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Qualité et compétitivité des entreprises : du diagnostic

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OUVRAGES DÉJÀ PUBLIÉS

MANUELS

BIDAULT F., Le champ stratégique de l'entreprise. CAPET M., CAUSSE G. et MEUNIER J., Diagnostic, Organisation, Planifica- tion d'Entreprise. COHEN E., Analyse financière. COBBAUT R., Théorie financière. GERVAIS M., Contrôle de gestion et planification de l'entreprise, 2e éd. GIARD V., Statistique appliquée à la gestion, 5 éd. MARQUET Y., Les marchés d'options négociables sur contrat à terme. McCARTHY E.J., Le Marketing. Une approche managériale, 8 éd. MORVAN Y., Fondements d'économie industrielle. RICHARD J., SIMONS P. et BAILLY J.M., Comptabilité et analyse financière des groupes. ROY B., Méthodologie multicritère d'aide à la décision. SIMON H.A., Administration et processus de décision. SIMON Y., Techniques financières internationales, 2e éd. TERRY G. et FRANKLIN S., Les principes du management, 8 éd. VATTEVILLE E., Mesure des ressources humaines et gestion de l'entreprise. RECHERCHES AUGROS J.C., Finance : options et obligations convertibles, 2e éd. BILET J., Marchés à terme et gestion de l'économie pétrolière. COLLIGNON E. et WISSLER M., Qualité et compétitivité des entreprises. FONTAINE P., Arbitrage et évaluation internationale des actifs financiers. GENSSE P., Système comptable et variations monétaires. GONTIER J.L. et MATHÉ J.C., Politiques et procédures d'abandon de produits dans l'entreprise. JOFFRE P. et KOENIG G., Stratégie d'entreprise. Antimanuel. LEBAN R., Politique de l'emploi dans l'entreprise. LEVITT Th., L'imagination au service du marketing. LILIEN G.L., Analyse des décisions marketing. de MONTMORILLON B., Les groupes industriels. NTAMATUNGIRO J., Stabilisation des recettes d'exportation : stock régulateur, marchés à terme et options. SAVALL H. et ZARDET V., Maîtriser les coûts cachés. de WOOT Ph. et DESCLÉE de MAREDSOUS X., Le management stratégique des groupes industriels. de WOOT Ph., Les entreprises de haute technologie et l'Europe. OUVRAGES COLLECTIFS A.I.D.E., Entreprise et pouvoir : Autorité et responsabilité. ASSOCIATION FINANCE FUTURES, Les marchés à terme d'instruments finan- ciers. CHARREAUX G., COURET A., JOFFRE P., KOENIG G. et de MONTMO- RILLON B., De nouvelles théories pour gérer l'entreprise. JOFFRE P. (sous la direction de), L'exportation dans la turbulence mondiale. JOFFRE P. et KOENIG G., L'euro-entreprise - Hommage à Sylvain Wickham.

Collection GESTION SÉRIE : Politique générale, Finance et Marketing

dirigée par Yves Simon, Professeur à l'Université de Paris IX-Dauphine et à HEC-ISA

Qualité et Compétitivité des Entreprises du Diagnostic aux Actions de Progrès

Préface de José BIDEGAIN

2e édition

Etienne COLLIGNON Michel WISSLER

GESTION ECO NO M ICA

49, rue Héricart, 75015 Paris

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier toutes les personnes qui nous ont aidés pour la réalisation de cet ouvrage ; parmi celles-ci, nous mentionnerons plus particulièrement :

- Alain MARTINET qui nous a guidés et conseillés dans nos recher- ches et nos réflexions,

- Eugène VOISIN, Directeur d'ITF Maille, Centre de Recherches de la Bonneterie, qui nous a permis de mettre en œuvre et d'améliorer notre modèle de diagnostic dans plusieurs entre- prises de l'industrie bonnetière,

- Vincent GIARD, Yves SIMON et François VIALLET qui ont relu notre texte provisoire et nous ont fait part de leurs suggestions,

- l'ensemble des consultants de Quaternaire Education,

- les différentes secrétaires qui ont réalisé le travail de dactylo- graphie et de nombreuses modifications...,

- Michel AUBOIS qui a illustré notre conception de la qualité des produits... et de la non-qualité.

Notre reconnaissance s'adresse enfin à José BIDEGAIN qui nous a fait l'honneur de préfacer ce livre.

© Ed. ÉCONOMICA, 2 édition 1988 Tous droits de reproduction, de traduction, d'adaptation et d'exécution

réservés pour tous les pays.

PREFACE

L'internationalisation des échanges, les interdépendances moné- taires, les difficultés économiques vécues aussi bien par les pays les plus développés que par les moins avancés tendent à rendre de plus en plus comparables les contraintes d'environnement industriel dans la plupart des pays du monde.

Or, dans ce contexte, des entreprises s'effondrent, alors que leurs concurrents étrangers sont en plein essor ; parfois, dans un même pays, quelques entreprises parviennent à un niveau international de compétitivité tout en renforçant leurs activités dans des secteurs dits en déclin.

Ainsi, la crise a pour effet de creuser les écarts. Elle favorise les entreprises les plus performantes, et accélère la disparition de celles qui se laissent distancer.

Ces dernières ont peine à comprendre ce qui leur arrive ; même en appliquant avec une plus grande rigueur les principes de gestion sur lesquels elles ont fondé leur développement passé, elles constatent un décalage de plus en plus grand avec leurs concurrents nationaux et internationaux.

Voilà donc les modèles traditionnels de gestion remis en cause aujourd'hui : la stratégie d'économies d'échelle la plus poussée, l'organisation du travail la plus structurée, les investissements techniques les plus coûteux, ne se traduisent pas par les effets que l'on pouvait en attendre il y a quelques années, lorsque la progression des marchés était générale et les bénéfices du progrès plus accessibles à tous.

Pour comprendre les nouvelles contraintes de compétitivité, il faut analyser les raisons du succès des entreprises qui se situent en tête de leurs secteurs d'activité et paraissent les moins affectées par les difficultés économiques internationales. Il est logique de s'intéresser pour cela plus particulièrement aux industries d'Asie du Sud-Est dont le développement récent est impressionnant.

Leur essor ne repose pas sur des avantages technologiques significatifs. Certes, cette variable était déterminante il y a quelques

années, et a expliqué pendant longtemps la croissance des pays industrialisés. Mais les progrès techniques sont aujourd'hui large- ment partagés de par le monde ; et les experts qui ont pu visiter les entreprises les plus compétitives à l'étranger ont constaté que leur système technique était généralement comparable au nôtre et, en toute rigueur, ne pouvait pas expliquer sur le long terme les écarts de compétitivité observés.

On découvre en réalité de nouveaux facteurs de performance qui résident dans deux idées clés : des hommes motivés et des produits de qualité supérieure.

La motivation conduit chaque membre de l'entreprise, quelle que soit sa place dans l'organisation, à prendre des initiatives pour améliorer son efficacité et assurer la compétitivité de la firme.

