de l’hymne censuré sur la chaîne publique TVE pendant la finale de la Coupe du roi, dans le but d’occulter les sifflets destinés à la Marcha real et à leurs Majestés présentes dans la tribune d’honneur. Au même moment, une scène similaire se déroulait à Valence. « Quand le Barça, le club phare de l’identité catalane rencontre l’Athletic de Bilbao, émanation de l’âme basque, en finale de la Coupe du roi, la politique s’invite à la fête du foot-ball dans un feu d’artifices de symboles anti-espagnols. (1) » Cet épisode entraîna des garde à vue et le limogeage du directeur du service des sports de TVE. Doit-on y voir des signes avant-coureurs d’une fragilisation des institutions ou d’un mal-être qui s’exprime après trois décennies d’amnésie collective tacitement acceptée ? Ainsi, plusieurs milliers de manifes-tants dans les rues madrilènes, ont scandé « España mañana, será republicana » (L’Espagne demain, sera républicaine) à l’occasion du 75e anniversaire de la IIe République en avril 2006.

Pour en savoir plus

Michel FAURE, L’Espagne de Juan Carlos, éd. Perrin, 2008. Sur la contestation de la monarchie, voir le chapitre intitulé « Les photos qui brûlent », p. 234-240.

Site de l’organe officiel de la IIIe République : www.tercerarepublica.tk Juan COLOMAR, La IIIa República nacional española, Municiones para la resistencia, Madrid, éd. Barbarroja, coll. « Disidencias », 2008.

Nombreuses photos de la manifestation madrilène pour le 75e anniversaire de la IIe République, avec un lien vers la lecture du manifeste unitaire du mouvement et L’Hymne de Riego, hymne de la République :

http://www.nodo50.org/republica/docs/madrid_22-04-06_fotos. html

Note

1. « Espagne : vaut-il mieux un hymne sifflé ou censuré ? », in Le Monde du 15 mai 2009.

Drapeau de la Républiqueespagnole

À moyen terme, la IIIe République quittera le terrain de l’utopie pour devenir une réalité, celle d’un pays plus libre, plus fraternel, plus juste, plus démocratique. »

Extrait du Manifeste

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En b

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Quelle a été l’évolution des relations franco-espagnoles ?

Depuis des siècles, le couple franco-espagnol a entretenu

des relations de voisinage complexes, avec leurs vicissitudes,

union ou rejet, voire hostilités déclarées. Aujourd’hui, les temps

sont à l’entente cordiale. La coopération est à l’œuvre en matière

de lutte contre le terrorisme, l’ETA notamment, et le trafic

de drogue. Aujourd’hui Madrid et Paris s’accordent

sur de nombreux projets européens.

Un passé belliqueux entre les deux pays

À travers les siècles, les relations des deux voisins ont été souvent placées sous le signe de la tension. Ainsi, Charles Quint a passé de nombreuses années à combattre François 1er. Le règne d’Henri IV mit fin à une politique anti-espagnole. La paix de Fontainebleau (1625) améliora les relations avec la régence de Marie de Médicis. Les mariages royaux ont été conçus dans le but de tisser des liens étroits entre les deux pays ; c’est ainsi que les Bourbons règnent encore en Espagne puisque Juan Carlos est le descendant direct de Louis XIV. Mais ils n’ont pu empêcher les conflits. La paix de Cateau Cambrésis (1559) qui favorisait l’Espagne, et le Traité des Pyrénées (1659) qui la pénalisait, ont mis un terme à ce cycle d’affrontements préjudiciables aux finances du pays (1).De fait, les voyageurs, les ambassadeurs, les gravures satiriques de l’époque et les œuvres littéraires associaient couramment l’espagnol aux rodomontades et aux capitaines fanfarons. En réalité, sous Louis XIV, l’Espagne n’était plus à la mode et ne représentait pas le même danger que sous Louis XIII.Au début du XIXe siècle, les guerres napoléoniennes ont aiguisé la haine de l’en-vahisseur [cf. question 3]. Les scènes de cruauté dessinées par Goya dans la série de gravures Les désastres de la guerre sont des témoignages féroces sur ces années de souffrance et de lutte contre la présence française en Espagne.Enfin, parmi les motifs de ressentiment à l’égard de la France figure le pacte de non-intervention lors de la guerre civile et l’accueil indigne fait à des milliers de républicains dans les camps d’Argelès et d’ailleurs [cf. question 4].

