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RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE Janvier 2015 | Numéro 1 Agroscope | OFAG | HAFL | AGRIDEA | ETH Zürich | FiBL Production végétale En quête de variétés tolérantes – pour une gestion durable du feu bactérien Page 4 Production végétale Enjeux de la production de pommes sans résidus Page 12 Environnement Recul des prairies à fromental Arrhenatheretum et conséquences sur la biodiversité Page 20

Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

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Page 1: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

RECHERCHEAGRONOMIQUESUISSE

J a n v i e r 2 0 1 5 | N u m é r o 1

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Production végétale En quête de variétés tolérantes – pour une gestion durable du feu bactérien Page 4

Production végétale Enjeux de la production de pommes sans résidus Page 12

Environnement Recul des prairies à fromental Arrhenatheretum et conséquences sur la biodiversité Page 20

Page 2: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

Le feu bactérien est un sérieux problème pour la culture de fruits à pépins en Suisse. Pour éviter de recourir aux antibio-tiques, les chercheurs et chercheuses d’Agroscope explorent intensivement des approches alternatives. De nouveaux principes actifs, stratégies de protection phytosanitaire et mesures sont testés afin d’assainir les arbres atteints et d’obtenir des variétés de pommes et de poires robustes pour la culture de fruits à cidre. (Photo: Gabriela Brändle, Aroscope)

ImpressumRecherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz est une publication des stations de recherche agronomique Agroscope et de leurs partenaires. Cette publication paraît en allemand et en français. Elle s’adresse aux scientifiques, spécialistes de la recherche et de l’industrie, enseignants, organisations de conseil et de vulgarisation, offices cantonaux et fédéraux, praticiens, politiciens et autres personnes intéressées.

EditeurAgroscope

Partenairesb Agroscope (Institut des sciences en production végétale IPV;

Institut des sciences en production animale IPA; Institut des sciences en denrées alimentaires IDA; Institut des sciences en durabilité agronomique IDU), www.agroscope.ch

b Office fédéral de l’agriculture OFAG, Berne, www.ofag.chb Haute école des sciences agronomiques forestières et alimentaires HAFL, Zollikofen, www.hafl.chb Centrale de vulgarisation AGRIDEA, Lausanne et Lindau, www.agridea.chb Ecole polytechnique fédérale de Zurich ETH Zürich,

Département des Sciences des Systèmes de l'Environnement, www.usys.ethz.chb Institut de recherche de l'agriculture biologique FiBL, www.fibl.org

Rédaction Direction et rédaction germanophoneAndrea Leuenberger-Minger, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz,Agroscope, case postale 64, 1725 Posieux, Tél. +41 58 466 72 21, Fax +41 58 466 73 00

Rédaction francophoneSibylle Willi Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz,Agroscope, case postale 1012, 1260 Nyon 1, Tél. +41 58 460 41 57

SuppléanceJudith Auer, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz,Agroscope, case postale 1012, 1260 Nyon 1, Tél. +41 58 460 41 82

e-mail: [email protected]

Team de rédaction Président: Jean-Philippe Mayor (Responsable Corporate Communication Agroscope), Evelyne Fasnacht, Erika Meili et Sibylle Willi (Agroscope), Karin Bovigny-Ackermann (OFAG), Beat Huber-Eicher (HAFL), Esther Weiss (AGRIDEA), Brigitte Dorn (ETH Zürich), Thomas Alföldi (FiBL).

AbonnementsTarifsRevue: CHF 61.–*, TVA et frais de port compris (étranger + CHF 20.– frais de port), en ligne/App: CHF 61.–*

* Tarifs réduits voir: www.rechercheagronomiquesuisse.ch

AdresseNicole Boschung, Recherche Agronomique Suisse/Agrarforschung Schweiz, Agroscope, case postale 64, 1725 Posieux e-mail: [email protected], Fax +41 26 407 73 00

Changement d'adressee-mail: [email protected], Fax +41 31 325 50 58

Internet www.rechercheagronomiquesuisse.chwww.agrarforschungschweiz.ch

ISSN infosISSN 1663 – 7917 (imprimé)ISSN 1663 – 7925 (en ligne)Titre: Recherche Agronomique SuisseTitre abrégé: Rech. Agron. Suisse

© Copyright Agroscope. Tous droits de reproduction et de traduction réservés. Toute reproduction ou traduction, partielle ou intégrale, doit faire l’objet d’un accord avec la rédaction.

Indexé: Web of Science, CAB Abstracts, AGRIS

SommaireJanvier 2015 | Numéro 1

3 Editorial

Production végétale

4 En quête de variétés tolérantes – pour une gestion durable du feu bactérien

Anita Schöneberg, Sarah Perren et

Andreas Naef

Production végétale

12 Enjeux de la production de pommes sans résidus Michael Gölles, Esther Bravin, Stefan Kuske et

Andreas Naef

Environnement

20 Recul des prairies à fromental Arrhenatheretum et conséquences sur la biodiversité

Andreas Bosshard

Production animale

28 Croisements entre races laitières et à viande pour optimiser la performance bouchère

Arlène Müller, Alexander Burren et

Hannes Jörg

Eclairage

36 Plantes cultivées en Suisse – cinq monographies

Peer Schilperoord

39 Actualités

40 Interview

43 Manifestations

Page 3: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

Editorial

3

Michael Gysi, chef Agroscope

AGROSCOPE – un regroupement pour davantage d’efficacité

Chère lectrice, cher lecteur,

Agroscope a gagné en visibilité et en efficacité depuis sa réorganisation début

2014. C’est ce que montrent de nombreuses réactions issues de l’agriculture et du

secteur agroalimentaire ainsi que de la politique et de l’administration.

Fin 2012, le Conseil fédéral a décidé de réunir les trois stations de recherche

en une seule, Agroscope. Au travers de cette réorganisation, le Conseil fédéral

poursuivait différents objectifs: uniformiser et améliorer la structure de direc-

tion et la gestion administrative d’Agroscope de manière à séparer la conduite

opérationnelle et la conduite stratégique; n’utiliser plus qu’une seule marque en

Suisse; mettre en place une culture d’entreprise commune. Il importait en outre

de positionner Agroscope de manière optimale pour l’avenir et de renforcer ainsi

son efficience.

La conduite d’Agroscope, basée sur six pôles stratégiques, a engendré un rap-

prochement des différents sites. Je constate qu’après une année déjà, la collabo-

ration au sein d’Agroscope s’est renforcée et améliorée. Pour la conduite et en

particulier pour les comités d’institut, l’indépendance par rapport aux sites

représente certes un grand défi, mais elle est mise en œuvre avec succès et beau-

coup d’engagement par les personnes concernées. Vivre au sein de cette nou-

velle structure a permis aux collaborateurs-trices de percevoir leur entreprise

sous un autre angle: il s’agit de la première étape vers une culture d’entreprise

commune. L’actuel mandat de prestations d’Agroscope de 2014 à 2017 se base

déjà sur la nouvelle structure organisationnelle. Lors de la consultation des

milieux politiques, il a été reconnu qu’Agroscope a rempli sa mission de réorga-

nisation interne et est désormais parée pour affronter l’avenir.

Du point de vue stratégique, Agroscope est dirigée par le Conseil Agroscope,

présidé par Bernard Lehmann. L’an dernier, le Conseil Agroscope et le comité de

direction d’Agroscope ont élaboré les nouveaux outils suivants pour la conduite

stratégique d’Agroscope:

•• Les séances du Conseil Agroscope, qui ont lieu six fois par an, dont une sous

forme de séance spéciale sur deux jours;

•• Les dialogues d’institut, qui ont un caractère informatif, offrent la possibilité

aux instituts d’Agroscope de présenter les défis actuels;

•• Le «processus du portefeuille» et le dialogue thématique, qui ont lieu chaque

année, permettent au Conseil Agroscope d’examiner l’orientation de la

recherche et de mettre en œuvre sa fonction de pilotage.

•• L’association des quatre groupes consultatifs externes (parties prenantes,

système de connaissances agronomiques, autres offices fédéraux, Conseil de la

recherche agronomique).

Bien qu’après une année nous soyons visiblement sur la bonne voie quant à la

mise en application de la gouvernance d’Agroscope, je pars du principe que les

outils précités peuvent encore être optimisés.

Je suis convaincu qu’avec cette nouvelle gouvernance, Agroscope utilise ses

ressources restreintes de manière optimale et oriente ses travaux de recherche

sur les domaines où l’agriculture et le secteur agroalimentaire ont le plus besoin

de solutions. Agroscope est ainsi mieux armée que jamais pour relever les défis

qui l’attendent.

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 3, 2015

Page 4: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

4 Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 4–11, 2015

I n t r o d u c t i o n

Le feu bactérien est apparu pour la première fois en

Suisse à la fin des années 80. Depuis, il a régulièrement

fait des ravages, récemment en 2007 et 2012. L’année

dernière également, la maladie causée par la bactérie

Erwinia amylovora a fait des apparitions isolées. Depuis

2008, l’application strictement réglementée de l’antibio-

tique streptomycine est autorisée dans les vergers en

Suisse afin de lutter contre E. amylovora. L‘utilisation est

limitée à la situation locale et au maximum une applica-

tion par année est autorisée. L’utilisation de la strepto-

mycine n’étant pas une solution à long terme de gestion

du feu bactérien, la station de recherche Agroscope à

Wädenswil s’emploie à trouver des alternatives. Le pro-

jet Herakles, financé par des fonds externes, teste de

nouvelles substances actives et stratégies de protection

phytosanitaire, ainsi que des variétés de pommes et de

poires à cidre tolérantes au feu bactérien. Des mesures

adaptées d’assainissement des arbres atteints sont égale-

ment à l’essai. Le but du projet est de contribuer à une

gestion efficace et durable du feu bactérien. Suite à des

tests effectués par Agroscope sur plus de 800 variétés de

pommes et de poires, quelques variétés tolérantes au

feu bactérien ont pu être identifiées (Perren et al. 2012,

Szalatnay et al. 2008). En cas de forte attaque de la mala-

die, les variétés tolérantes sont quand même atteintes.

Mais puisque le développement des symptômes est plus

Anita Schöneberg, Sarah Perren et Andreas Naef

Agroscope, Institut des sciences en production végétale IPV, 8820 Wädenswil, Suisse

Renseignements: Anita Schöneberg, e-mail: [email protected]

En quête de variétés tolérantes – pour une gestion durable du feu bactérien

P r o d u c t i o n v é g é t a l e

Figure 1 | Parcelle d’essai pour les tests de sensibilité au feu bactérien après inoculation des fleurs de variétés de fruits à pépins. (Photo: Agroscope)

Page 5: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

En quête de variétés tolérantes – pour une gestion durable du feu bactérien | Production végétale

5

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Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 4–11, 2015

Les variétés de pommes et poires tolérantes

au feu bactérien sont un facteur important

dans la gestion de cette maladie. Deux

méthodes sont utilisées afin d’évaluer la

sensibilité au feu bactérien d’une variété de

fruits à pépins suite à l’inoculation artificielle:

l’inoculation des pousses et l’inoculation des

fleurs. Depuis 2013, Agroscope peut procéder

à des inoculations artificielles de fleurs en

plein champ sur une parcelle d’essai unique

en Suisse. Une analyse de corrélation a

permis de comparer les deux méthodes. Une

faible corrélation positive a été constatée,

qui n’était toutefois pas significative. Les

variétés qui se montraient déjà peu sensibles

lors de l’inoculation des pousses sous serre

étaient plutôt tolérantes lors de l’inoculation

des fleurs. Toutefois, comparée à l’inocula-

tion des fleurs, la sensibilité de certaines

variétés lors de l’inoculation des pousses

était fortement sur- ou sous-estimée. Ainsi,

afin d’assurer une meilleure reproductibilité

des résultats dans la pratique, les variétés

prometteuses lors de l’inoculation des

pousses devraient encore être testées en

plein champ par inoculation artificielle des

fleurs. Les deux méthodes expérimentales,

additionnées aux autres observations de la

sensibilité des variétés tirées de la pratique,

permettent de prodiguer des conseils fiables

concernant la culture de variétés de fruits à

pépins tolérantes au feu bactérien en Suisse.

lent, l’assainissement est plus efficace que pour les varié-

tés sensibles (Aldwinckle et Preczewski 1976). Des varié-

tés de fruits à pépins aptes à la commercialisation et

100 % résistantes n’ont pas encore été trouvées. Deux

méthodes sont utilisées afin de tester la sensibilité des

variétés au feu bactérien; l’inoculation des pousses en

serre de quarantaine, qui permet de tester la variété sur

une durée relativement courte. Cependant, la porte

d’entrée principale en plein champ pour l’agent patho-

gène du feu bactérien est la pleine fleur. La bactérie est

transmise par des pollinisateurs tels que les abeilles, ou

par la pluie (Thomson 2000). L’autre méthode, l’inocula-

tion artificielle des fleurs en plein champ, est proche des

conditions retrouvées dans la pratique, mais elle est

aussi plus onéreuse et plus exigeante que l’inoculation

des pousses.

Les essais peuvent être menés depuis 2013 au

domaine d’essai fruits à noyau du Breitenhof sur une

parcelle test d’Agroscope unique en Suisse et entière-

ment recouverte de filets. Des premiers résultats ont

déjà été obtenus. Une comparaison des deux méthodes

expérimentales devrait permettre de conclure si les

résultats de la sensibilité au feu bactérien sont fiables.

M a t é r i e l e t m é t h o d e s

Inoculation des pousses

Lors de l’inoculation des pousses, les greffons des varié-

tés à tester ont été greffés sur le porte-greffe M9 T337 et

placés dans des pots rosier (hauteur 35,5 cm, diamètre

7 cm). Ils ont ensuite été cultivés quatre à cinq semaines

sous serre en conditions optimales (17 – 25 °C, 70 % d’hu-

midité relative). Lorsque les pousses atteignaient les

10 cm de longueur, seule la pousse la plus robuste était

Figure 2 | Inoculation de l’extrémité des pousses avec Erwinia amylovora. La solution bactérienne est injectée dans l’extrémité de la pousse à l’aide d’une seringue médicale. (Photo: Agroscope)

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Production végétale | En quête de variétés tolérantes – pour une gestion durable du feu bactérien

6 Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 4–11, 2015

conservée et placée sous serre de quarantaine en blocs

aléatoires complets (10 plants par variété). La bactérie

E.  amylovora (souche FAW610Rif, concentration =

109  cfu/ml) a été directement injectée dans la pousse à

l’aide d’une seringue (Rezzonico et Duffy 2007). L’injec-

tion a été faite 0,5 cm en dessous de la dernière feuille,

de façon à ce qu’une goutte de la solution bactérienne

adhère à la tige (fig. 2). Les plants ont encore été cultivés

trois semaines dans les mêmes conditions climatiques que

précédemment. Les bactéries se propagent et se multi-

plient dans la pousse à partir du point d’inoculation, pro-

voquant des symptômes vert-gris à noirs. La longueur de

la lésion visible (LL) depuis l’extrémité de la pousse a été

mesurée chaque semaine pendant trois semaines. Les

variétés «Gala Galaxy» (sensible) et «Rewena» (tolérante)

ont servi de référence (fig. 3). La sensibilité de la pousse

a été déterminée en calculant le pourcentage de la LL par

rapport à la longueur totale de la pousse trois semaines

après l’inoculation artificielle (LL3) (selon Le Lezec et Pau-

lin 1984). En rapprochant ce résultat avec celui obtenu

pour la variété sensible de référence, il est possible de

comparer les résultats de séries d’essai indépendantes et

sur plusieurs années (tabl. 1).

Inoculation des fleurs

L’inoculation des fleurs a été réalisée au domaine d’essai

fruits à noyau du Breitenhof à Wintersingen (canton de

Bâle-Campagne) sur une parcelle d’essai d’Agroscope

recouverte entièrement de filets. Le filet anti-insectes

empêche le transit de vecteurs indésirables. Il n’est pos-

Figure 3 | Longueur de lésion visible trois semaines après l’inoculation artificielle avec Erwinia amylovora. Variété sensible de référence «Gala Galaxy» (à gauche) et variété tolérante de référence «Rewena» (à droite). (Photo: Agroscope)

Evaluation de la sensibilité des pommiers au feu bactérien après inoculation des pousses

Très faible Longueur de lésion (LL3) < 25 % comparée à la LL3 de «Gala Galaxy»

Faible Longueur de lésion (LL3) 25–40 % comparée à la LL3 de «Gala Galaxy»

Moyenne Longueur de lésion (LL3) 40–60 % comparée à la LL3 de «Gala Galaxy»

Elevée Longueur de lésion (LL3) 60–100 % comparée à la LL3 de «Gala Galaxy»

Très élevée Longueur de lésion (LL3) > 100 % comparée à la LL3 de «Gala Galaxy»

Tableau 1 | Evaluation de la sensibilité au feu bactérien des pousses de variétés de pommiers, trois semaines après l’infection artificielle de l’extrémité de la pousse (LL3).

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En quête de variétés tolérantes – pour une gestion durable du feu bactérien | Production végétale

7Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 4–11, 2015

Les variétés en essai ont été greffées sur le porte-greffe

M9 T337 avec «Golden Delicious» comme greffe inter-

médiaire. Les scions de deux ans ont été mis en pot

(volume de pot: 10 l), cultivés une année supplémentaire

puis disposés sur la parcelle au printemps. Les arbres de

la première série de tests de l’année commencent à

sible de pénétrer dans la parcelle que par un sas. Le

matériel qui en ressort est décontaminé afin d’éviter la

propagation du feu bactérien. Une fois l’essai terminé,

une procédure de contrôle des plantes-hôtes du feu

bactérien est effectuée annuellement sur un périmètre

de 500 m.

Figure 4 | Inoculation des bouquets floraux avec une solution d‘Erwinia amylovora sur des arbres en pot de trois ans en plein champ. (Photo: Agroscope)

Tableau 2 | Echelle d’évaluation de l’infection des fleurs après inoculation artificielle en plein champ. (Photos: Agroscope)

Catégorie Parties atteintes Description Photo

1 Pas de symptômes• Aucun symptôme visible• Flétrissement des fleurs typique de la variété

2 Symptômes diffus• Etamines et/ou carpelles brun-noir • Réceptacle, pédoncule et sépales verts • Ne pas forcément attribuer ces symptômes au feu bactérien

3 Infection des fleurs < 1/3• Sépales et/ou réceptacle orange à noir• Tige sans nécrose ou < 1/3 de sa longueur

4 Infection des fleurs > 1/3• Tige entièrement nécrosée ou > 1/3 de sa longueur• Pédoncule vert, nette séparation

5 Bouquet floral et pédoncule • Coloration foncée du pédoncule, sépales sains

6Bouquet floral, pédoncule et jeune pousse

• Jeunes pousses malades• Pas de jeunes pousses, tout le bouquet floral est malade

(y.c. les sépales)•Pas de nécrose visible du bois

7 Nécrose du bois < 5 cm • Nécrose du bois visible (< 5 cm)

8 Nécrose du bois > 5 cm • Nécrose du bois visible (> 5 cm)

9 Nécrose du bois > 10 cm • Nécrose du bois visible (> 10 cm)

Page 8: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

Production végétale | En quête de variétés tolérantes – pour une gestion durable du feu bactérien

8 Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 4–11, 2015

débourrer. En revanche, la floraison de la deuxième série

a été retardée: les arbres ont été entreposés en chambre

froide puis sortis en temps voulu afin de permettre le

débourrement en été. Par variété, douze plants de trois

ans (trois répétitions de quatre plants) ont été placés sur

la parcelle en blocs aléatoires complets. Les arbres

étaient irrigués par un système d’irrigation goutte-à-

goutte. En période de floraison, deux ruches ont permis

la pollinisation des arbres de la parcelle entièrement

recouverte de filets. Pour l’inoculation, dix bouquets flo-

raux par arbre au stade pleine floraison (BBCH65) ont

été marqués puis inoculés en vaporisant manuellement

une solution d’E. amylovora (souche suisse, FAW610Rif,

concentration = 3,5 × 108 cfu/ml) (fig. 4). Des sachets plas-

tiques ont été placés autour des bouquets de l’année

2013 pendant six jours afin d’assurer une protection

contre les intempéries et d’offrir des conditions d’infec-

tion favorables aux bactéries. En 2014, les sachets plas-

tiques n’ont pas été utilisés puisqu’en 2013 les résultats

liés aux dégâts ne présentaient aucune différence statis-

tiquement significative entre les fleurs avec ou sans plas-

tique (données non présentées ici). L’importance des

symptômes sur les bouquets floraux a été évaluée 7, 14,

21 et 28 jours après l’inoculation. Les variétés «Gala

Galaxy» (sensible) et «Enterprise» (tolérante) ont servi

de référence. L’échelle d’évaluation des symptômes com-

prend neuf catégories, allant de l’absence de symptômes

ou symptômes diffus jusqu’à des nécroses du bois d’in-

tensité différente, en passant par des infections de fleurs

isolées ou de bouquets floraux (tabl. 2). La sensibilité au

feu bactérien après l’inoculation des fleurs est détermi-

née 28 jours après l’inoculation, en comparant le pour-

centage des bouquets floraux > catégorie 5 à celui

obtenu par «Gala Galaxy» (tabl. 3).