Quant à la qualité des produits, elle n'est pas synonyme de haut de gamme, sophistiqué, cher. Il s'agit plutôt de produits particu- lièrement adaptés à l'usage et aux attentes de leurs utilisateurs et bien exécutés du premier coup en production.

Qualité des produits et motivation des hommes. Ces idées commencent à faire leur chemin dans l'esprit des dirigeants français il semble aujourd'hui essentiel et urgent d'accentuer ce mouvement.

C'est pourquoi ce livre arrive au bon moment. Il constitue l'une des premières tentatives sérieuses d'analyse globale de ces nouveaux facteurs de performance, adaptée au contexte spécifique de notre industrie.

Pour cela, les auteurs ont évité le piège de la transposition de méthodes venues d'ailleurs. Les outils proposés dans cet ouvrage ont été appliqués avec succès dans les entreprises françaises, comme le prouvent les nombreux exemples qui jalonnent la réflexion théorique dans laquelle le lecteur est entraîné.

Ces cas concrets sont le plus souvent issus de l'expérience d'intervention acquise par les auteurs, à travers la formation-action et le conseil. C'est là sans doute que l'ouvrage puise toute sa force : Etienne COLLIGNON et Michel WISSLER, habitués à travailler ensemble depuis plusieurs années autour des thèmes de la qualité et de l'homme au travail, ne sont pas seulement des chercheurs et des enseignants, mais aussi des hommes de terrain.

Les industriels qui ont déjà mis en œuvre dans leur entreprise une gestion performante de la qualité et des hommes retrouveront dans l'ouvrage les principes de leur action. Tel est le cas de Saint-Gobain, où plusieurs expériences ont déjà été menées.

L'usine du Pontet près d'Avignon produit en feu continu des briques électrofondues. Une réflexion menée sur l'amélioration de la qualité a conduit à mettre en place des groupes semi-autonomes dont les résultats ont été très positifs pour l'ambiance de travail comme pour la rentabilité des ateliers. Les charges de structures ont pu être sensiblement réduites par une diminution des effectifs d'encadrement.

Pont à Mousson, qui fabrique des tubes de fonte, a connu une réussite remarquable à l'exportation face à des concurrents américains (U.S. PIPE) ou japonais (KUBOTA) grâce à une amélioration très sensible de la qualité.

A l'usine d'Aniche dans le Nord, spécialisée dans le verre plat, des équipes de progrès fonctionnent avec des ouvriers ; elles se réunissent depuis deux ans. Aujourd'hui, ces groupes disposent d'un budget de 30.000 francs par an ; ils l'utilisent pour mener à bien les recherches d'améliorations qualitatives jugées les plus urgentes et les plus adaptées aux problèmes qu'ils ont analysés.

Nous disposons dans nos industries d'un gisement considérable d'idées de développement et d'amélioration de la qualité des produits. Ce gisement est actuellement fort peu exploité et les compétences de chaque individu ne sont que partiellement mises en valeur.

Pour découvrir ce potentiel de richesses et inciter à prendre les décisions les plus pertinentes, les auteurs guident pas à pas le lecteur dans une démarche méthodique dont il faut souligner les moments les plus forts.

L'une des contributions les plus utiles et originales de cet ouvrage repose sur le développement des techniques d'auto-diagnostic. C'est un pari ambitieux que celui qui consiste à miser sur une réflexion interne à l'entreprise pour repérer ses faiblesses et ses atouts. N'avons-nous pas tendance le plus souvent à laisser les évolutions de l'entreprise se faire sous la pression des changements venus de l'extérieur, qu'il s'agisse de mutations techniques ou d'interpel- lations sociales ?

Parce qu'il place chaque homme de l'entreprise en face de ses responsabilités économiques et sociales, l'auto-diagnostic est inti- mement lié à l'esprit des actions préconisées pour accroître l'efficacité industrielle. Il faut donc s'attendre à ce que ce type de démarche se développe considérablement dans les années à venir ; il est capital de commencer à s'en imprégner dès maintenant.

Un autre aspect novateur réside dans le calcul du coût de la non- qualité. Certes, des tentatives en ce sens ont déjà été effectuées depuis quelques années. Mais l'apport essentiel de l'ouvrage est une rigueur nouvelle dans l'évaluation du qualitatif et dans l'interpréta- tion des résultats. Il faut souhaiter que de telles analyses se développent non seulement pour prendre conscience de l'impor- tance des pertes subies mais aussi pour situer ces contre- performances relativement à d'autres firmes. On ne sait pas encore le faire aujourd'hui.

L'ouvrage offre enfin un éclairage nouveau sur un thème trop peu traité jusqu'à présent, celui des relations existant entre la stratégie de la firme d'une part, et les objectifs de qualité des produits et d'efficacité du travail d'autre part.

En appliquant la démarche opérationnelle proposée, l'entreprise sera conduite à définir, ou redéfinir une stratégie adaptée à ses

marchés et à son environnement, et susceptible d'asseoir un plan de progrès et de mobilisation des énergies. Assurer l'existence et la pertinence d'un tel projet d'entreprise constitue la mission première des cadres dirigeants.

Ainsi, ce livre traite des problèmes contemporains et propose des solutions concrètes.

C'est pourquoi tous les responsables industriels, quelle que soit la dimension de leur entreprise, ont beaucoup à gagner à exploiter les idées et à appliquer les méthodes de Etienne COLLIGNON et Michel WISSLER.

Ce livre vient à son heure. Il constitue, face à la crise, une des contributions parmi les plus créatives pour l'industrie française. Il lui donne des méthodes concrètes pour gagner le défi que lui lance la concurrence internationale.

Directeur Général Adjoint Saint-Gobain

INTRODUCTION

Depuis quelques années, la qualité des produits est présentée comme un des facteurs essentiels de compétitivité des entreprises industrielles françaises. La fréquence des réunions, séminaires, colloques... s'est accrue de façon spectaculaire depuis 1981, baptisée Année de la Qualité par le Ministère de l'Industrie.

1984 a marqué la première étape d'une implication profonde des Pouvoirs Publics avec la publication du rapport du parlementaire Gérard BAPT sur les conditions d'amélioration de la qualité dans l'industrie française. Il s'ensuivit un certain nombre d'actions concrè- tes sous la forme d'une campagne nationale sur la qualité (train de la qualité — juin 1985, par exemple), de la mise en place de cycles de formation à la qualité quel que soit le niveau d'études et du renforcement des aides financières destinées à favoriser l'accès des P.M.E. au conseil en particulier pour des diagnostics et des projets qualité.

En 1986, l'importance de l'enjeu qualité est confirmée par le gouver- nement avec la nomination de Gilbert RAVELEAU comme Chargé de Mission auprès du Ministre d'Etat, Ministre de l'Economie, des Finances et de la Privatisation. Il s'agit de promouvoir le concept de qualité totale dans l'ensemble des organisations. L'intervention directe de l'Etat est en grande partie abandonnée mais l'administration conserve un rôle incitatif et régulateur et s'efforce d'acquérir elle- même une image exemplaire de qualité de prestation et de fonctionnement.

