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REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GL m .D/ ALBERTO MÍNGUEZ et VINCENT SÉCHERRE Résumé Soit F un corps localement compact non archimédien de caractéristique résiduelle p, soit D une algèbre à division centrale de dimension finie sur F et soit R un corps algé- briquement clos de caractéristique différente de p. Nous classons les représentations lisses irréductibles de GL m .D/, m 1, à coefficients dans R en termes de multiseg- ments, ce qui généralise des travaux de Zelevinski, Tadi´ c et Vignéras. Nous prouvons que toute R-représentation irréductible de GL m .D/ a un unique support supercuspi- dal, et nous obtenons ainsi deux classifications : l’une par les multisegments super- cuspidaux, qui classe les représentations en fonction de leur support supercuspidal ; l’autre par les multisegments apériodiques, qui classe les représentations en fonction de leur support cuspidal. Ces constructions sont effectuées de façon purement locale, et font un usage substantiel de la théorie des types. Abstract Let F be a non-Archimedean locally compact field of residue characteristic p, let D be a finite-dimensional central division F-algebra, and let R be an algebraically closed field of characteristic different from p. We classify all smooth irreducible rep- resentations of GL m .D/ for m 1, with coefficients in R, in terms of multisegments, generalizing works by Zelevinski, Tadi´ c, and Vignéras. We prove that any irreducible R-representation of GL m .D/ has a unique supercuspidal support and thus get two classifications: one by supercuspidal multisegments, classifying representations with a given supercuspidal support, and one by aperiodic multisegments, classifying rep- resentations with a given cuspidal support. These constructions are made in a purely local way, with a substantial use of type theory. DUKE MATHEMATICAL JOURNAL Vol. 163, No. 4, © 2014 DOI 10.1215/00127094-2430025 Received 23 March 2012. Revision received 8 June 2013. 2010 Mathematics Subject Classification. Primary 22E50; Secondary 20C20. Ce travail a bénéficié de financements de l’EPSRC (GR/T21714/01, EP/G001480/1) et de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR-08-BLAN-0259-01, ANR-10-BLANC-0114). Le premier auteur est aussi financé en partie par FEDER, MTM2007-66929 et MTM2010-19298. 795

Représentations lisses modulo $\ell$ de $\mathrm{GL}_{m}(\mathrm{D})$

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REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/

ALBERTO MÍNGUEZ et VINCENT SÉCHERRE

RésuméSoit F un corps localement compact non archimédien de caractéristique résiduelle p,soit D une algèbre à division centrale de dimension finie sur F et soit R un corps algé-briquement clos de caractéristique différente de p. Nous classons les représentationslisses irréductibles de GLm.D/, m � 1, à coefficients dans R en termes de multiseg-ments, ce qui généralise des travaux de Zelevinski, Tadic et Vignéras. Nous prouvonsque toute R-représentation irréductible de GLm.D/ a un unique support supercuspi-dal, et nous obtenons ainsi deux classifications : l’une par les multisegments super-cuspidaux, qui classe les représentations en fonction de leur support supercuspidal ;l’autre par les multisegments apériodiques, qui classe les représentations en fonctionde leur support cuspidal. Ces constructions sont effectuées de façon purement locale,et font un usage substantiel de la théorie des types.

AbstractLet F be a non-Archimedean locally compact field of residue characteristic p, letD be a finite-dimensional central division F-algebra, and let R be an algebraicallyclosed field of characteristic different from p. We classify all smooth irreducible rep-resentations of GLm.D/ for m� 1, with coefficients in R, in terms of multisegments,generalizing works by Zelevinski, Tadic, and Vignéras. We prove that any irreducibleR-representation of GLm.D/ has a unique supercuspidal support and thus get twoclassifications: one by supercuspidal multisegments, classifying representations witha given supercuspidal support, and one by aperiodic multisegments, classifying rep-resentations with a given cuspidal support. These constructions are made in a purelylocal way, with a substantial use of type theory.

DUKE MATHEMATICAL JOURNALVol. 163, No. 4, © 2014 DOI 10.1215/00127094-2430025Received 23 March 2012. Revision received 8 June 2013.2010 Mathematics Subject Classification. Primary 22E50; Secondary 20C20.Ce travail a bénéficié de financements de l’EPSRC (GR/T21714/01, EP/G001480/1) et de l’Agence Nationale

de la Recherche (ANR-08-BLAN-0259-01, ANR-10-BLANC-0114). Le premier auteur est aussi financé enpartie par FEDER, MTM2007-66929 et MTM2010-19298.

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Table des matièresIntroduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 796Notations et conventions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8031. Préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8042. Compléments sur l’induction parabolique . . . . . . . . . . . . . . . . . 8083. Représentations modulaires de GLn sur un corps fini . . . . . . . . . . . 8154. Représentations modulaires des algèbres de Hecke affines . . . . . . . . 8205. Rappels sur les représentations cuspidales . . . . . . . . . . . . . . . . 8256. Classification des représentations cuspidales par les supercuspidales . . . 8317. La théorie des segments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8398. Représentations résiduellement non dégénérées de GLm.D/ . . . . . . . 8579. Classification des représentations irréductibles de GLm.D/ . . . . . . . . 864Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 884

IntroductionSoit F un corps commutatif localement compact non archimédien de caractéristiquerésiduelle p et soit D une algèbre à division centrale de dimension finie sur F dontle degré réduit est noté d . Pour tout entier m � 1, on pose Gm D GLm.D/, qui estune forme intérieure de GLmd .F/. Les représentations lisses irréductibles complexesde GLmd .F/ ont été classées par Zelevinski [39] en termes de paramètres appelésmultisegments. Dans le cas où F est de caractéristique nulle, Tadic [33] a donné uneclassification des représentations lisses irréductibles complexes de Gm en termes demultisegments. La méthode qu’il utilise repose sur les résultats de [16] (eux-mêmesreposant sur la formule des traces) et en particulier sur la correspondance de Jacquet–Langlands locale et la classification des représentations tempérées en fonction de lasérie discrète (voir [16, théorème B.2.d]). Dans [4], Badulescu étend ces deux résul-tats au cas où F est de caractéristique p, et on trouve dans [5] la classification desreprésentations lisses irréductibles complexes de Gm sans restriction sur la caractéris-tique de F.

Dans cet article, on s’intéresse au problème de la classification des représenta-tions lisses irréductibles de Gm à coefficients dans un corps R algébriquement closde caractéristique différente de p. Dans le cas où cette caractéristique est un nombrepremier `, ces représentations seront dites modulaires. L’intérêt de comprendre etclasser les représentations modulaires provient de l’étude des congruences de formesautomorphes.

La théorie des représentations modulaires des groupes réductifs p-adiques a étédéveloppée par Vignéras dans [34] et [35]. En particulier, les représentations modu-laires du groupe GLn.F/ y sont étudiées en détail. Comparée à la théorie complexe,la théorie modulaire présente de grandes similarités, mais aussi des différences im-

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portantes, à la fois dans les résultats et les méthodes. Les représentations modulairesd’un groupe compact ne sont pas toujours semi-simples. Le fait que ` soit différentde p équivaut à l’existence d’une mesure de Haar à valeurs dans R sur le groupep-adique, mais la mesure d’un sous-groupe ouvert compact peut être nulle. Il fautdistinguer dans le cas modulaire entre les deux notions de représentation irréductiblecuspidale (c’est-à-dire dont tous les modules de Jacquet relativement à un sous-groupeparabolique propre sont nuls) et supercuspidale (c’est-à-dire qui n’est sous-quotientd’aucune induite parabolique d’une représentation irréductible d’un sous-groupe deLevi propre).

Si l’on essaie d’étendre aux représentations modulaires du groupe non déployéGm les techniques employées par Zelevinski [39], Tadic [33] et Vignéras [34], [35],on est confronté aux problèmes suivants. Il n’y a pas de version modulaire de la for-mule des traces et du théorème de Paley–Wiener (qui servent à prouver que l’induitenormalisée d’une représentation de carré intégrable d’un sous-groupe de Levi est ir-réductible et à établir la correspondance de Jacquet–Langlands). Il n’y a pas non plusde version modulaire du théorème du quotient de Langlands, qui permet dans [33]de décrire les représentations irréductibles en fonction des tempérées. Les foncteursde Jacquet ne suffisent pas à déterminer les représentations, c’est-à-dire qu’il y a desreprésentations irréductibles non isomorphes d’un même groupe Gm dont tous lesmodules de Jacquet propres sont isomorphes. La différence entre représentations cus-pidales et supercuspidales joue également un rôle important. On a naturellement unenotion de support supercuspidal (voir le paragraphe 2.1.2) mais on ignore en généralsi une représentation irréductible modulaire d’un groupe réductif p-adique possèdeun unique support supercuspidal (contrairement à ce qui se passe pour le support cus-pidal : voir le théorème 2.1).

L’un des principaux résultats de cet article est la preuve de l’unicité du supportsupercuspidal pour les représentations irréductibles de Gm (voir plus bas dans cetteintroduction et le théorème 8.16).

THÉORÈME AToute représentation irréductible de Gm a un unique support supercuspidal.

À ceci s’ajoutent les problèmes suivants, spécifiques au cas où D est non com-mutative : les représentations cuspidales de Gm n’ont pas de modèle de Whittakeret il n’y a pas de théorie des dérivées pour les représentations irréductibles de Gm,dont l’usage est crucial dans [35] ; la réduction modulo ` d’une Q`-représentationirréductible cuspidale entière de Gm n’est pas toujours irréductible et il y a des F`-représentations irréductibles cuspidales non supercuspidales qui ne se relèvent pas endes Q`-représentations (voir [26]).

798 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

L’un des principaux outils employés dans cet article est une version modulairede la théorie des types de Bushnell et Kutzko pour Gm, qui a été développée dans unprécédent article [26]. Elle permet de comparer la théorie des représentations lissesde Gm à celle de certaines algèbres de Hecke affines. L’un des principaux résultats de[26] est la définition, pour toute représentation irréductible cuspidale � de Gm, d’uncaractère non ramifié �� de ce groupe possédant la propriété suivante : si �0 est unereprésentation irréductible cuspidale de Gm0 , avec m0 � 1, alors l’induite paraboliquenormalisée � � �0 (voir (1.3)) est réductible si et seulement si m0 D m et si �0 estisomorphe à ��� ou à ���1� . Ceci est le point de départ de la classification des repré-sentations irréductibles puisque, une fois défini ce caractère, on peut définir la notionde segment (voir la définition 7.1).

DéfinitionUn segment est une suite finie de la forme

Œa; b�� D .��a� ; ��

aC1� ; : : : ; ��b� /;

où a; b 2 Z sont des entiers tels que a � b et où � est une représentation irréductiblecuspidale de Gm.

Grâce à la propriété de quasi-projectivité des types construits dans [26], il existeune bijection explicite entre les représentations irréductibles dont le support cuspidalest inertiellement équivalent à �˝� � �˝� (où � apparaît n fois) et les modules simplessur une certaine algèbre de Hecke affine H.n; q.�// de type An�1 et de paramètreq.�/, une puissance de p associée à �. Par ce biais, on associe à un segment � DŒa; b�� de longueur nD b � aC 1 deux représentations irréductibles :

Z.�/ et L.�/

de Gmn, respectivement sous-représentation et quotient de l’induite ��a� � ��aC1� �

� � � � ��b� et correspondant respectivement au caractère trivial et au caractère signe deH.n; q.�//. Tant que q.�/ n’est pas congru à 1 modulo `, il est possible de définirles représentations Z.�/ et L.�/ sans passer par la théorie des types et les algèbresde Hecke affines (voir la proposition 7.17), mais cette approche est nécessaire si l’onveut inclure le cas où q.�/ est congru à 1 modulo `. Dans le cas où R est le corps desnombres complexes, Z.�/ est une représentation de Speh généralisée et L.�/ une re-présentation de Steinberg généralisée, c’est-à-dire une représentation essentiellementde carré intégrable. Ces représentations jouissent d’un certain nombre de propriétésqui sont établies dans la section 7. Elles permettent de prouver le résultat suivant, quiprouve le bien-fondé de notre définition des segments liés (voir la définition 7.3, ainsique le théorème 7.24).

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 799

THÉORÈME BSoit r � 1 et soient �1; : : : ;�r des segments. Les conditions suivantes sont équiva-lentes :

(1) Pour tous i; j 2 ¹1; : : : ; rº tels que i ¤ j , les segments�i et�j sont non liés.

(2) L’induite Z.�1/� � � � � Z.�r/ est irréductible.

(3) L’induite L.�1/� � � � � L.�r/ est irréductible.

Ce théorème est une version purement algébrique, valable pour des représen-tations modulaires, du résultat selon lequel l’induite parabolique normalisée d’unereprésentation complexe de carré intégrable est irréductible.