Statistiques

Pour effectuer l’analyse de corrélation, la moyenne de la

LL3 de chaque variété a été comparée à «Gala Galaxy»,

et ceci pour toutes les inoculations de pousses de

2008 – 2014. Les résultats du précédent projet «Sélection

des variétés pour une stratégie intégrée contre le feu

bactérien dans la culture suisse des pommes à cidre –

SOFEM» et du projet «Description des ressources géné-

tiques fruitières – BEVOG I et II» ont ainsi été intégrés à

l’analyse. Toutes les variétés (à l’exception de «Grauer

Hordapfel») ont été testées au moins deux fois dans des

séries d’essai indépendantes. En revanche, pour l’inocu-

lation des fleurs, seuls les résultats d‘une année par

variété sont disponibles actuellement (exceptions: varié-

tés de référence «Gala Galaxy» avec trois séries et «Enter-

prise» avec deux séries). Les données ne suivant pas une

distribution normale, une corrélation de Spearman sui-

vie d’un test t ont été appliqués à l’aide du programme

XLSTAT 2011 sur Microsoft Excel 2010 afin de déterminer

le seuil de signification (α = 0,05).

R é s u l t a t s

La sensibilité au feu bactérien de plus de 150 variétés de

pommes et de poires a été testée de 2012 – 2014 dans le

cadre du projet Herakles. Seuls les résultats des variétés

ayant déjà généré des données sur la sensibilité des

fleurs sont présentés ici.

Inoculation des pousses et des fleurs

Les variétés ayant déjà présenté une faible sensibilité

lors de l’inoculation des pousses et / ou d’une grande

importance en arboriculture ont été privilégiées pour

l’inoculation des fleurs. Il n’est donc pas surprenant de

constater qu’une grande partie des variétés testées

n’était que très peu voire moyennement sensible au

feu bactérien lors de l’inoculation des fleurs. Au cours

de  deux séries d’essais indépendants, aucun bouquet

floral de la variété témoin «Enterprise» ne présentait de

symptômes supérieurs à la catégorie 5. Les variétés

«Rubinola» et «Rewena» ne montraient pas non plus

de  nécroses du bois (fig. 5). Les cultivars «Dalinette»,

«Empire» et «Grauer Hordapfel» ainsi qu’un peu plus

loin «Santana» ont été classés «très peu sensibles».

Quatre autres variétés ont été classifiées «peu sensibles»:

Evaluation de la sensibilité des pommiers au feu bactérien après inoculation des fleurs

Très faible < 25 % bouquets floraux > catégorie 5 comparés à «Gala Galaxy»

Faible 25–40 % bouquets floraux > catégorie 5 comparés à «Gala Galaxy»

Moyenne 40–60 % bouquets floraux > catégorie 5 comparés à «Gala Galaxy»

Elevée 60–100 % bouquets floraux > catégorie 5 comparés à «Gala Galaxy»

Très élevée > 100 % bouquets floraux > catégorie 5 comparés à «Gala Galaxy»

Tableau 3 | Evaluation de la sensibilité au feu bactérien de variétés de pommiers après inoculation des fleurs, quatre semaines après l’inoculation artificielle

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En quête de variétés tolérantes – pour une gestion durable du feu bactérien | Production végétale

9Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 4–11, 2015

lation des pousses. Cependant, la majorité des variétés

moyennement sensibles lors de l’inoculation des pousses

étaient aussi moyennement voire très sensibles lors de

l’inoculation des fleurs. «Santana» et «Reglindis» fai-

saient toutefois exception en obtenant une sensibilité

«très faible» et «faible» lors de l’inoculation des fleurs,

alors qu’elles étaient «très sensibles» lors de l’inocula-

tion des pousses.

D i s c u s s i o n

La méthode de l’inoculation des pousses permet de tes-

ter en un temps limité la sensibilité au feu bactérien de

plusieurs variétés. Au verger, la fleur est la voie d’infec-

tion principale (Thomson 2000). La méthode d’inocula-

tion des fleurs correspond donc mieux aux conditions

naturelles d’infection trouvées dans la pratique. La pré-

paration des arbres requiert cependant trois années de

culture et la réalisation des essais prend beaucoup de

temps. En raison de la forte influence des conditions

météorologiques sur les attaques du feu bactérien, la

répétition des essais est indispensable. Le risque d’infec-

tion pour les variétés dont la floraison se situe en période

de conditions optimales d’infection est plus grand que

pour les variétés dont la floraison s’effectue en période

plus fraîche.

«Reglindis», «Heimenhofer», «Bittenfelder» et «Ingol».

Les cultivars «Rubin», «Golden Orange», «Opal», «Bos-

koop S.H.» («Boskoop rouge») et «Relinda» ont présenté

une sensibilité moyenne. Seules huit des 24 variétés tes-

tées ont été considérées comme «très sensibles». Parmi

celles-ci les variétés «Ariane», «René» et «Maunzen-

apfel» étaient nettement moins sensibles que «Natyra»,

«Liberty» et «Bohnapfel» qui présentaient une sensibi-

lité équivalente à la variété témoin «Gala Galaxy». La

variété «Sauergrauech» («pomme raisin») était légère-

ment plus sensible que «Gala Galaxy». Il s’agit toutefois

de tenir compte que ces résultats de l’inoculation des

fleurs ne proviennent que d’une seule série d’essais.

Corrélation entre l'inoculation des pousses et des fleurs

Le coefficient de corrélation de Spearman de 0,3 révèle

une faible corrélation positive entre l’inoculation des

pousses et des fleurs. Le résultat est non significatif

(p = 0,231) et le coefficient de détermination est de 0,06.

En représentant les données graphiquement, il est aisé

de constater que le rapport entre les résultats des deux

méthodes de test n’est pas un rapport linéaire standard

mais plutôt une tendance avec quelques écarts. Quelques

variétés - p. ex. «Liberty» et «René» - présentaient une

forte sensibilité lors de l’inoculation des fleurs alors

qu’elles s’étaient montrées peu sensibles lors de l’inocu-

9 11 12 13

16 16 17 17 17

21 22 22 24

26 29 29

34 45

53 53

56 62

69 100

0 20 40 60 80 100

Inoculation des pousses

68 0

55 3

96 7

57 7 0

38 0

62 71

38 52

98

50 50

34 91

20 31

100

0 20 40 60 80 100 % bouquets floraux > catégorie 5

vs «Gala Galaxy»

Inoculation des fleurs

Gala GalaxyReglindisSantana Natyra®

HeimenhoferGolden Orange

Rubin Sauergrauech

BohnapfelOpal®

BittenfelderMaunzenapfel

Ariane Rubinola

IngolRewena

Grauer Hordapfel RelindaEmpire Liberty

DalinetteBoskoop S.H.

Enterprise René

Longueur de lésion (en % de la longueur totale de pousse) vs «Gala Galaxy»

Figure 5 | Résultats de l’inoculation des fleurs (à gauche) en % de bouquets floraux > catégorie 5 comparés à la variété sensible de réfé-rence «Gala Galaxy», quatre semaines après l’inoculation. Résultats de l’inoculation des pousses (à droite), indiqués selon la longueur de lésion (en % de la longueur totale de pousse) comparés à «Gala Galaxy» trois semaines après l’inoculation.

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Production végétale | En quête de variétés tolérantes – pour une gestion durable du feu bactérien

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 4–11, 2015

Même en l’absence de répétitions pour une variété don-

née lors du test de l’inoculation des fleurs, l’analyse de

corrélation permet déjà de tirer quelques conclusions sur

les différences entre les deux méthodes expérimentales.

D’après l’analyse des deux méthodes, la sensibilité au

feu bactérien d’une variété n’est que faiblement corré-

lée et non significative. D’un côté, cette faible corréla-

tion positive indique que les variétés très sensibles lors

de l’inoculation des pousses se montrent également très

sensibles lors de l’inoculation des fleurs. D’un autre côté,

nos essais ont aussi démontré que quelques variétés

étaient clairement plus tolérantes lors de l’inoculation

des pousses que lors de l’inoculation des fleurs. Lors d’es-

sais similaires, Persen et al. (2011) et Horner et al. (2014)

ont fait des observations identiques. Ainsi, en plein

champ, la tolérance au feu bactérien d’une variété peut

facilement être sur- ou sous-estimée, si seule la méthode

d’inoculation des pousses est appliquée. Les résultats

d’évaluation de la sensibilité au feu bactérien étant dif-

férents selon la méthode utilisée, Horner et al. (2014)

proposent une explication: la base génétique (Quantita-

tive Trait Loci, QTLs) des mécanismes de résistance est

différente qu’il s’agisse de la sensibilité des pousses ou

des fleurs.

C o n c l u s i o n s

L’inoculation des pousses est une méthode facilement

applicable et peu coûteuse pour la préselection du maté-

riel variétal à disposition. Une variété évaluée «très sen-

sible» lors de l’inoculation des pousses obtiendra rare-

ment une meilleure évaluation lors de l’inoculation des

fleurs. Toutefois, l’évaluation de la sensibilité au feu bac-

térien des variétés prometteuses devrait aussi passer par

le test de l’inoculation des fleurs. L’évaluation de la sen-

sibilité au feu bactérien d’une variété en verger est plus

pertinente avec la méthode d’inoculation des fleurs. La

combinaison des deux méthodes expérimentales et des

observations tirées de la pratique, permet de formuler

des recommandations fiables sur les variétés tolérantes

au feu bactérien, au bénéfice de la culture des fruits à

pépins en Suisse.

� n

Remerciements

Les auteurs remercient la Coopérative CAVO, la Quality Juice Foundation et les cantons d’Argovie, Lucerne, Saint-Gall, Thurgovie et Zurich pour le financement du projet Herakles. Les équipes du domaine d’essai fruits à noyau du Breitenhof et de l’exploitation arboricole à Wädenswil pour le soutien technique et la réali-sation des essais. Les collaborateurs du projet BEVOG I et II (Description des res-sources génétiques fruitières) pour la transmission des données de l’inoculation des pousses.

Page 11: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

11

En quête de variétés tolérantes – pour une gestion durable du feu bactérien | Production végétale

Ria

ssu

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Sum

mar

y

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 4–11, 2015

The search for robust varieties for

sustainable fireblight management

Robust apple and pear varieties are an

important tool in sustainable fireblight

management. Two artificial inoculation

methods are used for assessing a pome-fruit

cultivar’s susceptibility to fireblight: shoot

inoculation and blossom inoculation. Since

2013, Agroscope has for the first time been

in a position to conduct artificial blossom

inoculation tests on an outdoor trial plot

that is unique in Switzerland. A correlation

analysis was used to test both methods as to

their comparability. A weakly positive

correlation was detected, which was

nevertheless not significant. Cultivars with

low susceptibility in the shoot inoculation in

the greenhouse also often proved to be

robust in the blossom inoculation. With

some cultivars, however, susceptibility in the

shoot inoculation was markedly under- or

overestimated compared to susceptibility in

the blossom inoculation. For better transfer-

ability of the results to practice, the most

promising candidate cultivars from the shoot

inoculation should therefore also be tested

outdoors by means of artificial blossom

inoculation. The combination of the two test

methods and the additional observations on

the susceptibility of the cultivars from

practice will allow us to make reliable

recommendations of fireblight-tolerant

varieties for Swiss pome-fruit production.

Key words: Erwinia amylovora, fire blight

susceptibility, robust varieties, shoot

inoculation, blossom inoculation.

La ricerca di varietà tolleranti per una

gestione sostenibile del fuoco batterico

Le varietà di mele et pere tolleranti sono

uno strumento importante nella gestione

del fuoco batterico. Per classificare la

sensibilità al fuoco batterico di una varietà

di frutta a granella vengono impiegati due

metodi: l'inoculazione nei germogli e

l'inoculazione nei fiori. Dal 2013, per la

prima volta Agroscope è in grado di

eseguire inoculazioni artificiali nei fiori in

pieno campo, su un lotto sperimentale

unico in tutta la Svizzera. La comparabilità

dei due metodi è stata testata tramite

un'analisi di correlazione. Si è potuta

osservare una debole correlazione

positiva, comunque non significativa. Le

varietà che con l'inoculazione dei germogli

in serra erano già poco suscettibili alla

malattia, si sono spesso rivelate resistenti

anche con l'inoculazione nei fiori. Nel caso

di alcune varietà, la suscettibilità alla

malattia con l'inoculazione nei germogli è

stata tuttavia notevolmente sotto- o

anche sopravvalutata rispetto all'inocula-

zione nei fiori. Per meglio trasferire i

risultati nella pratica, le varietà candidate

più promettenti sottoposte all'inocula-

zione nei germogli dovrebbero dunque

essere anche testate in pieno campo per

mezzo dell'inoculazione artificiale nei fiori.

Combinando entrambi i metodi di test e

anche osservando nella pratica la propen-

sione alla malattia delle varietà, è possi-

bile raccomandare in maniera attendibile

le varietà più tolleranti al fuoco batterico

da impiegare nella coltivazione della frutta

a granella.

Bibliographie ▪ Aldwinckle H. S. & Preczewski J. L., 1976. Reaction of terminal shoots of apple cultivars to invasion by Erwinia amylovora. Phytopatholgy 66, 1439–1444.

▪ Horner M. B., Hough E. G., Hedderley D. I., How N. M. & Bus V. G. M., 2014. Comparison of fire blight resistance screening methodologies. New Zealand Plant Protection 67, 145–150.

▪ Le Lezec, M. & Paulin, J. P., 1984. Shoot susceptibility to fireblight of some apple cultivars. Acta Horticulturae 151, 277–281.

▪ Perren S., Egger S. & Kellerhals M., 2012. Mit robusten Sorten dem Feuer-brand trotzen. Landfreund 12, 32–35.

▪ Persen U., Gottsberger R. & Reisenzein H., 2011. Spread of Erwinia amy-lovora in apple and pear trees of different cultivars after artificial inocu-lation. Acta Horticulturae (ISHS) 896, 319–330.

▪ Rezzonico F. & Duffy B., 2007. The role of luxS in the fire blight pathogen Erwinia amylovora is limited to metabolism and does not involve quorum sensing. Mol Plant-Microbe Interact 20, 1284–1297.

▪ Szalatnay D., Hunziker K., Kellerhals M. & Duffy B., 2008. Triebanfällig-keit alter Kernobstsorten gegenüber Feuerbrand. Schweiz. Z. Obst-Wein-bau 9, 8–10.

▪ Thomson S. V., 2000. Epidemiology of fire blight. In: Fire blight: The disease and its causative agent, Erwinia amylovora. (Ed. J. L. Vanneste). CAVI Publishing, Wallingfort UK, 9–37.

Page 12: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

12 Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 12–19, 2015

La variété de pomme résistante à la tavelure Ariane.

I n t r o d u c t i o n

Dans la pomiculture, la lutte contre les agents patho-

gènes d’origine fongique et animale joue un rôle central,

car une infestation de faible ampleur suffit à causer des

pertes économiques aux arboriculteurs. Dans la produc-

tion intégrée de pommiers, jusqu’à vingt traitements

environ sont pratiqués contre les agents pathogènes,

suivant les conditions météorologiques. Les produits

phytosanitaires les plus fréquemment utilisés sont les

fongicides.

La procédure d’autorisation des produits phytosa-

nitaires fixe pour chaque principe actif des limites

maximales de résidus et des délais d’attente entre la

dernière application et la récolte, afin de garantir une

consommation sans risque des produits. Jusqu’à pré-

sent, les autorités d’homologation ne publient aucune

limite concernant le nombre de principes actifs identi-

fiables sur le produit. Différents grands distributeurs

européens ont cependant mis en place des systèmes de

management de la qualité pour réduire la quantité de

résidus dans les denrées alimentaires, mais aussi le

nombre de principes actifs utilisés pour la protection

des plantes. En Suisse, un consensus a été trouvé au

sein de SwissGAP entre production et commerce des

denrées alimentaires: en plus des limites légales de rési-

dus, le nombre toléré de principes actifs identifiables

sur les produits de récolte a été fixé pour chaque espèce

fruitière.

Il est difficile aux arboriculteurs qui pratiquent la

production intégrée de satisfaire ces exigences. Au cours

de la saison, différents agents pathogènes d’origine ani-

male et fongique sont combattus de manière ciblée à

l’aide de produits phytosanitaires sélectifs. Par ailleurs,

pour éviter l’apparition de résistances, différents prin-

cipes actifs sont souvent utilisés contre le même agent

Michael Gölles, Esther Bravin, Stefan Kuske et Andreas Naef

Agroscope, Institut des sciences en production végétale IPV, 8820 Wädenswil, Suisse

Renseignements: Andreas Naef, e-mail: [email protected]

Enjeux de la production de pommes sans résidus

P r o d u c t i o n v é g é t a l e

Page 13: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

Enjeux de la production de pommes sans résidus | Production végétale

13

Rés

um

é

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 12–19, 2015

Dans la lutte contre les ravageurs, les

maladies et les adventices, la production

fruitière moderne mise avant tout sur des

produits phytosanitaires sélectifs et respec-

tueux des auxiliaires. Cela suppose l’emploi

d’un grand nombre de principes actifs qui

peuvent laisser des résidus dans les fruits.

Différents grands distributeurs européens

ont mis en place des systèmes de manage-

ment de la qualité pour réduire la quantité

totale de résidus, mais aussi pour réduire le

nombre de produits phytosanitaires utilisés.

Dans le cadre d’un essai de plusieurs années

sur les pommes, Agroscope a étudié si la

production sans résidu était faisable d’un

point de vue agronomique et économique.

Les résultats montrent qu’il est possible de

produire des pommes sans résidu en adap-

tant les stratégies actuelles de protection des

plantes contre les maladies fongiques.

L’application d’une telle stratégie dans la

pratique permettrait de répondre à une

attente importante de la part des consomma-

teurs. Cependant, sans différenciation de prix

par rapport à la production intégrée, cette

stratégie n’est pas rentable sur le plan

économique.

pathogène. C’est pourquoi Agroscope a étudié quelles

stratégies de protection des plantes permettaient de

minimiser les résidus sur les pommes et si ces stratégies

étaient économiquement rentables.

M é t h o d e

En 2008, un essai de plusieurs années a été mis en place

dans une plantation fruitière existante à Wädenswil.

Cette publication présente les résultats des années 2009

à 2012.

Variétés

L’essai a porté sur la variété Golden Delicious (0,3 ha) et

les variétés résistantes à la tavelure Ariane, Otava et

Topaz (0,75 ha). La taille des blocs d’essais a été conçue

de manière à permettre de cultiver les variétés comme

dans la pratique (tabl. 1).