Cette diffusion des préoccupations qualitatives concerne aussi les industriels et les utilisateurs de biens et services (consommateurs, entreprises et administrations). En raison de l'enjeu majeur que repré- sente la qualité des produits pour le tissu économique français, un tel thème se caractérise par son actualité mais aussi et surtout par sa permanence.

Les réflexions des qualiticiens sont de plus en plus relayées par celles des spécialistes en marketing, en gestion des ressources humaines, en psycho-sociologie des organisations...

Dans ces conditions il s'avère indispensable de définir une démarche globale de gestion de la qualité intégrant les apports les plus récents de ces différentes disciplines. Notre livre propose un cadre d'analyse des problèmes de qualité et de non-qualité qui se posent aux responsables industriels.

Notre refus du cloisonnement entre les approches technique, commerciale, socio-organisationnelle et stratégique se justifie aussi bien au plan théorique qu'au plan pratique. En effet notre contribution s'inspire, pour l'essentiel, de recherches expérimentales et d'interventions en entreprises.

Le succès des actions en matière de qualité repose fondamenta- lement sur une bonne compréhension des enjeux et sur l'intégration des préoccupations qualitatives dans un cadre cohérent de gestion, aux plans opérationnel et stratégique (Première partie). Le plan privilégie ensuite le diagnostic de qualité (Deuxième partie). Les conclusions de ce diagnostic doivent permettre de choisir et mettre en œuvre des actions de progrès visant l'amélioration de la qualité des productions et la réduction des phénomènes de non-qualité (Troisième partie).

PREMIERE PARTIE LA GESTION DE LA QUALITE

La gestion de la qualité reste une expression aux contours mal définis.

Elle évoque tout à la fois :

- un ensemble de méthodes et d'outils d'analyse, de contrôle et de pilotage,

- et un état d'esprit de la part des dirigeants d'entreprises, des responsables qualité mais aussi de l'ensemble du personnel.

Notre construction d'une approche globale de la gestion de la qualité (Chapitre III) suppose une très bonne connaissance des enjeux plus ou moins explicites que comporte la qualité des produits (Chapitre I).

L'élaboration d'un modèle de gestion de la qualité est inconce- vable sans un positionnement par rapport aux pratiques actuelles. Aussi la présentation succincte et critique des pratiques de gestion de la qualité (Chapitre II) vise-t-elle à identifier les principales évolutions et les insuffisances les plus notables dans ce domaine.

Notre approche globale consiste à considérer la gestion de la qualité comme un système dont le pilotage nécessite le recours à la gestion opérationnelle et à la gestion stratégique.

CHAPITRE I LES ENJEUX DE LA QUALITE

• La notion de qualité en elle-même n'a rien de nouveau. Depuis plusieurs dizaines d'années déjà des entreprises ont assuré leur développement par une politique de la qualité, mise en œuvre par des services qualité qui se sont développés ; dans l'environ- nement industriel, plusieurs associations ont œuvré à la pro- motion de la qualité (1), des normes ont été élaborées par l'AFNOR (2) qui réglementent la qualité à travers ses diverses composantes : sécurité, fiabilité, performances... ; les utilisateurs mêmes des produits sont devenus plus sensibles à ce thème et ont demandé davantage d'informations et de garanties par le truche- ment de nombreuses associations de défense des consommateurs (3). Mais il est très net que la qualité, définie ici comme l'aptitude du produit à satisfaire les besoins des utilisateurs, retient de plus en plus l'attention des industriels et des distributeurs ; il s'agit là d'une évolution majeure des années 80 qui restera certainement ins- crite dans l'histoire économique française.

Le mot qualité est de plus en plus utilisé dans la publicité. De nombreux messages mettent en avant la volonté du producteur ou du distributeur de l'élever à son plus haut niveau.

La sensibilisation des industriels aux préoccupations qualitatives résulte le plus souvent des exigences croissantes qui s'exercent sur

(1) L'Association Française pour la Qualité (AFCIQ) reconnue d'utilité publique, et l'Asso- ciation Française des Qualiticiens (AFQ). (2) Association Française de Normalisation. (3) 17 organisations de consommateurs sont recensées par la revue ENJEUX dans son numéro 33 de février 1983.

eux par les marchés, qu'il s'agisse de consommateurs ou d'entre- prises de production ou de distribution.

C'est ainsi que de nombreuses entreprises sont amenées à évoluer en matière de qualité sous la pression de cahiers des charges plus précis, de demandes de contrôles spécifiques ou de certification du système d'assurance qualité, de réclamations plus nombreuses ou de pertes de clientèle.

• Depuis une période récente, les pouvoirs publics accompagnent ce mouvement de sensibilisation à la qualité des produits.

- L'Etat et les collectivités territoriales financent ainsi partiellement des diagnostics d'experts dans les dans le but de les inciter à se doter d'outils de gestion en matière de qualité ; ces opérations sont conduites en liaison avec les Directions Régio- nales de l'Industrie et de la Recherche (D.R.I.R.) et les Chambres de Commerce et d'Industrie (1).

- Par ailleurs, la «Loi Scrivener» (2) a apporté un cadre réglementaire à l'information certifiée sur l'aptitude des produits à l'emploi : les certificats de qualification. On observe un développement nouveau de ces agréments accordés par des organismes certificateurs, selon une procédure élaborée par le SQUALPI (3), qui s'accompagne d'une promotion de la marque NF et du sigle A auprès des industriels et des consommateurs. La certification de qualité des produits prévoit désormais des seuils minimaux de qualité. Les représen- tants des consommateurs sont associés à la mise au point de l'étiquetage accompagnant les certificats (4).

- Un troisième exemple de l'action des pouvoirs publics réside dans les «contrats de qualité» négociés entre organisations de consommateurs et entreprises, par lesquels ces dernières prennent des engagements dûment vérifiables qui sont signalés à l'attention des consommateurs. L'innovation majeure de ces contrats de qualité a été d'associer les consommateurs à la concep- tion même des produits.

(1) Le cadre de ce financement est le F.R.A.C. : Fonds Régional d' aide au Conseil. (2) Loi du 10 janvier 1978. (3) Service de Qualification des Produits Industriels au Ministère de l'Industrie. (4) Orientation prise par le gouvernement le 16 mars 1983 sur la base d 'un rapport de M. GERMON, parlementaire en mission.

- Enfin, on notera que Christian DOUCET a mené en 1986, à la demande de la Direction Générale de l'Industrie, une étude de faisabilité sur la certification en France des «systèmes d'assu- rance de la qualité des entreprises», à l'égal de ce qu'ont déjà réalisé ou sont en train de réaliser les autres pays européens (1). A la suite de son rapport, une organisation nationale de certification pourrait être mise en place.

