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Membres du jury
Monsieur le Professeur DUVERGER Philippe | Président
Madame le Docteur KREMBEL Aude | Directeur
Monsieur le Professeur CHABASSE Dominique | Membre
Madame le Professeur GOHIER Bénédicte | Membre
Madame le Docteur LACCOURREYE Véronique | Membre
Soutenue publiquement le :
12 Décembre 2016
2016-2017
THÈSE
pour le
DIPLÔME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE
Qualification en PSYCHIATRIE
Les écueils de la filiation et de la parentalité
adoptives
Etude sur les enfants adoptés et confiés à l'ASE du Maine et Loire entre 2010 et 2014
LEGROS Clara Né le 03 Décembre 1987 à Angers (49)
Sous la direction du Docteur Aude KREMBEL
ii
iii
ENGAGEMENT
DE NON PLAGIAT
Je, soussignée LEGROS Clara déclare être pleinement consciente que le plagiat de documents ou d’une
partie d’un document publiée sur toutes formes de support, y compris l’internet,
constitue une violation des droits d’auteur ainsi qu’une fraude caractérisée. En conséquence, je m’engage à citer toutes les sources que j’ai utilisées
pour écrire ce rapport ou mémoire.
signé par l'étudiante le 12/11/2016
LISTE DES ENSEIGNANTS DE L’UFR SANTÉ D’ANGERS
Directeur de l'UFR : Pr Isabelle RICHARD
Directeur adjoint de l'UFR et directeur du département de pharmacie : Pr Frédéric LAGARCE
Directeur du département de médecine : Pr Nicolas LEROLLE
PROFESSEURS DES UNIVERSITÉS
ABRAHAM Pierre Physiologie Médecine
ASFAR Pierre Réanimation Médecine
AUBE Christophe Radiologie et imagerie médicale Médecine
AUDRAN Maurice Rhumatologie Médecine
AZZOUZI Abdel Rahmène Urologie Médecine BARON-HAURY Céline Médecine générale Médecine
BARTHELAIX Annick Biologie cellulaire Médecine
BATAILLE François-Régis Hématologie ; transfusion Médecine
BAUFRETON Christophe Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Médecine BEAUCHET Olivier Gériatrie et biologie du vieillissement Médecine
BENOIT Jean-Pierre Pharmacotechnie Pharmacie
BEYDON Laurent Anesthésiologie-réanimation Médecine
BIZOT Pascal Chirurgie orthopédique et traumatologique Médecine BONNEAU Dominique Génétique Médecine
BOUCHARA Jean-Philippe Parasitologie et mycologie Médecine
BRIET Marie Pharmacologie Médecine
CAILLIEZ Eric Médecine générale Médecine CALES Paul Gastroentérologie ; hépatologie Médecine
CAMPONE Mario Cancérologie ; radiothérapie Médecine
CAROLI-BOSC François-Xavier Gastroentérologie ; hépatologie Médecine
CHABASSE Dominique Parasitologie et mycologie Médecine
CHAPPARD Daniel Cytologie et histologie Médecine CONNAN Laurent Médecine générale Médecine
COUTANT Régis Pédiatrie Médecine
COUTURIER Olivier Biophysique et médecine nucléaire Médecine
CUSTAUD Marc-Antoine Physiologie Médecine DARSONVAL Vincent Chirurgie plastique, reconstructrice et
esthétique
Médecine
DE BRUX Jean-Louis Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Médecine
DESCAMPS Philippe Gynécologie-obstétrique Médecine DIQUET Bertrand Pharmacologie Médecine
DUVAL Olivier Chimie thérapeutique Pharmacie
DUVERGER Philippe Pédopsychiatrie Médecine
ENON Bernard Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire Médecine
EVEILLARD Mathieu Bactériologie-virologie Pharmacie FANELLO Serge Épidémiologie ; économie de la santé et
prévention
Médecine
FAURE Sébastien Pharmacologie physiologie Pharmacie
FOURNIER Henri-Dominique Anatomie Médecine FURBER Alain Cardiologie Médecine
GAGNADOUX Frédéric Pneumologie Médecine
GARNIER François Médecine générale Médecine
GARRE Jean-Bernard Psychiatrie d'adultes Médecine GOHIER Bénédicte Psychiatrie d'adultes Médecine
GRANRY Jean-Claude Anesthésiologie-réanimation Médecine
GUARDIOLA Philippe Hématologie ; transfusion Médecine
GUILET David Chimie analytique Pharmacie
II
HAMY Antoine Chirurgie générale Médecine
HUEZ Jean-François Médecine générale Médecine
HUNAULT-BERGER Mathilde Hématologie ; transfusion Médecine
IFRAH Norbert Hématologie ; transfusion Médecine
JARDEL Alain Physiologie Pharmacie JEANNIN Pascale Immunologie Médecine
JOLY-GUILLOU Marie-Laure Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Médecine
LACCOURREYE Laurent Oto-rhino-laryngologie Médecine
LAGARCE Frédéric Biopharmacie Pharmacie LARCHER Gérald Biochimie et biologie moléculaires Pharmacie
LASOCKI Sigismond Anesthésiologie-réanimation Médecine
LAUMONIER Frédéric Chirurgie infantile Médecine
LEFTHERIOTIS Georges Physiologie Médecine LEGRAND Erick Rhumatologie Médecine
LERMITE Emilie Chirurgie générale Médecine
LEROLLE Nicolas Réanimation Médecine
LUNEL-FABIANI Françoise Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Médecine
MARCHAIS Véronique Bactériologie-virologie Pharmacie MARTIN Ludovic Dermato-vénéréologie Médecine
MENEI Philippe Neurochirurgie Médecine
MERCAT Alain Réanimation Médecine
MERCIER Philippe Anatomie Médecine MILEA Dan Ophtalmologie Médecine
PAPON Nicolas Parasitologie mycologie Pharmacie
PASSIRANI Catherine Chimie générale Pharmacie
PELLIER Isabelle Pédiatrie Médecine PICHARD Eric Maladies infectieuses ; maladies tropicales Médecine
PICQUET Jean Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire Médecine
PODEVIN Guillaume Chirurgie infantile Médecine
PROCACCIO Vincent Génétique Médecine PRUNIER Fabrice Cardiologie Médecine
REYNIER Pascal Biochimie et biologie moléculaire Médecine
RICHARD Isabelle Médecine physique et de réadaptation Médecine
RICHOMME Pascal Pharmacognosie Pharmacie
RODIEN Patrice Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques
Médecine
ROHMER Vincent Endocrinologie, diabète et maladies
métaboliques
Médecine
ROQUELAURE Yves Médecine et santé au travail Médecine ROUGE-MAILLART Clotilde Médecine légale et droit de la santé Médecine
ROUSSEAU Audrey Anatomie et cytologie pathologiques Médecine
ROUSSEAU Pascal Chirurgie plastique, reconstructrice et
esthétique
Médecine
ROUSSELET M. Christine Anatomie et cytologie pathologiques Médecine
ROY Pierre-Marie Thérapeutique ; médecine d’urgence Médecine
SAINT-ANDRE Jean-Paul Anatomie et cytologie pathologiques Médecine
SAULNIER Patrick Biophysique pharmaceutique et biostatistique Pharmacie
SENTILHES Loïc Gynécologie-obstétrique Médecine SERAPHIN Denis Chimie organique Pharmacie
SUBRA Jean-François Néphrologie Médecine
UGO Valérie Hématologie ; transfusion Médecine
URBAN Thierry Pneumologie Médecine VENIER Marie-Claire Pharmacotechnie Pharmacie
VERNY Christophe Neurologie Médecine
WILLOTEAUX Serge Radiologie et imagerie médicale Médecine
ZAHAR Jean-Ralph Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Médecine ZANDECKI Marc Hématologie ; transfusion Médecine
III
MAÎTRES DE CONFÉRENCES
ANNAIX Véronique Biochimie et biologie moléculaires Pharmacie
ANNWEILER Cédric Gériatrie et biologie du vieillissement Médecine
AUGUSTO Jean-François Néphrologie Médecine
BAGLIN Isabelle Pharmaco-chimie Pharmacie BASTIAT Guillaume Biophysique et biostatistique Pharmacie
BEAUVILLAIN Céline Immunologie Médecine
BELIZNA Cristina Médecine interne Médecine
BELLANGER William Médecine générale Médecine BENOIT Jacqueline Pharmacologie et pharmacocinétique Pharmacie
BIGOT Pierre Urologie Médecine
BLANCHET Odile Hématologie ; transfusion Médecine
BOISARD Séverine Chimie analytique Pharmacie
BOURSIER Jérôme Gastroentérologie ; hépatologie Médecine CAPITAIN Olivier Cancérologie ; radiothérapie Médecine
CASSEREAU Julien Neurologie Médecine
CHEVAILLER Alain Immunologie Médecine
CHEVALIER Sylvie Biologie cellulaire Médecine CLERE Nicolas Pharmacologie Pharmacie
CRONIER Patrick Chirurgie orthopédique et traumatologique Médecine
DE CASABIANCA Catherine Médecine générale Médecine
DERBRE Séverine Pharmacognosie Pharmacie DESHAYES Caroline Bactériologie virologie Pharmacie
DINOMAIS Mickaël Médecine physique et de réadaptation Médecine
DUCANCELLE Alexandra Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Médecine
FERRE Marc Biologie moléculaire Médecine
FLEURY Maxime Immunologie Pharmacie FORTRAT Jacques-Olivier Physiologie Médecine
HELESBEUX Jean-Jacques Chimie organique Pharmacie
HINDRE François Biophysique Médecine
JEANGUILLAUME Christian Biophysique et médecine nucléaire Médecine JOUSSET-THULLIER Nathalie Médecine légale et droit de la santé Médecine
KEMPF Marie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Médecine
LACOEUILLE Franck Biophysique et médecine nucléaire Médecine
LANDREAU Anne Botanique Pharmacie LE RAY-RICHOMME Anne-Marie Valorisation des substances naturelles Pharmacie
LEPELTIER Elise Chimie générale Nanovectorisation Pharmacie
LETOURNEL Franck Biologie cellulaire Médecine
LIBOUBAN Hélène Histologie Médecine MALLET Sabine Chimie Analytique et bromatologie Pharmacie
MAROT Agnès Parasitologie et mycologie médicale Pharmacie
MAY-PANLOUP Pascale Biologie et médecine du développement et de
la reproduction
Médecine
MESLIER Nicole Physiologie Médecine MOUILLIE Jean-Marc Philosophie Médecine
NAIL BILLAUD Sandrine Immunologie Pharmacie
PAPON Xavier Anatomie Médecine
PASCO-PAPON Anne Radiologie et imagerie médicale Médecine PECH Brigitte Pharmacotechnie Pharmacie
PENCHAUD Anne-Laurence Sociologie Médecine
PETIT Audrey Médecine et santé au travail Médecine
PIHET Marc Parasitologie et mycologie Médecine PRUNIER Delphine Biochimie et biologie moléculaire Médecine
RIOU Jérémie Biostatistique Pharmacie
ROGER Emilie Pharmacotechnie Pharmacie
SCHINKOWITZ Andréas Pharmacognosie Pharmacie
SIMARD Gilles Biochimie et biologie moléculaire Médecine
IV
TANGUY-SCHMIDT Aline Hématologie ; transfusion Médecine
TRICAUD Anne Biologie cellulaire Pharmacie
TURCANT Alain Pharmacologie Médecine
AUTRES ENSEIGNANTS
AMIARD Stéphane Informatique Médecine AUTRET Erwan Anglais Médecine
BRUNOIS-DEBU Isabelle Anglais Pharmacie
CAVAILLON Pascal Pharmacie Industrielle Pharmacie
CHIKH Yamina Économie-Gestion Médecine FISBACH Martine Anglais Médecine
LAFFILHE Jean-Louis Officine Pharmacie
LETERTRE Elisabeth Coordination ingénierie de formation Médecine
O’SULLIVAN Kayleigh Anglais Médecine
V
REM
ER
CIEM
EN
TS
A M. le Professeur Philippe DUVERGER. Je vous remercie d'avoir accepté de
présider cette thèse. Je vous remercie également pour m'avoir guidée, conseillée
tout au long de mon internat. Soyez assuré de mon profond respect.
A Mme le Docteur Aude KREMBEL. Je te remercie d'avoir accepté de diriger
cette thèse. Merci pour ton écoute, tes conseils et ta confiance. Merci également
pour ta porte, toujours ouverte, ton accueil chaleureux en bord de Loire et ta
disponibilité. Aude, trouve ici l'expression de mon estime et de ma sincère
reconnaissance.
A Mme le Professeur Bénédicte GOHIER. Vous me faites l'honneur d'accepter
de participer au jury de cette thèse. Je vous remercie pour la qualité et la richesse
de votre enseignement.
A Mme le Docteur Véronique LACCOURREYE. Tu me fais l'honneur d'accepter
de participer au jury de cette thèse. Je te remercie pour l'intérêt que tu portes à
ce travail. Merci également pour ta confiance. C'est un plaisir de pouvoir travailler
avec toi.
A M. le Professeur Dominique CHABASSE. Vous me faites l'honneur d'accepter
de participer au jury de cette thèse. Je vous remercie pour l'intérêt que vous
portez à ce travail et à la psychiatrie.
VI
REM
ER
CIEM
EN
TS
A mes parents, pour vos merveilleuses qualités humaines, les valeurs que vous
avez su me transmettre, pour votre bienveillance et votre altruisme, qui ont guidé
vos choix professionnels et qui, je l'espère, ne sont pas tout à fait étrangers aux
miens. Merci pour votre soutien sans faille et votre affection au quotidien. Soyez
assurés de tout mon amour.
A ma sœur, Candice, pour ta générosité, ta modestie, ton écoute complice, ta
finesse et ton humour irrésistible. Chaque moment partagé avec toi est précieux.
A mon frère Clément, pour ton soutien, tes cours de maths, ta curiosité
contagieuse, ta détermination dans le travail qui force l'admiration.
A Lucile, belle-sœur et amie, qui a su me donner l'envie de me lancer dans ces
incroyables études, et d'exercer une médecine engagée pour et auprès du patient.
A vos adorables enfants, Alice et Antoine.
A mes grands-parents, pour leur tendresse et le bonheur qui berce mes souvenirs
d'enfance.
A ma tante Nicole et à mes cousins Vincent, Bérengère et Ludovic, ainsi qu'à leur
petit Timéo.
A mes amis, qui sauront se reconnaitre, pour leur amitié et leur soutien.
VII
REM
ER
CIEM
EN
TS
A toutes les équipes soignantes et les médecins qui m’ont accompagnée durant
mon internat, et à ceux qui m'accompagnent encore.
A toute l'équipe du CSE Pierre Daguet, et particulièrement à celle de Dionysos,
pour votre accueil, vos compétences professionnelles et humaines. C'est un plaisir
de travailler à vos côtés.
A Mme BEAUSSIER Elisabeth, responsable du service Adoption du Maine et Loire,
sans qui ce travail n'aurait pas été possible. Pour votre gentillesse, votre
disponibilité, votre expérience et votre aide plus que précieuse, je vous remercie
infiniment.
Aux secrétaires du service Adoption, Pascale et Karine, pour avoir bravé à maintes
reprises les couloirs étroits de Lascaux et pour le temps que vous m'avez
consacré.
A toute l'équipe du service Adoption pour votre gentillesse et votre accueil.
En espérant que ce modeste travail témoignera de l'importance et de la qualité de
celui que vous accomplissez au quotidien.
VIII
Liste des abréviations
AAI Adult Attachment Interview
AFA Agence Française de l'Adoption
ASE Aide Sociale à l'Enfance
AMP Aide Médicale à la Procréation
CLH Convention de La Haye
DSM-V Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders
EBS Enfant à Besoins Spécifiques
EFA Enfance Famille Adoption
IAD Insémination Avec Donneur
INED Institut National d'Etudes Démographiques
MDS Maison des Solidarités
OAA Organisme Autorisé pour l'Adoption
ONED Observatoire National de l'Enfance en Danger
RDC République Démocratique du Congo
TCE Trouble du Comportement Externalisé
TGI Tribunal de Grande Instance
VHB Virus de l'Hépatite B
VIH Virus de l'Immunodéficience Humaine
IX
Plan
LISTE DES ABREVIATIONS
RESUME
INTRODUCTION
1.ETUDE RETROSPECTIVE
1.1. Méthode
1.1.1. Population
1.1.2. Instruments
1.1.3. Procédure d'analyse 1.1.4. Analyse des données
1.2. Résultats
1.2.1. Profil des enfants adoptés
1.2.2. Profil des parents adoptifs
1.2.3. Devenir des enfants adoptés
1.2.4. Devenir des parents adoptifs
1.3. Limites
2.DISCUSSION
2.1. Les écueils de la filiation adoptive
2.1.1. Les enjeux de filiation et d'affiliation chez l'enfant et l'adolescent adoptés
2.1.2. Les facteurs de risque pour l'enfant d'un placement post-adoption à l'ASE
2.2. Les écueils de la parentalité adoptive
2.2.1. Particularités et dysfonctionnements de la parentalité adoptive 2.2.2. Prévention des difficultés à l'adoption : quels signes d'alerte dans la
procédure d'agrément ?
2.3. Cadre symbolique et adoption
2.3.1. Non-dits et mensonges lors de la procédure d'agrément
2.3.2. L'adoption "intrafamilale" ou l'adoption sans agrément
2.3.3. L'adoption dans les pays n'ayant pas ratifié la Convention de La Haye
2.3.4. L'adoption par démarche individuelle
2.3.5. La responsabilité des Organismes Autorisés pour l'Adoption
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
TABLE DES MATIERES
ANNEXES
1
RESUME
Introduction- Certaines adoptions se compliquent d'un placement à l'ASE de l'enfant adopté.
L'objectif principal de ce travail est d'apporter des éléments de compréhension sur ce qui peut venir
entraver la construction du lien de filiation au point que le recours au placement de l'enfant soit
inévitable.
Méthode - Les dossiers de 36 enfants placés à l'ASE du Maine et Loire ainsi que les dossiers
d'agrément de leurs parents respectifs ont été analysés à la lumière des données de la littérature.
Résultats - Dans cette étude, la majorité des enfants sont des garçons, originaires d'Afrique
ou d'Amérique du Sud, adoptés tardivement, avec les risques de traumatismes et de carences que
cela sous-entend. De plus, au moins un tiers d'entre eux sont des enfants dits à besoins spécifiques.
Le placement à l'ASE survient à l'adolescence, période à haut risque pour ces enfants adoptés,
pendant laquelle des troubles du comportement apparaissent ou se majorent, et les relations
familiales se conflictualisent. Le profil des parents adoptifs dans cette étude quant à leur âge au
moment de l'adoption, aux catégories socioprofessionnelles, et au statut familial ne se distingue pas
de celui des parents adoptifs en général. La lecture des dossiers d'agrément montre en revanche que
les professionnels avaient formulé des réserves voire un refus à l'octroi de l'agrément dans 20% des
cas. Plusieurs raisons sont invoquées : culpabilité par rapport aux géniteurs, traumatisme non résolu
dans l'enfance du candidat, confusion sur la notion de "double filiation", ... Après l'obtention de
l'agrément, le non-respect du projet initial, parfois lié à des transgressions de la loi juridique ou
symbolique, en creusant l'écart entre enfant réel et enfant imaginaire, peut générer des réponses
éducatives rigides, voire des attitudes de rejet vis à vis de l'enfant.
Conclusion - Les placements d'enfants adoptés à l'ASE résultent généralement de l'intrication
de plusieurs facteurs tant du côté de l'enfant que de ses parents, et pourraient être limités par la
préparation des enfants en coopération avec les pays d'origine, par un choix plus sélectif des
candidats lors de la procédure d'agrément, et par un accompagnement post-adoption prolongé.
2
"Naturellement si les choses ne vont pas bien, et très souvent elles ne peuvent qu'aller mal,
vous les impliquez alors [les parents adoptifs] dans la tâche très difficile
d'être déçus et de supporter leur échec."
Donald W. WINICOTT
INTRODUCTION
En 2013, Megan TWOHEY1 de l'agence de presse américaine REUTERS publiait les résultats
d'une enquête inquiétante dénonçant la pratique d'échanges ou de "dons" d'enfants adoptés,
pudiquement nommée : "private rehoming" (adoptions privées). Via internet, et sur ce qui s'assimile
à des "bons coins" de l'adoption, de petites annonces accompagnées de photos proposent d'accueillir
des enfants dont leur famille adoptive ne veut plus. Ainsi, sur près de cinq ans, c'est environ 260
enfants qui auraient fait l'objet d'un véritable marché noir de l'adoption.
Si ces pratiques n’ont été décrites qu’outre-Atlantique et restent marginales, les difficultés
rencontrées par les enfants adoptés et leur famille semblent l'être nettement moins. Dans le numéro
spécial de la revue Accueil, paru en mars 2014, et consacré aux adoptions en souffrance, Geneviève
MIRAL et Janice PEYRE2 soulignent que selon les études, aussi bien européennes qu'américaines, ce
serait 15%, 30%, voire plus de la moitié des enfants adoptés qui rencontreraient de grandes
difficultés et 2% à 15% qui seraient remis aux services sociaux après leur adoption. Ces chiffres
doivent néanmoins être interprétés avec prudence, ces études ayant été réalisées dans plusieurs
pays, selon des approches méthodologiques difficilement comparables. De plus, comme le dit
1 Twohey M. The children exchange: Inside America’s underground market for adopted children. Reuters investigates, 2013.
Article récompensé par le Prix Pulitzer en 2014.
2 - Miral G, Peyré J. Des chiffres et des mots. Accueil. 2014;170:13-14
- Miral G, Peyré J. Que nous disent les études ? Accueil. 2014;170:15-18
3
Catherine SELLENET3, "il n'est pas certain que la définition de la notion même de difficultés soit
identique d'une étude à l'autre". La terminologie pour désigner ce qui pose problème prête aussi à
débat, certains préférant parler de "difficultés" pour ne pas heurter les sensibilités quand d'autres
n'hésitent pas à employer le terme "d'échec". Ainsi, en 2007, Pierre LEVY SOUSSAN et Sophie
MARINOPOULOS4, estiment que 3% des adoptions se soldent par un placement judiciaire ou
administratif de l'enfant à l'ASE, ce qui pour ces auteurs constitue là un véritable échec à l'adoption.
Ces situations ne sont donc pas si fréquentes mais pas tout à fait exceptionnelles non plus. D'autant
que Pierre LEVY SOUSSAN5 insiste bien sur le fait que ces dernières sont très probablement sous-
estimées. En effet, "définir un échec n'est pas chose facile, tant la subjectivité de chacun entre en
jeu. Combien d'échecs invisibles existent chez ces enfants devenus adultes, dans l'ombre de
l'intimité, dans le silence d'une souffrance indicible ?"
De plus, la légère surreprésentation dans les consultations spécialisées de pédopsychiatrie des
enfants adoptés, en comparaison à la population générale, vient également questionner le risque de
la filiation adoptive pour l'enfant mais aussi pour sa famille.6
Tous ces chiffres interpellent car la parentalité adoptive se distingue de la parentalité
biologique, évidemment par l'accès même à cette parentalité, mais aussi par la "sélection" qui
s'exerce sur les candidats à l'adoption, réalisée par des psychiatres, psychologues et travailleurs
sociaux au cours de la procédure d'agrément.
3 Sellenet C. Recherche sur les enfants adoptés en difficultés, commandée au CREC pour la DGAS du Ministère des affaires
sociales, du travail et de la solidarité, 2005 (vol 1), 2006 (vol 2)
4 Lévy-Soussan P, Marinoupoulos S. Abandon et adoption : enjeux psychiques de la filiation dans une perspective historique
et clinique. EMC psychiatrie, 2007;37:1-8
5 Lévy-Soussan P. Destin de l'adoption. Editions Fayard, 2010. p283,284
6 Marcelli D, Cohen D. Enfance et psychopathologie. Editions (9ème ed) : Elsevier Masson, 2012. p 585
4
L'agrément est décrit comme tel sur le sites "www.adoption.gouv.fr" : "l'agrément n'est en
aucun cas un label de bons ou de mauvais parents, mais le service de l’ASE se place dans l’optique de
l’accueil d’un enfant qui a, quel que soit son âge, déjà une histoire, peut-être difficile, et à qui il
souhaite donner toutes ses chances. Ainsi l’agrément est une garantie pour l’enfant et pour les
parents adoptifs." De quelle garantie parle-t-on exactement ? cela n'est pas précisé. Néanmoins,
cette définition de l'agrément pointe un enjeu primordial de cette procédure, à savoir la prévention
des situations d'échec à l'adoption. Or, toute prévention est plus facile à mettre en œuvre lorsque les
facteurs de risque sont bien identifiés
L'objectif principal de cette étude, menée à l'échelle du département du Maine et Loire, est de
dresser le profil des enfants adoptés et de leurs parents adoptifs, en amont, au moment, et après
l'adoption. Cela afin d'identifier et d'éclairer, au vu des données de la littérature, les facteurs qui
mènent au placement à l'ASE d'un enfant adopté et qui pourraient faire l'objet d'une attention toute
particulière, notamment au cours de la procédure d'agrément, ainsi que dans chacune des étapes
précédant l'appariement. 7
Dans les deux premières parties de notre discussion, nous analyserons d'abord les difficultés
rencontrées par ces adolescents adoptés placés ainsi que par leurs parents, en nous appuyant sur les
théories psychodynamiques, systémiques et de l'attachement, pour ensuite discuter les possibles
facteurs de risques concourant à leur émergence. La dernière partie de notre discussion pointera les
écarts faits au cadre symbolique, ou juridique, et qui ont également pu contribuer à l'émergence de
ces difficultés.
7 Lévy-Soussan P. Destin de l'adoption. Editions Fayard, 2010 . p 187. " Nous utilisons de préférence ce terme à celui
d'apparentement qui joue sur une consonance parentale avérée sur le plan étymologique. Dans cette étape il ne s'agit pas
encore de parent, même si l'on s'en approche. "
5
1. ETUDE RETROSPECTIVE
1.1 MÉTHODE
1.1.1 POPULATION
Pour cette étude, chacun des six inspecteurs de l'ASE du département du Maine et Loire a
identifié les enfants adoptés, parmi ceux placés dans leur secteur par le biais d'une procédure
administrative ou judiciaire, sur une période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2014. Afin de
limiter un biais de mémorisation, les treize responsables des Maisons Des Solidarités (MDS) ont
également été sollicités pour l'identification de ces enfants.
Sur les 4 265 enfants confiés à l'ASE sur cette période, 36 enfants ont ainsi été identifiés
comme étant des enfants adoptés. Six enfants ont été adoptés par cinq mères célibataires. Une
fratrie de deux enfants a été adoptée puis abandonnée à deux reprises, l'étude concerne donc au
total 38 situations d'enfants adoptés puis placés et 65 parents adoptifs. Elle inclut aussi bien les
enfants ayant fait l'objet d'une adoption simple que plénière, internationale que nationale.