Stratégies phytosanitaires

Trois stratégies phytosanitaires différentes ont été com-

parées: la production intégrée (PI), la production biolo-

gique (BIO) et la production Low Residue (LR) (fig. 1). La

stratégie LR consistait en une combinaison de la straté-

gie PI et de la stratégie BIO. Durant la première moitié

de la saison (du débourrement jusqu’à mi-juin environ),

les cultures ont été traitées à l’aide de fongicides selon le

standard PI, pour lutter au mieux contre la tavelure et

l’oïdium. Puis, les cultures ont été traitées à l’aide de

fongicides biologiques, Armicarb (principe actif: bicarbo-

nate de potassium) et Myco-Sin (principes actifs: argile

sulfurée et extrait de prêle), tous deux combinés avec du

Système PIAgroscope LR BIO

Blocs de variétés

Golden Delicious: variété sensible à la tavelure, année de plantation 1999, porte-greffes FLeuren 56, 1 bloc de 4 rangées par systèmeAriane: variété résistante à la tavelure (Vf), année de plantation 2006, porte-greffes Lancep, 2 blocs de 2 rangées par système Otava: variété résistante à la tavelure (Vf) , année de plantation 2004, porte-greffes J-TE-E, 2 blocs de 2 rangées par système Topaz: variété résistante à la tavelure (Vf), année de plantation 2004, porte-greffes J-TE-E, 2 blocs de 2 rangées par système

Régulation des rendements

Eclaircissements chimique et manuel

Eclaircissements chimique et manuel Eclaircissements mécanique et manuel

Fumure Selon les directives PI Selon les directives PI Selon les directives BIO

Protection phytosanitaire

Stratégie selon les recom-mandations Agroscope

Stratégie visant à minimiser les résidus de pesticides

Stratégie BIO usuelle dans la pratique

Maladies fongiques Cf. fig. 1

Feu bactérien1–2 traitements à la streptomycine contre le feu bactérien 1–2 traitements de Myco-Sin-contre le feu bactérien

Filet de protection sur toute la parcelle (barrière pour les abeilles contaminées)

Carpocapses de la pomme

Technique des phéromones pour semer la confusion sur l’ensemble de la parcelle

Autres ravageurs1–2 traitements insecticides contre les pucerons et les autres ravageurs

selon le seuil de tolérance1–2 traitements insecticides contre les pucerons et les

autres ravageurs selon le seuil de tolérance

Adventices 1–2 traitements herbicides dans les rangées d’arbres Lutte mécanique contre les adventices dans

les rangées d’arbres

Tableau 1 | Description des systèmes de production PI, LR et BIO

Page 14: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

Production végétale | Enjeux de la production de pommes sans résidus

14

soufre mouillable. Il n’existe pas de limites supérieures

pour ces principes actifs qui ne sont d’ailleurs pas non

plus répertoriés dans les screenings de résidus de pesti-

cides. Les traitements en été et avant la récolte visent à

lutter contre la tavelure et l’oïdium, mais aussi à réduire

les infections dues à des agents de pourriture, qui

entraînent des pertes lors du stockage.

L’ensemble du dispositif expérimental a été protégé

par un filet anti-grêle. Les côtés et les bouts de parcelles

ont également été fermés par des filets anti-grêle afin

d’empêcher le passage des insectes. De plus, des distri-

buteurs de phéromones ont été répartis sur toute la sur-

face afin de semer la confusion parmi les carpocapses.

Avec les stratégies LR et IP, la lutte contre les ravageurs,

la régulation de la charge, la fumure et la lutte contre les

adventices se déroulaient de la même manière. Avec la

variante BIO, les cultures étaient traitées selon les direc-

tives de l’agriculture biologique. La figure 1 présente les

stratégies fongicides et le tableau 1 les autres mesures

d’entretien et de protection des plantes.

Relevé des donnéesLes données relevées sur la parcelle concernaient la pré-

sence de maladies, l’infestation par les ravageurs et le

temps de travail investi. Après la récolte, le rendement

et la qualité des fruits ont également été enregistrés.

Les fruits stockés ont été contrôlés pour déterminer les

maladies dues au stockage et les dommages physiolo-

giques. Pour les stratégies LR et PI, les analyses de rési-

dus ont été effectuées sur des échantillons de 2,5 kilos

de pommes Golden Delicious et Topaz fraîchement

récoltées. Ces échantillons ont été testés à l’aide de la

méthode Multi (UFAG Laboratories, 6210 Sursee) afin

d’identifier les principes actifs polaires et apolaires.

Tri et stockage

Après la récolte, tous les fruits ont été triés selon les

directives de la Fruit-Union Suisse (FUS) pour les pommes

de table. Un échantillon de 100 kg de pommes produites

selon les différents procédés et de 20 kg de pommes pro-

venant de la parcelle témoin non traitée a été stocké

pendant six mois en entrepôt CA (controlled atmosphere,

1 °C, 1,5 % CO2, 1,5 % O2).

Evaluation économique

Le calcul du cash-flow a été réalisé à l’aide du modèle

Arbokost (Agroscope 2013). Le cash-flow correspond à

la somme des recettes et des amortissements annuels de

la plantation de pommiers. Pour chaque variété et

chaque procédé, le nombre réel d’heures de machines

et d’heures de main-d’œuvre a été comptabilisé ainsi

que les quantités de produits phytosanitaires et d’en-

grais. Les coûts de machines sont basés sur les tarifs

d’Agroscope (Gazzarin et Lips 2012), les coûts de main-

d’œuvre sur les tarifs de la Fruit-Union Suisse et les coûts

d’infrastructure sur ceux d’Arbokost.

Les temps de récolte n’ont pas pu être enregistrés

précisément car les parcelles (variétés x procédé) étaient

trop petites. C’est pourquoi les heures de récolte ont

été calculées sur la base d’un débit de récolte de 120 kg/

MOh (heures de main-d’œuvre) et du volume de récolte

final. Le calcul des revenus se base sur la part de pommes

de catégorie I (selon les directives de la FUS). Les prix

mentionnés sont les prix indicatifs publiés par la FUS

(Agridea 2011, 2013). Pour les stratégies PI et LR, les prix

indicatifs sont les prix PI, pour la stratégie BIO par

contre, les prix indicatifs sont ceux de la production BIO.

Les fruits à cidre et les fruits destinés à l’industrie n’ont

pas été pris en compte dans le calcul des revenus.

2x Anilinopyrimidine

Tavelure – Saison des infections secondaires (conidies)

2x Triazole (SSH)

Eté Fin

1x Delan

4 - 6x Captan

3 se

mai

nes

Réco

lte

Débourrement

Tavelure – Saison des infections primaires (ascospores)

1x Delan

1x cuivre

2x Anilinopyrimidine

PILR

BI

O

1x Triazol (SSH)

Pré-floraison Floraison Post-floraison

2x Strobilurine (QoI)

5–6x Bicarbonate + soufre 8

jours1x

Bicar-bonate

8 jou

rs3–4x Alumine + soufre

2–3x Alumine + soufre

5–6x Bicarbonate + soufre

2–3x Alumine + soufre

1x Bicar-bonate

uniquement Golden Del.

Figure 1 | Stratégies fongicides contre les maladies fongiques dans les variantes PI, LR et BIO.

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 12–19, 2015

Page 15: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

Enjeux de la production de pommes sans résidus | Production végétale

15

que les traitements n’ont été appliqués que de manière

préventive et qu’aucune pulvérisation n’a eu lieu pen-

dant la phase de germination des ascospores. Les résul-

tats confirment que, dans le cas de la tavelure, il est

important de lutter de manière optimale contre les

infections causées par les ascospores en début de saison.

Les résultats montrent également qu’il est difficile de

maîtriser la tavelure avec les variétés sensibles dans la

pomiculture biologique. La situation de l’oïdium est

semblable à celle de la tavelure quel que soit le procédé.

L’infestation par l’oïdium dans les différents procédés

n’a cependant eu aucun impact sur le résultat écono-

mique.

R é s u l t a t s e t d i s c u s s i o n

Bons résultats contre la tavelure et l’oïdium

La stratégie LR a permis de lutter efficacement contre la

tavelure et l’oïdium. En moyenne des années d’essai,

avec les stratégies PI et LR, la fréquence des infestations

de Golden Delicious par la tavelure de la feuille était

inférieure à 0,5 % en été et celle des infestations par la

tavelure du fruit au moment de la récolte inférieure à

1 % (fig. 2). Des infestations nettement plus élevées ont

été observées dans le procédé BIO, à un point tel qu’il ne

serait plus acceptable dans la pratique. Les mauvais

résultats des cultures BIO peuvent s’expliquer par le fait

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Ariane Golden Del.

Otava Topaz Ariane Golden Del.

Otava Topaz Ariane Golden Del.

Otava Topaz Ariane Golden Del.

Otava Topaz

BIO PI LR non traité

Fréq

uenc

e [%

]

Tavelure de la feuilleTavelure du fruitOïdium

Figure 2 | Pourcentage de feuilles ou de fruits infestés par la tavelure et l’oïdium dans les différents procédés (moyenne de 2009 à 2012).

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Ariane Golden Del.

Otava Topaz Ariane

BIO PI LR non traité

Fréq

uenc

e [%

]

ElevéeMoyenneLégère

Golden Del.

Otava Topaz Ariane Golden Del.

Otava Topaz Ariane Golden Del.

Otava Topaz

Figure 3 | Pourcentage de fruits atteints de rouille et intensité de la rouille au moment de la récolte dans les différents procé-dés (pourcentage dans la catégorie concernée, moyenne de 2009 à 2012).

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 12–19, 2015

Page 16: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

Production végétale | Enjeux de la production de pommes sans résidus

16

BIO Golden Delicious plus sensible à la rouille

Afin d’évaluer l’effet des traitements sur la rouille des

fruits, ces derniers ont été classés en trois catégories

(infestation légère, moyenne, élevée). Les fruits légère-

ment atteints par la rouille ont été classés dans la caté-

gorie de fruits de table. Les fruits des deux autres caté-

gories ne peuvent plus être vendus comme fruits de

table. Comme le montre la figure 3, les différences entre

les procédés étaient minimes. Seuls les pommiers Golden

Delicious avaient plus de fruits atteints de rouille

moyenne à élevée dans la parcelle témoin non traitée

ainsi que dans la parcelle BIO.

Les ravageurs ne posent pratiquement aucun problème

Dans l’ensemble, les ravageurs étaient peu nombreux au

fil des années, quel que soit le procédé ou la parcelle.

Généralement, il suffisait de faire un traitement contre

les hoplocampes, un contre les pucerons et un contre les

tordeuses de la pelure. Dans tous les procédés, l’infesta-

tion des fruits par les ravageurs a été relevée avant la

récolte (fig. 4). Les principaux dommages étaient dus à la

voracité des chenilles, mais les tordeuses de la pelure et

les hoplocampes ont également causé de gros dégâts.

Les pertes les plus importantes ont été constatées dans le

procédé BIO. Suivant la variété, 1,5 à 7,5 % des fruits

étaient abimés. Les procédés PI et LR ne présentaient pas

de différences en ce qui concerne l’infestation par les

ravageurs. La parcelle de pommiers Golden-Delicious,

plus ancienne, a enregistré des dommages nettement

plus lourds que les autres variétés, quel que soit le pro-

cédé considéré, sans doute du fait du volume plus impor-

tant des arbres. La variété Ariane semble être peu

attrayante pour les insectes ravageurs du fait des pro-

priétés de ses fruits; en effet, on n’a constaté ici que de

très faibles dommages, avec le procédé BIO également.

Pertes de stockage avec les variantes BIO et Low Residue

L’évaluation des fruits après le stockage n’a pas permis de

mettre en évidence des différences significatives entre les

procédés en ce qui concerne les dommages physiologiques

liés au stockage. Des taches amères et des cas d’échaudure

ont parfois été constatés, mais les pertes restaient très limi-

tées. Seule la variété Ariane s’est montrée particulièrement

sensible à Soft Scald, ce qui, certaines années, a entraîné

des pertes importantes allant jusqu’à 20 %. Des différences

nettes entre les procédés et les variétés ont par contre été

constatées au niveau des maladies de conservation (fig. 5).

Tous les procédés confondus, les plus grandes pertes ont

été causées par les gloeosporioses (Gloeosporium). Les

variétés Otava et Topaz notamment se sont montrées très

sensibles à cette maladie fongique. Avec ces deux variétés,

aucune différence n’a été observée entre le témoin non

traité et les procédés BIO et LR. Ariane en revanche semble

être très résistante aux pourritures dues à la conservation.

Quant à Golden Delicious, les procédés PI et LR étaient

équivalents en ce qui concerne les pourritures, alors que les

pommiers du procédé BIO affichaient une infestation légè-

rement plus importante. L’important est de savoir que

chaque relevé n’a pris en compte que les dommages princi-

paux, c’est-à-dire l’agent pathogène qui attaquait la plus

grande proportion du fruit. Cette méthode explique pour-

quoi l’infestation de Golden Delicious par les pourritures

dues à la conservation est plus faible dans le témoin non

traité que dans les procédés LR et BIO. Dans la plupart des

cas, la tavelure de conservation (Venturia inaequalis) était

responsable de la majorité des dommages. Les résultats

montrent que les fongicides employés dans les procédés LR

et BIO n’étaient pas en mesure d’empêcher l’infection des

fruits sur le terrain par les agents pathogènes responsables

des pourritures de conservation, ni de garantir la santé des

fruits pendant leur stockage.

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BIO PI LR

Fréq

uenc

e [%

]

Autres

Hoplocampes

Petites tordeuses des fruits

Carpocapses de la pomme

Tordeuses de la pelure

Voracité des chenilles au stade précoceAriane Golden

Del. Otava Topaz Ariane Golden

Del. Otava Topaz Ariane Golden

Del. Otava Topaz

Figure 4 | Pourcentage de fruits endommagés par les ravageurs animaux dans les différents procédés (moyenne de 2009 à 2012).

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Page 17: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

Enjeux de la production de pommes sans résidus | Production végétale

17

Evaluation économique

En moyenne des années 2009 à 2012, les rendements des

parcelles PI (38 032 kg/ha) étaient plus élevés que ceux

des parcelles LR (37 103 kg/ha) et des parcelles BIO

(20 657 kg/ha). Le pourcentage de fruits de catégorie I

lors du déstockage ou pack out était plus élevé pour le

procédé PI (77 %) que pour le procédé LR (68 %) ou

encore le procédé BIO (62 %). Le pack out des Golden

Delicious BIO était particulièrement bas avec seulement

38 %, tandis qu’Ariane et Otava ont atteint un pack out

de 70 % même avec le procédé BIO. Le tableau 3 pré-

sente le cash-flow des années 2009 à 2012 pour les

quatre variétés de pommes et les trois stratégies. Le

cash-flow doit être positif pour qu’il soit possible de

faire des réserves en vue de prochains investissements.

Pas de résidus avec Low Residue

Les échantillons du procédé LR étaient exempts de

résidu de 2010 à 2012 (tabl. 2). En 2009, un résidu d’un

principe actif non appliqué (dérive) a été découvert

dans l’échantillon LR. Le fait de restreindre l’utilisation

des produits phytosanitaires chimiques de synthèse à la

première moitié de la saison a donc eu le succès

escompté. Des résidus ont été identifiés toutes les

années dans les échantillons des parcelles PI. Les traite-

ments contre les pourritures de conservation et les

pucerons en été ont notamment laissé des traces de

principes actifs dans les pommes. Les résidus étaient

nettement en dessous des limites maximales fixées par

la loi pour Captane (3 mg/kg), Trifloxystrobine (0,5 mg/

kg) et Pirimicarbe (1 mg/kg).

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Ariane Golden Otava Topaz Ariane Golden Otava Topaz Ariane Golden Otava Topaz Ariane Golden Otava Topaz

BIO PI LR non traité

Fréq

uenc

e [%

]

Brûlure des lenticelles

VenturiaPenicilliumPourriture de l'oeil

BotrytisMoniliaGloeosporium

Figure 5 | Pourcentage de fruits atteints de pourritures de conservation au bout de six mois en entrepôt CA dans les différents pro-cédés (moyenne 2009–2012).

Année VariétéRésidus en mg de principe actif /kg de récolte

PI LR

2009

Golden DeliciousCaptane 0,07

Aucun résiduTrifloxystrobine 0,03

TopazCaptane 0,12

Trifloxystrobine 0,01 (Dérive!)Trifloxystrobine 0,07

2010

Golden DeliciousCaptane 0,32

Aucun résiduTrifloxystrobine 0,02

TopazCaptane 0,58

Aucun résiduTrifloxystrobine 0,03

2011 Golden DeliciousPirimicarbe 0,05

Aucun résiduCaptane 0,12 Trifloxystrobine 0,03

2012Golden Delicious Captane 0,18 Aucun résidu

Topaz Captane 0,20 Aucun résidu

Tableau 2 | Analyses de résidus des échantillons issus de la stratégie PI et LR (méthode Multi)

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 12–19, 2015

Page 18: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

18

Production végétale | Enjeux de la production de pommes sans résidus

Suite à une erreur de relevé, les chiffres de Golden Deli-

cious ne sont pas disponibles pour la stratégie BIO en

2011. En dépit de rendements plus faibles et d’un pack

out bas, la production BIO affiche un cash-flow supérieur

à celui des stratégies PI et LR. Ce résultat s’explique par

le prix plus élevé des fruits (+ 100 %) et par les contribu-

tions à la surface (+ 1200 fr./ha) plus élevées pour la pro-

duction BIO (Agridea, 2011, 2013). Le cash-flow des

pommes Topaz BIO et Ariane BIO était toujours positif,

sauf en 2011 pour Ariane. En 2012, les pommes Golden

Delicious BIO affichaient un cash-flow fortement négatif

en raison d’un rendement bas (15 000 kg/ha). De 2010 à

2012, suite à un meilleur pack out, le cash-flow du pro-

cédé PI était plus élevé que celui du procédé LR, pour

toutes les variétés à l’exception d’une seule. Malgré tout,

la stratégie PI a elle aussi conduit à un cash-flow négatif.

En effet, des analyses antérieures ont déjà montré que

les revenus de la PI ne couvraient pas les coûts de pro-

duction avec des coûts de main-d’œuvre standard

(35 fr./MOh pour les chefs d'exploitations), 24 fr./MOh

pour la main-d’œuvre interne et 21  fr./ MOh pour la

main-d’œuvre externe) (Bravin et al. 2011). Cela signifie

d’une part que les salaires internes sont inférieurs au

niveau standard et d’autre part qu’il n’est pas possible

de constituer des réserves.

C o n c l u s i o n s

Les résultats du présent essai permettent de dégager

plusieurs options pour le développement de la produc-

tion intégrée. La combinaison de produits phytosani-

taires chimiques de synthèse et produits phytosanitaires

autorisés pour la production Bio et de méthodes de lutte

alternatives comme la mise en place de filets sur les

cultures, permet de bien maîtriser la tavelure de la

pomme et l’oïdium ainsi que de nombreux ravageurs.

Parallèlement, cette stratégie va aussi dans le sens de ce

qu’attendent les consommateurs, à savoir des fruits avec

peu ou pas de résidus de produits phytosanitaires. Tou-

tefois, pour qu’une stratégie Low Residue soit égale-

ment intéressante pour les producteurs, le succès écono-

mique doit être garanti. Dans l’essai, les rendements et

la qualité de la récolte étaient comparables à ceux de la

stratégie PI, mais les pertes importantes pendant le stoc-

kage, notamment de Golden Delicious, Otava et Topaz,

n’ont pas permis d’avoir une production rentable. Quelle

que soit la stratégie, Ariane était la variété la plus résis-

tante aux maladies, mais n’a pas non plus obtenu un

résultat positif avec la stratégie LR. C’est pourquoi

Agroscope étudie d’autres variétés résistantes, à la

recherche de pommes qui conviendraient pour une pro-

duction rentable et sans résidu. Le traitement des fruits

à l’eau chaude après la récolte pourrait être une solution

aux problèmes de pourriture durant le stockage. Des

essais parallèles ont étudié l’efficacité d’un tel traite-

ment. Un bon résultat a été obtenu sur les variétés sen-

sibles Topaz et Otava, notamment contre la gloeospo-

riose (Gloeosporium), le principal agent pathogène dans

cet essai (Good et al. 2012). Cependant, le traitement à

l’eau chaude revient cher à cause de la consommation

d’énergie et le prix des pommes issues de la production

intégrée ne suffit pas à couvrir les coûts supplémentaires.

