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Le Soir mai 2015 2 REPORTAGE Leur vie, c’est la foire ! u De février à novembre, les forains écument les ker- messes du pays sans interruption. u Si la vie de forain n'est pas toujours à la fête, rares sont ceux qui quitteraient la profession. u Leur stabilité d’em- ploi est particulière. La concordance entre leur vie sociale et leur vie professionnelle s’expliquent par plu- sieurs raisons. N e faites pas l’erreur de demander à un forain depuis quand il est dans le métier, il vous rira au nez. « On ne devient pas forain. On nait forain ! On est tombé dedans étant petit » s’exclame Anthony Mastrovalério derrière sa pêche aux canards. L’homme sait de quoi il parle. Depuis 2008, il est le président wallon des industriels forains. Comme il l’explique, la plupart d’entre eux sont nés sur un champ de foire et comptent y res- ter tant que la santé leur permet- tra de faire les routes. « Dans la famille, nous sommes forains depuis six générations. Depuis quelques années mes enfants m’aident aus- si. Un jour, ils reprendront l’af- faire familiale » poursuit Bernard en lançant un regard complice à son fils. Il gère un carrousel pour enfant depuis plus de vingt ans. Chez les forains, le patrimoine familial et les relations avec la communauté sont des ressources essentielles. Un mode de vie Vivre dans les foires, c’est un style de vie particulier. Avant même les premiers bourgeons du printemps, ces véritables parcs d’attractions itinérants prennent la route. Et jusque fin novembre, les foires se succèdent. Elles durent deux ou trois week-ends pour les plus courtes, et plus de six week-ends pour les foires du Midi, de Liège, ou d’Anvers. Et pas question de prendre congé ou de tomber malade. Pendant près de dix heures par jour, il s’agit de rester au poste. Le chiffre d’af- faires de l’année en dépend. En d’autres termes, il faut être né là dedans. Rares sont les forains qui ont pratiqué une autre profes- sion. Et rares sont d’ailleurs ceux qui la quittent, comme l’explique l’un d’eux : « je connais quelques personnes qui ont décidé d’arrê- ter les fêtes foraines. Après quelques mois, elles sont revenues. Quand on a vécu sur les routes, il est qua- siment impossible de reprendre un mode de vie normal. Et dans le sens contraire, nous sommes un monde très fermé. Sauf par mariage, je ne connais personne qui est devenu forain ». En effet, le monde forain est très fermé. Et il est rendu d’au- tant plus mystérieux qu’il est l’ob- jet d’un grand nombre de stéréo- types. Une carrure imposante et toujours prêt à en découdre, un français pas des plus raffiné et un régime alimentaire composé exclusivement de frites et de lacquemants. Sans oublier les roulottes indispensables à un mode de vie itinérant. Les nombreux clichés sur les forains jouent évidemment sur le mystère qui entoure la profession. Comme le poursuit aussi Anthony Mastrovalério « Je pense que les gens nous conf èrent une dimen- sion fantasmatique, comme pour les cirques. C’est probablement dû à notre mode de vie ambulant. D’ailleurs depuis une dizaine d’an- nées, on est victime de l’amalgame avec les gens du voyage et les Roms, ce qui n’améliore pas notre image ! Au final, on est des gens comme tout le monde. On remplit des papiers administratifs pour s’ins- taller dans une ville, on travaille près de douze heures par jour pour gagner notre vie et on a tous été à l’école ! » Bien que conscient d’une telle image, les forains ne cher- chaent pas non plus à l’amélio- rer. Ils sont souvent peu loquaces et méfiants des questions sur leur profession… Une éducation particulière L’éducation contribue égale- ment aux particularités du monde forain. Loin des idées préconçues, l’enseignement des jeunes forains reste une priorité. Pour les plus petits, lors des tournées locales, une école fixe est souvent privi- légiée. Mais si les parents écu- ment les grandes foires du pays, les bancs de l’école se résument souvent à une caravane au sein même de la kermesse. Dans ce cas là, leur éducation se fait donc par eux aussi. Pour les plus grands, le pensionnat constitue l’alternative idéale. Impossible pour les parents de faire des allers retours quoti- diens pour aller chercher les reje- tons à l’école. Trois internats réser- vés aux forains existent d’ailleurs en Belgique. En plus d’une éduca- tion générale, ils sont aussi formés au métier de forain. Mais évidem- ment, le savoir pratique ne s’étudie dans aucune école. Les forains en herbe apprennent beaucoup sur le tas, avec leurs parents. Les années en pensionnat tissent des liens entre des jeunes forains qui partageront un même style de vie. Plus tard, au fil du temps, au gré des foires, plus que des collè- gues, ils deviennent une véritable communauté soudée et solidaire. Et comme le dit Louis Neders, le gérant du « Westpoint Tir » : « pas de frontière linguistique entre nous. On est presque tous bilingues fran- çais-néerlandais dès le plus jeune âge. Et même si on ne fait pas toutes les mêmes foires, on se connaît presque tous. De foires en foires on croise tout le monde. Nous sommes donc une véritable communauté ». Une transmission de valeurs Si la solidarité est grande entre