1.1.2. Instruments
Pour chaque situation, le dossier ASE de l'enfant (rapports éducatifs rédigés tout au long du
placement de l'enfant) et le dossier d'agrément de son ou ses parents (rapports d'évaluation
psychologique et social en vue d'agrément, rapport d'adaptation à 6 mois en vue d'adoption plénière
et, le cas échéant, rapports d'adaptation rédigés par l'organisme autorisé pour l'adoption), ont été
consultés rétrospectivement. Dans deux situations, l'adoption ayant été intrafamiliale, il n'existait pas
de dossiers d'agrément. Au total, c'est donc 36 dossiers d'enfants et 34 dossiers d'agrément qui ont
été analysés à l'aide d'une fiche de renseignements (cf. annexe 1). Cette dernière a été pensée et
construite à partir des données de la littérature concernant les difficultés à l'adoption. Elle renseigne
sur l'histoire pré-adoptive, sur les modalités de l'adoption et sur l'émergence, la nature et
6
l'accompagnement social des difficultés à l'adoption. Cette fiche comprend ainsi des items relatifs à
l'enfant (sexe, âge à l'adoption, pays d'origine, scolarité, âge au placement), aux parents
(motivations à l'adoption, âge à l'adoption, situation professionnelle), ainsi qu'aux institutions,
impliquées dans l'adoption ou de la protection de l'enfance.
1.1.3. Procédure d'analyse
Chaque dossier ASE de l'enfant a été rattaché au dossier d'agrément de son ou ses parent(s):
le dossier ASE de l'enfant ayant systématiquement été lu avant le dossier d'agrément.
1.1.4. Analyse des données
Le logiciel Microsoft Office Excel 2016 a été utilisé pour le recueil des données.
7
1.2. RÉSULTATS
1.2.1. Profil des enfants adoptés
Les enfants inclus dans l'étude ont été adoptés entre 1994 et 2012, et majoritairement avant 2006.
0
1
2
3
4
5
6
Graphique 1
Nombre d'enfants adoptés puis confiés à l'ASE du Maine et Loire
en fonction de leur année d'adoption
1.2.1.1. Âge à l'adoption
On observe que plus de la moitié des adoptions peut être qualifiée d'adoption "tardive", c'est-à-dire
après l'âge de 24 mois. Effectivement, dans 38 situations, 14 (36,84%) enfants ont été adoptés
avant l'âge de 24 mois et 24 (63,16%) l'ont été à l'âge de 24 mois et plus.
Tableau I
Age à l’adoption en fonction de l’origine des enfants
Origine des enfants < à 4mois
de 4 mois à 11 mois
de 12 mois à 23 mois
de 2 ans à 5 ans
de 6 ans à 9 ans
de 10 ans à 12 ans
France 2 0 0 1 1 2
Afrique 0 1 1 8 4 1
Asie 2 3 0 0 0 0
Amérique du Sud 1 1 2 1 2 0
Haïti 0 0 1 1 1 0
Pays de l'Est 0 0 0 1 1 0
TOTAL 5 5 4 12 9 3
TOTAL EN % 13,16 13,16 10,53 31,58 23,68 7,89
8
En ce qui concerne l’Afrique, les enfants originaires d’Ethiopie ont tous été adoptés tardivement,
entre 3 et 9 ans, avec une moyenne d’âge à l’adoption de 5 ans. L’âge a été falsifié dans 5 situations
(4 fois en Ethiopie, 1 fois en République démocratique du Congo).
En ce qui concerne l’Asie, les enfants ont tous été adoptés précocement, entre 6 semaines et 7 mois,
avec une moyenne d’âge à l’adoption de 4,4 mois.
1.2.1.2. Pays d'origine
Les enfants sont issus de 14 pays différents :
France : Métropole, Polynésie Française
Afrique : République démocratique du Congo (RDC), Côte d’Ivoire, Burkina Fasso, Ethiopie,
Mali
Asie : Corée du Sud, Vietnam
Amérique du Sud : Brésil, Guatemala, Colombie
Haïti
Pays de l’Est : Lettonie, Roumanie
Graphique 2
Pourcentage des enfants adoptés entre 1994 et 2012 puis confiés à l’ASE du Maine et Loire
en fonction de leur origine géographique
9
Adoption nationale
Les adoptions nationales représentent 15,79% de l'ensemble des adoptions. Elles se
répartissent de la façon suivante : 3 via l’ASE (une fratrie et un garçon), 1 adoption intrafamiliale, 1
adoption via un Organisme Autorisé pour l’Adoption (OAA) et 1 adoption par démarche individuelle en
Polynésie Française.
Entre 2005 et 2012, il y a eu 42 adoptions réalisées via l’ASE et 12 adoptions nationales via
des OAA, soit 54 adoptions nationales réalisées dans le Maine et Loire. Avant 2005, les chiffres ne
sont pas connus.
Adoption internationale
Les adoptions internationales représentent 84,21% de l'ensemble des adoptions. Parmi les
enfants adoptés à l'étranger, les enfants d'origine africaine sont les plus représentés, devant ceux
originaires d'Amérique du Sud.
Entre 1994 et 2012, 1 379 visas ont été délivrés à des familles du département du Maine et
Loire ayant adopté à l'étranger. Parmi tous les enfants adoptés à l'international dans le département
du Maine et Loire entre 1994 et 2012, 2,32% ont été placés à l'ASE entre 2010 et 2014.
La majorité des adoptions a eu lieu dans des pays "non CLH", c'est à dire dans des pays qui
n'avaient pas encore ratifié la Convention de La Haye. Seules 9 adoptions sur 38 (23,68%) ont été
réalisées après ratification de la CLH par le pays d'origine et par la France.8
8 Convention de la Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, 1993
cf. Annexe 2, Annexe 2 bis
10
1.2.1.3. Genre
Les garçons sont majoritairement représentés dans notre population, puisqu'ils sont au
nombre de 25 (66,8%) tandis que les filles sont au nombre de 13 (34,2%).
1.2.1.4. Histoire pré-adoptive et causes de l'abandon
L'histoire pré-adoptive est peu renseignée dans les dossiers de l'ASE ou d'agrément.
Néanmoins pour 26 enfants, il est mentionné un placement en orphelinat ou en famille d'accueil et au
moins 2 de ces enfants, d'origine éthiopienne, auraient vécu transitoirement dans la rue. Une
maltraitance et/ou négligence est mentionnée 8 fois.
La précarité est mentionnée à 9 reprises pour justifier l'abandon, et le décès des parents
biologiques à 5 reprises.
1.2.1.5. Santé de l'enfant et antécédents familiaux
Là encore, il n'y a que très peu de renseignements présents dans les dossiers quant aux
antécédents médicaux de l'enfant et de sa famille biologique.
Néanmoins les maladies infectieuses sont citées chez 9 enfants adoptés à l'étranger : 7
d'entre eux étaient atteints d'une parasitose (gale, teigne) à leur arrivée en France, 2 souffraient de
bronchiolites, 1 était porteur du VHB, et 1 était séropositif au VIH et a bénéficié d'un traitement et
d'un suivi dès son arrivée en France.
La malnutrition est citée une fois, dans le contexte d'une adoption internationale.
Pour deux enfants, dont l’un a été adopté en France, la mère biologique souffrait d'une
pathologie psychiatrique (probable trouble psychotique).
11
1.2.1.6. Adoptions multiples
Les adoptions peuvent être qualifiées de "multiples" dans 8 situations. En effet, 7 enfants ont
été adoptés avec une sœur ou un frère, biologique ou "d'adoption", et un garçon a été adopté en
même temps que sa petite sœur biologique et une autre petite fille (fratrie mixte).
Tableau II
Types d’adoptions multiples en fonction de l’origine des enfants
France Ethiopie
via l’ASE Intrafamiliale
Fratrie biologique 2 1 2
Fratrie mixte 0 0 1
Fratrie d'adoption 0 0 2
TOTAL 2 1 5
1.2.1.7. Enfants dit "à besoins spécifiques" (EBS)
Les EBS sont des enfants adoptés qui répondent à au moins une des caractéristiques
suivantes 9:
âgés de 6 ans ou plus,
adoptés avec au moins deux autres enfants,
porteurs d'un handicap, physique ou psychique,
ayant une histoire de vie lourde ou stigmatisante.
Dans cette étude ils sont au nombre de 14 sur 38 (36,84%).
9 Définition donnée par Enfance Famille Adoption (EFA), sur le site internet : http://efa29.jimdo.com/
12
Tableau III
Les enfants à besoins spécifiques en fonction de leur origine
âgés de 6 ans
ou plus
adoptés avec au
moins deux
autres enfants
porteurs d'un handicap
physique ou
psychique
ayant une
histoire
de vie lourde
ou stigmatisante
TOTAL
France
ASE 3 0 0 Non renseigné 3
Ethiopie 3 1 1 Non renseigné 5
Côte d'Ivoire 1 0 0 Non renseigné 1
RDC 1 0 0 Non renseigné 1
Brésil 1 0 0 Non renseigné 1
Colombie 1 0 0 Non renseigné 1
Haïti 1 0 0 Non renseigné 1
Lettonie 1 0 0 Non renseigné 1
TOTAL 12 1 1 Non renseigné 14 L'enfant "porteur d'un handicap" est atteint du VIH
1.2.2. Profil des parents adoptifs
1.2.2.1. Âge des parents à l'adoption
La majorité des parents ont entre 35 et 45 ans au moment de l'adoption (75,8%). En
moyenne, les pères ont 39,9 ans et les mères 40,3 ans, avec un intervalle pour les pères allant de 30
à 52 ans et pour les mères de 29 à 59 ans.
1.2.2.2. Statut familial avant l’adoption
Dans 21 situations sur 36 (58,33%), les candidats à l'adoption sont déjà parent d'un ou
plusieurs enfants biologiques et/ou adoptés.
Tableau IV
Composition de la famille avant l'arrivée de l'enfant
Couple sans enfant 12
Couple avec un ou plusieurs enfants biologiques 11
Couple avec un ou plusieurs enfants adoptés 7
Couple avec enfant adopté et biologique 1
Femme seule sans enfant 3
Femme seule avec enfant adopté 2
Homme seul sans enfant 0
Homme seul avec enfant 0
TOTAL 36
13
1.2.2.3. Catégories socioprofessionnelles
Les candidats se répartissent dans toutes les catégories socioprofessionnelles, bien qu'ils
appartiennent en majorité aux catégories suivantes : cadre et profession intellectuelle (26,15%) et
profession intermédiaire (29,23%).
6
2
17
19
13
4
4
9,23
3,09
26,15
29,23
20
6,15
6,15
0 5 10 15 20 25 30 35
Agriculteurs/exploitants
Artisans/commerçants/chefs d'entreprise
Cadres et professions intellectuelles
Professions intermédiaires
Employés
Ouvriers
Sans activité (retraité, mère au foyer)
Pourcentage Nombre de fois cité
Graphique 3
Catégories socioprofessionnelles des parents adoptifs
14
1.2.2.4. Motifs invoqués au cours de la procédure d’agrément
Dans deux situations, deux motifs sont invoqués (infertilité et engagement humanitaire).
Graphique 4
Motifs invoqués au cours de la procédure d’agrément
1.2.2.5. Procédure d'agrément
Les agréments ont été délivrés entre 1990 et 2008
0
1
2
3
4
5
6
7
Graphique 5
Nombre d'agréments délivrés par année aux parents dont les enfants seront ensuite placés à l’ASE
15
Le délai entre l'obtention de l'agrément et l'arrivée de l'enfant est majoritairement inférieur ou
égal à deux ans (81,25%). Aucun candidat n'a eu besoin de renouveler son agrément à 5 ans.
Lors de la procédure d'agrément, 3 candidatures ont fait l'objet d'un premier refus de la part
de la commission et dans 4 autres situations, des réserves apparaissent explicitement dans le rapport
d'évaluation psycho-social. Donc, dans 7 dossiers sur 34 (20,59%), les professionnels, assistant
social et/ou psychologue, ont questionné la pertinence du projet d'adoption.
Raisons avancées pour les refus 10:
Demande d’enfant qui renvoie à des besoins personnels, le candidat ne se positionne pas en
tant que parent : enfant thérapeutique, peur de la solitude, difficulté de relation à autrui.
(2 situations)
Manque de réflexion sur l’inscription de l’enfant dans la filiation adoptive, avec une confusion
sur la « double filiation » déjà repérée lors d’une première adoption (1 situation)
Raisons avancées pour les réserves :
Questionnement par rapport à l’histoire du couple et à l’histoire de vie des candidats : projet
porté davantage par un des membres du couple et traumatismes dans l’enfance non résolus
pour chacun des membres du couple. (1 situation)
Place de l’enfant dans la famille : précipitation dans un nouveau projet d’adoption alors qu’un
enfant adopté vient d’arriver au domicile (1 situation)
Place de l’enfant dans la fratrie : choix de l’âge de l’enfant afin qu’il vienne s’intercaler entre
deux enfants déjà adoptés (1 situation)
Manque de réflexion sur l’inscription de l’enfant dans la filiation adoptive : vision purement
"génétique" de la transmission des traits de personnalité (1 situation)
10 cf. Annexe 3. L'information préalable à l'agrément en vue d'adoption et l'évaluation de la demande d'agrément,
Référentiels du Ministère des Solidarités et de la Cohésion Sociale, 2011
Extrait du chapitre : Les entretiens d'évaluation socio-éducative et psychologique, p34-35
16
1.2.2.6. Démarches adoptives
Afin de mener à bien le projet d'adoption, le recours à un OAA11 a eu lieu dans 25 situations
(65,79%), 8 enfants (21,05%) ont été adoptés par démarches individuelles à l'étranger, 3 adoptions
(7,89%) se sont faites par le biais de l'ASE et 2 adoptions (5,26%) étaient des adoptions
"intrafamiliales".
1.2.2.7. Adoption simple ou adoption plénière12
Dans deux situations, l'adoption a été enregistrée comme étant une adoption simple. Pour 31
enfants, l'adoption a été prononcée de façon plénière devant un Tribunal de Grande Instance (TGI).
Enfin pour 3 enfants, le placement à l'ASE a eu lieu avant que l'adoption plénière ne soit statuée.
Pour ces enfants, l'adoption prononcée dans le pays d'origine et reconnue comme une adoption
simple en France, donc révocable, a été interrompue. Les enfants ont alors pu accéder au statut de
pupilles de l'Etat. A noter, que pour deux enfants (une fratrie), cette situation s'est produite à deux
reprises.
1.2.3. Devenir des enfants adoptés
Tous les enfants inclus dans l'étude ont été pris en charge par l'ASE du département du Maine
et Loire entre janvier 2010 et décembre 2014, sachant que pour 13 enfants la prise en charge avait
débuté avant janvier 2010 et que pour 22 enfants elle continuait en 2015.
11 cf. Annexe 4. Nombre des enfants adoptés via un OAA puis placés à l’ASE
12 cf. Annexe 5. Adoption simple et adoption plénière
17
1.2.3.1. Âge de l'enfant au placement
Dans près de la moitié des situations (47,4%), les premières difficultés apparaissent
précocement (dans les deux ans) après l'arrivée de l'enfant, avec une recrudescence ou une
acutisation des troubles en période pré-adolescente et adolescente. Le placement de l'enfant survient
donc en moyenne 10 ½ ans après son arrivée dans la famille, et l'âge moyen des enfants au moment
du placement est de 13 ½ ans.
1.2.3.2. Motifs du placement
On pourrait classer les motifs pour justifier le placement dans les catégories suivantes 13:
difficultés éducatives (16), conflits intrafamiliaux (18), trouble psychique ou addictif chez l'un des
deux ou chez les deux parents (18), maltraitance physique (5) et/ou maltraitance psychologique (11)
d'un ou des parents sur l'enfant, présence de troubles du comportement chez l'enfant (31).
A noter que pour chaque situation, plusieurs motifs sont généralement présents, et que celui
qui prédomine peut venir en occulter d'autres qui, de ce fait, ne seraient pas mentionnés dans les
rapports éducatifs.
1.2.3.3. Prise en charge psychiatrique
En amont du placement, au moins 21 enfants sur 36 ont rencontré un psychiatre et 15 d'entre
eux ont été hospitalisés en pédiatrie ou en psychiatrie pour un trouble psychique. Après le placement,
5 enfants supplémentaires vont être amenés à consulter en psychiatrie. Donc 26 enfants sur 36 ont
bénéficié à un moment ou un autre d'une prise en charge psychiatrique (72,22%).
13 Rousseau D, Duverger P, Hamon G, Cateland L N, Fanello S et al. Etude épidémiologique réalisée auprès des enfants
placés à l'Aide Sociale à l'Enfance et de leurs parents pour les années 2002-2004, Département du Maine et Loire, 2006
p15
18
Les difficultés les plus souvent citées dans les dossiers ASE sont : les violences et l'agressivité
intrafamiliales (68,42%), les vols intrafamiliaux (44,74%), les actes de délinquance (47,37%) et les
conduites addictives (47,37%). Toutes ces difficultés peuvent témoigner de Troubles du
Comportement Externalisés (TCE). Pour 4 enfants, les termes de psychose ou de trouble psychotique
sont mentionnés dans le dossier. Une tentative de suicide ou des menaces suicidaires sont notés dans
5 dossiers (13,89%).
Notre analyse portant sur des dossiers éducatifs et non médicaux, nous resterons prudente
sur les questions de symptômes et de diagnostics.
1.2.3.4. Scolarité
En ce qui concerne la scolarité, au 31 décembre 2014, 63,6% des jeunes adoptés de notre
étude étaient en situation de déscolarisation ou de décrochage scolaire14.
1.2.3.5. Relations parents-enfants
Au 31 décembre 2014, 11 jeunes sont retournés vivre au domicile de leurs parents adoptifs.
Le placement à l’ASE se poursuit pour 22 jeunes et 5 jeunes ont un logement indépendant. Dans 18
situations, les liens parents-enfants sont extrêmement conflictuels, voire rompus. Parmi ces jeunes, 2
avaient été adoptés précocement (avant l’âge de 2 ans), et 16 l’avaient été tardivement.
Dans la majorité des cas, il ne s'agit pas d'une "rupture de liens" au sens juridique du terme, les
parents gardant l'autorité parentale, excepté dans les situations précédemment évoquées dans
lesquelles l'enfant accède au statut de pupille de l'Etat suite à l'échec de l'adoption.
14 Déscolarisation : terme employé pour des élèves qui n'ayant pas atteint l'âge légal de fin de scolarité sont "en dehors de
l'école de façon durable".
Décrochage scolaire : terme employé pour des jeunes qui quittent prématurément un système de formation initiale sans
avoir obtenu de diplôme de niveau V (BEP ou CAP) ou de niveau supérieur.
19
1.2.4. Devenir des parents adoptifs
1.2.4.1. Statut familial après l’adoption
Dans 2 familles, l’adoption a été suivie, pour chacune, de la naissance de 2 enfants
biologiques. Dans d’autres familles, cette adoption a été suivie d’une (pour 7 cas) voire de 2
nouvelles adoptions (pour 1 cas).
Dans 5 situations, les parents se sont séparés après l'adoption (13,89%), En moyenne, la
séparation survient 6 ans et demi après l'arrivée de l'enfant.
1.2.4.2. Troubles psychiatriques
Des troubles psychiques concernant les parents sont également mentionnés dans 18 dossiers
ASE, et concernent au total 21 parents sur 65 (32,31%). Ainsi 15 parents auraient présenté des
troubles dépressifs, 7 parents auraient exprimé des idées suicidaires aux professionnels de l'ASE ou à
leur enfant, dans 2 situations une expertise psychiatrique a été demandée, 9 parents ont eu besoin
d'être hospitalisés en psychiatrie, 4 parents souffraient d'alcoolisme.
1.2.4.3. Maltraitance
Dans 11 situations nous notons une maltraitance psychique des parents sur l'enfant et pour 5
situations s'y ajoute une violence physique.
20
1.3. LIMITES
Les limites de cette étude incluent l'échantillon de petite taille et l'absence d'un groupe
contrôle.
Le choix de faire appel directement aux professionnels pour identifier les enfants adoptés a
été contraint par l'absence du critère "adopté" dans la base de données de l'ASE. Un biais de
mémorisation ne peut donc être complètement exclu, et ce bien que nous ayons sollicité les
inspecteurs de l'ASE et les responsables de chaque MDS du Maine et Loire
Il est également possible que certains enfants aient été placés directement, à la demande du
juge, dans un des établissements qui ne dépend pas de l'ASE. Cependant, nous avons contacté la
Protection Judiciaire de la Jeunesse ainsi que l’Association pour la Sauvegarde de l'Enfance et de
l'Adolescence, un des principaux organismes privés dans le champ de la protection de l'enfance au
sein du département du Maine et Loire, qui n'avaient pas connaissance de telles situations.
Enfin, une étude prospective multidisciplinaire permettrait de croiser les regards, tant sur le
plan psychologique, sociologique, qu’anthropologique pour recueillir des données plus objectives sur
le devenir de ces enfants adoptés et de leur famille, afin de proposer un accompagnement adapté à
leurs besoins.
21
2. DISCUSSION
2.1. LES ECUEILS DE LA FILIATION ADOPTIVE
2.1.1 Les enjeux de filiation et d'affiliation chez l'enfant et l'adolescent adoptés
"Mais voici, blanche et diaphane,
La Mémoire au bord du chemin,
Qui me remet, comme Ariane,
Son peloton de fil en main"
Théophile GAUTIER - Le Château du souvenir
Comme Théophile GAUTIER à la recherche du souvenir de sa maison d'enfance, l'enfant
adopté cherchera lui aussi à revisiter son passé. Et ce notamment au moment de l'adolescence, où
les enjeux d'identification, de séparation-individuation et d'accès à une position subjective d'adulte,
viendront réactiver des souvenirs, des fantasmes, et parfois d'anciens traumatismes. Dans l'adoption,
plus que la Mémoire, c'est le discours des parents adoptifs, le "récit de l'histoire familiale" qui viendra
soutenir les remaniements psychiques présents chez l'adolescent et qui servira de fil pour traverser
ce labyrinthe, cette crise identitaire, et in fine lui permettre de se définir lui-même au sein de sa
famille, processus de filiation, et d'être reconnu par cette dernière comme un de ses membres,
processus d'affiliation.
2.1.1.1. Conduites agies à l'adolescence
Les conduites agies, présentes chez la majorité des adolescents adoptés de notre étude,
peuvent paradoxalement être comprises comme un moyen pour l'enfant ou l'adolescent de tester la
solidité de ce fil, de ce récit commun l'unissant à ses parents. En effet les passages à l'acte ont
généralement une dimension symbolique dans le sens où ils viennent questionner la place de l'enfant
au sein de la famille en attaquant directement le lien filiatif. Ainsi, les vols intrafamiliaux, et
22
notamment lorsqu'il s'agit de vols d'objets empreints d'une valeur systémique, au sens où ils
viennent signifier l'inscription dans le système familial, peuvent être interprétés comme le désir de
l'enfant d'être reconnu et légitimé aux yeux du groupe familial et d'accéder à l'héritage qui lui revient.
Les fugues, autres passages à l'acte fréquents chez ces adolescents, peuvent être une manière de
rejouer un abandon, non plus subi, mais dont l'initiative bercera l'adolescent dans l'illusion de
contrôler le processus de séparation, nécessaire à cet âge, mais anxiogène du fait de l'abandon
initial.
Malheureusement les tensions intrafamiliales, réactionnelles mais aussi parfois à l'origine de
ces conduites adolescentes inadaptées, restent un des motifs principaux dans notre étude pour
justifier la demande de placement. Cette observation concorde avec celle faite par C. SELLENET15 à
savoir que le climat de violence intrafamiliale explique en grande partie les demandes, parfois
réciproques, de séparation. A ce titre, les troubles psychiques chez l'enfant adopté, et notamment les
troubles du comportement externalisés, par leur caractère bruyant, peuvent être considérés comme
un facteur de risque de placement.
La question qui se pose alors est de savoir si la prévalence de ces troubles psychiatriques est
plus importante chez les enfants adoptés que chez leurs pairs non adoptés. Comme le souligne
Aurélie HARF16 dans une revue de la littérature, les études font état d'un manque de consensus à ce
sujet. Mais, si l'on ne retrouve pas de différence significative entre les enfants adoptés et leur pairs
15 Sellenet C. Recherche sur les enfants adoptés en difficultés. 2005, vol 1. p 51
16 Harf A, Taïeb O, Moro MR. Troubles du comportement externalisés à l'adolescence et adoptions internationales: revue de
la littérature. L'Encéphale, 2007;33:270-276
Cette analyse de la littérature repose sur 12 références, 10 études et 2 méta-analyses. Parmi les 10 études, 6 études
concluent à une augmentation des TCE chez les adolescents issus d'adoptions internationales, 4 à une absence de différence
significative entre les groupes d'adolescents adoptés et non adoptés. Les deux méta-analyses concluent à une augmentation
faible des troubles externalisés chez les adolescents issus d'adoption internationale.
23
non adoptés quant à la prévalence des troubles du comportement externalisés, il existe cependant
une corrélation entre les troubles du comportement et les conditions de vie hostiles avant l'adoption.
2.1.1.2. Attachement et adoption
La théorie de l'attachement offre une explication à cette corrélation. L'attachement, mis en
évidence par les travaux de J. BOWLBY17, est un système interactif de régulation de la peur, qui se
développe tout au long des premières années. Si le nouveau-né présente dès la naissance des
compétences sensorielles, il n'en reste pas moins dépendant de son entourage. Notamment en
situation de détresse, l'enfant en bas âge recherchera une proximité avec une figure d'attachement,
le plus souvent sa mère, susceptible de lui porter secours. Ces premiers liens d'attachement
permettent à l'enfant de développer des stratégies relationnelles, ou modèles internes opérants, qui
lui seront nécessaires tout au long de sa vie en situation de stress. Mary AINSWORTH18 a montré via
l'expérience de la " situation étrange " qu'il existait différents profils d'attachement dans la
population : sécure, insécure (évitant, ambivalent/résistant) et désorganisé. Les personnes ayant un
schéma d'attachement insécure seraient moins résilientes et donc plus vulnérables psychiquement
que celles ayant un attachement dit "sécure". La qualité de l'attachement est fortement liée à la
qualité des interactions précoces entre un enfant et un adulte, ou "caregiver", sensible et attentionné
aux besoins de cet enfant et présent d'une façon stable auprès de lui au moins plusieurs mois durant
la période qui va de l'âge de 6 mois environ jusqu'à 2 ans.
La question de l'adoption est donc particulièrement pertinente pour la théorie de
l'attachement nous dit N. GUEDENEY19 puisqu'il s'agit "d'une situation de la vie qui réalise de manière
quasi expérimentale une rupture des liens de l'enfant avec ceux qui l'ont élevé jusque-là, et la
17 Guédeney N, Guédeney A. L'attachement-Concepts et application. Editions Masson (2ème ed), 2002
18 Ainsworth M. S, Blehar M. C., Waters E., Wall, S. Patterns of attachment: A psychological study of the strange situation.
