38
DOCUMENT DE TRAVAIL Texte élaboré pour le séminaire du réseau « Démocratie en ligne » (DEL) du 26 janvier 2012 Qui milite sur le Net ? Esquisse d’un profil sociologique du « cyber-militant » au PS et à l’UMP Anaïs Theviot [email protected] « J’intègre complètement les nouvelles technologies dans mon militantisme, Facebook, Twitterje dis ce que je fais et ce que je pense sur Facebook et Twitter. Hier j’étais en déplacement avec Jean-François Copé, je prends une photo pour le montrer. Parce que voilà ça permet de montrer ce qu’on fait, les gens peuvent poser des questions s’ils en ont. Quand il y a Henri Emmanuelli qui a fait son doigt d’honneur, j’ai communiqué sur Twitter pour lui décerner une palme de la honte. C’est sûr que ça a complétement changé les manières de militer. » 1 Internet 2 a timidement fait son entrée dans le domaine politique au début des années 1990 jusqu’à être considéré aujourd’hui comme un outil indispensable en communication politique, « un obligatoire de campagne » (Lefebvre, Ethuin, 2002, p.155-177). Cet attrait grandissant pour les technologies est particulièrement visible lors des campagnes électorales où les candidats se livrent une véritable « course politique virtuelle » (Baroni, Treille, 2010, p.1137). Remi Lefebvre et Nathalie Ethuin voient dans les élections municipales de 2001, les prémices de l'utilisation du Web par les politiques en France (Ethuin, Lefebvre, 2002). En 2004, la campagne des régionales a été marquée par le « phénomène du Weblog » en politique (Greffet, 2007). Encore marginal, Internet s’est propulsé sur le devant de la scène politique française lors des campagnes sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe de 2005 (Fouetillou, 2008) et lors de l’élection présidentielle de 2007 (Yanoshevsky, 2009). Ceci est bien visible quand on regarde le budget consacré au Web lors de la campagne de 2007, comparé à celle de 2002 : 900 000 euros pour la campagne en ligne de Ségolène Royal, axée sur des dispositifs participatifs (Vaccari, 2008). Ainsi, depuis le milieu des années 2000, la palette des outils numériques utilisés (non forcément maîtrisés) par les hommes politiques français ne cesse de s’élargir: Twitter 3 , Facebook 4 , Dailymotion, Youtube, Flickr 5 , 1 Benjamin Lancar, 25 ans, Président des Jeunes Populaires. Entretien du 8 juin 2011. 2 Je tiens à remercier Viviane Le Hay pour son aide précieuse dans l’élaboration de mon questionnaire et sa formation au logiciel Stata, Matthieu Béra, Cindy Morillas et Antoine Roger pour leurs conseils et leurs relectures actives. 3 Service de microblogging, permettant aux utilisateurs de bloguer grâce à des messages courts (140 signes maximum,), Twitter est aujourd’hui utilisé principalement pour donner de l’information en direct et se faire un réseau d'internautes partageant des intérêts communs. 4 Facebook est un réseau social créé en 2004 par Mark Zuckerberg, initialement réservé aux étudiants d'Harvard puis progressivement ouvert à tous les internautes. 5 Il s’agit d’un site Internet de partage gratuit de vidéos et de photographies.

Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

DOCUMENT DE TRAVAIL

Texte élaboré pour le séminaire du réseau « Démocratie en ligne » (DEL) du 26 janvier 2012

Qui milite sur le Net ?

Esquisse d’un profil sociologique du « cyber-militant » au PS et à l’UMP

Anaïs Theviot [email protected]

« J’intègre complètement les nouvelles technologies dans mon militantisme, Facebook, Twitter… je dis ce que je fais et ce que je pense sur Facebook et Twitter. Hier j’étais en déplacement avec Jean-François Copé, je prends une photo pour le

montrer. Parce que voilà ça permet de montrer ce qu’on fait, les gens peuvent poser des questions s’ils en ont. Quand il y a Henri Emmanuelli qui a fait son doigt d’honneur, j’ai communiqué sur Twitter pour lui décerner une palme de la honte.

C’est sûr que ça a complétement changé les manières de militer. »1

Internet2 a timidement fait son entrée dans le domaine politique au début des années

1990 jusqu’à être considéré aujourd’hui comme un outil indispensable en communication

politique, « un obligatoire de campagne » (Lefebvre, Ethuin, 2002, p.155-177). Cet attrait

grandissant pour les technologies est particulièrement visible lors des campagnes électorales

où les candidats se livrent une véritable « course politique virtuelle » (Baroni, Treille, 2010,

p.1137). Remi Lefebvre et Nathalie Ethuin voient dans les élections municipales de 2001, les

prémices de l'utilisation du Web par les politiques en France (Ethuin, Lefebvre, 2002). En

2004, la campagne des régionales a été marquée par le « phénomène du Weblog » en politique

(Greffet, 2007). Encore marginal, Internet s’est propulsé sur le devant de la scène politique

française lors des campagnes sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe de 2005

(Fouetillou, 2008) et lors de l’élection présidentielle de 2007 (Yanoshevsky, 2009). Ceci est

bien visible quand on regarde le budget consacré au Web lors de la campagne de 2007,

comparé à celle de 2002 : 900 000 euros pour la campagne en ligne de Ségolène Royal, axée

sur des dispositifs participatifs (Vaccari, 2008). Ainsi, depuis le milieu des années 2000, la

palette des outils numériques utilisés (non forcément maîtrisés) par les hommes politiques

français ne cesse de s’élargir: Twitter3, Facebook

4, Dailymotion, Youtube, Flickr

5,

1 Benjamin Lancar, 25 ans, Président des Jeunes Populaires. Entretien du 8 juin 2011.

2 Je tiens à remercier Viviane Le Hay pour son aide précieuse dans l’élaboration de mon questionnaire et sa

formation au logiciel Stata, Matthieu Béra, Cindy Morillas et Antoine Roger pour leurs conseils et leurs

relectures actives.

3 Service de microblogging, permettant aux utilisateurs de bloguer grâce à des messages courts (140 signes

maximum,), Twitter est aujourd’hui utilisé principalement pour donner de l’information en direct et se faire un

réseau d'internautes partageant des intérêts communs.

4 Facebook est un réseau social créé en 2004 par Mark Zuckerberg, initialement réservé aux étudiants d'Harvard

puis progressivement ouvert à tous les internautes. 5 Il s’agit d’un site Internet de partage gratuit de vidéos et de photographies.

Page 2: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

rousset.mobi6... Le succès phénoménal de mybarackobama.com

7, outre-Atlantique, a encore

renforcé l’intérêt des hommes politiques français pour la Toile. La plupart ont désormais leur

propre blog, leur page sur Facebook, leur compte Twitter pour rester visibles même hors des

périodes électorales8. Ces outils mettent le candidat au cœur du dispositif de communication

dans une démarche de personnification du discours politique, si bien que l’on pourrait croire

que ces acteurs sont venus « naturellement » au Web et s’expriment avec facilité, voire plaisir.

Il est plutôt rare qu’une personnalité politique gère tous ses outils numériques elle-même,

faute de temps et/ou de compétence ; surtout lorsqu’elle a été « forcée » par l’organisation

partisane à se tourner vers ces technologies. Sur les traces de Barack Obama, certains partis

politiques français tentent de créer une « dynamique Web »9, que ce soit auprès des candidats,

des élus ou même des militants.

Pourtant, les partis politiques ont souvent été pointés du doigt comme des instances ne

pouvant tirer parti des potentialités d’Internet, du fait de leur volonté de contrôle (parole en

ligne encadrée) et de la fermeture de leurs modes de fonctionnement (organisation

pyramidale, hiérarchisée). Ainsi, Steve Davis, Larry Elin et Grant Reeher, en analysant la

présidentielle américaine de l’an 2000 relativisent déjà l’impact de l’usage d’Internet dans la

mesure où les principales organisations politiques l’ont utilisé comme une nouvelle version

des précédents médias (télévision, radio et presse) pour diffuser de l’information, sans pour

autant s’emparer des spécificités du Net en termes d’interactivité et de débat (Davis et al.,

2002). Pour Olivier Blondeau et Laurence Allard, les partis politiques feraient face à « des

difficultés insurmontables » (Blondeau, Allard, 2007, p.45) pour s’emparer réellement du

réseau car ils ne sauraient se détacher de leur mode d’organisation traditionnel, à l’opposé de

« l’esprit » du Net. Ces critiques font écho à la forme réticulaire du Web, plus adaptée (en

apparence ?) aux nouvelles formes d’action politique, moins hiérarchisées et davantage

tournées vers l’international. En effet, les premières formes de militantisme en ligne sont

apparues au sein d’organisations moins institutionnalisées ou faiblement dotées en ressources

organisationnelles, comparées aux partis politiques. À travers le cas d’ATTAC, Flora

Trautmann a montré que les débats menés sur le Net par certains militants de base ont permis

de communiquer plus directement avec les instances dirigeantes (Trautmann, 2001). Au sein

des « mouvements anti-mondialisation », s’est mis en place un réseau de militants

transnationaux qui, au-delà des rencontres ponctuelles dans le cadre des forums sociaux,

discutaient et diffusaient de l’information sur la Toile. Dominique Cardon et Fabien Granjon

soulignent que la structure réticulaire du réseau « entretiendrait ainsi une sorte d’affinité

structurelle avec le mouvement anti-mondialisation, peu structuré, engagé dans des logiques

de projets, fortement mobile dans le choix de ses cibles et de ses modes d’actions. » (Cardon,

Granjon, 2002). La démarche (l’esprit) de la Toile et du néomilitantisme altermondialiste des

forums sociaux semblent converger.

6 Application pour Iphone afin de suivre la campagne, mis en place le 27 janvier 2010, par l’équipe d’Alain

Rousset. « Suivez l’actu de la compagne depuis votre Iphone », http://www.rousset2010.fr/regionales-

aquitaine/rousset2010/suivez-l%E2%80%99actu-de-la-campagne-depuis-votre-iphone

7 My.BarackObama.com est le nom du réseau social créé par l’équipe Web de campagne d’Obama. Il permet de

créer son profil et de s’impliquer dans l’organisation de la campagne à travers l’organisation d’évènements, la

rédaction de blogs, les appels téléphoniques ou encore les levées de fonds. Cette plateforme communautaire a

généré la création de 2 millions de profils, 35 000 groupes de volontaires, 400 000 blogposts et 200 000

événements organisés pendant la durée de la campagne. 8 En 2004, Alain Rousset, André Santini, puis Jean-François Copé ont utilisé ce nouveau mode de

communication comme un outil de campagne. D'autres, comme par exemple Dominique Strauss-Kahn ou Alain

Juppé, l'ont davantage perçu comme une page personnelle de réflexion, destinée à perdurer après les périodes de

campagne. Né « officiellement » le 16 décembre 2004, le blog-notes d’Alain Juppé perdure encore aujourd’hui. 9 Les partis politiques en sont venus à créer un poste Web, devenu une cellule Web, puis un service Web… La

place prises par le Web dans l’organisation interne du parti ne cesse d’augmenter ces dernières années, ce dont

témoignent concrètement les nombreux recrutements de permanents dans ce domaine.

Page 3: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années

comme le montre le nombre de sites de partis politiques dans le monde repérés par Pipa

Norris en 2001 : 1371, soit une moyenne de 7 sites politiques par pays (Norris, 2001). Depuis

le début des années 2000, les partis politiques français ont eux aussi investis la Toile et

comptent s’y installer en vue de la prochaine élection présidentielle. Helen Margetts parle

même de « cyber-parti », au sens où le parti tendrait à se détacher des structures

traditionnelles et des modes de communication en face à face et privilégierait la machine sans

intermédiaire humain (Margetts, 2006). Désormais, il n’y a pas que les figures politiques qui

sont incitées par l’institution partisane à utiliser le Web. Les militants se doivent, eux aussi,

d’être actifs sur le Net. Nous pouvons ainsi reprendre la formule d’Helen Margetts, en

l’adossant cette fois-ci aux militants : le « cyber-militant » serait donc un militant qui ne

militerait que sur le Net (pas de militance hors ligne : collage, tractage, réunion de section…),

ou dans un sens plus large10

majoritairement sur le Net. Mais qui milite sur le Net ? Quel est

le profil sociologique du « cyber-militant » ?

Des incitations fortes à militer en ligne au PS et à l’UMP

Dès septembre 1998, une section virtuelle (et thématique puisqu’elle ne s’intéresse qu’aux

technologies de l’information et de la communication (TIC)) du Parti Socialiste (PS) voit le

jour afin d’expérimenter de nouveaux modes de fonctionnement au niveau de l’unité de base

d’un parti politique, en s’appuyant sur les outils en ligne ; et d’entamer une réflexion sur les

TIC au sein du parti dans une visée programmatique. En décembre 2003, la section

revendiquait 230 participants : 60 « adhérents » (ils adhérent au PS via la section virtuelle

Temps réels), 70 « membres associés » (déjà membres du PS, ils participent aux travaux de

Temps réels sans quitter leur propre section) et 100 «correspondants » (ils participent aux

travaux de Temps réels, sans adhérer au PS). Le site Web a été consulté par 6 000 personnes

en 2003 (20 000 pages vues). « Groupe de « cyberactivistes », Temps réels explore l’Internet

en tant qu’espace à investir par l’activité politique et pour promouvoir ses positions. (…)

L’histoire de Temps réels témoigne de la transformation des modes d’engagement en cours au

sein des partis traditionnels et de la compatibilité – partielle, évolutive – de ces nouveaux

engagements avec la forme partisane.» (Beauvallet, Ronai, 2005, p.). D’autres initiatives ont

vu le jour au sein du PS afin de promouvoir les discussions politiques en ligne, voire de faire

émerger de nouvelles formes de militantisme en ligne. La « campagne participative » de

Ségolène Royal avec le support de son association « Désirs d'avenir » s’est fortement appuyée

sur des interfaces numérisées afin d’impliquer les militants et d’amorcer des débats en ligne. «

Les activités sociales de militantisme ont été sémiotisées : quittant les lieux de réunion, les

préaux et les marchés valorisés dans le folklore des partis, elles ont migré vers l’écrit des

‘forums participatifs’, des listes électroniques, de discussion, des blogs » (Beauvallet, 2007).

135 000 contributions ont été enregistrées sur ce site et synthétisées dans « Les Cahiers

d’espérance». Mais Désirs d’Avenir a dû faire face à de nombreuses critiques, certains lui

reprochant d’entretenir une illusion de prise en compte de la parole du militant lambda dans

les processus de décision, en surfant sur la vague de la « démocratie participative » (Bousquet,

2007 ; Jullia, 2007).

À écouter les militants socialistes, l’Union pour un Mouvement Populaire est très en retard sur

la Toile car ce mode de communication ne correspond pas à sa « culture », contrairement au

PS, habitué au débat et à l’échange d’idées en section. Pourtant, depuis quelques années, les

10

C’est cette acception plu large que nous adoptons pour ce texte.

Page 4: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

cadres de l’UMP ont investi la Toile : « Je pense qu’on avait un retard. Mais maintenant on a

commencé à le combler. Mais quand on est dans la majorité, Internet, c’est [sic] pas très

simple car Internet c’est un outil de protestation. Donc c’est certain qu’il y a des progrès à

faire. Mais je pense qu’on les a faits. On a formé, on a créé des outils nouveaux pour donner

des idées de tweet au gens, on a fait un vrai suivi. Au bout d’un an, il y a un effort qui a été

fait et ça se voit sur la Toile »11

.

Depuis le début des années 2000, l’UMP instaure des mesures novatrices tournées vers les

TIC dans son organisation interne afin de favoriser leur appropriation par les militants. Dès

son congrès fondateur en 2002, le parti a mis en place un système de vote électronique pour

les adhérents qui pouvaient ainsi voter depuis leur domicile. Lucie Bargel et Anne-Sophie

Petitfils soulignent que l’usage du Web s’est intensifié en 2004, avec l’arrivée de Nicolas

Sarkozy à la tête de l’UMP afin, dans un premier temps, de recruter de « nouveaux

adhérents » (Bargel, Petitfils, 2011, p. 188). Internet permet d’entrer directement dans les

foyers via l’écran d’ordinateur et de proposer une adhésion pour des personnes qui n’auraient

peut-être pas franchi le pas s’il était nécessaire de se déplacer à la permanence locale du parti :

« Internet, c’est plus direct. Ça vient à nous. En surfant sur le Net, j’ai pu écouter, un peu par

hasard, le discours de Barack Obama et j’ai eu des frissons. Ça m’a donné envie d’aller voir

ce que disait Nicolas Sarkozy. J’étais admirative. J’ai ensuite voulu rencontrer d’autres

personnes qui avaient la même impression que moi »12

.

