Quelques Aspects de la Pensée Krishnamurtienne, par Robert Linssen

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  • 7/29/2019 Quelques Aspects de la Pense Krishnamurtienne, par Robert Linssen

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    Le penseu r hin dou J. Krishnamurti viendra Bru xe lle s, o il prendra la parole dans la Gran de Sa lle du Palais des Beaux Arts les 16, 17, 18, 23, 24 et 25ju in prochains .

    Nou s avons jug intressant de doc umen ter noslecteurs sur les diffrents aspects de luvre krishna

    murtienne.

    Quelques Aspects

    de la Pense krishnamurtienne

    p a r R o b e r t L I N SSEN .

    La prise de position nettement favorable adopte par AldousHuxley dans sa prface au d ern ier livre de Krishn am urti Pre -m ire et D ernire Libert , les co m m entaires logieux duTimes, de /Observer en Angleterre, ceux galement des princi-paux quotidiens de Hollande et dAmrique, ont donn lapense krishnamurtienne un essor aussi considrable quin-

    attendu.Situer exactement le climat spcifique de luvre du pen-seur hindou en quelques pages est une tche des plus ingrates.En guise dintroduction nous signalerons un fait vident. Nousne pouvons rsister au dsir de lexprimer ici car il a sa valeur.Chez Krishnamurti aucune scission nexiste entre lhomme etluvre. Attardonsnous dabord quelques brefs instants pourcons idrer lhomm e. La situation sclaircira et, dans une largemesure, nous serons mieux prpars saisir la significationprofonde de lenseignement quil nous donne.

    Krishnamurti est dune intgrit parfaite. Son dsintresse-ment psychologique et matriel est total. Le fait davoir d-

    daign le rle de messie que ses adorateurs attendaient de lui,il y a trente ans, celui davoir refus systmatiquement les vastesdomaines et les fortunes qui soffraient lui de toutes partsen sont autant de preuves. Plusieurs annes de contacts aveclui, en diverses circonstances nous en donnent une profondecertitude.

    Il est impossible de dceler dans son comportement, tantpriv que public, la moindre trace dun dsir de paratre oude plaire. Ainsi que lexprimait Carlo Suars, Krishnamurti est vritablem ent absent luimm e ta nt il est prsent aumo nde . Toute reche rche de prestige p ersonn el se trouveteinte. Il ralise pleinem ent cette m ort du vieil hom me

    sans laquelle aucune renaissance intrieure nest possible.

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    Leffacement avec lequel il aborde la tribune lors des gran-

    des confrences, son allure presque frle, sa technique dexpres-sion trs particulire, la dlicatesse non recherche de ses gestestrahissent une modestie que les observateurs inaccoutums pren-nent pour de la timidit.

    Il pourrait utiliser la magie de lart oratoire mais ne dsiresimposer par aucune influence de cet ordre. Comme le procla-m ait Jo liotCurie lors dune confren ce rcente lloquencepeut tre une escroquerie !...

    Par linfluence, le prestige, lautorit, la magie des dcorsextrieurs, aucune ralisation spirituelle ne peut tre atteinte.

    Krishnamurti est un matre de Libert. Il veut nous librermais le drame est l : nous sommes, la plupart, inconscients denotre enchanement.

    Il nous parle un langage o se trouvent paradoxalementmls la fracheur et la gravit, une simplicit naturelle mou-vante et la stigmatisation de nos complexits inutiles, les ctspratiques de lexistence quotidienne et les profondeurs insonda-bles dune Ralit Intemporelle. En lcoutant nous nous dcou-vrons nousmmes. Il nous semble tre vritablement une forcede la Nature...

    Que nul ne se mprenne cependant sur la porte de notretmoignage.

    Il ne peut tre question dune dification de sa personneou de sa pen se... Il ny au rait ses yeux, de pire trahiso n queden faire autorit.

    Krishnamurti se refuse toute manifestation dvotionnelle.Sa svrit dans ce domaine a t interprte comme un manquedamour ou de sensibilit. Un tel malentendu provient dunemconnaissance totale de sa personne et de son enseignement.

    ^ % %

    Originalit de la pense krishnamurtienne.

    Loriginalit de la position krishnamurtienne nous em-pche de la situer dans les cadres de nos catgories ou rf-rences habituelles. K rishnam urti nest pas de ceux qui se laissentengager dans les limites rigides dun systme quelconque. Sonesprit nondogmatique, non traditionaliste, la vhmence aveclaquelle il dnonce les dangers de lautorit spirituelle lui atti-rent les critiques des milieux religieux et spiritualistes. Certainsle traitent dathe, danarchiste, de destructeur.

    Les matrialistes traditionnels seront tout autant drouts.Ils prouveront quelque perplexit en relevant dans luvrekrishnamurtienne lvocation frquente dune Ralit Intem-

    porelle, inconditonne, suprarationnelle dont la dcouverte

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    constitue la raison dtre ultime de lexistence. Certains consi-drent K rishnamurti comme un mystique.