Editions Oxford England: Lawrence Erlbaum, 1978
19 Guedeney N, Dubucq-Green C. Adoption, les apports de la théorie de l'attachement. Enfances & Psy, 2005;29:84-94
24
création de nouveaux liens avec ceux qui l'adoptent et qui prennent la nouvelle responsabilité de
l'élever".
En raison de ruptures répétées, de négligence, de conditions de vie précaires, les enfants
issus de l'adoption internationale ont forcément une histoire d'attachement traumatique20 susceptible
d'évoluer vers d'authentiques troubles réactionnels de l'attachement, tel qu'ils sont définis dans le
DSM-V.21 Plusieurs études montrent ainsi que l'enfant adopté a plus de risque de présenter un
attachement désorganisé que les enfants biologiques.22
Dans notre étude, les parents de 18 enfants évoquent rétrospectivement des difficultés
relationnelles survenant précocement, dans les 2 ans suivant l'adoption. N. GUEDENEY23 constate que
de nombreux parents adoptifs doivent faire face à des troubles du comportement de leur enfant,
surtout au début de l'adoption. Dans cette période particulièrement stressante pour l'enfant,
confronté à des personnes inconnues dans un environnement inconnu, le système d'attachement est
fortement activé et les réactions d'un enfant présentant un profil d'attachement insécure seront
difficilement compréhensibles pour ses nouveaux parents. Une étude de l’Institut National des Etudes
Démographiques (INED)24 réalisée sur les années 2001-2002 montre ainsi que 6% des enfants
20 Schofield G, Beek M. Guide de l'attachement en familles d'accueil et adoptives. La théorie en pratique. Edition Elsevier
Masson, 2011
21 DSM-V. American psychiatric Association, 2013. Critères diagnostiques 313.89 F94.1, p 343
22- Van Londen W. M., Juffer F., Van Ijzendoorn M. H. Attachment, cognitive, and motor development in adopted children :
Short-term outcomes after international adoption. Journal of Pediatric Psychology, 2007 ;32(10) :1249–1258
- Juffer F, Bakermans-Kranenburg MJ, Van Ijzendoorn MH. The importance of parenting in the development of disorganized
attachment: Evidence from a preventive intervention study in adoptive families. Journal of Child Psychology and Psychiatry,
2005;46(3):263-274
- O’Conner T. G., Marvin R. S., Rutter M., Olrick J. T., Britner P. A. Child-parent attachment following early institutional
deprivation. Development and Psychopathology, 2003 ;15(1) :19–38
- Ponciano, L. Attachment in foster care: The role of maternal sensitivity, adoption, and foster mother experience. Child &
Adolescent Social Work Journal, 2010;27(2):97–114
23 Guedeney N, Dubucq-Green C. Adoption, les apports de la théorie de l'attachement. Enfances & Psy, 2005;29:84-94
24 Frechon I, Villeneuve-Gokalp C. Etude sur l'adoption. INED, 2004;131:1-65 , p 59
25
présentent des troubles du comportement à leur arrivée ou dans les mois qui l'ont suivie. Ces
manifestations sont d'autant plus fréquentes que les enfants sont âgés.
En ce qui concerne le profil d'attachement de l'adolescent adopté, une étude réalisée au Chili25
a comparé un groupe de 25 adolescents adoptés à un groupe d'adolescents non adoptés. Les auteurs
retrouvent une différence significative entre les deux groupes avec une prédominance du style
d'attachement insécure (regroupant les " insécure/évitant " et les " insécure/ambivalent ") chez les
adolescents adoptés. Les adolescents adoptés n'ayant pas eu de figure d'attachement stable pour
répondre à leurs besoins durant le développement précoce seraient peu enclins à faire confiance à
l'autre dans les relations sociales et seraient plus vulnérables dans les périodes d'instabilité. Or
l'adolescence s'assimile parfois à une période d'instabilité voire de "crise".
2.1.1.3. Questionnements identitaires et adolescence
P. JEAMMET26 rappelle que la psyché de tout adolescent, adopté ou non, est soumise à un
surplus de travail pour affronter les tâches et exigences des changements auxquels il est soumis :
parachever ses identifications, intégrer un corps nouveau apte à contenir ses pulsions, modifier ses
liens à ses objets d'attachement. Cela peut expliquer que les enfants, adoptés ou non, soient placés à
l’ASE au moment de l’adolescence27. Comme le disent M SOULE et J. NOEL28, les difficultés adoptives
ne sont que le négatif extériorisé des difficultés universelles" et il n'existe pas à proprement parler
une psychopathologie spécifique aux adolescents adoptés. Néanmoins l'adolescent adopté va être
25 Escobar MJ, Pereira X, Santelices MP. Behavior problems and attachment in adopted and non-adopted adolescents.
Children and Youth Services Review, 2014;42:59–66 26 Jeammet P. Les enjeux de l’identification à l’adolescence. J Psychoanal Enfant 1991 ;10:140–63
27 L'âge au placement à l'ASE est de 13 ans 1/2 dans notre étude et 12 ans dans la population générale du Maine et Loire au
31/12/2013
28 Soulé M, Noël J. L’adoption. In : Nouveau traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, IV. Editions PUF;
1985 :2679–99
26
confronté à des questionnements identificatoires délicats, peut-être plus encore que ses pairs non
adoptés.
En effet, à l'adolescence, l'adopté doit intégrer dans son identité une double généalogie, d'un
côté celle de ses parents adoptants, de l'autre celle des parents géniteurs. Cette double appartenance
vient passablement compliquer ces nécessaires et inévitables remaniements imposés au psychisme
de l'adolescent et résonne d'une façon particulière avec les problématiques adolescentes habituelles.
De plus, l'adolescent adopté va parfois devoir composer avec des pièces manquantes dans
son histoire, une absence de souvenirs qui ne peuvent lui être restitué par ceux qui en ont été
témoins.
2.1.1.4. Roman familial
La façon dont les parents viennent combler l'absence de souvenirs de notre petite enfance,
cette amnésie infantile présente chez tout un chacun, est primordiale en cela qu'elle consolide notre
narcissisme et nous évite d'errer indéfiniment dans les méandres d'un labyrinthe fantasmatique. En
effet, cette amnésie autorise "les dérives les plus fantaisistes sur la signification et les implications
des premiers liens" 29. Ces "dérives" servent d'ailleurs de socle à ce que FREUD nomma le "roman
familial des névrosés". Par le truchement de ce "roman", l'enfant modifie de manière fantasmatique
les liens à ses parents afin de supporter ses propres déceptions et ses insatisfactions. Ainsi l'enfant
peut, au gré de ses besoins et de sa fantaisie, s'imaginer que ses parents ne sont pas ses vrais
parents, mais des parents adoptifs ou des voleurs d'enfant alors que lui-même est issu d'une lignée
bien plus distinguée, promis à une destinée extraordinaire.
Normalement, l'évolution du roman familial se fait vers sa disparition apparente, son
refoulement et l'enfant finit par restaurer ses parents à la place qui est la leur. Sa persistance est une
29 Pierrehumbert B. Attachement et parentalité. In : Psychologie de l'attachement et de la filiation dans l'adoption. Editions
Dunod, 2011:75-84. p 75
27
"entrave" nous dit Michel SOULE30 au bon développement psychique de l'enfant. Or, chez l'enfant
adopté, la résolution du roman familial se complique du fait de la proximité entre fantasme et réalité.
D'autant plus que le roman familial a pour fonction de venir combler les fragilités narcissiques de
l'enfant.
Dans notre étude, il est souligné dans 17 dossiers ASE que lorsqu'il existe des conflits
intrafamiliaux, les tensions se cristallisent surtout autour de la relation mère-enfant. Pour ces
enfants, tout se passe comme s'ils se retrouvaient aux prises avec un conflit de loyauté, déchirés
entre leur mère adoptive et le "fantôme" de leur mère biologique. Au moins deux raisons peuvent
être évoquées pour expliquer cela. Tout d'abord il arrive que l'enfant pressente ce qui échappe à la
mère adoptive : une rivalité inconsciente entre elle-même et la mère biologique. Cette rivalité et la
culpabilité qu'elle génère chez la mère adoptive peuvent être insécurisantes pour l'enfant qui sera
tenté, par des conduites d'opposition, de mettre au défi sa mère adoptive de lui prouver qu'elle est la
vraie. Ensuite, parce que le fait de s'opposer à la mère adoptive constitue justement un moyen de
s'opposer à l'idée même de l'abandon. En effet, dans l'imaginaire collectif, l'abandon a tendance à
être pensé du fait de la génitrice plus que du géniteur. Or, pour l'enfant adopté, il est douloureux
d'être hanté par l'idée qu'il n'a pas été désiré, aimé par sa mère biologique. S'il envisage une telle
hypothèse, il préfère en assumer les conséquences, au sens où si l'abandon s'associe à la notion de
faute, c'est d'abord la sienne. "Il lui faut préserver la génitrice en position d'Idéal avec un grand I
comme un moyen de se soutenir lui-même" explique Nazir HAMAD31, ou bien trouver un stratagème
qui lui permette de faire "cohabiter" dans son économie psychique à la fois la mère biologique et la
mère adoptive. Ainsi, dans un des dossiers étudiés, une fillette tente de se dégager de ce conflit de
30 Soulé M. Oedipe roi, Oedipe à Colone. Sophocle et l'adoption moderne. Le roman familial. La psychiatrie de l'enfant,
2012;55:5-20
31 Hamad N, Melman C. J'ai même rencontré des adoptions heureuses. Réflexions sur la filiation adoptive. Editions Odile
Jacob, 2014. p 98
28
loyauté en imaginant l'assentiment de sa mère biologique : "elle voudrait que je réussisse à
m'intégrer dans cette famille."
2.1.1.5. Quête des origines
Un autre stratagème, peut-être plus risqué pour l'équilibre psychique de l'enfant, est d'aller se
confronter à la réalité, en recherchant activement sa famille biologique. Dans notre étude, il n'y a
vraiment que dans une situation, où cette rencontre, paradoxalement, permet à l'adolescente de faire
le "deuil" de sa mère biologique, et de reconnaitre, malgré les tensions qui subsistent, sa famille
adoptive comme sa véritable famille.
Dans les autres situations, et lorsque c'est le jeune qui se lance dans une quête des origines,
cette dernière est bien souvent le reflet d'une relation conflictuelle avec les parents adoptants. Pour
M. SOULE32 il s'agit surtout pour l'adolescent d'un moyen de défense dans le conflit qui l'oppose à ses
parents mais aussi dans le conflit de sa crise d'identité. Deux conflits qu'aucune information classée
dans un dossier n'a le pouvoir de résoudre. Comme le dit P. LEVY SOUSSAN33, "la connaissance du
nom ou de la personne de ses géniteurs ne pourra jamais réparer la blessure narcissique née du fait
d’avoir été abandonné". Ainsi, quand un adolescent en colère dit avec une certaine provocation à ses
parents adoptifs qu'il veut rencontrer ses "vrais parents", c'est bien l'expression d'un mal être qu'il
faut entendre, la réactualisation d'un roman familial anxiogène et non le désir de partir à la recherche
de ses "origines". Dans ce cas, où l'adolescent teste encore une fois la solidité du lien avec ses
parents et leur capacité à le rassurer sur sa place légitime dans leur famille, la lecture de son dossier
d'adoption ou un voyage comme seule réponse peut être hautement insécurisant, voire
désorganisant, pour le jeune et réactiver un vécu abandonnique. Ainsi, pour un adolescent de notre
32 Soulé M. Le fantasme de la recherche de ses géniteurs par l’enfant adopté ou le roman familial. Neuropsychiatrie de
l’enfance, 1995 ;43 (10-11) :465-469
33 Levy-Soussan P. Travail de filiation et adoption. Revue Française de Psychanalyse, 2002;1:41–69
29
étude, le voyage dans son pays d'origine viendra très probablement accélérer la survenue d'une
décompensation psychotique, et une hospitalisation en pédopsychiatrie sera nécessaire à son retour
en France.
Il est préférable que les parents puissent se décaler du réel, de "l'exactitude biographique"
face aux questions de l'enfant. Le réel "s'imaginarise" et un récit n'a pas besoin d'être vrai pour être
opérant"34. Dans une autre des situations étudiées, le père adoptif, exaspéré par le comportement de
son fils, finit par lui "jeter au visage" le dossier de l'OAA contenant des informations sur son histoire
pré-adoptive. Ce mouvement d'humeur du père déclenchera une crise clastique chez l'enfant qui
déchirera immédiatement et, sans l'avoir lu, le document. Il n'y a effectivement rien de plus
traumatisant pour un enfant que d'être confronté à une réalité crue, de ne se représenter son
histoire, ses origines que par le biais de la lecture froide d'un dossier : "cela obstrue tout mythe,
toute mythologie" nous dit encore Charles MELMAN35, "alors que le rapport à l'origine implique
forcément le mythe". Bernard GOLSE36 soutient également qu'il ne faut pas être dans une réalité
historique face à l'enfant mais dans une narrativité ou plutôt une "co-narrativité", puisque c'est de
l'échange entre parent et enfant que va pouvoir émerger une "troisième histoire", seule garante
possible de l'accès de l'enfant à une véritable" identité narrative"37.
Par ailleurs, on observe des nuances dans les demandes formulées par les jeunes. Il ne s'agit
pas systématiquement de rencontrer les "parents" biologiques. A la lecture des dossiers ASE, trois
"souhaits" émergent : celui de visiter le pays de naissance, celui d'avoir accès au dossier d'adoption
34 Hamad N, Melman C. J'ai même rencontré des adoptions heureuses. Réflexions sur la filiation adoptive. Editions Odile
Jacob, 2014. p113
35 Hamad N, Melman C. J'ai même rencontré des adoptions heureuses. Réflexions sur la filiation adoptive. Editions Odile
Jacob, 2014. p118
36 Golse B. Adopter un enfant qui n'est plus un bébé et devenir son parent. In : Enjeux de l'adoption tardive, nouveaux
fondements pour la clinique, Editions Erès, 2007 :63-93
37 Ricœur P. Temps et récits III, Le temps raconté. Editions du Seuil, 1985
30
et enfin celui d'entrer en contact avec des membres de la famille dite biologique. Il y a une différence
certaine entre ces trois démarches. Ainsi, au moins neuf jeunes de notre étude souhaiteraient se
rendre dans leur pays d'origine, et parmi eux, seuls quatre aimeraient à cette occasion rencontrer
leurs parents biologiques.
Ce que nous avons également remarqué, et qui peut surprendre, est que dans au moins deux
situations, le voyage ou la prise de contact avec les parents "biologiques" se fait à l'initiative des
parents adoptifs, devançant toute demande de l'enfant. Dans un cas, la famille adoptive est
retournée faire du bénévolat dans l'orphelinat où les parents avaient adopté leur fils E. Madame
pourra dire "ce n'était pas le retour aux origines, comme ce qui se fait à la mode, E a suivi comme
tout le monde". Ce discours rationnalisé évite à la mère adoptive de penser la façon dont son fils peut
vivre cette question de son origine, presque déniée ici. Dans un autre cas au contraire, ce sont les
projections de la mère adoptive sur son fils et la croyance qu'il voudra forcément savoir un jour d'où
il vient qui motivera d'entretenir une correspondance avec la mère biologique. Cet échange entre
mère biologique et adoptive déstabilisera d'ailleurs beaucoup cette dernière.
Contrairement à ce que pensait cette mère, la recherche des origines n'est pas une
préoccupation systématique chez l'enfant ou l'adolescent adopté. Mais on voit comment cette
question de l’origine, et ce d’autant plus dans l'adoption internationale, peut parfois inspirer le
mystère et concentrer les fantasmes, du côté des parents comme du côté de l'enfant. Chez ce
dernier, le risque, comme nous l'avons dit précédemment, est de se retrouver prisonnier d'un roman
familial où les parents biologiques, souvent "idéalisés" le hanteront toute sa vie, dans un conflit
psychique irrésolu. Comme le souligne Nazir HAMAD38 : "comment les faire mourir, quand on n'a
aucun souvenir d'eux et qu'on n'arrive pas à les situer physiquement. Ces parents-là sont immortels,
38 Hamad N, Melman C. J'ai même rencontré des adoptions heureuses. Réflexions sur la filiation adoptive. Editions Odile
Jacob, 2014. p 91
31
(...) pire encore, ils ont la manie de s'incarner dans de nombreux visages. Des visages rencontrés au
hasard de la vie et qui ont pour fonction de se rappeler au bon souvenir de ces enfants."
Le risque est également, pour ces enfants ou adolescents, de se construire une identité autour
de ce vécu abandonnique et de les amener à se vivre de façon clivée comme "tout mauvais" ou "tout
bon". Lorsque prédomine le sentiment du rejet par les parents géniteurs, le sentiment d'avoir été un
"mauvais" bébé, l'adolescent adopté risque de développer une "identité négative", s'identifiant à cette
mauvaise partie de lui-même. Et c'est là que des conduites chaotiques, parfois ouvertement
provocatrices surviennent. Pour M. CORCOS39, ces conduites agies ne sont en aucun cas
pourvoyeuses d'une identité. " Elles ne peuvent être que des conduites d’affirmation négative de soi
puisqu’elles coupent le sujet de ses racines. Celui-ci ne se construit ni par identification, ni même par
opposition authentique à son milieu ; il est à coté, gérant de son chaos intérieur dans des conduites
stéréotypées.". A l'inverse, l'adolescent adopté peut se vivre comme "tout bon", avoir le sentiment
d'avoir été "choisi", "élu" parmi d'autres par ce couple adoptant. Cela compense en partie la blessure
narcissique induite par l’abandon, mais le danger est alors que l’adolescent se trouve dans une dette
insolvable vis-à-vis de ses parents adoptifs.40
39 Corcos M, Bochereau D. La question de la filiation à l’adolescence, vue au travers des conduites dites " addictives ".
Perspectives Psychiatriques, 1999;38(1):9–16
40 Lamotte F, Tourbeza G, Faureb K, Duverger P. Les achoppements de la construction identitaire dans les adoptions
internationales Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence. 2007;55:381–388
32
2.1.1.6. La question de la dette
En effet, les enfants qui s'adaptent aux valeurs de la famille adoptive et, pour les adoptés
étrangers, à notre culture, ressentent une dette à l'égard de leurs parents adoptifs qui leur ont "tant
donné". Un enfant biologique a une dette fondamentale vis-à-vis de ses parents, celle d’avoir reçu la
vie. La dette d'un enfant adopté est particulière, notamment si l'enfant a l'impression que ses parents
lui ont offert une vie confortable et l'ont sauvé de la misère ou de conditions de vie très difficiles. Les
parents eux-mêmes peuvent avoir cette impression et pointer l'ingratitude de leur adolescent les
concernant. Or, lorsque la dette est perçue comme trop élevée, l'adolescent risque d'être soit dans un
rejet massif de sa famille adoptive, soit dans l'incapacité de se séparer de ses parents, qu'il idéalise,
se construisant une identité en faux-self, la plus "conforme" possible aux attentes parentales.
Les systémiciens I. BORSZORMENYI-NAGI et G. M. SPARK41 expliquent que l'individu, pour
s'acquitter de cette dette à l'égard de la génération précédente, doit devenir à son tour un parent
créditeur en transmettant la vie qu'il a reçue. Or, la puberté chez l'adolescent adopté et ses
conséquences, accès à la sexualité et à la capacité de procréation, sont là-aussi à même de réactiver
fantasmes et peurs chez l'enfant. Le mythe œdipien peut résonner singulièrement chez l'adolescent
adopté n'ayant pas accepté la particularité de son histoire. La confusion entre mythe et réalité peut
réveiller des fantasmes incestueux et l'amener à craindre en permanence la rencontre fortuite avec
ses géniteurs dont il ignorerait l'identité, tel Œdipe et Jocaste.
Au-delà de l'ignorance de l'identité des géniteurs, l'ignorance de leurs antécédents médicaux
est une inquiétude fréquemment citée par les jeunes adultes adoptés. Là encore, cette crainte peut
se fonder sur des arguments "raisonnés", tels que la peur de transmettre des facteurs génétiques
susceptibles de causer une maladie. Car il s'agit toujours de la peur de transmettre un gène, un
41 Houzel D, Les enjeux de la parentalité, Editions Erès, 1999. p 137
33
phénotype forcément délétère pour l'enfant à venir, car rattaché à cette mauvaise partie, cette face
cachée, honteuse d'eux-mêmes, associée à la culpabilité d'avoir été abandonné.
Enfin, dans notre étude, un jeune homme et une jeune femme deviennent parents alors qu'ils
sont placés à l'ASE.
Pour cette dernière, l'accès à la maternité se révèle déstabilisante. Les éducateurs observent
que la remise en question de la filiation et de l'affiliation adoptive se trouve exacerbée lors de la
grossesse et dans la période du postpartum. Cela se traduit par une mise en rivalité permanente
entre mère biologique et mère adoptive dans le discours de cette jeune adulte. La question de la
dette est compliquée par la culpabilité de cette jeune femme de rouvrir chez sa mère adoptive la
blessure narcissique infligée par la stérilité. Cette culpabilité s'exprime de façon ambivalente, tantôt
dans une tentative de réparation, avec l'idée de partager l'enfant à venir, tantôt d'une façon
agressive : "moi au moins je suis une vraie mère". Dans ce contexte, cette jeune mère se montre
rapidement en difficulté pour apporter les soins à sa petite fille. Les interactions précoces sont
parasitées par des sentiments ambivalents, une certaine agressivité de la part de cette maman, qui
pourra nommer sa jalousie à l'égard de son enfant : "elle, elle aura la chance d'être bien entourée et
d'avoir ses parents".
Pour le jeune homme, le fait d'accéder à la paternité permet au contraire de pacifier les
relations avec ses parents adoptifs, auxquels il fera la demande d'être les grands parents de son
enfant. Par cette demande, reçue immédiatement de façon positive, c'est son affiliation que ce garçon
arrivera enfin à réaliser.
34
2.1.2. Les facteurs de risque pour l'enfant d'un placement post-adoption à l’ASE
2.1.2.1. L'âge à l'adoption
Œdipe, roman familial, dette de vie..., pour Daniel WIDLÖCHER42, "l'adoption fonctionne
comme un amplificateur fantasmatique" entrainant "une grande proximité entre la réalité et le
fantasme" avec parfois "un risque de collision entre les deux". Au milieu de tous ces remous
psychiques, émotionnels qui bousculent l'adolescent, un des facteurs de résilience, selon Catherine
SELLENET43 serait le temps que les parents adoptants ont passé avec leur enfant. Une adoption
précoce favoriserait un attachement de qualité et diminuerait les risques de rejet de l'enfant par ses
parents ou la perspective d'un nouvel abandon dans ces moments de "crises" familiales. Pierre LEVY
SOUSSAN44 souligne également que ce qui permet de passer plus facilement la période de
l'adolescence, c'est le nombre "d'expériences affectives" que l'enfant a pu faire avec ses parents.
Les résultats de notre étude tendent à confirmer ce dernier point. Effectivement, pour les
situations où les liens parents-enfants sont pratiquement rompus au 31 décembre 2014, la quasi-
totalité des enfants avait été adoptée tardivement.
Les québécoises Françoise. R OUELLETTE et Hélène BELLEAU45, dans leur méta-analyse
portant sur l'intégration familiale et sociale des enfants adoptés à l'étranger, ajoutent : "de toutes les
caractéristiques de l'enfant adopté à l'étranger, l'âge au moment de l'adoption est celle qui a la plus
forte valeur prédictive de difficultés". Plusieurs auteurs affirment qu'une adoption tardive est un
facteur prédictif significatif de survenue de troubles comportementaux internalisés et externalisés.
Ainsi, l’étude de Juliette HALIFAX et Marie-Véronique LABASQUE46 montre que, les parents ayant
42 Wildlöcher D. Traité de psychopathologie. Editions PUF,1994. p 378
43 Sellenet C. Recherche sur les enfants adoptés en difficultés, 2005 (vol 1), p 62
44 Lévy Soussan P. La filiation à l'épreuve de l'adolescence. Adolescence, 2006;55:101-110
45 Ouellette FR, Belleau H, L’intégration familiale et sociale des enfants adoptés à l’étranger : recension des écrits, Institut
National de la Recherche Scientifique, Université du Québec, 1999. p 127
46 Halifax J. Etude relative au devenir des enfants adoptés en France et à l'international. Rapport final. CREAI Picardie, 2013
35
adopté un enfant de 10 ans ou plus sont plus de la moitié à déclarer des problèmes d'ordre
psychologique -trouble du sommeil, angoisse, agressivité, violence, colères- contre 5% parmi ceux
ayant adopté un enfant de moins d’1 an.
La définition de l'adoption "tardive" varie selon les études. Pour les théoriciens de
l'attachement, comme N. GUEDENEY47, les adoptions précoces concernent des enfants qui n'ont pas
encore constitué de figure d'attachement proprement dite, c'est à dire adoptés avant 7 mois. M. VAN
IJZENDOORN & F. JUFFER48 déterminent, eux, la limite à 12 mois. Dans leur méta-analyse incluant
plus de 270 études les auteurs montrent que les enfants adoptés avant 1 an auraient une meilleure
croissance, un attachement plus sécurisé et des compétences scolaires supérieures à leurs pairs
adoptés après 1 an. S. HABERSAAT et al49, précise qu’il existe en fait deux périodes critiques lors
desquelles les enfants sont plus fragiles pour l’adoption. Il s’agit de la période de formation des
relations différenciées, entre 6 et 12 mois, et de la stabilisation de l’attachement, après 24 mois.
Aubeline VINAY50 apporte une nuance aux résultats des études sus citées en affirmant qu'il
n'existe aucune différence significative d'un point de vue statistique concernant l'impact de l'âge à
l'adoption sur l'attachement. En revanche, l'âge à l'adoption serait déterminant pour l'attachement
lorsqu'il est corrélé à l'âge à l'abandon. En effet, la variable qui compterait vraiment serait la durée
de latence, c'est-à-dire la durée entre l'âge à l'abandon et l'âge à l'adoption. Dans les situations où la
durée de latence n'excède pas un an et demi, on ne repère pas chez les adolescents de difficultés
majeures en termes d'attitudes conflictuelles ou de représentations négatives de l'expérience
adoptive. En revanche, une durée de latence supérieure à un an et demi semble favoriser
47 Guedeney N, Dubucq-Green C. Adoption, les apports de la théorie de l'attachement. Enfances & Psy, 2005;29:84-94
48 Van IJzendoorn MH, Juffer F. The Emanuel Miller memorial lecture : Adoption as intervention. Meta-analytic evidence for
massive catch-up and plasticity in physical, socio-emotional, and cognitive development. Journal of Child Psychology and
Psychiatry, 2006;47(12):1228–1245
49 Habersaat S, Tessier R, Larose S, Nadeau L, Tarabulsy G, Moss E, Pierrehumbert B. Adoption, adolescence et difficultés
de comportement : quels facteurs de risque. Annales Médico Psychologiques, 2010;168:343-349
50 Vinay A., Repérer et développer la résilience : Maël, un adolescent adopté. Revue québécoise de
psychologie,2004 ;25(1):171-185
36
l'émergence d'un attachement insécurisé chez les enfants et adolescents adoptés ; la probabilité de
connaitre des évènements traumatiques étant proportionnelles à cette durée de latence. Ce dernier
point rejoint sensiblement les observations faites par N. GUEDENAY51, à savoir que les enfants
adoptés après 24 mois cumuleraient au moins 4 facteurs de risque susceptibles de retentir sur leur
développement psychique et sur la qualité de leur attachement. Parmi ces facteurs, on retrouve :
l'exposition prénatale aux drogues ou alcool, une malnutrition maternelle pendant la grossesse, une
prématurité, une institutionnalisation de plus de 6 mois, une négligence affective, sociale ou
physique, des abus.