La méthode doit encore être optimisée avant de pouvoir

être rentable dans la pratique.Enfin, il faut aussi se demander si une production de

pommes sans résidu apporte un plus pour l’environne-

ment. Dans le cadre du projet ENDURE de l’Union euro-

péenne terminé en 2010, la durabilité de différentes stra-

tégies de protection des plantes a été étudiée dans la

production de pommes (Naef et al. 2011). On a constaté

que les variétés résistantes et les méthodes alternatives

de protection des plantes, comme la mise en place de

filets sur les cultures et la technique de lutte par confu-

sion, permettaient de réduire considérablement l’écotoxi-

cité. Un système cultural qui vise en plus à réduire les rési-

dus de produits phytosanitaires a certes permis de mieux

préserver les auxiliaires, mais n’a pas apporté d’améliora-

tions en matière d’écotoxicité, de toxicité humaine et de

consommation des ressources. C’est la preuve que le déve-

loppement de systèmes de cultures fruitières novateurs

doit être précédé de l'évaluation de durabilité, afin de

pouvoir garantir une plus-value pour la branche fruitière,

les consommateurs et l’environnement. � n

BIO PI LR

Ariane Golden D. Otava Topaz Ariane Golden D. Otava Topaz Ariane Golden D. Otava Topaz

2009 1574 4324 8646 113 -8636 -4105 -6862 -5660 -7905 2226 -4284 -5663

2010 5642 -9512 -7397 9958 -5238 -7750 -9024 -3773 -8242 -13 214 -10 083 -4549

2011 -539 x 7643 17 200 -5941 -625 -2481 -854 -6679 -179 -3591 -1858

2012 1545 -27 400 -8388 2574 -6383 -12 129 -5795 -2916 -6909 -16 087 -9141 -11 417

Tableau 3 | Cash-flow de 2009 à 2012 par variété et par procédé (fr./ha)

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 12–19, 2015

Remerciements

Nous remercions Heinrich Höhn, Maxie Hubert, Franz Gasser, Claudia Good, Reto Leumann et toute l’équipe de l’exploitation expérimentale pour leur soutien.

Page 19: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

19

Enjeux de la production de pommes sans résidus | Production végétale

Ria

ssu

nto

Sum

mar

y

Sfide nella produzione di mele senza

residui

Per contrastare parassiti, malattie e

malerbe, i moderni sistemi di produ-

zione della frutta puntano su prodotti

fitosanitari selettivi e non nocivi per gli

insetti utili. Ciò presuppone l’impiego

di un maggior numero di principi attivi

diversi, che possono essere rintracciati

sui frutti sotto forma di residui. Vari

operatori europei della grande

distribuzione hanno avviato sistemi di

gestione della qualità volti a ridurre

non solo la quantità complessiva di

residui sugli alimenti, ma anche il

numero dei diversi prodotti fitosanitari

utilizzati. Quanto alle mele, Agroscope

ha condotto un test pluriennale allo

scopo di analizzare le possibilità di una

produzione senza residui dal punto di

vista tecnico-produttivo ed economico.

I risultati mostrano che la produzione

di mele da tavola senza residui è

possibile purché si adegui l'attuale

strategia di protezione dei vegetali

dalle malattie fungine. L'attuazione di

una simile strategia nelle pratiche

colturali consentirebbe di rispondere a

un'importante esigenza dei consuma-

tori. Tuttavia, senza una differenzia-

zione dei prezzi della produzione

integrata, questa strategia non è

redditizia dal punto di vista economico.

Challenges of the residue-free apple

production

Crop protection in general and apple

crop protection in particular rely on

pesticides, but consumers demand a

reduction of pesticide use and ideally

an elimination of pesticide residues in

order to minimize the impact on the

environment and the risk for human

health. Producers need information

and advice to establish sustainable

production systems that reduce the use

and the residues of pesticides. Whole-

salers in Europe introduced quality

management systems in order to

reduce residues and the used plant

protection products. Agroscope tested

during several years from a technical

and economic point of view a low-

residue strategy. The production of

residue-free apples is possible. Alterna-

tive measures such as insect exclusion

netting, mating disruption against

codling moth (Cydia pomonella),

mulching with leaves to reduce scab

(Venturia inaequalis) inoculum, and

modern storage techniques were

applied. The production of low-residue

apples meets consumer demand.

However, economic calculation showed

that the low-residue strategy is not

profitable because of storage diseases.

A price premium for low-residue

production might be justified by

environmental advantages.

Key words: pesticide residues, apple

production, scab, Gloeosporium,

economic evaluation.

Bibliographie ▪ Agroscope (édit.), 2013. Arbokost, Verschiedene Versionen, Wädenswil, Schweiz.

▪ Agridea (édit.), 2011. Produzenten- Richtpreise 2009 und 2010, Lindau, Schweiz.

▪ Agridea (édit.), 2013. Produzenten- Richtpreise 2011 und 2012, Lindau, Schweiz.

▪ Bravin, E., Carint. D., Dugon J., Hanhart J. & Steinemann B., 2011. La pro-duction de fruits à pépins en Suisse sous la loupe.

▪ Bravin E., 2012. Investieren in Obst – Apfel ist nicht Birne. Schweizer Zeitschrift für Obst und Weinbau 12/12, 10–13.

▪ Gazzarin, C. & Lips M., 2012. Coûts-machines 2012, Rapports ART 753, Tänikon, Schweiz.

▪ Good C., Gasser F. & Naef A., 2012. Heisswasserbehandlung von Kern-obst. Schweizer Zeitschrift für Obst und Weinbau 24/12, 10–14.

▪ Naef A., Mouron P. & Höhn H., 2011. Production de pommes: évaluation de la durabilité de stratégies phytosanitaires, Recherche Agronomique Suisse 2 (7–8), 334–341.

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 12–19, 2015

Page 20: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

20 Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 20–27, 2015

Chaque exploitation de plaine devrait exploiter de belles prairies à fromental riches en espèces sur au moins 10–25 % de sa surface fourragère. Le fourrage est idéal pour une utilisation pendant la phase de tarissement et pour l'élevage.

Les prairies à fromental hier et aujourd’hui

Dans une monographie de phytosociologie, Schneider

(1954) a caractérisé les prairies de fauche de basse alti-

tude à fromental s.s. (Arrhenatheretum) ainsi: prairies

permanentes fertilisées, fauchées et parfois pâturées, de

plaine et jusqu’à une altitude d’environ 800 m. Selon

l’exposition et les conditions climatiques, ce type de prai-

ries peut se trouver en Suisse jusqu’à environ 1000 m

d’altitude, quasiment relayé plus haut par les prairies de

fauche de montagne à avoine dorée (Trisetetum).

Les prairies à fromental étaient les «prairies grasses» de

l’agriculture dans la période de rotation triennale et la

«bataille des champs» après la Seconde Guerre mondiale.

On les trouvait essentiellement dans les sites les plus pro-

ductifs. Elles étaient habituellement légèrement fertili-

sées avec une fumure, et en plus un peu de purin et sco-

ries de Thomas dès la fin du 19e siècle. Les prairies à

fromental étaient généralement fauchées deux fois par

an et souvent pâturées avant et/ou après. Selon les

endroits et la fertilisation, leur rendement en substance

Andreas Bosshard

Ö+L Ökologie und Landschaft GmbH, 8966 Oberwil-Lieli, Suisse

Renseignements: Andreas Bosshard, e-mail [email protected]

Recul des prairies à fromental Arrhenatheretum et conséquences sur la biodiversité

E n v i r o n n e m e n t

Page 21: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

21

Recul des prairies à fromental Arrhenatheretum et conséquences sur la biodiversité | Environnement

Rés

um

é

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 20–27, 2015

Une comparaison des relevés de végétation

historiques et actuels de prairies intensives

montre un recul dramatique de la diversité

spécifique dans les prairies des régions de

plaine en Suisse. En 1920, on ne trouvait

pratiquement que des prairies dépassant

largement le niveau de qualité de biodiver-

sité QII. En 1950, au minimum 85 % des

prairies les plus intensives atteignaient

encore ce niveau QII sur les meilleurs sols,

dont un tiers bien en-dessus. Ces prairies

grasses d’autrefois étaient décrites comme

des prairies à fromental et formaient encore

dans les années 1950 le type dominant et

répandu de prairies.

Comme le montre une cartographie actuelle,

les prairies à fromental ont depuis été

remplacées presque entièrement par des

herbages pauvres en espèces suite à une

forte intensification. Elles représentent

aujourd’hui au maximum 2 % de la surface

agricole utile dans leur forme à peu près

typique – et sont exploitées le plus souvent

comme prairies écologiques.

Mais même les reliquats de prairies à

fromental restantes se sont nettement

appauvris. Le nombre moyen d’espèces de

plantes a passé de 38 dans les années 1950 à

27 aujourd’hui (-30 %). Le nombre d’espèces

caractéristiques des prairies à fromental a

même reculé de 25 à 9 (-64 %). 71 % des

prairies à fromental relevées aujourd’hui

n’atteignent pas le niveau QII. Le recul de la

biodiversité faunistique est encore plus

marqué, comme le montre une recherche

bibliographique.

Dans ce contexte, une conservation stricte et

un soutien efficace des prairies à fromental

revêtent une grande importance.

sèche se situait entre 5 et 10 t/ha (Klapp 1965, Dietl

1986). En plaine et jusqu’au milieu du siècle dernier, les

prairies à fromental en Suisse n’étaient pas seulement

«le type de prairies dominantes, mais aussi celles aux plus

hauts rendements; elles rapportaient bien la moitié du

fourrage produit en Suisse par les prairies naturelles»

(Stebler et Schröter 1892).

Avec la disponibilité pratiquement illimitée d’engrais

chimiques et de ferme, la mécanisation toujours crois-

sante de l’exploitation et l’apparition de mélanges de

semences plus productifs, l’intensité de l’exploitation

des prairies après la Deuxième Guerre mondiale a beau-

coup augmenté; à tel point que la plupart des prairies à

fromental sont désormais classées parmi les prairies

extensives ou peu intensives et non plus dans les zones

particulièrement tournées vers la production. A cause

de l’intensification, il n’y a plus que des reliquats de peu-

plements de prairies à fromental et souvent dans des

lieux «atypiques» comme les talus ou surfaces résiduelles

en règle générale exploités comme prairies écologiques.

Là où les prairies à fromental dominaient autrefois sont

apparues des «prairies intensives» qui ont perdu la plus

grande partie de la biodiversité d’autrefois, surtout la

diversité en fleurs, graminées et petits animaux.

Jusqu’à présent, il n’y avait pas d’évaluation du recul

des prairies à fromental. Kuhn et al. (1992) ont parlé

d’un recul estimé de 55 000 ha en 1949 à juste 500 ha au

début des années 1990 dans le canton de Zurich. La

majorité de ces 500 ha – qui représentent à peine 0,7 %

de la surface agricole utile du canton de Zurich – ne se

trouve pas vraiment sur le Plateau mais dans des régions

plus en altitude. Dietl (1995) évalue la part restante pour

le Plateau suisse à 2 – 5 % des surfaces herbagères et

Klötzli et al. (2010) estiment qu’il ne reste que 1 – 5 % des

peuplements d’autrefois pour l’Europe centrale.

Le recul des prairies à fromental est ainsi bien plus

important en surface et en pourcentage que presque

toutes les autres associations végétales depuis le 19e

siècle. Il dépasse même le recul des prairies humides et

marais en Suisse (Gimmi et al. 2011). Bosshard (1999) a

donc décrit les prairies à fromental s.s. comme un des

milieux les plus menacés de Suisse. Hutter et al. (1993) les

ont classées «menacées d’extinction» en Allemagne, à

l’exception des prairies en sous-association cirse maraî-

cher et fromental classées «seulement» fortement

menacées. Sur la liste de rouge des milieux de Suisse,

elles sont provisoirement classées «vulnérables».

Projet prairies à fromental Arrhenatheretum

Le recul rapide des prairies à fromental a été négligé par

les milieux agricoles et de la protection de la nature. Ces

derniers ont longtemps classé toutes les prairies à fro-

Page 22: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

22

Environnement | Recul des prairies à fromental Arrhenatheretum et conséquences sur la biodiversité

mental comme des prairies grasses et se sont concentrés

sur les prairies maigres et prés à litière et leurs espèces

rares. Avec les facilités d’intensification, les prairies à fro-

mental ne sont plus non plus attractives pour l’agricul-

ture depuis le milieu du siècle dernier. Outre les quelques

estimations mentionnées plus haut, plusieurs paramètres

n’ont pratiquement pas été étudiés jusqu’ici: l’étendue

du recul des prairies à fromental, la manière dont la qua-

lité de ces prairies restantes s’est modifiée, ou encore les

conséquences sur la biodiversité du paysage cultivé de la

disparition importante de ce milieu autrefois dominant.

Le but de cette étude comparative dans le cadre du «Pro-

jet prairies à fromental», réalisé grâce au soutien de Bris-

tol-Stiftung, de Pro Natura et d’autres sponsors1, était de

combler une partie de cette lacune et de faire des propo-

sitions pour la conservation des prairies à fromental qui

subsistent.

Relevés de végétation: comparaison avec 1950

L’agronome Johann Schneider a étudié en 1949 et 1950

les prairies de fauches de basse altitude de Suisse orien-

tale, en se concentrant sur le canton de Zurich, du point

de vue phytosociologique et de la localisation. Sa thèse

de doctorat a été publiée en 1954 sous l’instigation de

Friedrich Traugott Wahlen, autrefois professeur directeur

de l’Institut pour la production végétale de l’ETH Zurich.

Depuis le travail de Stebler et Schröter (1892) offrant une

vue d’ensemble sur les prairies et pâturages de Suisse, le

travail de Schneider a été la première étude – et aussi la

dernière de cette ampleur – sur ce qu’il reste des prairies

à fromental de Suisse.

L’ensemble des données de la thèse comprenait

116 prairies qui ont été caractérisées par à un relevé de

végétation détaillé et au moyen d’analyses de sol. Pour

sa recherche, Schneider surtout a choisi des «peuple-

ments bien développés et importants du point de vue

économique».

L’un des volets du projet prairies à fromental avait

pour objectif de répéter les relevés de végétation de

Schneider et de les comparer avec les prairies à fromen-

tal encore existantes. Les prairies étudiées par Schneider

ont été localisées grâce aux noms des lieux-dits et le bref

descriptif de la situation et du site. Bien que les coordon-

nées ou données précises manquent, 90 des 116 surfaces

relevées ont pu être clairement identifiées. Des prairies

à fromental se trouvent encore sur 15 de ces 90 sites. En

considérant un rayon de 250 m autour des lieux de rele-

vés les plus probables de Schneider, 63 prairies à fromen-

tal d’une surface de plus de 5 a ont été identifiées. Un

relevé de végétation a été réalisé en leur centre selon la

méthode de Schneider.

Changements de la composition botanique

Schneider a enregistré en moyenne 37,5 espèces végé-

tales par are dans les prairies à fromental étudiées, dans

une fourchette comprise entre 32 et 43 espèces, dont

en  moyenne 11 de graminées, 3 de légumineuses et

23 d’herbes. La formation autrefois la plus courante des

prairies à fromental, le type avec renoncule bulbeuse,

comportait 40 espèces caractéristiques dans au moins

60 % des relevés. Ce chiffre est plusieurs fois supérieur

au nombre d’espèces représentatives, c’est-à-dire de

véritables espèces prairiales, qui est inférieur à 10 dans

les prairies intensives actuelles.

La composition botanique des prairies à fromental

encore existantes2 diffère aussi foncièrement des rele-

vés de végétation de Schneider. Le nombre moyen d’es-

pèces a passé de 38 à l’époque à 27 aujourd’hui, ce qui

représente un recul d’environ 30 % au sein de ce type de

prairie. Le nombre d’espèces caractéristiques des prai-

ries à fromental, soit les espèces végétales qui avaient

selon Schneider une probabilité d’au moins 80 % d’être

présentes dans une prairie à fromental, s’est même

réduit de 25 à 9 espèces, soit une réduction de 64 %.

«Qualité botanique» autrefois et aujourd‘hui

Schneider a identifié en moyenne 8,4 espèces (ou

groupes d’espèces) dans les 116 prairies à fromental

identifiées – exploitées intensivement pour l’époque –

qui comptent aujourd’hui parmi les indicateurs de qua-

lité pour la biodiversité des prairies écologiques (niveau

de qualité QII). Ce sont plus de deux espèces de plus que

le minimum de six espèces de qualité QII nécessaires

pour déclarer une prairie comme «précieuse du point de

vue écologique» et prétendre aux contributions à la

qualité pour la biodiversité (SPB-QII) dans le cadre de

l’ordonnance fédérale sur les paiements directs. De ces

116 prairies, 85 % atteignaient le niveau minimum QII. Le

nombre le plus bas d’indicateurs QII était de 3, le plus

haut de 17. Plus d’un tiers des prairies à l’époque inten-

sives avaient dix espèces indicatrices QII ou plus, ce qui

n’est atteint aujourd’hui qu’exceptionnellement en

plaine même parmi les prairies écologiques avec la qua-

lité QII.

1Nos remerciements s’adressent non seulement aux sponsors, mais aussi aux col-laborateurs de Ö+L Ökologie und Landschaft GmbH, qui ont participé aux relevés de végétation et à leur évaluation, Lina Kamleitner, qui a contribué aux données sur la répartition actuelle des prairies à fromental dans le cadre d’un travail de diplôme, et l’ancien Institut des Sciences de l’environnement de l’Université de Zurich qui a suivi ce travail.

2Pour différencier les prairies à fromental d’autres types de prairies, une clé de végétation quantitative a été développée sur la base de la littérature. Elle permet une classification reproductible des peuplements de végétation trouvés.

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 20–27, 2015

Page 23: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

23

Recul des prairies à fromental Arrhenatheretum et conséquences sur la biodiversité | Environnement

Schneider (1954). Autrefois se trouvaient peu d’indica-

teurs typiques de la présence de lisier et de charge en

nutriments, comme le cerfeuil des prés ou le ray-grass

d’Italie, mais par contre la présence d’indicateurs d’ap-

ports en éléments nutritifs moyens ou maigres était

bien plus marquée.

Répartition actuelle des prairies à fromental

Pour pouvoir mieux quantifier ce recul massif de prairies

à fromental selon les estimations jusqu’alors à disposi-

tion, une cartographie des prairies et de l’exploitation a

été réalisée dans le cadre du projet prairies à fromental

sur un total de 2250 ha de surface agricole utile et dans

23 communes de Suisse orientale choisies au hasard (tra-

vail de diplôme Kamleiter 2009). Onze communes se

situent dans le canton de Zurich, quatre dans le canton

de Saint-Gall, trois dans le canton d‘Argovie, deux dans

les cantons de Thurgovie et Glaris et une dans chacun

des cantons d’Uri, Lucerne et Schaffhouse.

La cartographie a eu lieu dans chaque commune le

long de transects déterminés selon des critères homo-

gènes dans le but d’atteindre toutes les altitudes et une

répartition équilibrée d’expositions du sud au nord. Au

total, 174 prairies à fromental ont été identifiées. Les

prairies à fromental représentaient 4 % de la SAU, et 5 %

des herbages permanents. Dans la région biogéogra-

phique est du Plateau, elles représentaient la part la plus

petite avec 3,4 % des herbages. Dans les Préalpes et Alpes

du Nord une part de 4,4 %, et la plus grande part dans la

région du Haut-Rhin avec 8,8 %. Sur les transects de l’est

du Plateau, ces prairies à fromental formaient près de la

moitié des prairies écologiques.

La taille moyenne des prairies à fromental identifiée

était de 33 ares. En comparaison, la taille moyenne des

prairies à dactyle – exploitées plus intensivement – était

de 88 ares, soit presque le triple, et dans la région des

Préalpes même cinq fois supérieure. Les prairies à fro-

mental se trouvaient «souvent comme des bordures

étroites le long de routes ou chemins, à la limite de par-

celles ou sur des talus». La raison la plus souvent évo-

quée par les agriculteurs est justement la qualité

moindre de la surface exploitée en tant que prairie

extensive ou peu intensive (Jurt 2003). On ne trouve pra-

tiquement plus de grandes prairies à fromental typiques

sur de bons sols, comme celles qui dominaient autrefois.