Un des principaux résultats de [26] est la construction de foncteurs K permettantde faire un lien entre représentations de Gm et représentations des groupes linéairesGL sur une extension finie k du corps résiduel de F. Ils constituent un outil techniqueimportant et peuvent être vus comme la généralisation du foncteur associant à unereprésentation lisse de Gm la représentation de GLm.kD/ (où kD est le corps rési-duel de D) sur l’espace de ses invariants sous le radical pro-unipotent du sous-groupecompact maximal GLm.OD/, où OD est l’anneau des entiers de D.

Étant donnés un entier f � 1 et une extension finie k du corps résiduel de F, lesreprésentations irréductibles modulaires de GLf .k/ ont été étudiées et classées parDipper et James [18], [22], et une théorie des dérivées a été développée par Vignérasdans [34]. On notera en particulier les résultats suivants (voir la section 3) :

(1) toute représentation irréductible de GLf .k/ possède un unique support super-cuspidal ;

(2) on a une notion de représentation irréductible non dégénérée de GLf .k/ ;

(3) on a une classification des représentations irréductibles cuspidales de GLf .k/en fonction des représentations irréductibles supercuspidales de GLf 0.k/ pourf 0 divisant f .

Grâce aux foncteurs évoqués plus haut, ces trois assertions vont permettre de prou-ver plusieurs résultats importants qui aboutissent à l’unicité du support supercuspidal(théorème A ci-dessus). D’abord (1) permet de prouver l’unicité du support super-cuspidal à inertie près (voir la proposition 6.17). Ensuite (2) permet d’associer à toutentier n� 1 et à toute représentation irréductible cuspidale � de Gm une représenta-tion irréductible :

St.�; n/

définie comme l’unique sous-quotient irréductible de l’induite � � ��� � � � � � ��n�1�

dont l’image par un foncteur K convenable, défini à partir de �, contienne une certainereprésentation irréductible non dégénérée. Dans le cas où R est le corps des nombres

800 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

complexes, St.�; n/ est la représentation de Steinberg généralisée L.Œ0; n� 1��/, maisdans le cas modulaire ces deux représentations diffèrent dès que n est assez grand(voir la remarque 8.14). Enfin (3) permet de prouver le résultat suivant, qui fournitune classification des représentations irréductibles cuspidales en fonction des repré-sentations supercuspidales, dans le cas où le corps R est de caractéristique non nulle `(voir le théorème 6.14).

THÉORÈME C

(1) Étant donnée une représentation irréductible cuspidale �, il existe un uniqueentier e.�/ tel que St.�; n/ soit cuspidale si et seulement si n D 1 ou n De.�/`r avec r � 0.

(2) Pour toute représentation irréductible cuspidale non supercuspidale � , il y aune représentation irréductible supercuspidale � et un unique r � 0 tels que� soit isomorphe à la représentation Str.�/D St.�; e.�/`r/.

(3) Si �0 est une représentation irréductible supercuspidale telle que les représen-tations Str .�0/ et Str.�/ soient isomorphes, alors il existe i 2 Z tel que �0 soitisomorphe à ��i�.

La dernière étape de la preuve de l’unicité du support supercuspidal est la propo-sition cruciale 8.9, qui contrôle l’apparition de facteurs cuspidaux dans des induitesparaboliques. On est alors en mesure de prouver le théorème 8.16.

On arrive maintenant au problème de la classification des représentations irré-ductibles de Gm. On a une notion naturelle d’équivalence entre segments (voir ladéfinition 7.2), ce qui permet d’introduire la définition suivante.

DéfinitionUn multisegment est une application m à support fini de l’ensemble des classes d’équi-valence de segments à valeurs dans N, qu’on représente sous la forme d’une sommefinie :

mD�1C � � � C�r D Œa1; b1��1 C � � � C Œar ; br ��r ;

où �1; : : : ;�r sont des segments.

Si l’on note mi l’entier tel que �i soit une représentation de Gmi , la somme des.bi � ai C 1/mi est appelée le degré de m et la somme formelle des classe d’équiva-lence des �i�

j�i pour i 2 ¹1; : : : ; rº et j 2 ¹ai ; : : : ; biº est appelée le support de m.

Un multisegment est dit supercuspidal si toutes les représentations �1; : : : ; �rsont supercuspidales et apériodique si, pour tout entier n � 0 et toute représenta-tion irréductible cuspidale �, il existe un a 2 Z tel que la classe d’équivalence du

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 801

segment Œa; aC n�� n’apparaisse pas dans m. Ces deux sortes de multisegments vontpermettre une classification des représentations irréductibles en fonction de leurs sup-ports supercuspidal et cuspidal respectivement. Ces deux sortes de multisegments secorrespondent bijectivement ; grâce à la classification des représentations cuspidalesen fonction des supercuspidales, on définit une application :

m 7!msc

associant à un multisegment un multisegment supercuspidal. On vérifie (voir le lemme9.8) qu’il existe un unique multisegment apériodique a tel que asc Dmsc ; on le notemap.

La définition de St.�; n/ et la preuve de la proposition 8.9 reposent toutes deuxsur une idée commune donnant lieu à la notion de représentation irréductible résiduel-lement non dégénérée (voir le paragraphe 8.1). Dans le cas où D D F, cette notioncoïncide avec celle de représentation irréductible non dégénérée de GLn.F/ définiepar Vignéras (voir le corollaire 9.12). Grossièrement, il s’agit, par l’intermédiaire desfoncteurs K introduits ci-dessus, de transporter aux représentations de Gm la notion dereprésentation non dégénérée qui existe pour les représentations de GL sur un corpsfini de caractéristique p. Cette idée culmine dans la définition suivante : à tout multi-segment m on fait correspondre un sous-groupe de Levi standard Mm de G (dont lestailles des blocs sont données par les degrés des segments apparaissant dans m) puisune représentation irréductible :

†.m/

de Mm (notée St�m.m/ au paragraphe 9.4) définie comme l’unique sous-quotient ir-

réductible résiduellement non dégénéré du module de Jacquet de Z.�1/�� � ��Z.�r/relatif au sous-groupe parabolique standard Pm de facteur de Levi Mm. Cette induitepossède un unique sous-quotient irréductible :

Z.m/

dont le module de Jacquet relatif à Pm possède un sous-quotient isomorphe à †.m/.L’intérêt d’introduire la représentation †.m/ est qu’il n’est pas difficile de montrerqu’elle ne dépend que de msc, et que l’application m 7!†.m/ est injective sur l’en-semble des multisegments supercuspidaux (voir le paragraphe 9.4.2). Il s’ensuit quela restriction Zsc de m 7! Z.m/ à l’ensemble des multisegments supercuspidaux estinjective (voir le théorème 9.30).

La preuve de la surjectivité de l’application Zsc et le calcul des supports cuspidalet supercuspidal de Z.m/ pour un multisegment m quelconque sont plus difficiles.Nous traitons tous ces problèmes en même temps dans un raisonnement par récur-rence sur le degré de m (voir les propositions 9.32 et 9.34). C’est là que nous utilisons

802 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

de façon cruciale un argument de comptage (voir le lemme 9.33) reposant sur la clas-sification des modules irréductibles sur une algèbre de Hecke affine en une racine del’unité (Ariki [1], [2], Chriss-Ginzburg [11]). De façon précise, cet argument (voirle paragraphe 4.3) permet de conclure que l’application injective (9.16) est bijective.Nous obtenons finalement le théorème de classification (voir le théorème 9.36).

THÉORÈME D

(1) L’application m 7! Z.m/ induit une surjection de l’ensemble des multiseg-ments de degré m sur l’ensemble des représentations irréductibles de Gm.

(2) Étant donnés deux multisegments m;m0, les représentations Z.m/;Z.m0/ sontisomorphes si et seulement si msc D m0sc (ou, de façon équivalente, si map D

m0ap).

(3) Pour tout multisegment m, le support cuspidal de Z.m/ est égal au support demap et son support supercuspidal est égal au support de msc.

Enfin, dans le paragraphe 9.7, nous étudions le problème de la réduction mod` des Q`-représentations irréductibles entières de Gm. Nous prouvons (voir le théo-rème 9.40) que le morphisme de réduction mod ` est surjectif, c’est-à-dire que touteF`-représentation irréductible de Gm est la réduction mod ` d’une Q`-représentationvirtuelle entière de longueur finie.

Nous insistons sur le fait que ce travail fournit une classification des représenta-tions irréductibles de Gm ne reposant pas sur les résultats antérieurs de Zelevinski,Tadic et Vignéras. Par contre, il s’appuie sur la classifications des représentations ir-réductibles modulaires de GLn sur un corps fini de caractéristique p (Dipper–James)et sur la classification des modules irréductibles sur une algèbre de Hecke affine enune racine de l’unité (Ariki, Chriss–Ginzburg).

Dans la section 2, on établit des résultats généraux concernant l’induction parabo-lique dans un groupe réductif p-adique quelconque : on prouve que la semi-simplifiéede l’induite parabolique d’une représentation irréductible d’un sous-groupe de Levi nedépend pas du sous-groupe parabolique choisi (proposition 2.2), et on prouve au pa-ragraphe 2.3 des critères d’irréductibilité et d’unicité d’un quotient irréductible d’uneinduite parabolique.

Les sections 3, 4 et 5 ne contiennent pas de résultat nouveau. Dans la section 3,on résume la théorie des représentations modulaires de GLn sur un corps fini de ca-ractéristique p. Dans la section 4, on résume la classification des modules simples surune R-algèbre de Hecke affine de type A en termes de multisegments apériodiques.Dans la section 5, on résume les résultats et les outils de théorie des types obtenusdans [26] dont nous aurons besoin.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 803

Dans la section 6, on prouve l’unicité du support supercuspidal à inertie près et onclasse les représentations cuspidales de Gm en fonction des représentations supercus-pidales de Gm0 avec m0 divisant m. Dans la section 7, on définit la notion de segmentet on associe à tout segment deux représentations irréductibles dont on étudie les pro-priétés. Dans la section 8, on définit la notion de représentation résiduellement nondégénérée de Gm. Dans la section 9 enfin, on classe les représentations irréductiblesde Gm en termes de multisegments apériodiques et supercuspidaux.

Notations et conventions1. On note N l’ensemble des entiers naturels, Z l’anneau des entiers relatifs et C

le corps des nombres complexes.2. Si X est un ensemble, on note Z.X/ le groupe abélien libre de base X constitué

des applications de X dans Z à support fini et N.X/ le sous-monoïde constitué desapplications à valeurs dans N. Étant donnés f;g 2 Z.X/, on note f � g si g � f 2N.X/, ce qui définit une relation d’ordre partiel sur Z.X/.

3. Dans cet article, F est un corps commutatif localement compact non archimé-dien de caractéristique résiduelle notée p et R est un corps algébriquement clos decaractéristique différente de p.

4. Toutes les F-algèbres sont supposées unitaires et de dimension finie. ParF-algèbre à division on entend F-algèbre centrale dont l’anneau sous-jacent est uncorps, pas nécessairement commutatif. Si K est une extension finie de F, ou une al-gèbre à division sur une extension finie de F, on note OK son anneau d’entiers, pK sonidéal maximal, kK son corps résiduel et qK le cardinal de kK. En particulier, on poseq D qF une fois pour toutes.

5. Une R-représentation lisse d’un groupe topologique G est la donnée d’un R-espace vectoriel V et d’un homomorphisme de G dans AutR.V/ tel que le stabilisateurdans G de tout vecteur de V soit ouvert. Dans cet article, toutes les représentationssont des R-représentations lisses.

Une représentation de G sur un R-espace vectoriel V est admissible si, pour toutsous-groupe ouvert H de G, l’espace VH de ses vecteurs H-invariants est de dimensionfinie.

Un R-caractère de G est un homomorphisme de G dans R� de noyau ouvert.Si � est une R-représentation de G, on désigne par �_ sa contragrédiente. Si en

outre � est un R-caractère de G, on note �� ou �� la représentation tordue g 7!�.g/�.g/.

Si aucune confusion n’est à craindre, on écrira caractère et représentation plutôtque R-caractère et R-représentation.

6. On désigne par RR.G/ la catégorie des R-représentations lisses de G, parIrrR.G/ l’ensemble des classes d’isomorphisme de ses représentations irréductibles

804 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

et par GR.G/ le groupe de Grothendieck de ses représentations de longueur finie. Onomettra souvent R dans les notations.

Si � est une représentation de longueur finie de G, on désigne par Œ�� son imagedans G .G/. En particulier, si � est irréductible, Œ�� désigne sa classe d’isomorphisme.Lorsqu’aucune confusion ne sera possible, il nous arrivera d’identifier une représen-tation avec sa classe d’isomorphisme.