La ligne directrice des actions des Pouvoirs Publics est de «libérer et valoriser l'initiative du plus grand nombre pour gagner la bataille de la compétitivité et de l'emploi, par la qualité globale de l'entreprise et du pays, car la course technologique se double d'une course accélé- rée à la valorisation des ressources humaines» (2).

• On ne manquera pas de relier cette évolution de la réflexion dans notre pays aux succès remportés par l'économie japonaise sur les marchés internationaux. Car le Japon interpelle fortement les managers français. Voyages d'étude et colloques se sont succédés pendant de nombreux mois, qui tentaient de déceler les fondements du développement du Japon, et c'est à la faveur de ces travaux que la qualité a plus particulièrement été mise en évidence, par la description des stratégies et des structures du système industriel nippon (3).

• Il apparaît donc que la qualité est, en France, de plus en plus reconnue comme un facteur essentiel de compétitivité.

S'agit-il alors d'un engouement passager dont on pourrait présager l'affaiblissement à terme, ou à l'inverse d'un pari extraordinaire et essentiel pour l'industrie française de demain ? La question est importante pour de très nombreux acteurs de la vie économique -

(1) Christian DOUCET, «La certification des systèmes d'assurance de la qualité». La Documentation Française, 1987. (2) Propos du Ministre de l'Industrie, des PTT et du Tourisme à l'occasion de son tour de France «Initiative et qualité» au cours du premier trimestre 1987. (3) Nombreux sont les travaux qui décrivent longuement le système industriel japonais. On consultera surtout : - le livre d'Octave -

Ed. Hommes et Techniques, Paris, 1981. - l'article de Thierry GA UDIN, « Le contrôle de la qualité ou le progrès par les détails »,

10.04.1982. - le dossier spécial de la ? N° 27-28, septembre / octobre 1980. - l'ouvrage de Richard T. PASCALE et Anthony G. ATHOS, Le

Les Editions d'Organisation, 1984, 188 p.

industriels, distributeurs, consommateurs, enseignants, chercheurs, formateurs, conseils, membres de l'Administration, animateurs économiques sectoriels ou locaux, - dans la mesure où elle a un impact sur l'efficacité de leurs missions.

Apporter quelques éléments de réponse appelle au préalable à une étude prospective des variables importantes de l'environnement des entreprises.

Conséquences de l'évolution simultanée des données politiques, économiques et sociologiques, et dans le prolongement de notre histoire industrielle, plusieurs tendances durables de l'environ- nement doivent être ici soulignées ; nous en avons retenu sept qui, toutes, agissent sur chaque entreprise française quels que soient sa taille et son secteur d'activité. Elles nous paraissent, ensemble, caractériser la France industrielle à moyen terme et l'on observera combien elles sont interconnectées.

• La mondialisation des échanges. C'est une tendance durable de la vie économique internationale,

en dépit d'une stagnation observée au début des années 80. Elle est ressentie en France par la pénétration de produits en provenance d'Asie du Sud-Est ou de pays plus développés (1). Dans les années 60, la France avait su surmonter avec succès l'ouverture des frontières résultant de la mise en place de la Communauté Economique Européenne. Depuis, le mouvement d'internationalisa- tion des échanges s'est poursuivi à un rythme soutenu : +9% par an en moyenne jusqu'en 1973, puis +4,5% à partir de 1976. Par conséquent, la plupart des économies européennes se caractérisent par une forte ouverture sur l'extérieur.

Ainsi les exportations dépassent généralement 20% de la demande finale tandis que les importations sont comprises entre 10 et 30% du marché intérieur. Ces dernières atteignent même pour certains articles comme ceux du textile des taux supérieurs à 50%. Sans entrer dans un débat qui dépasse le cadre de ce livre, notons en les conséquences politiques quant aux barrières à l'entrée susceptibles de protéger l'économie française.

Les partisans du libre-échange voient dans l'ouverture des marchés une possibilité d'abaisser les coûts des produits, d'élever les

(1) Contrairement à ce que suggèrent certains discours, l'imbrication croissante des écono- mies résulte pour l'essentiel du développement des échanges entre pays riches : en France, en 1977, les importations de produits manufacturés en provenance des pays en voie de développement ne représentaient que 0,5 % de notre PNB (cf. Commissariat Général au Plan, 1981-1985, La Documentation Française, 1980).

niveaux de vie et de stimuler les entreprises par la compétition ; le protectionnisme serait ainsi globalement défavorable pour l'écono- mie française du fait des représailles à l'exportation auxquelles il faudrait s'attendre. Enfin, les marchés ne doivent-ils pas être de plus en plus vastes pour absorber les charges fixes ?

Les partisans du protectionnisme quant à eux observent que l'ouverture des frontières d'un Etat fait courir de grands risques aux entreprises qui y sont établies, et donc à l'emploi de milliers de personnes. Et les mutations technologiques auxquelles les entreprises doivent procéder pour améliorer leur compétitivité ne peuvent se réaliser sous la pression de concurrents étrangers qui ont pris une avance importante au plan technique, et qui, par des coûts salariaux inférieurs à ceux pratiqués en France, peuvent proposer des produits à des prix très bas. Les industriels français ont le sentiment d'être engagés dans un jeu perdu d'avance parce que certains trichent de mille et une manières en exploitant une main d'œuvre mal protégée dans des pays pauvres, en usant de filières indirectes pour dépasser des quotas admis contractuellement, en bénéficiant d'aides nationales à l'exportation, à la recherche ou à l'investis- sement...

En fait, au sein même de la Communauté Economique Européenne, les pratiques protectionnistes sont nombreuses : procédures de dédouanement volontairement compliquées, législa- tion en matière de brevets, contingentements, aides financières de l'Etat à des firmes menacées par l'extérieur, fluctuations de la fiscalité, rigidité des normes techniques ou sanitaires sans justifi- cation véritable.

La France serait moins protectionniste que ses grands parte- naires. Selon une étude réalisée d'après des statistiques inter- nationales par l'Institut de Recherche Economique et Sociale de Londres (1), 43% environ des importations françaises étaient en 1980 soumises à des restrictions non tarifaires (quotas, licences, certificats d'origine, contrôle des prix, limitation des importa- tions...), contre 45% dans l'ensemble de la CEE (47% pour l'Allemagne Fédérale, 48% au Royaume Uni, 52% en Italie), 46% aux Etats-Unis et 59% au Japon.

D'une manière générale, la France a jusqu'à présent relativement peu été poursuivie pour infraction au fonctionnement du marché intra-européen. Vis-à-vis des pays tiers, elle applique des restric- tions, notamment pour les produits alimentaires, les textiles, l'acier et les automobiles.