Les prairies à fromental d’aujourd’hui ne peuvent finale-

ment plus être comparées avec les types de prairies

d’autrefois du site.

Quelque 22 % des prairies à fromental identifiées le

long des transects atteignent le niveau QII. Cela repré-

sente 37 % de la surface – à peine 2 % de la surface agri-

cole utile (fig. 1). Cette proportion devrait être nette-

Les 63 prairies à fromental actuelles relevées – générale-

ment exploitées extensivement comme prairies écolo-

giques – présentent en moyenne à peine quatre espèces

QII, donc moins de la moitié en comparaison avec les

données de Schneider concernant ces prairies alors

exploitées «intensivement». 71 % des prairies à fromen-

tal actuelles relevées n’ont pas atteint le niveau de qua-

lité QII. Alors que l’exploitation autrefois considérée comme

«intensive» conduisait généralement à la «qualité éco-

logique», deux tiers des prairies à fromental actuelles

n’atteignent pas le niveau de qualité QII, même en

étant exploitées de manière extensive. Et cela même si

les peuplements actuels sont exploités en général dans

l’optique de conserver autant que possible ou de rele-

ver la diversité spécifique, ce qui est le but des contribu-

tions écologiques. De plus, environ la moitié des peu-

plements étudiés se situaient sur des reliques de surfaces

qui pourraient être à peine intensifiées ou des sites peu

productifs, qui favorisent une plus grande diversité en

espèces en comparaison avec les sites de Schneider. Le

nombre le plus bas d’espèces indicatrices QII dans les

relevés de prairies à fromental actuelles se situait à 0 et

le plus haut à 10.

Appauvrissement en 1950 déjà

Scherrer (1925) a fait des douzaines de relevés de végé-

tation de prairies à fromental dans la vallée de la Limmat

environ 25 ans avant la thèse de Schneider. Le nombre

moyen d’espèces pour la qualité se situait >10.3 Seule

une prairie relevée «un an après l‘ensemencement», où

domine le dactyle et avec ≥5 espèces, atteindrait tout

juste3 la qualité écologique selon les standards actuels.

Les autres, avec ≥7 à ≥13 espèces pour la qualité, rempli-

raient donc nettement les critères minimaux actuels

pour QII. Même une prairie à fromental «moyennement

humide, fortement fertilisée (fumier et lisier)» atteignait

encore ≥7 espèces. Deux prairies avec des engrais

chimiques (superphosphate) et une exposition nord-est

à nord-ouest comportait même ≥11 espèces – ce qu’at-

teignent encore juste quelques petites prairies maigres

dans la vallée de la Limmat qui occupent bien moins de

un pour mille de la surface agricole utile (cartographie

dans le cadre de Bosshard 2014).

Ces chiffres indiquent que les prairies à fromental

étaient en 1925 encore nettement plus riches en espèces

qu’environ 25 ans plus tard, au moment des relevés de

3Seules les espèces présentes très régulièrement ont été introduites dans les tables de végétation. Des espèces plus rares, dont 19 autres espèces (ou groupes d’espèces) pour la qualité, n’ont pas été classifiées. Il devrait donc y avoir en réalité dans la plupart des prairies quelques espèces pour la qualité de plus que dans les chiffres présentés ici.

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 20–27, 2015

Page 24: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

24

Environnement | Recul des prairies à fromental Arrhenatheretum et conséquences sur la biodiversité

ment plus basse que dans le pays voisin où les herbages

de plaine tendent à être exploités moins intensivement,

sauf dans l’Allgäu. Dierschke et Briemle (2002) ont par

exemple estimé en 2000 la proportion de prairies à fro-

mental encore existantes en Allemagne à 14 % par rap-

port à 1950.

Biodiversité faunistique: recul encore plus grand

La transformation presque totale des prairies à fromen-

tal dans les herbages intensifs, et dans une moindre

mesure des terres arables (entre autres cultures de maïs)

ainsi que l’urbanisation depuis les années 1950 ont

conduit à des pertes dans la faune encore plus drama-

tiques que parmi les plantes. Les groupes d’organismes

spécialisés et typiques des herbages, qui caractérisaient

le paysage de manière visuelle et sonore, colonisaient en

Suisse les prairies à fromental, donc les herbages exploi-

tés intensivement, encore dans les années 1950 sur l’en-

semble du territoire et avec de grandes densités de

population. C’est ce qui ressort entre autres des relevés

actuels de prairies à fromental (Bosshard & Kuster 2001).

Par contre, sur les prairies intensives d’aujourd’hui, plus

aucune espèce parmi les papillons diurnes, les sauterelles

ou les oiseaux nicheurs au sol, des ordres du règne ani-

mal souvent riches en espèces, ne peut terminer un cycle

de vie (cf. par ex. Kohli et al. 2003, SBN 1989, Schneider

et Walter 2001). Les surfaces les plus riches en espèces

botaniques ont régressé de 98 % et ne forment plus que

de petits îlots, sur lesquels on peut considérer que les

densités de population de ces espèces typiques des prai-

ries ont fortement diminué, ou ont même totalement

disparu, comme pour les oiseaux des prairies. En compa-

11 18 29

89 82 71

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Nord desAlpes

Est du plateau

Haut-Rhin

57 67

58

14 12

1

18 18

34

11 3 7

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

riche en graminées (sans Q II)

avec qualité Q II

Prairie à fromental avec cirse maraîcher

Prairie à fromental avec sauge

Prairie à fromental avec alchémille

Prairie à fromental avec lvraie vivace

0%2%4%6%8%

10%12%14%16%18%

N

NNE

NE

ENE

E

ESE

SE

SSE

S

SSO

SO

NO

NNO

riche en graminées (sans QII)

avec qualité QII

!

Nord desAlpes

Est du plateau

Haut-Rhin

OSO

O

ONO

Figure 1 | En haut: Répartition de l’exposition des prairies à fromental répertoriées selon le type riche en graminées (pas de qualité biolo-gique QII pour surfaces de promotion de la biodiversité SPB) et le type avec la qualité QII. Les prairies à fromental précieuses de qualité en-core disponibles se trouvent généralement dans des endroits secs plutôt exposés au sud. En bas: Qualité floristique (à gauche) et types de formations selon le lieu (sous-associations, à droite) des prairies à fromental identifiées, distribuées selon les régions biogéographiques Préalpes et nord des Alpes, est du Plateau et Haut-Rhin.Source: Kamleiter 2009, adapté

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 20–27, 2015

Page 25: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

25

Recul des prairies à fromental Arrhenatheretum et conséquences sur la biodiversité | Environnement

ries à fromental. Dans le même temps, la puissance des

machines dans l’exploitation des prairies s’est multipliée,

si bien qu’on peut exploiter aujourd’hui, par unité de

main d’œuvre, une surface plusieurs fois plus grande.

Mais les coûts de ce développement vont bien au-

delà de la destruction de la diversité spécifique (Boss-

hard et al. 2011): l’augmentation de la productivité s’est

payée cher avec en parallèle un effondrement sans pré-

cédent et toujours en cours des exploitations et struc-

tures paysannes, avec d’innombrables dommages envi-

ronnementaux aux eaux, sol, air et climat. Mais aussi, la

consommation croissante d’énergie non renouvelable

dépasse maintenant de loin les calories produites et a

transformé l’agriculture de productrice primaire d’éner-

gie en consommatrice nette. Les conséquences sociales

sont tout aussi dramatiques que les conséquences écolo-

giques. La production en Suisse ne réalise même plus

aucun revenu à cause des coûts de production hauts et

des prix bas dus à la production de masse. Sans le sou-

tien de l’Etat, les familles paysannes enregistreraient en

moyenne des pertes financières pour chaque heure de

travail investie dans la production agricole des herbages.

Dans le contexte de cette évolution qui mérite réflexion,

il devrait être évident que les dernières prairies à fro-

mental restantes, autrefois largement répandues,

devraient être absolument conservées et favorisées

autant que possible dans le cadre de formes de produc-

rant les tailles de populations avec 1950, il en reste

aujourd’hui moins de 1 % dans ces groupes d’espèces des

prairies de plaine en Suisse (fig. 2 à droite, cercle vert).

Cela correspond à peu près aux estimations de SBN

(1989) qui parlent d’un recul des populations de papil-

lons diurnes à environ un centième de celles du début du

siècle dernier sur le Plateau.

Les efforts pour favoriser les prairies à fromental

grâce à de nouveaux semis ces quinze dernières années

en Suisse devraient tout de même avoir amené un

retournement de tendance. Même si les chiffres

manquent pour une vue d’ensemble, on peut penser

que bien plus de 1’000 ha de prairies à fromental ont été

depuis lors réensemencées, dont bien 80% pourraient

remplir les exigences pour la qualité QII selon les estima-

tions.

C o n c l u s i o n s

Un véritable effondrement de la biodiversité des régions

agricoles de plaine se cristallise en Suisse dans la dispari-

tion à grande échelle des prairies à fromental, qui

étaient jadis un des habitats dominants du paysage rural.

Pendant des décennies, cette perte a été acceptée

presque sans broncher comme le prix de l’augmentation

de la productivité. De fait, le rendement des herbages a

presque doublé, aussi grâce à l’intensification des prai-

riche

appauvri

habitat plus disponible

population actuelle

1950diversité botanique

et faunistique

Aujourd’huidiversité botanique

Aujourd’huidiversité faunistique

et taille de population restante (en vert)

Figure 2 | Comparaison de la répartition spatiale de la richesse en espèces dans les prairies de plaine en Suisse en 1950 et aujourd’hui. Une prairie est décrite ici comme «riche» quand elle remplit les exigences de qualité botanique QII pour les surfaces de promotion de la biodi-versité SPB (végétation) ou possède au moins une espèce cible ou caractéristique (papillons diurnes). Pour la faune, non seulement le nombre d’espèces par surface a reculé, mais aussi la taille des populations, dans des proportions dramatiques: d’après les estimations ac-tuelles, il ne reste qu’environ 1 % du nombre de papillons diurnes dans les herbages par rapport à 1950 (petit cercle vert à droite propor-tionnel aux autres cercles). La situation est similaire pour les autres groupes d’animaux des milieux prairiaux (par ex. oiseaux nicheurs au sol, sauterelles, punaises) (voir texte pour les détails).

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 20–27, 2015

Page 26: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

26

Environnement | Recul des prairies à fromental Arrhenatheretum et conséquences sur la biodiversité

tion économiquement plus durables. Comme le montrent

les calculs, les réflexions économiques et écologiques

vont de pair dans de nombreux domaines, comme en

production fourragère (Bosshard et al. 2011, Bosshard &

Meierhofer 2014). Mais aussi au vu des objectifs environ-

nementaux pour l’agriculture à atteindre, les prairies à

fromental font figure d’habitat à favoriser en priorité

dans le paysage rural (Walter et al. 2013).

Les nombreuses possibilités qui existent pour cela

seront montrées dans un prochain article. Sous l’angle

de la gestion d’exploitation dans une approche globale,

avec une exploitation nuancée, adaptée au lieu et avec

une alimentation du bétail bovin appropriée pour les

animaux, les prairies à fromental ont une place impor-

tante encore aujourd’hui, non seulement du point de

vue écologique, mais comme élément productif dans

une exploitation agricole respectueuse des ressources et

économiquement durable. � n

Bibliographie ▪ Bosshard A., 1999. Renaturierung artenreicher Wiesen auf nährstoffrei-chen Böden. Ein Beitrag zur Optimierung der ökologischen Aufwertung der Kulturlandschaft und zum Verständnis mesischer Wiesen-Ökosyste-me. Dissertationes Botanicae Band 303 Stuttgart. 201 p.

▪ Bosshard A., 2014. Projekt Landschaftsqualität und Vernetzung Limmat-tal –Evaluation Pilotphase 2011-2013. Bericht i.A. Kanton Aargau. Ö+L GmbH Oberwil-Lieli.

▪ Bosshard A. & Kuster D., 2001. L`importance de prairies à foin extensives nouvellement crées pour papillons diurnes et sauterelles. Agrarforschung 8 (7), 252–257.

▪ Bosshard A., Schläpfer F. & Jenny M., 2011. Weissbuch Landwirtschaft Schweiz. Analysen und Vorschläge zur Reform der Agrarpolitik. Haupt, Bern. 2. Auflage.

▪ Bosshard A. & Meierhofer U., 2014. Entwicklungsmöglichkeiten von Landwirtschaftsbetrieben unter der neuen Schweizer Agrarpolitik AP 2014–17. Vision Landwirtschaft, Oberwil-Lieli.

▪ Dierschke H. & Briemle G., 2002. Kulturgrasland: Wiesen, Weiden und verwandte Staudenfluren. Ulmer, Stuttgart.

▪ Dietl W., 1986. Pflanzenbestand, Bewirtschaftungsintensität und Er-tragspotential von Dauerwiesen. Schweizerische landwirtschaftliche Monatshefte 64, 241–262.

▪ Dietl W., 1995. Wandel der Wiesenvegetation im Schweizer Mittelland. Zeitschrift für Ökologie u. Naturschutz 4, 239–249.

▪ Gimmi U., Lachat T. & Bürgi M., 2011. Reconstructing the collapse of wet-land networks in the Swiss lowlands 1850–2000. Landscape Ecol. 26, 1071–1083.

▪ Herzog F. & Walter T. (éd.), 2005. Evaluation der Ökomassnahmen Bereich Biodiversität. Schriftenreihe der FAL 56, 185–201.

▪ Hutter C. P., Briemle G. & Fink C., 1993. Wiesen, Weiden und anderes Grünland. Weidbrecht, Stuttgart, Wien.

▪ Jurt L., 2003. Bauern, Biodiversität und ökologischer Ausgleich. Dissertation Universität Zürich.

▪ Kamleiter L., 2009. Verbreitung und Zustand der Fromentalwiesen in der Nordostschweiz. Diplomarbeit an der Hochschule Weihenstephan-Triesdorf, Fakultät Umweltsicherung, Betreuung durch U. Asmus und A. Bosshard.

▪ Klapp E., 1965. Grünlandvegetation und Standort. Nach Beispielen aus West-, Mittel- und Süddeutschland. Parey, Berlin.

▪ Klötzli F. et al. 2010. Vegetation Europas. Das Offenland im vegetations-kundlich-ökologischen Überblick. Ott, Berne.

▪ Kohli, L. & Birrer S., 2003. Verflogene Vielfalt im Kulturland – Zustand der Lebensräume unserer Vögel. Schweizerische Vogelwarte Sempach.

▪ Kuhn, U. et al., 1992. Naturschutz-Gesamtkonzept für den Kanton Zürich. Entwurf im Auftrag des Regierungsrates, Zürich.

▪ SBN (éd.), 1987. Tagfalter und ihre Lebensräume. Schweizerischer Bund für Naturschutz, 516 p.

▪ Scherrer M., 1925. Vegetationsstudien im Limmattal. Veröff. Geobot. Inst. Rübel, 2. Heft. Zurich.

▪ Schneider J., 1954. Ein Beitrag zur Kenntnis des Arrhenatheretum elatio-ris in pflanzensoziologischer und agronomischer Betrachtungsweise. Hans Huber, Bern.

▪ Schneider K. & Walter T., 2001. Fauna artenreicher Wiesen: Zielarten Potential und Realität am Beispiel der Tagfalter (Rhopalocera und Grypo-cera) und Heuschrecken (Saltatoria). FAL - Schriftenreihe 38.

▪ Walter T. et al., 2013: Operationalisierung der Umweltziele Landwirt-schaft – Bereich Ziel- und Leitarten, Lebensräume (OPAL). ART-Schriften-reihe 18, Zurich-Reckenholz-Tänikon.

▪ Stebler F. G. & Schröter C., 1892. Versuch einer Übersicht über die Wie-sentypen der Schweiz. Landwirtschaftliches Jahrbuch der Schweiz 6.

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 20–27, 2015

Page 27: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

27

Ria

ssu

nto

Sum

mar

y

Recul des prairies à fromental Arrhenatheretum et conséquences sur la biodiversité | Environnement

The decline of Arrhenatherum mead-

ows in the Swiss lowland and its

consequences for biodiversity

A comparison of historic and current

vegetation surveys of intensively

managed meadows reveals a dramatic

decline of species diversity in Swiss

lowland grassland. In the 1950s, the

most intensively managed meadows

were Arrhenatherum meadows. Over

85 % of these achieved the QII stand-

ard defining meadows with «high

biodiversity value», and more than a

third significantly surpassed the QII

threshold.

A current inventory shows that since

the 1950s, Arrhenatherum meadows

have been almost completely replaced

by species-poor, highly intensified

grassland. The remaining

Arrhenatherum meadows – nearly all

managed and funded as «ecological

compensation areas» – make up less

than 2 % of the permanent grassland

area in the Swiss lowlands.

These remaining Arrhenatherum mead-

ows have impoverished species

richness. On average, it has declined

by 30 % from 38 plant species per

100 m2 in 1950 to 27 today. The

number of species characteristic of the

Arrhenatherum grassland communities

has declined by 64 % from 25 to 9.

Today 71 % of the few remaining

Arrhenatherum meadows fail to reach

the QII standard.

The loss of animal diversity in Swiss

lowland grassland is even more severe

than the plant diversity decline, as

shown by a literature review.

Key words: Swiss lowland, permanent

grassland, biodiversity decline,

Arrhenatherum meadow, historic

comparison.

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 20–27, 2015

Diminuzione di arrenatereti e conse-

guenze per la biodiversità

Un confronto tra rilievi della vegeta-

zione storici e attuali indica una

drammatica diminuzione degli arrena-

tereti nelle pianure svizzere. Mentre

nel 1920 difficilmente esistevano prati

che non avessero un grado di qualità

della biodiversità di molto al di sopra

del QII; nel 1950, ancora 85 % dei prati

gestiti più intensivamente sui suoli

migliori raggiungeva ancora il livello

QII, un terzo dei quali con una qualità

molto elevata. Questi prati pingui

vengono definiti prati dell’associazione

Arrhenaterion (arrenatereti) e nel 1950

costituivano ancora il tipo di prato più

diffuso.

Come dimostrato da un’attuale

comparazione di rilievi botanici, gli

arrenatereti sono stati quasi tutti

sostituiti da prati poveri di diversità

vegetale a causa di una forte intensifi-

cazione dell’agricoltura. Oggigiorno

questi prati – perlopiù gestiti come

prati ecologici – ricoprono, nella loro

formazione tipica, al massimo il 2 %

della superficie agricola utile (SAU).

Purtroppo anche gli arrenatereti

rimasti sono enormemente impoveriti.

Il numero medio di specie di piante è

diminuito, dal 1950 a oggi, da 38 a 27

(-30 %). Le piante caratteristiche dei

prati di questa associazione hanno

subito un calo ancora più drastico,

scendendo da 25 a 9 (-64 %). Il 71 %

degli arrenatereti rilevati attualmente

non raggiunge il livello QII. Ancora più

marcata è la diminuzione della diver-

sità faunistica, come dimostrato da una

ricerca della letteratura.

In questo ambito sono di grande

importanza una rigorosa conserva-

zione e un’efficiente promozione degli

arrenatereti.

Page 28: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

28 Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 28–35, 2015

Les races laitières et à viande avec lesquelles les éleveurs suisses effectuent des croisements.Photos: Holstein Friesian: G. Soldi, Holstein Switzerland; Brune: Braunvieh Schweiz; Fleckvieh: C. Burri, Swissherdbook; Simmental: R. AlderMontbéliarde: M. Killewald, Swissherdbook; Charolaise, Angus, Piémontaise, Blonde d’Aquitaine et Limousine: Mutterkuh Schweiz; Hérens: Eva Moors; Blanc-Bleu Belge: Sambraus 2011

I n t r o d u c t i o n

Selon diverses études, des croisements appropriés entre

race à viande et race laitière peuvent améliorer la per-

formance bouchère des animaux F1 (Damon et al. 1960;

Aass et Vangen 1998; Huuskonen et al. 2013).