Au-delà du recrutement de nouveaux adhérents, les militants sont aussi chargés de diffuser de

l’information (partisane) en ligne afin de sensibiliser les citoyens dans une perspective

électorale. Le parti sollicite ainsi régulièrement ses « supporters » pour que leurs idées

politiques soient visibles sur le réseau; comme ce fut le cas en décembre 2006, lorsque tous

les adhérents UMP reçoivent sur leur boite mail une vidéo leur expliquant comment créer leur

propre blog militant. Suivant l’exemple de la section virtuelle du PS, en 2007, c’est cette fois-

ci une Fédération numérique qui est créée par l’UMP : « elle est chargée de fédérer les sites,

et ses instigateurs s’adressent explicitement aux sympathisants-internautes réputés rétifs à la

prise de carte et jugés peu intéressés par l’ancrage local » (Haegel, 2009). Plus récemment, en

2011, lors de l’émission « Paroles de Français » (où Nicolas Sarkozy dialoguait avec neuf

citoyens) diffusée sur TF1 le 10 février, Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP,

avait envoyé un mail à l’ensemble des militants pour les inciter à « relayer les messages » du

Président. « Nous serons unis pour faire face aux campagnes de désinformation et de

démagogie orchestrées par l'opposition et relayées sans scrupule par certains médias. Je

compte particulièrement sur vous pour faire part de vos réactions et commentaires sur les

différents sites d'actualités disponibles sur Internet »13

. Benjamin Lancar avait alors lui aussi

lancé un appel aux jeunes militants UMP : « En face, ils sont organisés. Sur les réseaux

sociaux, sur les sites d'infos, des mensonges seront diffusés sur la toile jeudi soir. La

désinformation commencera à partir du moment où le Président parlera, mais on sera actifs ».

Les Jeunes Populaires sont d’ailleurs la cible privilégiée de ce type d’incitations. En

septembre 2006, lors de l’Université d’été de Marseille, l’UMP leur permet de créer

gratuitement leur blog militant UMP à partir de la plateforme Typepad14

. Lors d’une nouvelle

adhésion aux Jeunes Populaires, le jeune militant reçoit une lettre signée de Benjamin Lancar,

Président des Jeunes Pop’ lui rappelant ses missions en tant que militant. L’usage des outils

pour rendre visible les actions et valeurs de l’UMP est vivement recommandé : « L’ensemble

du Bureau National et ton équipe départementale comptent désormais sur toi pour militer au

plus près de ton territoire notamment par des boitages, des collages, des tractages et bien sûr

11

Benjamin Lancar, 25 ans, Président des Jeunes Populaires. Entretien du 8 juin 2011 12

Marjorie, 17 ans, Jeune Populaire et militante à l’UMP. Entretien du 8 juin 2011. 13

Jean-François Copé dans sa lettre aux militants UMP. 14

Typepad est un service de blogs, lancé en 2003.

Page 5: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

du porte-à-porte. Tu dois également et dès à présent être très militant sur Internet et tes

réseaux sociaux favoris (Twitter, Facebook…). »15

Dans la perspective de l’élection

présidentielle, Benjamin Lancar pense d’ailleurs créer des outils attractifs qui vont donner

envie aux militants d’agir sur le Web : « Nous, pour les présidentielles, ce qu’on va essayer de

faire au maximum c’est d’inciter… de créer des outils militants qui vont inciter les adhérents

à venir militer. Ça peut être des concours militants, ça peut être avoir des alertes, des

applications smartphone pour savoir où se passe les événements. Voilà, c’est ce qu’on va

essayer de faire »16

En effet, des outils virtuels destinés spécifiquement aux militants viennent de voir le jour, tels

que les réseaux sociaux partisans (Coopol17

, Démocrates18

…). Le 31 mars 2011, les membres

du réseau social de République Solidaire, « Villepincom », ont reçu le message suivant :

« Chers amis, à quelques jours de la présentation du projet 2012 de Dominique de Villepin,

nous devons nous mobiliser sur Internet et montrer que République solidaire est largement

devant les autres formations politiques. » Il s’agit ici d’une stratégie d’affichage afin d’être

visible sur la Toile en vue des prochaines échéances électorales. La perspective de l’élection

présidentielle de 2012 a également amené le Parti Socialiste (PS) à créer son propre réseau

social, destiné à mobiliser sympathisants de gauche et adhérents sur la Toile. Ainsi, le 12

janvier 2010, la Coopol19

(ou Coopérative politique) se fait connaître du grand public :

« Avec la Coopol, découvrez une nouvelle génération d'outils d’organisation et de

mobilisation politique pour échanger en ligne et agir sur le terrain. ». Testé pendant les

dernières régionales et cantonales, la Coopol sera bien présente lors de la campagne pour

l’élection présidentielle de 2012 : « La Coopol sera toujours là en 2012 et elle sera même un

pilier indispensable des primaires, puis de la campagne »20

. En revanche, le site participatif de

l’UMP, Les Créateurs du possible, crée le 7 janvier 2010, a été contraint de fermer devant le

manque de participation. Le « projet phare de la stratégie de modernisation du mouvement

populaire »21

a connu de grandes difficultés pour s’imposer sur la Toile. Benjamin Lancar,

Président des Jeunes populaires, reconnaît cet échec : « ça n’a pas marché. Les militants n’ont

pas accroché et même les jeunes militants n’ont jamais accroché avec ça. C’est dommage. »22

Ainsi, toutes les initiatives tournées vers la « Web politique » ne sont pas forcément

couronnées de succès. Les militants n’adhérent pas de façon systématique aux outils

numériques mis en place par leur parti. Il arrive même que ces incitations permanentes à

utiliser le Web soient mal perçues par certains militants qui ne s’inscrivent pas dans cette

démarche : « Disons que les jeunes qui font partie des Jeunes Populaires, ils vont être à fond.

Ils revendiquent à fond parce que ces des jeunes qui sont… Comment dire ça ? … C’est pour

ça que je suis partie de là-dedans. Tu es vraiment canalisé. On te dit : « Il faut faire comme-ci,

il faut faire comme ça » et puis ils vont le crier haut et fort. Moi, je ne suis pas non plus

comme ça… Je ne vais pas me balader avec mon T-shirt de Sarkozy. Je ne vais pas aller sur

tous les forums à la demande du parti »23

. Benjamin, Jeune populaire et militant UMP,

explique qu’il souhaite prendre part à la reconquête du Web afin de mettre à mal « la

gauchosphère » 24

, mais de manière complémentaire : « Je suivrai plus ou moins le pas. Mais

15

Propos recueillis sur une lettre adressée à un nouvel adhérent UMP. 16

Benjamin Lancar, 25 ans, Président des Jeunes Populaires. Entretien du 8 juin 2011. 17

http://www.lacoopol.fr/presentation 18

http://lesdemocrates.fr/reseau-social/

19http://www.lacoopol.fr/presentation 20

Propos tenus par Emile Josselin, responsable des contenus Web au Parti socialiste, « PS et UMP se cherchent

une stratégie Web pour 2012 », Le journal du Dimanche, 22 Décembre 2010 21

Propos tenus par Xavier Bertrand, lors de l'université d'été de l’UMP en septembre 2009 à Seignosse. 22

Benjamin Lancar, 25 ans, Président des Jeunes Populaires. Entretien du 8 juin 2011 23

Elodie, 20 ans, militante à l’UMP, ex-Jeune Pop’, Fédération Gironde, Entretien du 6 mai 2011 24

« La blogosphère, c’est plutôt une gauchosphère », Benjamin Lancar

Page 6: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

je ne veux pas rester devant un ordinateur, je veux aussi être sur le terrain. Je ne veux pas être

caché dans un bureau, être un administrateur fantôme. Et je n’ai pas beaucoup de temps pour

avoir cette action sur Internet, aller sur les forums… Je privilégie le contact humain, la

pratique»25

. Benjamin Lancar a bien conscience que ce n’est parce que l’on est militant qu’on

a forcément envie de s’investir sur le Web : « Il faut cibler. Tu peux [sic] pas avoir 100% de

tes militants sur Internet. Il faut cibler qui. ».

Des recherches par « le haut » et non par « le bas »

Qui milite sur le Net ? Les recherches actuelles en sciences sociales ne disent pas grand-chose

à ce sujet. Il en effet difficile de repérer qui s’exprime, caché derrière son écran, souvent sous

couvert d’anonymat. Au-delà du profil du « cyber-militant », celui du « cyber-citoyen » est

déjà difficilement repérable. Patrice Flichy souligne l’absence de recherche empirique

dans ce domaine : « Il resterait néanmoins à se demander qui participe à ses débats sur

Internet. Les études, dans ce domaine, sont malheureusement rares » (Flichy, 2008).

Stéphanie Wojcik constate elle aussi « la méconnaissance des trajectoires des individus

prenant part aux dispositifs participatifs, qu’ils soient en ligne ou hors ligne » (Wojcik,

2008). Dans le cadre de sa thèse, elle n’a d’ailleurs pas pu interroger les utilisateurs des

forums municipaux étudiés : « il n’a pas été possible d’effectuer des entretiens auprès

des internautes, la parole qui leur est donnée au cours de ce travail provient donc

exclusivement de messages écrits postés sur les forums de discussion » (Wojcik, 2005).

Leur profil socio-démographique n’est pas identifié de manière précise. De nombreuses

recherches prennent comme point de départ l’outil, le dispositif en ligne (forums

municipaux, Webforums politiques, sites de partis politiques, blogs…) et il est alors

bien plus difficile de connaître précisément qui prend part au dispositif étudié. En

adoptant cette démarche centrée sur l’outil, il est plus aisé de « remonter le fil », d’aller

interroger ceux qui sont à l’origine du dispositif et beaucoup plus ardu de dépasser

l’anonymat des participants.

Les recherches actuelles portent ainsi davantage sur les usages des TIC par « le haut »

(institutions à l’origine du dispositif) et non par « le bas » (les usagers directs :

Internautes-citoyens, Internautes-militants). La thèse de Gersende Blanchard s’inscrit

dans cette optique en axant sa recherche sur les sites Internet des partis politiques

français hors période de campagne (Blanchard, 2007). Elle s’intéresse aux stratégies de

communication que mettent en place les directions des partis politiques sur la Toile afin

de « renforcer leur rôle de médiateur social » (Blanchard, 2006) et à leurs appropriations

du réseau. Toutefois, une partie de cette thèse est consacrée à l’intégration de la parole

citoyenne ordinaire à travers l’étude de forums de discussions. Mais là encore, partir de

l’outil –forum de discussion – ne permet pas d’identifier clairement le profil de ces

citoyens qui prennent la parole en ligne : « Notre démarche pour le présent travail a

consisté en l’appréhension de l’usage que font les internautes des forums de discussions

à partir de « traces d’usages »26

: les usagers n’ont donc été perçus qu’au travers de leurs

productions discursives, et de la médiation de celles-ci, exercée par les modérateurs des

forums, ou au travers de la représentation qu’en ont les acteurs de la mise en œuvre de la

communication des partis. ». En conclusion de sa thèse, dans ses perspectives de

recherche, l’auteure précise d’ailleurs : « Une étude menée auprès des usagers nous

permettrait d’appréhender de manière directe qui sont ces internautes qui consultent les

sites Web des partis, quels sont leurs objectifs et leurs pratiques effectives , ainsi que la

Vidéo en ligne : http://www.youtube.com/watch?v=LIskr7nmLu4 25

Romain, 18 ans, Jeune populaire et militant à l’UMP, Fédération Gironde, Entretien du 6 juin 2011 26

Beaudouin, Licoppe, 2002, p.10

Page 7: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

manière dont ils intègrent l’usage de l’Internet dans leurs pratiques politiques ( ?) »

(Blanchard, 2007, p.431). Lorsque les chercheurs se penchent sur les usagers, c’est

essentiellement à travers leur mots, c’est-à-dire l’analyse des discussions en ligne en

adoptant une méthodologie d’analyse de contenu (Dalhberg, 2001 ; Marcoccia, 2003,

2006 ; Kies, 2008 ; Marlier, 2009 ; Desquinabo, 2011).

Quelques travaux ont néanmoins commencé à explorer ce terrain d’étude et apporte des

renseignements utiles sur le profil socio-démographique des « cyber-citoyens », voire

des « cyber-militants ». Dans son analyse d’ATTAC, Flora Trautmann se demande si

ceux qui militent hors ligne pour ATTAC ont le même profil que ceux qui militent en

ligne dans le cadre d’ATTAC. Pour cela, elle a diffusé un questionnaire (400 distribués

pour 96 retours, dont 62 disposant d’une connexion Internet et 52 l’utilisant dans le

cadre d’ATTAC) aux adhérents en l’envoyant ou le distribuant auprès de certains

comités locaux d’ATTAC. Selon son échantillon (qui ne se veut pas représentatif), les

individus connectés sont plus jeunes et plus favorisés socialement (plus diplômés) par

rapport à la moyenne de l’association. « Il faut noter en outre que ce décalage est

particulièrement important sur l’axe du capital culturel plus que sur celui du capital

économique, pour reprendre la terminologie bourdieusienne. » (Trautmann, 2001, p.35).

Ils sont aussi plus exigeants en matière de fonctionnement démocratique interne et plus

méfiants à l’égard des dirigeants. Les adhérents d’Attac utilisant Internet pour leur

engagement associatif ne sont ni porteurs d’un mandat ni spécialement représentatifs de

l’ensemble des adhérents.

Dans leurs recherches sur la section virtuelle du PS, Temps réels, Godefroy Beauvallet

et Maurice Ronai nous donnent des informations sur le profil des participants à cette

plateforme (comparés aux militants socialistes « traditionnels » ou hors ligne), sans pour

autant préciser l’origine de ces données : « Temps réels se distingue par une

composition sociologique décalée par rapport à celle du parti socialiste, en termes socio -

professionnels – 70 % de ses membres sont issus du secteur privé –, d’âge – ses

membres sont nettement plus jeunes que ceux du parti socialiste, avec une moyenne de

35 ans en 2003 – et de sexe – il n’y a que 25 % de femmes, ce qui reflète sans doute un

biais sectoriel historique dans le secteur des technologies de l’information et de la

communication. » (Beauvallet, Ronai, 2005).

Plus récemment, une enquête nationale a été menée par le PS en mai 2006 afin

d’identifier les « nouveaux adhérents à 20 euros », dits aussi « adhérents internautes ».

C’est sous l’impulsion de Jack Lang, secrétaire national au développement du parti, que

cette campagne d’adhésion à prix réduit est lancée, pendant 3 mois, de mars à mai 2006 :

près de 70 000 personnes vont ainsi adhérer au PS, la plupart du temps par Internet27

,

faisant passer les effectifs de 120 000 à 200 000 adhérents. L’enquête, réalisée du 6 au

11 mai et basée sur un échantillon de 8400 nouveaux adhérents interrogés par Internet,

différencie les militants traditionnels de ces nouveaux militants : « un parti féminisé,

rajeuni, urbain, diplômé ». Il n’est pas possible d’assimiler militants en ligne à ces «

militants-internautes », mais cela peut néanmoins nous donner quelques indications.

Pour des données plus précises sur le profil sociodémographique des militants en ligne,

il faut aller chercher dans des travaux étrangers. La distinction entre le profil classique

du militant (hors ligne) et celui du militant en ligne, déjà constaté par Beauvallet et

Ronai, se retrouve dans les travaux de Rachel Gibson et Stephen Ward. Au sein du parti

libéral démocrate britannique, les militants en ligne sont plus jeunes et adoptent des

formes de militantisme plus « passives » (Ward, Lusoli, Gibson, 2002). Ces auteurs

27

On pouvait aussi adhérer par téléphone au 0810-77-2007 (de 9 heures à 19 heures, prix d'un appel

local), ou par courrier.