On le voit, la doctrine libre-échangiste invoquée en Europe connaît bien des amendements dans les pratiques commerciales. Ce débat paraît certes important puisque ces décisions gouverne- mentales définissent les niveaux plus ou moins élevés des con-

(1) n° 1773, La Documentation Française.

traintes permettant d'introduire nos produits dans des pays étrangers ou d'accepter en France des produits faits à l'étranger. Mais n'est-ce pas l'arbre qui cache la forêt ? Le fond du problème n'est-il pas dans la capacité des firmes françaises à produire des articles concurrentiels en prix et en qualité, face à ceux fabriqués à l'étranger, à définir des politiques de produits plus adaptées aux marchés, à viser plus d'agressivité commerciale notamment à l'étranger ?

L'échéance de 1992 avec l'activement du marché intérieur européen représente tout à la fois une menace et une opportunité pour les entreprises françaises. Elle confirme la dimension internationale de la concurrence dans tous les secteurs d'activité économique.

La fusion de douze économies nationales en un grand espace d'acti- vité économique sans entrave sera accompagnée de quelques 300 mesures visant une harmonisation progressive des systèmes de norma- lisation, de certification, des fiscalités... ; mais elle suppose surtout une attitude active de la part des entreprises pour demeurer ou devenir compétitives sur ce marché de 320 millions d'habitants.

Une telle suppression des frontières constituera une étape décisive pour l'économie française dont les performances commerciales ont tendance à se détériorer sur le moyen terme tout particulièrement à l'intérieur de la Communauté Européenne.

Le développement ou la survie des entreprises dépendra plus que jamais de leurs capacités à s'adapter aux attentes du marché en termes de qualité des produits et services sous des contraintes de prix et de délais.

• La redistribution internationale des activités industrielles. Si elle apparaît certaine, il est également manifeste qu'elle prend

plus de temps qu'on ne l'imaginait lors du premier choc pétrolier. Il existe des tendances lourdes mais pas de déterminisme absolu encore moins de fatalité.

On peut seulement dire que cette redistribution internationale des activités ne sera pas fonction uniquement des caractéristiques de la main d'oeuvre nécessaire pour la fabrication des produits. Il se vérifie de plus en plus que les pays en voie de développement ne se limitent pas aux productions de «basse technologie».

Dans ce domaine encore, la politique industrielle française connaît des hésitations. Notre économie ne dispose pas de véritables pôles de compétitivité pour entraîner l'ensemble de la vie industrielle, comme le montre le rapport du Centre d'Etudes de Prospectives et d'Informa- tions Internationales, demandé par le Commissariat Général du Plan (1). Quels secteurs la France doit-elle surtout développer ? Ceux où elle est bien placée (armement, électronique professionnelle, trans-

(1) CEPII, Paris, Economica, 1983.

ports, ingénierie, électro-nucléaire) ; ceux où elle doit confirmer ses positions (télécommunications, off-shore) ; ceux où elle doit porter de nouveaux efforts (agro-alimentaire, matériaux, biotechnologie, logi- ciels, informatique) ? Abandonnera-t-on pour autant les secteurs tra- ditionnels manufacturiers qui connaissent depuis 1970, bien avant le premier choc pétrolier de 1973, une réduction très sensible de leur rythme de croissance ?

• La persistance des difficultés économiques. Tous les observateurs économiques s'accordent pour présager un

avenir morose pour l'industrie et l'emploi en France dans les prochaine années. «Le plus difficile n'est pas derrière nous, mais devant nous» : telle est la «première conviction» de Michel ALBERT (1).

Des voix autorisées s'élèvent cependant pour dépasser tout défaitisme. Michel ALBERT l'exprime clairement à travers sa «deuxième conviction» : «Nous pouvons réduire le chômage. Assez vite même, j'en suis désormais certain (...) Chacun de nous, peut, fut-il simple citoyen, apporter sa contribution indispensable à la guérison de ce mal aux origines multiples. Un mal qui nous vient moins des déserts d'Arabie que du tréfonds de nos préjugés».

Ce n'est pas le lieu ici d'analyser les propositions de l'auteur pour des actions à entreprendre au niveau mondial, dans le cadre de la CEE, dans chaque entreprise ou pour chaque individu. Mais il est clair que la bataille pour l'emploi ne pourra faire l'économie d'un profond bouleversement des structures industrielles et des compor- tements individuels ou de groupe.

• La diversification de la demande. L'entreprise devra de plus en plus apporter une grande variété de

produits pour répondre aux attentes précises de diverses catégories de consommateurs. L'adaptation des produits aux spécificités des marchés étrangers est par ailleurs une exigence pour assurer le succès des exportations. Ainsi, l'éclairage, le système de freinage, le dessin même des cycles Peugeot ont été modifiés pour s'adapter aux marchés anglais, hollandais, allemands.

En définitive, l'entreprise doit savoir évoluer très vite, rajeunir, s'adapter, améliorer les produits, suivre la mode et l'évolution des besoins ; tout cela se traduira par une multiplication des petites séries pour proposer des produits au plus près des attentes spécifiques de leurs différentes catégories d'utilisateurs.

Pour évoluer dans ce sens, les grandes entreprises de production de «masse» (2), comme les petites de type «atelier» seront amenées à

(1) Michel ALBERT, Le pari français, Seuil, 1982. (2) Les notions de «masse» et «d'atelier» seront définies plus loin (chapitre VI).

adapter leur système technique. Mais ce ne pourra être la seule mutation interne car, corrélativement, il faudra apprendre à gérer cette diversité et donc mettre en adéquation stratégie, système technique et organisation du travail.

Gageons que le concept de flexibilité de l'entreprise, que de rares auteurs de sciences de gestion ont introduit dans leur réflexion (1), deviendra dans les dix prochaines années l'un des fondements majeurs du management, et qu'il trouvera des applications dans l'ensemble des activités de l'entreprise, depuis la stratégie (évolution vers de nouveaux marchés et de nouveaux produits) jusqu'à l'organisation de la production, en passant par l'organisation du travail administratif.

• La mutation des technologies et des conditions de travail. Qu'elle soit introduite par l'évolution des marchés qui vient d'être

mentionnée, ou par la recherche de la rentabilité dans l'abaissement des coûts de production et de traitement de l'information, la «productique» connaît un développement très rapide. Ce néologisme, englobe l'introduction de l'électronique et de l'informatique dans les systèmes de production, les automatismes programmables, la ges- tion automatisée d'atelier pour les grandes entreprises...

De nouveaux espoirs naissent de ces technologies de pointe, aussi bien pour le développement de la production française de ces équipements - car le marché international est en ce domaine très étendu - que pour la modernisation de l'outil de production.

Les outils nouveaux de production vont susciter des évolutions très fortes de nombreux domaines d'activité des entreprises, d'autant que les entreprises traditionnelles aux structures vieillis- santes sont plus particulièrement concernées. Les mutations parallèles à prévoir relèvent de la définition de la stratégie, de l'analyse de marché, de l'analyse financière coût/opportunité, du système d'information et de gestion de production, de la formation à tous niveaux hiérarchiques et des qualifications du personnel.