A l’heure actuelle, il n’existe pas, en Suisse, de recom-

mandations pour l’accouplement entre race laitière et

race à viande. Dans le cadre d’un travail de semestre réa-

lisé à la HAFL, nous avons donc étudié pour quatre races

laitières – Brune (BR), Fleckvieh (FL), Holstein Friesian

(HO) et Simmental (SI) – quels croisements donnent les

meilleurs résultats pour la catégorie, le poids mort, la

charnure et la couverture graisseuse. Nous avons consi-

déré pour ce faire des croisements entre les races lai-

tières susmentionnées, ainsi que des croisements avec

les races Angus (AN), Charolaise (CH), Limousine (LI),

Blonde d’Aquitaine (BA), Blanc-Bleu Belge (BB), Piémon-

taise (PI), Hérens (HR) et Montbéliarde (MO).

En fonction de l’âge et du sexe, les animaux de bou-

cherie sont classés dans les catégories suivantes: veaux

(KV), jeune bétail (JB), taureaux sans dents de remplace-

ment (MT), taureaux plus âgés (MA), bœufs jusqu’à

4 pelles (OB), génisses jusqu’à 4 pelles (RG), génisses dès

5 pelles/jeunes vaches jusqu’à 4 pelles (RV) et vaches

(VK) (Harder 2000).

Dans chaque catégorie, les carcasses sont réparties

dans les classes de charnure C (très bien en viande), H

(bien en viande), T (charnure moyenne), A (charnure

faible) et X (très décharné) (Christen, s.d.). La classe de

charnure est fixée en fonction du développement mus-

culaire par rapport à la carcasse entière; elle est détermi-

Arlène Müller, Alexander Burren et Hannes Jörg

Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires HAFL, 3052 Zollikofen, Suisse

Renseignements: Alexander Burren, e-mail: [email protected]

Croisements entre races laitières et à viande pour optimiser la performance bouchère

P r o d u c t i o n a n i m a l e

Holstein Friesian

Montbéliarde

Piémontaise

Brune

Charolaise

Blonde d'Aquitaine

Fleckvieh

Angus

Blanc-bleue Belge

Simmental

Hérens

Limousine

Page 29: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

Croisements entre races laitières et à viande pour optimiser la performance bouchère | Production animale

29

Rés

um

é

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 28–35, 2015

Le croisement entre une vache laitière et un

taureau de race à viande ne garantit pas

forcément une bonne performance bou-

chère. Un travail de semestre réalisé à la

Haute école des sciences agronomiques,

forestières et alimentaires (HAFL) montre

quels croisements donnent les meilleurs

résultats pour le poids mort, la charnure et

la couverture graisseuse.

L’analyse porte sur les données de

601 669 animaux nés entre 2000 et 2012 et

issus d’un croisement (race laitière × race à

viande ou race laitière 1 × race laitière 2),

mises à disposition par la Banque de données

sur le trafic des animaux (BDTA).

Les croisements entre la Brune et la Blonde

d’Aquitaine ou la Charolaise permettent

d’obtenir un poids mort élevé, une bonne

charnure et une bonne couverture graisseuse.

Le croisement entre la Brune et la Blanc-Bleu

Belge donne des poids morts élevés et une

excellente charnure pour les veaux et les

taureaux à l’engrais. Dans toutes les catégo-

ries, la Blonde d’Aquitaine et la Charolaise

donnent aussi de bons résultats avec la

Fleckvieh et la Holstein Friesian. Les croise-

ments entre la Fleckvieh et la Montbéliarde

conviennent plutôt pour les veaux et les

taureaux à l’engrais. Enfin, les croisements

entre la Simmental et les races laitières Brune,

Fleckvieh et Holstein Friesian se prêtent bien

à l’engraissement des veaux, tandis que pour

l’engraissement des bœufs, des génisses et

des taureaux, un croisement entre Simmental

et Charolaise est recommandé.

née par une estimation visuelle sur l’animal vivant ou

mort (Harder 2000). L’animal est alors attribué à l’une

des classes de charnure du système CH-TAX. Les classes T

et X sont encore divisées en sous-classes: la classe T+ se

situe entre T et H (satisfait partiellement aux exigences

prévues pour H), tandis que la classe T- se situe entre A et

T. La classe de charnure X est subdivisée en sous-

classes 1X, 2X et 3X, 3X correspondant à la charnure la

plus faible (Christen, s.d.).Le persillage de la viande (filaments graisseux) déter-

mine sa jutosité et sa saveur. Il est directement lié à la

présence d’indésirables dépôts de graisse sous-cutanés.

Un bon persillage implique en effet une grande quantité

de graisse sous-cutanée. On cherche aujourd’hui à obte-

nir une répartition régulière de la couverture de graisse

à la surface des muscles. La couverture de graisse déter-

mine la classe de tissu gras: 1 (absence de couverture),

2 (couverture partielle), 3 (couverture régulière), 4 (forte

couverture), 5 (exagérément gras) (Harder 2000).

M a t é r i e l e t m é t h o d e s

La Banque de données sur le trafic des animaux (BDTA) a

mis à notre disposition les données de 601 669 animaux

de croisement nés entre 2000 et 2012 et issus d’un croise-

ment (race laitière x race à viande ou race laitière 1 x race

laitière 2).

Pour l’analyse, nous nous sommes seulement intéres-

sés aux races utilisées pour le croisement, sans nous pré-

occuper de laquelle était la mère et laquelle le père.

La population étudiée de race FT est très hétérogène.

Comme la série de données inclut très peu d’animaux

Red Holstein, nous supposons que certains sujets ont été

saisis par erreur comme de race Fleckvieh. Jusqu’en 2014,

la Fleckvieh était en outre définie par de nombreux

pourcentages de sang différents (Meier 2013); il en

résulte une race hétérogène, difficile à synthétiser. Les

données de la BDTA ne font par ailleurs pas de diffé-

rence, pour la Simmental, entre les sujets à dominante

laitière et ceux à dominante bouchère; seule la race est

consignée dans la BDTA, pas le type de production.

La charnure, la couverture graisseuse et le poids

mort étaient au cœur de notre analyse. Pour les deux

premiers critères, nous avons comparé les distributions

de fréquences des différents animaux de croisement. À

des fins de comparaison, les poids morts ont été corrigés

selon des modèles linéaires mixtes, à l’aide du logiciel R

et des paquets nlme (Pinheiro et al. 2013), lmmfit (Maj

2013) et car (Fox et Weisberg 2011). Les données ont été

analysées séparément pour chaque catégorie (MT, OB,

RG, RV et KV). Nous n’avons pas tenu compte des caté-

gories MA et VK, car les gains journaliers des sujets âgés

n’évoluent pas linéairement (Künzi et Stranzinger 1993),

et nous avons également mis de côté la catégorie JB, car

elle n’inclut que peu de sujets croisés.

Composition du modèle :

Poids mort = moyenne + exploitation + sexe1 + mois de

naissance + taille de la portée + année d’abattage + race

+ zone + âge à l’abattage + couverture graisseuse +

charnure + reste

1La covariable «sexe» n’est pas présente dans les catégories MT, OB, RG et RV, car celles-ci comprennent uniquement des mâles, des femelles ou des sujets castrés.

Page 30: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

Production animale | Croisements entre races laitières et à viande pour optimiser la performance bouchère

30

Le degré de précision varie entre 48 et 75 % selon la

catégorie.

Le poids à la naissance étant inconnu pour de très nom-

breux animaux et le poids vif à l’abattage n’étant pas

enregistré, nous avons remplacé le gain journalier par

un gain à l’abattage calculé selon la formule suivante:

Il résulte de cette formule une faible surestimation du

gain à l’abattage, car il n’est pas possible de soustraire le

poids à la naissance du poids mort. Cette erreur étant

commise pour toutes les races, elle ne pose pas de pro-

blème lors de la comparaison.

Pour le calcul du poids mort standardisé, nous avons

utilisé les effets des modèles linéaires et avons appliqué

la formule suivante:

Le but ultime étant d’étudier les différences condition-

nées par la race, nous avons corrigé le poids mort selon

le mois de naissance, l’année d’abattage, le sexe, la

taille de la portée, la zone, la couverture graisseuse et la

charnure, mais pas selon la race. Le degré de précision

des modèles indique qu’il existe encore d’autres fac-

teurs influant sur le poids mort qui n’ont pas pu leur

être intégrés.

Pour la comparaison des animaux de croisement,

nous avons utilisé le poids mort moyen standardisé,

intervalle de confiance à 95 % inclus. Selon les races croi-

sées et la catégorie, ces deux paramètres se fondent sur

un nombre de sujets se situant entre 11 et 90 675, d’où

un grand ou un petit intervalle de confiance. Lorsque le

nombre était inférieur à 10, nous n’avons pas présenté

les résultats.

R é s u l t a t s e t d i s c u s s i o n

Croisements avec la race Brune

Croisées avec la Brune, trois races sont particulièrement

intéressantes pour un poids mort élevé, une bonne char-

nure et une couverture graisseuse régulière. La Blanc-

Bleu Belge, connue pour son effet culard (Herdbook

Blanc-Bleu Belge, s.d.), présente de très bons poids morts

dans les catégories KV et MT lorsqu’elle est croisée avec

la Brune (tabl. 1). Dans les catégories OB, RG et RV, dont

l’élevage est généralement extensif (MLR, s.d.), ce croise-

ment ne produit que des résultats médiocres. Même si

l’on observe une tendance à une couverture partielle des

carcasses, c’est avec la Blanc-Bleu Belge que l’on obtient,

de loin, la meilleure charnure (fig. 1 et fig. 2).

La Blonde d’Aquitaine et la Charolaise sont égale-

ment bien adaptées au croisement avec la Brune.

Contrairement à la Blanc-Bleu Belge, leur utilisation est

plus vaste, car elles offrent de très bons poids morts

dans toutes les catégories. La charnure est bonne dans

l’ensemble, bien que ces races ne puissent rivaliser avec

la Blanc-Bleu Belge. Concernant la couverture de graisse,

la Blonde d’Aquitaine convainc plus que les deux autres

races. Petrič et al. (2010) ont obtenu des résultats sem-

blables lors d’une analyse comparative portant sur des

croisements entre la Brune slovène et la Blanc-Bleu

Belge, la Charolaise et la Limousine. Les poids morts les

plus élevés ont été observés, dans la catégorie des veaux,

pour le croisement avec la Blanc-Bleu Belge et, dans la

catégorie des taureaux, pour le croisement avec la Cha-

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 28–35, 2015

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

C H T+ T T- A X classe de charnure

BR x AN BR x BA BR x BB BR x CH BR x FT BR x HF BR x HR BR x LI BR x PI BR x SI

fréqu

ence

[%]

Figure 1 | Distribution de fréquences des classes de charnure, toutes catégories confondues, pour les croisements avec la Brune.

Poids à l'abattage standartisé

Page 31: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

Croisements entre races laitières et à viande pour optimiser la performance bouchère | Production animale

31

caté

gori

era

cepè

re/m

ère

race

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ère

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± 9

5 %

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[kg]

KV

Brun

e78

,75a ±

0,5

888

,67gh

± 0

,51

80,3

7d ± 0

,13

96,0

9b ± 0

,45

89,0

6g ± 0

,70

86,3

2e ± 0

,94

87,3

8ef ±

0,4

688

,18fg

± 0

,65

87,9

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0,3

4–

68,1

8c ± 1

,23

Flec

kvie

h77

,22a ±

0,5

986

,01g ±

0,7

178

,61d ±

0,1

593

,48b ±

0,7

085

,54fg

± 0

,93

83,9

3f ± 0

,77

–86

,50gh

± 0

,50

86,5

7gh ±

0,6

687

,38eh

± 0

,46

69,8

3c ±

0,9

789

,95e ±

2,2

3

Hol

stei

n Fr

iesi

an78

,82a ±

0,8

187

,91ef

± 0

,83

81,1

1c ± 0

,24

95,3

4b ± 0

,82

85,4

2g ± 1

,29

86,1

1fg ±

1,1

486

,50g ±

0,5

0–

89,4

9d ± 0

,71

88,1

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0,6

5–

Sim

men

tal

71,6

4d ± 3

,30

81,1

7e ± 4

,56

76,4

0e ± 0

,86

––

–86

,57b ±

0,6

689

,49c ±

0,7

1–

87,9

3a ± 0

,34

––

MT

Brun

e19

4,69

e ± 1

,43

198,

68d ±

1,3

318

9,50

b ± 0

,33

206,

97c ±

1,2

420

4,72

c ± 1

,96

194,

22ef

± 2

,64

195,

15e ±

1,2

319

7,68

de ±

2,0

519

7,64

df ±

0,7

8–

168,

23a ±

4,3

2–

Flec

kvie

h18

4,83

a ± 1

,27

198,

38gh

± 1

,56

187,

07d ±

0,3

020

4,20

b ± 1

,43

197,

82fg

± 2

,12

198,

01gh

± 1

,63

–19

0,68

e ± 1

,84

195,

90fg

± 1

,26

195,

15f ±

1,2

316

8,79

c ± 2

,67

194,

74ef

h ± 3

,41

Hol

stei

n Fr

iesi

an18

9,41

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,92

201,

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± 1

,73

189,

39g ±

0,5

220

8,83

a ± 2

,04

194,

12ef

± 2

,66

199,

29cd

± 2

,37

190,

68fg

± 1

,84

–20

4,14

b ± 1

,59

197,

68de

± 2

,05

––

Sim

men

tal

197,

71cd

± 4

,86

225,

09a ±

6,8

020

7,67

b ± 1

,76

––

–19

5,90

d ± 1

,26

204,

14c ±

1,5

9–

197,

64d ±

0,7

8–

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Brun

e17

1,56

g ± 2

,67

187,

89a ±

2,3

917

5,47

f ± 0

,79

175,

79bf

g ± 4

,17

167,

60eg

± 6

,21

184,

92ab

± 7

,20

155,

68cd

± 5

,39

144,

66c ±

9,5

515

9,60

de ±

3,9

7–

164,

28ce

fg ±

11,

73–

Flec

kvie

h17

0,05

d ± 3

,12

193,

60a ±

3,0

317

4,82

b ± 0

,95

182,

45c ±

4,8

014

3,17

fg ±

9,0

315

7,57

f ± 6

,83

–13

5,87

g ± 7

,72

177,

12bc

d ± 5

,11

155,

68f ±

5,3

913

2,05

eg ±

9,9

610

9,51

e ± 1

3,15

Hol

stei

n Fr

iesi

an16

1,83

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8,4

517

0,84

a ± 5

,89

160,

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2,3

615

2,83

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9,1

313

8,70

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10,

2013

9,54

cd ±

10,

7513

5,87

c ± 7

,72

–14

8,83

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9,6

314

4,66

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9,5

5–

Sim

men

tal

179,

47d ±

4,1

821

0,31

a ± 3

,42

201,

35b ±

1,0

3–

––

177,

12d ±

5,1

114

8,83

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,63

–15

9,60

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,97

––

RG

Brun

e16

0,34

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,79

172,

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2,4

415

8,84

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,74

158,

47e ±

3,1

214

1,32

c ± 4

,15

152,

64e ±

6,8

813

5,36

cd ±

3,4

212

5,43

b ± 5

,26

133,

50d ±

2,1

6–

131,

68bc

d ± 1

2,58

Flec

kvie

h14

1,91

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,51

168,

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2,7

514

2,53

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,69

154,

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3,3

612

3,01

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4,1

812

8,33

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3,7

2–

118,

50d ±

3,9

013

8,18

gh ±

3,6

913

5,36

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3,4

297

,91c ±

4,9

792

,70c ±

8,3

9

Hol

stei

n Fr

iesi

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6,92

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4,8

614

5,47

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,43

132,

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± 1

,35

138,

05ab

± 4

,72

124,

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g ± 5

,69

114,

97d ±

4,8

011

8,50

df ±

3,9

0–

128,

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± 4

,32

125,

43ef

± 5

,26

––

Sim

men

tal

174,

61a ±

4,7

721

4,73

b ± 3

,86

200,

70c ±

1,2

8 –

––

138,

18e ±

3,6

912

8,56

d ± 4

,32

–13

3,50

de ±

2,1

6–

RV

Brun

e17

5,89

ab ±

21,

6719

1,10

ab ±

33,

8416

0,59

b ± 6

,05

179,

93ab

± 3

4,14

––

186,

30a ±

8,9

219

0,21

a ± 1

4,66

181,

19a ±

13,

96–

––

Flec

kvie

h17

0,05

ab ±

17,

1616

9,32

ab ±

19,

2217

2,61

b ± 5

,84

181,

65ab

± 1

7,93

–17

8,04

ab ±

27,

55–

189,

65a ±

6,1

917

7,26

ab ±

8,7

018

6,30

ab ±

8,9

217

0,97

ab ±

34,

4217

8,45

ab ±

16,

55

Hol

stei

n Fr

iesi

an15

9,92

a ± 3

3,37

–17

7,07

a ± 1

1,38

––

184,

30a ±

29,

7618

9,65

a ± 6

,19

–17

9,39

a ± 1

5,61

190,

21a ±

14,

66–

Sim

men

tal

––

176,

32a ±

24,

65–

––

177,

26a ±

8,7

017

9,39

a ± 1

5,61

–18

1,19

a ± 1

3,96

––

Tabl

eau

1 |

Poi

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[kg]

Les

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0,0

5).

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 28–35, 2015

Page 32: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

Production animale | Croisements entre races laitières et à viande pour optimiser la performance bouchère

32

rolaise. Chez les veaux comme chez les taureaux, le croi-

sement avec la Blanc-Bleu Belge produit des sujets

mieux en viande, mais avec une plus faible couverture

graisseuse.

Le croisement entre la Brune et les races Hérens ou

Angus ne permet pas d’obtenir des poids morts élevés ni

des animaux bien en viande. Dans toutes les catégories,

on observe des poids moyens à l’abattage faibles à

moyens. La charnure de ces animaux est par ailleurs

médiocre. Le croisement avec les races à dominante lai-

tière Fleckvieh et Holstein Friesian donne toutefois une

encore plus mauvaise charnure. Concernant le poids

mort, ces sujets peuvent tout au plus rivaliser avec les

races à viande dans la catégorie KV. À noter que pour le

croisement avec la Holstein Friesian, le poids mort est un

peu plus élevé, mais la charnure nettement moindre.

Croisements avec la race Fleckvieh

Pour la Fleckvieh, deux croisements présentent dans

toutes les catégories des poids morts standardisés élevés,

de très bonnes charnures et une bonne couverture grais-

seuse (tabl. 1, fig. 3 et fig. 4). La Charolaise et la Blonde

d’Aquitaine convainquent en effet pour les trois para-

mètres de la performance bouchère. La Blonde d’Aqui-

taine permet surtout d’obtenir des poids morts élevés

dans les catégories KV et MT, tandis que la Charolaise s’en

sort mieux dans les catégories OB et RG. Or, dans ces caté-

gories, l’alimentation est généralement plus extensive

que dans les catégories KV et MT (MLR, s.d.). Une analyse

complémentaire de l’aptitude à l’engraissement de ces

deux croisements dans des conditions extensives d’une

part et intensives d’autre part apporterait ici plus de

clarté, car la Blonde d’Aquitaine et la Charolaise sont

considérées comme des races adaptées à l’élevage exten-

sif (CONVIS s.c., s.d.; Bundesverband Blonde d’Aquitaine,

s.d.). Abstraction faite du mode de détention et de la

catégorie, ces deux races offrent de très bonnes charnures

et une bonne couverture graisseuse en croisement avec la

Fleckvieh. Le croisement avec la Blanc-Bleu Belge promet

certes des charnures record, mais il ne convainc pas en

matière de poids à l’abattage et de couverture graisseuse.

De même, les croisements avec les races Hérens et Angus

sont peu concluants: le poids mort est faible, les char-

nures sont médiocres et, pour l’Angus, la couverture de

graisse est tendanciellement trop marquée.

En croisement avec la Fleckvieh, les races à finalité

moins bouchère (Brune, Holstein Friesian, Montbéliarde

et Simmental) ne peuvent pas rivaliser avec les races à

viande. Ces croisements produisent les meilleurs poids

morts dans la catégorie KV. La Brune donne aussi de

bons résultats dans la catégorie RG. Croisée avec la

Fleckvieh, la Simmental (une race à deux fins typique)

présente des poids morts tendanciellement plus élevés.