Le Z-module G .G/ s’identifie à Z.Irr.G//, qui est muni d’une relation d’ordrenotée �, tandis que N.Irr.G// est l’ensemble des Œ�� où � décrit les représentationsde longueur finie de G.

1. Préliminaires

1.1. Induction et restriction paraboliquesOn suppose dans tout ce paragraphe que G est le groupe des points sur F d’un grouperéductif connexe défini sur F. On renvoie à [34, II.2] pour plus de précisions. Toutereprésentation irréductible de G est admissible et admet un caractère central d’après[34, II.2.8].

1.1.1On choisit une fois pour toutes une racine carrée de q dans R, notée

pq. Si PDMN

est un sous-groupe parabolique de G muni d’une décomposition de Levi, son moduleıP est un caractère de M de la forme m 7! qvP.m/ où vP est un homomorphisme degroupes de M dans Z. On définit un R-caractère :

m 7! .pq/vP.m/

qui est un caractère non ramifié de M dont le carré est le module de P à valeursdans R�. On note rG

P le foncteur de restriction parabolique normalisé (relativementà ce caractère) de R.G/ dans R.M/ et iG

P son adjoint à droite, c’est-à-dire le fonc-teur d’induction parabolique normalisé qui lui correspond. Ces foncteurs sont exacts,et ils préservent l’admissibilité et le fait d’être de longueur finie (voir [34, II, para-graphes 2.1, 3.8 et 5.13]).

Remarque 1.1Lorsque p est impair, remplacer la racine carrée choisie plus haut par son opposée apour effet de tordre les foncteurs iG

P et rGP par un caractère non ramifié d’ordre 2.

Soit P� le sous-groupe parabolique de G opposé à P relativement à M.

PROPOSITION 1.2Si � et � sont des représentations admissibles de G et de M respectivement, on a un

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 805

isomorphisme de R-espaces vectoriels :

HomG�iG

P�.�/;��'HomM

��;rG

P .�/�

dit de seconde adjonction (voir [34, II.3.8]).

1.1.2On fixe un tore déployé maximal A de G et un sous-groupe parabolique minimal Pde G contenant A. On note respectivement WDW.G;A/ et ˆDˆ.G;A/ le groupede Weyl et l’ensemble des racines réduites de G relativement à A. Le choix de Pdétermine une base S deˆ ainsi qu’un ensembleˆC de racine positives dansˆ. Pourtoute partie I� S, on note PI le sous-groupe parabolique de G contenant P déterminépar I et MI le sous-groupe de Levi contenant A lui correspondant. Pour I; J � S, onpose

D.I; J/DD.MI;MJ/D®w 2W

ˇw�1.I/�ˆC et w.J/�ˆC

¯:

Étant donnée une représentation � de MJ, on a le lemme géométrique de Bernstein etZelevinski : �

rGPI

�iG

PJ.�/��D

Xw2D.I;J/

�i

MI

MI\Pw�1

J

�w � r

MJMJ\PwI

.�/��; (1.1)

qui est une égalité dans le groupe de Grothendieck G .MI/, et où w � désigne la conju-gaison par w. On renvoie à [12, 2.8] pour plus de précisions.

1.1.3Une représentation irréductible de G est cuspidale si son image par rG

P est nulle pourtout sous-groupe parabolique propre P de G, c’est-à-dire si elle n’est isomorphe à au-cun quotient (ou, de façon équivalente, à aucune sous-représentation) d’une induiteparabolique d’une représentation d’un sous-groupe de Levi propre. Elle est supercus-pidale si elle n’est isomorphe à aucun sous-quotient d’une induite parabolique d’unereprésentation irréductible d’un sous-groupe de Levi propre.

On note CR.G/ et SR.G/ les ensembles formés respectivement des classes d’iso-morphisme de représentations irréductibles cuspidales et supercuspidales de G.

1.2. Représentations entièresSoit ` un nombre premier différent de p. On note Q` le corps des nombres `-adiques,Z` son anneau d’entiers et F` le corps résiduel de Z`. On fixe une clôture algébriqueQ` de Q`. On note Z` son anneau d’entiers et F` le corps résiduel de Z`, qui est uneclôture algébrique de F`.

806 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

On suppose, à l’exception du paragraphe 1.2.1 où G est un groupe localementprofini quelconque, que G est le groupe des points sur F d’un groupe réductif connexedéfini sur F.

1.2.1Soit G un groupe topologique localement profini. Une représentation de G sur unQ`-espace vectoriel V est dite entière si elle est admissible et si elle admet une struc-ture entière, c’est-à-dire un sous-Z`-module de V stable par G et engendré par unebase de V sur Q` (voir [34], [37]).

1.2.2On suppose que G est le groupe des points sur F d’un groupe réductif connexe définisur F. Soit � une représentation irréductible entière de G sur un Q`-espace vectorielV. D’après [38, Theorem 1] et [34, II.5.11], on a les propriétés suivantes :

(1) toutes les structures entières de � sont de type fini comme Z`G-modules ;

(2) si v est une structure entière de � , la représentation de G sur v˝ F` est delongueur finie ;

(3) la semi-simplifiée de v˝ F`, qu’on note r`.�/ et qu’on appelle la réductionmodulo ` de � , ne dépend pas du choix de v mais seulement de la classed’isomorphisme de � .

Par linéarité, on en déduit un morphisme de groupes :

r` W GQ`.G/en! G

F`.G/; (1.2)

où GQ`.G/en est le sous-groupe de GQ`

.G/ engendré par les classes d’isomorphisme

de Q`-représentations irréductibles entières de G.

Remarque 1.3Si H est un groupe profini, toute Q`-représentation de dimension finie de H est entière(voir [32, théorème 32]), et on a un morphisme de réduction r` analogue à (1.2).

1.2.3On fixe des racines carrées de q dans Q` et F` de sorte que la seconde soit la réduc-tion modulo ` de la première. Soit PDMU un sous-groupe parabolique de G. Si v estune structure entière d’une Q`-représentation entière Q� de M, le sous-espace iG

P .v/

des fonctions à valeurs dans v est une structure entière de iGP . Q�/ et il y a un isomor-

phisme canonique de F`-représentations de iGP .v/˝F` vers iG

P .v˝F`/. Pour plus deprécisions, voir [34, II.4.14].

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 807

1.2.4Le cas de la restriction parabolique est plus délicat. On suppose dans ce paragrapheuniquement que G est un groupe symplectique, orthogonal, unitaire ou une forme inté-rieure du groupe GLn.F/, n� 1. Soit v une structure entière d’une Q`-représentationentière de longueur finie Q� de G. D’après [12, Proposition 6.7], l’image de v par laprojection de Q� sur rG

P . Q�/ est une structure entière de rGP . Q�/ et on a r`.ŒrG

P . Q�/�/D

ŒrGP .r`. Q�//�.

1.3. Formes intérieures de GLn.F/

1.3.1On fixe une F-algèbre à division D de degré réduit noté d . Pour toutm� 1, on désignepar Mm.D/ la F-algèbre des matrices de taille m � m à coefficients dans D et parGm D GLm.D/ le groupe de ses éléments inversibles. Il est commode de convenirque G0 est le groupe trivial.

1.3.2Soit Nm la norme réduite de Mm.D/ sur F. On note j jF la valeur absolue normali-sée de F, c’est-à-dire celle donnant à une uniformisante de F la valeur q�1. Puisquel’image de q dans R est inversible, elle définit un R-caractère de F� noté j jF;R. L’ap-plication g 7! jNm.g/jF;R est un R-caractère de Gm, qu’on notera simplement �.

1.3.3On note Irr la réunion disjointe des Irr.Gm/,m� 0 et G la somme directe des G .Gm/,m� 0. On identifie G à Z.Irr/. Si � est une représentation de longueur finie de Gm,on pose deg.�/Dm, qu’on appelle le degré de � , et l’application deg fait de G unZ-module gradué.

1.3.4Si ˛ D .m1; : : : ;mr / est une famille d’entiers � 0 de somme m, il lui correspond lesous-groupe de Levi standard M˛ de Gm constitué des matrices diagonales par blocsde tailles m1; : : : ;mr respectivement, que l’on identifie naturellement à Gm1 � � � � �Gmr . On note P˛ le sous-groupe parabolique de Gm de facteur de Levi M˛ formé desmatrices triangulaires supérieures par blocs de tailles m1; : : : ;mr respectivement, eton note N˛ son radical unipotent. Les foncteurs iGm

P˛ et rGmP˛ sont simplement notés

respectivement i ˛ et r˛ . Si pour chaque entier i 2 ¹1; : : : ; rº on a une représentation�i de Gmi , on note

�1 � � � � � �r D i ˛.�1˝ � � � ˝ �r/: (1.3)

808 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

Si �1; : : : ; �r sont de longueur finie, la quantité Œ�1 � � � � � �r � ne dépend que deŒ�1�; : : : ; Œ�r �. L’application�

Œ�1�; : : : ; Œ�r ��7! Œ�1 � � � � � �r �

induit par linéarité une application multilinéaire de G .Gm1/ � � � � � G .Gmr / dansG .Gm/. Ceci fait de G une Z-algèbre associative graduée, dont on verra à la pro-position 2.6 qu’elle est commutative.

On note aussi r�˛ le foncteur de restriction parabolique relativement au sous-groupe parabolique opposé à P˛ relativement à M˛ , c’est-à-dire formé des matricestriangulaires inférieures par blocs de tailles m1; : : : ;mr respectivement.

2. Compléments sur l’induction paraboliqueDans toute cette section, on suppose que G est le groupe des points sur F d’un grouperéductif connexe défini sur F. Au paragraphe 2.2, on suppose que G admet des sous-groupes discrets cocompacts. Au paragraphe 2.4, on suppose que GDGLm.D/ avecm� 1.

2.1. Support cuspidal et équivalence inertielle

2.1.1Une paire cuspidale de G est un couple .M; %/ formé d’un sous-groupe de Levi M deG et d’une représentation irréductible cuspidale % de M. Si � est une représentationirréductible de G, on note

cusp.�/

son support cuspidal, c’est-à-dire la classe de G-conjugaison d’une paire cuspidale.M; %/ de G telle que � soit isomorphe à une sous-représentation de iG

P .%/ pour aumoins un sous-groupe parabolique P de facteur de Levi M. Pour la commodité dulecteur, on fournit ici une preuve de l’unicité du support cuspidal (comparer avec [34,II.2.20]).

THÉORÈME 2.1Soit � une représentation irréductible de G. Il existe une paire cuspidale .M; %/ deG, unique à G-conjugaison près, et un sous-groupe parabolique P de facteur de LeviM, tels que � soit une sous-représentation de iG

P .%/.

DémonstrationSoient .M; %/ et .M0; %0/ deux paires cuspidales de G et P et P0 deux sous-groupesparaboliques de G de facteurs de Levi respectifs M et M0 tels que � soit isomorphe

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 809

à une sous-représentation de iGP .%/ et de iG

P0.%0/. Par adjonction, % est un quotient de

rGP .�/ et, par exactitude du foncteur de Jacquet, % est un facteur de composition irré-

ductible de rGP .i

GP0.%0//. On déduit du lemme géométrique (1.1) que M0 est conjugué

à un sous-groupe de M. De même, on montre que M est conjugué à un sous-groupede M0 et donc que M et M0 appartiennent à la même classe de G-conjugaison, et onpeut les supposer tous les deux standards (relativement au choix d’un tore déployémaximal de G). Dans ce cas, d’après le lemme géométrique à nouveau, rG

P .iGP0.%0//

est composée des w � %0 où w parcourt D.M;M0/. La représentation % étant un sous-quotient irréductible de rG

P .iGP0.%0//, elle est donc isomorphe à unw �%0, ce qui montre

que .M; %/ et .M0; %0/ sont deux paires cuspidales conjuguées.

On a ainsi une application

cusp W Irr.G/!¹classes de G-conjugaison de paires cuspidales de Gº

surjective et à fibres finies.En outre, pour toute représentation irréductible � de G, il existe une paire cus-

pidale .M0; %0/ dans cusp.�/ et un sous-groupe parabolique P0 de facteur de Levi M0

tels que � soit un quotient de iGP0.%0/.

2.1.2Une paire supercuspidale de G est un couple .M; %/ constitué d’un sous-groupe deLevi M de G et d’une représentation irréductible supercuspidale % de M. Si � est unereprésentation irréductible de G, il existe une paire supercuspidale .M; %/ de G telleque � soit un sous-quotient de iG

P .%/ pour un sous-groupe parabolique P de facteurde Levi M, et on conjecture qu’une telle paire est unique à G-conjugaison près (voir[34, II.2.6]). Pour le cas du groupe GLn.F/, lire [35, V.4].

Dans la section 8, nous prouvons cette conjecture lorsque G est une forme inté-rieure de GLn.F/ (voir le théorème 8.16).