eux, rien n’est plus important que la famille. En 2015, rares sont les métiers qui se transmettent de générations en générations. Pourtant c’est très souvent le cas des forains. Beaucoup d’entre eux sont fiers de dire que parents, grands-parents et arrière-grands- parents parcouraient déjà les villes et les villages pour divertir leurs habitants. La question de la reprise du manège familial se pose d’ail- leurs rarement. Depuis leur tendre enfance, les jeunes forains savent qu’ils vont reprendre le manège ou le stand de leurs parents. « Je n’ai jamais pensé ou eu envie de faire autre chose » confie à 22 ans le fils d’un gérant de Luna Park, « pour nous, c’est naturel de continuer l’af- faire familiale. Être forain c’est bien plus qu’un métier. » THOMAS DUFRANE « Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il gèle,… » B éret vissé sur la tête et blouson rembourré, Louis Neders est der- rière son stand de tir. Il faut dire qu’il ne fait pas chaud en cette fin d’après- midi du mois de mars. Depuis plus de 30 ans, il écume les foires de Belgique. En 1997, il a acheté sa première attrac- tion. Aujourd’hui il en gère deux avec sa femme. Non sans charisme, un sourire amical permanent et un accent bruxellois à couper au couteau, Louis Neders est fier d’être forain. C’est quoi être forain en 2015 ? Comme depuis toujours, notre métier dépend d’un calendrier. On com- mence souvent mi-février et on est occupé toutes les semaines jusque fin novembre. Mais ce qui change c’est que le métier est plus difficile qu’avant. Tout devient plus cher. La marchan- dise, les emplacements, l’électrici- té,… Malheureusement, on ne peut pas autant augmenter nos prix, ça ferait fuir les clients. Depuis 2006, nous avons un véritable statut de forain. Et comme tout indé- pendant, on ne sait pas combien on va gagner chaque mois, tout dépend du temps, des vacances scolaires,… Qu’a changé l’obtention d’un statut ? On en a d’abord pensé beaucoup de bien. Même s’il défend véritablement nos intérêts et nous considère légalement comme forain, on a aussi déchanté. Notre activité est soumise à de plus en plus de règles. Par exemple, on ne peut mettre de la musique que certaines heures de la journée. On est aussi soumis à des horaires fixes. Si l’on ne respecte pas ça, le contrat est rompu. Et d’un point de vue administratif, tout est beaucoup plus compliqué qu’avant. Bien que légalement indépendant, il y a toujours une instance supérieure qui fixe les limites de la pro- fession. Beaucoup de ces règles contrai- gnantes sont apparues en 2006 avec l’ob- tention de ce statut de forain. Comment gérez-vous la vie de famille avec la vie sur les foires ? J’ai un fils de 14 ans. Pendant la semaine, il est à l’internat forain, et le week-end, il revient chez nous. Il voit donc ses amis à l’école pendant la semaine mais également le week-end à la foire. Ca crée de bons contacts. On profite de l’hi- ver pour partir en vacances. Pas question de partir en été. Avec ma femme, parfois c’est plus compliqué. Comme elle tient un autre stand, on n’est pas toujours sur la même foire. Mais c’est notre vie et on est habitué à faire comme ça. Voulez-vous que votre fils reste forain plus tard ? Oui j’aimerais, mais je ne l’oblige pas. J’ai conscience que le métier devient de plus en plus diffi- cile et il s’en rend aussi bien compte. Evidemment, je préfère que les stands restent dans la famille. Il y a quelques jours, je lui ai justement demandé ce qu’il voulait faire plus tard. Même s’il n’a que quatorze ans, il faut déjà y réfléchir. Je dois savoir s’il faut ianvestir pour lui acheter un manège. Vivez-vous toute l’année dans une cara- vane ? Non ! Comme la plupart des forains d’ailleurs. Nous, nous avons une maison à Alost. C’est d’ailleurs là qu’on vit la majorité de l’année. Seulement, lorsque les foires sont éloignées de la maison et que les trajets deviennent longs, c’est plus facile d’utiliser la caravane. Quels liens entretenez-vous avec les autres forains ? Heureusement, on est très solidaires entre nous. Mais il y a évidemment aus- si de la concurrence. On a chacun nos stands à gérer, qu’il pleuve, vente ou gèle, qu’on soit malade ou avec une jambe cas- sée. Nos revenus en dépendent. Mais on sait aus- si qu’en cas de gros problème, la famille et la communauté seront là pour nous aider. C’est un gros avantage. Et quand il s’agit de défendre une foire, on sait très bien qu’ensemble, on est plus fort. Les temps sont durs pour les forains et cette solidarité permet de faire pression pour nos intérêts, par exemple lorsqu’une commune veut supprimer une kermesse. Les foires existent depuis des siècles, et pour nous, c’est plus que jamais vital de les faire subsister. T. Du. "L'obtention d'un statut ? On en pensait beaucoup de bien mais on est aussi soumis à de plus en plus de règles" FOLKLORE En Belgique, plus de 2500 familles vivent des fêtes foraines, un style de vie hors du commun Samedi 14 février sur la Grand-Place de Nivelles. Il fait froid mais les forains sont prêts. C'est le premier jour de la première foire de l'année © T.Du Louis Neders gère deux stands de tir. De février à novembre, il fait la tournée des foires de Belgique, comme ici à Wavre. © T.Du.