Des clichés peu favorables à travers la littérature française

Au XVIIIe siècle, dans les Lettres persanes, Montesquieu fait dire à un personnage que « l’Afrique commence aux Pyrénées », témoignant à la fois de l’hostilité manifeste des Espagnols à l’égard des Français et de leur mauvaise image en

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France. L’Espagnol est présenté comme emporté, fainéant et fier de sa noblesse. À l’autre bout de l’échelle sociale figure le picaro, pauvre hère sans naissance, contraint à embrasser toutes les conditions pour survivre, et anti-héros des récits picareques. Ces stéréotypes vont perdurer longtemps dans l’imaginaire français.Au XIXe siècle, une tendance inverse se fait jour en Espagne. Le pays, alors en plein déclin, regarde avec admiration les innovations françaises et la mode est à l’imitation. Le poète sévillan Gustavo Adolfo Bécquer (1836-1870), représentant du romantisme, a dénoncé cette francomanie : « Malheureux celui qui, au cours d’un repas de cérémonie, ignore le français ou ne connaît même pas les princi-paux plats de la cuisine française : il s’expose à ce que le maître d’hôtel (2) ne le comprenne pas, à ce que les serviteurs l’ignorent, à ce que lui-même ne sache pas ce qu’il mange. […] On construit des bâtiments comme ceux des boulevards (2), nos dames font venir de Paris leurs bijoux, leurs atours et leurs plus belles toilettes. Les cafés, les boutiques et les magasins se montent à la française, nous, nous lisons en français et nous pensons en français… Tout est étranger. » Extrait de « La Nena », 1863, in Artículos y cuadros de costumbres.De son côté, au XIXe siècle, la France romantique se tourne vers l’Espagne. Le couple George Sand et Frédéric Chopin passe quelques mois en 1838 dans leur refuge de la Chartreuse de Valldemossa à Majorque. Ils n’y trouvent qu’un climat humide et froid et l’hostilité des habitants. À travers son récit de voyage Un hiver à Majorque, paru en 1842, George Sand en donne une vision stéréotypée et négative, dénigrant les autoch-tones sur un ton condescendant.Cependant, les romantiques français évoquent aussi avec admiration une Espagne stéréotypée, mais objet de curiosité et d’inspiration. Victor Hugo situe Ruy Blas (1838) à la cour d’Espagne, Prosper Mérimée crée, avec Carmen (1845), l’arché-type de la passion destructrice.

Du conflit à l’entente cordiale à propos de l’Europe

Au XXe siècle, le franquisme entraîne la suspension des relations entre la France et l’Espagne. Le pays renvoie alors une image misérabiliste à ses voisins, celle des bourricots porteurs d’eau sur des routes poussiéreuses, et des danseuses de flamenco pour touristes en quête de dépaysement bon marché. Pourtant la poursuite du rêve européen relance peu à peu les pourparlers en vue de l’entrée dans la CEE. Sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, l’adhésion à la CEE est ralentie du fait des objections émises par la France, inquiète de la venue d’un concurrent de taille en matière de production agricole. Le président Mitterrand,

Le Majorquin végétait et n’avait plus rien à faire qu’à dire son chapelet et rapiécer ses chausses, plus malades que celles de don Quichotte, son patron en misère et en fierté. »