2.1.3Soit .M; %/ une paire cuspidale de G. Une paire cuspidale .M0; %0/ de G est dite iner-tiellement équivalente à .M; %/ s’il existe un caractère non ramifié � de M tel que.M0; %0/ soit conjuguée à .M; %�/ sous G. On note ŒM; %�G la classe d’inertie (c’est-à-dire la classe d’équivalence inertielle) de .M; %/. Si est la classe d’inertie d’unepaire cuspidale de G, on note

Irr./ (2.1)

l’ensemble des classes d’isomorphisme de représentations irréductibles de G qui sontdes sous-quotients d’une induite parabolique d’un élément de . On note aussi

810 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

Irr./? D cusp�1./

l’ensemble des classes d’isomorphisme de représentations irréductibles de G dontle support cuspidal appartient à , c’est-à-dire qui sont des quotients d’une induiteparabolique d’un élément de .

2.1.4Un Q`-caractère de G est entier si et seulement s’il est à valeurs dans Z`. UneQ`-représentation irréductible cuspidale de G est entière si et seulement si son ca-ractère central l’est. Si G est comme au paragraphe 1.2.4, une Q`-représentation ir-réductible de G est entière si et seulement si son support cuspidal l’est (c’est uneconséquence des paragraphes 1.2.3 et 1.2.4).

2.2. Sous-quotients irréductibles d’une induite paraboliqueL’objet de ce paragraphe est de prouver le résultat suivant, dont on trouvera une preuveun peu différente chez Dat [13, Lemme 4.13]. Les deux preuves s’appuient sur lapropriété d’irréductibilité générique obtenue dans [12] (voir plus bas) pour un groupeG admettant des sous-groupes discrets cocompacts.

PROPOSITION 2.2On suppose que G possède des sous-groupes discrets cocompacts. Soit � une re-présentation irréductible d’un sous-groupe de Levi M de G et soient P et P0 deuxsous-groupes paraboliques de G de facteur de Levi M. Alors ŒiG

P .�/�D ŒiGP0.�/�.

DémonstrationIl suffit de prouver le résultat lorsque P et P0 sont deux sous-groupes paraboliquesmaximaux opposés par rapport à M. Soit ‰.M/ le groupe des caractères non ramifiésde M. On va prouver que, pour tout � 2‰.M/, on a ŒiG

P .��/�D ŒiGP0.��/�.

D’après [12, Theorem 5.1], il existe un ouvert de Zariski non vide U�‰.M/ telque iG

P .��/ et iGP0.��/ soient irréductibles pour tout � 2U. La représentation �� est

un sous-quotient de rGP0.i

GP .��// et, d’après le lemme géométrique (1.1), les autres

sous-quotients irréductibles apparaissent dans les�iM

M\Pw�1

�w � rM

M\P0w .��/��; w 2D.P0;P/;w¤ 1:

Les caractères centraux de ces autres sous-quotients irréductibles sont donc de laforme

w � .�jZM!�/

où � est un sous-quotient irréductible de rMM\P0w .�/ de caractère central !� et où ZM

est le centre de M. Ainsi, pour � dans un ouvert de Zariski non vide de ‰.M/ qu’on

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 811

peut supposer égal à U, les sous-quotient irréductibles de rGP0.i

GP .��// distincts de

�� ont un caractère central différent de celui de �� . Pour un tel �, la représentation�� est un facteur direct de rG

P0.iGP .��// (sa restriction au centre ZG est bien un facteur

direct, qui est stable sous l’action de G). Par réciprocité de Frobenius, on a un homo-morphisme non trivial de iG

P .��/ dans iGP0.��/. Ces deux dernières représentations

étant irréductibles pour � 2U, on a

iGP .��/' i

GP0.��/ (2.2)

pour tout � 2U.On fixe une famille décroissante .Ki /i�1 de pro-p-sous-groupes ouverts com-

pacts de G formant une base de voisinages de l’élément neutre. Pour i � 1, on poseHi DH.G;Ki /, l’algèbre des fonctions de G dans R qui sont à support compact etbi-invariantes par Ki . Pour tout caractère non ramifié � 2 ‰.M/, on note Vi .�/ etWi .�/ les sous-espaces des vecteurs Ki -invariants de iG

P .��/ et iGP0.��/ respective-

ment. Ce sont des Hi -modules de dimension finie sur R. On va montrer que, pour tout� 2‰.M/, les Hi -modules Vi .�/ et Wi .�/ ont les mêmes facteurs de composition.

D’après (2.2), pour tous � 2U et i � 1, les Hi -modules Vi .�/ et Wi .�/ sontisomorphes. Pour tout � 2U, tout i � 1 et tout f 2Hi , on a donc une égalité despolynômes caractéristiques de f sur Vi .�/ et Wi .�/ :

PcarVi .�/.f /D PcarWi .�/.f /: (2.3)

Les fonctions qui, à chaque caractère � 2 ‰.M/, associent les coefficients des po-lynômes caractéristiques d’un élément f 2Hi dans Vi .�/ et Wi .�/ respectivementsont des fonctions régulières de la variété ‰.M/, car ces coefficients dépendent poly-nômialement des coefficients de la matrice de f . L’identité (2.3), vraie pour � 2U,est donc vraie pour tout � 2‰.M/, tout i � 1 et tout f 2Hi .

LEMME 2.3Soient V et W deux Hi -modules de dimension finie tels que, pour tout f 2Hi , on aitune égalité des polynômes caractéristiques de f sur V et W :

PcarV.f /D PcarW.f /: (2.4)

Alors V et W ont les mêmes facteurs de composition en tant que Hi -modules.

DémonstrationPour chaque Hi -module simple m, on note v.m/ et w.m/ les multiplicités de m dansV et W respectivement, et on suppose qu’il existe un module simple m tel que cesmultiplicités diffèrent. D’après [9, Section 2.2] (voir le corollaire 2 au théorème 1), ilexiste un élément f 2Hi tel que f jm D idm, et tel que f jm0 D 0 pour tout module

812 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

simple m0 non isomorphe à m. D’après (2.4), le scalaire 1 a des multiplicités égalesdans les deux polynômes caractéristiques, c’est-à-dire que v.m/Dw.m/.

Ainsi, pour i � 1 et � 2 ‰.M/, les Hi -modules Vi .�/ et Wi .�/ ont les mêmesfacteurs de composition. Étant donné � 2‰.M/, on fixe un entier i � 1 tel que tousles sous-quotients des représentations iG

P .��/ et iGP0.��/ possèdent des vecteurs Ki -

invariants non nuls. Le foncteur

� 7! �Ki

des Ki -invariants est exact et induit une bijection entre l’ensemble des classes de re-présentations irréductibles de G possédant des vecteurs Ki -invariants non nuls et celuides classes de Hi -modules simples (voir [34, I.6.3]). Il définit donc un isomorphismede groupes entre le sous-groupe Gi de G .G/ engendré par les classes des représenta-tions irréductibles de G possédant des vecteurs Ki -invariants non nuls et le groupe deGrothendieck de la catégorie des modules de longueur finie de Hi .

D’après ce qui précède, on a ŒVi .�/�D ŒWi .�/�, puis ŒiGP .��/�D Œi

GP0.��/� dans

Gi . On en déduit que iGP .��/ et iG

P0.��/ ont les mêmes facteurs de composition, doncla même image dans G .G/.

2.3. Deux lemmes sur l’irréductibilité d’une induite paraboliqueOn suppose encore que G est le groupe des points sur F d’un groupe réductif connexequelconque défini sur F.

LEMME 2.4Soit M un sous-groupe de Levi de G, soit � une représentation irréductible de M etsoit P un sous-groupe parabolique de G de facteur de Levi M. On note P� le sous-groupe parabolique de G opposé à P relativement à M.

(1) Supposons que � apparaît avec multiplicité 1 dans ŒrGP .i

GP .�//�. Alors iG

P .�/

a une seule sous-représentation irréductible ; sa multiplicité dans ŒiGP .�/� est

égale à 1.

(2) Supposons que � apparaît avec multiplicité 1 dans ŒrGP�.i

GP .�//�. Alors iG

P .�/

a un seul quotient irréductible ; sa multiplicité dans ŒiGP .�/� est égale à 1.

DémonstrationSupposons qu’il existe deux sous-représentations irréductibles �1 et �2 de iG

P .�/, etnotons � leur somme directe. Par réciprocité de Frobenius, on trouve que

dimR�HomM

�rG

P .�/; ���D dimR

�HomG

��; iG

P .�/��� 2:

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 813

Par exactitude du foncteur de Jacquet rGP , on a aussi ŒrG

P .�/� � ŒrGP .i

GP .�//�. On

trouve donc que � apparaît avec multiplicité au moins 2 dans la quantité ŒrGP .i

GP .�//�,

ce qui est absurde. La deuxième assertion se prouve de façon analogue en utilisant laseconde adjonction.

LEMME 2.5On suppose que G possède des sous-groupes discrets cocompacts. Soit � une repré-sentation de longueur finie de G. On suppose qu’il y a un sous-groupe parabolique Pde G de facteur de Levi M et une représentation irréductible � de M tels que

(1) � est une sous-représentation de iGP .�/ et un quotient de iG

P�.�/ ;

(2) la multiplicité de � dans ŒrGP .i

GP .�//� est égale à 1.

Alors � est irréductible.

DémonstrationD’après la condition (2) et le lemme 2.4, iG

P .�/ admet une unique sous-représentationirréductible �1. D’après la proposition 2.2, la multiplicité de � dans ŒrG

P .iGP�.�//�

est 1. L’induite iGP�.�/ admet donc un unique quotient irréductible, noté �2. Aussi

�1 est-elle l’unique sous-représentation irréductible de � et �2 son unique quotientirréductible. Or, d’après les deux propriétés d’adjonction du paragraphe 1.1.1, le fac-teur � apparaît à la fois dans rG

P .�1/ et dans rGP .�2/. Puisque la multiplicité de �

dans ŒrGP .i

GP .�//� est égale à 1, sa multiplicité dans ŒrG

P .�/� doit être égale à 1. On adonc �1 D �2, de sorte que � est irréductible.

On utilisera ce lemme dans le cas particulier où � est isomorphe à iGP .�/ et à

iGP�.�/ pour prouver l’irréductibilité d’une induite parabolique.

2.4. Le cas de GLm.D/On se place maintenant dans le cas où GDGLm.D/, qui a des sous-groupes discretscocompacts pour tout m� 1 (voir Borel et Harder [8]).

2.4.1On désigne par C la réunion disjointe des C.Gm/ pour m � 1 (voir les paragraphes1.1.3 et 2.1.1). Étant donné une classe de conjugaison c d’une paire cuspidale de Gm,m � 1, il existe une famille ˛ D .m1; : : : ;mr / d’entiers � 1 de somme m, et, pourchaque i 2 ¹1; : : : ; rº, il existe une représentation cuspidale �i 2 C.Gmi /, de tellesorte que c soit la classe de conjugaison de la paire

.M˛; �1˝ � � � ˝ �r/:

814 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

On identifiera c à la somme Œ�1�C� � �C Œ�r � dans N.C/. On identifiera ainsi l’ensembledes supports cuspidaux (resp. supercuspidaux) des Gm, m� 1, à N.C/ (resp. à N.S/).

2.4.2D’après la proposition 2.2, on a le résultat suivant.

PROPOSITION 2.6La Z-algèbre G est commutative.

Ceci étend les résultats de Zelevinski [39] pour les représentations complexes deGLn.F/, de Tadic [33] pour les représentations complexes de GLm.D/ (voir aussi lapropriété (P1) dans [5, Section 2.2]) et de Vignéras [34] pour les R-représentations deGLn.F/ quand la caractéristique de R est différente de 2 (voir la remarque ci-dessous).

Remarque 2.7La preuve de Vignéras utilise le fait que, pour toute représentation irréductible � deGLn.F/, la représentation g 7! �.tg�1/ est isomorphe à la contragrédiente de � , oùtg désigne la transposée de g 2 GLn.F/. Ceci est un résultat de Gelfand et Kazhdanquand R est le corps des nombres complexes. La preuve, écrite en détail dans [6,Theorem 7.3], utilise le théorème 6.10 de [6] avec n D 2, dont la preuve n’est pasvalable a priori si la caractéristique de R vaut 2. Remarquons que cette preuve nepeut s’étendre telle quelle au cas où D est différente de F car la transposée d’unematrice inversible de Mm.D/ n’est pas toujours inversible.

2.4.3Dans ce paragraphe, on donne une version combinatoire du lemme géométrique deBernstein-Zelevinski du paragraphe 1.1.2 dans le cas particulier où G D Gm (voir[7]).