Page 8: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

nuancent leurs positions dans leurs récents écrits : « Le profil des internautes politiques

n’apparaît pas tellement différent de celui des militants traditionnels, même si les

internautes politiques tendent à être plus urbains, de classe moyenne et plus souvent des

hommes » (Ward, Gibson, 2011, p.111). Les exemples des partis danois et norvégiens

contrarient les premiers résultats de Ward et Gibson, attestant d’un décalage entre profil

du militant hors ligne et en ligne (plus jeune, plus passif28

, voir plus masculin). Ceux qui

militent en ligne sont en fait les membres les plus actifs dont l’action en ligne s’ajoute à

celle du terrain (Pedersen, Saglie, 2005). Distinguer les militants en ligne des militants

hors ligne se serait se fonder sur l’outil, alors que la clé de compréhension serait dans le

degré d’implication du militant. Plus celui-ci s’engage de façon intensive, plus son

activité militante s’étendra dans toutes les domaines/ espaces d’action possible. Ronai et

Beauvalet soulignaient eux aussi dans leurs articles que les membres de Temps réels

étaient souvent également des militants très actifs sur le terrain.

Le profil sociodémographique des militants en ligne et hors ligne français est -il le

même? Le profil des militants en ligne est-il plus proche du profil type de l’internaute

ou de celui du militant traditionnel ?

Quelques éléments de réponse nous sont déjà donnés par l’enquête qualitative effectuée

dans le cadre de notre doctorat en science politique29

. Nos entretiens réalisés auprès de

militants du PS et de l’UMP nous amènent à considérer – en première analyse – que le

profil du militant classique se distingue de celui du militant en ligne. On peut supposer

par exemple que les jeunes militent davantage en ligne car l’outil se veut plus adapté, voire

intériorisé par cette génération. Le taux de pénétration d'Internet est de 78 % chez les 15 à 25

ans30

. Ils ont grandi avec ces nouveaux médias et les utilisent de manière quasiment

« automatique ». 82 % des jeunes européens entre 16 et 24 ans utilisent Internet entre cinq et

sept jours par semaine (Niel, Roux, 2010). Ils passent parfois leurs soirées derrière leur écran ;

en témoigne le titre grinçant d’un article du New York Times : « Si vos enfants sont réveillés,

ils sont probablement en ligne»31

. En revanche, lorsqu’on s’entretient avec des militants ayant

atteint l’âge de la retraite, il n’est pas rare que ces derniers nous disent ne rien comprendre à

Internet. De nombreux secrétaires de section ont encore recours à l’envoi papier pour

informer certains militants ne disposant pas (ou ne sachant pas se servir) de boite mail,

notamment à l’UMP. Les militants actifs en ligne seraient donc plus jeunes que la moyenne

des militants hors ligne.

« C’est aussi une question de génération. Je pense à Marie Odile, elle a une

cinquantaine d’années, clairement elle se sert du mail parce que

professionnellement, elle peut [sic] pas faire autrement. Facebook, ça l’intéresse

[sic] pas du tout. Twitter, elle ne sait même pas ce que sait. Et la coopol ; elle te

dit « écoute t’es gentil, mais envoie moi un mail ».

Qui a créé la Coopol ? Valério Motta. Il a quoi ? Il a 30 ans. Il est né dans

l’informatique. Je ne suis pas sûr que Martine Aubry, Harlem Désir et toutes la

28

Autrement dit, ces militants n’optent pas pour un engagement participatif : organisation d’événements,

recrutement de nouveaux adhérents sur le Net, mise en réseau des militants… Ils préfèrent s’investir de façon

plus « passive », dans un militantisme plus individuel, demandant moins de temps et d’engagements, tels que des

donations au parti ou des lectures de documents, d’argumentaires. 29

« Militer en ligne au PS et à l’UMP », Thèse de science politique, sous la direction d’Antoine Roger, Centre

Emile Durkheim, Sciences po Bordeaux, débutée en octobre 2010 30

Institut national d'études démographiques (Ined), 2006 31

“If Your Kids Are Awake, They’re Probably Online”, NewYork Times, 20 janvier 2010

Page 9: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

clique du PS, soit à fond sur la coopol pour organiser leur propre déplacement,

leur propres réunions…enfin je sais [sic] pas quoi. C’est [sic] pas leur culture. »32

.

« Comme j’ai quand même une majorité de personnes de plus de 55 ans,

beaucoup de courriers. On a gardé cette idée que pour les grandes rencontres, par

exemple, l’apéro avec Alain Juppé, la rencontre de l’assemblée générale de

septembre, il faut envoyer le courrier. Ensuite, il y a les mails pour les Jeunes

populaires, les gens de 30-45 ans. »33

Nos entretiens nous font supposer que les militants en ligne sont plutôt des hommes. En effet,

dans le cadre de notre recherche doctorale, nous avons rencontré des responsables Web de

certaines circonscriptions/ sections des fédérations de Paris, Gironde, Alpes-Maritimes et une

dizaine de militants très actifs sur le Net (blogeurs-militants, Tweeple34

-militants,

coopains35

…) et il s’agissait presque exclusivement (à une exception près) d’hommes. Nos

entretiens qualitatifs nous apportent déjà quelques informations sur le profil type du militant

partisan en ligne : jeune, masculin.

Toutefois, nous avons ressenti le besoin de mener une enquête quantitative36

, par le biais d’un

questionnaire diffusé auprès des militants PS (n=489) et UMP (n=302) des Fédérations de

Paris, Gironde et Alpes-Maritimes en ligne (Facebook, Coopol, forum politiques, sites

d’actualités politiques…) et hors ligne (section, Convention sur le projet du PS, Fête de la

rose, meeting des primaires…) afin d’identifier plus précisément qui milite en ligne37

. Quel(s)

est (sont) le (les) profil(s) socio-démographique(s) du cyber-militant au sein des deux « partis

de gouvernement » choisis pour notre recherche doctorale, le PS et l’UMP ? Les

caractéristiques sociodémographiques des cyber-militants socialistes sont-elles différentes de

celle des cyber-militants « populaires » ? Se distinguent-elles du profil type du militant hors

ligne à l’UMP et au PS ?

Ce questionnaire comporte à la fois des questions fermées et des questions ouvertes et se

compose de trois rubriques se reportant:

• à leur représentation du militant et à leurs pratiques du militantisme

• aux différentes dimensions de l’usage d’Internet, de façon globale et dans le cadre

spécifique de leur activité militante ;

• aux caractéristiques sociodémographiques (sexe, âge, niveau d’études, CSP …) ;

Le croisement de ces données va nous permettre d’identifier le profil sociodémographique du

« cyber-militant », entendu ici au sens large comme un militant exerçant son activité militante

majoritairement sur Internet.

Dans une visée comparative, et pour bien prendre la mesure des évolutions observées, nous

avons tout d’abord souhaité apporter un éclairage sur le profil traditionnel du militant à

l’UMP et au PS, ainsi que sur celui de l’internaute-type français. Cette partie va nous

permettre également de réfléchir à la notion de « militant » et notamment de « cyber-

militant ».

Puis, nous tenterons d’établir le profil type du cyber-militant socialiste et populaire à partir

d’une partie des résultats de notre enquête quantitative.

32

Entretien avec Patrick, secrétaire de section de la Fédération de Paris, le 27 mai 2011. 33

Entretien avec David, secrétaire de circonscription de la Fédération de Gironde, le 3 juin 2011 34

Pour nommer, un utilisateur de Twitter, on parle de « twittos », « twitteur » ou « twitterer ». Au pluriel, cela

donne « Tweeple » ou « Tweople » (contraction de Twitter et People). 35

On nomme ainsi les utilisateurs (essentiellement des militants) du réseau social du PS, la Coopol. 36

Il est nécessaire ici de préciser que cette enquête ne prétend nullement atteindre la représentativité de la totalité

de la population militante à l’UMP et au PS. 37

Pour plus de renseignements sur la méthodologie de cette enquête quantitative, se référer aux annexes.

Page 10: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

Nous verrons que ce profil s’avère assez similaire à l’UMP et au PS : homme, célibataire, de

moins de 30 ans, diplômé de l’enseignement supérieur (majoritairement Master ou Licence),

exerçant une profession dite « supérieure » dans le secteur public (même pour l’UMP, le

secteur public est majoritaire chez les cyber-militants ce qui le différencie du militant

traditionnel). Le cyber-militant se distingue du militant traditionnel surtout au niveau de l’âge,

le militant en ligne étant beaucoup plus jeune. Les autres critères se trouvent généralement

renforcés dans le cas du cyber-militant : plus de diplômés, plus d’hommes, plus de cadres que

parmi les militants hors ligne.

Cette enquête nous révèle aussi quelques « surprises » concernant la catégorie socio-

professionnelle « agriculteurs-exploitants ».

SECTION I : PROFILS TYPES DES MILITANTS « TRADITIONNELS » UMP/PS ET DES INTERNAUTES FRANÇAIS

1. Profils sociodémographique du militant hors ligne au PS et à l’UMP

Nous souhaitons comparer le profil des militants en ligne au profil type des militants hors

ligne pour le PS et l’UMP. Encore faut-il savoir quelles sont les caractéristiques du militant

traditionnel au sein de ces deux partis et qu’est-ce qu’on entend par « cyber-militant » dans

notre enquête ?

a. La notion de « cyber-militant » dans notre enquête quantitative

« L’on sait, en effet que parmi les adhérents a été socialement construite une catégorie « d’adhérents actifs » qui se reconnaissent et sont reconnus par les autres comme militants. Faut-il dès lors entériner le classement social spontané (« je milite au PS », « c’est un militant ») ou au contraire établir objectivement des indicateurs de militantisme (assistance aux réunions, activisme partisan, temps consacré au parti, paiement régulier des cotisations...). Faut-il séparer les militants des responsables ? Faut-il séparer le militant de l’élu en estimant que leurs rôles sont contradictoires, et qu’un élu, même non professionnalisé, n’est déjà plus un militant ? » (Offerlé, 1987, p.72).

Les travaux fondateurs de l’analyse des partis politiques (Duverger, 1951 ; Offerlé, 1987) tout

comme des recherches plus contemporaines (Aldrin, Barboni, 2008 ; Aldrin, 2009) soulignent

la difficulté à circonscrire les contours du « militant » et plusieurs définitions38

s’affrontent ou

38

Nous donnerons ici un aperçu rapide des définitions classiques, souvent retenues dans les travaux

contemporains de science politique. De nombreux auteurs se réfèrent à la définition de Maurice Duverger, en

lien avec sa distinction entre parti de cadres et parti de masse. Dans les partis de cadres, où la qualité des

adhésions prévaut sur les quantités, « la notion de militant se confond avec celle de membre du parti

» (Duverger, 1976, p.175) ; alors que dans les partis de masse, « le militant est l’adhérent actif : les militants

forment le noyau de chaque groupe de base du parti, sur qui repose son activité essentielle » (Duverger, 1976,

p.174). Le militant se distingue donc de la masse des adhérents par son activité militante soutenue (participation

aux réunions, préparation de campagne, diffusion de mots d’ordre…) et des dirigeants car il n’est qu’un

« exécutant ». Michel Offerlé ajoute la notion de professionnalisation et base son raisonnement sur la nature et le

volume du capital politique détenu par les acteurs. Ainsi « le terme militantisme renvoie à une pluralité de

situations. Il permet de désigner des agents intéressés politiquement qui, disposant de suffisamment de capitaux

pour estimer avoir le droit de s’occuper de questions politiques, n’ont cependant pas -temporairement ou

définitivement - les ressources nécessaires pour vivre de et pour la politique » (Offerlé, 1987, p.75).

Page 11: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

se complètent. En 1951, déjà, Maurice Duverger soulignait la difficulté, voire l’impossibilité

de connaître un « taux de militantisme exprimant en pourcentage le nombre des militants par

rapport à celui des adhérents » (Duverger, 1976, p.175). Cette difficulté réside dans

«l’imprécision de la catégorie qu’il s’agit de dénombrer » (Duverger, 1976, p.175). Comment

différencier les militants des simples adhérents, des permanents, des cadres, voire même des

élus ? La difficulté s’accroît encore lorsqu’on cherche à délimiter les contours du « cyber-

militant ».

Pour délimiter cette catégorie du « cyber-militant »39

lors de notre enquête quantitative, nous

avons opté pour l’auto-évaluation, renforcée par des critères « objectifs » de mesure du

militantisme. En effet le paramètre subjectif de l’auto-évaluation par le répondant apporte des

éléments intéressants du point de vue de la représentation de l’individu interrogé (estime de

soi, comparaison avec d’autres militants…), mais peut entrer en contradiction avec l’action et

le temps réel consacré à l’activité militante ; comme le montre, dans le cas du « militant »

classique, l’enquête quantitative40

menée auprès des Jeunes populaires lors de l’Université

d’été de l’UMP en septembre 2006 (Bargel, Petitfils, 2009). Ainsi demander aux personnes

interrogées de s’évaluer elles-mêmes comme simple adhérent, militant actif ou épisodique,

peut être un moyen efficace pour différencier ces catégories, le risque étant que « globalement

le nombre des militants (par auto-estimation) excède celui des militants de fait » (Lagroye,

1976, p. 133). Nous avons donc bien conscience de ce risque. Toutefois, nous allons, dans cet

article, nous baser essentiellement sur cette auto-déclaration pour bâtir le profil du « cyber-

militant » type au PS et à l’UMP.

Nous souhaitons par la suite exploiter davantage notre questionnaire en nous appuyant sur des

questions mesurant les critères dits « objectifs » du cyber-militantisme, entendu comme

« cyber-activisme ».

Jacques Lagroye (et al.), dans son étude sur les militants de trois partis politiques établit

quatre indices permettant de différencier un militant d’un adhérent: la participation régulière

aux réunions du parti, le temps consacré chaque semaine aux activités partisanes (au moins

trois heures hebdomadaires étant la limite) ; les activités auxquelles l’adhérent consacre le

plus de temps et la participation à des congrès nationaux ou départementaux. Ces variables de

mesure ont subi des critiques au sens où elles apparaissaient comme trop exigeantes et

permettait de « révéler seulement des groupes de « supermilitants» » (Lagroye, 1976, p. 11).

De la même manière, Henri Rey et Françoise Subileau tentent d’évaluer la continuité dans

l’action, élément primordial, selon eux, de la distinction entre militants et adhérents : « il

existe, en effet, une différence de nature entre un soutien actif de longue durée à une cause

collective et la participation ponctuelle ou même épisodique à des actions sectorielles » (Rey,

Subileau, 1991, p. 18). Nous avons aussi dans notre enquête quantitative, souhaité mesurer ce

39

Question n° 21 de notre enquête quantitative :

« a- Vous sentez-vous un(e) « cyber-militant(e)»?

Oui / Non

b- Pourquoi?

c- explicitez ce que recouvre, pour vous, l’expression « e-militant »….. » 40

« 63% des répondants se considèrent comme des « militants actifs » des Jeunes populaires, et on peut supposer

que la participation aux UE [Universités d’été] en constitue, à leurs yeux, une confirmation en acte. Si l’on

ajoute les 13% de participants qui se voient comme des « cadres » de l’organisation, on obtient alors l’image de

membres très fortement investis dans les activités des JP. Pourtant, celle-ci se brouille si l’on porte l’attention,

cette fois, sur le temps consacré au militantisme : presque la moitié des répondants (49%) déclare dédier deux

heures ou moins par semaine aux activités de l’organisation. Plus surprenant encore, 40% des « militants actifs »

font la même réponse ; seuls ceux qui se considèrent comme des « cadres » déclarent massivement consacrer 10

heures et plus par semaine à leurs activités partisanes » (Bargel, Petitfils, 2009, p. 56-57)

Page 12: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

critère de continuité dans l’action à travers les questions suivantes : « « Avez-vous participé

aux campagnes électorales suivantes. Si oui, merci de préciser quelle forme concrète a prise

cette participation pour chaque élection » (de 1995 à 2010).

Toutefois, ce critère ne permet pas, selon nous, de différencier totalement l’adhérent du

militant car il est un peu daté au sens où l’image du militant actuel n’est plus celle de

l’individu engagé corps et âme à son parti, y consacrant tout son temps de loisir ; mais plutôt

celle d’un acteur se mobilisant lors de campagnes électorales (Ion et al. ; 2005). Critère daté,

mais aussi faisant référence implicitement à une conception du militantisme de gauche, plus

précisément du Parti Communiste. Or, notre enquête prend également pour objet l’UMP.