Reportage bi-média : Les fêtes foraines

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La vie de forain

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  • Le Soir mai 20152 reportage

    Leur vie, cest la foire!uDe fvrier novembre, les forains cument les ker-messes du pays sans interruption.uSi la vie de forain n'est pas toujours la fte, rares sont ceux qui quitteraient la profession.uLeur stabilit dem-ploi est particulire. La concordance entre leur vie sociale et leur vie professionnelle sexpliquent par plu-sieurs raisons.

    Ne faites pas lerreur de demander un forain depuis quand il est dans le mtier, il vous rira au nez. On ne devient pas forain. On nait forain ! On est tomb dedans tant petit sexclame Anthony Mastrovalrio derrire sa pche aux canards. Lhomme sait de quoi il parle. Depuis 2008, il est le prsident wallon des industriels forains. Comme il lexplique, la plupart dentre eux sont ns sur un champ de foire et comptent y res-ter tant que la sant leur permet-tra de faire les routes. Dans la famille, nous sommes forains depuis six gnrations. Depuis quelques annes mes enfants maident aus-si. Un jour, ils reprendront l af-faire familiale poursuit Bernard en lanant un regard complice son fils. Il gre un carrousel pour enfant depuis plus de vingt ans. Chez les forains, le patrimoine familial et les relations avec la communaut sont des ressources essentielles. Un mode de vie