Soient ˛ D .m1; : : : ;mr / et ˇ D .n1; : : : ; ns/ deux familles d’entiers de sommestoutes deux égales à m � 1. Pour chaque i 2 ¹1; : : : ; rº, soit �i une représentationirréductible de Gmi et notons � le produit tensoriel �1˝ � � �˝�r 2 Irr.M˛/. On noteM˛;ˇ l’ensemble des matrices BD .bi;j / composées d’entiers positifs tels que

sXjD1

bi;j Dmi ; i 2 ¹1; : : : ; rº;

rXiD1

bi;j D nj ; j 2 ¹1; : : : ; sº:

Fixons B 2M˛;ˇ et notons ˛i D .bi;1; : : : ; bi;s/ et ˇj D .b1;j ; : : : ; br;j /, qui sont desfamilles de somme mi et de nj respectivement. Pour chaque i 2 ¹1; : : : ; rº, on écrit

�.k/i D �

.k/i;1 ˝ � � � ˝ �

.k/i;s ; �

.k/i;j 2 Irr.Gbi;j /; k 2 ¹1; : : : ; riº;

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 815

les différents sous-quotients irréductibles de r˛i .�i /. Pour tout j 2 ¹1; : : : ; sº et toutefamille d’entiers .k1; : : : ; kr/ tels que 1� ki � ri , on définit une représentation �j deGnj par

�j D i ˇj .�.k1/1;j ˝ � � � ˝ �

.kr /r;j /:

Alors les représentations

�1˝ � � � ˝ �s; B 2M˛;ˇ ; 1� ki � ri ;

sont les sous-quotients d’une filtration de rˇ .i ˛.�//. Voir Zelevinski [39, Section 1.6],la preuve étant valable pour R algébriquement clos de caractéristique différente de pet pour D quelconque.

La proposition suivante est la combinaison du lemme 2.4 et de [25, Corollaire 2.2]dont la preuve est valable pour un corps algébriquement clos quelconque de caracté-ristique différente de p. On reprend les notations ci-dessus avec s D 2.

PROPOSITION 2.8On suppose que, pour tout i 2 ¹1; : : : ; rº, toute famille d’entiers ˛i de somme mi ettout sous-quotient � .k/i D �

.k/i;1 ˝ �

.k/i;2 de r˛i .�i /, on a

cusp.� .k/i;2 /�Xi<j�r

cusp.�j /:

Alors � apparaît avec multiplicité 1 dans Œr˛.i ˛.�//�. Ainsi i ˛.�/ a une uniquesous-représentation irréductible, dont la multiplicité dans Œi ˛.�/� est égale à 1.

3. Représentations modulaires de GLn sur un corps finiSont réunis dans cette section les résultats de la théorie des représentations modu-laires de GLn sur un corps fini dont nous avons besoin. On fixe un corps fini k decaractéristique p et de cardinal q. La référence principale est l’article de James [22](voir aussi [18], [21]).

3.1. PréliminairesPour m� 1, on pose NGm DGLm.k/, et on note NG0 le groupe trivial. On note Irr l’en-semble des classes d’isomorphisme de représentations irréductibles des NGm, m � 0,et G le Z-module libre de base Irr. On note C et S les sous-ensembles de Irr constituésrespectivement des classes de représentations cuspidales et supercuspidales.

Si ˛ D .m1; : : : ;mr/ est une famille d’entiers � 0 de somme m, il lui corres-pond le sous-groupe de Levi standard NM˛ de NGm constitué des matrices diagonalespar blocs de tailles m1; : : : ;mr respectivement, que l’on identifie naturellement auproduit NGm1 � � � � � NGmr . On note NP˛ le sous-groupe parabolique de NGm de facteur de

816 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

Levi NM˛ formé des matrices triangulaires supérieures par blocs de tailles m1; : : : ;mrrespectivement, et on note NN˛ son radical unipotent. On note i ˛ le foncteur d’induc-tion parabolique de NM˛ dans NGm le long de NP˛ . Si, pour chaque i 2 ¹1; : : : ; rº, on aune représentation �i de NGmi , on notera

�1 � � � � � �r D i ˛.�1˝ � � � ˝ �r/: (3.1)

Si � est une représentation de longueur finie de NGm pour un m � 0, on note Œ�� sonimage dans G et deg.�/Dm son degré. L’application degré et la formule (3.1) font deG une Z-algèbre associative commutative graduée. La commutativité de G se déduitpar exemple de [20], où Howlett et Lehrer prouvent que l’induction parabolique nedépend pas du sous-groupe parabolique quand le facteur de Levi est fixé.

Toute représentation irréductible a un support cuspidal et un support supercuspi-dal, c’est-à-dire qu’on a une application surjective à fibres finies :

cusp W Irr!N.C/

telle que, étant données des représentations irréductibles cuspidales �1; : : : ; �n, on ait

cusp�1�Œ�1�C � � � C Œ�n�

�D ¹classes de quotients irréductibles de �1 � � � � � �nº

et on a une application surjective à fibres finies :

scusp W Irr!N.S/

telle que, étant données des représentations irréductibles supercuspidales �1; : : : ; �n,on ait

scusp�1�Œ�1�C � � � C Œ�n�

�D ¹classes de sous-quotients irréductibles de �1 � � � � � �nº

(voir [34, III.2.5]).

3.2. Représentations non dégénéréesOn rappelle quelques définitions concernant les partitions (voir Macdonald [23, I.1]pour plus de précisions). Une partition d’un entier m� 1 est une suite décroissante :

D .1 � 2 � � � � � r/

d’entiers strictement positifs dont la somme est égale à m. Sa partition conjuguéeest la partition 0 D .01 �

02 � � � � �

0s/ de m où 0j est le nombre d’entiers i 2

¹1; : : : ; rº tels que i � j . Si ;� sont des partitions de m, on écrit � � lorsque

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 817Xi�k

i �Xi�k

�i

pour tout k � 1. On a � � si et seulement si �0 � 0, c’est-à-dire que l’application 7! 0 est décroissante pour �. Pour cette relation, la plus grande partition de m est.m/, tandis que la plus petite est .1; : : : ; 1/.

Si D .1 � 2 � : : : / est une partition d’un entier m et � D .�1 � �2 � : : : /une partition d’un entier n, on note C � la partition .1C �1 � 2 C �2 � : : : / del’entier mC n.

Remarque 3.1On peut penser à une partition comme à un élément de N.N�/.

Soit NGD NGm pour un m� 1. On note NND NN.1;:::;1/ le sous-groupe des matricesunipotentes triangulaires supérieures de NG. On fixe un R-caractère non trivial de k.Pour ce qui suit, on renvoie plus spécifiquement à [34, III.1-2].

Pour toute partition D .1 � 2 � � � � � r/ de m, on note � le caractère deNN défini par

� W u 7! �Xi2J�

ui;iC1

�;

la somme portant sur l’ensemble J� de tous les entiers i 2 ¹1; : : : ;m� 1º qui ne sontde la forme 1C � � � Ck pour aucun k 2 ¹1; : : : ; rº.

Définition 3.2Une représentation � de NG est -dégénérée si Hom NN.�; �/ est non nul.

Si est la partition maximale .m/, le caractère .m/ est non dégénéré et onretrouve la notion classique de modèle de Whittaker par réciprocité de Frobenius. Ondit que � est non dégénérée si elle est .m/-dégénérée. Le résultat suivant est uneconséquence de [34, III.1.10].

PROPOSITION 3.3Soient �1; : : : ; �r des représentations irréductibles. Les conditions suivantes sont équi-valentes :

(1) L’induite �1 � � � � � �r possède un sous-quotient irréductible non dégénéré.

(2) Pour tout 1� i � r , la représentation �i est non dégénérée.

Si elles sont satisfaites, ce sous-quotient irréductible non dégénéré est unique et samultiplicité dans l’induite est 1.

818 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

3.3. Classification de JamesSoient m;n � 1 et soit � une représentation irréductible cuspidale de NGm. On décritdans ce paragraphe la classification par James [22] des représentations irréductiblesde NGmn isomorphes à un sous-quotient de � � � � � � � en fonction des partitions de n.

Soit H D H.�; n/ l’algèbre des endomorphismes de � � � � � � � , qui est unealgèbre de Hecke de type An�1 et de paramètre qm. Cette représentation induiteest presque-projective au sens de Dipper [17] (voir aussi [26, 4.1]). On a ainsi unebijection entre classes de représentations irréductibles isomorphes à un quotient de� � � � � � � et classes de H-modules irréductibles.

Remarque 3.4Si R est de caractéristique non nulle `, et si qm n’est pas congru à 1 modulo `, alors� est une représentation projective (voir [34, III.2.9]).

D’après [22, 6], il existe une unique sous-représentation irréductible de � � � � � �� , notée

z.�;n/; (3.2)

dont le H-module associé soit le caractère trivial de H.

THÉORÈME 3.5 (James [22])Soit D .1 � 2 � � � � � r/ une partition de n.

(1) La représentation z.�;1/ � � � � � z.�;r/ admet un unique sous-quotientirréductible :

z.�;/

dégénéré relativement à la partition m0 D .m01 �m02 � : : : /.

(2) Les sous-quotients irréductibles de l’induite z.�;1/� � � � � z.�;r/ sont dela forme z.�; �/ avec � �, et z.�;/ apparaît dans cette induite avec mul-tiplicité 1.

(3) L’application

7! z.�;/

est une bijection entre partitions de n et classes de représentations irréduc-tibles de NGmn isomorphes à un sous-quotient de � � � � � � � .

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 819

Remarque 3.6

(1) On note e.�/ le plus petit entier k � 1 tel que

1C qmC � � � C qm.k�1/ D 0

dans R. (Si R est de caractéristique nulle, on convient que e.�/DC1.) Alorsz.�;/ est isomorphe à un quotient de � �� � ��� si et seulement si est e.�/-régulière, c’est-à-dire si aucun i n’est répété plus de e.�/ fois, ou encore si0j < e.�/ pour tout j .

(2) Si � est supercuspidale, l’application 7! z.�;/ est une bijection entre par-titions de n et classes de représentations irréductibles de NGmn de support su-percuspidal n � Œ��D Œ��C � � � C Œ��.

La représentation

st.�; n/D z��; .1; : : : ; 1/

�est l’unique sous-quotient non dégénéré de l’induite � � � � � � � , dans laquelle elle estde multiplicité 1. Le résultat suivant fournit une classification de C en fonction de S.

PROPOSITION 3.7On a les propriétés suivantes :

(1) st.�; n/ est cuspidale si et seulement si nD 1 ou nD e.�/`r , avec r � 0.

(2) L’application

.�; r/ 7! str.�/D st��; e.�/`r

�définit une bijection entre S �N et l’ensemble des classes de représentationsirréductibles cuspidales non supercuspidales.

On a le résultat suivant. Voir le paragraphe 1.2 pour la définition de r`.

PROPOSITION 3.8Soit � une F`-représentation irréductible cuspidale de NGm, et soit Q� une Q`-représen-tation cuspidale relevant � (c’est-à-dire que r`. Q�/D � ). Soit n� 1.

(1) On a r`.z. Q�;n//D z.�;n/.

(2) La représentation r`.st. Q�;n// est irréductible si et seulement si n < e.�/.

(3) Il existe une structure entière v de st. Q�;n/ telle que st.�; n/ soit une sous-représentation de v˝ F`.

820 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

DémonstrationD’après [22], les sous-quotients irréductibles de r`.st. Q�;n// sont de la forme z.�;/avec .n/� et z.�;n/ apparaît avec multiplicité 1. Donc r`.st. Q�;n// est irréductible.

Pour les deux autres assertions, voir [34, III.2.8] et [34, III.2.4, Remarque 3].

De façon analogue à (3.2), l’induite � � � � ��� a un unique quotient irréductible :

l.�; n/; (3.3)

dont le H-module associé soit le caractère signe de H.

PROPOSITION 3.9On a l.�; n/D st.�; n/ si et seulement si n < e.�/.

DémonstrationL’une des implications provient du fait que st.�; n/ correspond à un module simple deH si et seulement si la partition .1; : : : ; 1/ est e.�/-régulière, c’est-à-dire si n < e.�/.

Inversement, supposons que n < e.�/. Comme le groupe NG est fini et comme lerésultat est connu quand R est de caractéristique nulle, on peut supposer que RD F`.Soit Q� une Q`-représentation cuspidale relevant � . D’après la proposition 3.8, st.�; n/est la réduction mod ` de st. Q�;n/. Le H. Q�;n/-module correspondant à st. Q�;n/ est leQ`-caractère signe. Par conséquent, le H.�; n/-module correspondant à st.�; n/ est leF`-caractère signe.

