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La Qualité de l’Enseignement des Mathématiques Supérieures Par : Dr. Ali DERBALA Universitaire Pour les responsables du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique dénommé MESRS, la première évaluation de « la qualité des enseignements » dans le cycle supérieur concerne et comprend le taux de réussite, la moyenne des années passées par l’étudiant dans son établissement avant l’obtention de son diplôme et la qualité des stages réalisés durant son cursus universitaire [01]. Les déclarations officielles se bornent en effet à évoquer, en restant à un niveau de généralité plutôt vague, les objectifs spécifiques des mathématiques en matière de contenu, de connaissances et d’aptitudes. Ces déclarations tiennent surtout compte du niveau exigé aux examens, et on y omet de s’interroger sur la finalité dernière de la formation mathématique, considérée comme une question non pertinente. Il peut également arriver qu’à différents niveaux du système, le MESRS et ses responsables des universités d’une part et les enseignants d’autre part, mettent l’accent sur les intentions différentes. 1. Les objectifs de l’enseignement des mathématiques Les notions mathématiques ont été rangées dans une autre classe que celle des idées pures. Elles sont scientifiques par excellence. Elles partent en effet des notions qu’elles développent par voie déductive, de figures dont elles recherchent les propriétés. Les notions qu’elles utilisent ne sont donc pas des idées pures, mais des images de ces idées mêlées à des représentations sensibles. Un exercice d'application de mathématiques se présente comme une occasion de réinvestir une notion précédemment définie, il vise l'application d'une notion. Plus difficile qu'un simple exercice d'application directe, un problème est l'occasion pour un étudiant de mettre en œuvre, d'une façon adaptée, un certain nombre de notions qui doivent faire partie de ses acquis. La résolution de problèmes doit occuper une place importante dans les apprentissages mathématiques. Nous rappelons que l’un des objectifs de la formation mathématique, en spécialité de la Recherche Opérationnelle, est d’entraîner les étudiants à analyser les problèmes de la vie courante, à les formuler ou les modéliser mathématiquement, à résoudre les problèmes

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La Qualité de l’Enseignement des Mathématiques Supérieures Par : Dr. Ali DERBALA Universitaire Des universitaires doivent écrire sur la physique, la chimie etc. Sûrement ils ont des « pathologies » dans leur département. Ne me dites surtout pas que je veux polémiquer. On est allé loin dans cette déchéance pédagogique et scientifique. On a été trop laxiste sur les choses. Il est temps de réveiller les consciences universitaires.

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La Qualité de l’Enseignement des Mathématiques Supérieures

Par : Dr. Ali DERBALA

Universitaire

Pour les responsables du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique

dénommé MESRS, la première évaluation de « la qualité des enseignements » dans le cycle

supérieur concerne et comprend le taux de réussite, la moyenne des années passées par l’étudiant

dans son établissement avant l’obtention de son diplôme et la qualité des stages réalisés durant

son cursus universitaire [01]. Les déclarations officielles se bornent en effet à évoquer, en restant

à un niveau de généralité plutôt vague, les objectifs spécifiques des mathématiques en matière de

contenu, de connaissances et d’aptitudes. Ces déclarations tiennent surtout compte du niveau

exigé aux examens, et on y omet de s’interroger sur la finalité dernière de la formation

mathématique, considérée comme une question non pertinente. Il peut également arriver qu’à

différents niveaux du système, le MESRS et ses responsables des universités d’une part et les

enseignants d’autre part, mettent l’accent sur les intentions différentes.

1. Les objectifs de l’enseignement des mathématiques

Les notions mathématiques ont été rangées dans une autre classe que celle des idées pures.

Elles sont scientifiques par excellence. Elles partent en effet des notions qu’elles développent par

voie déductive, de figures dont elles recherchent les propriétés. Les notions qu’elles utilisent ne

sont donc pas des idées pures, mais des images de ces idées mêlées à des représentations

sensibles. Un exercice d'application de mathématiques se présente comme une occasion de

réinvestir une notion précédemment définie, il vise l'application d'une notion. Plus difficile qu'un

simple exercice d'application directe, un problème est l'occasion pour un étudiant de mettre en

œuvre, d'une façon adaptée, un certain nombre de notions qui doivent faire partie de ses acquis.