George Sand

La place de l’Espagne au plan international

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encourage et appuie la candidature défendue par le socialiste Felipe González [cf. question 11].Au XXIe siècle, les obstacles ont été surmontés et la diplomatie française parle désormais de « relation sans nuages ». La charte des droits fondamentaux de l’Union du 12 janvier 2000 souligne dans son préambule que « les peuples de l’Europe, en établissant entre eux une union sans cesse plus étroite, ont décidé de partager un avenir pacifique fondé sur des valeurs communes. […] L’Union contribue à la préservation et au développement de ces valeurs communes dans le respect de la diversité des cultures et des traditions des peuples de l’Europe. » Voilà qui scelle l’amitié entre les partenaires européens, notamment au sein du couple franco-espagnol.La France est le premier investisseur étranger en Espagne ; dans le domaine de la grande distribution, les enseignes Carrefour et Auchan, traduit littéralement Alcampo, n’ont pas de concurrent, pas plus que l’équipementier Décathlon ou le supermarché du bricolage Leroy Merlin qui ont exporté des modes de vie, en créant la culture du sport amateur et le gallicisme bricolaje.

Une coopération franco-espagnole plurielle et efficace

Les rencontres biannuelles franco-espagnoles ont été institutionnalisées depuis la visite des souverains espagnols en 1985. En mai 2009, lors du 21e sommet franco-espagnol, des accords ont été signés en matière de sécurité, de défense et d’économie. Depuis, peu de dissonances politiques ont été perçues de part et d’autre des Pyrénées.Selon ces accords, les deux pays développent un partenariat entre leurs unités nationales de coordination antiterroriste, notamment en ce qui concerne l’échange de renseignements. Dans la lutte prioritaire contre l’ETA [cf. question 7], une coopération très fructueuse est poursuivie et donne des résultats probants. De nombreux responsables de l’organisation séparatiste basque ont été arrêtés sur le sol français. L’Espagne reste pourtant touchée régulièrement par des attentats, malgré la ferme condamnation des Espagnols de tous bords.La collaboration entre Paris et Madrid porte aussi sur le crime organisé et le trafic de drogue, le terrorisme jihadiste et l’immigration clandestine. La coopération

judiciaire permet de mutualiser les enquêtes, notamment avec la mise en place de casiers judiciaires communs. En matière de lutte contre le trafic de

stupéfiants, les résultats sont spectaculaires. Depuis les Canaries, le dispositif Frontex* a été aussi mis en œuvre pour contrôler l’immigration clandestine [cf.

annexe 10].

Frontex : agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne.

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En mai 2009, lors de la quatrième visite d’un président français depuis 1978, l’Élysée a insisté sur « la convergence de vues très forte sur le plan diplomatique et l’excellence du dialogue politique entre la France et l’Espagne. »À l’occasion de la présidence espagnole de l’Union européenne, à partir du 1er janvier 2010, trois axes de la coopération franco-espagnole sont renforcés. Premièrement, la lutte contre la crise économique et financière à travers la rati-fication du traité de Lisbonne. Deuxièmement, la construction de l’Union pour la Méditerranée, avec Barcelone pour siège, projet auquel les deux pays tiennent particulièrement. Troisièmement, le renforcement de la politique européenne de sécurité et défense, la PESD, qui est toujours d’actualité. Les deux pays souhai-tent favoriser les échanges dans la perspective d’un développement durable du système de transports. Il s’agira de remplacer progressivement le transport routier par des modes de locomotion ferroviaire et maritime, plus respectueux de l’environnement. Les liaisons transpyrénéennes seront dévéloppées comme l’axe ferroviaire à grande vitesse (AVE espagnol et TGV français) sur les corridors méditerranéen et atlantique. Par ailleurs, un accord a été signé sur les autorou-tes dites de la mer, justifié par l’existence de nombreux ports de premier ordre. Enfin, les progrès réalisés dans les interconnexions des réseaux gazier et élec-trique sont aussi encourageants.Au plan linguistique, l’enseignement du français connaît un recul important au profit de l’anglais. Malgré cela, un baccalauréat franco-espagnol, le Bachibac (3), est proposé dans les sections bilingues, tout comme la reconnaissance des diplômes dans le supérieur et la recherche [cf. question 25].En dernier lieu, la réalisation d’une ligne commune sur 65 kilomètres de très haute tension (THT), à la frontière pyrénéenne, est un symbole fort du « courant qui passe » entre les frères ennemis des siècles passés qui désormais « parlent d’une même voix » (3).