Dans notre étude, certaines données dans l'histoire pré adoptive de l'enfant, telle que l'âge à
l'abandon, ne sont pas toujours renseignées dans les dossiers ASE et ne nous permettent pas de
calculer avec précision cette durée de latence. En revanche, il s'avère que les enfants adoptés à
l'étranger après l’âge de 2 ans constituent près de deux tiers de notre population d'étude, ce qui, au
vu des données de la littérature nous permet de penser qu'une adoption tardive pourrait être
considérée pour l'enfant comme un facteur de risque d'être placé à l'ASE.
Cependant, notre population inclut également des enfants adoptés à seulement quelques mois
de vie. Paradoxalement, ces derniers semblent autant en difficulté à l'adolescence que certains
enfants adoptés tardivement. Une des hypothèses pour expliquer cela est qu'une absence totale de
souvenirs quant à l'histoire pré-adoptive peut conforter ces enfants adoptés précocement dans un
roman familial plus satisfaisant que les relations avec leurs parents adoptants, notamment lorsqu'il
s'agit de relations conflictuelles. Or, comme nous l'avons évoqué précédemment, l'absence de
refoulement du roman familial peut entraver le bon développement psychique de l'enfant.
51 Guedeney N. Séminaire Adoption Internationale, intervention novembre 2014, Maison de Solenn, MDA Cochin-Paris
37
2.1.2.2. Le pays d'origine
Dans notre étude, les enfants adoptés à l'international représentent plus de 80 % des enfants
adoptés et confiés à l'ASE. Pour autant, nous ne pouvons pas affirmer que l'adoption internationale
est plus à risque que l'adoption nationale, ou l'inverse. En effet, la majorité des adoptions dans notre
population a été prononcée avant 2005, qui est historiquement l'année où le nombre d'adoptions a
été le plus élevé avec 4 136 adoptions internationales. A cette même époque, le rapport entre
adoption internationale et adoption nationale était d’environ 80%.52 Il n'est donc pas étonnant de
retrouver un même ratio chez les enfants adoptés et confiés à l'ASE entre 2010 et 2014.
Adoption internationale
Les conditions de vie de l'enfant pendant la "durée de latence" dépendent en partie du pays
dont l'enfant est originaire avant son adoption, le contexte politique et social du pays ayant souvent
un impact sur les conditions d’admission et la prise en charge des enfants en institution
Ainsi, certains pays seraient plus à risque que d'autres sur l'émergence ultérieure de
difficultés. Selon l'OAA Médecins du Monde53, les enfants asiatiques adoptés il y a une quinzaine
d'année semblent mieux s'adapter et présenter moins de troubles psychiatriques que les enfants
adoptés dans les pays de l'Est ou en Amérique du Sud. Cela s'explique par la durée de
l'institutionnalisation, en moyenne de deux ans et demi pour près de trois quarts des enfants adoptés
en Chine, et entre cinq et sept ans pour la moitié des enfants adoptés au Brésil.
De plus cette OAA note que les enfants adoptés par son intermédiaire et originaires du Brésil,
de Colombie et de Russie auraient connus pour près de la moitié d'entre eux (42 à 47%) des
traumatismes : violence, malnutrition, intervention chirurgicale, rue et mendicité. En Chine, en
revanche, où l'abandon est très précoce, le taux de traumatismes relevé est de 6,6%. Une autre
52 Mignot JF. L’adoption internationale dans le monde : les raisons du déclin. Population et sociétés, 2015;519:1-4
53 Lebrault. M, André-Trévennec. G. Adoption internationale accompagnée. Devenir des enfants adoptés à l'international de
2001 à 2005 par l'intermédiaire de l'OAA Médecins du Monde. Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence,
2015;63:141-156
38
étude, également publiée en 2015 et réalisée par l'Association Enfance Famille Adoption (EFA)54 sur le
devenir des jeunes ayant grandi dans une famille adoptive, retrouve des maltraitances, probables ou
certaines, avant l'adoption, chez 30% des jeunes, avec des taux s'élevant à 74% pour ceux ayant
vécus dans la rue, ce qui concerne essentiellement les adoptions internationales et notamment les
pays d'Amérique du Sud.
Nos résultats rejoignent les observations faites par ces deux études. En effet, les enfants
adoptés en Asie ont tous été adoptés précocement, et l'on peut penser que les raisons ayant mené à
leur placement ne sont probablement pas liées à des traumatismes dans l'histoire pré adoptive.
Tandis que les enfants adoptés en Amérique du Sud l'ont été plus tardivement, et sont les enfants les
plus représentés après ceux originaires d'Ethiopie.
Effectivement, une majorité de ces enfants sont nés en Afrique et particulièrement en
Ethiopie. La surreprésentation des enfants d'origine éthiopienne dans notre étude peut s'expliquer de
différentes façons. Tout d'abord, historiquement parlant, les OAA actifs sur le continent africain, tels
que, Children of the Sun, les Enfants des Reines de Miséricorde, Vivre en famille et Les Amis des
Enfants du Monde55 sont fortement implantés dans notre département. Il est donc possible que parmi
tous les enfants adoptés dans le département du Maine et Loire entre 1994 et 2012, une majorité ait
été originaire d'Ethiopie. Pour les années 2001 et 2002, l'INED remarque d'ailleurs que dans les
départements où l'on retrouve une surreprésentation du continent africain, cette dernière
s'accompagne d'une sous-représentation des continents américain (principalement des enfants
colombiens et haïtien) et asiatique, ce qui expliquerait aussi la distribution des enfants selon leur
origine dans notre étude. Ensuite, on pourrait imaginer que les enfants de notre étude en provenance
d'Ethiopie ont connu une histoire pré-adoptive marquée par la précarité, la malnutrition, les
54 Duyme M, El Massioui F, Vaugelade J. Le devenir des jeunes ayant grandi dans une famille adoptive : enquête sur les
adoptés et leurs frères et sœurs Synthèse et points saillants de l'étude scientifique. Enfance et familles d'adoption, 2015
55 Frechon I, Villeneuve-Gokalp C. Etude sur l'adoption. INED, 2004;131:1-65 , p 52
39
traumatismes de guerre, et ce d'autant plus qu'ils ont tous été adoptés tardivement. A noter
également que la moitié d'entre eux sont, soit des enfants dit à "besoins spécifiques", du fait de leur
âge, soit des enfants adoptés au sein d'une fratrie, ce qui peut compliquer davantage leur intégration
dans une famille adoptive.
Par ailleurs, d'un point de vue psychodynamique, l'adoption internationale présente quelques
spécificités par rapport à l'adoption nationale, susceptibles de retentir davantage encore sur les liens
d'attachement entre parent et enfant, ainsi que sur les remaniements identitaires de l'adolescent
adopté. En effet, les enfants adoptés tardivement à l'international sont confrontés à un brusque
processus d’acculturation. Le déracinement du pays natal, le choc de la première rencontre, les
manifestations intrusives des adoptants inconnus, sont autant d'évènements particulièrement
anxiogènes qui viennent solliciter les modèles internes opérants d'enfants dont le profil d'attachement
est souvent de type insécurisé.56
Du côté des parents adoptifs, un sentiment "d'étrangeté", au sens freudien du terme, peut
être exacerbé lors de la première rencontre avec leur enfant, en comparaison avec une naissance. En
effet, pour B GOLSE57, "l'enfant venu d'ailleurs via l'adoption internationale se trouve être porteur
d'une double étrangeté puisqu'à cette "étrangeté" fondamentale, liée à la projection sur lui de notre
propre inconscient vient s'ajouter l'étrangeté liée à son origine géographique lointaine et à son
apparence ethnique parfois très différente de celle de ses parents adoptifs".
A l'adolescence, M. SOULÉ et J. NOËL58 notent que ce sentiment pourra être ravivé chez les
parents. Ces deux psychanalystes parlent alors de "fantasme d'étranger dans la maison". Ce
fantasme n'est pas spécifique à l'adoption internationale et à la situation d'adoption tout court. Il est
56 Harf A, Skandrani S, Sibeoni J, Revah-Levy A, Moro M R. L'enfant adopté à l'étranger, entre langue maternelle et langue
d'adoption. La psychiatrie de l'enfant, 2012;55:315-338
57 Golse B. À propos de l’adoption internationale : la double étrangeté de l’enfant venu d’ailleurs. Archives de pédiatrie,
2011;18:723–726
58 Soulé M, Noël J. L’adoption. In : Nouveau traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, IV. Editions PUF; 1985
40
effectivement fréquent d'entendre des parents déplorer une incompréhension mutuelle avec leur
adolescent et exprimer leur sentiment de ne plus reconnaitre leur enfant. Néanmoins, en situation
d'adoption ce sentiment s'étaye sur la réalité car, biologiquement parlant, cet adolescent est
effectivement étranger. Une différence physique très marquée, notamment dans le cas de l'adoption
internationale, entre l'adolescent adopté et ses parents peut majorer d'autant plus le "fantasme
d'étranger dans la maison", et venir entraver les processus d'identifications réciproques, se traduisant
par des attitudes de rejet plus ou moins intenses, que ce soit du côté de l'enfant et de celui des
parents.
L'adoption internationale a également la particularité d'être visible aux yeux de tous. Aussi, un
adolescent adopté, ayant un fort sentiment d'appartenance au pays de ses parents adoptants pourra
être confronté à un paradoxe majeur, celui d'être vu comme un étranger, un migrant, dans le regard
de l'autre, sans pouvoir pour autant s'identifier à cette culture qu'on lui attribue. D'où l'importance
d'utiliser avec précaution le terme de "culture d'origine" qui donne à la "culture" un substratum
biologique et génétique, comme si elle pouvait être portée par le morphotype ou la couleur de peau.
En outre, l'apparence "étrangère" d'adolescents adoptés à l'international peut les exposer au
racisme. Juliette HALIFAX et Marie-Véronique LABASQUE59 notent d’ailleurs que 14% des parents
estiment que leur enfant a déjà eu à souffrir de remarques sur sa différence physique et ils sont eux-
mêmes 3% à déclarer avoir déjà été victimes de remarques racistes. Cette confrontation avec des
propos xénophobes, couplée à la difficulté d'établir une identité culturelle et une estime de soi
satisfaisantes à l'adolescence sont des facteurs explicatifs potentiels de troubles ou de souffrance
chez le jeune adopté. Souffrance que l'adolescent vivra parfois de façon solitaire, car contrairement à
des familles migrantes, où les enfants peuvent s'appuyer sur leurs parents et leurs vécus dans des
59 Halifax J. Etude relative au devenir des enfants adoptés en France et à l'international. Rapport final. CREAI Picardie, 2013
41
situations similaires, les enfants adoptés peuvent avoir le sentiment de ne pas pouvoir partager cette
expérience douloureuse avec leurs parents.
Adoption nationale
Parmi les six enfants de notre étude adoptés en France, trois l’ont été via l'ASE. Il s'agit d'un
garçon, âgé de 10 ans au moment de son adoption et d'une fratrie (deux sœurs) d'origine
éthiopienne, dont les âges respectifs étaient 9 et 7 ans et qui avait déjà fait l'objet d'une adoption
avant d'être confiée aux services sociaux. Il s'agissait donc d'enfants dits « à besoin spécifiques » de
par leur âge et leur histoire pré-adoptive particulièrement éprouvante pour chacun d'entre eux.
Deux autres enfants de l'étude ont été adoptés sur le territoire français : le premier en
métropole par le biais d'un OAA, le deuxième en Polynésie française par démarche individuelle
(fa'a'mu). Dans les deux cas, les enfants avaient été adoptés à quelques mois de vie seulement.
Enfin, la dernière adoption est un peu différente des autres dans le sens où il s'agit de
l'adoption intrafamiliale d'un garçon âgé de 4 ans.
2.1.2.3. Le genre
Dans notre étude, les garçons tendent à être surreprésentés, notamment en ce qui concerne
l'adoption internationale.
Cette surreprésentation des garçons est également retrouvée, mais dans une moindre
proportion, au sein des enfants confiés à l'ASE60 ainsi que dans les files actives de pédopsychiatrie. La
psychopathologie chez l'enfant et l'adolescent pourrait d'ailleurs dépendre du genre61. Ainsi, les
60 Au 31/12/2013, il y a 56 % de garçons et 44 % de filles parmi les enfants confiés à l'ASE du Maine et Loire
61 Ayadi H, Moalla Y, Bouaicha H, Walha A, Ghribi F. La psychopathologie liée au sexe en consultation de pédopsychiatrie (à
propos de 264 cas) : étude comparative tunisienne. Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, 2006;54:422-427
42
troubles intériorisés, les troubles névrotiques et les troubles anxio-dépressifs réactionnels seraient
plus fréquents chez les filles tandis que les pathologies limites, dont la psychopathie, seraient plus
fréquentes chez les garçons. Or, si les troubles internalisés du comportement font souvent l'objet
d'un suivi ambulatoire, les troubles externalisés, par leur caractère "bruyant", conduisent plus
fréquemment à une hospitalisation ou à une mise à distance du milieu familial via une mesure de
placement éducatif.62
Nos résultats en ce qui concerne le genre rejoignent donc ceux de Catherine SELLENET63,
Françoise. R. OUELLETTE et Hélène BELLEAU64. Ces dernières confirmaient cette tendance sur 3 600
enfants : "pour tous les groupes d'âge à l'adoption, il y a une différence statistiquement significative
en désavantage des garçons. Ces derniers développent une relation moins sécurisée que les filles
avec leurs parents adoptifs, sans que cette différence ne soit liée au pays d'origine ou à l'âge des
enfants à l'adoption. Ils manifestent plus que les filles des comportements d'externalisation, ce qui
était prévisible et qui correspond généralement à ce que l'on trouve dans les études sur la
socialisation des enfants...".
2.1.2.4. L'adoption multiple
L'adoption de fratrie est une adoption qui peut s'avérer compliquée pour les parents
adoptants. Dans les premières semaines suivant l'appariement, on peut imaginer que les parents
vont être deux ou trois fois plus sollicités que dans le cas d'une adoption unique. De plus, les
62 Duyme M, El Massioui F, Vaugelade J. Le devenir des jeunes ayant grandi dans une famille adoptive : enquête sur les
adoptés et leurs frères et sœurs Synthèse et points saillants de l'étude scientifique. Enfance et familles d'adoption, 2015 ,
p13
63 Sellenet, C. Recherche sur les enfants adoptés en difficultés, commandée au CREC pour la DGAS du Ministère des affaires
sociales, du travail et de la solidarité, 2005 (vol 1), p 120
64 Ouellette F R, Belleau H, L’intégration familiale et sociale des enfants adoptés à l’étranger : recension des écrits, Institut
National de la Recherche Scientifique, Université du Québec, 1999, p 127
43
adoptions de fratrie impliquent presque toujours celle d'au moins un enfant déjà grand nécessitant
une attention plus soutenue.
La notion de fratrie sous-entend également l'introduction dans la famille d'un sous-groupe
ayant déjà une culture et une dynamique qui lui est propre. Or, dans un contexte parfois insécurisant
pour les enfants, il est possible de voir ces derniers se replier sur eux-mêmes et "faire bloc" contre
les parents adoptifs. Apprivoiser ces enfants sera alors d'autant plus difficile si l'un d'entre eux,
généralement l'aîné, a dû affronter des situations l'obligeant à faire preuve précocement de maturité
et à assumer une responsabilité parentale à l'égard de ses frères et sœurs plus jeunes.65
Dans notre étude, il apparait assez clairement, pour une fratrie, que la parentification de
l'ainée, missionnée par sa famille dans son pays d'origine pour veiller sur sa petite sœur, sera un
facteur déterminant dans la répétition des échecs à l'adoption. L'ainée aurait eu besoin d'être
accompagnée dans un mouvement régressif lui permettant de se dégager de sa responsabilité
parentale vis à vis de sa sœur, sans se positionner en rivalité avec la mère de famille, mais en se
glissant au contraire à une place d'enfant. Cette transition parent-enfant ne sera pas possible dans
une famille adoptive mais le sera en revanche en foyer, où une petite distance entre les deux sœurs
(du fait d'un accueil sur deux unités) autorisera l'aînée à se glisser à une place de jeune fille.
Ces deux fillettes adoptées et abandonnées à deux reprises démontreront par ailleurs de
bonnes capacités d'attachement. Elles entretiendront en effet des relations de qualité avec une
famille qui les parrainera et les accueillera régulièrement les week-ends et pendant les vacances.
Cette situation illustre bien le fait que l'adoption ne peut être un projet pour tous les enfants et que le
parrainage est parfois plus satisfaisant comme projet de vie pour l'enfant.
65 Crine AM, Nabinger S. Le roman familial des fratries dans l’adoption internationale. Dialogue,1991 ;114 (4):35-41
44
L'adoption multiple peut aussi être source de rivalité entre les enfants. Ceux-ci ne feront alors
pas bloc contre les parents mais des phénomènes de clivage apparaitront sur le modèle enfant parfait
versus enfant méchant. Ainsi dans une des situations de l'étude le rapport d'adaptation signale des
manifestations de rivalité entre deux enfants, pas biologiquement liés, mais appariés de façon
aléatoire par l'orphelinat où ils étaient tous les deux accueillis avant leur adoption.
2.1.2.5. Les Enfants à Besoins Spécifiques (EBS)
La dénomination d'enfants dits à "besoins spécifiques" regroupe des enfants nécessitant une
attention particulière tels que les enfants âgés de plus de six ans, les fratries de 3 enfants ou plus, les
enfants handicapés physiques ou mentaux, ou ayant une histoire « lourde ». Les EBS ne sont pas
toujours des enfants adoptés dans des pays économiquement défavorisés. Certains pupilles de l'Etat,
en France, présentent un profil similaire avec une histoire d'attachement traumatique, ponctuée de
ruptures, d'absence de figure d'attachement adéquate et de placements multiples prolongés, avec
tous les effets délétères que cela implique pour le développement psychologique de l'enfant.
Les EBS représentent un peu plus du tiers des enfants de notre population, et ce si l'on tient
compte seulement de l'âge à l'adoption, de la taille de la fratrie et du handicap connu au moment de
l'adoption. Cependant il est possible que ce nombre soit sous-estimé. En effet, comme nous l'avons
déjà dit, les histoires pré-adoptives ne sont pas suffisamment renseignées dans les dossiers de l'ASE.
Et il est quasiment certain que d'autres enfants de notre population pourraient entrer dans la
catégorie "EBS" au regard de leur histoire de vie.
De plus, si à la fin des années 2000, seulement 25% des familles françaises acceptent
d'adopter des enfants de plus de 5 ans, en 2014 les adoptions d'EBS représentent 63% des adoptions
internationales.66
66 Adoption : le choix des nations, documentaire réalisé par Anne Georget, diffusé sur Arte le 27 octobre 2015
45
Parallèlement à la progression du nombre de ces enfants "âgés" proposés à l'adoption, et
donc potentiellement marqués par des traumatismes divers susceptibles d'être à l'origine de troubles
psychiques, on pourrait alors craindre une augmentation proportionnelle du nombre d'enfants
adoptés dans les structures de placement de l'ASE.
Dans tous les cas, l'augmentation de ces enfants dits à besoins spécifiques pose
nécessairement la question de l'adoptabilité de ces derniers, mais aussi de la spécificité de la
parentalité adoptive. En effet, le terme "enfants à besoins spécifiques" sous-entend que les parents
adoptant doivent, en miroir de ces enfants, présenter des compétences spécifiques. Ainsi pour
Donald. W WINNICOTT67, les parents adoptifs doivent être en mesure de se positionner comme des
thérapeutes auprès de leur enfant lorsque l'environnement de ce dernier a été défaillant pendant trop
longtemps avant son adoption : "la mère adoptive, en devenant mère, devient la thérapeute d'un
enfant carencé". Ce que les deux parents feront ensemble, dit-il encore, devra "sans cesse être fait
avec plus de réflexion, plus de connaissances, et il sera nécessaire d'agir plusieurs fois au lieu d'une,
en tenant compte du fait que la thérapie complique une bonne éducation normale". La parentalité
adoptive se différencie donc de la parentalité biologique et il semble que tout parent ne pourra pas
être parent d'un enfant adopté.
67 Winnicott D W. Deux enfants adoptés. In : L'enfant et le monde extérieur. Le développement des relations. Editions
Payot, 1972, p 76-77
46
" L'adoption n'est pas une merveilleuse aventure, c'est un risque et il convient de l'évaluer "
Sylvia NABINGER
2.2. LES ECUEILS DE LA PARENTALITÉ ADOPTIVE
2.2.1. Particularités et dysfonctionnements de la parentalité adoptive
Comme le dit Sylvia NABINGER68, l'adoption est un "risque", aussi bien pour les parents que
pour l'enfant. Effectivement, à la lecture des dossiers ASE, force est de constater que si l'expression
bruyante du mal-être se situe le plus souvent du côté de l'enfant, cette dernière est généralement le
symptôme d'un dysfonctionnement familial plus profond. Ainsi, comme pour l'enfant ou l'adolescent,
des troubles psychiques peuvent advenir ou se révéler chez le parent, venant compliquer d'autant
plus la pratique de la parentalité adoptive.
La notion de parentalité a fait l'objet de nombreux travaux. Si en psychologie, la parentalité
correspond à l'ensemble des processus psychiques qui se déroulent chez un individu devenant père
ou mère, pour Didier HOUZEL69 ce néologisme peut s'analyser à travers trois prismes différents mais
non dissociables dans le réel : l'exercice de la parentalité, la pratique de la parentalité et l'expérience
de la parentalité.
L'exercice de la parentalité aurait trait aux droits et devoirs rattachés aux fonctions
parentales, ainsi qu'à la reconnaissance par le groupe social de la place de chacun dans une
généalogie, une filiation. Dans l'adoption plénière, cette reconnaissance légale est représentée
symboliquement par l'acte de naissance délivré au tribunal de grande instance. Ainsi, du côté de la
loi, on ne peut pas dire qu'il y ait une quelconque différence entre un enfant biologique et un enfant
68 Trillat B, Nabinger S. Adoption internationale et trafics d’enfants : mythes et réalités. Revue internationale de police
criminelle, Interpol,1991 ;428 :18-25
69 Houzel D. Les enjeux de la parentalité. Editions Erès, 1999
47
adopté "plénièrement". La similitude entre les deux est d'ailleurs peut être poussée un peu loin. En
effet, sur l'acte de jugement, l'enfant adoptif n'est pas "adopté par" mais "né de" ses nouveaux
parents adoptifs. Or, ce n'est que dans le fantasme des législateurs et de certains parents adoptifs
que l'adoption peut être assimilée à une nouvelle naissance, car dans la réalité il ne peut y avoir
qu'une naissance.
Cette lecture symbolique de l'adoption n'est pas forcément pertinente. Les mots ont du sens,
et on peut se demander dans quelle mesure le fait de "gommer" l'adoption de l'état civil ne vient pas
souligner maladroitement l'importance de la filiation biologique dans une société où l'inconscient
collectif reste très marqué, historiquement et culturellement, par la suprématie des "liens du sang.
L'adoption, si elle implique une première brisure dans la filiation naturelle, sous-entend également la
construction d'une nouvelle filiation, la filiation adoptive, tout aussi légitime que la filiation biologique.
Car, d'un point de vue psychodynamique, et pour M. SOULÉ70, "les sentiments de filiation et de
parentalité s'établissent non entre procréateurs et procréés mais entre ceux qui ont vécu ensemble le
conflit œdipien et le roman familial". Jean GUYOTAT71 ajoute que la filiation repose sur trois "piliers" :
l'un biologique, l'autre narcissique/affectif et enfin un dernier juridique. Selon lui, le pilier juridique et
le pilier affectif, s'ils sont tous les deux solides suffisent largement à la création d'une relation filiale
satisfaisante. Enfin, comme le souligne S MARINOPOULOS72, légalité et légitimité ne vont pas
toujours de pair. Ainsi, la reconnaissance légale de la filiation adoptive ne suffira pas toujours aux
parents à se sentir "légitimes" dans cette fonction auprès de l'enfant. Or c'est ce doute là, ce
sentiment d'illégitimité, qui risque de s'infiltrer dans le psychisme des adoptants et, telle une fissure,
venir menacer d'effondrement l'édifice familial.
70 Soulé M, Lévy-Soussan P. Les fonctions parentales et leurs problèmes actuels dans les différentes filiations. La psychiatrie
de l'enfant, 2002;45:77-102
71 Guyotat J. Traumatisme et lien de filiation. Dialogue, 2005;168:15-24
72 Marinopoulos S, Sellenet C, Vallée F. Moïse, Œdipe, Superman de l'abandon à l'adoption. Editions Fayard, 2003. p179.
48
La pratique de la parentalité correspondrait à toutes les tâches quotidiennes et objectivement
observables qui incombent aux parents : soins, interactions comportementales et affectives,
pratiques éducatives. A première vue, aucune différence spécifique ne semble exister entre famille
biologique et adoptive sur ce point. Cependant G. SCHOFIELD note que les réactions d'enfants
souffrant d'un trouble de l'attachement à de simples actes de la vie quotidienne, peuvent parfois être
inattendues et déconcertantes pour le parent adoptif. Des attitudes régressives peuvent survenir chez
des enfants déjà "grands", des angoisses de séparation peuvent s'exprimer bruyamment et être
déclenchées par des situations plutôt anodines. "La tâche principale des parents adoptifs consiste
alors à réfléchir aux sentiments et aux comportements de leur enfant et à leur donner un sens"73
Or cette "tâche" serait plus aisée pour les parents adoptants qui ont eux-mêmes un profil
d'attachement dit "sécure", ou plutôt "autonome" à l'Adult Attachment Interview (AAI). En effet, des
études sur l'adoption74 ont montré que le mécanisme de transmission intergénérationnelle de
l'attachement n'est pas génétique, et que l'indicateur le plus important dans la construction de
relations parentales positives réside dans la qualité des représentations d'attachement des parents à
l'AAI. Ces études s'inscrivent dans la continuité des travaux de Mary MAIN qui retrouvait une
association significative entre les représentations d'attachement du parent à l'AAI et le pattern
d'attachement de l'enfant observé au cours de la situation étrange.75 Par exemple, un parent dit
73 Schofield G, Beek M. Guide de l'attachement en familles d'accueil et adoptives. La théorie en pratique. Editions Elsevier
Masson, 2011. p 214
74- Ongari B, Tomasi F. Représentations d’attachement chez des enfants adoptés et chez leurs parents. Médecine et
hygiène. Devenir,2010 ;22 :109-131
- Stams GIM, Juffer F, Van Ijzendoorn MH. Maternal sensitivity, infant attachment, and temperament in early childhood
predict adjustment in middle childhood: The case of adopted children and their biologically unrelated
parents. Developmental Psychology, 2002;38:808-821.