L'introduction de ces processus automatisés se traduira par une répartition nouvelle des tâches de production, de contrôle et d'exécution. Il est à craindre qu'elle ait pour effet une dégradation des conditions de travail pour certains ouvriers confinés dans des tâches résiduelles de surveillance. Cela ne sera pas sans incidence sur l'intérêt du travail, la motivation à la qualité et en conséquence l'efficacité de l'innovation. L'ANACT (2), consciente de ce risque, a décidé de consacrer une part majeure de ses travaux à susciter des recherches et informer sur les problèmes d'organisation du travail et de qualification liés aux changements technologiques.

(1) Robert REIX, La flexibilité de l'entreprise, Ed. Cujas, 1979 et Jean-Claude TARON- DEAU, Produits et technologies. Choix politiques de l'entreprise industrielle, Dalloz, 1982, 222 p. (2) Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail.

• La décentralisation des pouvoirs. L'une des plus profondes mutations actuelles de la société

française réside dans la décentralisation des pouvoirs, compétences et moyens aux collectivités territoriales. Depuis 1982, les lois,décrets et circulaires se succèdent pour transférer de l'Etat aux régions, aux départements ou aux communes des pouvoirs plus étendus permettant la prise de décision au plus près des problèmes locaux. Ce mouvement est fortement lié au contenu de ce livre, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord, il n'est pas indifférent pour l'élaboration des stratégies des entreprises de tenir compte des nouvelles données de leur environnement. Car les circuits traditionnels de la vie économique vont se trouver sensiblement modifiés du fait des nouvelles responsabilités relevant des collectivités locales en ce domaine : la région pour l'animation, la planification et la formation professionnelle, les communes pour l'élaboration de chartes intercommunales de développement économique, etc.

De nouveaux acteurs entreront en bataille économique pour la sauvegarde de l'emploi, ou pour la réussite de projets locaux : région département, commune, mais aussi sociétés d'économie mixte, syndicats intercommunaux, divers Services Extérieurs de l'Etat, comités d'expansion économique, associations de créateurs d'entre- prises... Le rôle de l'Etat s'en trouvera fortement modifié, et évoluera vers une mission de soutien des initiatives locales plutôt que de grand ordonnateur du développement économique. L'enjeu est énorme notamment pour la création d'entreprises et le développement des P.M.E. (1).

Ensuite, ce mouvement de décentralisation s'inscrit dans une évolution des mentalités tendant à considérer la démocratie comme un processus dynamique qui rapproche, au fil des années, le système décisionnel des administrés. La décentralisation repose sur l'idée d'une meilleure efficacité des actions par l'expression, l'initiative et l'imagination des agents directement concernés. Mais ce qui est vrai pour l'homme citoyen ne l'est-il pas également pour l'homme producteur œuvrant au sein de l'entreprise ou pour l'homme consommateur concerné par les produits qui peuvent lui être proposés ?

• La propagation des exigences de qualité . On assistera dans les années à venir à une défense plus poussée

des consommateurs et à une sensibilisation grandissante du public pour la qualité. Un exemple en est l'intérêt porté aux essais

(1) Lire à ce sujet l'ouvrage de Jean-Pierre MURET, Claude NEUSCHWANDER et Hugues SIBILLE, -

SYROS, Paris 1983.

comparatifs ; Laurent DENIS, directeur de l'Institut National de la Consommation écrivait en 1983 : «ils ont l'inconvénient d'une obsolescence parfois assez rapide, mais l'immense mérite d'établir une comparaison entre les produits et de reposer sur une analyse multicritère, associant les notions de qualité et de prix, qui sont inséparables» (1).

Autre exemple, à l'avenir de nouveaux moyens juridiques pourraient permettre à l'action de groupe de s'exprimer, de constituer un poids suffisant face à des professionnels peu scrupuleux ou très puissants, et d'obtenir plus que le Franc symbolique de dommages-intérêts.

Troisième exemple, le développement par toutes les grandes surfaces de marques «drapeau» («produits libres» de Carrefour, «Forza» de Prisunic, «les produits Orange» d'Euromarché...) est le signe d'attentes précises des consommateurs en matière de qualité et de prix. Les distributeurs visent ainsi une image de produits soutenant la comparaison avec les grandes marques, et proposés à un prix plus abordable grâce à une réduction de tout ce qui est périphérique au produit (emballage, publicité...).

Telles sont les quelques tendances durables de l'environnement inscrites profondément dans l'évolution industrielle et que toute stratégie d'entreprise doit aujourd'hui prendre en compte.

Il est clair que, dans ces domaines, l'action des dirigeants d'entreprise est très limitée. Que peuvent-ils faire ?

- Freiner l'introduction d'innovations sociales ? Le changement politique mais aussi les attentes fondamentales des salariés montrent que ce serait agir à contre courant.

- Obtenir de l'Etat un protectionnisme plus fort vis-à-vis des produits étrangers concurrençant directement les produits français ? C'est, comme nous l'avons déjà signalé, une arme à double tranchant.

- Obtenir des aides spécifiques de l'Etat pour faire face à cet environnement ? Tel a été le cas pour le textile avec l'exonération de certaines charges salariales. Mais une telle mesure n'est prévue que pour une période de deux ans et l'on peut penser que, dans la conjoncture actuelle, elle ne se développera pas au point d'apporter une aide sensible à l'ensemble des entreprises qui pourraient le souhaiter.

Ainsi, cet environnement apparaît-il de plus en plus contraignant dans la mesure où il faut s'attendre à des difficultés croissantes pour les entreprises qui connaîtront des lenteurs dans leur adaptation. Morosité alors ? Non, sous certaines conditions...

(1) Laurent DENIS «Qualité et dialogue social», Enjeux, N° 33, février 1983.

.

Il convient de définir la notion de compétitivité. «Elle doit être entendue comme l'aptitude à soutenir durablement la concur- rence. L'entreprise compétitive possède donc un ensemble de capacités qui l'autorisent selon le cas à entrer, se maintenir, ou se développer dans un champ concurrentiel constitué par l'ensemble des forces traversant son environnement et susceptibles de s'opposer à (ou entrer en lutte avec) ses objectifs, ses projets, ses opérations » (1).

Nous avons vu plus haut que si les entreprises ont peu à attendre d'actions qu'elles pourraient mener elles-mêmes sur les variables d'environnement, elles disposent néanmoins d'une marge de manœuvre très étendue pour assurer leur compétitivité. Mais cela ne se fera que sous trois conditions, qui devraient guider la définition stratégique de la plupart des entreprises, et des P.M.E. notamment.

• Première idée directrice. Transformer les contraintes d'envi- ronnement en opportunités.

Utopie, peut-on penser d'abord, puisque ces «contraintes» s'imposent de l'extérieur à l'entreprise. Et pourtant le succès des entreprises les plus performantes s'explique de cette manière. Il suffit pour s'en convaincre d'analyser en détail la démarche des fleurons de l'industrie française telle qu'elle nous est transmise soit par la presse économique soit par des communications de chercheurs en sciences de gestion. Ni explicitement, ni implici- tement ces articles ne véhiculent des constats d'impuissance face aux produits d'importation provenant de pays disposant d'une main d'œuvre à bon marché, face aux exigences croissantes du dialogue social avec les consommateurs ou les salariés, face aux limites des aides de l'Etat. A l'inverse, de telles entreprises performantes surprennent par le degré d'intégration de ces contraintes dans leur projet de développement.