    Rien nest plus facile que dapposer une tiquette sur lestres, les choses ou les faits que nous ne comprenons pas. Cecine rsoud videmment pas nos problmes.

    Lminent penseur hindou dnonce linertie et la paressede nos automatismes mentaux. Il nous enseigne quel pointnous ne vivons que de mots rigoureusement vides de toutcontenu.

    La Vrit est au del de nos symboles, de nos mots noncsou penss.

    Elle est une Intelligence infinie qui se joue de nos limita-tions, de nos reprsentations anthropomorphiques, de nos fron-

    tires, de nos systmes. Aucune religion particulire, aucunesecte ne peut en possder le monopole.

    Po ur aller loin nous dit K rishna m urti il fau t com-m encer pa r ce qui est prs . Sans aucun dtour, il va dro it aubut. Krishnamurti nous prend tels que nous sommes actuelle-ment et nous montre pourquoi et comment nous sommes d-chirs par des faisceaux de tendances contradictoires.

    Il nous demande de nous connatre pleinement. Lnoncde cette exigence nest certes pas une nouveaut. Mais il nesuffit pas de la postuler. Il est surtout ncessaire den tablirles moyens. Cest dans ltude de ceuxci que luvre krishnamurtienne rvle son originalit, son climat spcifique et sonct pratique.

    La connaissance de soi implique lexercice dune nouvellefonction de la pense. Celleci doit se dgager de lemprise desautomatismes mmoriels et parmi eux le penseur hindou d-nonce laction des processus de verbalisation. Nous y reviendronsultrieurement.

    Toute luvre krishnamurtienne pourrait se dfinir comme

    un nonc des multiples conditionnements de lesprit. Sonapproche du Rel ne peut tre que ngative. Elle en respectescrupuleusement le caractre indicible et impensable.

    Une tude fouille des diverses religions nous rvle lexis-tence de tendances similaires. Aucune dentre elles ne semblepossder un tel luxe de dtails pratiques.

    La maeutique socratique (cette science de laccouchementspirituel) nous a fait comprendre la ncessit dun dpassementdu mental ayant puis toutes ses possibilits. Comme les ma-tres du Bouddhisme Zen, Socrate mettait ses interlocuteurs au pied du m ur et pro jetait u ne sorte d interd it s ur leu r

    activit mentale. Le penseur grec ne staitil pas cri lors de

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    sa ralisation intrieure Je sais que je ne sais rien... Caril est vident que la Vrit nest pas une chose qui puisse treconnue ou reconnue comme nous connaissons ou reconnaissonsgn raleme nt les choses.

    K rishnam urti ne jette p as un discrdit sur lactivit mentale.Il lutilise comme Socrate et les matres Zen. Luvre admirabledu Dr. Roger Godel nous permet de saisir ces diverses simili-tudes.

    La mission suprme de la pense consiste se dmontrer ellemme le bien fond de son silence et de son dpassementpar une prsence qui lenglobe et la domine.

    Cette prsence nest pas distincte de nous. Elle est notretre vrai. Une inattention permanente la masque nos yeux.

    Telles sont les raisons pour lesquelles Krishnamurti nousdemande dtre attentifs.

    Krishnamurti estil un psychologue ?

    Dans sa prface au livre rcent de Krisnamurti, AldousHuxley crit :

    Le processus librateur doit commencer par la perception

    aigu et impartiale de nos dsirs ainsi que de nos ractions auxsystmes de symboles qui nous ordonnent ou nous interdisentde vouloir ceci ou cela. Grce cette perception impartiale, etau fur et mesure quelle pntre dans les couches successivesde lego et du subconscient qui sy associe, surgissent lamouret la comprhension, mais dun ordre diffrent de celui quinous est familier. Cette perception impartiale tout instantet en chaque circonstance est la seule mditation effective. (Premire et dernire libert p. 22.)

    Cette citation dHuxley nous inclinerait considrerKrishnamurti comme un psychologue.

    Il nous incite mieux nous connatre pour dissoudre le

    mirage mental de conscience personnelle qui nous envote etnous asservit.

    Lar t de la vie, ditil, consiste m ettre fin au processusdu moi.

    Mais empressonsnous de le dire, il nv a pas ici danan-tissement.

    Cette ralisation nest pas une dfaite. Elle est la plus hautevictoire. Elle nimplique pas linaction mais est au contraire labase essentielle de toute action vritable. Elle ne nous rend pasinadapts mais au contraire pleinement adquats aux ncessitsde lexistence. Elle nous permet de jouer pleinement le jeu de

    la Vie en tant libres des formes qui lui servent dexpression.

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    Ainsi que lexprime Krishnamurti lhomme libr est le

    plus pratique qui soit car il discerne les vraies valeurs entoute circonstance.