Nous avons donc choisi de reprendre quelques éléments identifiés par l’enquête de Jacques

Lagroye pour évaluer l’intensité de l’engagement : « Combien de temps, en moyenne,

consacrez-vous au militantisme par semaine ? » (question 8) ; « Classer vos activités

militantes de 1 à 7 en commençant par celles que vous pratiquez le plus souvent » (question

9).

Ce qui nous intéresse encore davantage ici est de construire un « indicateur global » (Donnat,

p.165) afin de caractériser par l’agglomération de plusieurs éléments « objectifs » ce que l’on

entend par « cyber-militant ». Plusieurs données de notre questionnaire nous permettent de

délimiter cette notion de cyber-militant à travers 4 items (auxquels il faut ajouter l’auto-

évaluation comme « cyber-militant » du répondant): le temps passé sur le Web dans le cadre

de l’activité militante partisane, l’équipement Web personnel, la connaissance des outils

numériques créés par le parti à destination des militants, le classement des sources

d’information.

Pour cibler une recherche sur les militants, Roland Cayrol et Colette Ysmal proposent d’aller

les chercher lors de moments solennels où seuls les militants se déplacent tels que les Congrès

des partis politiques, car ceux-ci « rassemblent en un moment solennisé par la culture

politique de l’organisation, tous les animateurs du parti, considérés à ses différents degrés

d’activité : leaders nationaux et locaux, cadres intermédiaires et représentants actifs de la base

» (Cayrol, Ysmal, 1982, p.572). Le chercheur serait alors en contact avec la « chair militante

de l’organisation, avec ceux qui la font vivre et agir à tous les niveaux » (Cayrol, Ysmal,

1982, p.572). Nous sommes donc allés à la rencontre de cette « chair militante » lors des

Universités d’été du PS et de l’UMP ou lors de la Convention sur le projet du PS afin de

distribuer nos questionnaires aux militants présents lors de ces moments solennisés. De la

même manière, nous sommes entrés en contact avec les « cyber-militants » (ou en voie de le

devenir) en distribuant nos questionnaires lors des ateliers Web du PS à la Rochelle.

Toutefois, nous ne souhaitions pas nous adresser uniquement aux militants et/ou cyber-

militants hyper-actifs, les plus impliqués dans l’organisation, ou aux militants en voie de

professionnalisation41

, ou encore aux militants actifs uniquement sur le terrain ou sur le Web.

L’objectif de ce questionnaire est d’avoir un panel le plus large possible des différentes

formes de militantisme auprès des militants de base c’est pourquoi nous ne nous sommes pas

limités à ces moments solennisés pour distribuer notre questionnaire (passation lors de

réunions de section/circonscription, diffusion par liste de diffusion en passant par le secrétaire

de section, diffusion sur les réseaux sociaux partisans…).

b. Profil-type du militant socialiste hors ligne

41

L’enquête de Bréchon, Derville et Lecomte sur les cadres du RPR est significative : ils identifient un type

particulier de militant, les délégués aux congrès du RPR et se demandent s’il entre toujours dans la catégorie des

militants.

Page 13: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

Plusieurs enquêtes sociographiques ont été menées pour identifier le profil du militant

socialiste, à la fois au niveau national42

(Hardouin, 1978 ; Rey, Subileau, 1991 ; Rey,

Subileau, Ysmal, 1998) et local (Cayrol, 1975 ; Lagroye, 1976).

En 1978, Patrick Hardouin réalise une étude à partir d’un sondage au cinquième du fichier

national du PS (Hardouin, 1978). Il identifie alors une sur-représentation des catégories

privilégiées et la sous-représentation des couches populaires. Certains facteurs sont, selon lui,

« structurants » de l’adhésion au parti : le niveau élevé d’éducation, l’appartenance au corps

enseignant, l’exercice d’une activité professionnelle.

L’enquête de Jacques Lagroye (et al.) sur les militants de trois partis politiques (PCF, PS,

UNR) en Gironde apporte des indications sur le profil et itinéraire des militants socialistes et

gaullistes des années 70 (Lagroye, 1976). En 1981, Monique Dagnaud et Dominique Mehi

mènent une enquête par questionnaires (58 questions ; 175 répondants) auprès des lecteurs de

la revue Faire afin de dessiner le profil sociologique du courant rocardien, de ce qu’ils

appellent la « nouvelle gauche » (Dagnaud, Mehi, 1981). Il s’agit en forte majorité d’hommes,

les deux tiers entre 20 et 40 ans. C'est un monde de haut statut social : cadres, et surtout

cadres supérieurs, parmi lesquels une proportion importante de professions intellectuelles,

notamment des enseignants. Très majoritairement salariés, ils occupent des emplois davantage

liés au secteur public et à l'action de l'Etat qu'au secteur privé. Les résultats de cette enquête

sont à prendre avec prudence du fait du faible taux de réponse et de la population interrogée,

les lecteurs de la revue Faire, et non spécifiquement les militants.

Henri Rey et Françoise Subileau, dans leur étude sur les militants du PS après l’arrivée au

pouvoir de ce parti en 1985-86, en décrivent les « profils sociaux » (Rey, Subileau, 1991).

L’enquête concernait trente fédérations réparties sur le territoire national, représentant environ

40% des effectifs du PS. L'enquête comportait quatre grandes dimensions : les trajets sociaux,

les itinéraires idéologiques, les raisons de l'adhésion et les significations attribuées au

militantisme, les opinions politiques et les systèmes de valeurs. Treize ans plus tard, dans une

démarche comparative, cette enquête a été réitérée (Rey, Subileau, Ysmal, 1999). Diffusée

dans l'Hebdomadaire des socialistes, elle a recueilli 12 291 réponses, touchant, cette fois-ci,

toutes les fédérations. La féminisation du PS est lente : en 13 ans, le PS n'a «gagné» que 6%

de femmes. En 1998, elles ne représentent qu'un quart de la population militante. En 1985,

39% des militants étaient âgés de 50 ans et plus, ils sont 67% en 1998. Les ouvriers sont peu

présents au sein du PS : 5% seulement des militants sont ouvriers en 1998 (contre 10% en

1985) et 8% sont enfants d'ouvriers en 1998 (28% en 1985). Entre 1985 et 1998, la

prédominance des couches moyennes salariées se renforce. Les militants socialistes sont plus

souvent enfants de cadres supérieurs, de membres des catégories intermédiaires ou

d'employés, au détriment de l'origine ouvrière. Le groupe enseignant lui-même connaît un

certain «embourgeoisement» puisque la catégorie des instituteurs diminue de 8 points entre

1985 et 1998 (respectivement 17 et 9%), au profit de celle des professeurs de l'enseignement

secondaire et de l'enseignement supérieur qui passe de 9% à 14% entre les deux dates. En

1998, un tiers seulement n'a pas atteint le niveau du baccalauréat alors que cela concernait

37% des adhérents de 1985. Par rapport à 1985, les militants sont plus nombreux à travailler

dans le secteur privé (42% en 1998 contre 32% en 1985).

Le profil-type du militant socialiste établit par l’enquête de 1998, est un homme de plus de 50

ans, possédant un diplôme universitaire, se situant dans la catégorie des professions

intermédiaires, ayant un père employé ou cadre moyen.

42

Elles sont toutefois beaucoup plus rares.

Page 14: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

Plus récemment, une enquête a été menée par téléphone par ISL (Institut de Sondage Lavialle)

auprès de 1100 adhérents socialistes issus des fichiers de 2008, 2009, 2010 (Rey, 2011). Le

questionnaire proposé au téléphone a ensuite été envoyé par mail lors d’une seconde vague

d’enquête, 10185 adhérents en 2010 y ont alors répondu. Les résultats sont les suivants : 20 %

des adhérents sont des femmes ; 38% ont 60 ans et plus ; plus de la moitié sont titulaires d’un

diplôme universitaire ; renforcement de la prédominance des classes moyennes et supérieures

(3 % d’ouvriers ; 50 % cadres et professions intellectuelles supérieures).

Le tableau ci-dessous présente les résultats principaux concernant la sociologie des adhérents

PS, des enquêtes de 1986, 1998 et 2010. La dernière colonne correspond aux résultats de

notre enquête quantitative.

TABLEAU 1 : Sociologie des adhérents du PS (en %).

1986

(Rey, Subileau,

1991)

1998

(Rey, Subileau,

Ysmal, 1999)

2010

(Rey,

2011)

2011

(avec notre propre

nomenclature)

SEXE

Hommes

Femmes

79

20

72

26

70

30

70

30

AGE

Moins de 30 ans

30-39 ans

40-49 ans

50-59 ans

60-69 ans

70 ans et plus

7

26

28

18

14

7

5

9

19

27

23

17

10

13

16

23

28

10

33

19

16

16

12

4

Catégories socio-professionnelles

Agriculteurs exploitants

Artisans, commerçants

Chef d’entreprise de 10 salariés et +

Cadre sup

Professeur

Instituteur

(Autre) profession intermédiaire

Employé

ouvrier

Autre

19

9

17

22

10

10

11

20

14

9

25

11

5

14

38

11

7

18

14

3

9

14

2

2

53

13

14

2

Diplôme Aucun

CEP

BEPC

CAP, diplôme technique équivalent

Baccalauréat

Diplômes universitaires

DEUG, DUT, BTS, diplômes de professions

sociales ou de la santé

Licence

Master

Grande école (+thèse pour 2011)

Autre(s) diplôme(s)

13

24

16

24

15

7

10

21

19

33

7

6

4

17

15

54

10

1

9

2

4

14

16

4

36

14

0

Page 15: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

Notre enquête présente la même répartition d’hommes (70%) et de femmes (30%) que celle

effectuée en 2010. En 2011, 70% des adhérents interrogés ont un diplôme universitaire ou ont

effectué leur cursus dans une Grande École ; en 2010, ils étaient 64%. Pour les catégories

socio-professionnelles, nous retrouverons à peu près les mêmes taux d’employés (2% en

2011, 3% en 2010), d’ouvriers (14% en 2011 et 2010), de cadres et professions intellectuelles

supérieures (53% en 2011, 49% en 2010). Seules les professions intermédiaires se trouvent en

baisse, au profit de la catégorie « autre » (18% en 2011 ; 9% en 2010) et notamment des

agriculteurs (14% en 2011 !). Cela est peut-être dû aux différences de nomenclature entre les

deux enquêtes : proposer « autres » (enquête 2010) et « artisans, commerçant, chef

d’entreprises de 10 salariés et + », « agriculteurs exploitants » n’induit pas forcément les

mêmes réponses. Par exemple, un chef d’entreprise de 10 salariés et +, répondant à l’enquête

de 2010, pourraient être tenté de cocher la case « cadre sup » et non « autre ». Les modalités

de passation du questionnaire et les terrains invertis pour les deux enquêtes respectives sont

aussi à prendre en compte43

, notamment pour la question de l’âge (les jeunes militants ont

certainement répondus en masse à l’enquête en ligne ce qui gonfle le nombre de militants de

moins de 30 ans).

c. Profil-type du militant populaire hors-ligne

Avant 1981, le militantisme de droite est peu présent dans la littérature ; seules quelques

monographies générales existent sur les mouvements gaullistes (Charlot, 1971). La question

de la spécificité de ce phénomène par rapport au militantisme communiste et socialiste est

abordée dans l’ouvrage de Jacques Lagroye (et al.) à travers son analyse comparative de trois

partis : « pour les partis de gauche le développement du militantisme constitue un objectif

prioritaire de l’organisation ; les fonctions du militant consistent avant tout à garantir le

maintien d’une base militante efficace en assurant le recrutement et la formation des adhérents

» (Lagroye, 1976, p.160), tandis que le militantisme de droite est essentiellement « moins

orienté vers les activité partisanes et tourné vers un rayonnement individuel dont les fins sont

prioritairement électorales » (Lagroye, 1976, p.160). Une fois que la droite se trouve dans

l’opposition face à la victoire du PS à l’élection présidentielle, des études font leur apparition

sur le militantisme au RPR, que ce soit sur les adhérents (Neveu, 1984 ; Harris, 1986 ;

Lecomte, 1989) ou sur un type particulier de militants, les « cadres » (Bréchon, Derville,

Lecomte, 1987) du mouvement. Selon cette enquête, 75% des cadres du RPR ont entre 35 et

64 ans, dont, plus précisément 34% entre 35 et 44 ans, 21% entre 45 et 54 ans et 20% entre 55

et 64 ans. L’enquête de 1986 sur les adhérents du RPR renforce l’idée de la prédominance de

ces classes d’âge : 70% des effectifs du RPR appartiennent à la classe 35-65 ans. Les enquêtes

de 1984, 1986 montrent une sous-représentation des catégories dites « populaires » (5% des

adhérents sont des ouvriers) et une présence importance des catégories sociales moyennes

(professions intermédiaires, artisans, commerçants…). Ces dernières représentent chez les

cadres du RPR, 31% en 1984, 25% chez les adhérents en 1986. La catégorie « cadres et

professions intellectuelles supérieures » correspond à 34,5% des cadres du RPR interrogés par

l’enquête de 1984 (avec une prédominance des cadres administratifs et commerciaux par

rapport aux professions intellectuelles supérieures); 20% pour l’enquête de 1986 mené auprès

des adhérents.

En ce qui concerne l’UMP, les études statistiques nationales permettant d’établir un profil

type du militant populaire sont plutôt rares. Pourtant dès la création de ce parti, certains cadres

s’attachent à accorder une place plus importante aux militants dans ce mouvement. Le 10

juillet 2002, lors du dernier comité politique du RPR, visant à préparer les assises de

Villepinte du 22 septembre 2002 dont le but est d’officialiser la fusion entre le RPR et l’UMP, 43

Se référer à l’annexe méthodologique.

Page 16: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

Michèle Alliot-Marie souhaite que la base militante de l’UMP conserve une place importance

au sein de l’organisation du parti notamment concernant l’élection du président du parti et la

nomination des secrétaires départementaux. « Le RPR méconnaissait, jusqu’à sa phase finale,

les mécanismes de participation directe et se prévalait d’ « instruments réglementaires », voire

coercitifs, selon une logique de « parti tuteur », qui reste marqué à l’UMP. Puis les

responsables des partis, ont compris l’intérêt de concilier démocratie et bonne gouvernance

partisane. Aux instruments de type «réglementaires » peuvent alors succéder des instruments

incitatifs de participation, puis communicationnels permettant de réorienter les relations entre

l’organisation politique et les militants-adhérents. » (Olivier, 2007). Longtemps considéré

comme une valeur de gauche, le militantisme est désormais mis en avant à droite comme une

valeur fondamentale afin d’« attirer un maximum d’adhérents»44

. « L'appropriation d'un

lexique (la base) et d'activités militantes (collages, fêtes, rassemblements populaires,

distribution de tracts) dans des partis ‘de droite’ français traduit une tentative de

réappropriation de symboles et de pratiques traditionnellement connotés à gauche » (Offerlé,

2002).

Même si la figure du militant est valorisée ces dernières années par l’UMP, les études sur

leurs profils sociodémographiques sont encore rares. Le tableau ci-dessous synthétise les

données dont nous disposons, en termes de profil sociologique des adhérents au RPR-UMP.

Ces enquêtes s’avèrent datées et par forcément pertinentes pour notre propos. En effet, les

travaux de Bréchon (et al.) s’intéressent à une catégorie particulière (les cadres- 91 %

exerçaient des responsabilités, pour l’essentiel locales ou départementales, et 39 % étaient

élus) alors que notre réflexion se tourne plutôt vers les militants de base. À regret, nous

n’avons pas trouvé des enquêtes quantitatives plus récentes sur lesquelles appuyer notre

analyse comparative, excepté celle réalisée au Cevipof par une équipe composée de Florence

Haegel, Florence Faucher-King et Nicolas Sauger. Il s’agit d’un questionnaire diffusé auprès

des adhérents lors du congrès du 28 novembre 2004, date de l’investiture de Nicolas Sarkozy

comme président du parti. Une partie des résultats de cette enquête est présentée dans un

article de Florence Haegel qui tente de saisir les logiques partisanes et sociales d’adhésion à

l’UMP (Haegel, 2009).

44

Le Figaro, 6 août 2002

Page 17: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

TABLEAU 2 : Sociologie des adhérents du RPR – UMP (en %).