La résolution de problèmes doit occuper une place importante dans les apprentissages

mathématiques. Nous rappelons que l’un des objectifs de la formation mathématique, en

spécialité de la Recherche Opérationnelle, est d’entraîner les étudiants à analyser les problèmes

de la vie courante, à les formuler ou les modéliser mathématiquement, à résoudre les problèmes

mathématiques qui en résultent et à réinterpréter les solutions mathématiques de manière à

apporter des réponses intelligibles au problème de départ, de confectionner un outil d’aide à la

décision, sous forme d’un logiciel avant tout pédagogique, avec une inter-activité ou une

interface conviviale et facile à utiliser. Il y a lieu de faire les distinctions de terminologie, tels

buts, intentions et objectifs. Les intérêts ultimes de la société algérienne en matière de formation

mathématiques sont enfouis dans les « intentions ». Ne serait-il pas plus raisonnable de

concentrer toutes les ressources disponibles sur ceux des étudiants qui auront besoin des

mathématiques pour exercer leur future profession. Les cours de mathématiques très spécialisés

sont dispensés à un public limité et choisi, dans des établissements spéciaux qui se situent en

marge, ou carrément en dehors, du système scolaire général. Tous les étudiants qui ont acquis

difficilement leur licence de mathématiques sont autorisés à s’inscrire au Master de

mathématiques option Recherche Opérationnelle. Les mathématiques ont toujours été enseignées

dans certaines écoles et à certains étudiants. A Paris, le département de mathématiques est situé à

la rue Clisson (13ième arrondissement), à la station de métro « Chevaleret », dans un

arrondissement éloigné de Jussieu Paris 06 (5ième arrondissement), siége de l’Université

scientifique parisienne. L’utilité des mathématiques a toujours été considérée comme allant de

soi. La distinction qui est faite couramment entre « les mathématiques pour les mathématiciens »

et les « mathématiques pour les non- mathématiciens » est mal fondée et qu’il est dangereux de

l’accepter parce qu’elle conduit au maintien d’un mauvais enseignement. Depuis la production et

la diffusion des calculatrices de poche, « l’arithmétique » n’est plus indispensable au commun

des citoyens. La science des nombres, n’est-il pas vrai qu’aucun art, aucune science ne peut s’en

passer ? Une question se pose. L’enseignement des mathématiques dures par opposition aux

mathématiques élémentaires à des masses d’étudiants est-il indispensable au développement

économique de notre société ? Les spécialistes et les usagers de demain auront besoin de bonnes

mathématiques. La clé pour les mettre au point est le temps, celui de réfléchir aux problèmes,

celui d’explorer des voies qui se révèlent être des impasses, celui de trouver une solution et non

pas nécessairement la solution optimale.

Pour comparer les taux de réussite dans deux universités différentes, il faut le faire à même

module, à même cours dispensé, à même TD réalisés et à examens équivalents. C’est une tâche

un peu ardue et non aisée.

Je n’ai jamais lu une telle « étude comparative » entre deux universités, pour ne pas dire elle n’est

pas réalisable. De ce fait, tous les enseignants de rang magistral doivent diffuser leurs cours, leurs

TD et leurs EMD sur les sites WEB de leur Université. Les résultats qui seront annoncés par la

tutelle peuvent être vérifiés de visu sur les sites des Universités. Les étudiants auront l'embarras

du choix de puiser leur cours là où ils leur semblent clairs, adéquats, pédagogiques etc.