    Vivre dans les foires, cest un style de vie particulier. Avant mme les premiers bourgeons du printemps, ces vritables parcs dattractions itinrants prennent la route. Et jusque fin novembre, les foires se succdent. Elles

    durent deux ou trois week-ends pour les plus courtes, et plus de six week-ends pour les foires du Midi, de Lige, ou dAnvers. Et pas question de prendre cong ou de tomber malade. Pendant prs de dix heures par jour, il sagit de rester au poste. Le chiffre daf-faires de lanne en dpend. En dautres termes, il faut tre n l dedans. Rares sont les forains qui ont pratiqu une autre profes-sion. Et rares sont dailleurs ceux qui la quittent, comme lexplique lun deux : je connais quelques personnes qui ont dcid d arr-ter les ftes foraines. Aprs quelques mois, elles sont revenues. Quand on a vcu sur les routes, il est qua-siment impossible de reprendre un mode de vie normal. Et dans le sens contraire, nous sommes un monde trs ferm. Sauf par mariage, je ne connais personne qui est devenu forain.

    En effet, le monde forain est trs ferm. Et il est rendu dau-tant plus mystrieux quil est lob-jet dun grand nombre de stro-types. Une carrure imposante et toujours prt en dcoudre, un franais pas des plus raffin et un rgime alimentaire compos exclusivement de frites et de lacquemants. Sans oublier les roulottes indispensables un mode de vie itinrant. Les nombreux clichs sur les forains jouent videmment sur le mystre qui entoure la profession. Comme le poursuit aussi Anthony Mastrovalrio Je pense que les gens nous conf rent une dimen-sion fantasmatique, comme pour les cirques. Cest probablement d notre mode de vie ambulant. Dailleurs depuis une dizaine d an-nes, on est victime de l amalgame avec les gens du voyage et les Roms, ce qui namliore pas notre image ! Au final, on est des gens comme tout le monde. On remplit des papiers administratifs pour sins-taller dans une ville, on travaille prs de douze heures par jour pour gagner notre vie et on a tous t l cole! Bien que conscient dune telle image, les forains ne cher-chaent pas non plus lamlio-rer. Ils sont souvent peu loquaces et mfiants des questions sur leur profession

    Une ducation particulire

    Lducation contribue gale-ment aux particularits du monde forain. Loin des ides prconues, lenseignement des jeunes forains reste une priorit. Pour les plus petits, lors des tournes locales, une cole fixe est souvent privi-lgie. Mais si les parents cu-ment les grandes foires du pays, les bancs de lcole se rsument souvent une caravane au sein mme de la kermesse. Dans ce cas l, leur ducation se fait donc par eux aussi. Pour les plus grands, le pensionnat constitue lalternative idale. Impossible pour les parents

    de faire des allers retours quoti-diens pour aller chercher les reje-tons lcole. Trois internats rser-vs aux forains existent dailleurs en Belgique. En plus dune duca-tion gnrale, ils sont aussi forms au mtier de forain. Mais videm-ment, le savoir pratique ne studie dans aucune cole. Les forains en herbe apprennent beaucoup sur le tas, avec leurs parents.