1984

(Bréchon et

al., 1987)

1986

(Harris,

1986)

1994

(Jardin,

1994)

2004

(Heagel, 2009) 2011

(Theviot, 2011)

SEXE

Hommes

Femmes

72

28

63

37

61

39

68

32

74

26

AGE

Moins de 25 ans

25-34 ans

35-49 ans

50-64 ans

Plus de 65 ans

4

16

75

4

3

11

36

34

16

24

31

21.5

14

9.5

20 (-de30ans)

10 (30-39ans)

12 (40-49ans)

25 (50-59ans)

21 (60-69ans)

12 (+ de 70ans)

31 (- de30 ans)

14 (30-39ans)

22.5 (40-49ans)

14.5 (50-59 ans)

15 (60-69 ans)

3 (+ de 70 ans)

Catégories socio-professionnelles

Agriculteurs exploitants

Artisans, commerçants

Chef d’entreprise de 10 salariés et +

Cadres et professions sup.

Professions intermédiaires

Employés

Ouvriers

(Inactifs)

3.5

8

34.5

15

8

2

21

5

3

20

11

11

5

27

0

7

20

27

7

3.5

24.5

2

10

43

18

26

2

12

8

6

43

12

17

1

Les résultats de notre enquête, présentée dans le tableau ci-dessus, en termes de profil

sociodémographique des adhérents UMP interrogés, se distinguent légèrement des précédents

travaux dans ce domaine. Le milieu partisan UMP- tout comme celui du PS- est massivement

masculin, et de façon plus marquée encore selon nos données (68% d’hommes en 2004; 74%

en 2011). Ce décalage révèle soit un processus de « re-mascunalisation » du parti qui semblait

être en train de se féminiser si l’on compare les données des enquêtes de 1984 (80%

d’hommes), 1986 (63%) et 1994 (61%). En l’espace de 10 ans (de1994 à 2004), sur 100

personnes, le parti a gagné 7 hommes ; et en 7 ans, il en gagne encore 6 de plus. Or, selon une

enquête Ipsos réalisée les 21 et 22 septembre 2005, s’intéressant aux « nouveaux adhérents de

l’UMP », suite à la vague d’adhésion précédant l’élection présidentielle, une certaine

féminisation du parti est en cours puisque les hommes ne représentent que 58 % de ces

nouveaux membres45

. Cette hausse des hommes est peut-être due aux modalités de passation

de notre questionnaire : à la fois en ligne et hors ligne (militant en ligne supposé plus

masculin selon les enquêtes précédentes). Pourtant, comme nous allons le voir, il existe

actuellement une répartition quasiment égale des hommes et des femmes sur le Net en France.

Nos résultats confirment en tout cas que l’UMP est un parti composé majoritairement

d’hommes.

En ce qui concerne la position sociale, nous avons choisi de légèrement modifié la

nomenclature des groupes socio-professionnels proposées par l’INSEE, en sortant la catégorie

« chef d’entreprise de 10 salariés et + » du groupe « artisans, commerçants, chefs

d’entreprise » et en faisant une variable à part46

. L’objectif étant ici de bien distinguer les

chefs d’entreprise de plus de dix salariés des artisans/commerçants afin de tester l’idée selon

laquelle les militants de l’UMP serait fortement ancrée dans le monde de l’entreprise ;

45

Enquête « Les nouveaux adhérents de l’UMP », Ipsos, réalisée les 21 et 22 septembre 2005, échantillon de 604

nouveaux adhérents, méthode des quotas, entretien par téléphone 46

Nous avons remarqué que les enquêtés chefs d’entreprise avaient tendance à s’inscrire dans le groupe « cadres,

professions intellectuelles supérieures », certainement plus valorisante en termes d’égo, et ne se reconnaissaient

pas dans le groupe « artisans, commerçants ». Nous avons donc pensé qu’il serait plus pertinent de créer une

variable à part pour éviter ces confusions.

Page 18: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

« référence souvent faite au « modèle managérial », ainsi qu’à la transformation de la figure

traditionnelle du « chef politique » en « chef d’entreprise », qu’engage, à sa façon, Nicolas

Sarkozy. » (Haegel, 2009, p.16). Cette légère modification explique certainement le

renforcement du groupe « commerçant, artisans, chef d’entreprise » en 2011 (14 % dont 8 %

chef d’entreprise de 10 salariés et +) par rapport aux données de 2004 (10%). Ce qui est plus

étonnant, c’est le nombre important d’agriculteurs-exploitants (12% en 2011 contre 2 % en

2004) parmi les militants UMP, comparé aux enquêtes précédentes. Le mode de passation de

notre questionnaire à la fois en ligne et hors ligne a pu jouer un rôle déterminant : les

agriculteurs exploitants sont plus difficiles à toucher lors de rassemblement partisan car nous

pouvons supposer que leur métier les contraint souvent au minimum de déplacements. Or,

l’enquête 2004 interrogeait uniquement les adhérents présents lors du congrès du 28

novembre 2004. Peu d’agriculteurs exploitants y ont manifestement assisté selon les données

de cette enquête ; mais cela ne veut pas forcément dire que ces derniers ne sont pas adhérents

à l’UMP. Nous pouvons donc supposer que notre enquête en ligne nous a permis de capter des

adhérents « fantômes », difficilement repérable par des enquêtes exclusivement hors ligne ou

diffusé uniquement dans des grandes villes.

D’autre part, nos données confirment la place prépondérante qu’occupent les professions dites

supérieures, cadres et professions intellectuelles (43 %) et, à l’inverse, la quasi-absence des

ouvriers (1 %).

2. Profil-type des internautes français

« Il convient aussi de s’entendre sur la définition de l’internaute. La convention la plus admise

est qu’il s’agit d’un individu qui s’est connecté, au moins une fois, à Internet au cours des 30

derniers jours, cette acception paraissant bien lâche. De plus, l’univers d’Internet est

spécifique car, à l’inverse des autres médias, il ne recouvre pas l’ensemble de la population. »

(Jouet, 2004)

Olivier Donnat a réalisé une enquête en 2008 sur les pratiques culturelles des français

à l’ère du numérique. Comme nous pouvions le penser a priori, la jeunesse est bien un facteur

clé dans l’usage d’Internet. Mais il existe d’autres caractéristiques propres au profil de

l’Internaute : «la jeunesse n’est pas le seul facteur favorisant l’accès à Internet, le fait d’être

un homme de disposer d’un revenu, et plus encore d’un niveau de diplôme élevé, d’avoir

acquis dans le cadre de son activité professionnelle la maitrise des outils informatiques ou de

vivre sous le même toit que des enfants ou des adolescents figurent parmi les autres

principaux atouts favorisant l’équipement, et une fois équipé, la diversité et la fréquence des

usages. » (Donnat, 2009, p.47). Certaines études plus marketing et plus récentes viennent

parfois nuancer le profil de cet internaute type notamment au niveau du genre.

Tous les ans, Médiamétrie réalise une étude, en face à face, auprès de 9 000 foyers sur les

équipements possédés, et un entretien par téléphone de 24 000 individus sur leurs usages

multimédias et établit ainsi le profil sociodémographique des internautes français en fonction

de leurs usages du Web. Au tout début d’Internet, le profil de l’usager comportait des traits

bien spécifiques : des « geeks », c'est-à-dire des passionnés du Net, jeune (20-35ans). Les

dernières études de Médiamétrie de 2010 et 2011 nous montrent que ce profil a bien évolué47

,

se rapprochant de plus en plus du profil de la population française. La répartition hommes /

femmes qui atteignait 60 % d'hommes en 2001 est désormais à 51,4 % d'hommes au 4ème

47

http://www.neoproduits.com/tag/profil-des-internautes-2011/

http://www.journaldunet.com/ebusiness/le-net/profil-internautes-francais.shtml

Page 19: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

trimestre 2009. Ainsi, l’internaute français ne serait plus désormais très majoritairement un

homme : il y aurait un équilibre entre les genres. La catégorie « cadres et professions

intellectuelles supérieures » représentait 48 % en 1999, contre 32 % en 2010, tendant ainsi

vers la moyenne française (27 %). L’âge reste le paramètre qui différencie bien la population

Internet de la population française. Plus de 26 % des internautes français ont moins de 25 ans

contre 20 % des Français. Et 26,7 % des internautes ont 50 ans et plus contre 41 % des

Français en 2010. Toutefois, entre 2010 et 2011, la France a gagné près de 3 millions de

nouveaux internautes, principalement des « silver-internautes », âgés de plus de 60 ans (en

2011, 31% de cette tranche d’âge dispose d’un accès à Internet, soit 8 fois plus qu’il y a 10

ans).

Depuis 1998, Ipsos a lancé l’étude « Profiling » (ou « Observatoire des Internautes »), menée

tous les deux ans afin de cerner le profil des visiteurs d’environ 200 sites, et de réseaux

sociaux (depuis 2010) dans un but essentiellement marketing, mais cela nous donne des

renseignements intéressant pour notre étude. Le terrain de la dernière vague de l’étude a été

effectué du 23 mars 2011 au 11 juillet 2011. Il a été réalisé auprès d’un échantillon de 13 488

répondants représentatifs des internautes âgés de 15 ans ou plus résidant en France. Présentés

en septembre 2011, les résultats indiquent qu’il y a une quasi-parité homme / femme dont

l'âge moyen est supérieur à 35 ans. Les 15-24 ans représentent 21% des internautes et les 25

ans et plus, 79%. Par contre, il est notable que, même si les moins de 25 ans sont moins

nombreux, ils sont proportionnellement plus équipés en smartphones et autres objets

permettant de consommer du Web en mobilité, puisque 44% d'entre possèdent un produit de

ce type, contre 25% pour les 25 ans et plus. En effet, en fonction des outils utilisés pour se

connecter le profil de l’internaute varie : les « tablonautes »48

sont plutôt des hommes

appartenant à la catégorie des cadres et professions intellectuelles supérieures, usagers

historiques de l’Internet, geek ; alors que les « mobinautes »49

, par exemple, sont plus jeunes,

plus urbains et sont considérés comme des « e-influencers ». Par ailleurs, une partie de cette

enquête est consacrée au profil des usagers de Twitter : des hommes (79%), âgés de 28 ans en

moyenne, résidant en zones urbaines. Experts du Web (plus anciens et plus assidus que la

moyenne), ils sont friands de vidéos en ligne (76%) et de e-commerce (90%).

TABLEAU 3 : Sociologie des internautes français (en %).

Médiamétrie,

2010

Ipsos,

2011

SEXE

Hommes

Femmes

51.4

48.6

51

49

AGE

Moins de 25 ans

25-34 ans

35-49 ans

50-64 ans

Plus de 65 ans

26.3

18.4

28.7

20.3

6.4

20

21

29

29

Catégories socio-professionnelles

CSP –

CSP+

Inactifs

32

30.7

37.3

-

-

-

48

Sont appelés ainsi les utilisateurs de tablettes ou écran tactile 49

Sont appelés ainsi les personnes qui se connectent sur Internet via leur téléphone mobile.

Page 20: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

Cette revue de la littérature concernant le profil type de l’internaute et celui du militant

UMP et PS nous permet de reformuler nos hypothèses. Nous avions en effet supposé, dans un

premier temps, en vue de nos entretiens exploratoires et des travaux déjà menés sur les

militants en ligne dans les partis libéral démocrate britannique (Ward, Lusoli, Gibson,

2002), danois et norvégiens (Pedersen, Saglie, 2005) que le militant en ligne était un

homme jeune, aussi très actif sur le terrain. À supposer que le profil de notre militant en

ligne soit une fusion de celui de l’internaute (homme/femme, 35 ans, profession

intermédiaire) et du militant traditionnel UMP (homme, 55 ans, cadre commercial ou

économique, travaillant dans le secteur privé, diplômé de l’Université) ou PS (homme de

plus de 50 ans, profession intellectuelle supérieure, secteur public, titulaire d’un diplôme

universitaire, ayant un père cadre moyen), nous pouvons affiner notre première

hypothèse. Le profil du militant socialiste en ligne serait donc un homme de plus de 35

ans, diplômé, profession intermédiaire ou intellectuelle supérieure, secteur public. Le

militant populaire en ligne serait un homme de plus de 35 ans, diplômé de l’Université,

cadre, secteur privé.

Ces suppositions pour cerner le profil du militant en ligne UMP/PS sont assez

caricaturales, c’est pourquoi il a été nécessaire d’entamer une enquête quantitative. La

deuxième section de ce document présente les résultats partiels de cette enquête afin de

saisir le profil sociologique du cyber-militant à l’UMP et au PS.

SECTION II : PROFIL DU CYBER-MILITANT AUTO-DECLARE

Pour identifier le profil sociodémographique du cyber-militant à l’UMP et au PS, nous

nous appuyons ici sur notre enquête quantitative et notamment sur l’auto-évaluation des

enquêtés50

c’est pourquoi nous parlerons de « cyber-militant déclaré » ou « auto-déclaré ». Il

faut préciser que nous avons effectué un tri à l’aide de la question 21c51

car la notion de

« cyber-militant » a parfois été mal comprise, assimilée à la notion de « militant »52

. Nous

avons donc conservé dans nos données pour établir le profil du cyber-militant, uniquement les

enquêtés qui se référaient à Internet dans leur explicitation de ce que signifiait, pour eux, la

notion de « cyber-militant ».

50

Question n° 21 de notre enquête quantitative :

« a- Vous sentez-vous un(e) « cyber-militant(e)»?

Oui / Non

b- Pourquoi?» 51

-21 c- explicitez ce que recouvre, pour vous, l’expression « cyber-militant »…… 52

Se référer à l’annexe méthodologique.

Page 21: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

1. Un cyber-militant masculin

Le cyber-militant auto-déclaré que ce soit socialiste ou populaire est plutôt un homme

(73% à l’UMP et au PS). Cela confirme nos premières hypothèses, établies à partir de nos

entretiens et des travaux déjà menés sur les militants en ligne dans les partis libéral démocrate

britannique (Ward, Lusoli, Gibson, 2002), danois et norvégiens (Pedersen, Saglie, 2005).

Comparé au profil traditionnel (hors ligne) des militants UMP et PS, la place des hommes

s’en trouvent renforcée sur le Net-militant. Pourtant, cela ne semble pas dû à un manque de

femmes sur la Toile puisque le profil-type de l’internaute français est assez équilibré

concernant le genre. Selon ces données –se référer au tableau 4-, les femmes seraient plus

nombreuses que les hommes dans la population française, quasiment autant présentes sur la

Toile, moins investies dans le militantisme et encore plus distanciées dans le militantisme en

ligne.

TABLEAU 4 : la répartition hommes/ femmes(%)

Cyber-militant

déclaré PS

(Theviot, 2011)

Cyber-militant

déclaré UMP

(Theviot, 2011)

Militant PS

HORS LIGNE

(Rey, 2011)

Militant UMP

HORS LIGNE

(Haegel, 2009)

Internaute

français type

INSEE,

201053

SEXE

Hommes

Femmes

73

27

73

27

70

30

68

32

51

49

48

52

2. Un cyber-militant jeune TABLEAU 5 : Structure des âges(en %)

Le cyber-militant populaire ou socialiste se rapproche davantage du profil de

l’internaute que de celui du militant classique de ces deux formations. En effet, il est

majoritairement beaucoup plus jeune (29% des cyber-militants socialistes ont moins de 30

ans, 34% pour les cyber-militants populaires). Environ la moitié des cyber-militants

socialistes et populaires ont moins de 40 ans ce qui contraste fortement avec le profil type des

militants traditionnels de l’UMP et du PS. Les cyber-militants âgés de plus de 70 ans sont très

minoritaires (4% au PS ; 2% à l’UMP), comparé au pourcentage d’adhérent de cet âge au sein

des deux partis étudiés (10% au PS, 12% à l’UMP). La jeunesse semble donc être une

53

Insee, estimations de population (résultats provisoires arrêtés fin 2010).

http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?ref_id=bilan-demo&reg_id=0&page=donnees-detaillees/bilan-

demo/pop_age2b.htm

Cyber-militant

déclaré PS

(Theviot, 2011)

Cyber-militant

déclaré UMP

(Theviot, 2011)

Militant PS

HORS LIGNE

(Rey, 2011)

Militant UMP

HORS LIGNE

(Haegel, 2009)

Internaute

français type

AGE

Moins de 30 ans

30-39ans

40-49 ans

50-59 ans

60-69ans

Plus de 70 ans

29

20

17

18

12

4

34

14

20

15

15

2

10

13

16

23

28

10

20

10

12

25

21

12

20 (- de 25ans)

21 (25/34ans)

29 (35/49ans)

29 (+ de 50ans)

Page 22: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

variable clé distinguant le cyber-militant du militant traditionnel au PS et à l’UMP. Nous

aurions pu croire que ces « papi-militants », ayant peut être des soucis de santé ou des

difficultés à se déplacer, auraient trouvé dans l’activisme sur le Net un moyen pratique pour

prolonger leur militantisme. Encore faut-il être équipé (ordinateurs et connexion Internet) et

avoir les compétences intellectuelles et techniques (créer une boite mail, un profil

Facebook…), si ce n’est l’envie pour militer sur le Net. « Il arrive que les compétences

militantes traditionnelles (ancienneté dans l’organisation, expérience, maîtrise de la prise de

parole en public) se renégocient de façon forte lors de débats en ligne: passer de l’oral à

l’écrit, ce n’est pas simple; les technologies et les formats de débat ont sans conteste une

incidence forte sur le débat lui-même. » (Granjon, 2005, p.25).