Prenons le cas de la loi Auroux sur le droit d'expression des salariés qui prévoit l'expression directe et collective sur le contenu et l'organisation du travail et sur la définition et la mise en œuvre d'actions destinées à les améliorer ; deux types d'état d'esprit ont guidé sa mise en place. Dans la majorité des entreprises, on respecte la loi en organisant les quelques réunions annuelles imposées par le législateur et dont les modalités sont définies par un accord conclu entre l'employeur et les organisations syndicales représentati- ves. D'autres entreprises, plus rares, ne veulent pas considérer cette contrainte nouvelle comme un surcoût, un manque à gagner pendant

(1) Alain Ch. MARTINET, «Coûts industriels et entreprise compétitive», in Cahiers Lyon- nais de Recherche en Gestion, N° 4, décembre 1981.

le temps d'arrêt de production, mais comme une source de richesse ; celles-là poussent l'expression et le traitement des informations recueil- lies jusqu'à atteindre l'efficacité maximale, économique et sociale.

• Deuxième idée directrice. Jouer les synergies. Entre firmes, le regroupement des compétences et des intérêts

communs ne se fait pas spontanément. A cela, s'oppose le souci de préserver l'autonomie individuelle ou l'identité de l'entreprise.

C'est pourtant une question de survie pour de très nombreuses M. VOIDET, créateur et animateur de l'Association pour

le Développement des Fabrications Françaises, le démontre clairement : «En tant que patron d'une P.M.I. de l'outillage, j'ai fait le constat de l'impuissance de l'action isolée au plan commercial. Seul, on ne représente rien du tout. Nos prix se situent entre les grandes marques françaises d'une part qui bénéficient d'une image, disposent d'une force de vente et offrent des services à leur clientèle, distributeurs et consommateurs, et les produits sans marque importés. Mais les produits de la P.M.I. ne sont pas connus».

L'association, qui a déjà atteint de premiers résultats dans l'outillage, l'ameublement et le décor de la maison, déploie une activité intense pour convaincre les petits producteurs que les règles du jeu commercial ont changé depuis 1974 («beaucoup n'ont pas encore compris ce qui se passait») et les inciter à se regrouper pour des économies d'échelle ; ils doivent casser le cercle vicieux suivant : ils n'ont pas les moyens, seuls, de faire connaître leurs produits qui ne sont donc pas pris en compte, notamment par les associations de consommateurs... Et pourquoi d'ailleurs ces organisations testeraient-elles des produits qui ne sont pas disponibles sur le marché ?

Associations de producteurs, syndicats d'entreprises, chambres consulaires, collectivités territoriales, comité d'expansion écono- mique, devront être de plus en plus les moteurs de tels re- groupements ou «maillages», même s'ils doivent avancer à contre- courant et affronter le puissant frein du souhait d'autonomie complète des petits producteurs..

Car l'introduction de nouveaux systèmes de gestion ou de nouvelles technologies, la conquête de marchés français et d'expor- tation exigent une plus grande ouverture de l'entreprise vers l'extérieur et une mise en commun d'expériences, de compétences et de moyens.

• Troisième idée directrice. Combattre les pertes de performance. Une chance sans doute pour l'ensemble des entreprises françaises:

elles disposent d'une énorme réserve inexploitée de compétitivité. Les pertes subies tout au long du circuit de production, dans les services fonctionnels comme opérationnels, sont très élevées. Elle peuvent être mesurées par l'analyse des effets de dysfonctionnements dont la liste est longue :

- les arrêts de machines, - les rendements trop faibles, - les pertes de matière, - les lancements excédentaires, - les défauts de qualité, - les déclassés et fins de séries, - les délais de livraison non tenus, - les sur-stockages de matières premières et de produits finis, - les excédents d'en-cours, - l'absentéisme, - les surcoûts de gestion du personnel, - les accidents du travail, - des services fonctionnels trop développés, - des coûts exagérés d'élaboration des collections, - etc.

De telles pertes atteignent des dimensions surprenantes : très souvent plus de 20% du chiffre d'affaires.

Pour combattre ces pertes, il faut affronter de nombreux freins : il y a d'abord le niveau de motivation des dirigeants ; l'évolution des variables d'environnement conduit nombre d'entre eux au manque d'ambition pour leur entreprise, au découragement. Tout change très vite, les techniques de production, les moyens d'information externes et internes, la législation du travail et les mentalités, les réseaux de relation externes à l'entreprise, et jusqu'au système de comptabilité générale ! Toutes les règles du jeu évoluent simulta- nément et les dirigeants doivent en permanence assimiler une foule d'informations.

Autre frein : les habitudes prises. Lutter contre les pertes mentionnées plus haut va exiger de combattre des habitudes incrustées dans la vie quotidienne de l'entreprise.

La qualité peut alors être considérée comme un terrain d'application partiel mais privilégié de la montée en compétitivité des entreprises. Partiel, car la notion ne peut englober à elle seule ni l'ensemble des objectifs ni l'ensemble des domaines d'activités de la firme ; mais privilégié car la maîtrise de la qualité peut constituer le point fort d'une entreprise, assurant sa spécificité par rapport à la concurrence ; les industriels en sont de plus en plus conscients, comme le montre une étude réalisée en 1981 par le Crédit d'Equipement des P.M.E. auprès de 1900 P.M.I. (1) :

(1) «Les petites et moyennes industries en 1981 - stratégies, investissements, exportations, évolutions technologiques, coopération inter-entreprises - Première exploitation», juin 1981, 234 p.

Figure 1.1. - Les points forts des entreprises

Jouer la qualité est un choix qui s'explique, car la notion se situe à l'intersection de quatre enjeux fondamentaux : la maîtrise des coûts, la mutation technologique, la réalité du dialogue social et l'atteinte des marchés.

• Premier enjeu. Qualité et maîtrise des coûts. Dans l'ensemble des pertes d'efficacité de l'entreprise, celles qui

sont liées à une absence de maîtrise de la qualité sont très souvent les plus importantes. Ce fait a pu être vérifié dans une entreprise de chaussants (1) où, dans un ensemble de 25% de coûts d'inefficacité par rapport au chiffre d'affaires, les coûts de conformité (2) en représentaient la moitié.

Les analyses détaillées de ces coûts que nous avons effectuées par des diagnostics dans une quinzaine d'entreprises de différentes tailles et de différents secteurs (textile, chaussure, métallurgie, agro- alimentaire, mécanique...) permettent de conclure que les entre- prises les moins performantes en matière de qualité subissent des pertes de l'ordre de 10 à 15% du chiffre d'affaires. Il s'agit là d'évaluations minimales, compte non tenu des incidences commer- ciales des défauts. Ces résultats s'éloignent sans doute des chiffres plus impressionnants parfois avancés dans ce domaine mais qui, il est vrai, peuvent inclure une estimation grossière du préjudice commercial que les techniques de gestion ne permettent pas en l'état actuel d'appréhender avec rigueur. Il n'en reste pas moins que ces pertes sont graves et mettent en péril de nombreuses entreprises.