    Les annes en pensionnat tissent des liens entre des jeunes forains qui partageront un mme style de vie. Plus tard, au fil du temps, au gr des foires, plus que des coll-gues, ils deviennent une vritable communaut soude et solidaire. Et comme le dit Louis Neders, le

    grant du Westpoint Tir:pas de frontire linguistique entre nous. On est presque tous bilingues fran-ais-nerlandais ds le plus jeune ge. Et mme si on ne fait pas toutes les mmes foires, on se connat presque tous. De foires en foires on croise tout le monde. Nous sommes donc une vritable communaut.Une transmission de valeurs

    Si la solidarit est grande entre eux, rien nest plus important que la famille. En 2015, rares sont les mtiers qui se transmettent de gnrations en gnrations. Pourtant cest trs souvent le cas des forains. Beaucoup dentre eux

    sont fiers de dire que parents, grands-parents et arrire-grands-parents parcouraient dj les villes et les villages pour divertir leurs habitants. La question de la reprise du mange familial se pose dail-leurs rarement. Depuis leur tendre enfance, les jeunes forains savent quils vont reprendre le mange ou le stand de leurs parents. Je nai jamais pens ou eu envie de faire autre chose confie 22 ans le fils dun grant de Luna Park, pour nous, cest naturel de continuer l af-faire familiale. tre forain cest bien plus quun mtier.

    THOMAS DUFRANE

    Quil pleuve, quil vente, quil gle, Bret viss sur la tte et blouson rembourr, Louis Neders est der-rire son stand de tir. Il faut dire quil ne fait pas chaud en cette fin daprs-midi du mois de mars. Depuis plus de 30 ans, il cume les foires de Belgique. En 1997, il a achet sa premire attrac-tion. Aujourdhui il en gre deux avec sa femme. Non sans charisme, un sourire amical permanent et un accent bruxellois couper au couteau, Louis Neders est fier dtre forain.

    Cest quoi tre forain en 2015?Comme depuis toujours, notre mtier

    dpend dun calendrier. On com-mence souvent mi-fvrier et on est occup toutes les semaines jusque fin novembre. Mais ce qui change cest que le mtier est plus difficile quavant. Tout devient plus cher. La marchan-dise, les emplacements, llectrici-t, Malheureusement, on ne peut pas autant augmenter nos prix, a ferait fuir les clients.

    Depuis 2006, nous avons un vritable statut de forain. Et comme tout ind-pendant, on ne sait pas combien on va gagner chaque mois, tout dpend du temps, des vacances scolaires, Qua chang lobtention dun statut?

    On en a dabord pens beaucoup de bien. Mme sil dfend vritablement nos intrts et nous considre lgalement comme forain, on a aussi dchant. Notre activit est soumise de plus en plus de rgles. Par exemple, on ne peut mettre de la musique que certaines heures de la journe. On est aussi soumis des horaires fixes. Si lon ne respecte pas a, le contrat est rompu. Et dun point de vue administratif, tout est beaucoup plus compliqu quavant. Bien que lgalement indpendant, il y a toujours une instance suprieure qui fixe les limites de la pro-fession. Beaucoup de ces rgles contrai-gnantes sont apparues en 2006 avec lob-tention de ce statut de forain. Comment grez-vous la vie de famille avec la vie sur les foires?

    Jai un fils de 14 ans. Pendant la semaine, il est linternat forain, et le week-end, il revient chez nous. Il voit donc ses amis lcole pendant la semaine mais galement le week-end la foire. Ca

    cre de bons contacts. On profite de lhi-ver pour partir en vacances. Pas question de partir en t. Avec ma femme, parfois cest plus compliqu. Comme elle tient un autre stand, on nest pas toujours sur la mme foire. Mais cest notre vie et on est habitu faire comme a.Voulez-vous que votre fils reste forain plus tard?

    Oui jaimerais, mais je ne loblige pas. Jai conscience que le mtier devient de plus en plus diffi-cile et il sen rend aussi bien compte. Evidemment, je prfre que les stands restent dans la famille. Il y a quelques jours, je lui ai justement demand ce quil voulait faire plus tard. Mme sil na que quatorze ans, il faut dj y rflchir. Je dois savoir sil faut ianvestir pour lui acheter un mange. Vivez-vous toute lanne dans une cara-vane?