Kögel et al. (2000 a, b et 2001 a, b), cités par Fürst-Waltl

(2005), ont fait une analyse comparative de croisements

entre la Fleckvieh allemande et les races Angus alle-

mande, Blanc-Bleu Belge, Blonde d’Aquitaine, Charo-

laise, Limousine et Piémontaise. Ils ont eux aussi observé

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 28–35, 2015

0

10

20

30

40

50

60

70

C H T+ T T- A X

fréqu

ence

[%]

classe de charnure

Fleischigkeit der Kreuzungen mit Fleckvieh

BR x FT FT x AN FT x BA FT x BB FT x CH FT x HF

FT x HR FT x LI FT x MO FT x PI FT x SI

Figure 3 | Distribution de fréquences des classes de charnure, toutes catégories confondues, pour les croisements avec la Fleckvieh.

0 1020 30 4050 60 7080 90

1 2 3 4 5

Fettgewebe der Kreuzungen mit Braunvieh

classe de tissu gras

fréqu

ence

[%]

BR x AN BR x BA BR x BB BR x CH BR x FT BR x HF BR x HR BR x LI BR x PI BR x SI

Figure 2 | Distribution de fréquences de la couverture graisseuse, toutes catégories confondues, pour les croisements avec la Brune.

Page 33: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

Croisements entre races laitières et à viande pour optimiser la performance bouchère | Production animale

33

que les animaux les mieux en viande sont issus du croise-

ment entre la Fleckvieh et la Blanc-Bleu Belge; viennent

ensuite les croisements avec la Charolaise, la Blonde

d’Aquitaine et la Limousine. Ce classement correspond à

celui de la présente analyse. Nous n’avons pas étudié les

poids morts et la couverture de graisse, mais les gains

journaliers révèlent la supériorité des croisements entre

la Fleckvieh et la Charolaise ou la Blonde d’Aquitaine.

Croisements avec la race Holstein Friesian

De tous les croisements étudiés pour la Holstein Friesian,

deux sont particulièrement adaptés à la production de

carcasses lourdes et charnues, présentant une couver-

ture graisseuse régulière (tabl. 1, fig. 5 et fig. 6). Dans les

catégories KV, MT, OB et RG, les croisements entre la

Holstein Friesian et la Blonde d’Aquitaine ou la Charo-

laise se démarquent par des poids morts standardisés

élevés. Ils donnent aussi de bonnes charnures, même si la

Blanc-Bleu Belge fait encore mieux pour ce critère. Par

rapport à la Blonde d’Aquitaine, le croisement avec la

Charolaise donne une charnure tendanciellement plus

élevée. La couverture graisseuse des carcasses est plutôt

faible, mais un peu plus régulière avec la Charolaise. Le

croisement entre Holstein Friesian et Simmental est

concluant pour la couverture graisseuse et, dans les caté-

gories KV et MT, le poids mort peut rivaliser avec la Cha-

rolaise. Toutefois, la Simmental étant une race à deux

fins, les sujets sont moins charnus.

Huuskonen et al. (2013) parviennent à des résultats

comparables. Chez les bovins finlandais, le croisement

avec la Charolaise a produit les poids morts les plus éle-

vés, suivi du croisement avec la Blonde d’Aquitaine, qui

donne la meilleure charnure, mais la plus faible couver-

ture de graisse. On constate encore d’autres recoupe-

ments pour le croisement avec l’Angus. Huuskonen et al.

(2013) ont montré que celui-ci produit de faibles poids

morts et une forte couverture des carcasses. C’est ce que

confirment les résultats: dans les catégories KV et MT, le

croisement avec l’Angus produit les poids morts stan-

dardisés les plus faibles et, toutes catégories confon-

dues, 1 sujet sur 5 est fortement couvert.

Croisements avec la race Simmental

Pour le croisement avec la Simmental, on constate que

les races à dominante laitière Brune, Fleckvieh et Hols-

tein Friesian se prêtent bien à la production de veaux

d’étal (tabl. 1, fig. 7 et fig. 8). Dans la catégorie KV, ils

donnent en effet des résultats significativement meil-

leurs que les croisements avec des races à viande et pré-

sentent dans l’ensemble la couverture graisseuse la plus

adaptée. Dans les autres catégories, les croisements (suc-

cessifs) avec des races d’engraissement l’emportent. Il

semble donc avantageux d’utiliser les sujets issus d’un

croisement entre la Simmental et la Brune, la Fleckvieh

ou la Holstein Friesian pour la production de veaux

d’étal, tandis que les croisements avec des races à viande

conviennent plutôt à la production de bétail d’étal.

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 28–35, 2015

0

10

20

30

40

50

60

C H T+ T T- A X

fréqu

ence

[%]

classe de charnure

Fleischigkeit der Kreuzungen mit Holstein Friesian

BR x HF FT x HF HF x AN HF x BA HF x BB HF x CH HF x LI HF x PI HF x SI

Figure 5 | Distribution de fréquences des classes de charnure, toutes catégories confondues, pour les croisements avec la Holstein Friesian.

0 10 20 30 40 50 60 70 80

1 2 3 4 5

fréqu

ence

[%]

classe de tissu gras

Fettgewebe der Kreuzungen mit Fleckvieh

BR x FT FT x AN FT x BA FT x BB FT x CH FT x HF

FT x HR FT x LI FT x MO FT x PI FT x SI

Figure 4 | Distribution de fréquences de la couverture graisseuse, toutes catégories confondues, pour les croisements avec la Fleckvieh.

Page 34: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

34

Production animale | Croisements entre races laitières et à viande pour optimiser la performance bouchère

La comparaison entre les races à viande Angus, Charo-

laise et Limousine montre que croisée avec la Simmental,

la Charolaise est la plus adéquate pour améliorer le

poids mort et les caractéristiques bouchères. Ce croise-

ment produit les poids morts les plus élevés dans les

catégories d’étal MT, OB et RG, et la meilleure charnure

toutes catégories confondues. Les sujets de race pure

Charolaise sont tendanciellement peu charnus (CONVIS

s.c, s.d.), ce que l’on remarque aussi en croisement avec

la Simmental. Les carcasses sont moins bien couvertes

qu’avec les races laitières étudiées ainsi qu’avec la Limou-

sine; la classe de couverture graisseuse 2 y est en outre

légèrement mieux représentée. Après la Charolaise,

c’est la Limousine qui donne les poids morts standardi-

sés les plus élevés dans les catégories MT, OB et RG; elle

produit en outre globalement une très bonne charnure.

Concernant la couverture graisseuse des carcasses, le

croisement avec la Limousine donne tendanciellement

les meilleurs résultats. Enfin, le croisement entre la Sim-

mental et l’Angus ne donne pas d’excellents résultats en

matière de poids mort standardisé, de charnure et de

couverture graisseuse.

C o n c l u s i o n s

Pour les races Brune, Fleckvieh, Holstein Friesian et Sim-

mental, la présente analyse a permis d’identifier des par-

tenaires d’accouplement adéquats, qui permettent d’ob-

tenir des poids morts élevés, une bonne charnure et une

couverture graisseuse régulière des carcasses. La Blonde

d’Aquitaine et la Charolaise sont de bons partenaires

pour la Brune, cela dans toutes les catégories. Par ail-

leurs, le croisement entre la Brune et la Blanc-Bleu Belge

donne des poids morts élevés et une excellente charnure

pour les veaux et les taureaux à l’engrais. Croisées avec

la Fleckvieh et la Holstein Friesian, la Blonde d’Aquitaine

et la Charolaise donnent de bons résultats pour toutes

les catégories. S’agissant de l’engraissement de veaux et

de taureaux, les croisements entre la Fleckvieh et la

Montbéliarde sont particulièrement adaptés. Ceux entre

la Simmental et les races à dominante laitière Brune,

Fleckvieh et Holstein Friesian se prêtent bien à l’engrais-

sement des veaux. Enfin, pour les taureaux, les bœufs et

les génisses à l’engrais, un croisement entre la Simmen-

tal et la Charolaise est indiqué.

Les recommandations pour les croisements entre

races se fondent uniquement sur leur aptitude à fournir

des poids morts élevés, une bonne charnure et une cou-

verture régulière des carcasses. D’autres facteurs impor-

tants, par exemple le déroulement du vêlage, la rusticité

et l’aptitude à l’engraissement extensif, n’ont pas pu

être considérés dans la présente étude. Enfin, nous

n’avons pas non plus tenu compte de l’hétérogénéité

des populations Fleckvieh et Simmental. n

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 28–35, 2015

0 5

10 15 20 25 30 35 40 45

C H T+ T T- A X

fréqu

ence

[%]

classe de charnure

Fleischigkeit der Kreuzungen mit Simmental

BR x SI FT x SI HF x SI SI x AN SI x CH SI x LI

Figure 7 | Distribution de fréquences des classes de charnure, toutes catégories confondues, pour les croisements avec la Simmental.

Figure 8 | Distribution de fréquences de la couverture graisseuse, toutes catégories confondues, pour les croisements avec la Simmental.

0 102030 40 50 60 70 80 90

1 2 3 4 5

fréqu

ence

[%]

classe de tissu gras

Fettgewebe der Kreuzungen mit Simmental

BR x SI FT x SI HF x SI SI x AN SI x CH SI x LI

0 102030 40 50 60 70 80 90

1 2 3 4 5

fréqu

ence

[%]

classe de tissu gras

Fettgewebe der Kreuzungen mit Simmental

BR x SI FT x SI HF x SI SI x AN SI x CH SI x LI

Figure 6 | Distribution de fréquences de la couverture graisseuse, toutes catégories confondues, pour les croisements avec la Holstein Friesian.

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90

1 2 3 4 5

fréqu

ence

[%]

classe de tissu gras

Fettgewebe der Kreuzungen mit Holstein Friesian

BR x HF FT x HF HF x AN HF x BA HF x BB

HF x CH HF x LI HF x PI HF x SI

Page 35: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

35

Croisements entre races laitières et à viande pour optimiser la performance bouchère | Production animale

Ria

ssu

nto

Sum

mar

y

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 28–35, 2015

Identifying ideal beef and dairy

crossbreeds to optimise slaughter

yields

Not every beef and dairy breed cross

results in equally high slaughter yields.

In Switzerland, however, no recom-

mendations on the ideal pairings of

beef and dairy breeds are available.

This study aims to demonstrate which

crossbreeds produce the best returns in

terms of carcass weight, conformation

and fat cover.

The data set consisted of 601 669 cross-

breeds drawn from the Swiss TVD AG

Database on Animal Movements, with

the individuals in question being born

between 2000 and 2012 and resulting

from a cross (dairy breed x beef breed

or dairy breed 1 x dairy breed 2).

Results showed that Blonde

d'Aquitaine and Charolais are suitable

breeding partners for Braunvieh in all

slaughter categories, while Belgian

Blue crosses with Braunvieh are

characterised by high carcass weights

and excellent conformation in the

fattening calf and bull slaughter

categories. Fleckvieh and Holstein

Friesian crosses with Blonde

d'Aquitaine and Charolais individuals

produce good results across all

slaughter categories. Fleckvieh crosses

with Montbéliarde are particularly well

suited for producing fattening calves

and bulls. Simmental crosses with

Braunvieh, Fleckvieh and Holstein

Friesian dairy breeds show good

potential for producing fattening

calves. For bull, oxen and cattle

fattening, it is recommended to cross

Simmental with Charolais.

Key words: crossbreeding, carcass

traits, beef bulls, dairy x beef.

Resa alla macellazione ottimale grazie

all'accoppiamento mirato di razze

bovine da carne e da latte

Dall'incrocio tra una vacca da latte e un

toro di una razza da carne non sempre

si ottengono capi con una buona resa

alla macellazione. In una tesina

semestrale realizzata dalla Scuola

universitaria di scienze agronomiche,

forestali e alimentari si è pertanto

studiato quali incroci presentano le

migliori rese relativamente a peso

morto, muscolatura e copertura di

grasso. Le analisi si fondano sui dati, messi a

disposizione dalla Banca dati sul

traffico di animali (BDTA), riguardanti

601 669 capi nati tra il 2000 e il 2012 da

un incrocio (razza da latte x razza da

carne o razza da latte 1 x razza da

latte 2).

Per la razza Bruna, gli incroci con la

Blonde d'Aquitaine e la Charolaise si

dimostrano molto adatti in tutte le

categorie di animali da macello per

raggiungere valori elevati in quanto a

peso morto, muscolatura e copertura

di grasso. Per la produzione di vitelli e

tori da ingrasso, anche la razza Blu

Belga si distingue per l'elevato peso

morto e l'eccezionale muscolatura. Per

gli incroci con la Fleckvieh e la Holstein

Friesian, a mostrare buoni risultati in

tutte le categorie di animali da macello

sono anche le razze Blonde d'Aquitaine

e la Charolaise. Gli incroci della

Fleckvieh con la Montbéliarde sono più

adatti per vitelli e tori da ingrasso.

Negli incroci con la Simmental, le razze

lattifere Bruna, Fleckvieh e Holstein

Friesian si rivelano particolarmente

adatte per produrre vitelli da ingrasso,

mentre per la produzione di buoi,

manzi e tori da ingrasso si raccomanda

un incrocio con la Chaloraise.

BibliographieLes références bibliographiques sont disponibles au-près de l'auteur.

Page 36: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

36 Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 36–38, 2015

agricoles de Mont Calme (Lausanne) ont commencé à

collecter des variétés locales de blé et d’orge. Aujourd’hui,

plus de10 000 échantillons sont conservés par Agroscope

sur le site de Changins. Depuis 1999, le Plan d’action

national pour la conservation et l’utilisation durable des

ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agri-

culture (PAN2) permet conjointement d’assurer la conser-

vation et d’assurer une caractérisation et une évaluation

agronomique des variétés conservées. Les données col-

lectées sont mises à disposition du public par une base

de données (www.bdn.ch).

Les monographies sur l’épeautre, le blé, l’orge, la

pomme de terre et le maïs, brièvement présentées ci-

après, ont été publiées entre novembre 2013 et juillet

L’épeautre, le blé, l’orge, la pomme de terre et le maïs-

sont au cœur d’une série de cinq monographies, «Plantes

cultivées en Suisse». Publiée en 2013 et 2014, cette série

décrit les ressources génétiques conservées dans leur

contexte historique. Elle détaille la morphologie de la

plante, explique comment la diversité est apparue et

thématise le pourquoi et le comment de la collecte

d’une espèce. Elle rappelle qu’une variété locale est un

instantané dans l’existence d’une plante cultivée.

Les plantes cultivées font partie du patrimoine culturel

suisse. Les activités de conservation des variétés

anciennes et locales ont commencé vers 1900 en Suisse,

lorsque les chercheurs de la Station fédérale d’essais

Plantes cultivées en Suisse – cinq monographies1

Peer Schilperoord

Biologiste, Voia Gonda 1, 7492 Alvaneu Dorf, Suisse

Renseignements: Peer Schilperoord, e-mail: [email protected], www.berggetreide.ch

E c l a i r a g e

Figure 1 | De gauche à droite: deux grains de blé compact (Triticum aestivum subsp. aestivum), d'épeautre (T. aestivum subsp. spelta) et d'amidonnier (T. turgidum subsp. dicoccum). (Photo: Peer Schilperoord)

1La série de cahiers put être réalisée grâce au soutien financier de, entre autres: la Loterie du canton de Zurich, la Loterie Romande, l’Office de l’agriculture et géoin-formation (ALG) des Grisons. 2http://www.blw.admin.ch/themen/01623/01627/01694/index.html?lang=fr

Page 37: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

37Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 36–38, 2015

Plantes cultivées en Suisse – cinq monographies | Eclairage

2014. Elles montrent ce qui a été collecté et de quelle

manière ainsi que ce qui a été perdu. Elles renseignent

sur la première apparition de la plante en Suisse et sur

l’évolution de sa diversité. La description morphologique

fixe un cadre que complètent les découvertes archéolo-

giques. Chaque variété de plante cultivée a sa propre his-

toire, sa propre biographie. Cette série de publications

est issue d’une initiative de l’Association pour la culture

de céréales de montagne (Verein für alpine Kulturp-

flanzen). De nombreuses personnes en lien étroit avec les

plantes cultivées, chercheurs, praticiens, mainteneurs ou

commerçants ont soutenu ce travail pour son contenu et

par la mise à disposition d’illustrations.

La série est parue en allemand et a été également

publiée en français.

Extraits de l’avant-propos, monographie sur l’épeautre

Arnold Schori, chef du département de recherche en

amélioration des plantes et ressources génétiques à

Agroscope Changins, a rédigé l’avant-propos de la pre-

mière monographie (épeautre). Il écrit: «La valeur cultu-

relle des plantes, et parmi elles, celle de l’épeautre, res-

sort ici magnifiquement, tout autant que sa valeur

génétique. La lecture de la plante que nous propose Peer

Schilperoord est aussi intéressée que celle du sélection-

neur souhaitant améliorer l’espèce et l’adapter aux

besoins du moment.» Et encore: «Cette monographie est

un solide plaidoyer pour la préservation de notre diver-

sité agricole et contribue à nous faire comprendre et

aimer une autre espèce agricole […]».

Histoire des plantes cultivées

L’histoire des plantes cultivées témoigne d’une dyna-

mique dans le spectre des variétés existantes. Hormis

dans les zones marginales d’une espèce cultivée, où la

sélection naturelle est si rude que seules quelques varié-

tés peuvent être cultivées, les plantes cultivées ont fait

l’objet d’essais et d’expérimentations incessants au cours

des 500 dernières années afin d’en repérer les meilleures,

mieux adaptées aux conditions climatiques. Evidemment,

les parcelles produisant la meilleure semence étaient

connues et leur semence principalement diffusée locale-

ment, dans la partie de vallée concernée.

Un exemple qui illustre cette dynamique de renou-

vellement variétal est la substitution, au cours de la pre-

mière moitié du 19e siècle, des variétés de pommes de

terre originaires du Pérou par des provenances issues de

l’archipel de Chiloé, situé au sud du Chilipar, à environ

42° de latitude. Autre exemple: sans exception, les varié-

tés d’orges nues et vêtues étaient à l’origine toutes à

6 rangs. Or les variétés à 6 rangs sont à peine représen-

tées dans la collection de la banque de gènes.

Bref survol des cinq monographies

Épeautre

L’épeautre cultivé en Europe occupe une place unique

parmi les céréales. C’est la seule céréale née en Europe

occidentale. L’épeautre et le blé tendre appartiennent à

la même espèce. Bien que l’épeautre paraisse plus primi-

tif que le blé, il est apparu plus tard.

L’épeautre apparaît de manière assez soudaine en

Suisse à partir de 2300 ans avant J.-C. Il est issu de croise-

ments entre le blé tendre et l’amidonnier (fig. s1).

L’épeautre est un blé présentant des caractères de l’ami-

donnier. Dans de nombreuses régions, il était encore au

19e siècle la principale céréale. La collection primaire

d’épeautre en Suisse est d’importance mondiale.

Blé

Les variétés locales originelles et les variétés locales

améliorées n’ont pas suivi l’évolution de l’agriculture des

100 dernières années. La fertilité du sol s’est accrue et la

technique de récolte a radicalement évolué. La plupart

de ces variétés locales versent trop facilement et ne

peuvent dès lors plus être cultivées dans la pratique.

Figure 2 | Couverture de la monographie «Plantes cultivées en Suisse – L'orge».

Page 38: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

38

Eclairage | Plantes cultivées en Suisse – cinq monographies

Orge

L’orge a été cultivée en Suisse de façon ininterrompue

durant 7000 ans (fig. 2). Les semences se sont transmises

d’une génération à l’autre. Grâce à sa précocité et sa

capacité d’adaptation, elle a pu être cultivée aux atti-

tudes les plus basses comme aux altitudes élevées des

vallées alpines reculées. Mais une rupture avec cette tra-

dition est survenue il y a 50 ans. La culture a été aban-

donnée dans les régions périphériques et, dans les zones

propices, les variétés suisses ont été remplacées par des

variétés étrangères.