- Juffer F, Bakermans-Kranenburg MJ, Van Ijzendoorn MH. The importance of parenting in the development of disorganized
attachment: Evidence from a preventive intervention study in adoptive families. Journal of Child Psychology and Psychiatry,
2005;46: 263-274.
- Verissimo M, Salvaterra F, Santos AJ, Santos O. Le modèle de représentation interne maternel et le comportement de base
de sécurité de l’enfant dans un groupe d’enfants adoptés. Devenir, 2008;20(4):347-359
75 Guedeney N. L'attachement un lien vital. Editions Fabert, 2010. p 43
49
"autonome" a plus de chance d'avoir un enfant "sécure" et un parent évitant a plus de chance d'avoir
un enfant évitant.
Comme nous l'avons déjà évoqué précédemment, l'enfant adopté, du fait d'une histoire pré-
adoptive traumatique a plus de risque de présenter un attachement désorganisé que les enfants
biologiques. Néanmoins, si la sensibilité aux besoins de l'enfant est de bonne qualité, il semble
possible pour l'enfant de modifier ses stratégies défensives et in fine de développer un nouvel
attachement avec le parent adoptant76. Cette sensibilité parentale se traduit par une prise en compte
du point de vue de l'enfant et une capacité à répondre d'une manière empathique à ses signaux de
détresse et à ses demandes d'attachement. Chez les adultes au profil détaché ou préoccupé, cette
sensibilité peut être moindre du fait de stratégies défensives activées en miroir de celles de l'enfant
en situation de stress.
Cela dit, même chez des parents ayant un profil autonome, le plein épanouissement du
système de caregiving, incluant la sensibilité parentale, peut être freiné par les caractéristiques de
l'enfant (enfant âgé, handicapé, présentant des troubles du comportement) ou le contexte même de
l'adoption parfois traumatique pour les parents77. Plusieurs études tendent à montrer l'intérêt
d'interventions relationnelles brèves, qui se focalisent sur la sensibilité parentale et seraient efficaces
pour améliorer l'attachement de l'enfant78. Ces interventions aident dans le quotidien les parents
adoptifs à repérer les signaux de détresse et de besoin de protection de leur enfant, à comprendre
ses comportements et les intentions qui s'y cachent, en soutenant et en renforçant les compétences
parentales.
76 Howes C, Spieker S. Attachment relationships in the context of multiple caregivers. New York, NY, US:Guilford Press,
2008
77 Guedeney N, Dubucq-Green C. Adoption, les apports de la théorie de l'attachement. Enfances & Psy, 2005;29:84-94
78- De Theux-Heymansb MN, Stievenart M, Roskam I. Une intervention brève auprès de parents adoptants centrée sur la
sensibilité parentale : effets sur le sentiment de compétence parentale et l’attachement de l’enfant. Pratiques
psychologiques, 2013;19:87–101
- Bakermans-Kranenburg, Van Ijzendoorn MH. Promoting positive parenting: An attachment-based intervention. New York,
NY: Taylor & Francis Group/Lawrence Erlbaum Associates, 2008:59-74
50
Enfin l'expérience de la parentalité rejoint la dimension psychologique énoncée
précédemment, tant elle touche aux transformations psychiques et affectives induites par cette
perspective de devenir parent. Chez les parents "ordinaires", ces transformations surviennent au
cours de la grossesse et dans les premiers mois qui suivent l'accouchement. Pour les parents
adoptifs, B. GOLSE79 parle d'une "grossesse psychique", essentielle à l'accueil de l'enfant, et soutenue
principalement par l'imaginaire des parents du fait de l'absence de l'étayage corporel et des
sensations physiques qui s'y rattachent. Cette "grossesse psychique" est symbolisée par la procédure
d'agrément, dont la durée a été fixée à un minimum de 9 mois. Qu'elle soit biologique ou adoptive,
c'est au cours de cette grossesse que tout parent commence à penser son enfant, à l'imaginer de
telle ou telle façon dans un processus psychique d'identification. Ces représentations imaginaires de
l'enfant se font à plusieurs niveaux. B. GOLSE80 en distingue ainsi quatre types : l'enfant
fantasmatique, représentation inconsciente et propre à chacun de ce qu'est un enfant ; l'enfant rêvé,
représentation consciente ou préconsciente forgée par le couple parental qui se laisse aller à des
"rêveries" concernant cet enfant à venir ; l'enfant narcissique, celui qui a pour mission de faire mieux
que ses parents, de les combler et enfin l'enfant mythique ou culturel qui correspond aux
représentations collectives qu'une société se donne, à une époque particulière, des enfants. Lors de la
première rencontre avec l'enfant cette fois-ci bien réel, tout parent sera amené à abandonner un
investissement narcissique au profit d'un investissement objectal. Pour S MARINOUPOULOS81, cette
transition "s’accompagnera nécessairement de reformulations, de pertes, de désenchantements ».
Contrairement à ce qui est souvent dit, cette première rencontre ne s'accompagne pas d'un "deuil" à
proprement parler. "Peut-on en effet faire le deuil d'un objet qui n'existe pas ?" demande P. BEN
79 Golse B. À propos de l’adoption internationale : la double étrangeté de l’enfant venu d’ailleurs. Archives de pédiatrie,
2011;18:723–726
80 Golse B. A propos de l'enfant et de l'enfance. Quelques questions à l'enfant culturel ou mythique, In: Que sont parents et
bébés devenus ? Jacques Besson et al. Editions Erès, 2010;111-121
81 Marinopoulos S, Sellenet C, Vallée F. Moïse, Œdipe, Superman de l'abandon à l'adoption. Editions Fayard, 2003. p182
51
SOUSSAN. Car en réalité il n'y a pas de Bébé imaginaire, ce bébé dont nous parlons tant, c'est nous
bébé tel que nous nous rêverions"82. L'idéal serait donc que la représentation de cet enfant imaginaire
et narcissique reste "souple" et prête à se laisser modifier par la rencontre physique avec un enfant,
bien réel celui-ci. C'est cette souplesse psychique qui permettra à tout parent de composer au mieux
avec l'écart entre enfant imaginaire et réel, pour in fine être dans un accordage harmonieux, au sens
de D. STERN83, avec son enfant. Le décalage possible entre enfant rêvé et réel n’est pas rare et n’est
pas l’apanage des parents adoptifs, mais la désillusion est peut-être plus intense et brutale chez eux.
Notamment, nous dit B. GOLSE84 car plus les procédures d'adoption sont longues et éprouvantes,
plus les parents risquent d'avoir une représentation "figée" de l'enfant imaginaire, venant entraver les
premières interactions avec l'enfant réel et la mise en place du sentiment de parentalité. Or, "un
écart trop important entre l'enfant imaginaire et l'enfant réel est à la base de beaucoup de
maltraitance dans les familles" 85.
Dans notre étude, plusieurs motifs sont notifiés pour justifier le placement à l'ASE. En dehors
des troubles du comportements de l'enfant, les motifs sont principalement liés à un
dysfonctionnement de la parentalité : difficultés éducatives, conflits intrafamiliaux, trouble psychique
ou addictif chez l'un des deux ou chez les deux parents, maltraitance physique et/ou maltraitance
psychologique d'un ou des parents sur l'enfant. Contrairement à une population d'enfants placés à
l'ASE, les motifs tels que les carences éducatives, les carences affectives, la négligence lourde, les
82 Ben Soussan P. Le bébé imaginaire. Editions Erès, 2005. p 58 et p 73
83 Stern D N. Le monde interpersonnel du nourrisson-Une perspective psychanalytique et développementale. Editions PUF,
1989
84 Golse B. À propos de l’adoption internationale : la double étrangeté de l’enfant venu d’ailleurs. Archives de pédiatrie,
2011;18:723–726
85 Soulé M, Lévy-Soussan P. Les fonctions parentales et leurs problèmes actuels dans les différentes filiations. La psychiatrie
de l'enfant, 2002;45:77-102
52
abus sexuels, la déficience intellectuelle des parents ou encore l'absence parentale n'apparaissent
pas86.
En nous appuyant sur le travail de Noémie COLLING87, nous avons distingué trois types de
difficultés dans la parentalité adoptive en fonction des motifs de placement énoncés ci-dessus. Ainsi,
la parentalité apparait très souvent "perturbée", parfois "défaillante", voire même "violente" vis à vis
de l'enfant, et cela aussi bien dans sa pratique, dans l'expérience que les parents en font ou dans le
sentiment qu'ils éprouvent en l'exerçant.
2.2.1.1. Une parentalité perturbée
La parentalité est qualifiée de "perturbée" lorsque les couples se séparent entre le moment de
l'adoption et le placement, ainsi que dans les situations où un trouble psychique se déclare chez un,
voire chez les deux parents. En comparaison avec la population générale où le taux de divorce
avoisine les 44% en 2014, le nombre de séparation conjugale dans notre étude est peu élevé. En
revanche, les troubles psychiques concernent 32% des parents adoptifs de notre étude, ce qui peut
laisser penser que l'adoption fragiliserait psychiquement les parents adoptants.
Qu'il s'agisse d'une séparation parentale ou d'un trouble psychique chez un ou chez les deux
parents, ces situations génèrent à chaque fois un fort sentiment d'insécurité pour l'enfant avec la
réactivation possible d'angoisses abandonniques.
Nous pensons notamment à ce père qui semble atteint d'un trouble bipolaire (au vu des
symptômes mentionnés dans le dossier ASE). Avant d'être hospitalisé sous contrainte pour un
probable épisode mélancolique délirant, il pourra dire à sa femme devant leur fils âgé de 7 ans, qu'ils
86 Rousseau D, Duverger P, Hamon G, Cateland L N, Fanello S et al. Etude épidémiologique réalisée auprès des enfants
placés à l'Aide Sociale à l'Enfance et de leurs parents pour les années 2002-2004, Département du Maine et Loire, 2006,
p15
87 Colling N. Les enfants adoptés pris en charge par le service de l'Aide Sociale à l'Enfance du département de la Mayenne.
Mémoire de Master de droit. Université de Droit, d'Economie et de Gestion d'Angers, 2011
53
n'auraient pas dû adopter ce dernier car ils n'ont pas les moyens de s'en occuper et qu'il faudrait le
ramener à la DDASS.
2.2.1.2. Une parentalité défaillante
Les situations où la parentalité nous apparait comme "défaillante" sont celles où les réponses
éducatives semblent inadaptées, en décalage, par rapport au comportement de l'enfant. Ce peut être
soit parce que les parents sont dans l'incapacité de poser des limites à l'enfant, soit au contraire car
ces dernières sont bien trop nombreuses et par trop rigides pour que l'enfant puisse s'y appuyer sans
risquer de les briser.
Le "laxisme" observé chez certains parents peut traduire leur désir de "réparer" la blessure
narcissique qu'ils pressentent ou redoutent chez l'enfant et qui serait infligée par son abandon. M.
SOULÉ et P. LEVY SOUSSAN88 y voient également l'expression de la question de la dette, non pas
celle de l'enfant envers ses parents adoptifs comme nous l'avons évoqué précédemment mais au
contraire la dette des parents adoptifs contractée à l'égard des parents géniteurs. Or cette dette, si
elle ne peut être "remboursée" directement aux parents géniteurs, pourrait l'être indirectement via
l'enfant, nous disent ces auteurs, en "refusant de lui infliger toute nouvelle blessure narcissique,
toute frustration, avec les conséquences que l'on imagine". Dans deux dossiers ASE est ainsi
mentionnée la grande difficulté des parents à poser un cadre, certes frustrant mais aussi sécurisant,
à l'enfant.
Mais si les parents sont parfois en difficulté pour poser des limites à leur enfant, ils peuvent
aussi tomber dans l'excès inverse, d'autant plus lorsque l'enfant et encore plus l'adolescent
commence à venir tester, via son irrespect du "règlement" familial, la solidité du lien l'unissant à ses
88Soulé M, Lévy-Soussan P. Les fonctions parentales et leurs problèmes actuels dans les différentes filiations. La psychiatrie
de l'enfant, 2002;45:77-102
54
parents. Si l'absence de cadre éducatif peut être insécurisant pour l'enfant, une certaine rigidité et
des exigences démesurées peuvent être tout autant déstabilisantes. D'autant plus si l'enfant adopté
perçoit qu'il ne répond pas aux attentes de ses parents, ce qui là-encore peut venir réactiver des
angoisses abandonniques, ou simplement raviver une fragilité narcissique.
Ainsi, dans près de la moitié des dossiers ASE, les termes de "rigidité éducative" sont notifiés
par les professionnels. Cette rigidité éducative et psychique traduit généralement l'impossibilité
d'ajuster la représentation de l'enfant imaginaire à la réalité de l'enfant adopté. Il est d'ailleurs
toujours surprenant, notamment dans les cas d'adoptions tardives, de voir ce que des parents
peuvent attendre d'un enfant en termes d'apprentissages et de réussite scolaire. Nous pensons
notamment à ce petit garçon, abandonné à 4 ans, ayant probablement souffert de négligence, voire
de maltraitances, adopté à 6 ans par un couple d'enseignants et qui, dès son arrivée, a pu s'intégrer
dans une classe de CP, rattraper ses lacunes et apprendre le français en quelques mois seulement.
Malgré une scolarité satisfaisante, les éducateurs noteront que les exigences scolaires des parents,
sont élevées et sources permanentes de conflit avec leur fils. A noter dans cette situation, la
maladresse initiale de l'OAA qui a signifié aux parents qu'ils avaient été "choisis" en raison de leur
métier, considéré comme un atout pour "stimuler" le développement cognitif de l'enfant.
De plus, dans ces situations, le travail avec les professionnels de l'ASE apparait généralement
compliqué. L'introspection et le dialogue avec les éducateurs sont souvent remplacés par des
attitudes défensives, elles aussi rigides. Ainsi les troubles de l'enfant ne sont pas appréhendés dans
une problématique familiale mais immédiatement expliqués, rationnalisés par l'adoption elle-même.
Ainsi certains parents diront : "peut-être que ses problèmes viennent d'ailleurs ? nous ne savons rien
sur lui avant..."
Pierre LEVY SOUSSAN parle d'un phénomène "d'aimantation de la réalité", dans le sens où
l'adoption attire l'imaginaire des parents et leur offre une porte de sortie aux conflits avec leurs
enfants en trouvant des raisons qui leur sont extérieures. Ainsi, est projeté sur les géniteurs, sur
l'axe biologique, génétique, tout ce qui est perçu négativement chez l'enfant. Etrangement, le recours
à l'hérédité, au sens biologique du terme, est nettement moins fréquent lorsque l'enfant vient
55
répondre aux attentes de ses parents adoptifs. Le risque de ces projections parentales est cependant
de "sortir les parents de la scène parentale, c'est à dire de leur permettre de se récuser comme
origine de l'enfant et donc comme parents"89. Des attitudes de rejet, parfois réciproques, mais
toujours violentes pour l'enfant peuvent alors survenir. Dans ce contexte, une thérapie familiale
analytique ou systémique viserait un changement dans la position parentale en permettant la
transition d'une pensée en dédoublement ("il a des problèmes") à une pensée réflexive90.
2.2.1.3. Une parentalité violente
Une maltraitance psychologique a été constatée dans au moins 11 situations. Elle se traduit
souvent par la tenue de propos blessants quant aux origines de l'enfant, allant parfois jusqu'à
l'expression de propos franchement racistes le concernant.
A la violence psychologique s'ajoute une violence physique pour au moins cinq enfants de
notre étude. Cette violence peut être réciproque.
2.2.2. Prévention des difficultés à l'adoption : quels signes d'alerte dans la procédure
d'agrément ?
Dans près d'un tiers des situations, la parentalité apparait à la fois perturbée, défaillante et
violente. Cela n'est pas tout à fait surprenant puisque cette étude porte sur les enfants placés à l'ASE
et leur famille. Néanmoins, ce constat amène nécessairement la question de la prévention de telles
situations.
89 Lévy-Soussan P. Adoption internationale : spécificités et risques psychiques. Journal de pédiatrie et de puériculture,
2005;18:13–19
90 Berger M. Entretiens familiaux et champ transitionnel, Paris, Editions PUF, 1986
56
Pour Jean-François MATTEI91, une part importante de la prévention des difficultés à l'adoption
est incarnée par la procédure d'agrément, dans la mesure où celle-ci atteste de la capacité des
personnes qui souhaitent adopter à s'adapter et à évoluer au regard des besoins de l'enfant. Elle
s'assure aussi du sérieux, du caractère réfléchi, de la démarche de ces personnes. Comme le note
J.F. MATTEI : "Il existe chez certains candidats à l'adoption des motivations qui n'ont rien à voir avec
le désir conscient de devenir parents par l'adoption, ou pour lesquels cet élan s'évanouit aussi vite
que les souvenirs de quelques images entrevues à la télévision et qui ont éveillé leur compassion, ou
encore s'efface devant la réalité de l'enfant tel qu'il est."
L'agrément étant délivré par une instance départementale, les modalités d'information en
amont de la demande d'agrément ainsi que les évaluations psycho-sociales diffèrent d'un
département à l'autre. Ces différences sont principalement liées aux moyens que le département va
allouer à l'ASE en termes de structure, de personnel, de financement, pour traiter cette question de
l'adoption. Dans le département du Maine et Loire, le service adoption, d'abord demi spécialisé puis
spécialisé, existe depuis 1992. Les candidats à l'adoption y bénéficient de deux temps d'information
et de sept rencontres avec des professionnels spécifiquement formés à la question de l'adoption. Le
service adoption du Maine et Loire assure donc largement les quatre entretiens légalement requis et
s'astreint à suivre les recommandations du référentiel publié en mai 2011 par le ministère de la
solidarité et de la cohésion sociale92. Ce référentiel a été préconisé par le rapport de Jean Marie
COLOMBANI93 qui en 2008 faisait état d'une grande hétérogénéité dans la sélection des candidats à
l'adoption. Ainsi, selon les départements, le taux de refus d'agrément pouvait varier de 0% à 62%,
91 Mattei J F, Le Boursicot M C. Enfant d'ici, enfant d'ailleurs : l'adoption sans frontière : rapport au Premier ministre, 1995
p73
92 L'information préalable à l'agrément en vue d'adoption et l'évaluation de la demande d'agrément, Référentiels du
Ministère des Solidarités et de la Cohésion Sociale, 2011
93 Colombani J M, Morel A, Vassalo B, Zeller P. Rapport sur l'adoption. Mission confiée par le président de la République et le
Premier ministre à Jean-Marie Colombani, 2008
57
avec une moyenne nationale de 10%. Pour P. LEVY SOUSSAN94, cette moyenne "représente une
quasi-absence de sélection efficiente des candidats à l'adoption". Une sélectivité efficace pour un
Conseil Départemental, nous dit-il, se situe entre 30 et 40% de refus.
Le référentiel, évoqué précédemment, n'invite pas les professionnels à être dans une logique
de résultats chiffrés. Il propose en revanche des outils pour guider les évaluations psycho-sociales.
Ainsi, on retrouve une liste non exhaustive de "questionnements et problématiques" qui doivent
attirer l'attention des professionnels au cours des rencontres avec les candidats. (cf. annexe 3). Il ne
s'agit pas d'une liste de points contrindiquant l'adoption, ces derniers étant au contraire l'occasion de
s'engager dans un vrai échange réflexif avec le ou les candidats. Cependant, "ces questionnements et
problématiques s’intègrent parfois dans un contexte global pouvant alors justifier un refus".95
Au moment où les parents de notre étude ont obtenu leur certificat d'agrément, ce référentiel
n'était pas encore paru. Cependant, des réserves avaient été émises à juste titre par les
professionnels dans près d'un dossier sur cinq avec un refus d'agrément pour 3 candidatures, lequel a
systématiquement fait l'objet d'un recours gracieux auprès du président du Conseil Départemental.
Ces chiffres témoignent de l'acuité des professionnels à l'adoption, insuffisamment prise en compte
lors de la décision finale d'octroi de l'agrément.
Il nous a semblé intéressant, à la lumière de la littérature et de ce référentiel, d'identifier "ces
questionnements et problématiques" qui avaient retenu l'attention des professionnels ou qui
rétrospectivement ont su retenir la nôtre.
94 Lévy-Soussan P. Destin de l'adoption. Editions Fayard, 2010. p 132
95 En 2014, dans le département du Maine et Loire, sur les 59 demandes d’agrément étudiées, il y a eu 50 avis favorables,
3 ajournements et 6 refus
58
2.2.2.1. Stérilité et rapport fantasmatique aux géniteurs
L'infécondité reste le motif principal évoqué par les candidats pour justifier leur projet
d'adoption. L'étude de l'INED en 2004 notait que ne pas avoir fait le "deuil de l'enfant biologique"
justifiait 20 % des refus d'agrément. Ainsi, toute personne qui se lance dans la procédure d'adoption,
et particulièrement à la suite d'un parcours d'aide médicale à la procréation (AMP), va devoir engager
un vrai travail psychique afin de traverser ce deuil et pouvoir appréhender différemment son rapport
à la filiation. Car se porter candidat à l'adoption ne signe pas nécessairement le deuil de l'enfant
"biologique", mais plutôt celui de la thérapie médicale.
Effectivement, la majorité des couples "stériles" qui envisagent l'adoption a d'abord tenté de
devenir parents via une ou plusieurs de ces techniques d'AMP. Ce parcours médical est généralement
décrit par les couples comme long, pénible, parfois même traumatique. Néanmoins, le récit de cette
"expérience" est primordial. En effet, il contient de précieux indices. D’abord sur la façon dont les
candidats ont intégré l'annonce de la stérilité, que ce soit la leur ou celle de leur conjoint/conjointe.
Ensuite sur la façon dont les croyances, les représentations de chacun(e), au vu de l'histoire
personnelle et familiale, amènent le couple à accepter certaines "techniques" médicales et en refuser
d'autres. Et enfin comment, finalement, s'est articulé le projet de grossesse avec le projet d'adoption,
permettant que ce dernier ne soit pas seulement un "pis-aller", mais bien un projet à part entière,
bien différencié de la procédure d'aide médicale à la procréation.
Ainsi, à la lecture des dossiers d'agrément, la façon dont deux couples rationnalisent leur
choix de ne pas recourir à l'Insémination Avec Donneur (IAD) peut surprendre. A chaque fois, c'est la
crainte que "Monsieur se sente exclu de la parentalité" qui justifie le projet d'adoption. Or, cette
justification illustre typiquement combien la question de l'infertilité n'a pas été dépassée, dans le sens
où il existe une confusion importante entre la notion de géniteur et de parent, témoignant de
l'incapacité pour l'homme à définir la fonction paternelle dans un registre symbolique. Comme le
59
rappelle, non sans humour, Jacques LACAN96 : "il y a un seul père réel, c'est le spermatozoïde, mais
jusqu'à nouvel ordre, personne n'a jamais pensé à dire à un enfant qu'il était le fils de tel
spermatozoïde". De plus, comme le soulignait Françoise DOLTO97, un père doit toujours adopter son
enfant. Certains adoptent leur enfant à sa naissance, d'autres quelques jours après, voire quelques
semaines plus tard, d'autres l'adopteront quand il parlera. "Il n'y a de père qu'adoptif" dit-elle.
Préférer l'adoption à l'IAD pour que l'homme ne se sente pas "lésé", sous-entend que la
femme, par souci "d'équité", renonce, elle-aussi à cette parentalité. Mieux vaut être exclus tous les
deux de cette parentalité plutôt que l'un se sente plus illégitime que l'autre auprès de l'enfant. Il est
facile d'imaginer combien ce raisonnement risque de se retourner contre les parents et l'enfant dans
les moments de "crises familiales".
Le rapport que les parents adoptants entretiennent avec la culture d'origine de l'enfant,
parfois avec les géniteurs, peut également présager de difficultés dans la mesure où cela témoigne
encore une fois du rapport fantasmatique des parents adoptants avec les géniteurs et donc avec leur
propre infertilité. Ainsi, dans notre étude, la commission d'agrément sera amenée à émettre un avis
défavorable pour une deuxième demande d'adoption. Dans cette situation, il apparait que la mère
adoptive a été très perturbée par un voyage au cours duquel elle a rencontré la génitrice de sa
première fille. Lors des évaluations psycho-sociales, les professionnelles notent "une confusion sur la
double filiation". Les parents feront appel de cette décision et pourront finalement adopter un petit
garçon de 6 ans, qui sera placé à l'ASE à l'âge de 15 ans.
Les demandes d'adoption, exclusivement à l'international, dans des pays lointains et
exotiques, peuvent également être suspectes. Pourquoi l'enfant adopté doit-il être celui du bout du
96 Cité dans : Hamad N, Melman C. J'ai même rencontré des adoptions heureuses. Réflexions sur la filiation adoptive.
Editions Odile Jacob, 2014. p 123
97 Dolto F, Sévérin G. L'Evangile au risque de la psychanalyse. Editions du Seuil, 1977
60
monde ? demande Pierre LEVY SOUSSAN98. Pour une des mères adoptives de notre étude, il apparait
clairement que le fait d'adopter à l'étranger limite les risques de croiser par hasard la génitrice dans
la rue, et que cette dernière ne vienne un jour frapper à la porte pour réclamer son enfant. Ainsi la
culpabilité de devoir "voler" l'enfant d'une autre pour accéder au statut de mère, se dissimule parfois
sous de faux prétextes. Une des candidates justifiera son désir d'adopter un enfant de "couleur" car,
lorsqu’elle-même était enfant "sa poupée préférée était noire".
Bien sûr l'expression d'un désidérata en ce qui concerne le pays d'origine de l'enfant n'est pas
toujours le signe d'une difficulté de représentation de la filiation adoptive. Cela peut au contraire
témoigner d'une réflexion des candidats sur l'origine de l'enfant et sur comment relier cette dernière
au mieux à leur propre histoire. Comme le souligne Pierre LEVY SOUSSAN99 "l'origine la plus
importante pour l'enfant est celle qui va s'ancrer dans l'imaginaire des parents et dans leur histoire
générationnelle." Pour illustrer cela, un couple dira pendant l'agrément qu'ils souhaitent adopter au
Congo car c'est le pays où ils se sont rencontrés et où ils souhaitent symboliquement débuter leur
histoire commune avec l'enfant.