4. Représentations modulaires des algèbres de Hecke affinesDans cette section, on a réuni les résultats de la théorie des représentations modulairesdes algèbres de Hecke affines dont nous aurons besoin. Il s’agit de R-algèbres deHecke affines de type A en un paramètre non nul qui peut être une racine de l’unité.Le résultat principal est le théorème 4.8 de classification des modules simples entermes de multisegments apériodiques d’après [1], [3], [11], [30], [39] et [24]. Ondéfinit aussi des caractères (définition 4.1) qui serviront dans la section 7 pour définirles réprésentations irréductibles attachées à un segment.

4.1. L’algèbre de Hecke affineSoient n� 1 et � 2 R�. On note Hn DHR.n; �/ la R-algèbre de Hecke affine engen-drée par les symboles S1; : : : ;Sn�1 et X1; : : : ;Xn et leurs inverses .X1/�1; : : : ; .Xn/�1

avec les relations

.Si C 1/.Si � �/D 0; i 2 ¹1; : : : ; n� 1º; (4.1)

SiSj D SjSi ; ji � j j � 2; (4.2)

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 821

SiSiC1Si D SiC1SiSiC1; i 2 ¹1; : : : ; n� 2º; (4.3)

XiXj D XjXi ; i; j 2 ¹1; : : : ; nº; (4.4)

XjSi D SiXj ; i … ¹j; j � 1º; (4.5)

SiXiSi D �XiC1; i 2 ¹1; : : : ; n� 1º; (4.6)

auxquelles s’ajoutent les relations Xj .Xj /�1 D .Xj /�1Xj D 1 pour j 2 ¹1; : : : ; nº.Compte tenu de ces relations, on peut définir deux familles de caractères de Hn.

Définition 4.1Soient a; b 2 Z tels que a � b, et soit nD b � aC 1.

(1) On note Z.a; b/ le caractère de Hn défini par

Si 7! �; i 2 ¹1; : : : ; n� 1º; Xj 7! �aCj�1; j 2 ¹1; : : : ; nº:

(2) On note L.a; b/ le caractère de Hn défini par

Si 7! �1; i 2 ¹1; : : : ; n� 1º; Xj 7! �b�jC1; j 2 ¹1; : : : ; nº:

Soit ˛D .n1; : : : ; nr/ une famille d’entiers � 1 de somme n. Notons H˛ la sous-algèbre de Hn engendrée par les Xi et leurs inverses et les Si avec i différent den1 C � � � C nk pour tout k 2 ¹1; : : : ; rº. Elle est canoniquement isomorphe à Hn1 ˝

� � � ˝Hnr .

Exemple 4.2Dans le cas où ˛ D .1; : : : ; 1/, la sous-algèbre H.1;:::;1/ est commutative et égale àRŒX˙11 ; : : : ;X˙1n �. On note

I.a; b/ (4.7)

le Hn-module des H.1;:::;1/-homomorphismes de Hn dans la restriction de Z.a; b/ àH.1;:::;1/. Les caractères Z.a; b/, L.a; b/ apparaissent respectivement comme sous-module et quotient de I.a; b/, tous deux avec multiplicité 1.

On noteZn D ZR.n; �/ le centre deHn. C’est la sous-algèbre de RŒX˙11 ; : : : ;X˙1n �

constituée des éléments invariants sous l’action du groupe symétrique Sn sur les Xi .

Définition 4.3Le caractère central d’un Hn-module irréductible est le caractère de Zn par lequelcelui-ci agit sur ce module.

822 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

Le caractère central d’un Hn-module irréductible est caractérisé par n scalairesnon nuls et non ordonnés, c’est-à-dire par un multi-ensemble de longueur n dansN.R�/. On a une application

cent W Irr.Hn/!N.R�/

surjective et à fibres finies, associant à un Hn-module irréductible son caractère cen-tral.

Le caractère central joue pour les modules un rôle analogue à celui du sup-port cuspidal pour les représentations. Pour un „ 2 N.R�/ de longueur n, on noteIrr.Hn;„/ l’ensemble des classes d’isomorphisme de Hn-modules irréductibles decaractère central „.

THÉORÈME 4.4Soit r � 1 un entier et soient z1; : : : ; zr 2 R� tels que zi=zj … �Z pour tous i ¤ j .Pour chaque i , soit ni � 1 un entier et soit „i 2 N.zi�Z/. On note „ la somme des„i , qu’on suppose de longueur n, et on pose ˛D .n1; : : : ; nr/.

(1) Pour chaque i , soit mi 2 Irr.Hni ;„i /. Alors HomH˛.Hn;m1˝ � � � ˝mr/ est

un Hn-module irréductible de caractère central „.

(2) L’application ainsi définie

Irr.Hn1 ;„1/� � � � � Irr.Hnr ;„r/! Irr.Hn;„/

est bijective.

DémonstrationLa méthode de Rogawski [30, 4.1] est encore valable ici.

4.2. L’algèbre de Hecke-IwahoriOn rappelle que q désigne le cardinal du corps résiduel de F ; on note � son image dansR. Soit n � 1 un entier et soit I le sous-groupe d’Iwahori standard de GD GLn.F/.On note e1; : : : ; en les vecteurs de la base canonique du F-espace vectoriel Fn.

Pour i 2 ¹1; : : : ; n � 1º, on note si la matrice de permutation transposant ei eteiC1 et laissant invariants les autres vecteurs de la base, et on note Si la fonctioncaractéristique de Isi I.

Pour j 2 ¹0; : : : ; nº, on note tj la matrice diagonale de G agissant par ek 7!$ekpour chaque k 2 ¹1; : : : ; j º et laissant invariants les autres vecteurs de la base, et Tjla fonction caractéristique de Itj I, qui est inversible. Pour tout j 2 ¹1; : : : ; nº, on pose

Xj D ��jC.nC1/=2Tj�1.Tj /

�1:

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 823

Alors les éléments S1; : : : ;Sn�1 et X1; : : : ;Xn et leurs inverses .X1/�1; : : : ; .Xn/�1

engendrent l’algèbre HR.G; I/ des fonctions de G dans R à support compact et bi-invariantes par I, avec les relations (4.1) à (4.6) ci-dessus. On a ainsi un isomorphisme

‡ WHR.G; I/!HR.n; �/DHn

de R-algèbres.

Remarque 4.5La description par générateurs et relations ci-dessus se déduit de celle donnée dans[29] en appliquant l’involution [ de HR.G; I/ définie par

S[i D Sn�i ; i 2 ¹1; : : : ; n� 1º; X[j DX�1nC1�j ; j 2 ¹1; : : : ; nº:

Soit ˛ D .n1; : : : ; nr/ une famille d’entiers � 1 de somme égale à n. L’inter-section I \M˛ est le sous-groupe d’Iwahori standard du sous-groupe de Levi M˛ .L’algèbre HR.M˛; I\M˛/ a des générateurs

Si;j ; Xi;k; .Xi;k/�1; i 2 ¹1; : : : ; rº; j 2 ¹1; : : : ; ni � 1º; k 2 ¹1; : : : ; niº;

et on a un isomorphisme de R-algèbres :

‡˛ WHR.M˛; I\M˛/!HR.n1; �/˝ � � � ˝HR.nr ; �/DH˛:

Il existe un unique morphisme de R-algèbres j˛ de HR.M˛; I\M˛/ dans HR.G; I/tel que

j˛.Si;j /D Sn1C���Cni�1Cj ; j˛.Xi;k/DXn1C���Cni�1Ck ;

pour i 2 ¹1; : : : ; rº, j 2 ¹1; : : : ; ni � 1º, k 2 ¹1; : : : ; niº, et le morphisme composé‡ ı j˛ est égal à ‡˛ .

4.3. Classification des modules irréductiblesRappelons que � désigne l’image de q dans R. Si R est de caractéristique non nulle,on note e le plus petit entier � 1 tel que

1C � C � � � C �e�1 D 0

dans R. Sinon, on pose eDC1.

Définition 4.6

(1) Un segment est une suite finie de la forme

Œa; b�D .�a; �aC1; : : : ; �b/

où a; b 2 Z sont des entiers tels que a � b.

824 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

(2) Un multisegment est un multi-ensemble de segments.

Si m est fini, un multisegment est dit apériodique s’il ne contient aucun multi-segment de la forme

Œa; b�C ŒaC 1; bC 1�C � � � C ŒaC e � 1; bC e � 1�:

Si e D C1, on convient que tout multisegment est apériodique. Désignons par ‰l’ensemble des multisegments apériodiques. Étant donné un multisegment apério-dique

D Œa1; b1�C � � � C Œar ; br � 2‰;

on note supp. / la somme formelle des Œ�j � pour i 2 ¹1; : : : ; rº et j 2 ¹ai ; : : : ; biº,qu’on appelle le support de . Étant donné„ 2N.�Z/, on note ‰.„/ l’ensemble desmultisegments apériodiques de support „.

Remarque 4.7On suppose que R est de caractéristique ` non nulle et que � vaut 1. Un multisegments’identifie à une partition et ‰ à l’ensemble des partitions `-régulières.

Le théorème suivant donne la classification des Hn-modules irréductibles entermes de multisegments apériodiques.

THÉORÈME 4.8Il existe une bijection

7!Z

entre les multisegments apériodiques de longueur n et les classes d’isomorphismede Hn-modules irréductibles à caractère central dans N.�Z/ telle que le caractèrecentral de Z soit supp. /.

DémonstrationSi R est de caractéristique 0, le résultat est une conséquence de la classification deZelevinski [39] (voir aussi Rogawski [30]).

Si R est de caractéristique ` non nulle et si � ¤ 1, il est dû à Ariki et Mathas [3,Theorem B] et s’appuie sur [1] et les travaux de Chriss et Ginzburg [11].

Si R est de caractéristique ` non nulle et si � D 1, alors ‰ est (remarque 4.7)l’ensemble des partitions `-régulières. D’après Mathas [24, Theorem 3.7], il existeune bijection entre partitions `-régulières de n et classes de H-modules irréductibles

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 825

de caractère central Œ1� C � � � C Œ1� D n � Œ1�. (Mathas utilise la notion de partition`-restreinte ; on se ramène à celle de partition `-régulière par conjugaison.)

On en tire le corollaire suivant.

COROLLAIRE 4.9Pour „ 2 N.�Z/ de longueur n, les ensembles finis ‰.„/ et Irr.Hn;„/ ont le mêmecardinal.

5. Rappels sur les représentations cuspidalesDans cette section, on rappelle certains résultats obtenus dans [26] dont nous auronsbesoin par la suite. Dans le paragraphe 5.1, on rappelle un peu du vocabulaire dela théorie des types qui nous sera nécessaire. Dans le paragraphe 5.2, on rappelle ladéfinition de certains invariants associés à une représentation irréductible cuspidale.Dans le paragraphe 5.3, on rappelle les principales propriétés du foncteur K défini etétudié dans [26, Section 5].

5.1. Types simples maximauxSoientm� 1 un entier et GDGm. Dans [26], nous prouvons que toute représentationirréductible cuspidale de G s’obtient par induction compacte d’une représentation ir-réductible d’un sous-groupe ouvert compact modulo le centre de G (ibid., théorème3.11). Plus précisément, nous construisons une famille de paires .J; �/ formées d’unsous-groupe ouvert compact J de G et d’une représentation irréductible � de J possé-dant les propriétés suivantes :

(1) pour toute représentation irréductible cuspidale � de G, il existe une paire.J; �/, unique à conjugaison près, telle que la restriction de � à J ait une sous-représentation isomorphe à � ;

(2) deux représentations irréductibles cuspidales de G contiennent une même paire.J; �/ si et seulement si elles sont inertiellement équivalentes ;

(3) étant données une représentation irréductible cuspidale � de G et une paire.J; �/ contenue dans �, il existe une unique représentation irréductible pro-longeant � à son normalisateur dont l’induite compacte à G soit isomorpheà �.

De telles paires sont appelées des types simples maximaux de G. Leur constructionest technique et implique de nombreux paramètres. Nous renvoyons à [26] pour unexposé détaillé, que nous résumons ci-dessous. Étant donné un type simple maximal.J; �/ de G, il lui correspond

(1) des sous-groupes ouverts distingués H1 � J1 de J ;

826 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

(2) un caractère de H1, appelé caractère simple ;

(3) une extension finie E de F contenue dans Mm.D/ ;

(4) un entier m0 � 1 et une extension finie k de kE.

Ces objets possèdent les propriétés suivantes :

(1) le centralisateur de E dans J est un sous-groupe compact maximal du centrali-sateur de E dans G ;

(2) le quotient J=J1 est isomorphe au groupe GLm0.k/ ;

(3) la représentation � se décompose sous la forme �˝� , où � est une représenta-tion irréductible de J triviale sur J1 s’identifiant à une représentation cuspidalede GLm0.k/, et où � est une représentation irréductible de J dont la restric-tion à J1 est l’unique représentation irréductible de J1 dont la restriction à H1

contient .