Les variétés locales suisses ne jouent aucun rôle dans

la sélection de l’orge en Europe. En revanche, elles ont

été très importantes dans la sélection de l’orge aux

Etats-Unis. Une variété locale issue de la région du lac de

Sempach a même sauvé la culture des orges brassicoles

du Midwest américain.

Pomme de terre

Peu de variétés locales de pommes de terre ont été

conservées. Les viroses réduisant les rendements, les

anciennes variétés ont eu de la peine à se maintenir

durablement. Les nouveaux plants assainis de pomme de

terre, exempts de virus, sont plus productifs que des

anciennes variétés affectées. Dans certaines régions,au

20e siècle, les exploitations de plaine s’approvisionnaient

toujours en plants de pomme de terre auprès de mayens

cultivant des pommes de terre.

Maïs

L’histoire de l’origine du maïs est extraordinaire. Elle

illustre de façon exemplaire la capacité de métamor-

phose des plantes. Les petits fruits (caryopses) d’environ

6 mm du téosinte ressemblent à des petites noix, l’épi-

carpe est dur comme pierre et sillonné de silice (fig. 3).

En revanche, les grains du maïs ne sont pas vêtus. À l’ori-

gine, le téosinte était utilisé comme légume, pour sa

moelle douce et ses jeunes épis femelles sucrés. n

Bibliographie ▪ Schilperoord P., 2013. Plantes cultivées en Suisse – L'épeautre. Editeur Verein für alpine Kulturpflanzen, Alvaneu. 36 p.

▪ Schilperoord P., 2013. Plantes cultivées en Suisse – Le blé. Editeur Verein für alpine Kulturpflanzen, Alvaneu. 40 p.

▪ Schilperoord P., 2013. Plantes cultivées en Suisse – L'orge. Editeur Verein für alpine Kulturpflanzen, Alvaneu. 39 p.

▪ Schilperoord P., 2014. Plantes cultivées en Suisse – Pomme de terre. Edi-teur Verein für alpine Kulturpflanzen, Alvaneu. 41 p.

▪ Schilperoord P., 2013. Plantes cultivées en Suisse – Le Maïs. Editeur Ver-ein für alpine Kulturpflanzen, Alvaneu. 40 p.

Figure 3 | Grains de maïs, respectivement fruits et grains du maïs sauvage (téosinte). De bas en haut: Zea mays subsp. mexicana (téosinte); Zea mays subsp. parviglumis (téosinte); Zea mays subsp. mays (maïs culti-vé). Le maïs cultivé dérive de la sous-espèce parviglumis aux fruits plus petits. Les fruits du téosinte sont comme des petits cailloux, le péricarpe est extrêmement dur. Sur le bord droit de la photo, des «grains» décortiqués sont visibles, après extirpation des fruits.

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 36–38, 2015

Page 39: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

39

A c t u a l i t é s

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 39, 2015

Actualités

Recherche Agronomique Suisse arrive sur vos tablettes

Recherche Agronomique Suisse est désormais accessible

par tablette et smartphone, grâce à la nouvelle App

«Publications Agroscope». Cette App offre non seule-

ment la version électronique des articles, mais aussi des

informations complémentaires sur des thèmes sélection-

nés. Elle permet également de consulter toutes les

archives de la revue. L’abonnement à ce nouveau service

est attractif: l’accès à la version tablette revient à

CHF 61.–, soit autant que l’édition imprimée. Si vous sou-

haitez lire la revue aussi bien sur la tablette que sous

forme papier, il ne vous en coûtera pas beaucoup plus

(CHF 71.–). La nouvelle App permet également de

s’abonner à la revue Schweizer Zeitschrift für Obst- und

Weinbau ainsi qu’à la Revue suisse de Viticulture, Arbo-

riculture, Horticulture à des conditions avantageuses.

Vous trouverez plus de détails sur le prix des abonne-

ments sur les sites Web des différents magazines:

•• www.rechercheagronomiquesuisse.ch

•• www.obstundweinbau.ch

•• www.revuevitiarbohorti.ch

L’application permet en outre de télécharger gratuite-

ment les autres publications Agroscope: les Agroscope

Transfer et les fiches techniques Agroscope, qui

s’adressent tous deux à la pratique, Agroscope Science,

qui contient des résultats pour la science et différentes

autres publications spécialisées. Pour que les lecteurs et

les lectrices puissent s’y retrouver plus facilement, les

publications sont classées en sept rubriques thématiques:

plantes, animaux, denrées alimentaires, environnement,

économie, technique et aspects sociaux.

Les liens pour télécharger l’App (iOs et Android) sont disponibles sur:

www.agroscope.ch > Publications > Apps.

Page 40: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

40

Susanne Ulbrich, professeure de physiologie animale à l’ETH Zurich

bovins qui seront mis à disposition de l’ETH Zurich dès

2017 dans le cadre du vaste projet Agrovet-Strickhof.

Madame Ulbrich représente les intérêts des étudiants et

des chercheurs de l’ETH dans la planification et la mise

sur pied de la ferme expérimentale Agrovet-Strickhof.

Madame Ulbrich, vous avez été nommée professeur de

physiologie animale. Quel est l’objet de vos recherches?

Qu’est-ce qui vous fascine dans ces recherches?

La physiologie est l’enseignement du fonctionnement

naturel du corps. En font partie les cellules individuelles,

mais aussi l’organisme tout entier qui peut atteindre un

poids de plusieurs tonnes. Les différents organes rem-

plissent des tâches différentes très spécialisées. La phy-

siologie décrit ces tâches et explique leurs interactions –

ce qui sert de base pour comprendre à quelles exigences

les animaux peuvent être soumis, quelles sont les exi-

gences des animaux par rapport à leur environnement

et quelles sont les approches possibles pour éviter les

maladies.

Vous menez des recherches sur les rapports entre les

processus du métabolisme et de la reproduction chez les

animaux de rente. Sur quoi vos recherches sont-elles

axées exactement?

Ce qui me fascine, c’est de voir comment la vie apparaît.

Comment, à partir de quelques cellules identiques, un

être vivant se développe avec une multitude de cellules,

tissus et organes différents ayant chacun des tâches très

différentes, et comment ces tâches interagissent avec

l’environnement. J’essaie de découvrir pourquoi une

nouvelle vie réussit si souvent et si bien à se former dans

le corps de nos animaux de rente, bovins ou porcs. Au

cours de l'évolution, il s'est révélé avantageux pour le

fœtus d’être protégé dans l’utérus contre l’environne-

ment. Pour la vache ou la truie, cela signifie répartir les

ressources alimentaires entre la mère et le fœtus et se

préparer à la lactation. C’est une simple tâche régulatrice.

A votre avis, quels sont les plus grands défis dans ce

domaine de recherche dans le monde entier et quelles

sont les possibilités pour les relever?

En agronomie, le plus grand défi global est d’assurer à

une population mondiale croissante l’accès à des den-

rées alimentaires en suffisance. Une augmentation

durable de la productivité de denrées alimentaires de

I n t e r v i e w

En septembre 2013, Madame Susanne Ulbrich a été nom-

mée professeure de physiologie animale à l’ETH Zurich.

Auparavant, elle menait des recherches et enseignait à

l’Université technique de Munich en Allemagne. Ses

recherches, qui portent en priorité sur la physiologie de

la reproduction et l’influence du métabolisme sur celle-

ci, se trouvent au carrefour entre l’agronomie, la biolo-

gie et la médecine vétérinaire. Madame Ulbrich utilise

des techniques de biologie moléculaire et des méthodes

biomédicales ultramodernes pour ses recherches sur les

animaux de rente. Elle travaille essentiellement avec des

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 40–41, 2015

Page 41: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

41

Susanne Ulbrich, professeure de physiologie animale à l’ETH Zurich | Interview

qualité doit se faire tout en minimisant l’utilisation des

ressources. Les produits animaux constituent pour

l’homme une source appropriée de protéines alimen-

taires de grande qualité, et en raison de leur valeur bio-

logique élevée, leur potentiel est incontesté. Les perfor-

mances animales peuvent certes être augmentées, mais

elles montrent toujours des limites. Des problèmes de

fécondité sont souvent le premier signe indiquant que

les limites de performances ont été atteintes. Un défi

particulièrement important est de comprendre les para-

mètres d’un métabolisme efficient qui transforme en

protéines animales les fourrages végétaux que l’homme

ne peut pas utiliser lui-même pour se nourrir. Chez l’ani-

mal en bonne santé règne un équilibre physiologique

qu’il s’agit d’utiliser de manière habile pour produire des

denrées alimentaires d’origine animale.

Dans les recherches que vous menez, quels sont les

thèmes particulièrement importants pour l’agriculture

suisse?

Le lait est un des principaux produits agricoles de la

Suisse qui, depuis des siècles, est traditionnellement

transformé en fromage. Cette transformation du lait

permet d’obtenir une importante valeur ajoutée. La

reproduction constitue une condition indispensable

pour qu’il y ait une lactation; elle constitue un grand

défi pour la vache laitière et il faut en comprendre les

bases pour pouvoir répondre de manière adéquate aux

besoins des animaux et produire à long terme des den-

rées alimentaires saines.

Quel impact votre recherche aura-t-elle sur l’agriculture

suisse?

Les nombreux sites d’enseignement et de recherche dans

le domaine des animaux de rente en Suisse se com-

plètent très bien au niveau technique de par leurs diffé-

rentes manières de procéder. Cela convient bien à la

branche interdisciplinaire qu’est l’agronomie. Je consi-

dère que pour la physiologie animale à l’ETH Zurich, ce

dialogue étroit est une grande chance d’aborder des

problématiques importantes en pratique et de les traiter

en recourant aux sciences fondamentales. J’aimerais

ainsi contribuer à ouvrir des voies entièrement nouvelles

pour résoudre les problèmes rencontrés.

Votre déménagement en Suisse et à l’ETH Zurich aura-t-

il un impact sur votre recherche et sur l’enseignement?

A l’ETH Zurich, je trouve un positionnement clair en

matière de recherche et d’enseignement des fonde-

ments de l’agronomie. Dans les sciences animales, cela se

voit par exemple dans la réalisation de la nouvelle ferme

expérimentale Agrovet-Strickhof. Les recherches sur les

grands animaux sont certes très fastidieuses et coûteuses,

mais elles tiennent compte de la complexité de l’animal

tout entier. Des mécanismes de régulation redondants

(qui se renforcent mutuellement) ou compensatoires

(contraires) se produisent et peuvent avoir des effets ou

empêcher certains effets. Ces effets ne peuvent être pré-

dits dans des expériences simplifiées sur des cultures de

cellules. C’est la raison pour laquelle on ne peut, ni ne

devrait, renoncer aux connaissances que l’on peut acqué-

rir directement au travers de nos animaux de rente.

Qu’apprendront exactement les étudiants dans vos

cours?

J’aimerais susciter chez les étudiants de l’enthousiasme

pour la physiologie et leur démontrer l’ancrage de cette

branche dans les sciences agronomiques et environne-

mentales. Les connaissances du mode de fonctionne-

ment du corps permettent de répondre à des questions

actuelles et futures auxquelles les diplômés sont confron-

tés. Ces questions concernent par exemple la qualité, les

performances et les limites des performances de la

chaîne de valeur animale. Pour pouvoir relever les cri-

tères appropriés, il faut comprendre ce qui se passe dans

un corps en bonne santé.

Madame Ulbrich, vous coordonnez à l’ETH Zurich les

intérêts des étudiants et des chercheurs dans le projet

Agrovet-Strickhof. En quoi ce projet consiste-t-il exacte-

ment? Quels en sont les participants? Quelles seront les

recherches menées au futur centre Agrovet-Strickhof et

qu’y enseignera-t-on?

Le Centre de formation et de recherche Agrovet-Stric-

khof permettra une étroite collaboration entre les trois

institutions que sont le Centre de compétences agricoles

et agroalimentaires de Strickhof, l’Université de Zurich

et l’ETH Zurich. Un centre pour animaux de rente sera

construit, avec des étables pour du bétail laitier et l’en-

graissement de bovins ainsi qu’une étable pour animaux

de rente pour la formation des étudiants. Un centre

métabolique avec des chambres de respiration constitue

le point fort de nos recherches sur une détention d’ani-

maux de rente efficiente et pauvre en émissions. Le pro-

jet constitue un grand défi au niveau de la coordination

des intérêts. La culture de dialogue ouvert des partici-

pants montre leur volonté et leur capacité à aborder

ensemble les différentes approches de manière profi-

table. L’avantage est sans aucun doute l’établissement

durable des recherches menées sur les animaux de rente

en mettant en commun de manière exemplaire les com-

pétences et les ressources. n

Brigitte Dorn, ETH Zurich

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 40–41, 2015

Page 42: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

42

www.agroscope.admin.ch/medienmitteilungen

Actualités

C o m m u n n i q u é s d e p r e s s e

www.agroscope.admin.ch/communiques

11.12.2014 Des chercheurs du monde entier unis dans la lutte contre les bactéries pathogènes de la pomme de terre Agroscope et la Haute école des sciences agronomiques,

forestières et alimentaires HAFL ont organisé la seconde

conférence internationale du projet Euphresco II Dic-

keya & Pectobacterium qui s’est tenue à Berne du 23 au

25 novembre. Les chercheurs présents ont pu constater

la complémentarité de leurs travaux et partager leurs

résultats concernant l’épidémiologie du pathogène et

les moyens de le contrôler.

08.12.2014 Bilan de la drosophile du cerisier dans les vignes A la fin de l’été, la drosophile du cerisier a suscité une

grande inquiétude parmi les viticulteurs et viticultrices

suisses. L’insecte était plus présent que jamais et la pour-

riture acide gagnait du terrain dans les vignes. Les

experts d’Agroscope estiment que la maladie a détruit

jusqu’à 10 % de la récolte suisse et entraîné des charges

supplémentaires considérables lors des vendanges. La

drosophile du cerisier n’est cependant pas la seule à

avoir contribué à la propagation de la pourriture acide.

Un été pluvieux et plusieurs chutes de grêle y sont égale-

ment pour beaucoup. La mouche a donc été parfois ren-

due responsable des dommages à tort.

28.11.2014 Le Chasselas, champion de la diversité génétique En raison de son importance économique et historique,

la biodiversité du Chasselas est sous la loupe d’Agroscope

depuis 1923. Les travaux conduits jusqu’en 2013 ont per-

mis d’identifier et de sauvegarder 283 biotypes aux

caractéristiques spécifiques. Ce patrimoine permettra

de maintenir une diversification des clones proposés,

favorisant le potentiel qualitatif des vins produits.

24.11.2014 Nouvelles variétés de luzerne toujours plus per-formantes La luzerne est une légumineuse très appréciée pour les

prairies temporaires, dans les régions chaudes et plutôt

sèches. Entre 2011 et 2013, Agroscope a évalué les apti-

tudes agronomiques de 36 nouvelles variétés. Quatre

cultivars ont été ajoutés à la liste des variétés recomman-

dées et la variété Vanda, inscrite depuis 2001, en a été

retirée.

21.11.2014 AgriMontana: mesures de préservation et d’en-tretien du paysage rural en région de montagne Quelles sont les perspectives de l’agriculture en région

de montagne et quelles stratégies, les exploitations de

montagne doivent-elles suivre à l’avenir? Dans le cadre

du programme de recherche AgriMontana, Agroscope a

notamment évalué différents procédés d’exploitation

minimale comme le mulchage, qui exige un travail peu

intensif ou le pâturage avec des races robustes dans le

but de préserver l’ouverture du paysage cultural. Le

débat qui porte sur les perspectives de l’agriculture de

montagne et l’exploitation des surfaces est axé essen-

tiellement sur le contexte régional et sur le développe-

ment de stratégies d’exploitation globales.

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 42–43, 2015

Page 43: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

43

Informationen: www.agroscope.admin.ch/veranstaltungen

Actualités

M a n i f e s t a t i o n s

Informations: www.agroscope.admin.ch/manifestations

L i e n s I n t e r n e t

Janvier 2014

22.1.20142. Agroscope-Nachhaltigkeitstagung 2015 «Funktionelle Biodiversität in der Landwirtschaft»Agroscope INH8046 Zurich

Février 2015

02. – 03.02.20152èmes Journées Nationales Grandes culturesAgroscope (Institut des sciences en production végé-tale), AGRIDEA, Forum Ackerbau et Swiss granum Centre Loewenberg, 3280 Morat

20.02.2015Schweizer Obstkulturtag 2015Agroscope, Agridea, NWW, Obstverbände SG und TG, SKOF, SOV, SwisscofelSt. Gallenim Rahmen der Messe Tier & Technik

Mars 2015

14. 3.2015Journée d’information HAFLHaute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires HAFLZollikofenInformations: www.hafl.bfh.ch

18. – 19.3.20155. Tänikoner MelktechniktagungTänikon, 8356 Ettenhausen

V o r s c h a u

Février 2015 / Numéro 2

Les produits phytosanitaires per-mettent de garantir le rendement et la qualité de la production végétale. Toutefois ils entraînent aussi des effets indésirables sur l’environnement. Dans le cadre du monitoring agroenvironne-mental suisse, différents indi-cateurs agro-environnementaux sont relevés chaque année depuis 2009. Agroscope présente des résultats relatifs à l’utilisation des produits phytosanitaires en Suisse entre 2009 et 2012.

D a n s l e p r o c h a i n n u m é r o

Recherche Agronomique Suisse 6 (1): 42–43, 2015

2015: Année internationale des sols

www.fao.org/soils-2015

L’année 2015 a été déclarée Année internationale des

sols par l’Organisation des Nations unies pour l’alimenta-

tion et l’agriculture (FAO). Cette action s’inscrit dans le

cadre de la décennie des Nations unies pour la lutte

contre la désertification. Avec l’année internationale des

sols, la FAO entend sensibiliser la société à l’importance

des sols pour l’écosystème naturel et l’agriculture. Il

s’agit également d’attirer l’attention sur les dangers liés

à l’imperméabilisation des sols, à la désertification et à la

salinisation et d’aborder les problèmes concomitants et

leurs solutions.

•• Utilisation des produits phytosanitaires en Suisse de

2009 à 2012, Laura de Baan et al., Agroscope et

Ö+L GmbH, Oberwil-Lieli

•• L’arboriculture face à la sécheresse − Enquête auprès

des agriculteurs dans le nord-est et le nord-ouest de

la Suisse, Sylvia Kruse et Irmi Seidl, WSL

•• Production de foin et de haylage de deux mélanges

avec graminées, Ueli Wyss et al., Agroscope

•• Bases génétiques de l’absence de cornes chez les

bovins, Alexander Burren et al., HAFL et Université

de Berne

•• Listes recommandées des variétés de soja et maïs

pour la récolte 2015

Page 44: Recherche Agronomique Suisse, numéro 1, janvier 2015

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Régulièrement mis à jour, des articles, des images et des vidéos viennent compléter et soutenir les publications d’Agroscope dans leur mission d’information.

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ForumAckerbau

2èmes Journées Nationales Grandes culturesOrganisées par Agroscope (Institut des sciences en production végé-tale), le Forum Ackerbau, swiss granum, AGRIDEA et la PAG-CH

Objectif des journéesOffrir une plateforme d’échanges ainsi que des informations de première main à tous les acteurs des fi lières de production dans les grandes culturesProgramme et inscription (jusqu’au 19 janvier 2015) www.agridea.ch/fr/cours/cours_par_date

Programme2 février 2015 : diverses manifestations en parallèle sur invitation, suivies de l’assemblée générale de la PAG-CH et d’une conférence ouverte à tous «Food trends» – Perception «qualité» des consommateurs pour les productions agricoles.3 février 2015 : journée plénière consacrée à la qualité en grandes cultures. Ouverte à toutes les personnes intéressées : conseiller(ère)s et enseignant(e)s du domaine des grandes cultures, chercheur(euse)s,membres de la PAG-CH, représentant(e)s du commerce agricole, agriculteur(trice)s, membres d’organisations agricoles et services cantonaux, entrepreneur(euse)s agricoles et autres personnes intéressées.

La qualité en grandes cultures, une nécessité à tous les échelons ?

Lundi 2 et mardi 3 février 2015 | Centre Löwenberg, 3280 Morat