3. Un cyber-militant sur-diplômé TABLEAU 6 : Le niveau d’étude (en %)

Cyber-

militant

déclaré PS

(Theviot,

2011)

Cyber-

militant

déclaré UMP

(Theviot,

2011)

Militant PS

HORS LIGNE

(Rey, 2011)

Militant UMP

HORS LIGNE

(Haegel, 2009)

Diplôme le plus élevé

Aucun diplôme

Certificat d’études primaires

BEPC

CAP, BEP

Bac

DEUG, DUT, BTS, diplômes de professions

sociales ou de la santé

Licence, Master

Thèse, grande Ecole

1

6

2

6

15

18

38

14

1

9

4

9

13

13

39

13

4

17

15

54

10

27

18

55

Le cyber-militant UMP / PS déclaré apparaît très diplômé : 38 % sont titulaires d’une

licence et/ou un Master au PS, 39% pour l’UMP et 14 % ont fait leur cursus au sein d’une

Grande Ecole et/ou ont fait une thèse, 13% pour l’UMP. De façon plus globale, 70 % des

cyber-militants socialistes sont diplômés du supérieur, 65% pour les cyber-militants

« populaires ». Comparé aux militants classiques de ces partis, nous pouvons noter que le

cyber-militant est encore plus diplômé ; alors que déjà le militant classique s’avère

surdiplômé par rapport à la population française (28% des français sont diplômés du

supérieur54

). En effet, selon l’enquête de 2004, 55% des militants traditionnels « populaires »

ont un niveau supérieur au Bac, contre 65% des cyber-militants « populaires » selon nos

données. Les résultats de l’enquête sur les adhérents socialistes de 2008, 2009 et 2010 d’Henri

Rey montrent que 64% ont un niveau supérieur au Bac. Là encore, les cyber-militants

socialistes sont davantage diplômés que les militants traditionnels de ce parti puisqu’ils

gagnent 6 points.

54

Eurostat, enquête sur les forces de travail dans l'Union européenne, 2009

http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=98&ref_id=CMPTEF07251

Page 23: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

4. Un cyber-militant appartenant aux catégories socioprofessionnelles supérieures

TABLEAU 7 : Professions (de la personne interrogée, de son père et de sa mère) et secteurs d’activité

Cyber-

militant

déclaré PS

(Theviot,

2011)

Cyber-

militant

déclaré

UMP

(Theviot,

2011)

Militant PS

HORS

LIGNE

(Rey, 2011)

Militant UMP

HORS LIGNE

(Haegel, 2009)

Catégories socio-professionnelles

Agriculteurs exploitants

Artisans, commerçants

Chef d’entreprise de 10 salariés et +

Cadres et professions sup.

Professions intermédiaires

Employés

Ouvriers

Autres

10

3

2

52

14

16

2

0

10

8

6

47

10

11

1

0

Non présent

dans les

choix

49

25

14

3

9

2

10

43

18

26

2

Secteur d’activité

Public

Privé

Associatif

Indépendant

Autre

58

31

8

3

0

49

39

3

9

0

59

41

37

62

Profession du père

Agriculteurs exploitants

Artisans, commerçants

Chef d’entreprise de 10 salariés et +

Cadres et professions sup.

Professions intermédiaires

Employés

Ouvriers

Homme au foyer

7

11

4

37

12

13

15

1

9

16

10

30

18

10

7

0

27

24

17

25

8

Profession de la mère

Agriculteurs exploitants

Artisans, commerçants

Chef d’entreprise de 10 salariés et +

Cadres et professions sup.

Professions intermédiaires

Employés

Ouvriers

Femme au foyer

8

5

0

19

13

22

4

29

10

9

3

16

10

16

1

35

Au titre des éléments communs à l’UMP et au PS, on trouve la place prépondérante

qu’occupent les professions dites supérieures, cadres et professions intellectuelles dans les

deux organisations (52 % au PS, 47% à l’UMP) et, à l’inverse, la quasi-absence des ouvriers

(2 % au PS, 1% à l’UMP). Sur ce point, on ne peut que constater, une fois encore, la force

opératoire des logiques sociales inégalitaires structurant l’engagement politique, renforcé dans

la militance en ligne (52% des cyber-militants socialistes contre 49% des militants PS

classiques appartiennent à la catégorie « cadres et professions sup »). À cet égard, la prise en

Page 24: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

compte de la profession des parents vient nuancer nos propos puisque le cyber-militant a

majoritairement des parents ayant exercé des professions supérieures (PS : 37 % pour le père,

19% pour la mère ; UMP : 30% pour le père, 16% pour la mère) mais la répartition entre les

différentes catégories s’avère plus équilibrée à tel point que 15 % des pères des cyber-

militants socialistes étaient des ouvriers.

Le profil professionnel du militant traditionnel, comparé à celui du cyber-militant est assez

similaire. Seule une catégorie est surreprésentée sur la Toile : les agriculteurs exploitants.

Nous avions déjà noté cette différence en étudiant le profil type de l’adhérent UMP (section I

c) à partir des données de notre enquête (12% appartiennent à la catégorie « agriculteurs

exploitants »), comparée à celle de 2004 (seulement 2%). Nous avions alors supposé qu’il

s’agissait d’une catégorie « fantôme », difficilement saisissable par des enquêtes hors ligne.

Le taux important des cyber-militants exerçant la profession d’agriculteurs (10% au PS et à

l’UMP) semble confirmer cette hypothèse. Les militants agriculteurs exploitants, ne pouvant

militer de façon classique (tractage, réunions...) du fait de leur profession et de leur isolement

géographique, militent beaucoup plus en ligne. Ainsi, nous pouvons seulement capter ces

militants « fantômes » sur la Toile puisque que c’est là où ils exercent l’essentiel de leur

activité militante. Cette hypothèse se trouve vérifiée lorsque que l’on distingue les deux

modalités de passation de notre questionnaire (cf. tableau 8). Les cyber-militants socialistes et

« populaires » qui ont répondu au questionnaire hors ligne, dans sa forme papier, diffusé en

sections/circonscription ou lors de rassemblements de militants (meeting, Université d’été,

fêtes...) ne sont pas des agriculteurs (0% pour l’UMP et le PS). Nous retrouvons cette

catégorie uniquement chez les répondants en ligne. Les militants exerçant la profession

d’agriculteur exploitant seraient donc souvent sous-évalué dans les enquêtes hors ligne car ils

ne se déplacent pas dans les réunions ou congrès et ne sont pas actifs dans les formes

traditionnelles de militantisme, mais bien plutôt en ligne ; et donc repérable que par une

enquête diffusée sur le Net.

Tableau 8 : Répartition des professions en fonction des modalités de passation du questionnaire (hors ligne/en ligne)

Profil du « cyber-militant » déclaré PS UMP

Modalité de passation du questionnaire Hors ligne En ligne TOTAL Hors ligne En ligne TOTAL

Catégories socio-professionnelles

Agriculteurs

Artisans, commerçants

Chef d’entreprise de 10 salariés et +

Cadres et professions sup.

Professions intermédiaires

Employés

Ouvriers

Autres

0

5.13

2.56

64.10

7.69

0

2.56

17.95

10

3

2

52

14

16

2

0

0

7.69

0

38.46

7.69

15.38

0

30.77

10.56

7.45

6.21

45.58

10.56

17.39

1.24

0

10

8

6

47

10

11

1

0

S’agissant du secteur d’activité, les adhérents de l’UMP appartiennent classiquement au

secteur privé (62 %), s’opposant ainsi au PS construit autour d’un groupe majoritaire inscrit

dans le secteur public (59 %). Encore faut-il préciser que la formation de droite surreprésente

tout de même les salariés du public situé autour des 30 % de la population active globale

française. On ne retrouve pas cette distinction dans le profil du cyber-militant : le cyber-

militant « populaire » est majoritairement issu du secteur public (49%) tout comme le cyber-

militant socialiste (58%). Il faut toutefois noter que notre nomenclature prenait en compte les

Page 25: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

secteurs associatifs et indépendants, contrairement aux enquêtes de 2004 (Haegel, 2009) et

2010 (Rey, 2011). Nous pouvons donc supposer que le secteur associatif était souvent

assimilé au secteur public et le secteur indépendant au secteur privé. Si tel est le cas, nous

aurions un ancrage moins affirmé du cyber-militant populaire dans le secteur public, mais

plutôt un partage équilibré entre les deux secteurs (48 % secteur privé, 52% secteur public).

En suivant la même logique, le cyber-militant socialiste, serait lui, encore davantage ancré

dans le secteur public (66% secteur public, 34 % secteur privé). Comparé au militant UMP

traditionnel, le cyber-militant aurait un profil davantage tourné vers le secteur public tandis

que le cyber-militant socialiste verrait son profil traditionnel ancré dans le secteur public

davantage renforcé.

5. Un cyber-militant célibataire

Le cyber-militant « populaire » et socialiste est majoritairement célibataire (39% pour le PS,

41% pour l’UMP). Le nombre de cyber-militants pacsées (3 % au PS, 0% à l’UMP) est très

faible au regard de celui des personnes mariées (30% au PS, 35% à l’UMP) ou en union libre

(en couple sans cohabitation : 7 % au PS, 4 % à l’UMP / en concubinage : 15 % au PS et 12%

à l’UMP). Même si le célibat est majoritaire, plus de la moitié des cyber-militants aussi bien à

l’UMP (58% ) qu’au PS (53%) ont un ou plusieurs enfants.

Nous aurions aimé comparer nos données sur la situation matrimoniale des militants en ligne

avec celles des militants classique, mais nous n’avons pas trouvé, à ce jour, d’enquêtes

s’intéressant sur l’UMP et le PS à cette dimension.

Tableau 9 : Situation matrimoniale (en %)

Cyber-militant

déclaré PS

(Theviot, 2011)

Cyber-militant

déclaré UMP

(Theviot, 2011)

Situation matrimoniale

Célibataire

En couple, sans cohabitation

En concubinage

Marié

Divorcé/séparé

Veuf/veuve

Pacsé

39

7

15

30

6

0

3

41

4

12

35

8

0

0

Enfants

Oui

Non

53

47

58

48

Page 26: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

Conclusion

Si l’on s’en tient à l’auto-évaluation du cyber-militantisme de nos enquêtés, le cyber-

militant type serait un homme célibataire, de moins de 30 ans, diplômé de l’enseignement

supérieur (majoritairement une Licence ou un Master), exerçant une profession dite

supérieure dans le secteur public. Les distinctions traditionnelles entre les adhérents de l’UMP

et du PS (secteur public pour le PS, privé pour l’UMP) s’estompent sur la Toile. Une

différence saute immédiatement aux yeux lorsque l’on compare le profil du cyber-militant

auto-déclaré à celui du militant traditionnel : l’âge. Alors que le militant classique socialiste et

« populaire » a autour de 50 ans, voire plus, notre cyber-militant a moins de 30ans ! Nos

résultats se rapprochent de ceux de Pedersen et Saglie dans leur analyse des partis danois et

norvégiens (Pedersen, Saglie, 2002) au sens où ces derniers avaient mis à jour un décalage

entre profil du militant hors ligne et en ligne – plus jeune, plus passif, voir plus masculin.

Notre cyber-militant est en effet plus jeune et légèrement plus masculin (73% d’hommes chez

les cyber-militants UMP et PS contre 70% pour les militants classiques socialistes et 68%

pour les militants populaires). Nos résultats viennent aussi confirmer les propos de Ward et

Gibson travaillant, eux, à partir de l’exemple du parti libéral démocrate britannique : « Le

profil des internautes politiques n’apparait pas tellement différent de celui des militants

traditionnels» (Ward, Gibson, 2011, p.111). En effet, excepté le facteur clé de l’âge et la

dimension du secteur public pour l’UMP, le profil du cyber-militant est assez proche du

militant classique. Le profil sociologique du cyber-militant correspond en fait à celui d’un

militant traditionnel aux caractéristiques exacerbées : le cyber militant est « toujours plus ».

Toujours plus diplômé, plus masculin, plus haut dans la position professionnelle. Concernant

les catégories socio-professionnelles, il convient de s’interroger.

Nous avons pu repérer que 10% des cyber-militants auto-déclarés étaient des

agriculteurs exploitants. Ce pourcentage, en lui-même n’est pas très important ; mais comparé

à celui des militants traditionnels agriculteurs exploitants (2% pour l’UMP), il le devient.

Nous avons émis l’hypothèse que le taux d’agriculteurs adhérents à l’UMP étaient sous-

évalué par les enquêtes papier (Harris, 1986 ; Jardin, 1994 ; Haegel, 2009)55

diffusée de main

à main, lors de congrès ou événements réunissant des militants. Seules des enquêtes en ligne

permettent de capter cette catégorie de la population, souvent isolée géographiquement et ne

se déplaçant pas aux évènements solennels du parti étant donné leurs charges de travail

quotidiennes. Cette hypothèse s’est confirmée en comparant les taux d’agriculteurs adhérents

à l’UMP en fonction des deux modes de passation du questionnaire : dans le questionnaire

papier, on trouve 0% d’agriculteurs exploitants ; alors que dans le questionnaire en ligne,

12%. Sachant qu’en 2007, 75% des agriculteurs avaient l’intention de voter Nicolas Sarkozy,

il n’est pas non plus étonnant que le taux d’agriculteurs adhérents à l’UMP soit un peu plus

élevé que 2% ! Non seulement certains agriculteurs sont adhérents à l’UMP, mais en plus la

majorité se disent cyber-militants (50% des agriculteurs se disent cyber-militant, 35% ne

savent pas56

). Ces résultats méritent une recherche plus approfondie sur cette thématique.

Dans cet article, nous avons appuyé notre raisonnement sur l’auto-évaluation des

enquêtés se reconnaissant ou non comme « cyber-militants ». Mais, demander aux personnes

55

Nous ne prenons pas ici en compte l’enquête menée par Bréchon et al. Car elle s’adressait uniquement aux

cadres du parti, en grande majorité présents lors d’évènements organisés par le parti. 56

Ces résultats indiqués entre parenthèses sont à prendre avec précaution étant donné le nombre limité

d’agriculteurs exploitants adhérent à l’UMP ayant répondu à notre enquête (36). Les pourcentages illustrant la

part de cyber-militant ou au sein d’une catégorie professionnelle choisie sont plus délicats à manipuler, que les

pourcentages représentant la part des différentes catégories professionnelles se déclarant cyber-militant. Il faut

rappeler que notre enquête ne prétend pas être représentative.

Page 27: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

interrogées de s’évaluer elles-mêmes comme « cyber-militant » comporte certains biais. La

question 21c57

, nous le montre bien puisque les définitions données à la notion de « cyber-

militant » varient d’un enquêté à un autre. De plus, comme pour la notion de « militant »58

,

nous pouvons supposer que le nombre de cyber-militant auto-déclaré est surestimé ce qui

fausse certainement aussi son profil sociologique.