    Certains ont tent de dfinir luvre krishnamurtiennecomme une forme dautopsychanalyse. Dans la mesure o nousapprofondissons sa pense nous voyons quune telle dfinitionest inadquate.

    Krishnamurti se refuse en effet rsoudre les problmestoujours neufs de chaque instant prsent par une analyse dupass. Son effort consiste plutt nous rvler quel est ennous le crateur des problmes. Lanalyse mentale ne peutapporter cette rvlation intrieure.

    Il sagit donc dune vritable mutation psychologique.La maeutique krishnamurtienne peut tre rsume par un

    exemple de Platon.

    Le matre grec enseignait qu chaque besogne correspon-dent des outils adquats. Pour des besognes lourdes, nous utili-sons des outils pesants et grossiers. Pour des travaux de prci-sion nous employons un outillage extraordinairement fin, lger.

    Malgr toute lhabilet et le gnie quelles peuvent exprimer,nos oprations mentales ont un caractre de lourdeur par rap-port la finesse, la subtilit, la rapidit des rythmes duRel. Elles sont inadquates lexpression de la totalit de

    lEtre.Les miracles de la technique moderne, les cerveaux lectro-

    niques, les radars, les acclrateurs de particules, les mathma-tiques transcendantales, rsultent certes des possibilitsmagnifiques de lintellect humain. Il en est linventeur incon-test, loutil irremplaable et pleinement adquat. La gensede toutes ces grandes dcouvertes se profile cependant sur latoile de fond dun processus dductif ou inductif. Il y a malgrtout, sousjacente aux conqutes de la science et de la technique,une marche du connu au connu .

    Le Rel est lInconnu. Il est lInconnu car il est neuf

    chaque instant. Aucun rfrentiel ne permet de le situer. Sinous succombons la tentation dune dtermination nous som-mes toujours prisonniers des chelles de valeurs prfrentiellesqui lont engendre.

    Notre musculature mentale crispe ne peut saisir que lesdbris teints dun clair en perptuel tat de jaillissement.

    Le Rel ne peut tre saisi par la pense. Il se rvle dansle silence et la transparence de lesprit. Luvre krishnamur-tienne nous donne tous les lments permettant la ralisationde cette disponibilit intrieure.

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    L hom m e nouveau est affr anch i de la peur .

    La nouvelle fonction de la pense implique dans luvrekrishnamurtienne correspond une phase actuelle de lvolu-tion humaine.

    Nous sommes psychologiquement parlant, lintersectionde deux rgnes de lesprit.

    Ainsi que lexprimait Maurice Lambilliotte dans son dito-rial de Synthses , intitul Au del de lHom oFaber (pp. 179185).

    On peut sattendre voir natre et affleure r dans cettrange attribut quest pour lhomme la conscience, des facults

    inattendues ou peine pressenties, mais qui tmoigneront despousses de la vie travers chacun de nous, et, qui sait, desexigences dune reliance de la conscience lunit vivante.

    Le fait indniable en tous cas, cest quau del de lhomofaber un homme nouveau plus en avant sur la voie de la Vie,sur la voie des changes essentiels et vivants avec lUnit esten passe de se profiler.

    Jusqu prsent les hommes ont t littralement possdspar leurs facults mentales. Ces dernires ont t lobjet dudveloppement excessif qui caractrise les conqutes et lesphases nouvelles de lvolution naturelle. Les civilisations nont

    pu tre jusqu prsent bases sur autre chose que sur des ides.La rvolution fondamentale que nous suggre daccomplir

    Krishnamurti ne peut tre base sur une ide.

    Les idaux divisent lhumanit bien plus quils ne lunissent.

    Cest au nom dides quont t commis les crimes, lesmassacres les plus atroces de lhistoire.

    Lallusion la plus timide dun dpassement de nos opra-tions mentales entrane une mfiance instinctive. Nous avons tel point difi la pense quelle nous apparat comme unefonction souveraine et exclusive de lesprit.

    La preuve logique est pour nous le poinon de la respecta-bilit intellectuelle. Nous ne voulons avancer dans la vie quemunis du bouclier de nos certitudes mentales. Nous avons vuprcdemment la fcondit incontestable dune telle attitudedans le domaine des recherches scientifiques, techniques et con-crtes. Mais, rptonsle, les processus analytiques qui nous sontfamiliers ne peuvent nous aider dans lexprience du Rel.

    Celleci rsulte dun tat de lucidit pure sans ide. Lecaractre nonmental de lIntelligence pure est mal accueillipar la plupart des occidentaux. Pour beaucoup dentre nousen effet, un tat est intelligent et cohrent dans la mesure onous pouvons le situer par rapport aux rfrentiels qui nous

    sont familiers.