Le rôle d’un enseignant n’est pas « de distribuer » des notes mais « d’attribuer » des notes

élevées aux bons étudiants et des notes basses aux mauvais. Je crains que les Universités vont

subir les pressions de la tutelle et de tomber dans la même décrépitude que celle produite au

ministère de l’éducation nationale, le MEN, où une Wilaya du pays était classée la dernière

pédagogiquement, en une année s’est vite transformée en la première, juste en fermant l’œil sur le

« copiage » !!! Avec une licence de 4 années, on a produit des licenciés d'un niveau bas. Que dire

d'une licence de 3 années ? Comment peut-on réduire un cursus universitaire d’une année et le

niveau restera au moins intact, il ne sera pas altéré ? J’ai su que le MEN refuse de recruter ces

nouveaux licenciés LMD [02, 03] en qualité de PES, professeurs du secondaire. Ils les recrutent

en qualité de PEM, professeurs d’enseignement moyen, ou de professeurs d’éducation, du niveau

du primaire. Le refus de leur recrutement au secondaire, n’est-il pas une reconnaissance tacite du

nouveau faible de ces nouveaux licenciés-LMD ? L’évaluation du cycle supérieur scientifique se

fait de visu. Tous les parents d’élèves ou d’étudiants s’étonnent comment leur progéniture arrive

à réussir aux examens proposés sachant qu’elle ne sait ni lire, ni écrire, ni parler et ni compter !!!

Comme l’a écrit un internaute anonyme, on doit renvoyer 80% des enseignants de l’Université et

refusait l'entrée a 80% des étudiants ...

2. Dans le cursus de la Licence

Des étudiants de 3 ième année licence de mathématiques ne savent pas encore la définition d'une

fonction. Au Département de mathématiques, on n’a pas eu l’embarras du choix de nos étudiants

pour faire la fine bouche. L’évaluation de ce pallier universitaire est indispensable car : Qui a fait

passer en classe supérieure ces étudiants qui n'ont rien retenus ? Je vous assure que j’ai le

pressentiment de donner des cours « d’alphabétisation » ou de « Mah-ou el Oumia » à des

étudiants illettrés, analphabètes et qui sont tout le temps ébahis. Le silence des étudiants me pèse

beaucoup. Ils ne répondent à rien. Il n’y a aucune communication entre nous. Vous savez, nos

étudiants ne recopient plus, ils redessinent ce qu’on a écris sur le tableau.

Des universitaires doivent écrire sur la physique, la chimie etc. Sûrement ils ont des

« pathologies » dans leur département. Ne me dites surtout pas que je veux polémiquer. On est

allé loin dans cette déchéance pédagogique et scientifique. On a été trop laxiste sur les choses. Il

est temps de réveiller les consciences universitaires.

3. Dans le cursus du Master :

L'étude d'un problème de mathématiques, est-elle une étude des passions faite sans passion ?

Durant la deuxième année Master, nos étudiants seront appelés à rédiger des mémoires de travaux

réalisés. L’encadreur doit proposer le sujet de mémoire. L’étudiant n’aura pas à chercher son

sujet. En mathématiques, il y a des problèmes « ouverts » depuis des siècles, l’exemple de

l’équation de Fermat en est une révélation. Il faut proposer un sujet, quitte à le confectionner, où

on estime qu’on arrivera à rédiger un mémoire en six mois. Parfois, c’est une tâche ardue. Pour

cela, il est important d’assister aux Conférences pour être à l’écoute de ce qui se fait de plus

performants. Beaucoup d’offre de formation de master sont disponibles, de l’ordre d’un millier de

spécialités, parfois même redondantes. L’auteur de l’offre de la formation de master doit lui-

même diriger le master en temps que contribuant. Il doit participer et doit donner des cours. Il ne

doit pas se contenter d’être un responsable. L’offre d’une formation n’est pas une « prophétie », il

faut qu’elle soit le résultat d’une expérience. Ce n’est pas en recopiant la table de matière d’un

livre qu’on devient auteur de l’offre. Nos étudiants de fin de cycle du Master ont passé un

concours de départ à l'étranger d’où ils sont revenus bredouilles. Ils n'ont pas pu résoudre des

exercices de leur cursus. Pourquoi ? Le programme dispensé aux étudiants n'a jamais été réalisé

jusqu'à sa fin. Les étudiants présentaient de grosses lacunes.

4. L’Evaluation des étudiants « nouveau régime »

Lors des corrections des copies d’examen des étudiants, nous utilisons toujours la notation

numérique sur /20. Or dans les délibérations, on a voulu nous imposer les « crédits ».