Les auto- déclarations entrent parfois en contradiction avec les pratiques déclarées. A priori,

un cyber-militant est censé passer un temps important sur le Web dans le cadre de son activité

militante. Or, quelques enquêtés se considèrent comme des cyber-militants alors qu’ils

passent moins de deux heures sur le Net pour militer par semaine (cf tableau 10)

Tableau 10 : Corrélation cyber-militant auto-déclaré et temps passé en ligne

Temps passé en ligne à militer/ semaine

Jamais Moins de 2 heures Entre 2h et 5h

Entre 5h et 10h

Plus de 10h

Cyber-militant auto-déclaré UMP

0 21 37 19 23

Cyber militant auto-déclaré PS

0 19 32 26 23

Nous souhaitons donc compléter l’auto-évaluation présentée précédemment par des critères

dits « objectifs » du cyber-militantisme, à partir d’un « indicateur global » (Donnat, p.165)

composé de 4 items : le temps passé sur le Web dans le cadre de l’activité militante partisane,

l’équipement Web personnel, la connaissance des outils numériques créés par le parti à

destination des militants, le classement des sources d’information.

Notre questionnaire est riche de données qu’il nous reste à exploiter davantage. L’objectif de

cet article était de dresser une esquisse du profil type du cyber-militant à travers des critères

d’auto-évaluation. Il est certain que d’autres critères vont nous permettre d’affiner encore ce

profil du cyber-militant, voire de construire une typologie du militant en fonction de son

usage du Web.

Par ailleurs, nous avons été agréablement surpris du nombre important d’enquêtés qui ont

bien voulu laissé leurs coordonnées à la fin du questionnaire, acceptant ainsi d’être

recontactée pour un entretien en face à face. Cela nous ouvre de nouvelles opportunités

d’enquête, cette fois-ci tournée vers le qualitatif.

57

21 c- explicitez ce que recouvre, pour vous, l’expression « cyber-militant »…… 58

« Globalement le nombre des militants (par auto-estimation) excède celui des militants de fait » (Lagroye,

1976, p. 133).

Page 28: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

Pour déjà aller un peu plus loin…

Tableau 11 : Sociologie des adhérents UMP /PS en fonction de l’intensité de l’usage du Web militant (en %)

PARTI

PS UMP

Combien de temps

passez-vous sur le Net

en moyenne dans la

cadre de votre activité

militante ?

Ne

milite

jamais

en ligne

Moins

de 2

heures

en

ligne

Entre 2

heures

et 5

heures

en

ligne

Entre

5

heures

et 10

heures

en

ligne

Entre

10

heures

et 20

heures

en ligne

Plus

de

20

heur

es en

ligne

Ne

milite

jamais

en

ligne

Moins

de 2

heures

en

ligne

Entre 2

heures

et 5

heures

en ligne

Entre 5 heures et 10 heures en ligne

Entre 10 heures et 20 heures en ligne

Plus de 20 heures en ligne59

SEXE

Hommes

Femmes

71

29

70

30

72

28

71

29

66

34

100

0

83

17

67

33

79

21

74 26

71 29

100 0

AGE

Moins de 30 ans

30-39 ans

40-49 ans

50-59 ans

60-69 ans

Plus de 70 ans

50

7

7

22

0

14

29

20

15

18

17

1

36

21

19

10

10

4

36

18

15

19

13

2

35

18

17

18

7

4

29

29

14

14

14

0

17

33

17

0

0

33

24

15

24

17

15

4

36

11

22

15

15

1

38 19 25 8 10 0

27 12 21 19 21 0

0 15 15 10 21 0

Catégories socio-

professionnelles

Agriculteurs

Artisans,

commerçants

Chef d’entreprise de

10 salariés et +

Cadres et professions

sup.

Professions

intermédiaires

Employés

Ouvriers

0

9

9

46

0

27

9

8

3

3

60

11

14

1

11

2

2

51

15

17

2

9

0

3

57

14

15

2

12

3

0

56

18

9

2

0

16

17

68

0

0

0

0

0

0

66

17

17

0

9

8

5

39

16

21

2

14

8

8

43

12

14

1

12 14 8 39 4 23 0

8 6 6 54 12 12 2

0 0 0 100 0 0 0

Secteur d’activité

Public

Privé

Associatif

indépendant

64

36

0

0

68

24

5

3

51

38

6

5

53

31

10

7

65

26

7

2

50

17

15

16

33

50

0

17

47

44

0

9

45

31

4

20

53 37 4 6

53 35 4 8

50 50 0 0

Diplôme le plus

élevé

Certificat d’études

primaires

BEPC

CAP, BEP

Bac

DEUG, DUT, BTS,

diplômes de

professions sociales

ou de la santé

7

7

0

36

7

7

2

4

11

17

8

1

5

15

17

4

0

5

15

21

5

4

1

15

15

0

0

0

14

28

0

16

0

17

0

7

1

10

21

12

11

7

11

8

12

8 4 14 10 14

6 10 0 14 12

0 0 0 50 0

59

Cette catégorie ne semble pas très pertinente eu vue du faible nombre d’individus ayant déclaré passer plus de

20h sur le Web dans le cadre de leurs activités militantes. Nous prenons donc en compte les deux colonnes de

droite, soit un militant ayant passé plus de 10h sur le Net pour établir le profil du « cyber-militant ».

Page 29: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

Licence- Master

Thèse, grande Ecole

Aucun diplôme

36

7

0

41

17

2

40

14

0

44

10

1

40

19

1

43

14

0

16

50

0

33

11

4

34

16

1

38 12 0

46 12 0

0 50 0

Situation

matrimoniale

Célibataire

En couple, sans

cohabitation

En concubinage

Marié

Divorcé/séparé

Veuf/veuve

Pacsé

50

7

29

14

0

0

0

38

6

22

22

8

0

3

49

5

13

25

4

1

2

29

8

21

31

6

0

5

39

7

13

32

7

0

1

57

15

14

14

0

0

0

17

0

17

50

16

0

0

35

8

6

37

12

1

1

51

3

6

32

8

0

0

38 6 18 28 8 2 0

37 6 12 43 4 2 0

50 50 0 0 0 0 0

Profession du père

Agriculteurs

Artisans,

commerçants

Chef d’entreprise de

10 salariés et +

Cadres et professions

sup.

Professions

intermédiaires

Employés

Ouvriers

Homme au foyer

0

7

0

36

29

7

21

0

7

11

4

37

14

12

15

0

8

9

3

37

11

14

16

1

5

13

3

39

11

17

9

2

6

10

4

38

7

15

18

1

0

43

0

28

0

0

27

0

16

16

17

33

0

17

0

0

15

15

10

27

13

8

10

1

12

20

10

27

16

9

5

0

12 14 6 22 20 16 10 0

6 18 8 27 18 10 8 4

67 0 0 33 0 0 0 0

Page 30: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

Bibliographie

ALDRIN Ph., « Les permanents sont-ils des militants ? », Recherche socialiste, dossier « Les

transformations du militantisme socialiste » (dirigé par Rémi Lefebvre), Hors-série, n°46-47,

2009

ALDRIN Ph. et BARBONI T., Ce que la professionnalisation de la politique fait aux militants

dans Identifier, s'identifier - Faire avec, faire contre, Lausanne, Suisse, 2008

AVRIL, UDR et gaullistes, Paris, PUF, 1971.

BARBONI Thierry et TREILLE Eric, « L'engagement 2.0. », Revue française de science

politique, vol 60, n°6, 2010

BARGEL Lucie, Aux avant-postes. La socialisation au métier politique dans deux

organisations de jeunesse de parti. Jeunes populaires (UMP) et Mouvement des jeunes

socialistes (PS), Thèse en science politique, sous la direction de Frédérique Matonti, le 13

octobre 2008

BARGEL Lucie et PETITFILS Anne-Sophie, « “Militants et populaires !” Une organisation

de jeunesse sarkozyste en campagne. L’activation périodique d’une offre organisationnelle de

militantisme et ses appropriations pratiques et symboliques », Revue française de science

politique, vol. 59, n°1, 2009, p. 51-75

BEAUDOUIN V., LICOPPE C., « Présentation », Réseaux, vol. 20, n° 116, 2002, p. 9-15

BEAUVALLET G., « Partie de campagne : militer en ligne au sein de ‘désirs d’avenir’ »,

Hermès, 47, 2007

BEAUVALLET Godefroy et RONAI Maurice, « Vivre à temps réels », Réseaux, n° 129-130,

2005, p. 275-309. URL : www.cairn.info/revue-reseaux-2005-1-page-275.htm.

BLANCHARD G., La communication politique partisane sur Internet : des pratiques et des

stratégies nouvelles?, Thèse de doctorat en Sciences de l’Information et de la

Communication, sous la direction d’Isabelle Pailliart, GRESEC, Université Stendhal

Grenoble 3, soutenue le 26 novembre 2007

BLANCHARD G., « L’usage de l’Internet au service de la communication du parti », Les

Enjeux de l’information et de la communication, article inédit faisant suite à une

communication au 8° colloque Brésil-France, à l'Institut de la Communication et des Médias,

Université Grenoble 3, les 29 et 30 septembre 2006

http://w3.u-grenoble3.fr/les_enjeux/2006-supplement/Blanchard/index.php.

BLONDEAU Olivier et ALLARD Laurence, Devenir média. L’activisme sur Internet, entre

défection et expérimentation, Paris, Edition Amsterdam, 2007

BOUSQUET F., « L’Internet collaboratif est-il participatif ? Le blog de DSK et Désirs

d’avenir durant la pré-campagne de désignation du candidat socialiste à l’élection

présidentielle », Colloque Les usages partisans de l’Internet, Nancy, juin 2007

BRECHON Pierre, DERVILLE Jacques, LECOMTE Patrick, Les cadres du RPR, Paris,

Economica, 1987

CARDON D., GRANJON F., « La radicalisation de l’espace public par les média-activistes.

Les pratiques du Web lors du second Forum social mondial de Porto Alegre »,

Communication au VIIe Congrès de l’Association française de science politique, Table-ronde

« La radicalisation politique », Lille, 18-21 septembre 2002

CAYROL Roland, « L'univers politique des militants socialistes : une enquête sur les

orientations, courants et tendances du Parti socialiste », Revue française de science politique,

Vol. 25, n°1, 1975, p. 23-52

CAYROL Roland et YSMAL Colette. « Les militants du PS originalité et diversité ». Projet,

165, mai 1982

CHARLOT Jean, L’UNR. Etude du pouvoir au sein d’un parti politique, Paris, Armand Colin,

1967

Page 31: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

DAGNAUD Monique, MEHL Dominique, « Profil de la nouvelle gauche. », Revue française

de science politique, vol. 31, n°2,1981, p. 372-393.

DAHLBERG L., “Computer-Mediated Communication and the Public Sphere: a critical

analysis”, Journal of Computer-Mediated Communication, vol. 7, n°1, 2001

DAVIS S., ELIN L., REEHER G., Click On Democracy, Westview Press, 2002

DESQUINABO Nicolas, « Polémique ou délibération ? Les usages des forums partisans

pendant la campagne 2007 », in GREFFET Fabienne, Continuer la lutte.com – Les partis

politiques sur le Web, Les Presses de Sciences Po., 2011, p. 249-254

DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique : enquête 2008,

Paris, La Découverte/Ministère de la Culture et de la Communication, 2009, 280 p

DUVERGER Maurice, Les partis politiques, Paris, Armand Colin, 1976 (10ème Ed.)

ETHUIN Nathalie et LEFEBVRE Remi, « Les balbutiements de la cyberdémocratie

électorale. Contribution à une analyse des usages politiques d’Internet : le site de Martine

Aubry lors des élections municipales de mars 2001 », in SERFATY Vivianne (dir.),

L’Internet politique, des Etats-Unis à l’Europe, Strasbourg, Presses universitaires de

Strasbourg, 2002

FLICHY P., « Internet et le débat démocratique », Réseaux, n°150, 2008/4,

http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RES&ID_NUMPUBLIE=RES_150&ID_AR

TICLE=RES_150_0159

GIBSON Rachel K. et Ward Stephen J., « Renouveler le parti ? Les stratégies de campagnes

et d’organisation en ligne des partis britanniques », in GREFFET Fabienne, Continuer la

lutte.com – Les partis politiques sur le Web, Les Presses de Sciences Po., 2011, p. 109-122

GRANJON F., « L’Internet militant. Entretien avec Fabien Granjon », Matériaux pour

l'histoire de notre temps, n° 79, 2005

GREFFET Fabienne, « Les blogs politiques: enjeux et difficultés de recherche à partir de

l'exemple français”, Communication, vol.25, n°2, 2007, p.200-211

HAEGEL Florence, « La mobilisation partisane de droite », Revue française de science

politique, Vol. 59, 2009, p. 7-27

HARDOUIN Patrick, « Les caractéristiques sociologiques du Parti Socialiste », Revue

Française de Science Politique, vol .28, n°2, 1978

ION Jacques, FRANGUIADAKIS Spyros, VIOT Pascal, Militer aujourd'hui, Paris, Editions

Autrement, Collection Cevipof, 2005, 144p.

JOUET Josiane, « Les dispositifs de construction de l’internaute par les mesures d’audience »,

Le Temps des médias, n° 3, 2004, p 160 - 174

JULLIA P., « Les enjeux de l’expression politique en ligne entre mythes et réalités :

démocratie participative, café du commerce et nouvelle propagande », Colloque Les usages

partisans de l’Internet, Nancy, juin 2007

KIES R., 2008, « Forum en ligne et partis politiques. Analyse des « Radicali italiani » »,

Réseaux, n° 150, p.133-158.

LAGROYE Jacques et al. Les militants politiques dans trois partis français, Paris , PEDONE,

1976

LECOMTE Patrick. « Comment viennent-ils à la politique ? L’engagement des nouvelles

recrues du RPR », Revue Française de Science Politique, vol.39, n°5, 1989

MARCOCCIA Michel., « Les Webforums des partis politiques français: quels modèles de

discussion politique? », Mots. Les langages du politique, 80, La politique mise au Net, 2006,

p.49-60

MARCOCCIA Michel, « Parler politique dans un forum de discussion. », Langage et société,

n°104, 2003, p.9-55.

MARGETTS Helen, « Cyber Parties », in KATZ S. Richard et CROTTY William (eds),

Handbook of Party Politics, Londres, Sage, 2006, p. 528-535

Page 32: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

MARLIER Julie, « E-democratie 2.0 :l’Agora électronique est-elle possible ? »,

Communication au GIS « participation du public et la démocratie participative », novembre

2009

NEVEU Eric, « Sociologie des adhérents gaullistes »,Pouvoirs, n°28,1984.

NIEL Xavier et ROUX Dominique, Les 100 mots d’Internet, PUF, Que sais-je ?, 2010, p.3-10

NORRIS Pippa, Digital Divide. Civic engagement, Information Poverty, and the Internet

Worldwide, Cambridge, Cambridge University Press, 2001

REY Henri, « Les adhérents socialistes : permanences et changements », Revue socialiste,

n°42, 2011, p. 125-135

REY Henri et SUBILEAU Françoise. Les militants socialistes à l’épreuve du pouvoir, Paris,

Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1991.

REY Henri, SUBILEAU Françoise et YSMAL Colette, Les Adhérents socialistes en 1998,

Cahiers du CEVIPOF, n° 23, Paris, CEVIPOF, 1999, 123 p.