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    Une notion est considre comm e intelligible dans la me sureo nous pouvons laxer sur un systme de penses, sur desclichs mentaux bien dtermins, sur des symboles dfinis.

    Krishnamurti nous fait comprendre, au contraire, que lin-telligence pure na aucune commune mesure avec nos symboles,nos accumulations intellectuelles. Le degr dintelligence purede chaque instant est directement proportionnel labsence detous symboles, formulations, verbalisations mentales.

    Mais... nous dit Krishnamurti nous voulons une assu-rance . Nous avons peur de linconnu.

    Cette peur fondamentale est lorigine des vices de fonc-tionnement qui paralysent nos fonctions mentales et les em-pchent dexprimer la plnitude de la vie. La fonction mentale

    est parmi les plus extraordinaires de la Nature. Mais hlas,nous en avons fait un facteur dasservissement.

    La ralisation de la plnitude de notre humanit exige quenous possdions nos facults et non que nous soyons possdspar elles.

    Krish nam urti nous mo ntre lincapa cit dans laquelle noussommes de rpondre une quadruple question :

    Que pensonsnous ? Pourqu oi pensonsnou s ? Com mentpensonsnous ? et avant tout : Qui pense ?...

    Dans la mesure o nous navons pas clairement saisi lesmobiles profonds prsidant nos penses, nos motions et

    nos actes, nous sommes irresponsables. Or ch aque in stant noussommes visits par des penses intruses. Nous en ignoronslorigine et laboutissement. Lattitude de Krishnamurti vis vis de ce problme peut nous paratre paradoxale. La plupartde nos proccupations mentales maneraient dune peur fonda-mentale : la peur dtre rien .

    Nous sommes littralement agis par un instinct de conser-vation dont le centre rside dans les couches profondes delinconscient.

    Certains nous rpondent que sans cet instinct de conser-va tion le moi ne se serai t pas difi. Cest assez pro bable,mais la situation actuelle peut tre claire par ces aphorismes

    admirables de Shri Aurobindo :

    La pense fut une aide; la pense est lentrave.

    Lgoisme fut une aide; lgoisme est lentrave.

    Un rflexe dautodfense permanent nous a suggr dedevenir, dacqurir, de dominer, de possder. Nous conjuguonsles verbes avoiret para tre au lieu du verbe Etre.

    Si no us com pren ions la diffren ce en tre dev enir ettre peuttre comprendrionsnous ce quest le bonheur...

    Devenir est continu... et navezvous pas observ que cequi est continu emprisonne toujours (Krishnamurti Madras pp. 109110).

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    Lapparente continuit de la conscience rsulte dune suc-cession extraordinairement rapide de nos penses.

    La rapid it de leur droulement confre limpression illu-soire dune sorte de solidit psychologique nous inc linant nousconsidrer comme des entits statiques et continues.

    Au cours de ses confrences Ojai en 1936, Krishnamurticom parat le processus de devenir du moi une flamme. Cette flam me disaitil se m aintient dellemme par sapropre chaleur, et la chaleur est ellemme la flamme .

    Exactement dans le mme sens, le moi se maintient parses dsirs et lignorance.

    Lorsque lesprit discerne ce processus intgralem ent il sevoit comme tant ce processus, il voit quil se sert de toute

    action pour salimenter luimme. (Ojai 1936, dition anglaisep. 34.)

    L, o nexiste quune succession de transformations ano-nymes, dpouilles de personnalit relle, nous superposonsarbitrairement la notion dindividualit permanente.

    A la question Qui pense Krishnamurti rpond quil n ya pas de penseur en tant quentit statique.

    Sans ses penses, le penseur nest pas.

    Cette sparation du penseur et de ses penses est unstratagme du penseur afin de soctroyer une scurit, unepermanence. (La Connaissance de Soi, p. 220.)

    Nos angoisses et nos peurs rsultent de la situation fausseo nous plongent nos constantes identifications personnelles.

    Ainsi que lexprim ait un vieux proverbe chinois Il n y apas de plus grande bndiction que celle dtre dlivr du soucide soimme .

    * *

    Krishnamurt i et le problme social .

    Toute vision panoramique de lvolution humaine nousoblige dpasser le cadre de la causalit simplement conomiqueet politique des faits. A chaque poque de lhistoire prsidentdes idesforces. Primitivement obscures, ces dernires sontdevenues progressivement des facteurs dterminants du carac-tre des civilisations. Leurs qualits et leurs faiblesses ne servlent quaprs des sicles de droulement historique. Laprcipitation actuelle des faits permet nanmoins de hterconsidrablement ces signes positifs ou ngatifs.

    Une tude minutieuse de la psychologie des peuples nousrvle lexistence dun dcalage entre la naissance didesforces

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    dans lesprit des individus et leur matrialisation dans les faitsd ord res conom ique, politique et social.