(1) Résultat des travaux de recherche d'ITF Maille, centre technique de la bonneterie. (2) Les coûts de conformité comprennent les coûts des détections (divers moyens de repérage des défauts) et les coûts de corrections (réparations, rebuts, déclassés, etc.). Les méthodes de calcul de ces coûts sont présentées dans le chapitre IV.

• Deuxième enjeu. Qualité et mutation technologique. L'introduction de technologies nouvelles est souvent présentée

comme le «facteur-clé» de la compétitivité, et la tendance est forte de n'envisager la productique que sous l'angle technique, sans tenir compte de son impact sur les hommes et les structures. En réalité, des analyses plus fines démontrent non seulement que les mutations technologiques exigent une adaptation importante des systèmes organisationnels et humains qui lui sont liés mais surtout supposent la résolution préalable de problèmes fondamentaux qui grèvent la rentabilité de l'investissement.

Là encore, il faut combattre une idée reçue selon laquelle les pertes si élevées évoquées plus haut, de non-qualité ou plus largement d'inefficacité, seraient absorbées grâce à l'introduction de l'automatisation par exemple. Ainsi, en tenant compte des coûts de conformité dans son analyse d'investissement sur des équipements nouveaux, la direction d'une entreprise du textile a été conduite à renoncer à son projet d'automatisation de la coupe. En effet, à l'heure actuelle, les ouvriers de cet atelier peuvent éliminer au moins en partie les défauts dans la matière ; ce ne pourrait être le cas d'une machine automatique, conçue pour une qualité idéale, qui provo- querait trop de déchets en aval.

Il est clair, dans ce cas, que l'introduction d'automatismes en fabrication exige au préalable la résolution des problèmes de qualité existant dans la structure actuelle.

• Troisième enjeu. Qualité et réalité du dialogue social. Qu'il s'agisse du dialogue à l'intérieur de l'entreprise, ou entre

l'entreprise et les consommateurs, l'enjeu de la qualité est là aussi très élevé.

Car le thème de la qualité soulève le plus souvent dans l'entreprise un intérêt très fort. On observe au cours de séances de formation que le personnel de production associe très fortement les notions de qualité des produits et de qualité du travail ; et les discussions qui peuvent naître autour du thème de la qualité sont d'une grande richesse, pour l'amélioration des relations de travail et d'une grande utilité pour la résolution des problèmes techniques ou organi- sationnels.

Dialogue social également avec les consommateurs. Il est actuellement négligé mais de part et d'autre son développement est souhaité. Ainsi les entreprises regrettent l'absence de contact direct avec les consommateurs ; elles ne comprennent pas qu'ils s'éloignent soudainement de leurs produits et souhaiteraient disposer direc- tement d'éléments d'explication. Les organisations de consomma- teurs de leur côté souhaitent le renforcement de la participation des consommateurs, et le développement d'actions préventives en

concertation avec les producteurs, préalablement au lancement de nouveaux produits.

La qualité constitue donc un thème essentiel pour l'amélioration de la communication interne et externe de l'entreprise.

• Quatrième enjeu. Qualité et atteinte des marchés. L'enjeu que constitue l'atteinte des marchés apparaît alors comme

la résultante des trois précédents. C'est l'enjeu dominant puisqu'il correspond à la raison d'être même de l'entreprise : satisfaire ses clients.

Des produits aux prix de revient abaissés, ou stabilisés en période d'inflation par la réduction des pertes de performance, des produits conçus et réalisés au plus près des attentes de leurs utilisateurs grâce à une meilleure communication interne et externe... de tels produits gagneront en compétitivité sur les marchés français et étrangers.

En outre, l'argument de la qualité pourra être utilisé commer- cialement soit par la publicité soit par la certification, la conformité aux normes. Une bonne adéquation entre les attentes des consommateurs et les caractéristiques des produits proposés contribue à l'émergence d'une «bonne» image des produits, voire de l'entreprise.

La Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris, qui réalise depuis 1981 des études d'image des produits de grande consommation en Belgique, Italie, RFA, Royaume-Uni et Suisse, arrivait pour 1986 à la conclusion suivante : «La qualité de nos produits et leur degré d'innovation sont, cette année encore, appréciés par les acheteurs et importateurs européens» (1). Cet optimisme doit cependant être relativisé. En effet, les biens industriels ne sont pas pris en compte ; d'autre part, une insatisfaction assez nette des clients étrangers appa- raît en ce qui concerne le respect des délais, l'assistance technique et le service après-vente.

En définitive, la maîtrise de ces enjeux ne pourra s'obtenir, il faut le souligner, que si la qualité de conception (ensemble de spécifi- cations définies pour satisfaire les besoins des utilisateurs) et la qualité de réalisation ou de conformité (adéquation du produit réalisé aux spécifications) sont parfaitement dominées, et cela simultanément.

(1) Les résultats détaillés de cette enquête sont présentés et commentés dans «Qualité- Magazine», la revue de l'AFCIQ, n° 1, 1987.

Fig. 1.2 : QUALITE ET COMPETITIVITE

Ainsi apparaît la logique de globalité qui sous-tend l'ensemble de cet ouvrage et notamment notre conception de la gestion de la qualité telle qu'elle sera développée dans les chapitres qui suivent.

Etienne COLLIGNON a été de 1982 à 1988 consultant à Quater- naire Education, société spécialisée en ingénierie éducative et dévelop- pement des ressources humaines. Il est intervenu auprès de nombreu- ses entreprises et administrations dans le cadre de leurs projets qualité. Il est actuellement responsable de la formation de SOLVAY et Cie en France (10 000 salariés et 18 sites de production dans la chimie, la transformation des matières plastiques et la santé).

Michel WISSLER est Maître-Assistant à l'Institut d'Administration des Entreprises de l'Université Lyon III, formateur et consultant. Il a animé des stages de formation d'experts au diagnostic de l'effica- cité industrielle organisés par le Ministère de l'Industrie. Membre fondateur de l'Institut de Recherche et de Développement de la Qua- lité, il s'intéresse plus particulièrement à l'intégration de la problémati- que qualité dans les différentes disciplines de gestion et dans les activités tertiaires.

Tous deux Docteurs en Sciences de Gestion, ils ont choisi la qualité comme sujet de thèse. Cet ouvrage constitue une mise en commun de leurs résultats de recherche et de leur expérience pratique. Ils poursuivent leur collaboration au sein de l'association QUALME - Qualité et Management des Entreprises -, dont l'objet est la promo- tion de la recherche en gestion de la qualité.

ISBN 2-7178-1500-7 Prix : 165 F

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