J’ai remarqué qu’un étudiant qui avait 07,36/20 avait 13 crédits sur 60, un autre étudiant à

09,70/20 n’avait que 11 crédits sur 60. Que peut-on déduire ? Que les crédits attribués aux

modules n’étaient pas bien pondérés. Il faut revoir les crédits attribués en licence de

mathématiques de tel façon à moyenne supérieure correspondent des crédits supérieurs. Ne me

dites surtout pas qu’il y a des modules de base et des modules secondaires. Dans ce cas il faut

abolir la notation numérique /20 et utiliser la notation alphabétique large correspondante à A, B,

C, D et F. L’administration des Universités ne veut pas que les enseignants s’immiscent dans le

logiciel de délibération confectionné par la tutelle. Ce logiciel était-il confectionné par un vrai

pédagogue en présence d’un informaticien ou seulement par un administrateur ? La réponse des

responsables est toujours du type : non, non, c’est un logiciel de délibérations fourni et on n’a pas

le droit de le toucher. J’ai participé à la délibération des troisièmes années de licence de

mathématiques, le logiciel confectionné ne fournissait pas les troisièmes années mais fournissait

tout le cursus des trois années de la licence. Le premier étudiant ajourné « au cursus de la licence

» était en effet un étudiant admis normalement en « troisième année ». Une confusion totale s’est

installée entre délibération de la « dernière année » et la délibération « à tout le cursus » de la

licence où normalement tous les enseignants du cursus doivent être présents. A l’Université, une

nouvelle « dérive pédagogique » est imposée dans le système LMD. Des étudiants qui ne

réussissent pas leur année en cours, sont autorisés à passer en classe supérieure avec la mention

« admis avec dettes » (s’ils ont acquis un certain nombre de crédits et une moyenne inférieure à

10/20). C'est une forme de pression psychologique sur les enseignants des premières années

universitaires. Si vous recalez un étudiant en première année, il passera en seconde et troisième

année avec des « bricolages » de ce genre « admis avec dettes ». A la fin de son cursus, on vous

insinuera et on vous inculquera un « syndrome de culpabilité » comme quoi vous retenez un

étudiant en « otage » en première année alors qu’il a réussi ces années postérieures. Et hop ! Vous

distribuerez sans état d’âme le module à un étudiant qui ne l’a pas mérité et qui ne le mérite pas.

De ce fait, les responsables « boosteront » le taux de réussite à l’Université. Où sont passés ces

professeurs de rang magistral qui doivent réfléchir sur le devenir de nos étudiants ???

Conclusion :

Les hommes avaient commencé à étudier les mathématiques parce qu’elles leur étaient utiles,

qu’ils en poursuivent l’étude parce qu’elles leur sont encore utiles. Une éducation qui persuade

l’homme de se consacrer entièrement à son devoir doit constituer notre objectif majeur.

Les divers éléments qu’il souligne sont les suivants : « entraînement à la régularité et à la

stabilité », « subordination de l’individu à la société », « préparation à l’adaptation et à

l’obéissance ». Et l’enseignement des mathématiques doit contribuer à la mise en œuvre de ces

intentions générales de l’éducation au moyen des applications des mathématiques.

Plus les intérêts et l’organisation politique donnée sont composites, hétérogènes et complexes,

plus les intentions sous-jacentes à l’enseignement des mathématiques tendent à fuir la lumière et

à se dissimuler [04].

Références

1. Houari Barti. L’Université veut revoir sa copie. Le Quotidien d’Oran, Evénement, 03 Octobre

2010, p.03.

2. Ali DERBALA. Le système LMD, un descendant du BMP. El Watan, 10&11/06/2007,

rubrique Idées-débats, p.23.

3. Ali DERBALA. Implantation du LMD à l’université scientifique algérienne. El Watan,

Dimanche 1er

Novembre 2009, Rubrique : Idées-Débats, p.22.

4. L’enseignement des sciences fondamentales : Mathématiques. Etudes sur l’enseignement des

mathématiques. Préparé sous la direction de Robert Morris. Les presses de l’Unesco. Volume 2,

1981.