    Lexistence de ce dcalage nous enseigne que pour trepleinement adquat aux exigences dune poque donne delhistoire, il fau t en d passer la plu pa rt des aspects imm diatstout en tant attentif aux lments qui les ont fait apparatre.Sil en tait autrement, il ny aurait jamais eu de prcurseurs.

    Nous vivons en pleine phase de transition. La plupart desidesforces ayant prsid nos civilisations rvlent leursfaiblesses.

    La civilisation occidentale place sous le signe distinctif dela dification du moi est en pleine crise. Nos valeurs morales,sociales, religieuses son t b ties su r la r a lit absolue de 1 ego .Elles devaient engendrer invitablement un monde o lgosme,la concurrence, les confhts et les violences rgnent en matres.

    Une civilisation rellement la mesure de lhomme doittenir compte des plus hautes possibilits de sa nature.

    La dignit humaine natteindra la plnitude de son expres-sion que dans une hu m an it libre de lgosme e t de lillusionde la conscience de soi.

    Le nouvel q uilibre mo ral, et social que nous suggre Krishnamurti rsulte dune disponibilit parfaite de chaque individuaux exigences de la Vie. Cette disponibilit confre la vritablerichesse sans laquelle nous ne pouvons ni aider ni servir avecfruit.

    Le problme mondial est le problme de lindividu nousditil. Si nous voulons transformer le monde il nous faudratransformer dabord le cur et lesprit de lindividu, qui en estl lment constitutif.

    Ceci nimp lique pas un dsintressemen t des problmes co-nomiques et sociaux.

    Krishnamurti considre en effet quiVfa u t organiser lco-nomie une chelle mondiale, et non pas lchelle dunecommunaut, ce qui veut dire que nous avons besoin de person-nes qui ne pensent pas en termes de nationalisme, mais en fonc-tion de lhom m e; non en term es de formules m ais en termes

    de bonheur humain (Confrences de Madras 1947, p. 18).Toute rforme conomique ou sociale ne tenant p as com pte

    de la ncessit dune transformation psychologique des indivi-dus est incomplte.

    Sil tait vrai que les seules amliorations du milieu ext-rieur peuvent entraner un perfectionnement quelconque desindividus, les classes les plus aises auraient d, de tous temps,produire les types psychologiques les plus remarquables. Or,lhistoire nous inflige cet gard un dmenti certain.

    Lennemi principal du monde actuel nest autre que lgosme des individus qui le composent. Les notions relatives la

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    ralit du moi sont anti sociales. Elles autorisent tacitementtoutes les violences.

    Lhom me d livr de lillusion du moi est hau tem en t so-cial.Les avidits, linstinct de domination, lesprit de concur-

    rence ont cd la place en lui lesprit de coopration, au dta-chement, la nonviolence et surtout lamour vritable.

    Un tel homme devient extraordinairement crateur et actifSes uvres portent lempreinte de la Vie ellemme.

    * * *

    Im portance des relations humaines.

    Etre cest tre en re lation nous dit K rishnam urti. Sapense tient compte de limportance du fait fondamental desrelations dans lUnivers.

    Les progrs rcents des sciences physiques, biologiques etpsychologiques montrent linterdpendance des lments con-stitutifs du cosmos.

    Rien n est isol. Tout se tient. De latom e ltoile, de lamatire lesprit tout nest que relation.

    La vie dun atome nous fournit un exemple saisissant dufait des relations dans les jeux dinterfrences prodigieuses en-tre le noyau et les lectrons. Les dcouvertes ralises en 1955>nous ont rvl le processus hallucinant des changes intensifsse produisant au cur des noyaux atomiques. Les lmentsconstitutifs des noyaux (protons et neutrons) se transformentcontinuellement. Ils sont dnus de toute individualit. Les pions , ces corpuscules rcemment dcouverts, jouent un rledes plus tranges. Des milliards de m illiards de fois p ar secondepro tons et neu trons schan gent des pions et procd en t des substitutions didentit fantastiques.

    Toute lvolution scientifique rcente se traduit par unemarche irrsistible vers la notion dune vanescence progressi-ve des individus.

    Au niveau ultime de lunivers physique o rside lessencede la matrialit, un fait fonda m ental et bouleversant app arat rle processus des relations est in fin im ent plus im porta nt quelindividualit des lments relis (1).

    (1) N ote : D an s son cours au Co l lge de France, le pro fesseur Edo uard Ler oy m etta i t aussi en-

    vidence la ncessi t de concevoir le ch angem ent comm e ral i t substant i e l le et pr i m it ive;

    comm e ralit substant iell e qui subsiste d'elle-m m e, sans exiger d e suppor t; l a chose au

    contra ire, n apparaissant qu t i t re second et dr iv , d isai t - i l .