Pour en savoir plus

George SAND, Un hiver à Majorque, Meudt, éd. Classic, coll. « Carolina », 2000. Édition du texte original paru en 1842 à Paris, agrémentée de photos et illustrations d’époque.http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/espagne_180/index. html

Notes

1. La paix est signée entre Henri II de France et Philippe II d’Espagne après 65 ans de conflit pour le contrôle de l’Italie. Le traité est signé entre Louis XIV et Philippe IV, une des clauses prévoit le mariage de Louis XIV avec la fille aînée du roi d’Espagne, Marie Thérèse d’Autriche.

2. En français dans le texte.3. « Sur tous les dossiers, France et Espagne parlent aujourd’hui d’une même voix », s’est félicité le

chef de l’État français. In Les relations franco-espagnoles, le Nouvel Observateur, 29 avril 2009.

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La place de l’Espagne au plan international

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Quelle est l’originalité de la création catalane ?

Gaudí en architecture, Dalí et Miró en peinture, ont légué leur

empreinte inimitable à la Catalogne et à sa capitale, Barcelone.

C’est un juste retour des choses car tous trois ont été fortement

influencés par l’environnement qui les a vus naître et dans lequel

ils ont ancré leur œuvre.

L’architecte Antoni Gaudí, le génie moderniste

Antoni Gaudí (1852-1926) est indissociable de Barcelone, qui a vu émerger, en plein Art Nouveau, la splendeur de son architecture moderniste. Son mécène, le comte Eusebio Güell, catalan avant-gardiste, a financé ses constructions audacieuses qui ignorent la ligne droite. La trouvaille architecturale de Gaudí est le célèbre arc parabolique. Son sens de l’observation et son amour pour la nature lui font adopter ses courbes et son apparence. Les motifs végétaux et animaliers envahissent les façades qui ondulent comme des vagues. Les cheminées sont des statues anthropomorphes, tels les guerriers de la Casa Milá (1910). Son bestiaire s’enrichit du toit-dragon de la Casa Batlló (1907). Partout, l’assemblage de matériaux de rebut combiné aux mosaïques de porcelaine polychromes, les trencadís, colorent à l’envi ses réalisations. Fils de chaudronnier, il habille ses façades de ferronneries imposantes. Anticipant la démarche de Le Corbusier, il invente le design contemporain ergonomique. Inspiré par sa foi, son chef-d’œuvre est mystique : el templo de la Sagrada Familia commencé en 1883. Malgré sa mort accidentelle en 1926, provoquée par un tramway, le chantier a continué au

Parc Güell à Barcelone

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gré des donations. L’intérieur devrait être achevé en 2010, les façades entre 2025 et 2030. C’est l’emblème de Barcelone, classé au Patrimoine de l’humanité depuis 1989. Cependant il fut, comme tant d’autres, un artiste incompris. La Casa Milá n’a-t-elle pas été surnommée La Pedrera (La Carrière), parce que ses contemporains n’y voyaient qu’un informe tas de pierres ? Ne le raillait-on pas de promouvoir une cité-jardin résidentielle dans une zone sur laquelle personne ne misait ? Le projet immobilier dut être abandonné, mais Barcelone y a gagné le superbe Parque Güell. Sur la place centrale un banc aux méandres concaves et convexes de cent cinquante mètres de long crée, dans un espace public ouvert, des petites cellules privées, associant le pratique à l’esthétique la plus originale.