    Non ! Comme la plupart des forains dailleurs. Nous, nous avons une maison Alost. Cest dailleurs l quon vit la majorit de lanne. Seulement, lorsque

    les foires sont loignes de la maison et que les trajets deviennent longs, cest plus facile dutiliser la caravane. Quels liens entretenez-vous avec les autres forains?

    Heureusement, on est trs solidaires entre nous. Mais il y a videmment aus-si de la concurrence. On a chacun nos stands grer, quil pleuve, vente ou gle, quon soit malade ou avec une jambe cas-se. Nos revenus en dpendent. Mais

    on sait aus-si quen cas de gros problme, la famille et la c o m m u n a u t seront l pour nous aider. Cest un gros avantage.

    Et quand il sagit de dfendre une foire, on sait trs bien quensemble, on est plus fort. Les temps sont durs pour les forains et cette solidarit permet de faire pression pour nos intrts, par exemple lorsquune commune veut supprimer une kermesse. Les foires existent depuis des sicles, et pour nous, cest plus que jamais vital de les faire subsister.

    T. Du.

    "L'obtention d'un statut ? On en pensait beaucoup de bien mais on est aussi soumis de

    plus en plus de rgles"

    FOLKLORE En Belgique, plus de 2500 familles vivent des ftes foraines, un style de vie hors du commun

    Samedi 14 fvrier sur la Grand-Place de Nivelles. Il fait froid mais les forains sont prts. C'est le premier jour de la premire foire de l'anne T.Du

    Louis Neders gre deux stands de tir. De fvrier novembre, il fait la tourne des foires de Belgique, comme ici Wavre. T.Du.

  • Le Soir mai 2015

    reportage 2

    Une journe bien charge AAATTENTIOOOON !

    Cest PARTIII ! Sexclame la voix sature du XFactory. En quelques secondes, le mange sensations envoie ses occupants prs de 50 mtres de haut. Autant dire quil faut avoir le cur bien accroch. Quelques minutes plus tard, les clients sont librs. Ils semblent tre convaincus par lex-prience.

    Vendredi 20 fvrier, il est un peu plus de 15h sur la Grand-Place de Nivelles. Cest le premier tour de mange de la journe. Commencer 15h, la belle vie la vie de forain! Faut pas croire! On bosse dur. On a toujours quelques chose faire lance Dimitri Delforge, grant dun Luna Park. Et cest bien vrai.

    Les forains tiennent souvent leurs stands jusquaux dernires heures de la soire. Et si les attractions attirent les premiers ftards en cours daprs-midi, pas question de profiter dune grasse mat.

    Ds 10h du matin, sur le campe-ment provisoire dress quelques kilomtres du centre de Nivelles, les forains commencent sactiver. Si certains dorment dans un cam-ping car, dautres ont de vritables maisons sur roues. On y retrouve presque tout le confort dune habi-tation fixe. Une fois installe, on oublie presque que la maison fait des centaines de kilomtres par an.

    Mais dici louverture dans quelques heures, il y a du boulot. Dj, il sagit de faire les comptes

    de la veille et linventaire des prix dj gagns. Eventuellement sen suivent les commandes des nou-veaux lots. Il faut aussi remplir et grer les dossiers administra-tifs. Dans chaque ville, il faut se mettre en ordre. Ce sont souvent des dmarches importantes que l on doit raliser ds quon change de foire. Heureusement, on l habitude ! prcise Louis Neders. Rapidement, direction la fte foraine. Une petite rparation ou un petit coup de peinture par-ci par-l nest jamais superflu pour une attraction qui arpente les routes dix mois par ans. Et surtout, une fte foraine sans les couleurs resplendissantes des ftes foraines, a perd de son charme.

    Et puis videmment il faut pr-parer les attractions. On assiste l un bal particulier. Des allers retours de grosses peluches pour les pches aux canards, des poneys pour lattraction dquitation pour les enfants et les plus chanceux croiseront peut-tre mme le camion de Bob le Bricoleur ou Flash McQueen, la grosse cylin-dre de Cars, le clbre Disney.