    L m inent pen seur f ran ais considrai t la < chose comm e un symbo le ou sdim ent. . .

    f igur e d in t er frence dessin e par l a rencontre de f lu x adverses, ou aspect d un ryth m e plus '

    lent , r egard en cont raste avec un rythm e pl us r apide .E n un mot , substan t ia l i t in t r in sque du changement ; nu l beso in d un que lqu e chose-

    qui chan ge, et qu i , in var iable dan s ses profon deurs, por tera i t la m obi l i t d un , , t re oppos

    au , , devenir *\ e t qu i lu i serve de sout ien. L e changement se suf f i t l u i -m me et seul , au fond, existe vr i tablem ent.

    Cette posi t ion rencontre p le inement cel le de Kr ishnamurt i e t de a physique moderne^

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    Si nous dsirons dcouvrir la ralit essentielle de la Vienotre attention doit se porter vers son mode dexistence le plusvident, le plus palpable et le plus accessible. Le fa it des re la-tions peut tre considr comme le langage universel du Rel.

    Nous nexistons quen fonction de nos rapports avec ce quinous entoure.

    La connaissance vivante et relle de nousmmes ne peutdonc se raliser quau moyen de nos contacts, de nos conflits,de nos relations.

    Krishnamurti nous suggre doprer une mtamorphose to-tale de nos comportements. Son uvre nest pas une doctrine.Cest une nouvelle faon de vivre et de nous accomplir dans lecadre des relations que nous offre la Nature.

    Quel est le but rel de ltat de relation ? nous demandetil. Si vous vous observez dans vos rapports avec autrui, nevoyezvous pas que ces rapports sont un processus dautorvlation ? Mon contact avec vous ne me rv letil pas mo n tatd tre si je suis lucide, si je suis conscient de m es ra ctions ?

    Nos relations n ont pas beauco up de sens tan t qu e nousy cherchons un contentement mais acquirent une significationextraordinaire lorsquelles sont un moyen de nous rvler nousmm es et de nous connatre.

    L, o existe un sens possessif il ny a pas de rela tion s .(Premire et dernire libert p. 186 et 209)

    L Absolu : m ot sans contenu.

    La position krishnamurtienne diffre des disciplines mys-tiques nous reco m m and ant de nous en rem ettre Dieu oude nous effacer devan t lAbsolu . Le p en seu r hindou nousmontre quil est impossible de vivre conformment une rali-t que nous ne connaissons pas. Penser Dieu cest en un certainsens nier Dieu. Le Dieu de nos prires est une projection men-tale rigoureusement inscrite dans le champ de notre conscience.

    Le culte de telles reprsentations aboutit des tats dauto-hypnose.

    Il nest donc pas question de nous effacer devant lAbsolu.Le mo i et ses rsistances n e scarten t pas relle m ent p arun acte de choix ou de discipline. Ce sont l des vasions bienfaciles. Fuir nest pas rsoudre. Pour comprendre les difficul-ts nous devons les affronter et non les fuir.

    Dans un e tude re m arqu able intitule Critique de laRaison Im pure Carlo Suars nous m ontre la fragilit de nosnotions dAbsolu.

    Temps et espace absolus ne sont que des crations delesprit.

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    Le mot * absolu n est pas labsolu. Le mot Dieu nestpas Dieu.

    Le m ot am our nest pas lam our. K rishnam urti dnoncela magie toutepuissante que les mots exercent sur nos esprits.Le mot nest pas la chose. Cest vident. Mais il semble quenpratique nous loublions constamment. Quant au mot absolu nous dirons avec Suars quil est le roi des mots sans contenu.Rien nest immuablement fixe dans la matire comme danslesprit.

    Einstein nous a dmontr lexistence dautant de varitsde temps et despaces quil y a de densits de matire dans lesdiffrentes zones de lUnivers. La courbure de lespacetempsest proportionnelle la densit des zones tudies. Il y a autantde gomtries quil y a de courbures.

    Krishnamurti nous aide comprendre que nous accordonsaux choses et aux tres foncirement impermanents des carac-tres de fixit, de continuit rvlant notre propre inquitude*notre soif intime de continuit, notre refus voir la ralittelle quelle est.

    Bergson nous disait qu e no tre logique est une logique dessolides .

    Elle est ne de notre vision du contour dfini des chosesque n ous disons tre par ticuli res . Nous dcouvrons ensu iteque rien nest rellement solide, fixe, particulier ou permanent.

    Nos notions dabsolu rsultent dune compensation conscu-

    tive la dcouverte de limpermanence totale des tres et deschoses.

    Krishnamurti nous parle certes, dune Ralit Intemporellemais cette dernire diffre de la plupart des absolus tradition-nels.

    Le Prsent te rnellement neuf.