Salvador Dalí et Joan Miró, des créateurs ancrés en pays catalan

Salvador Dalí, (1904–1989), créa sa méthode paranoïaque-critique inspirée du surréalisme : « La seule différence entre moi et un fou, c’est que je ne suis pas fou » lance-t-il. En témoignent ses fameuses « montres molles » et son théâtre-musée, à Figueras, sa ville natale. D’un imaginaire foisonnant, ses tableaux jouent sur l’illusion de l’interprétation, les apparences trompeuses, énigmatiques, peuplés d’un bestiaire onirique. Ancré dans sa Catalogne natale, il vécut à Port Lligat, un havre de paix face au cap Creus, dont les rochers déchiquetés ont inspiré bon nombre de ses tableaux. Personnage très controversé, sulfureux, manipulateur, voire falsificateur, il aime l’argent au point qu’André Breton le surnomma Avida Dollars, anagramme de son nom. Son élocution forcée, son sens de la mise en scène, en firent un peintre médiatisé. Gala, sa muse pendant cinquante-trois ans, divinisée telle une Madone, est le centre de son univers : « Sans Gala, disait-il, le monde n’aurait pas de génie et Dalí n’existerait pas ».Joan Miró (1893-1983), né à Barcelone, représentant majeur du surréalisme, a créé son propre langage. « Je travaille comme un jardinier » disait-il. Peintre, sculpteur et céramiste, très attaché à sa terre catalane où il a puisé son inspira-tion, il a laissé comme Gaudí des réalisations disséminées dans Barcelone. On reconnaît un Miró à ses couleurs primaires, souvent bordées de noir, à ses motifs arrondis d’enfant qui sont le résultat d’une réflexion poussée à son paroxysme. Des éléments fétiches, très stylisés, parsèment ses toiles : femme, étoile, oiseau, que l’on retrouve dans ses titres-poèmes. Son œuvre a contribué au renom de l’Espagne, qui lui doit son logo officiel pour le tourisme [cf. page 77].

Pour en savoir plus

Michel DÉON, La Vie secrète de Salvador Dalí, Paris, éd. Gallimard, coll. « Idées », 1952. Mario LACRUZ, Gaudí una novela, Barcelona, ediciones B, 2004. Une biographie de Gaudí romancée.

165La création artistique dans l’Espagne contemporaine

Quelle est l’originalité de la création catalane ? 32

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Annexe 3

Les 17 Autonomies [cf. question 3]

11 régions inchangées après la Constitution de 1978

6 autonomies de création récente après la Constitution de 1978

mer Méd i te r ranée

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Aujourd’hui l’Espagne

Cet ouvrage s’adresse à tout lecteur, spécialiste ou non de l’Espagne,curieux de la destinée de notre voisin transpyrénéen qui a vécu,en à peine trente ans, de profondes transformations dansles domaines économique, politique et culturel. Les questionstraitées dans cet ouvrage évoquent les grandes étapes historiquesqui ont fait de l’Espagne un membre de l’Union européenneouvert sur le XXIe siècle.Au-delà de l’attrait touristique que ce pays exerce sur ses voisinseuropéens, Aujourd’hui l’Espagne décode les particularitéshispaniques. Par exemple, comment expliquer l’actuel engouementpour le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle?Le puzzle que constituent ses dix-sept communautés autonomespeut-il être un modèle pour l’Europe ou tend-il vers une dangereusebalkanisation? Le volet culturel a également toute sa place à traversl’étude de l’évolution des mentalités d’une société qui se plaîtà innover en matière de mœurs et de création artistique,sans renier pour autant ses traditions. C’est bien ce mélangeparticulier qui rend ce pays si attachant.

Lydie López-Benhamou, de nationalité franco-espagnole, est agrégée d'espagnol.Elle possède une longue expérience dans l'enseignement, du primaire au secondaire et dans la formation des enseignants (IUFM), en France et à l'étranger (Espagne, Argentine).Aujourd'hui, elle enseigne l'espagnol essentiellement en classes de BTS.

Couverture : composition D. PoupeauÉventails Olivia Oberlin – www.olivia-oberlin.com

Aujourd’hui l’EspagneLydie LÓPEZ-BENHAMOU

PRIX : . . . . . . . . .17,90 €ISSN : . . . . . . .1969-5543ISBN : 978-2-86626-368-3RÉF : . . . . . .340QA061

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