    Les trois sons de cloches de la collgiale de Nivelles lancent les hostilits. Il est dj 15h. En quelques minutes dailleurs, la musique est dj fond sur tous les stands. Sur la Grand-Place, cest une cacophonie invraisemblable. Pourtant, cest aussi un peu a qui fait le charme des ftes foraines, mme si la techno kitch a souvent remplac Joe Dassin et Claude Franois. Et puis, limage des familles De Cortes et Delforge, qui rgnent en matre sur lart de la cuisine foraine, il y a les smou-tebollen comme on les appelle au Nord du pays. Les croustillons. Avec leur odeur particulire. Celle qui nous poursuit tout le long des attractions et des stands, pas prte nous lcher tant quon na pas cd la friandise. Les plus gour-mands savent dailleurs quil ny a pas que les croustillons. Les lac-quemants, les gaufres de Lige, les churros, les crpes aux chocolats font aussi partie de cette gastro-nomie particulire. Et plat-pays oblige, les frites se taillent aussi une belle part du gteau.

    En ce vendredi aprs-midi prin-tanier, les coliers profitent des premires heures du week-end. Certains se lancent dans les auto-tamponneuses alors que les plus

    jeunes prfrent les ficelles ou la pche aux canards. Certains sobs-tinent faire basculer la chance de leur ct, et l aussi il y a de quoi faire dans les Luna Park . Et si les machines--sous semblent aimantes, un forain nous confiera en off que le jeu des pinces est bien souvent truqu Cest math-matique hein ces trucs l ! La pince ne se ferme vraiment quune fois sur je-sais-pas-combien ! Mme les forains ils narrivent pas gagner! A bon entendeur

    La fin daprs-midi suit son cours. Les enfants continuent de pcher les canards multicolores, les poneys continuent de tourner en rond, le Xfactory continue monter Toujours PLUS HAUUT, Toujours PLUS FOOORT et les personnes ges continuer de bavarder sur les bancs de la Grand-Place.

    Le soleil se couche et les temp-ratures baissent rapidement. Les lumires multicolores des attrac-tions illuminent le centre-ville. Dans quelques heures il sera dj temps pour les forains de fer-mer leur stand. Le chiffre daf-faires nest vraiment pas exception-nel clame lun deux derrire son tir aux ficelles. Mais bon pour un dbut danne cest normal ! Il fait froid et les gens sortent moins. Tempratures obligent, ce ven-dredi, la foire de Nivelles ferme-ra vers 21h. Mais ce nest que le dbut de la saison. Jusquau mois de novembre, les forains arpente-ront les quatre coins de la Belgique pour divertir les petits et les plus grands.

    T. Du.

    Forains, pas toujours la fteLe 19 fvrier 2014, plus de 200 vhicules de forains paraly-saient le centre ville de Binche. Objectif : sopposer la dci-sion de la ville de supprimer les foires dhiver et dt ds 2015. Ils sont venus des quatre coins de la Belgique pour faire forcing. Les ftes foraines, cest leur gagne pain, alors, pas ques-tion de donner des ides aux autres communes belges. Le mouvement de grogne a por-t ses fruits. Mais plus que la suppression des foires, il sym-bolise linquitude des forains, qui voient leur public moins nombreux danne en anne. Selon Anthony Mastrovalerio, le patron des industriels forains wallons : la crise ne sest pas sentie ds 2008. Il a fallu attendre quelques annes. Mais force de rpter aux gens que les caisses sont vides, ils ont fini par prendre peur!Pour rentrer dans nos frais, nos tournes annuelles sont donc de plus en plus longues . T.Du.

    Un incontournable des ftes foraines, les auto-tamponneuses. Sur la foire de Wavre, l'attraction compte plus de 20 voitures.

    Anthony Mastrovalerio, patron des industriels forains wallons depuis 2008. Il tient galement un stand de pche au canards. T.Du.