    La Ralit fondamentale de notre tre et de toutes choses

    est un renouvellement constant. En chaque moment prsentrsident les richesses dune recration intense et silencieuse.Nous pourrions recueillir dinstant en instant la confidenceindicible qu elle nous accorde. Hlas ! nous arrivons toujoursen retard au rendezvous de la Vie ! Le message u nique ettoujours renouvel nous chappe continuellement. Pour l re-cevoir nous devrions tre neufs dans linstant neuf. Nous som-mes mentalement fossiliss et trop encombrs de nousmmes.Notre lourdeur nous prive de lagilit ncessaire notre pr-sence au Prsent.

    Le moi nest q uune cons tellation dhab itudes mortes.Nos oprations mentales sont empreintes dun caractre beau-

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    coup plus routinier, rptitif et automatique que nous ne le sup-

    posons.Tout ce que nous approchons est instantanment nomm,

    interprt, compar, class. Nos automatismes mmoriels seprojettent dans chaque instant nouveau avec une rapidit ds-armante.

    Linertie de nos habitudes mentales nous transforme enmeurtriers inconscients de la fracheur et de la spontanit dela Vie.

    Ivrishnamurti nous enseigne que nous ne rencontrons quetrs rarement les tres tels quils sont. La lourdeur de nos ac-cumulations mmorielles passes paralyse notre facult dob-servation des faits actuels. Si la silhouette dune personne fa-milire se prsente dans notre champ visuel, nous sommes peine capables de la voir telle quelle est physiquement.

    Nous napercevons delle que l'image fixe et rigide scelleune fois pour toutes dans notre pense. Sa ralit, prsente surle plan psychologique, nous chappe plus compltement encore.

    Les tres et les choses que nous apercevons ne sont jamaisabsolument identiques. Cette loi universelle de transformationet de renouvellement sapplique autant nousmmes.

    Lins tinc t de con servation du moi est lobstac le le pluspuissant qui nous empche dtre prsent au Prsent. Cestlui qui maintient le droulement de notre film mental dans les

    limites troites de lhab itude.Chacun possde en luimme ce Vieil hom m e dont p a r-

    lent les Ecritures.

    Le dpouillem ent du Vieil Hom me en nous exige quenous mourions nousmmes en comprenant le rle strile denos mmoires passes.

    Natil pas t d it Quil faut m ou rir po ur ren atre ...etque Celui qui perdra sa vie la gagnera ...

    Le Vieil homme et le Gardien du Seuil symbolisentlensemble des rsistances psychologiques qui sopposent ennous au rythme crateur de FEternel Prsent.

    Ces rsistances nous paralysent et nous envotent. Ellesnous empchent de dcouvrir lexistence dun intervalle desilence entre linstant o nous percevons optiquement les treset les choses et celui o interviennent nos automatismes m-moriels. Ce vide interstitiel nous chappe continuellement. Unrflexe dautodfense extraordinairement rapide et subtil nousmet dans lincapacit de lapercevoir. La confrontation directedu silence interstitiel entranerait immdiatement la perceptionde la comdie que nous nous jouons nousmmes et lvidencedu caractre illusoire de nos identifications personnelles.

    De tous temps, de nombreux penseurs ont compris intellec-

    tuellement la ncessit dun affranchissement du pass et celle

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    dtre disponible au Prsent. Krishnamurti nous enseigne ce-

    pendant que pour la plupart dentre nous la comprhension selimite beaucoup plus que nous ne le supposons au niveau pure-ment verbal. L se situe le danger.

    En dpit de tout ce que nous avons lu et croyons savoir duca rac tre illusoire du moi , une pa rtie de nousm me serserve et saccroche dsesprment son pass. Secrtement,elle souhaite saisir quelque chose de linstant neuf.

    Un tel compromis est impossible, nous dit Krishnamurti.Sur les ruines de lenlit passe qui scroulent, un autre moi ne peut se reconstruire. Il ny a pas ici de demimesures. Onnest pas un peu plus dans le prsent et un peu moins attachau pass. Cest tout ou rien. On transige avec les hommes. On

    ne transige pas avec le Rel.Cette nudit intrieure totale nous effraye et nous choque.

    Nous nous refusons dy adhrer et prenons comme excuse laprtendue incohrence qui lui serait inhrente.

    Linnocence suprme, la gratuit, la spontanit sont lesformes les plus hautes de lIntelligence. Nos complexits intel-lectuelles nen sont que les caricatures, et, ce qui est plus grave,les usurpations.

    Nous trouvons ici la signification profonde des antiquesparoles :

    He ureux les simples en esp rit, le Roy aum e des Cieuxleur appartient .

    Nul nentrera au Royaume des Cieux sil nest redevenusimp le comm e un enfa nt .

    La vie que nous suggre de vivre Krishnamurti est simple,naturelle et profondment heureuse. Elle est une participationtoujours renouvele la flicit du Prsent.

    Qui dissout le moi ?