(4) la représentation � n’est pas unique — elle ne l’est qu’à torsion près par uncaractère de J trivial sur J1 — mais elle peut être choisie de façon à avoir lemême ensemble d’entrelacement que dans G, auquel cas on dit que c’estune ˇ-extension de .

5.2. Invariants associés à une représentation cuspidaleDans [26], on associe à toute représentation irréductible cuspidale � de G un caractèrenon ramifié �� de G et des entiers n.�/; f .�/; q.�/; o.�/; b.�/; s.�/ (ibid., 3:4; 4:5)qui ne dépendent que de la classe d’inertie de �. Rappelons que

n.�/D nombre de � WG! R� non ramifiés tels que ��' �; (5.1)

f .�/Dmd=e.E=F/; e.E=F/D indice de ramification de E=F; (5.2)

q.�/D qf .�/ D cardinal d’une extension de degré m0 de k; (5.3)

o.�/D ordre (éventuellement infini) de q.�/ dans R�: (5.4)

Puis, si .J; � ˝ �/ est un type simple maximal de G contenu dans �, alors

b.�/D cardinal de la Gal.k=kE/-orbite de �; (5.5)

s.�/D ordre du stabilisateur de � dans Gal.k=kE/; (5.6)

�� D �s.�/: (5.7)

Rappelons (voir [26, 4.5]) la propriété importante suivante du caractère non rami-fié ��.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 827

PROPOSITION 5.1Soit �0 une représentation irréductible cuspidale de Gm0 ,m0 � 1. Alors l’induite ���0

est réductible si et seulement si m0 Dm et �0 est isomorphe à ��� ou ���1� .

On pose maintenant

Z� D®Œ��i��

ˇi 2 Z

¯: (5.8)

Si R est de caractéristique ` non nulle, on note

e.�/ (5.9)

le plus petit k � 1 tel que 1C q.�/C � � � C q.�/k�1 soit congru à 0 modulo `. Il vaut` si o.�/D 1, et il vaut o.�/ sinon. Si R est de caractéristique nulle, on convient quee.�/D o.�/DC1.

Remarque 5.2L’entier e.�/ est égal à l’entier e.�/ défini à la remarque 3.6.

On a la propriété importante suivante.

LEMME 5.3 ([26, Lemme 4.45])On a o.�/D card.Z�/.

Enfin, on associe à � une endo-classe

‚�

qui est l’endo-classe commune aux caractères simples contenus dans �. Ce processusest décrit dans [10, 9.2] pour les représentations complexes et fonctionne de façonsimilaire pour les représentations modulaires.

Notons indGJ .�/ l’induite compacte de � à G.

PROPOSITION 5.4Pour tout n� 1, il y a un isomorphisme de R-algèbres

‰�;n WHR�n; q.�/

�! EndG

�indG

J .�/� � � � � indGJ .�/

�(5.10)

où indGJ .�/ est répété n fois.

DémonstrationVoir le paragraphe 4.2 et [26, Proposition 4.30].

828 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

Remarque 5.5Ces deux algèbres ne dépendent que de la classe d’inertie de �, mais ce n’est pas vraide l’isomorphisme ‰�;n entre les deux, qui dépend de �.

Remarque 5.6Soit J] le normalisateur de J dans G. D’après [26, 3.1], il existe une unique représenta-tion �] de J] prolongeant � et dont l’induite à G soit isomorphe à �. Alors ‰�;1 estl’isomorphisme de RŒX;X�1� dans EndG.indG

J .�// tel que ‰�;1.X/ correspond parréciprocité de Frobenius au J-homomorphisme f de � dans l’induite de � à G définipar

f .v/.g/D

´�].g/v si g 2 J];

0 sinon;

pour v dans l’espace de � et pour g 2G. Pour n� 1, l’isomorphisme ‰�;n est carac-térisé par une condition de compatibilité à l’induction (voir [26, 4.4]).

Dorénavant, les deux algèbres de (5.10) seront identifiées. Pour tout entier n� 1,on note�;n la classe inertielle de n � Œ��D Œ��C� � �C Œ��. On rappelle que Irr.�;n/?

est l’ensemble des classes de représentations irréductibles dont le support cuspidal estdans �;n.

PROPOSITION 5.7 ([26, Section 4.4])On a une bijection

��;n W Irr.�;n/?!

®classes d’isomorphisme de H

�n; q.�/

�-modules simples

¯:

Fixons une extension finie F0=F comme dans [26, 4.4]. En particulier, son corpsrésiduel est de cardinal q.�/. Si l’on applique ce qui précède au caractère trivial deF0�, on obtient pour tout entier n� 1 une bijection �1F0� ;n

entre Irr.1F0� ;n/? et l’en-

semble des classes d’isomorphisme de H.n; q.�//-modules simples. La composée

ˆ�;n D ��11F0� ;n

ı ��;n W Irr.�;n/?! Irr.1F0� ;n

/? (5.11)

est une bijection entre les ensembles Irr.�;n/? et Irr.1F0� ;n

/? compatible au sup-port cuspidal d’après [26, Proposition 4.36].

THÉORÈME 5.8 ([26, Théorème 4.16])Soient r � 1 un entier et �1; : : : ; �r des représentations irréductibles cuspidales deuxà deux non inertiellement équivalentes. Pour chaque entier i 2 ¹1; : : : ; rº, on fixe unsupport cuspidal si formé de représentations inertiellement équivalentes à �i .

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 829

(1) Pour chaque entier i , soit �i une représentation irréductible de support cus-pidal si . Alors l’induite �1 � � � � � �r est irréductible.

(2) Soit � une représentation irréductible de support cuspidal s1C� � �C sr . Alorsil existe des représentations �1; : : : ; �r , uniques à isomorphisme près, tellesque �i soit de support cuspidal si pour chaque i et telles que �1 � � � � � �rsoit isomorphe à � .

Le résultat suivant affine le théorème 5.8. Soient m;m0 � 1 des entiers.

PROPOSITION 5.9Soient � et �0 des représentations irréductibles cuspidales, respectivement de Gm etGm0 . On suppose que Z� ¤ Z�0 . Soient � et � 0 des représentations irréductibles tellesque cusp.�/ 2N.Z�/ et cusp.� 0/ 2N.Z�0/. Alors l’induite � � � 0 est irréductible.

DémonstrationD’après le théorème 5.8, il suffit de traiter le cas où � et �0 sont inertiellement équi-valentes. La méthode est la même que celle de la preuve de [26, Proposition 4.40].Compte tenu de [26, Propositions 4.13 et 4.19], on se ramène à un problème d’irré-ductibilité d’un module induit sur une algèbre de Hecke affine. Le résultat est alorsune conséquence du théorème 4.4.

5.3. Le foncteur KD’après le paragraphe 5.1, on a des sous-groupes ouverts compacts J � J1 de G, eton pose NGD J=J1, qu’on identifie à GLm0.k/. On note ‚ l’endo-classe associée à �.Dans [26, Section 5], on définit un foncteur

KDK� WR.G/!R. NG/ (5.12)

défini par � 7!HomJ1.�;�/ et possédant les propriétés suivantes :

(1) il est exact ;

(2) il envoie représentations admissibles sur représentations de dimension finie ;

(3) étant données des représentations irréductibles cuspidales �1; : : : ; �r d’endo-classe ‚ et dont la somme des degré vaut m, alors on a K.�/¤ 0 pour toutsous-quotient irréductible � de l’induite �1 � � � � � �r .

Exemple 5.10Si � est de niveau 0 et si � est le caractère trivial de GLm.OD/, alors K est le foncteurassociant à toute représentation de G la représentation de NGDGLm.kD/ sur l’espacede ses invariants sous 1CMm.pD/.

830 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

On a la formule très utile suivante. Soit .J; � ˝ �/ un type simple maximalcontenu dans �. On renvoie à (5.5) pour la définition de l’entier b.�/.

PROPOSITION 5.11 ([26, Lemme 5.3])On a un isomorphisme de représentations de NG :

K.�/' � ˚ �� ˚ � � � ˚ ��b.�/�1

où � est un générateur de Gal.k=kE/.

On en tire la formule plus générale suivante. Soient �1; : : : ; �r des représentationsirréduc tibles cuspidales d’endo-classe ‚ et dont la somme des degré m1C � � � Cmrvaut m. Pour chaque i , il y a un type simple maximal .Ji ; �i ˝ �i / contenu dans�i , où �i est une ˇ-extension compatible à � (voir [26, 5.3] pour cette notion decompatibilité).

PROPOSITION 5.12 ([26, Corollaire 5.14])On a

K.�1 � � � � � �r/'M

.i1;:::;ir /

��i1

1 � � � � � ��ir

r ;

où � est un générateur de Gal.k=kE/ et où chaque ij décrit ¹0; : : : ; b.�j /� 1º.

En procédant comme dans [26, Remarque 5.17], on associe à tout entier n� 1 uneˇ-extension �n définie sur un sous-groupe ouvert compact Jn de Gmn et un foncteur

Kn WR.Gmn/!R. NGm0n/ (5.13)

défini par � 7!HomJ1n.�n; �/, où Jn=J1n est identifié à NGm0n. Pour nD 1, on retrouve

(5.12). Si ˛D .n1; : : : ; nr/ est une famille d’entiers� 1 de somme n, on a un foncteur

K˛ WR.M.mn1;:::;mnr //!R. NM.m0n1;:::;m0nr //

défini par � 7! HomJ1n1�����J1nr.�n1 ˝ � � � ˝ �nr ; �/. Par [26, Propositions 5.8, 5.9 et

5.16] et la proposition 5.11 ci-dessus, on a les propriétés suivantes.

PROPOSITION 5.13

(1) Pour chaque i 2 ¹1; : : : ; rº, soit �i une représentation irréductible de Gmni .Alors on a Kn.�1 � � � � � �r/'Kn1.�1/� � � � �Knr .�r/.

(2) En particulier, on a

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 831

Kn.��1 � � � � � ��n/'M

.i1;:::;ir /

��i1� � � � � ��

in(5.14)

où � est un générateur de Gal.k=kE/ et où chaque ij décrit ¹0; : : : ; b.�/� 1º.

(3) Si �1; : : : ; �n sont des caractères non ramifiés de G, alors Kn.�/ est non nulpour tout sous-quotient irréductible � de ��1 � � � � � ��n.

(4) Si � est une représentation de Gmn, on a

Kn.�/NN.m0n1;:::;m0nr / 'K˛

�r.mn1;:::;mnr /.�/

�en tant que représentations de NM.m0n1;:::;m0nr /.

5.4. Relèvement des représentations supercuspidalesRappelons une propriété importante de relèvement des F`-représentations supercus-pidales (voir [26, paragraphes 2.11 et 3.6]).

THÉORÈME 5.14Soit � une F`-représentation irréductible supercuspidale contenant un F`-type simplemaximal .J; �/. Supposons que � est de la forme � ˝ � avec � supercuspidale. Alorsil y a une Q`-représentation irréductible cuspidale entière Q� de Gm et un Q`-typesimple maximal .J; Q�/ tels que

(1) Q� contient le type simple maximal .J; Q�/ ;

(2) la réduction modulo ` de Q� est égale à � et la réduction modulo ` de Q� estégale à �.

Remarque 5.15On verra plus loin (théorème 6.11) que l’hypothèse sur � est superflue.

6. Classification des représentations cuspidales par les supercuspidalesDans cette section, on établit la classification des représentations irréductibles cus-pidales en fonction des supercuspidales (paragraphe 6.1). On en déduit l’unicité dusupport supercuspidal à inertie près (paragraphe 6.2).

6.1. Classification des représentations cuspidales par les supercuspidalesDans ce paragraphe, on suppose que R est de caractéristique ` non nulle. Soientm;n � 1 des entiers et � une représentation irréductible cuspidale de GD Gm. Soit.J; � ˝ �/ un type simple maximal contenu dans �.

LEMME 6.1Si � est supercuspidale, alors � est supercuspidale.

832 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

DémonstrationSupposons que � n’est pas supercuspidale. Il y a des représentations irréductiblessupercuspidales �1; : : : ; �r , avec �i de degrémi � 1 pour chaque i 2 ¹1; : : : ; rº, tellesque � soit un sous-quotient irréductible de �1 � � � � � �r . D’après le théorème 5.8 etcomme � est cuspidale, �1; : : : ; �r sont inertiellement équivalentes. En outre, l’endo-classe commune aux �i est égale à celle de � d’après [26, Proposition 5.6]. Selon lespropositions 5.11 et 5.12 dont on reprend les notations, il y a des entiers i1; : : : ; ir telsque � soit un sous-quotient de

��i1

1 � � � � � ��ir

r :

Par conséquent, � n’est pas supercuspidale.