2.2.2.2. Le non-respect du projet initial
Pour l'Agence Française de l'Adoption (AFA), une des principales raisons d'échec reste le
décalage qu'il existe entre "enfant imaginaire" et "enfant réel", comme nous l'avons déjà cité à de
nombreuses reprises. Le fait de pouvoir s'autoriser à exprimer ses souhaits quant à l'origine, le sexe,
l'âge, ou un éventuel handicap de l'enfant, est donc essentiel et devrait être encouragé au cours de
l'agrément par l'attitude bienveillante des professionnels.
98 Lévy-Soussan P. Adoption internationale : spécificités et risques psychiques. Journal de pédiatrie et de puériculture,
2005;18:13–19
99 Lévy-Soussan P. Destin de l'adoption. Editions Fayard. 2010, p 276
61
En effet, le fait que les candidats se permettent de parler de "l'enfant rêvé" au sens où
Bernard GOLSE100 l'entend, est l'occasion d'échanger avec eux, de les amener à réfléchir sur ce qui
différencie l'enfant qu'ils seraient prêts à accueillir de celui qu'ils préfèreraient voir adopté par une
autre famille. Cela permet également de nommer à nouveau les particularités de l'adoption, d'amener
quelques éléments de réalité, non pas pour étouffer l'enfant imaginaire bien logé dans la tête de tout
futur parent mais, comme nous l'avons déjà évoqué, pour assurer une certaine flexibilité psychique,
nécessaire pour que le sentiment d'étrangeté ne se fige pas lors de la première rencontre avec
l'enfant réel.
Il arrive que certains candidats qui disent n'avoir aucune préférence, pourraient même être
sur la défensive, ou suspicieux, lorsque cette question des "souhaits" vis à vis de l'enfant est
soulevée, imaginant que leur interlocuteur tente de les piéger en cherchant une faille dans leur désir
de parentalité.
Dans notre étude, questionné par rapport au sexe de l'enfant, un couple répondra : "ça n'a
aucune importance, si ça avait été une grossesse, nous n'aurions pas eu le choix". Cette assertion est
vraie, mais si ces parents n'avaient pas rencontré de difficultés pour procréer, ils n'auraient pas non
plus eu le choix de l'âge de l'enfant, de son origine géographique, ou encore de la possibilité d'en
avoir trois d'un coup.
Les comptes rendus d'évaluations psycho-sociales que nous avons été amenée à consulter
renseignent généralement les souhaits des candidats en ce qui concerne l'âge et l'adoption simple ou
multiple. Les souhaits concernant l'origine apparaissent dans moins de la moitié des cas, ce qui ne
signifie pas que la question du pays d'origine n'a pas été abordée au moins oralement. Le sexe de
l'enfant est notifié pour cinq situations. Un handicap physique curable ou léger est accepté dans trois
situations, quant à la question du handicap psychique, elle n'est jamais évoquée ou du moins
retranscrite dans les comptes rendus.
100 Golse B. A propos de l'enfant et de l'enfance. Quelques questions à l'enfant culturel ou mythique, In: Que sont parents et
bébés devenus ? Jacques Besson et al. Editions Erès, 2010;111-121
62
Ce dernier point interpelle car entre 1995 et 2002, période où la majorité des agréments ont
été obtenus, le nombre d'enfants dits à besoins spécifiques était moins élevé qu'aujourd'hui, mais pas
inexistant. La question du handicap est inévitable, d'autant plus si le projet se porte sur une adoption
internationale. En effet, l'OAA Médecins du Monde constate, pour les adoptions effectuées à l'étranger
par son intermédiaire, que les dossiers médicaux sont souvent peu informatifs, les antécédents et
l'histoire de vie de l'enfant quasi inconnus et donc les risques de voir émerger une maladie,
somatique ou psychique, jamais nuls101.
2.2.2.3. Motivations humanitaires
Le référentiel paru en 2011, met en garde contre les motivations purement humanitaires pour
l'adoption. Comme le dit Michel SOULÉ102, "les élans humanitaires ne suffisent pas et ne remplacent
pas une vocation parentale réelle et durable nécessaire pour affronter et dépasser les inéluctables
conflits de toutes les relations parents-enfant."
Certaines études103 tendent à montrer que les familles ayant adopté pour des raisons
humanitaires seraient moins résilientes que les autres lorsque les difficultés surgissent. Les risques de
désengagement de la part des parents, et donc de rupture des liens, seraient alors plus importants.
Dans notre étude, la motivation humanitaire est invoquée sept fois au cours de la procédure
d'agrément. Cela témoigne parfois d'une vision quelque peu naïve de l'adoption. Ainsi, certains
parents diront : "adopter, c'est sauver un enfant". Cette conception de l'adoption, si elle ne se
101 Lebrault M, André-Trévennec G. Adoption internationale accompagnée. Devenir des enfants adoptés à l'international de
2001 à 2005 par l'intermédiaire de l'OAA Médecins du Monde. Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence.
2015;63:141-156
102 Soulé M, Lévy-Soussan P. Les fonctions parentales et leurs problèmes actuels dans les différentes filiations. La
psychiatrie de l'enfant, 2002;45:77-102
103- Sellenet C. Recherche sur les enfants adoptés en difficultés, commandée au CREC pour la DGAS du Ministère des
affaires sociales, du travail et de la solidarité, 2005 (vol 1), p62
- Terre Des Hommes. Enquête sur l’adoption internationale. Bilan dix ans après. France, 1992
63
modifie pas avec le temps, peut parfois venir renforcer chez l'enfant l'impression d'être redevable
envers son ou ses parents. Or, lorsque les parents recherchent la reconnaissance de leurs enfants
pour leur geste d'adoption, ils mettent ce dernier dans une position impossible car cette dette-là,
même symboliquement, est impayable104.
Pour d'autres, il s'agit plus de se restaurer narcissiquement à travers le regard d'autrui, et
réaliser leur Idéal du Moi. Ainsi l'adoption semblera, pour une mère adoptive, être une façon d'obtenir
une certaine reconnaissance de ses propres parents, eux-mêmes très investis dans des actions
humanitaires auprès d'enfant. Une autre mère portera systématiquement son choix sur l'adoption
d'enfants handicapés. Les difficultés commenceront lorsqu'à l'adolescence, son fils commencera à
revendiquer une certaine autonomie psychique, ce qui sera vécu par cette mère comme un désaveu.
2.2.2.4. Asymétrie dans le désir parental
Un investissement différent dans le projet d'adoption, c'est à dire lorsque ce projet ne semble
porté que par un des membres du couple, nous parait être un facteur de risque pour l'émergence de
difficultés ultérieures. Effectivement, comme dans l'adoption à caractère humanitaire, le risque d'un
désengagement parental semble plus élevé105. De plus, l'enfant peut percevoir une différence dans le
comportement de ses parents à son égard, quand bien même les parents n’en ont pas conscience, et
le vivre douloureusement.
Cette asymétrie dans le désir d'enfant traduit parfois une mésentente conjugale, ou du moins
une difficulté à communiquer dans le couple, celui qui ne souhaite pas adopter ne s'autorisant pas à
le dire. Par peur de perdre l'autre, ou parce qu’étant la "cause" de l'infertilité, il se sent obligé de
répondre au désir de son ou sa partenaire.
104 Lévy-Soussan P. Destin de l'adoption. Editions Fayard, 2010. p 274 105Sellenet C. Recherche sur les enfants adoptés en difficultés, commandée au CREC pour la DGAS du Ministère des affaires
sociales, du travail et de la solidarité, 2005 (vol 1), 2006 (vol 2)
64
Il n'est pas toujours évident, au cours de la procédure d'agrément de repérer qui, dans le
couple, est vraiment à l'initiative de la démarche et lequel des deux est présent pour soutenir son ou
sa conjoint(e). En ce sens, les entretiens individuels apparaissent indispensables afin que chacun des
membres du couple puisse s'exprimer librement sur le projet de parentalité.
Dans notre étude, l'asymétrie dans le désir d'adopter se révèle généralement après l'adoption.
Néanmoins, pour une situation, les professionnels avaient questionné la précipitation dans la
demande d'un troisième agrément, très rapproché de l'arrivée du deuxième enfant à la maison. Le
couple a finalement pu adopter un troisième enfant mais s'est séparé moins de deux ans après cette
adoption. Rétrospectivement, Madame comme Monsieur conviendront qu'il y avait déjà des tensions
dans le couple avant cette dernière demande d'agrément, plus appuyée du côté de Madame.
2.2.2.5. Adoption par une personne célibataire
Dans notre étude, 5 enfants ont été adoptés à l'étranger par des femmes célibataires. Aucun
des enfants de notre population n'a été adopté par un homme célibataire. Cependant, l'étude de
l'INED106 note en 2005 que "neuf fois sur dix, les candidatures à l’adoption sont déposées par un
couple. Lorsque c’est une personne seule, il s’agit presque toujours d’une femme. Les demandes
d’adoption par un homme seul sont rarissimes : 5 sur 1 857". Ce qui peut expliquer pourquoi les
célibataires sont essentiellement des femmes dans notre étude.
Les résultats concernant un lien entre le statut marital et les difficultés à l'adoption ne sont
pas probants dans la littérature. Certaines études rapportent que le fait d'avoir deux parents serait
106 Halifax J, Villeneuve-Gokalp C. L’adoption en France : qui sont les adoptés, qui sont les adoptants ? Population et
sociétés, 2005;417:1-4
65
garant d'une stabilité familiale, d'autres prétendent qu'une famille monoparentale serait plus adaptée
aux enfants ayant des troubles de l'attachement107.
En ce qui nous concerne, et à la lecture des dossiers de l'ASE il nous semble que lorsque des
troubles du comportement surviennent chez l'enfant adopté, il est souvent plus difficile pour un
parent seul de faire face, là où un couple peut se passer le relais, s'appuyer sur son conjoint, pour
contenir les débordements de l'enfant. La question de la fonction tiers, ou paternelle est alors
primordiale. Dans notre étude, ces femmes se retrouvent très isolées, ayant souvent des relations
compliquées avec leurs propres parents ou n'osant peut-être pas solliciter leurs proches alors que la
situation apparait déjà catastrophique. L'ASE, en tant qu'institution, symbolise parfois cette fonction
de tiers. De plus, à un moment où elles auraient envie de rencontrer un homme, pour elles, mais
aussi pour assurer cette fonction paternelle, c'est alors qu'elles peuvent se rendre compte que la
situation même de mères célibataires d'un enfant adopté vient limiter les rencontres108. Ce qui
interpelle fortement, c'est que, pour au moins deux situations, la deuxième demande d'agrément
semble être une tentative pour introduire du tiers là où ces femmes pressentent que la relation avec
l'enfant est déjà trop fusionnelle. Ainsi, dans une évaluation, l'adoption d'un deuxième enfant répond
à la demande du premier, pour lutter contre l'ennui. Dans une autre, le garçon dira lors des
évaluations : "on va avoir un enfant avec maman".
L'adoption par un ou une célibataire implique de questionner ce statut pendant l'agrément. Or
aborder ce sujet, étroitement lié à l'intimité de la personne, en l'espace de trois entretiens et sans
être trop intrusif, peut être délicat. Cependant les réponses du candidat, et ici des femmes viennent
témoigner de leurs capacités réflexives, de leur cheminement psychique face à des questions qui, si
elles ne sont pas posées lors de l'agrément, le seront forcément plus tard, en d'autres termes, par
107 Jones A, LaLiberte T. Adoption Disruption and Dissolution Report, University of Minnesota Center for Advanced Studies in
Child Welfare, 2010 108 Hamad N, Melman C. J'ai même rencontré des adoptions heureuses. Réflexions sur la filiation adoptive. Editions Odile
Jacob, 2014. p155
66
l'enfant. Ainsi, il parait difficile de se contenter d'un discours aussi lisse et défensif que :"j'ai eu
plusieurs aventures mais je n'ai jamais trouvé l'homme idéal". Dans notre étude, cette justification
apparait à plusieurs reprises. Or, comme le soulève N. HAMAD109 : "ces femmes ont-elles adopté
seules parce qu'elles n'avaient pas trouvé l'homme avec lequel elles auraient pu faire un enfant, ou
est-ce parce qu'elles ne voulaient pas un enfant avec un homme qu'elles n'ont pas trouvé cet
homme ?" Dans une situation, il apparaitra clairement, a posteriori, que pour la femme, le fait
d'adopter était la solution idéale pour devenir mère en dehors de toute sexualité. Victime d'une
agression sexuelle dans sa jeunesse, elle n'avait jamais pu se remettre de ce traumatisme, dont elle
a d'ailleurs tu l'existence lors des évaluations psychologiques. Cependant, les professionnels avaient
probablement perçu une certaine fragilité psychique lors de la procédure d'agrément car un premier
refus avait été prononcé.
Dans une autre situation, les professionnels auront l'impression que le projet d'adoption vient
"combler un vide" chez une femme endeuillée depuis la mort de son compagnon, des années
auparavant. La commission a d'abord refusé cette candidature, puis, six mois plus tard, a accepté de
délivrer l'agrément car les évaluations montraient que la demandeuse avait pu réfléchir à son histoire
personnelle. A partir de la lecture du dossier, il n'est pas possible de savoir si cette femme avait
effectivement cheminé sur le sens qu'elle mettait à sa démarche d'adoption ou si elle avait compris
qu'il était préférable de donner des réponses plus consensuelles pour parvenir à mener cette
démarche à son terme.
Lorsque le désir d'enfant trouve racine dans une impasse existentielle, qu'il nait en réponse à
une solitude douloureuse, l'enfant adopté se trouve à la place peu confortable "d'enfant remède"110.
109 Hamad N, Melman C. J'ai même rencontré des adoptions heureuses. Réflexions sur la filiation adoptive. Editions Odile
Jacob, 2014. p155 110 Maillet J., Revol O., Rochet T., de Villard R. Adoption : Modalités pratiques et psychopathologie de l’enfant adopté.
Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 1997 ;45 (3) :120-125
67
Or, cet enfant ne pourra pas toujours être à la hauteur des attentes parentales, qu'il ne devrait
d'ailleurs pas avoir à combler en premier lieu.
2.2.2.6. Âge des parents au moment de l'adoption
Dans notre étude, la majorité des parents adoptants, au moment de la rencontre avec l'enfant
ont entre 35 et 45 ans. La moyenne d’âge des pères est de 39,9 ans et celle des mères est de 40,3
ans. Ces moyennes d'âge sont proches de celles des parents adoptants en général111. L'âge des
parents au moment de l'adoption ne peut donc pas être considéré comme un facteur de risque de
placement de l'enfant adopté à l'ASE, même si l'on serait tenté de penser que l'épuisement physique
et psychique vient beaucoup plus vite à cinquante ans qu'à trente ou quarante ans.
En revanche, les parents adoptifs sont plus âgés que les parents "biologiques" à l'arrivée de
leur premier enfant. Ainsi les femmes ont leur première grossesse en moyenne à 30,5 ans, tandis que
les femmes qui adoptent deviennent mère vers 40 ans. Le motif principal pour l'adoption restant
l'infertilité, une majorité des candidats se tournera d’abord en effet vers des solutions médicales
avant de se lancer dans les démarches d'adoption. De plus, ces dernières peuvent prendre plusieurs
années, ce qui creuse d'autant plus la différence d'âge entre parents "biologiques" et "parents
adoptifs". Dans notre étude, on peut d'ailleurs noter que le délai entre l'obtention de l'agrément et
l'arrivée de l'enfant est extrêmement court, en moyenne 2 ans, au regard des délais actuels.
Effectivement, il n'est pas rare que des candidats à l'adoption soient aujourd'hui obligés de
renouveler leur demande d'agrément à l'issue de ses cinq ans de validité.112
111 Halifax J, Villeneuve-Gokalp C. L’adoption en France : qui sont les adoptés, qui sont les adoptants? Population et
sociétés, 2005;417:1-4
112 Le délai entre l'octroi de l'agrément et l'arrivée de l'enfant était de deux ans en moyenne en 2004, selon l'étude de
l'INED. Dix ans après, dans le département du Maine et Loire, 86% des familles ont dû patienter plus de 3 ans après la
délivrance de l'agrément, voire faire une nouvelle demande d'agrément car aucune adoption n'avait eu lieu au cours des
cinq années de vie de l'agrément (14% des cas).
68
La loi prévoit également une limite d'âge inférieure pour les candidats à l'adoption, fixée à 28
ans. Ce qui laisserait penser que dans l'esprit du législateur la maturité requise pour adopter est
généralement en lien avec l'âge du candidat. Elle ne fixe pas, par contre, de limite d'âge supérieure à
partir de laquelle il n'est plus possible d'entamer les démarches en vue d'adoption. Dans les faits, le
conseil de famille veille à ce qu'un écart d'âge maximal ne soit pas dépassé entre parents et enfant.
Cet écart est fixé arbitrairement, mais il est clairement indiqué sur le site adoption.gouv que si les
candidats ont plus de 40 ans, ils ne peuvent pas espérer adopter un enfant de moins de 5 ans.
2.2.2.7. Expérience antérieure de la parentalité
Plusieurs études américaines113 tendraient à montrer que des parents jeunes et
inexpérimentés rencontreraient plus de difficultés à moyen et long terme que ceux étant déjà dans
une position parentale au moment de l'arrivée de l'enfant.
Cependant, cette théorie ne se vérifie pas dans notre étude. En effet, on remarque que pour
21 enfants, le couple ou l'un de ses membres est déjà parent au moment de l'adoption. Pour
Catherine SELLENET114, le désengagement serait plus rapide dans les familles avec des enfants déjà
présents au domicile au moment de l'adoption. C’est aussi l’avis de R.A.C. HOKSBERGEN115, pour qui
un trop grand nombre d'enfants dans la famille adoptive pourrait réduire les chances de succès.
"L'expérience" de la parentalité nous interpelle également dans le sens où loin d'être
inexistante, elle serait parfois déjà bien suffisante. En effet, dans une des situations, les parents,
désireux d'une "grande famille" se lancent, après trois adoptions, dans une quatrième démarche.
L'idée étant que le "petit nouveau" s'intercale entre les deux derniers enfants adoptés et ce afin de
113 Jones A, LaLiberte T. Adoption Disruption and Dissolution Report, University of Minnesota Center for Advanced Studies in
Child Welfare, 2010
114 Sellenet C. Recherche sur les enfants adoptés en difficultés, commandée au CREC pour la DGAS du Ministère des affaires
sociales, du travail et de la solidarité, 2005 (vol 1), 2006 (vol 2)
115 Hoksbergen RAC. Echec des adoptions aux Pays-Bas. Enfance, 1988;41:87-96
69
"cimenter" la fratrie. Or, il se trouve que cette 4ème et dernière adoption sera multiple, réunissant un
garçon et une fille. Cette situation pose plusieurs questions, ne serait-ce que sur le nombre d'enfants
qu'une personne ou un couple peut adopter. Faut-il limiter le nombre d'enfants adoptés par foyer ?
Ce garçon et cette fillette étaient âgés respectivement de 6 et 5 ans au moment de leur adoption.
Selon, la définition actuelle, il s'agissait donc d'enfants dit à besoins spécifiques. Est-ce que cette
notion de "besoins spécifiques" sous-entend que ces enfants auront besoin d'une plus grande
attention qui ne pourra pas leur être garantie dans une fratrie de cinq ?
2.2.2.8. Enfant adoptif ou enfant "de remplacement" ?
Dans trois situations l'enfant adopté, arrive dans un contexte particulier où le deuil d'un
enfant biologique n'a pas pu être dépassé.
Ainsi, une fillette arrivera dans sa nouvelle famille seulement trois semaines après que la
mère adoptive ait accouchée d'une petite fille mort-née. Dans ce contexte, il est facile d'imaginer
dans quel désarroi psychique a dû se réaliser la rencontre entre ce couple et leur petite fille. A
posteriori, les parents pourront très bien dire qu'ils n'ont absolument pas eu le temps de faire leur
deuil, bousculés sur le moment par le projet d'adoption. L'attachement à leur enfant adoptif ne fera
aucun doute, mais le couple finira néanmoins par se séparer et, au moment du placement de leur
fille, les parents seront tous les deux en invalidité pour dépression et alcoolisme.
Un deuxième couple adoptera un garçon, près de 5 ans après le décès in utero d'un premier
garçon tandis qu'un autre couple adoptera également un garçon, quatre ans après le décès par mort
subite de leur fils ainé alors âgé de 15 mois. Dans ces deux cas, les "fantômes", au sens où Selma
70
FRAIBERG116 l'entend, viendront hanter la chambre de ces enfants adoptés. Cette dernière formule
l'hypothèse que le bébé constitue un objet de transfert qui vient réveiller chez ses parents des
expériences anciennes et des émotions jusqu'ici refoulées, susceptibles de venir parasiter les
interactions précoces entre les parents et leur enfant.
2.2.2.9. Catégories socioprofessionnelles
Les parents ayant un niveau d'étude élevé constitueraient une autre des caractéristiques
familiales à risque. Ils auraient tendance à présenter un fort niveau d'exigence quant à la scolarité117.
Or, ces exigences sont parfois en décalage avec les compétences réelles de l'enfant adopté. Ce
dernier risque de se retrouver en souffrance face à une certaine forme de rigidité éducative, avec
tous les enjeux narcissiques que cela implique.
Dans notre étude, les candidats se répartissent dans toutes les catégories
socioprofessionnelles, bien qu'ils appartiennent en majorité aux catégories suivantes : cadre et
profession intellectuelle (26,15%), profession intermédiaire (29,23%) et employés (20%). Les
ouvriers ne représentent que 6,15 %.de notre population. Ces statistiques se superposent néanmoins
à celles publiées dans l'étude réalisée par l'INED en novembre 2005118, sur le profil des candidats à
l'adoption. Elles ne nous permettent donc pas d'affirmer qu'il existerait un lien entre les catégories
socioprofessionnelles des parents et les difficultés rencontrées par les enfants adoptés.
L'INED note que ces fortes inégalités sociales sont donc présentes dès la candidature à
l'adoption : "Les catégories sociales défavorisées s'engageraient moins facilement dans l'adoption
parce qu'elles penseraient avoir peu de chances d'y parvenir, tant est répandue l'idée que l'adoption
116 Fraiberg S, Adelson E, Shapiro V. Ghosts in the nursery. A psychoanalytic approach to the problems of impaired infant-
mother relationships. Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry,1975 ;14(3) :387–421 117. Jones A, LaLiberte T. Adoption Disruption and Dissolution Report, University of Minnesota Center for Advanced Studies
in Child Welfare, 2010
118 Halifax J, Villeneuve-Gokalp C. L’adoption en France : qui sont les adoptés, qui sont les adoptants ? Population et
sociétés, 2005;417:1-4
71
est "réservée" aux catégories les plus aisées". De plus, le coût inhérent aux démarches adoptives
dans l'adoption internationale, de 10 000 à 20 000 euros, peut constituer un frein pour des ménages
aux revenus modestes.
2.2.2.10. Absence de soutien familial
Dans la famille adoptive, comme dans toute famille, la filiation de l'enfant ne se tisse pas
seulement avec les parents mais se retrouve prise dans le maillage formé par la famille au sens large.
Les grands-parents, par exemple, en s'engageant auprès de leur petit-fils ou petite-fille, vont
autoriser les parents eux-mêmes à se sentir parents. De plus, le rôle qu'ils ont à jouer dans la
transmission du récit familial et donc dans la construction du mythe individuel de l'enfant est
essentiel. En effet, lorsque les grands-parents reconnaissent chez leur petit enfant tel trait de
caractère, telle attitude ou mimique partagés par d'autres membres de la famille et qu'ils sont
capables de l'exprimer à leur petit fils/fille ("on dirait ton père"), ou à leur propre enfant ("on dirait
toi à son âge"), c'est l'affiliation de l'enfant adopté qu'ils viennent entériner. Comme le dit Nazir
HAMAD119), par leur présence, leurs commentaires, ils rappellent aux deux générations qui leur
succèdent "qu'il y a quelque chose d'autre qui construit la famille, et leur font ainsi comprendre que
l'hérédité n'est pas seulement une affaire de gènes". La bienveillance et la disponibilité des autres
membres de la famille, grands-parents mais aussi oncles, tantes, permettent de faire tiers dans la
relation parfois conflictuelle entre parents et enfant. En ce sens, il semble que cet étayage familial
puisse être un facteur de protection pour l'enfant adopté et ses parents.
Dans notre étude, un couple expliquera aux professionnels de l'ASE, à la suite du placement
de leur fils, qu'il a entamé la démarche d'agrément sans en avoir parlé à leur famille d'origine. Aussi
bien le père que la mère étaient persuadés que leurs parents respectifs se seraient opposés à leur
choix, avouant ainsi leur manque d'autonomie par rapport à ces derniers. Pour les éducateurs, en
119 Hamad N, Melman C. J'ai même rencontré des adoptions heureuses. Réflexions sur la filiation adoptive. Editions Odile
Jacob, 2014. p 105
72
voulant se protéger initialement de l'influence du regard parental, il apparait dès lors que ce couple
se trouve dans une position subjective d'obligation de réussite aux yeux de leur entourage, d'où leur
impossibilité à pouvoir reconnaître leur difficulté éducative et donc à solliciter de l'aide.
Paradoxalement, alors que les échanges sont rompus avec ses parents, ce garçon ira chercher du lien
avec ses grands-parents maternels, qui assureront de façon adaptée un rôle de médiateur dans la
relation parents-enfant.
La "grand-parentalisation" étant un des ressorts de l'intégration de l'enfant adopté au sein de
sa famille, la relation entre les candidats et leurs parents respectifs mérite donc une attention
particulière au moment de l'agrément. Ce dernier point permet aussi aux professionnels, dans une
certaine mesure, de se faire une idée sur la qualité des représentations d'attachement des candidats
et de les sensibiliser à cette problématique de l'attachement chez l'enfant adopté (cf. chapitre sur la
pratique de la parentalité).
Enfin, il est intéressant de questionner à nouveau la limite, ou plutôt l'absence de limite d'âge
des candidats, puisque dans le cas d'une adoption par des parents déjà "âgés", l'enfant sera
forcément privé de grands-parents.
73
"Le cadre est ce qu’on tient pour implicite,
ce qui est donné silencieusement et qui n’apparaît que lorsqu’il vient à manquer,
ce dont la rupture fait apparaître l’existence."
José BLEGER
2.3. CADRE SYMBOLIQUE ET ADOPTION
Au-delà des particularités de l'enfant qui questionnent parfois la notion d'adoptabilité et celles
des parents qui questionnent celle de "parentabilité" adoptive, le rôle des institutions, garantes du
respect de l'ensemble des règles encadrant la procédure d'adoption, depuis la demande d'agrément
jusqu'à l'appariement, est essentiel. Effectivement, si le chemin de l'adoption a pris des voies
illégales, l'enfant ne cessera de le rappeler inconsciemment à ses parents. Ce qui peut entraîner une
grande violence à l'égard de l'enfant "par qui le scandale arrive", le scandale de leur transgression
constamment rappelée, nous dit Pierre LEVY SOUSSAN120.