    Krishnamurti nous enseigne que la dissolution du processusdu moi rsu lte d une observ ation silencieuse, attentive, af-franchie de tout choix, de toute condamnation, de toute appro-

    bation.Nous voyons dautre part quil dnonce le caractre illu-

    soire du moi .La logique nous suggre imm diatem ent une question :

    Qui est lucide ?

    Com men t le moi peutil observer, se dgager de ses li-mites, dfaire les nuds psychologiques qui lemprisonnentsil est une illusion ?

    Un fait nous chappe : ltat dobservation silencieuse dontparle Krishnamurti implique un affranchissement total de nosautomatismes mmoriels, de nos choix, de nos prfrences et

    de nos rpulsions. Un tel tat consacre la dissolution du moi .

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    Il est une lucidit pure dont les lments personnels sont en-tirement exclus.

    Ce nest plus en ralit seulement le moi qu i observeet qui dissout.

    Cest lIntelligence seule qui opre la mutation psycholo-gique en nousmmes et par nousmmes. Cette forme suprieu-re de lIntelligence nest pas spare de lAmour.

    Il est para do xa l de c on stater que si le moi est illusoireen tant quautoidentification psychologique, les lments quile constituent font partie du Rel. La contradiction est ici plusapp arente que relle.

    Nous sommes le Rel mais nous ne le savons pas. Lespritlibr de la routine , de lhab itude e t du connu est luimme

    lInconnu.Nous citerons ici Krishnamurti luimme (London Talks

    1953 p. 30, 32, 33).

    Lorsque lesprit est libr du pass, de lexprience, dela mm oire, il est lInconnu. P ou r un tel esprit il n y a pas demort.

    Ce silence nest pas une ide. Cest un fait. Cest lInsondabie, lInconnu.

    Dans cette perspective, il ny a donc pas de voie. Nous som-mes nousmmes la voie. Nous navons pas ddifice spirituel construire. Nous navons rien acqurir. Tout est l. Maisnous avons des yeux... et nous ne voyons point.

    Quoique pratiquement ardu pour nous, en vertu de noscomplexits inutiles, le problme est en soi dune simplicitextraordinaire. Il se limite ltablissement dun fo nctionne-m e n t harmonieux de lintelligence. Il ne sagit donc pas dunequestion de substance mais de fonctionnement.

    Le problme de lorigine de cette disharmonie fonctionnelleest aussi parad ox al qu il puisse pa ratre un p seudoproblme dont la gense dpasse le cadre de cette tude sommaire.

    Passivit mentale et action cratrice.

    La pense n gative est la form e la plus ha ute de l In-telligence nous dit Krishn am urti. Ceci conf re au rle detout instructeur vritable un caractre bien ingrat. La passi-vit mentale veille la mfiance.

    La pense ngative est un tat desprit au quel accde lhom -me qui saffranchit de lemprise de ses mmoires passes. Lemental a cess de se projeter, de sobjectiver. Pour un telhomme, la prsence de lUnivers suffit. Elle est en un certainsens beaucoup plus importante et rvlatrice que ses anciennesdductions et constatations de lUnivers.

    La Ralit sest rvle plus authentique que les prtenduesexpriences ralises son sujet.

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    La passivit cratrice dont nous parle Krishnamurti com-po rte un double aspect : prem irem ent, celui dune passivit

    apparemment ngative sadressant aux lments du moi;deux im em ent un aspect actif et cr ate ur : celui de lactiondu Rel rendue possible par la passivit du moi (2).

    Malgr nos prtentions dhommes ralistes et pratiquesnous connaissons peu de choses de Yaction positive. Nos actessont lexpression de ractions et rflexes mentaux dont nousignorons les processus. La lgende dune prtendue inaction in-hrente la dissolution du moi doit tre dtruite.

    Laction et le travail vritables ne commencent qu partirde la libration du moi . Lacte com plet ne proc de plus desavidits gostes.

    II exprime la plnitude de la Vie.

    * * *

    Conclusions :

    Luvre krishnamurtienne nous donne les moyens de nousconnatre et de nous accomplir.

    Elle nous suggre une autorvlation que nous sommestous en mesure de raliser laide des lments concrets dontnous disposons quotidiennement. Il ny l aucune impossi-bilit, aucune hypothse mais considration simple et directe

    de ce qui est. En dpit de ses apparence, cet enseignementnentrane pas une dshumanisation de lhumain. Il permet laralisation dune dignit nouvelle dans la plnitude de lIntelli-gence et de lAmour.

    (a) U n e not ion sem blable const i t ue la c l du m yst ic isme chinois. El l e se t rouve rsum e par

    l ' ex p r e ssi o n t a o st e W e i W u W e i >. W e i si g n i f i e ag i r . concerne la passiv i t , la non- in te rven t ion desautom at ismes m mor ie ls du moi . L e prem ier W ei sym bol ise I act ion posi t ive et cratr ice

    que notre passiv i t mentale permet de manifester .