OFFERLE Michel, Les partis politiques, Paris, PUF, 2002 [1987]

OLIVIER Laurent ; « Nouvelles procédures participatives et changements dans l’organisation

partisane. Le cas de l’UMP », Congrès AFSP 2007 Toulouse, Atelier 24 « Partis politiques et

changement : tentatives de rapprochements théoriques autour d'une notion incertaine », 2007

PEDERSEN Karina et SAGLIE Joe, « New technology in Ageing Parties. Internet use in

Danish and Norwegian Parties », Party Politics, vol.11, n°3, 2005, p. 359-377

PERAYA D., FLORESCU G., VICOVAN I., CHIFAR N., « Enquête sur les usages

d’Internet et des applications standards réalisée auprès des étudiants à fréquence réduite

inscrits pour 2001-2002 de la Faculté de Théologie Orthodoxe Roumaine de l'Université Al. I

Cuza Iasi. », International Journal Annals of the University Al. I. Cuza Iasi, 2003, p. 287-316

URL : tecfa.unige.ch/~peraya/homepage/publi/03_enquete_sur_les_usagesl.pdf

TRAUTMANN F., « Internet au service de la démocratie ? Le cas d’ATTAC », Cahiers du

Cevipof, n° 30, 2001

www.cevipof.msh-paris.fr/publications/ cahiers/CahierDuCEVIPOF30.pdf

WARD Stephen J., LUSOLI Wainer et GIBSON Rachel K., « Virtually Participating : a

Survey of On-line Party Members », Information Polity, 7, 2002, p. 199-215

WOJCIK Stéphanie, « Compétence et citoyenneté. Esquisse d’une analyse critique des

travaux sur les dispositifs participatifs en face-à-face et en ligne », Atelier La parole profane,

Congrès SQSP, Montréal, 2008

WOJCIK Stéphanie, Délibération électronique et démocratie locale. Le cas des forums

municipaux des régions Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, Thèse de

doctorat de science politique, soutenue le 21 novembre 2005

YANOSHEVSK Galia, « L’usage des vidéoblogs dans l’élection présidentielle de 2007. Vers

une image plurigérée des candidats », Mots, n°89, 2009, p.57-68

Page 33: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

ANNEXE METHODOLOGIQUE

Notre travail s’appuie sur le matériel empirique récolté dans le cadre de notre recherche

doctorale : entretiens (ou focus group) avec des militants UMP/PS ou des gestionnaires

d’outils numériques partisans (coopilotes60

, responsables Web de section/circonscription ou

de Fédération) et un questionnaire diffusé auprès des militants du PS et de l’UMP. Les

résultats de cet article reposent sur l’analyse de notre enquête quantitative ; bien que nos

entretiens nous aient aidés à formuler nos hypothèses. Nous souhaitons ici revenir sur la

méthodologie de cette enquête quantitative qui s’est déroulée à la fois hors ligne et en ligne

afin de toucher tous les types de militants.

Nous avons élaboré notre questionnaire en mai 2011 en nous appuyant sur des exemples de

questionnaires concernant l’usage du Net (Donnat, 2009 ; Peraya et al., 2003) ou le

militantisme (Bargel, 2008), tout en suivant les conseils de Vivianne Le Hay et Antoine

Roger. Nous avons ensuite testé notre questionnaire auprès de notre entourage (faute de

frappe, compréhension de questions) et auprès de quelques militants UMP et PS sélectionnés.

Leurs retours nous ont permis de modifier la formulation de certaines questions, voire de

préciser certains choix de réponses. Mais cela ne nous a pas empêché d’éliminer toutes les

difficultés. En effet, au cours d’une première vague d’envoi, nous avons remarqué que la

question 21 était souvent mal comprise (« Vous sentez vous un(e) « e-militant(e) ? ») car une

grande partie des personnes interrogés répondaient à la question suivante : « Vous sentez-vous

un(e) militant(e) ? », ne voyant pas ou ne comprenant pas la signification du « e » (bien que la

plupart des questions précédentes se référaient au Web). En cours d’enquête, nous avons donc

dû modifier cette question : « Vous sentez vous un(e) « e-militant(e), un(e) « cyber-

militant(e) » ? ».

L’objectif était de diffuser ce questionnaire massivement auprès des militants UMP et PS,

connectés et non connectés des trois Fédérations choisies pour notre recherche doctorale

(Fédération des Alpes Maritimes, Gironde, Paris).La passation de notre questionnaire s’est

déroulée de juin à octobre 2011.

Dans un premier temps, nous avons pris contact avec le Directeur de la communication de la

Fédération de Paris du PS afin de diffuser le questionnaire auprès des adhérents connectés de

cette Fédération par le biais de leur liste de diffusion. Celui-ci n’a pas pu répondre

positivement à notre demande, nous expliquant qu’une enquête avait déjà été diffusée, peu de

temps auparavant, par Solferino auprès des nouveaux adhérents, sans passer par

l’intermédiaire des secrétaires de section. Cet envoi massif, ne respectant pas les échelons

partisans traditionnels, a été mal perçu par les bureaux de sections et il ne souhaitait donc pas

répéter cette démarche pour notre enquête. Sachant cela, nous avons pris contact avec la

personne appropriée à notre demande à Solférino, mais celle-ci ne nous a pas répondu.

Nous nous sommes donc adressés directement aux secrétaires de section/circonscription des

Fédérations étudiées afin de diffuser notre enquête. Notre démarche était la suivante : nous

avons effectué un entretien dans le cadre de notre thèse avec une quinzaine de secrétaires de

section/circonscription, à qui nous avons ensuite soumis notre questionnaire pour qu’ils le

remplissent par eux-mêmes dans un premier temps, puis nous leur avons proposé de venir les

distribuer (ou qu’ils les distribuent) dans leurs section et les envoient à tous les adhérents

connectés de leur section/circonscription. Ce protocole nous permettait de toucher à la fois les

militants-adhérents non connectés (diffusion d’exemplaires papiers en section/circonscription)

et les militants connectés (envoi par mail avec un fichier attaché). Toutefois, le taux de retour

60

Personnes en charge de la gestion (modération) du réseau social du PS, la Coopol, à la Direction du Web à

Solférino.

Page 34: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

a été assez faible (excepté quand nous étions présent lors des réunions de

section/circonscription pour expliquer ma démarche et récupérer les questionnaires complétés

à la fin de la séance), cela nous a donc poussé à imaginer d’autres manières pour rentrer en

contact avec des militants afin de leur faire compléter notre questionnaire en direct.

Le calendrier nous y a aidé puisqu’au moment de notre enquête (de juin à octobre 2011),

plusieurs évènements venaient rassembler les militants UMP ou PS en un même lieu :

Convention sur le projet du PS le 28 mai, Fête de la rose de la Fédération de Paris du PS le 18

juin, Conférence « Les valeurs de l’UMP » à Bordeaux le 27 juin, Université d’été de la

Rochelle du PS les 26, 27, 28 août, Université d’été de l’UMP à Marseille les 2, 3, 4

septembre ; meeting de Ségolène Royale pour les primaires à Parempuyre le 25 septembre

(Fédération Gironde) et à Paris le 7 octobre, meeting de Martine Aubry à Cenon (Fédération

Gironde) le 29 septembre, meeting de François Hollande à Paris le 13 octobre. Nous avons pu

ainsi distribuer, de main à main, des exemplaires papiers de notre questionnaire et noter

quelques adresses mails pour des envois par mail. Le taux de retour a été très bon lors de la

Fête de la Rose puisque cette manifestation se déroulait sur toute une journée ce qui

permettait de demander aux militants de compléter sur place le questionnaire et nous pouvions

ensuite directement les récupérer. L’envoi par courrier du questionnaire-papier, une fois

complété, est un frein évident à des retours importants.

Dans un second temps, nous avons souhaité diffuser en ligne notre questionnaire afin de

mieux toucher les militants connectés c’est pourquoi nous avons élaboré une version

numérique de notre questionnaire, via la plateforme Google, qui se complète directement en

ligne en quelques clics. Cette version permet de remplir le questionnaire beaucoup plus

rapidement et la tâche parait moins fastidieuse ce qui explique certainement les bons taux de

retour pour ce format (comparé à la version papier). Nous avons ensuite diffusé ce

questionnaire numérique sur les forums de discussions des sites d’actualités, sur des forums

politiques, sur les espaces de discussion de la Coopol… Il nous est très vite apparu que

Facebook pouvait être un moyen d’avoir accès à tout un réseau de militants en ligne. Nous

sommes donc devenues en environ deux mois, « amis » avec plus de 2000 militants PS et

2000 militants UMP afin de diffuser notre questionnaire sur leur « mur »61

. Il était nécessaire

d’établir cette amitié virtuelle car la plupart des murs sont fermés, c’est-à-dire qu’on ne peut y

avoir accès si l’on ne fait pas partie des « amis ». Dans cette démarche d’amitié virtuelle, nous

avons rencontré de nombreuses difficultés.

Dans un premier temps, nous avons demandé comme amis sur Facebook les militants que

nous avions rencontré au cours de notre recherche doctorale (entretiens semi-directifs) sans

distinction de parti politique. Nous nous sommes vite rendus compte qu’il était nécessaire de

créer deux comptes Facebook différents pour contacter les membres de partis concurrents au

risque d’avoir trop peu d’amis puisque même les personnes interrogées en entretien ne

répondaient pas à ma demande voyant que je n’avais que des amis PS sur mon profil (car les

militants socialistes ont été les premiers à répondre à mon invitation à « devenir amis »). Les

deux comptes, PS et UMP, créés sous ma véritable identité, m’ont par la suite posé d’autres

difficultés. Plusieurs amis virtuels militants UMP62

, voyant que nous possédions un autre

compte Facebook où nous avions une centaine d’amis virtuels militants PS, nous ont envoyé

61

Un «mur » (« wall », en anglais) est la dénomination employée sur le réseau social Facebook pour désigner la

page où les amis et l’utilisateur peuvent écrire des messages de façon publique, c'est-à-dire que tous les

internautes peuvent les lire (cela dépend encore des paramètres de confidentialité choisi par l’utilisateur qui

souvent réserve cette fonction uniquement à ses amis). 62

Nous avons noté une méfiance plus accrue des militants populaires qui nous contactaient souvent pour nous

demander si nous étions bien encarté à l’UMP, s’ils pouvaient avoir plus de précisions sur notre recherche avant

de devenir amis…

Page 35: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

(ou pas) un message pour nous expliquer que, dans ce cas, ils « ne voulaient plus être nos

amis ». Nous leur avons, à chaque fois, répondu pour leur expliciter notre démarche de

recherche, mais cela ne nous a pas permis de redevenir « ami » avec eux.

Dans un deuxième temps (une fois devenus amis sur Facebook avec les militants que nous

connaissions hors ligne), nous avons tenté de devenir amie avec les amis militants de nos amis

virtuels, eux-mêmes militants. Ce « réseautage » a bien fonctionné. Puis, nous avons

progressivement étendu le cercle aux amis des amis des amis ; jusqu’à « demander comme

ami », les militants qui affichaient leur engagement sur le Web par un « badge » ou un

symbole (par exemple, drapeau français pour l’UMP, rose pour le PS) adossés à leur

photographie de profil. Ce protocole d’amitié virtuelle nous a pris presque deux mois pour

avoir plus de 2000 amis dans chaque parti, à qui nous avons diffusé en ligne notre

questionnaire.

Nous avons ensuite procédé au codage du questionnaire et à son traitement à l’aide du logiciel

Stata. Nous avons alors constaté que de nombreuses personnes avaient rempli le questionnaire

sans pourtant être adhérent à l’UMP ou au PS. Cela nous a surpris. Nous avons donc tenté de

saisir qui était ces répondants qui ont complétés notre questionnaire alors que celui-ci ne leur

était explicitement63

pas destiné.

Tableau 12 : Répartition des réponses à notre questionnaire (en nombre)

En ligne Hors ligne

Adhérents Non-adhérents adhérents Non-adhérents

PS

364 110 125 0

UMP 264 52 38 0

La réponse à la question 1a64

, nous apporte des indications pertinentes sur l’identité de ces

répondants non adhérents. Il s’agit de militant du Front National (FN) dont le but est de

« casser » du PS notamment65

, d’anciens adhérents qui n’ont pas (souvent volontairement)

renouvelé leur adhésion66

, de militants associatifs ou de Désirs d’avenir67

dans le cas du

questionnaire destiné aux adhérents socialistes, voire de « trolls »68

pour le questionnaire en

ligne.

63

L’intitulé du questionnaire indiquait à chaque fois que l’on s’adressait ici aux adhérents : « Questionnaire pour

la Fédération de Paris, Parti Socialiste ». Dans la présentation du questionnaire, il était signalé : « Plus vous

mettrez de soin à répondre aux questions, plus l’enquête sera en mesure de donner une image fidèle des militants

du PS ». 64

« 1)a- Qu'est-ce que signifie, pour vous, être militant? » 65

Voici les réponses à la question 1)a. d’enquêtés, indiquant dans la suite du questionnaire qu’ils sont adhérents

au FN : « Etre anti-France », « être débile » 66

Réponse à la question 1a d’un ancien adhérent UMP, visiblement déçu : « Donner de l'argent à un parti » /

Réponses d’ex-adhérents PS : « Un manque de culture et de liberté d'esprit. » ; « pour le ps un mouton » ; « je ne

suis plus militante depuis de nombreuses années, mais celà signiliait [sic] un investissement en temps, une

participation aux projets d'un parti » 67

« Donner de son temps, de son énergie, de son savoir, et pourquoi pas de son argent pour espérer contribuer à

faire avancer le monde. La différence avec des associations "utiles", c'est que l'on ne voit pas les fruits de notre

travail. Je précise que si je ne suis pas militant du PS, je suis militant de Désirs d'Avenir. » 68

Sur la Toile, on parle de « troll » ou « trolleur » quand un internaute va tenter de créer des polémiques pour

perturber l’équilibre d’une discussion en ligne. Nous reprenons ici ce terme pour souligner la « perturbation »

volontaire de certains répondants-non adhérents qui souhaitaient visiblement « perturber » notre enquête en

répondant aux questions ouvertes par des suites de lettres « luviodfmkjh » ou des éléments inappropriés et

déconcertant (Connaissez-vous des outils numériques mis en place par le PS ? - réponse : « sodomie.com » !!)

Page 36: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

Il serait également intéressant de réfléchir d’un point de vue méthodologique aux enjeux des

différentes modalités de passations que nous avons utilisé pour notre enquête (en ligne/ hors

ligne). Dans cet article, nous avons pu observer l’intérêt de faire passer un questionnaire en

ligne pour toucher des adhérents que nous avons appelés « fantômes », présents sur le Web et

rarement actifs sur le terrain ou dans les instances traditionnelles de réunions des militants :

les agriculteurs exploitants. Tableau 13: Influence de la modalité e passation sur le profil sociologique de l’adhérent RPR-UMP (en%)

1984

(Bréchon et al. 1987)

1994

(Harris, 1986)

1994

(Jardin, 1994)

2011

(Theviot, 2011)

2001

(Theviot, 2011)

Modalité de passation du

questionnaire

Hors ligne Hors ligne Hors ligne Hors ligne En ligne

SEXE

Hommes

Femmes

80

20

63

37

61

39

63

37

75

25

AGE

Moins de 25 ans

25-34 ans

35-49 ans

50-64 ans

Plus de 65 ans

4

16

75

4

3

11

36

34

16

24

31

21.5

14

9.5

30

18

20

18

14

21

16

31

24

8

Catégories socio-professionnelles

Agriculteurs

Artisans, commerçants

Chef d’entreprise de 10 salariés et +

Cadres et professions sup.

Professions intermédiaires

Employés

Ouvriers

Inactifs

3.5

8

34.5

15

8

2

21

5

3

20

11

11

5

27

0

7

20

27

7

3.5

24.5

0

10

0

52

14

24

0

13

8

7

42

11

17

2

Nous pourrions penser que ceux qui répondent en ligne sont ceux qui militent activement sur

le Web. Or, cette déduction s’avère erronée lorsque l’on compare les deux modalités de

passation avec les réponses faites en termes de temps passé à militer sur le Web. Ceux qui ont

déclaré69

passer le plus de temps (plus de 20 heures) sur Internet dans le cadre de leur activité

militante sont ceux qui ont répondus aux questionnaires papier (cf. tableau 14).

69

Il s’agit de « déclaration » d’usage et non de l’usage effectif. Nous pouvons bien entendu mettre en doute ces

déclarations

Page 37: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques

Tableau 14 : Modalité de passation et intensité de l’activité militante en ligne à l’UMP(en%)

Combien de temps

passez-vous sur le Net

en moyenne dans la

cadre de votre activité

militante ?

Ne milite

jamais en

ligne

Moins de 2

heures en

ligne

Entre 2 heures

et 5 heures en

ligne

Entre 5 heures

et 10 heures

en ligne

Entre 10 heures

et 20 heures en

ligne

Plus de 20 heures en

ligne

Modalité de passation

du questionnaire

Hors

ligne

En

ligne

Hors

ligne

En

ligne

Hors

ligne

En

ligne

Hors

ligne

En

ligne

Hors

ligne En ligne

Hors ligne

En ligne

SEXE

Hommes

Femmes

4

4

1.52

0

12

12

19.32

9.09

20

12

26.14

6.44

16

0

12.5

4.92

4

8

12.88 4.55

8 0

0 0

Page 38: Qui milite sur le Net · 2015-08-06 · Cependant, les partis politiques sont bien présents sur la Toile depuis quelques années comme le montre le nombre de sites de partis politiques