Par ailleurs, toute encoche, même minime, du cadre symbolique risque plus tard d'alimenter,
chez l'enfant comme chez ses parents, fantasmes, culpabilité, et rejet réciproque.
Ces tentatives de contourner, de courber la loi, juridique comme symbolique, peuvent aussi
bien être du fait des parents, mués par leur désir d'enfant "à tout prix", que des différentes instances
impliquées dans la procédure d'adoption.
120 Lévy-Soussan P. Destin de l'adoption. Editions Fayard, 2010. p53
74
2.3.1. Non-dits et mensonges lors de la procédure d'agrément
Dans au moins deux situations évoquées précédemment, il est arrivé que les candidats à
l'adoption mentent soit par omission, soit délibérément lors des évaluations psycho-sociales.
Dans le premier cas, l'omission est probablement un mécanisme défensif pour mettre à
distance une vérité indicible. En effet, la mère adoptive ne révèlera que plusieurs années après
l'arrivée de sa fille un traumatisme subi dans l'enfance, qui l'a énormément fragilisée psychiquement.
L'adoption concernant aujourd'hui des enfants bien souvent eux-mêmes victimes de traumatismes
divers, il est justifié de penser que les difficultés seront certainement plus importantes dans une
famille où les parents adoptants sont également hantés par un passé traumatique. C'est pourquoi, les
psychologues du service adoption sont parfois amenés à inciter le ou les candidats à s'engager dans
un travail réflexif plus approfondi par le biais d'une psychothérapie avant de poursuivre dans la
démarche d'adoption.
Dans le deuxième cas (cf. chapitre "absence de soutien familial"), aussi bien l'homme que la
femme n'ont pas osé parler de leur projet d'adoption à leurs parents. Cependant lorsque l'on relit les
évaluations psychosociales rédigées au cours de la procédure d'agrément, l'un comme l'autre font
état de l'enthousiasme de leurs parents à l'idée de l'adoption, Madame précisant qu'elle est très
"proche de ses parents, et qu'elle a toujours pu parler avec eux de sujets personnels". Il s'agit donc
là d'un mensonge délibéré.
2.3.2. L'adoption "intrafamiliale" ou l'adoption sans agrément
Ayant fait le choix de nous intéresser à l'adoption au sens large, nous avons inclus dans notre
étude deux enfants ayant fait l'objet d'une adoption au sein même de leur "famille".
En France, l’adoption intrafamiliale est possible directement, donc sans agrément, lorsqu’il
existe un lien de parenté ou d’alliance jusqu’au 6ème degré entre l’adoptant et l’adopté, c’est-à-dire
75
par un cousin direct ou par alliance de l’un de ses parents. Les parents, ou si ceux-ci sont décédés, le
conseil de famille, doivent consentir à l’adoption, ainsi que l’adopté s’il a plus de treize ans. Les
tribunaux refusent en principe de prononcer une adoption plénière, car elle rompt de manière
complète et irrévocable le lien de filiation d’origine et a pour effet de troubler l’enfant dans ses
repères généalogiques, ce qui n’est pas forcément conforme à son intérêt. L'adoption prononcée est
donc une adoption dite "simple". Le mineur ou majeur adopté conserve son état civil d'origine mais la
filiation adoptive s'ajoute à la première filiation. Cependant, l'enfant adopté a les mêmes droits qu'un
enfant biologique et les parents adoptifs exercent pleinement l'autorité parentale.
Dans notre étude, une mère biologique avait autorisé, avant son décès, l'adoption simple de
ses deux fils par sa propre sœur. Mais il s'avèrera que cette famille était marquée par des conflits
importants, par de nombreux non-dits et secrets, ainsi que par une confusion dans la notion de
filiation pour cette tante maternelle, qui tiendra absolument à ce que son neveu l'appelle "maman".
Cette situation singulière illustre le fait qu'il ne suffit pas d'avoir un lien de parenté pour
pouvoir exercer la fonction de parent adoptif et ouvre la réflexion sur la pertinence ou non d'une
procédure similaire à celle de l'agrément dans le cas des adoptions intrafamiliales.
Une autre adoption "intrafamiliale" nous semble cette-fois ci ponctuée de plusieurs entailles
symboliques, voire juridiques, qui viennent questionner directement le caractère légal de cette
adoption. Le mot "intrafamiliale" est mis entre guillemet car la mère adoptive et la mère biologique se
disent "cousines". Mais il est probable dans cette situation que le terme de "cousine" n'ait pas la
même signification que dans la culture européenne, ces deux femmes étant toutes les deux
Ivoiriennes. Cette adoption particulière pourrait d'ailleurs s'inscrire dans une dimension
transculturelle, avec une confusion entre ce qui se rapproche des pratiques de circulation d'enfant,
décrites dans les sociétés océaniennes ou africaines, et la conception occidentale de la filiation
adoptive.
Les études anthropologiques sont passionnantes en cela qu'elles montrent à quel point les
questions de filiation, d'éducation et de parentalité sont éminemment culturelles et n'ont pas toujours
76
grand-chose à voir avec la biologie. Isabelle LEBLIC121, ethnologue au CNRS de Villejuif, déplore
d'ailleurs le caractère "ethnocentriste" de l'adoption occidentale dans sa conception de la circulation
des enfants, "parfois peu respectueuse ou dans une incompréhension de la pratique du don d'enfant."
Depuis la fin du 20ème siècle, du fait de la mondialisation et de l'essor de l'adoption internationale,
on observe une certaine occidentalisation, plus ou moins heureuse, de ces pratiques de circulation
d'enfants au sein de différentes sociétés dites "traditionnelles".
Dans notre étude, la mère adoptive, résidant en France, demandera à sa cousine qui réside,
elle, en Côte d'Ivoire, de lui "donner" son enfant. Cette mère tentera de transposer une pratique de
don d'enfant, en ayant une vision néanmoins européenne de l'éducation. L'adoption se fera au
dépend de la législation française, avec des conséquences dramatiques pour l'enfant.
En plus de l'aspect transculturel, cette situation pose également la question des différences
législatives entre pays d'origine et pays d'accueil ainsi que des accords internationaux existant en
termes d'adoption.
2.3.3. L'adoption dans les pays n'ayant pas ratifié la Convention de La Haye
La Convention de La Haye du 29 mai 1993 (CLH), et ratifiée par la France en 1998, porte
justement sur la protection des enfants et la coopération entre pays en matière d'adoption
internationale. Les Etats signataires ont cherché à établir des dispositions communes “pour garantir
que les adoptions internationales aient lieu dans l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect de ses
droits fondamentaux, ainsi que pour prévenir l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants.” Le texte
défend quatre principes fondamentaux : l'intérêt supérieur de l'enfant en toutes circonstances, le
principe de subsidiarité (ce qui signifie que l'adoption internationale est autorisée seulement en
l'absence d'une solution nationale pour l'enfant), le contrôle par des autorités et organes
121 Leblic I. De l'adoption, Des pratiques de filiation différentes. Clermont-Ferrand, Presse universitaire Blaise Pascal, 2004.
p 13
77
compétents pour toute adoption, associé à l'interdiction de tout contact direct entre les candidats à
l'adoption et les responsables de l'enfant et enfin, la prohibition des profits indus afin d’éviter et de
prévenir l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants.
Dans la situation évoquée précédemment, on peut considérer que les quatre principes
fondamentaux de la CLH ont été bafoués. Et si en 2015, 96 pays ont ratifié la CLH, ce n'est toujours
pas le cas de la Côte d'Ivoire.
La majorité des adoptions dans notre étude ont été réalisées entre 1999 et 2004. A cette
période, les pays membres de la CLH étaient moins nombreux (cf. annexes 2 et 2bis). Ainsi pour
une grande majorité des adoptions (77,77%), le pays d'origine de l'enfant n'avait pas signé la CLH.
Or la CLH s'apparente à un "label" de qualité dans l'adoption, dans le sens où les états qui adhèrent
à ses principes font preuve d'une certaine déontologie en la matière. Dans notre étude, il apparait
que pour 5 enfants, l'âge a été falsifié par l'orphelinat afin de faciliter l'adoption. Les pays d'origine
de ces enfants sont l'Ethiopie (4 situations) et la République Démocratique du Congo (RDC), deux
pays qui n'ont toujours pas ratifié la CLH. Ces "arrangements" administratifs en ce qui concerne la
date de naissance de l'enfant agissent comme autant d'anticorps sur la "greffe" que constitue
l'adoption. En effet, l'âge de l'enfant reste l'un des critères les plus importants pour les candidats
lors de la procédure d'agrément. Ces derniers ont souvent une idée précise de la limite d'âge qu'ils
ne souhaitent pas dépasser. Et, l'arrivée d'un enfant bien plus âgé constitue un écart avec le projet
initial que toute la bonne volonté du monde ne suffira pas à combler.
La situation la plus marquante pour illustrer ce dernier point est celle d'une "petite" fille,
originaire de RDC, et arrivée en France à l'âge officiel de 5 ans et 7 mois. En l'espace d'un an, cette
enfant grandira de 17 centimètres et les examens médicaux révèleront que cette fillette était en fait
âgée de 11 ans au moment de son adoption. Les conséquences de cette fraude seront désastreuses
78
aussi bien pour l'enfant que pour les parents adoptants, à tel point, dirait D W WINNICOT122, qu'il
aurait mieux valu pour cette fillette que l'essai ne soit pas tenté.
Les états qui n'ont pas encore signé ou qui n'avaient pas signé la CLH au moment de l'étude,
ne font pas de l'adoption leur priorité, par choix mais aussi bien souvent car le contexte socio-
économique ou encore politique ne permet pas de porter l'attention qu'il faudrait à cette question. Or,
lorsque l'attention peut finalement se tourner sur l'adoption internationale, les dégâts sont parfois
déjà faits avec la révélation de trafics qui scandalisent à juste titre la population locale.
Ainsi, vers la fin des années 1980, les Brésiliens commencent à parler de "commerce de
bébés", de "marché de l’adoption internationale" et de "vente de bébés". Le fait que les avocats qui
interviennent dans ces adoptions reçoivent jusqu’à 10 000 dollars par adoption renforce l’idée d’une
commercialisation des enfants, les honoraires étant alors assimilés au "prix de l’enfant"123 Les
rumeurs sur le "trafic d’organes", qui est associé à l’adoption internationale, renforcent également la
condamnation de cette dernière. En même temps, avec la législation instaurée en 1990 (le Statut de
l’enfant et de l’adolescent), naît un discours sur le droit de l’enfant de rester au sein de sa famille,
dans sa communauté d’origine. Plusieurs juristes et journalistes affirment en effet que l’intérêt de
l’enfant est de rester dans son pays natal. Tous ces évènements amèneront le Brésil à suspendre
provisoirement les adoptions en 1993124. Ainsi, dans notre étude, des parents qui avaient été
apparentés via un OAA, avec un petit garçon âgé de deux mois, ont dû patienter un an avant de
pouvoir venir chercher leur fils.
122 "Et, en matière d'adoption, il ne faut pas oublier qu'un échec est habituellement désastreux pour l'enfant, à tel point qu'il
aurait mieux valu pour lui que l'essai ne soit pas tenté"
Winnicott D W. Les écueils de l'adoption In : L'enfant et le monde extérieur, Le développement des relations. Editions Payot,
1972. p 66
123.Abreu D, No Bico da Cegonha. Histórias de Adoção Internacional no Brasil. Rio de Janeiro, Relume Dumará, 2002
124 Cardarello A. Le "trafic légal" d’enfants au Brésil : l’adoption comme solution à la pauvreté. Anthropologie et Sociétés,
2009;33(1)49-64
79
Il est facile d'imaginer l'angoisse de ces parents, incertains quant aux conditions de vie de
l'enfant dans un pays en crise et quant à l'issue de cette dernière : pourront-ils enfin accueillir chez
eux cet enfant qu'ils ne connaissent pas encore mais qu'ils considèrent déjà comme leur fils ou leur
fille ? Dans notre étude, cette attente d'un an retentira sur la création du lien parents enfant. La mère
notamment regrettera l'absence d'interactions très précoces avec son fils, confiera son impression
d'en avoir été privée, de ne pas avoir pu le materner comme elle l'aurait souhaitée. Elle parlera de
leur histoire en ces termes : "une rencontre manquée".
Enfin, les pays n'ayant pas ratifié la CLH, n'ont pas forcément les moyens d'effectuer une
évaluation sérieuse de l'adoptabilité de l'enfant et de recueillir l'adhésion de ce dernier au projet
d'adoption. Plusieurs études125 soulignent une préparation insuffisante de l'enfant dans le cas des
adoptions internationales : environ un parent sur trois, selon Médecins du Monde, déclare que son
enfant a reçu une préparation dans son pays d'origine, mais, selon l'étude de Juliette HALIFAX, ils
sont 15% à estimer que leur enfant n'avait pas du tout compris les changements inhérents à son
adoption. En France, la préparation délivrée semble appropriée puisque la quasi-totalité des
personnes ayant adopté un pupille de l'Etat déclare que celui-ci a été préparé.
Par ailleurs, en ce qui concerne la préparation des futurs parents, et notamment sur la
transmission de l'histoire de l'enfant qu'ils vont être amenés à accueillir, Juliette HALIFAX et Marie-
Véronique LABASQUE126 estiment que près d'un quart des parents n'ont aucun élément sur le passé
de l'enfant. Catherine SELLENET127 constate également un défaut de connaissance quant aux raisons
125 Halifax J. Etude relative au devenir des enfants adoptés en France et à l'international. Rapport final. CREAI Picardie,
2013 126 Halifax J. Etude relative au devenir des enfants adoptés en France et à l'international. Rapport final. CREAI Picardie,
2013
127 Sellenet, C. Recherche sur les enfants adoptés en difficultés, commandée au CREC pour la DGAS du Ministère des
affaires sociales, du travail et de la solidarité, 2005 (vol 1), 2006 (vol 2)
80
de l'abandon, au parcours institutionnel, aux antécédents médicaux et psychiatriques, et l'interprète
comme une prise en compte insuffisante de l'histoire antérieure de l'enfant.
2.3.4. L’adoption par démarche individuelle
La France est l'un des rares pays signataire de la CLH, avec l'Allemagne, l'Espagne, la Suisse
et les Etats-Unis, à autoriser la procédure individuelle d'adoption dans les pays non CLH. Or, selon
Pierre LEVY SOUSSAN128, en tolérant des adoptions privées, à haut risque sur le plan éthique, l'Etat
français, "favorise indirectement de graves violations des droits de l'enfant, il aggrave le trafic
d'enfants et multiplie les échecs d'adoption en privilégiant des candidats capables de tout pour
obtenir un enfant, au mépris de son intérêt et des lois internationales".
Pour Aurélie HARF et al 129, l'adoption par démarche individuelle représente également un
risque en cela qu'elle s'accompagne parfois d'un vécu traumatique pour les parents adoptants,
susceptible de retentir sur le récit de l'adoption et notamment sur le récit de la première rencontre.
Or, ce récit répété inlassablement dans les moindres détails, et que l'enfant semble connaitre par
cœur, va occuper une place centrale au sein de la famille. Tel un mythe fondateur, il jouera un rôle
fondamental dans la construction de l'identité narrative de l'enfant.
L'hypothèse formulée par les auteures de l'étude, et qui semble se confirmer, est que le vécu
traumatique des parents au moment de l'adoption peut rejaillir négativement sur la construction du
lien parents-enfant. Le caractère violent des expériences vécues, qui transparaît à travers le récit de
128 Lévy-Soussan P. Destin de l'adoption. Editions Fayard, 2010. p 177
129-Harf A, Taïeb O, Moro MR. Le récit de l'adoption : un révélateur du trauma des parents adoptifs. Neuropsychiatrie de
l'enfance et de l'adolescence, 2008;56:257-262
- Krouch T, Harf A, Moro MR. Adoption internationale et parcours des parents analyse des marques traumatiques. La
psychiatrie de l'enfant, 2012;55:293-314
81
l'adoption, tel un matériel psychique non élaboré et présent à l'état brut, s'imposerait plusieurs
années après l'adoption, avec des répercussions possibles sur les relations parents/enfant mais aussi
sur la psychopathologie de ce dernier. Les représentations mentales qui émergent chez les parents au
moment de l'adoption sont parfois si rigides, et prennent une place telle, qu'elles inscrivent l'enfant
dans un destin déjà tracé. Au point que certains parents font systématiquement le lien entre un
comportement ou un symptôme de l'enfant plusieurs années après l'adoption avec la façon dont ils
l'ont perçu au moment de leur première rencontre.
Les notions de traumatisme et de violence, qui devraient être étrangères à l'adoption,
interpellent encore une fois sur l'accompagnement des parents et de l'enfant en amont et au moment
de l'appariement ainsi que sur la pertinence d'autoriser encore aujourd'hui des adoptions par
démarches individuelles.
Dans notre étude, le pourcentage d'adoptions par démarche individuelle n'est pas très élevé
comparé aux adoptions par le biais d'un OAA. Les enfants adoptés sont originaires du Vietnam,
d'Haïti, de la Côte d'Ivoire, du Mali, de Polynésie Française, de RDC. Le détail des démarches
administratives effectuées par les parents adoptants ne figure pas dans les dossiers ASE mais des
contacts directs avec les parents biologiques sont mentionnés dans au moins trois situations avec
les risques de transactions financières que cela implique.
Afin de permettre à tout Français de pouvoir engager une procédure d'adoption en bénéficiant
d'un accompagnement et de limiter ainsi les démarches individuelles, une Agence Française pour
l'Adoption (AFA), groupement d'intérêt public a été créée par la loi du 4 juillet 2005. Les adoptions
par démarche individuelle ont ainsi diminué progressivement, passant de 62% des adoptions
internationales en 2005, à 31% en 2014. Dans le département du Maine et Loire, en 2014, les
démarches individuelles ne représentent plus que 6,06 % des adoptions internationales, tandis que
les adoptions réalisées par le biais de l'AFA s'élèvent à 12,12 %. Les principales missions de l'AFA
82
sont similaires à celles des OAA : informer, conseiller, accompagner. Mais contrairement à ces
derniers, son financement est public et l'agence est autorisée d'office par la loi comme intermédiaire
pour l'adoption dans chaque département.
2.3.5. La responsabilité des Organismes Autorisés pour l’Adoption
Les OAA, quant à eux, et depuis février 1989, sont autorisés à intervenir dans un
département ou plusieurs départements, seulement après accord du président du Conseil
Départemental. En 2014, on dénombre 29 OAA sur le territoire français, dont 22 sont autorisés dans
le département du Maine et Loire. Ce sont des organismes de droit privé, organisés sur le mode
associatif (loi 1901).
Dans notre étude, 66,6% des adoptions ont été réalisées via treize OAA différents. (cf.
annexe 4). Si ces organismes ne peuvent être tenus pour responsables des placements à l'ASE des
enfants adoptés par leur intermédiaire, certaines pratiques de certains de ces OAA méritent
néanmoins d'être questionnées.
En effet, dans quatre situations, les futurs parents adoptifs ont fait une demande d'extension
de leur agrément en ce qui concerne l'âge de l'enfant, auprès du Conseil Général de Maine et Loire.
Or, c'est généralement sous la pression des OAA que les candidats demandent une révision de leur
notice d'agrément auprès du service adoption. Les situations les plus à risque étant celles où
l'appariement entre parent et enfant est quasiment déjà réalisé, la seule condition pour l'officialiser
est que les futurs parents arrivent à faire modifier leur agrément. Ces derniers se retrouvent alors
obligés de renoncer à leur projet initial, ce qui revient parfois malheureusement pour ces personnes à
"adopter au-dessus de leurs moyens" 130. Bien sûr, pour obtenir cette extension d'agrément les
candidats vont à nouveau rencontrer des professionnels de l'ASE, qui tenteront d'évaluer la
130 Lévy-Soussan P. Destin de l'adoption. Editions Fayard, 2010. p 181
83
cohérence de ce nouveau projet et inviteront les candidats à reconsidérer leurs propres limites en ce
qui concerne l'accueil d'un enfant plus âgé que ce qu'ils avaient initialement imaginé. Mais il n'est pas
évident de faire ce travail d'introspection lorsque l'enfant en question est déjà bien réel et qu'on a
l'idée qu'il est en train de "nous attendre". Dans notre étude, des parents finiront ainsi par accueillir
une fratrie de deux enfants de 7 et 10 ans alors que leur projet initial était d'accueillir deux enfants
dont l'ainé aurait 7 ans au maximum. L'enfant le plus âgé sera placé 3 ans après son adoption.
Le rapport COLOMBANI131, en 2008, souligne le lien de cause à effet entre les modifications
d'agrément et les difficultés futures éventuelles d'un enfant, dès lors que l'on est face à une
inadéquation entre projet initial et réalité de l'adoption. Sur ce même point, Catherine SELLENET132,
en 2005, s'interrogeait déjà sur les réactualisations immédiates demandées en fonction des offres
d'adoption. Elle préconisait l'instauration d'un délai minimum d'un an entre l'obtention de l'agrément
et son éventuelle modification, afin de ne pas céder à la pression des candidats agrées ou des OAA. A
l’heure actuelle, cette préconisation n’a pas été retenue.
De plus, c'est aux OAA que revient la lourde responsabilité d'effectuer l'appariement "optimal"
entre un enfant et ses futurs parents. Or dans notre étude, pour deux situations, les circonstances de
l'appariement nous ont interpellé.
Dans le premier cas, la temporalité même de l'appariement, survenant 3 semaines après le
décès à la naissance de la fille du couple adoptant, était plutôt mal venue. On peut imaginer que les
responsables de l'OAA se sont identifiés aux parents plutôt qu'à l'enfant adopté et aux conséquences
pour lui d'être accueilli dans un contexte de deuil.
Dans le deuxième cas, les parents ont eu le droit de "choisir" l'enfant qu'il voulait adopter, à
savoir une fillette lourdement handicapée. Le plus surprenant est qu'ils avaient déjà eu le choix
131 Colombani JM, Morel A, Vassalo B, Zeller P. Rapport sur l'adoption. Mission confiée par le président de la République et le
Premier ministre à Jean-Marie Colombani. 2008, p 127
132 Sellenet C. Recherche sur les enfants adoptés en difficultés, commandée au CREC pour la DGAS du Ministère des affaires
sociales, du travail et de la solidarité, 2005, vol 2, p 10
84
d'adopter cette enfant quelques années auparavant mais qu'ils lui avaient préféré un petit garçon à
ce moment-là (dont elle deviendra alors la sœur). Le caractère humanitaire de l'adoption était
revendiqué haut et fort, la mère adoptive ne souhaitant adopter que des enfants handicapés. L'OAA
qui a autorisé l'appariement est un OAA dont les responsables sont eux-mêmes concernés par cette
question du handicap, et dont l'une des spécificités est justement l'adoption "d'enfants à
particularité". Cet OAA a également tendance à défendre le caractère humanitaire, voire charitable,
de l'adoption, ce qui pose question quand il est aujourd'hui reconnu que la motivation humanitaire
seule n'est pas suffisante pour faire face aux aléas de la parentalité ; le parrainage étant
probablement une meilleure façon de s'engager avec altruisme auprès d'un enfant.
Outre les orientations idéologiques ou religieuses, parfois discutables, de quelques OAA, il est
important de souligner également que certaines associations fonctionnent exclusivement grâce à
l'implication de bénévoles. Ces derniers ont souvent eux-mêmes adopté, et sont donc riches de leur
expérience, mais n'ont généralement aucune qualification particulière dans le champ de la protection
sanitaire et sociale de l'enfance. En témoignent certains rapports d'adaptation dans lesquels des
données objectives, pertinentes, sur le développement psychomoteur de l'enfant ou la qualité des
interactions précoces avec les parents adoptants font cruellement défaut.
La grande hétérogénéité des OAA, en ce qui concerne leurs moyens, leurs valeurs, la
qualification de leurs personnels, rend difficile l'évaluation de leurs pratiques. Il nous semble que des
OAA tels que Médecins du Monde, association laïque constituée en partie par des professionnels de
santé, s'appuient sur des critères plus objectifs que d'autres OAA, pour favoriser le meilleur
85
appariement possible. Les études publiées par l'OAA Médecins du Monde133 sur le devenir des enfants
adoptés par son intermédiaire vient également témoigner du sérieux de son activité.
La diminution du nombre des OAA ainsi qu'une exigence minimum quant à la formation de
leurs intervenants assureraient donc, selon nous, une homogénéisation des pratiques pour une
meilleure qualité de leurs prestations, aussi bien pour les parents adoptants que pour les institutions
locales en charge des enfants.
133 -Lebrault M, André-Trévennec G. Adoption internationale accompagnée. Devenir des enfants adoptés à l'international de
2001 à 2005 par l'intermédiaire de l'OAA Médecins du Monde. Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence.
2015;63:141-156
- André-Trévennec G, Cadoret A. Regards croisés-Le devenir des enfants adoptés à l'international, enquête 1990-2000 :
rapport final Médecins du Monde, 2009
86
CONCLUSION
L'étude des difficultés à l'adoption et l'identification des principaux facteurs de risque
représentent un enjeu primordial dans la prévention des situations de rupture ou d'échec de la
filiation adoptive. Les résultats de cette étude sont la représentation à une période donnée du profil
des enfants adoptés, confiés à l'ASE du Maine et Loire, et de leurs parents respectifs. En l'absence de
groupes contrôles, nos conclusions chiffrées ne sont pas généralisables à l'ensemble des situations de
difficultés ou d'échec à l'adoption. Cependant, pour donner du sens aux difficultés à l'adoption, il nous
semble que les chiffres ne peuvent se passer d'une approche plus qualitative, d'ailleurs utile dans le
choix des variables nécessaires à la réalisation d'enquêtes quantitatives. Cette approche, que nous
avons privilégiée dans notre discussion, rend compte de la complexité et de la singularité de chacune
de ces situations d'adoption en souffrance. En effet, elle permet de saisir comment s'y articulent
différents niveaux de réalité et comment s'y confrontent différents points de fragilité, tant du côté de
l'enfant que de ses parents, mais aussi des institutions en charge de l'appariement, ou en charge de
l'enfant avant son adoption. C'est généralement l'intrication de plusieurs facteurs qui mène à une
crise familiale dont la seule issue semble être la séparation, temporaire ou prolongée, entre parents
et enfant.
Du côté de l'enfant un vécu pré-adoptif traumatique ou carencé, marqué par des ruptures
relationnelles répétées et fortement conditionné par l'âge à l'abandon et à l'adoption, constitue un
risque pour l'émergence de troubles psychiques, notamment à l'adolescence. Il est donc nécessaire
pour chaque enfant d'évaluer son adoptabilité psychique avant de penser un projet d'appariement.
Du côté des parents, plusieurs éléments tels que le non-respect du projet-initial, un sentiment de
culpabilité vis à vis des géniteurs, ou encore un traumatisme dans l'enfance du candidat ou du
couple, entraînent des dysfonctionnements dans la parentalité, se traduisant par des réponses
éducatives inadaptées, voire des attitudes de rejet. Ces différents éléments doivent donc faire l'objet
d'une grande attention au cours de la procédure d'agrément.
87
Comme le résume Sophie MARINOPOULOS134 "tout parent ne peut devenir le parent de tout
enfant (…) ce sont des histoires psychiques qui font que, à un moment donné, la filiation par rapport
à cet enfant particulier était impossible".
Il semble également que les encoches à la loi, juridique ou symbolique, s'accompagnent
généralement de conséquences néfastes sur le lien adoptif. En ce sens, l'interdiction des adoptions
par démarches individuelles ou dans les pays n'ayant pas encore ratifié la Convention de la Haye
pourrait peut-être prévenir certaines situations d'échec à l'adoption.
Enfin, le profil des enfants proposés aujourd'hui à l'adoption n'est plus tout à fait le même que
celui des enfants adoptés au début des années 2000, ce qui pourrait majorer encore davantage les
difficultés à l'adoption s’il n’en est pas tenu compte.
Tout d'abord, le nombre de ces enfants ne cesse de diminuer et particulièrement à
l'international (1069 adoptions internationales en 2014 contre 3500 en 2010). Il existe donc
aujourd'hui un écart très important entre le nombre d'agréments délivrés chaque année et la réalité
du nombre d'enfants effectivement adoptables en France et dans le Monde. Au 31 décembre 2013,
19 000 personnes étaient titulaires d'un agrément en cours de validité en France. Elles doivent
aujourd'hui approcher les 20 000. On se trouve alors dans des situations aberrantes. Le Vietnam, par
exemple, propose actuellement à la France l'adoption d'une dizaine d'enfants par an, pour près de
1 500 candidats français inscrits sur liste d'attente, ce qui représente un délai de près d'un siècle !
Quant à l'adoption nationale (hors adoption intrafamiliale), pour l'année 2013, 894 pupilles de
l'Etat ont été placés en vue d'adoption. La loi du 4 mars 2016 sur le délaissement parental ouvre des
pistes concernant le "projet de vie" des enfants dont le placement sera long et irréversible. Cela dit,
même si ce "projet de vie" pourrait être une adoption, comme l'encourage un collectif de
134 Lévy-Soussan P, Marinoupoulos S. Abandon et adoption : enjeux psychiques de la filiation dans une perspective
historique et clinique. EMC psychiatrie, 2007;37:1-8
88
professionnels de la protection de l’enfance135, au total, il n'en reste pas moins qu'environ les trois
quarts des candidats ne finaliseront pas leur démarche d'adoption.
Devant cette réalité, un vrai travail consistant à accompagner certains candidats dans le deuil
de leur projet d'adoption pourrait être mené, soit par les services adoption départementaux, soit par
des psychothérapeutes œuvrant en collaboration avec ces derniers. De plus, le "projet de vie" pour
les pupilles de l'Etat, évoqué précédemment, ne pourra pas forcément être synonyme d'adoption. Il y
aurait donc là matière à réfléchir sur différentes voies qui permettraient à des adultes de partager la
vie d'un enfant ou de s'impliquer auprès de lui, autrement que par le biais de la parentalité.
Ensuite, outre la diminution de leur nombre, les enfants aujourd'hui proposés à l'adoption
sont majoritairement des enfants dit "à besoins spécifiques". En effet, en raison de leur croissance
économique et de leur ratification de la Convention de la Haye, beaucoup d'états privilégient
davantage l'adoption nationale, particulièrement pour leurs enfants en bas âge et en bonne santé.
Dans ce contexte, la procédure d'agrément constitue un outil majeur de prévention primaire
de ces difficultés à l'adoption, en cela qu'elle permet d'apporter une information exhaustive sur la
réalité de l'adoption contemporaine et de "sélectionner", dans une certaine mesure, les candidats à
l'adoption. En effet, être parent d'un enfant adopté nécessite à l'heure actuelle un certain nombre de
"compétences". Ainsi pour M. SOULE136, à l'issue de la procédure d'agrément, "il s'agira moins de
poser une indication ou une contre-indication médico-psychologique à l'adoption ou à la fonction
parentale que d'apprécier, au travers des évaluations psychosociales, les capacités de souplesse, de
réorganisation, de sublimation et d'identification des requérants". Par ailleurs, face à un enfant
carencé ou au profil d'attachement insécure ou désorganisé, ces derniers devront également
135 Plaidoyer pour l’adoption nationale, Dix propositions pour une mobilisation en faveur des enfants délaissés, septembre
2013
136 Soulé M, Noël J. L’adoption. In : Nouveau traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, IV. Editions PUF;
1985 :2679–99. p2696
89
présenter des capacités relationnelles réparatrices et thérapeutique, au sens winnicottien du terme,
particulièrement développées.
Cela étant, tout parent, même " suffisamment bon ", aura parfois besoin d'être accompagné
et soutenu. Le suivi de l'enfant et de sa famille après l'adoption pourrait ainsi constituer un niveau de
prévention secondaire du placement à l'ASE des enfants adoptés. S'il est prévu par la loi française 137,
ce suivi reste relativement court. Pouvoir proposer à ces familles, sans les stigmatiser, des espaces
de parole, de thérapie familiale ou de guidance parentale, dans nos services de pédopsychiatrie
semble donc aujourd'hui plus que nécessaire.
137 Code d’Action Sociale et des Familles, Art. L. 225-18
90
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87. Site Enfance Famille Adoption du Finistère. Site internet : efa29.jimdo.com
Support audio-visuel :
88. Georget A. Adoption : le choix des nations. Documentaire télévisé, Arte, 27 octobre 2015
96
LISTE DES FIGURES
Graphique 1: Nombre d'enfants adoptés puis confiés à l'ASE du Maine et Loire en fonction de leur année d'adoption ........................................................................ 7
Graphique 2 : Pourcentage des enfants adoptés entre 1994 et 2012 puis confiés à l’ASE
du Maine et Loire en fonction de leur origine géographique........................................ 8
Graphique 3 : Catégories socioprofessionnelles des parents adoptifs ............................................. 13
Graphique 4 : Motifs invoqués au cours de la procédure d’agrément ............................................. 14
Graphique 5 : Nombre d'agréments délivrés par année aux parents dont les enfants seront
ensuite placés à l’ASE 14
97
LISTE DES TABLEAUX
Tableau I : Age à l’adoption en fonction de l’origine des enfants .................................................... 7
Tableau II : Types d’adoptions multiples en fonction de l’origine des enfants ................................. 11
Tableau III : Les enfants à besoins spécifiques en fonction de leur origine ...................................... 12
Tableau IV : Composition de la famille avant l'arrivée de l'enfant ................................................... 12
98
TABLE DES MATIERES
LISTE DES ABREVIATIONS .................................................................................... VIII
RESUME ...................................................................................................................... 1
INTRODUCTION ......................................................................................................... 2
1.ETUDE RETROSPECTIVE .......................................................................................... 5
1.1. Méthode ..................................................................................................... 5
1.1.1. Population .................................................................................................... 5 1.1.2. Instruments .................................................................................................. 5
1.1.1. Procédure d'analyse....................................................................................... 6
1.1.2. Analyse des données ..................................................................................... 6
1.2. Résultats .................................................................................................... 7
1.2.1. Profil des enfants adoptés .............................................................................. 7 1.2.1.1. Âge à l'adoption .................................................................................................... 7
1.2.1.2. Pays d'origine ....................................................................................................... 8
1.2.1.3. Genre ................................................................................................................. 10
1.2.1.4. Histoire pré-adoptive et causes de l'abandon ........................................................ 10 1.2.1.5. Santé de l'enfant et antécédents familiaux ........................................................... 10
1.2.1.6. Adoptions multiples ............................................................................................. 11
1.2.1.7. Enfants à Besoins Spécifiques .............................................................................. 11
1.2.2. Profil des parents adoptifs ............................................................................ 12 1.2.2.1. Âge des parents à l'adoption ................................................................................ 12
1.2.2.2. Statut familial avant l'adoption ............................................................................ 12
1.2.2.3. Catégories socio-professionnelles ......................................................................... 13 1.2.2.4. Motifs invoqués au cours de la procédure d'agrément ........................................... 14
1.2.2.5. Procédure d'agrément ......................................................................................... 14
1.2.2.6. Démarches adoptives .......................................................................................... 16
1.2.2.7. Adoption simple ou adoption plénière ................................................................... 16
1.2.3. Devenir des enfants adoptés .........................................................................16 1.2.3.1. Âge de l'enfant au placement............................................................................... 17
1.2.3.2. Motif du placement ............................................................................................. 17 1.2.3.3. Prise en charge psychiatrique .............................................................................. 17
1.2.3.4. Scolarité ............................................................................................................. 18
1.2.3.5 Relations parents-enfants .................................................................................... 18
1.2.4. Devenir des parents adoptifs ........................................................................ 19 1.2.4.1. Statut familial après l'adoption ............................................................................ 19
1.2.4.2. Troubles psychiatriques ....................................................................................... 19
1.2.4.3. Maltraitance ....................................................................................................... 19
1.3. Limites ..................................................................................................... 20
2.DISCUSSION ......................................................................................................... 21
2.1. Les écueils de la filiation adoptive ........................................................... 21
2.1.1 Les enjeux de filiation et d'affiliation chez l'enfant et l'adolescent adoptés ..........21 2.1.1.1. Conduites agies à l'adolescence ........................................................................... 21
2.1.1.2. Attachement et adoption ..................................................................................... 23
2.1.1.3. Questionnements identitaires et adolescence ........................................................ 25
99
2.1.1.4. Roman familial .................................................................................................... 26
2.1.1.5. Quête des origines .............................................................................................. 28
2.1.1.6. La question de la dette ........................................................................................ 32
2.1.2. Les facteurs de risque pour l'enfantd'un placement post-adoption à l'ASE ..........34 2.1.2.1. L'âge à l'adoption ................................................................................................ 34
2.1.2.2. Le pays d'origine ................................................................................................. 37 2.1.2.3. Le genre ............................................................................................................. 41
2.1.2.4. L'adoption multiple.............................................................................................. 42
2.1.2.5. Les Enfants à Besoins Spécifiques (EBS) .............................................................. 44
2.2. Les écueils de la parentalité adoptive ...................................................... 46
2.2.1 Particularités et dysfonctionnements de la parentalité adoptive .........................46 2.2.1.1. Une parentalité perturbée.................................................................................... 52
2.2.1.2. Une parentalité défaillante ................................................................................... 53
2.2.1.3. Une parentalité violente ...................................................................................... 55
2.2.2. Prévention des difficultés à l'adoption : quels signes d'alerte dans la
procédure d'agrément ? ................................................................................55 2.2.2.1. Stérilité et rapport fantasmatique aux géniteurs ................................................... 58
2.2.2.2. Le non-respect du projet initial ............................................................................ 60
2.2.2.3. Motivations humanitaires..................................................................................... 62
2.2.2.4. Asymétrie dans le désir parental .......................................................................... 63
2.2.2.5. Adoption par une personne célibataire ................................................................. 64 2.2.2.6. Âge des parents au moment de l'adoption ............................................................ 67
2.2.2.7. Expérience antérieure de la parentalité ................................................................ 68
2.2.2.8. Enfant adoptif ou enfant "de remplacement"......................................................... 69
2.2.2.9. Catégories socioprofessionnelles .......................................................................... 70
2.2.2.10. Absence de soutien familial ................................................................................. 71
2.3. Cadre symbolique et adoption.................................................................. 73
2.3.1 Non-dits et mensonges lors de la procédure d'agrément...................................74
2.3.2. L'adoption "intrafamilale" ou l'adoption sans agrément.....................................74
2.3.3. L'adoption dans les pays n'ayant pas ratifié la Convention de La Haye ...............76
2.3.4. L'adoption par démarche individuelle ..............................................................80
2.3.5. La responsabilité des Organismes Atorisés pour l'Adoption ...............................82
CONCLUSION ........................................................................................................... 86
BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................... 90
LISTE DES FIGURES ................................................................................................. 96
LISTE DES TABLEAUX ............................................................................................... 97
TABLE DES MATIERES .............................................................................................. 98
ANNEXES .................................................................................................................... I
I
ANNEXES
Annexe 1 : Fiches de renseignements
HISTOIRE PRE-ADOPTIVE N° SITUATION :
Enfant
Sexe :
Date de Naissance :
Origine géographique :
Âge à l’abandon :
Données sur la famille biologique (lieu de vie, scolarité, traumatismes :
Antécédents médicaux (dont psychiatriques) :
Parent(s)
Situation du couple/famille :
Motivations à l’adoption :
Date du début de la démarche :
Critères/souhaits lors de la demande d’agrément :
Dates d’obtention de l’agrément :
Modification des critères après obtention de l’agrément :
II
ADOPTION N° SITUATION :
Enfant
Âge à l’adoption :
Adoption simple/plénière :
Adoption unique ou avec fratrie :
Enfant " conforme " à l’agrément :
Parent(s)
Âge(s) à l’adoption :
Délais entre l’obtention de l’agrément et l’adoption :
Modalités de l’adoption :
o OAA :
o Démarche individuelle :
o AFA :
III
POST-ADOPTION N° SITUATION :
Date de début de prise en charge par l’ASE :
Analyse des causes de l’échec à l’adoption par l'équipe éducative :
Prise en charge ASE :
o Mesures administratives :
o Mesures judiciaires :
Profil de l’enfant (suivi psychiatrique) :
Scolarité :
IV
Annexe 2 : Extraits de la Convention de La Haye
CONVENTION SUR LA PROTECTION DES ENFANTS ET LA COOPÉRATION EN MATIÈRE D'ADOPTION
INTERNATIONALE
(Conclue le 29 mai 1993)
Les Etats signataires de la présente Convention,
Reconnaissant que, pour l'épanouissement harmonieux de sa personnalité, l'enfant doit grandir dans un milieu familial,
dans un climat de bonheur, d'amour et de compréhension,
Rappelant que chaque Etat devrait prendre, par priorité, des mesures appropriées pour permettre le maintien de l'enfant
dans sa famille d'origine,
Reconnaissant que l'adoption internationale peut présenter l'avantage de donner une famille permanente à l'enfant pour
lequel une famille appropriée ne peut être trouvée dans son Etat d'origine,
Convaincus de la nécessité de prévoir des mesures pour garantir que les adoptions internationales aient lieu dans
l'intérêt supérieur de l'enfant et le respect de ses droits fondamentaux, ainsi que pour prévenir l'enlèvement, la vente ou
la traite d'enfants,
Désirant établir à cet effet des dispositions communes qui tiennent compte des principes reconnus par les instruments
internationaux, notamment par la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, du 20 novembre 1989, et par
la Déclaration des Nations Unies sur les principes sociaux et juridiques applicables à la protection et au bien-être des
enfants, envisagés surtout sous l'angle des pratiques en matière d'adoption et de placement familial sur les plans
national et international (Résolution de l'Assemblée générale 41/85, du 3 décembre 1986),
Sont convenus des dispositions suivantes :
CHAPITRE I - CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION
Article premier
La présente Convention a pour objet :
a) d'établir des garanties pour que les adoptions internationales aient lieu dans l'intérêt supérieur de l'enfant et dans le
respect des droits fondamentaux qui lui sont reconnus en droit international ;
b) d'instaurer un système de coopération entre les Etats contractants pour assurer le respect de ces garanties et
prévenir ainsi l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants ;
c) d'assurer la reconnaissance dans les Etats contractants des adoptions réalisées selon la Convention.
CHAPITRE II - CONDITIONS DES ADOPTIONS INTERNATIONALES
Article 4
Les adoptions visées par la Convention ne peuvent avoir lieu que si les autorités compétentes de l'Etat d'origine :
a) ont établi que l'enfant est adoptable ;
V
b) ont constaté, après avoir dûment examiné les possibilités de placement de l'enfant dans son Etat d'origine, qu'une
adoption internationale répond à l'intérêt supérieur de l'enfant ;
c) se sont assurées
1) que les personnes, institutions et autorités dont le consentement est requis pour l'adoption ont été entourées des
conseils nécessaires et dûment informées sur les conséquences de leur consentement, en particulier sur le maintien ou
la rupture, en raison d'une adoption, des liens de droit entre l'enfant et sa famille d'origine,
2) que celles-ci ont donné librement leur consentement dans les formes légales requises, et que ce consentement a été
donné ou constaté par écrit,
3) que les consentements n'ont pas été obtenus moyennant paiement ou contrepartie d'aucune sorte et qu'ils n'ont pas
été retirés, et
4) que le consentement de la mère, s'il est requis, n'a été donné qu'après la naissance de l'enfant ; et
d) se sont assurées, eu égard à l'âge et à la maturité de l'enfant,
1) que celui-ci a été entouré de conseils et dûment informé sur les conséquences de l'adoption et de son consentement
à l'adoption, si celui-ci est requis,
2) que les souhaits et avis de l'enfant ont été pris en considération,
3) que le consentement de l'enfant à l'adoption, lorsqu'il est requis, a été donné librement, dans les formes légales
requises, et que son consentement a été donné ou constaté par écrit, et
4) que ce consentement n'a pas été obtenu moyennant paiement ou contrepartie d'aucune sorte.
Article 5
Les adoptions visées par la Convention ne peuvent avoir lieu que si les autorités compétentes de l'Etat d'accueil :
a) ont constaté que les futurs parents adoptifs sont qualifiés et aptes à adopter ;
b) se sont assurées que les futurs parents adoptifs ont été entourés des conseils nécessaires ; et
c) ont constaté que l'enfant est ou sera autorisé à entrer et à séjourner de façon permanente dans cet Etat.
Article 11
Un organisme agréé doit :
a) poursuivre uniquement des buts non lucratifs dans les conditions et limites fixées par les autorités compétentes de
l'Etat d'agrément ;
b) être dirigé et géré par des personnes qualifiées par leur intégrité morale et leur formation ou expérience pour agir
dans le domaine de l'adoption internationale ; et
c) être soumis à la surveillance d'autorités compétentes de cet Etat pour sa composition, son fonctionnement et sa
situation financière.
VI
Annexe 2bis : Nombre d'adoptions, par pays d'origine des enfants, dans et hors
cadre de la Convention de la Haye
Date de
ratification de la
CLH par les pays
d'origine
Adoptions
avant la
ratification
de la CLH
Adoptions
dans le
cadre de la
CLH
France Métropole 1998 1 4
Polynésie 1998 1 -
Afrique
Côte d'ivoire hors CLH 2 -
Ethiopie hors CLH 10 -
RDC hors CLH 1 -
Burkina Faso 1997 - 1
Mali 2006 1 -
Asie Corée du sud hors CLH 1 -
Vietnam 2011 4 -
Amérique du Sud
Colombie 1998 - 1
Guatemala 2003 2 -
Brésil 1999 2 2
Pays de l'Est Roumanie 1997 1 -
Lettonie 2002 - 1
Haïti Haïti 2012 3 -
TOTAL - 29 9
VII
Annexe 3 : Extrait du REFERENTIEL publié par le Ministère des Solidarités et de la
Cohésion Sociale intitulé : "L'information préalable à l'agrément en vue d'adoption
et l'évaluation de la demande d'agrément"
Chapitre : Les entretiens d'évaluation socio-éducative et psychologique, p34-35
Des questionnements et problématiques devant attirer l’attention des professionnels Les expériences des
professionnels, notamment par l’intermédiaire du suivi des enfants adoptés, permettent de mettre en exergue
des questionnements ou problématiques susceptibles d’être sources de difficultés dans la parentalité adoptive
s’ils ne sont pas repérés et accompagnés.
Ces questionnements et problématiques s’intègrent parfois dans un contexte global pouvant amener les
professionnels à poser des contre-indications à l’accueil d’un enfant adopté et justifier ainsi un refus d’agré-
ment. Ces questionnements et problématiques, dont la liste ci-dessous n’est pas exhaustive, doivent attirer
l’attention des professionnels :
• l’observation de contre-indications psychologiques, voire des troubles de nature pathologique chez l’un ou
l’autre des demandeurs ;
• une implication différente des deux membres du couple, le projet étant exclusivement porté par l’un ;
• un projet inconsistant faisant apparaître la nécessité d’un recours systématique à des tiers ;
• une situation ne permettant pas la prise en charge d’une personne supplémentaire sur les plans matériel,
psychologique et éducatif ;
• des candidats ne semblant pas disponibles "psychiquement" pour devenir parents parce que trop préoccupés
et meurtris par leur propre vécu (difficulté à assumer la stérilité, renoncement à l’enfant biologique, troubles du
registre narcissique, etc.) et que la demande d’enfant renvoie à des besoins d’une autre nature ("enfant
thérapeutique" manque d’autonomie, peur de la solitude, difficultés de relation à autrui, etc.). Il s’avère difficile
alors de repérer quelle pourrait être la place réelle de l’enfant dans ce contexte ;
• l’absence de capacité d’identification à un enfant, difficultés à imaginer ses besoins et ses attentes, à lui
attribuer une vie psychique autonome ;
• des motivations purement humanitaires, le désir d’être parents n’étant pas exprimé ;
• tout risque de menace pour la sécurité physique et l’équilibre psychologique et affectif de l’enfant adopté
(principes idéologiques particulièrement rigides et peu susceptibles d’être modifiés, etc.).
VIII
Annexe 4 : Nombre des enfants adoptés via un OAA puis placés à l’ASE
Nom de l'Organisme Autorisé pour l’Adoption Nombre d'adoptions
Arc en ciel 4
Association Parents Adoptifs Enfants Colombiens 1
Ayuda 2
Children of the Sun 4
De Pauline à Anaëlle 1
Fondation Emmanuel 1
La Cause 1
Les Amis des Enfants du Monde 2
Les Enfants de Reine de Miséricorde 5
Œuvre de l'adoption Cognac 1
Solidarité et fraternité 1
Vivre en famille 2
TOTAL 25
IX
Annexe 5 : Adoption simple et adoption plénière
Adoption simple Adoption plénière
Maintien possible de liens avec la
famille d’origine
Rupture de tout lien avec la famille
d’origine
L’enfant conserve son état civil
d’origine, c’est une filiation qui
s’ajoute à la 1ère
L’état civil d’adoption remplace et annule l’état civil de naissance
La filiation est établie seulement à
l’égard des parents,
La filiation est établie non seulement
à l’égard des parents, mais aussi à
celui des grands-parents d’adoption
L’enfant aura les mêmes droits qu’un
enfant biologique
L’enfant a les mêmes droits qu’un
enfant biologique
Les parents adoptifs exercent
pleinement l’autorité parentale
Les parents adoptifs exercent
pleinement l’autorité parentale
L’adoption simple est possible quel que soit l’âge de l’adopté
L’adoption plénière n’est autorisée
que pour les enfants âgés de moins
de 15ans
Le jugement peut être annulé du fait
de motifs graves. Le jugement est irrévocable
Le jugement ne peut être prononcé
qu’à l’issue d’une période de 6 mois
de placement en vue d’adoption
dans le foyer des futurs parents
Source : Service Adoption du Maine et Loire
LEGROS Clara
Les écueils de la filiation et de la parentalité adoptives
Etude sur les enfants adoptés et confiés à l'ASE du Maine et Loire entre 2010 et 2014
Mots-clés : Adoption, placement à l'ASE, agrément, enfants adoptés, parentalité adoptive
Adoption dissolution and disruption
Study on the adopted children sent to foster care (ASE) in Maine et Loire, France, between 2010 and 2014
Keywords : Adoption dissolution, foster care, adoption procedure, adoptive children, adoptive parents
AB
STR
AC
T
Introduction - Some adoptions don't match and the adopted child has to be sent to foster care. The objective of
this study was to identify some risk factors associated with adoption dissolution or disruption, leading to the child
placement. Methodology - The files of 36 foster children in the Maine-et-Loire area, from the foster care administration, and
the files of their adoptive parents seeking the authorisation to adopt have been analysed in the light of scientific
literature. Results - In this study, the majority of the children are African or South American boys adopted after the age of
2, which may have increased the risks of traumatic events in their pre-adoptive histories. The adoptees are sent
in foster care when teenagers, mostly due to externalizing behaviour problems, caused by or responsible for serious family conflicts. The characteristics of the adopting parents studied are no different than the adopting
parents in general, regarding their age at the time of the adoption, their social and professional category and
their family status. But the adoption procedure's files show that for 20 % of them, the administration had expressed reservations about the adoption project itself. The justifications were : guilt towards the biological
parents, non-resolved childhood trauma, confusion between child's original filiation and adoptive filiation, ...
Furthermore, after obtaining the approval to adopt, it seems that the fact to deviate from the initial project (by
adopting a child older than originally planned for example) has detrimental effects on the parent-child relationship.
Conclusion - The placement of adopted children results from the combination of multiple factors involving both
the child and the adopting parents. These situations might be prevented by a better preparation of the children, in cooperation with their country of origin, by a more selective choice of prospective adoptive parents and by an
extended post-adoption support.
RÉS
UM
É Introduction- Certaines adoptions se compliquent d'un placement à l'ASE de l'enfant adopté. L'objectif principal
de ce travail est d'apporter des éléments de compréhension sur ce qui peut venir entraver la construction du lien de filiation au point que le recours au placement de l'enfant soit inévitable.
Méthode - Les dossiers de 36 enfants placés à l'ASE du Maine et Loire ainsi que les dossiers d'agrément de leurs
parents respectifs ont été analysés à la lumière des données de la littérature Résultats - Dans cette étude, la majorité des enfants sont des garçons, originaires d'Afrique ou d'Amérique du
Sud, adoptés tardivement, avec les risques de traumatismes et de carences que cela sous-entend. De plus, au
moins un tiers d'entre eux sont des enfants dits à besoins spécifiques. Le placement à l'ASE survient à
l'adolescence, période à haut risque pour ces enfants adoptés, pendant laquelle des troubles du comportement apparaissent ou se majorent, et les relations familiales se conflictualisent. Le profil des parents adoptifs dans
cette étude quant à leur âge au moment de l'adoption, aux catégories socioprofessionnelles, et au statut familial
ne se distingue pas de celui des parents adoptifs en général. La lecture des dossiers d'agrément montre en revanche que les professionnels avaient formulé des réserves voire un refus à l'octroi de l'agrément dans 20%
des cas. Plusieurs raisons sont invoquées : culpabilité par rapport aux géniteurs, traumatisme non résolu dans
l'enfance du candidat, confusion sur la notion de "double filiation", ... Après l'obtention de l'agrément, le non-respect du projet initial, parfois lié à des transgressions de la loi juridique ou symbolique, en creusant l'écart
entre enfant réel et enfant imaginaire, peut générer des réponses éducatives rigides, voire des attitudes de rejet
vis à vis de l'enfant. Conclusion - Les placements d'enfants adoptés à l'ASE résultent généralement de l'intrication de plusieurs
facteurs tant du côté de l'enfant que de ses parents, et pourraient être limités par la préparation des enfants en
coopération avec les pays d'origine, par un choix plus sélectif des candidats lors de la procédure d'agrément, et par un accompagnement post-adoption prolongé.