Remarque 6.2Réciproquement, si � n’est pas supercuspidale, il existe des représentations irréduc-tibles supercuspidales �1; : : : ; �r telles que � soit un sous-quotient de �1 � � � � � �r .Pour chaque i 2 ¹1; : : : ; rº, on peut construire à partir de � et de �i un type simplemaximal .Ji ; �i / de Gmi pour un entier mi � 1 convenable, de telle sorte que � soitun sous-quotient de :

indGm1J1

.�1/� � � � � indGmrJ1

.�r/' i ˛�indM

JM.�M/

�avec ˛ D .m1; : : : ;mr /, MDM˛ et .JM; �M/D .J1 � � � � � Jr ; �1 ˝ � � � ˝ �r/. À cestade, pour prouver que � est supercuspidale, il nous faudrait un résultat analogue à[15, Corollaire B.1.3]. Nous procédons différemment ici (voir le lemme 6.8). L’ana-logue à [15, Corollaire B.1.3] est traité dans un travail en cours du second auteur avecS. Stevens.

Formons le foncteur Kn comme en (5.13). On rappelle (voir le paragraphe 3.3)que � � � � � � � (n fois) possède un unique sous-quotient irréductible non dégénérést.�; n/, apparaissant avec multiplicité 1. Compte tenu de (5.14), ceci justifie la défi-nition suivante.

Définition 6.3Pour tout entier n� 1, l’induite

� � ��� � � � � � ��n�1�

possède un unique sous-quotient irréductible � tel que Kn.�/ admette le facteurst.�; n/ comme sous-quotient. On le note St.�; n/, et il apparaît dans cette induiteavec multiplicité 1.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 833

On renvoie à (5.9) pour la définition de l’entier e.�/ associé à �.

PROPOSITION 6.4La représentation St.�; n/ est cuspidale si, et seulement si, n D 1 ou s’il existe unentier r � 0 tel que nD e.�/`r .

DémonstrationOn suppose dans un premier temps que St.�; n/ est cuspidale. C’est l’unique sous-quotient irréductible de � � ��� � � � � � ��

n�1� tel que�

st.�; n/���Kn�St.�; n/

��:

Par hypothèse de cuspidalité et d’après la proposition 5.11, le membre de droiteest une somme de représentations irréductibles cuspidales de GLm0n.k/. On en dé-duit que st.�; n/ est cuspidale, ce qui implique, d’après la proposition 3.7, que nD1 ou qu’il existe un entier r � 0 tel que n D e.�/`r . La remarque 5.2 permet deconclure.

Inversement, on suppose qu’il existe r � 0 tel que nD e.�/`r , et on va montrerque St.�; n/ est cuspidale. En premier lieu, on remarque que st.�; n/ est cuspidaled’après la proposition 3.7 et la remarque 5.2. On a la propriété suivante, qui nous serautile par la suite.

LEMME 6.5Étant donnés z 2 R� et � 2 Irr, on note �z la représentation � tordue par le caractèrenon ramifié valant z en un élément dont la norme réduite est de valuation 1. Alors,pour tout z 2 R�, on a St.�z; n/D St.�; n/z .

La suite de la preuve se fait en deux étapes.

LEMME 6.6Supposons que � est supercuspidale. Alors St.�; n/ est cuspidale.

DémonstrationD’après le lemme 6.1, � est supercuspidale. Quitte à tordre � par un caractère nonramifié, on peut supposer que son caractère central est à valeurs dans F`, ce qui estjustifié par le lemme 6.5. Dans ce cas, � est définie sur F`, et il suffit de prouver lerésultat lorsque R est le corps F`, ce qu’on suppose.

D’après le théorème 5.14, on relève � en une Q`-représentation irréductible cus-pidale entière Q� en même temps qu’on relève .J; � ˝ �/ en un type simple maximal.J; Q� ˝ Q�/ contenu dans Q�. Il correspond à ce relèvement (voir le paragraphe 5.3) une

834 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

ˇ-extension Q�n et un foncteur

QKn WRQ`.Gmn/!RQ`

. NGm0n/:

Alors st. Q�;n/ est un sous-quotient de QKn.St. Q�;n//. Comme il s’agit de représenta-tions d’un groupe fini sur un corps de caractéristique 0, il y a une sous-représentationQ! telle que QKn.St. Q�;n// soit la somme directe de st. Q�;n/ et Q!. D’après la proposi-tion 3.8, il existe une structure entière l1 de st. Q�;n/ telle que st.�; n/ soit une sous-représentation de l1 ˝ F`. On choisit une structure entière quelconque l2 de Q!, eton pose lD l1 ˚ l2, qui est une structure entière de QKn.St. Q�;n//. Comme dans [34,III.5.13], on prouve le résultat suivant.

LEMME 6.7Soit kn une structure entière de Q�n. Il existe une structure entière v de St. Q�;n/ telleque HomJ1n

.kn;v/D l.

Par exactitude, on en déduit l’isomorphisme

Kn.v˝ F`/' l˝ F`

entre F`-représentations dont st.�; n/ est une sous-représentation. Il existe donc unsous-quotient irréductible � de v˝ F` tel que st.�; n/ soit une sous-représentationde Kn.�/, et il est cuspidal car c’est une représentation irréductible contenant le typesimple maximal �n˝ st.�; n/. Par la propriété d’unicité de St.�; n/, on déduit de cecique � est isomorphe à St.�; n/.

LEMME 6.8Supposons que � n’est pas supercuspidale. Alors � n’est pas supercuspidale et St.�; n/est cuspidale.

DémonstrationD’après la proposition 3.7, il y a un t � 2 divisantm0 et une représentation irréductiblesupercuspidale �0 de GLm0=t .k/ tels que � soit isomorphe à st.�0; t / et tels qu’on aitt D e.�0/`

s pour un certain s � 0.Si .J0; �0/ est un type simple maximal de Gm=t de la forme �0 ˝ �0, où �0

est une ˇ-extension d’un transfert (voir [26, 2.2]) du caractère simple contenudans �, alors il lui correspond par le procédé décrit dans [31, 5.2] (voir plus préci-sément la proposition 5.4) un type simple .J0; �0 ˝ � 0/ de G, où � 0 est une repré-sentation définie par inflation à partir du produit tensoriel �˝t0 et où �0 est une ˇ-extension d’un transfert de dans G. Choisissons �0 de telle façon que la ˇ-extension

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 835

�0 ainsi obtenue soit le transfert de la ˇ-extension � au sens de [26, Proposition2.3].

Soit �0 une représentation irréductible de Gm=t contenant le type simple maxi-mal �0 ˝ �0. Comme �0 est supercuspidale, le lemme 6.1 implique que �0 est su-percuspidale et le lemme 6.6 implique que St.�0; t / est cuspidale. Quitte à tordre �0par un caractère non ramifié de Gm=t , on peut donc supposer que � et St.�0; t / sontisomorphes (voir le lemme 6.5). Ceci prouve en particulier que � n’est pas supercus-pidale.

LEMME 6.9Les représentations St.�; n/ et St.�0; tn/ sont isomorphes.

DémonstrationD’abord, ce sont toutes deux des facteurs irréductibles de

�0 � �0��0 � � � � � �0�tn�1�0

:

Ensuite st.st.�0; t /; n/D st.�0; tn/ est un sous-quotient de Kn.St.�; n//, ce qui prouvele résultat attendu.

Comme e.�/D `, on a tn D e.�0/`sCrC1 et le lemme 6.6 appliqué à �0 et tnimplique que la représentation St.�; n/ est cuspidale.

Ceci met fin à la démonstration de la proposition 6.4.

Si l’on récapitule les lemmes 6.1 et 6.8, on a prouvé au passage le résultat suivant.

PROPOSITION 6.10Soit � une représentation irréductible cuspidale et soit .J; �˝�/ un type simple maxi-mal contenu dans �. Alors � est supercuspidale si et seulement si � est supercuspidale.

Ceci permet de simplifier la formulation du théorème 5.14.

THÉORÈME 6.11Soit � une F`-représentation irréductible supercuspidale de Gm, m � 1. Alors il y aune Q`-représentation irréductible cuspidale entière Q� de Gm telle que la réductionmodulo ` de Q� soit égale à �.

Les constructions de types simples maximaux effectuées dans la preuve de laproposition 6.4 permettent d’obtenir le corollaire suivant.

836 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

COROLLAIRE 6.12Soient � une représentation irréductible cuspidale et r � 0 un entier. On pose �r DSt.�; e.�/`r/. On a

n.�r/D n.�/o.�/; b.�r/D b.�/; s.�r/D s.�/;

f .�r/D f .�/e.�/`r ; e.�r/D `:

DémonstrationD’après le paragraphe 3.3, st.�; n/ est l’unique sous-quotient irréductible non dégé-néré de � � � � � � � , dans laquelle il est de multiplicité 1. Pour � 2 Gal.k=kE/, lesreprésentations st.�; n/ et st.�� ; n/ sont donc isomorphes si et seulement si � et ��

sont isomorphes. On en déduit que b.�r/ D b.�/, puis que s.�r/ D s.�/. L’égalitéf .�r/D f .�/e.�/`

r suit de la définition de l’invariant f . On en déduit o.�r/D 1,donc e.�r/D `. L’égalité n.�r/D n.�/o.�/ suit de la formule (3.6) de [26].

On en déduit aussi le résultat suivant, qui sera utile dans la section 8.

COROLLAIRE 6.13Pour qu’il existe des caractères non ramifiés �1; : : : ; �n de Gm tels que l’induite ��1�� � ����n possède un sous-quotient cuspidal, il faut et il suffit que nD 1 ou qu’il existeun entier r � 0 tel que nD e.�/`r .

DémonstrationOn suppose qu’il y a des caractères non ramifiés �1; : : : ; �n de Gm tels que ��1 �� � � � ��n possède un sous-quotient cuspidal � . D’après la formule (5.14) et la pro-position 5.11, Kn.�/ est une représentation de GLm0n.k/ contenant un sous-quotientirréductible cuspidal de � � � � � � � . Il s’agit donc de st.�; n/, l’unique sous-quotientnon dégénéré de cette induite, et n a la forme annoncée par la proposition 3.7. Laréciproque est une conséquence de la proposition 6.4.

On a maintenant le théorème de classification suivant.

THÉORÈME 6.14

(1) L’application

.�; r/ 7! Str.�/D St��; e.�/`r

�(6.1)

définit une surjection de S �N sur l’ensemble des classes de représentationsirréductibles cuspidales non supercuspidales.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 837

(2) Soient .�; r/ et .�0; r 0/ deus couples de S � N. Alors Str .�/ et Str 0.�0/ sontisomorphes si et seulement si r D r 0 et Z� D Z�0 .

Remarque 6.15Avec la proposition 6.4, la partie 1 de ce théorème généralise les assertions 1 et 2de [34, III.5.14] au cas où D n’est pas nécessairement commutative. La partie 2 estnouvelle.

DémonstrationPour prouver la surjectivité, il suffit d’appliquer la proposition 6.10 puis les lemmes 6.8et 6.9 avec nD 1.

Soient maintenant .�; r/ et .�0; r 0/ dans S � N tels que Str.�/ et Str 0.�0/ soientisomorphes. D’abord � et �0 ont la même endo-classe d’après [26, Proposition 5.6],ce dont on déduit que � et �0 contiennent des types simples maximaux de la forme�0˝ �0 et �0˝ �

00 respectivement, où �0 et � 00 sont des représentations irréductibles

supercuspidales du même groupe fini. En appliquant le foncteur Kn, on en déduit quest.� 00; r

0/ et st.�0; r/ sont conjuguées sous Gal.k=kE/. On déduit de la proposition 3.7que r D r 0 et que �0 et � 00 sont Gal.k=kE/-conjuguées, ce qui implique que � et �0

sont inertiellement équivalentes.Soit maintenant X� le groupe des caractères non ramifiés � de Gm tels que Œ��� 2

Z�. C’est un groupe cyclique contenant le sous-groupe des caractères non ramifiésstabilisant Œ��. D’après le lemme 5.3, il décrit dans la classe inertielle de � une orbitede cardinal o.�/. L’ordre de X� est donc égal à n.�/o.�/, qui est aussi, d’après lecorollaire 6.12, l’ordre du sous-groupe des caractères non ramifiés stabilisant la classed’isomorphisme de Str.�/. Compte tenu du lemme 6.5, un caractère non ramifié � deGm vérifie donc Str.��/ ' Str.�/ si et seulement si Œ��� 2 Z�. Ceci met fin à ladémonstration du théorème 6.14.

Remarque 6.16Si � est cuspidale non supercuspidale, alors o.�/D 1 et e.�/D `.

6.2. Unicité du support supercuspidal à inertie prèsSoient m� 1 un entier et GDGm.

PROPOSITION 6.17Soient .M; %/ et .M0; %0/ des paires supercuspidales de G, et soient P et P0 des sous-groupes paraboliques de G de facteurs de Levi respectifs M et M0. On suppose queiG

P .%/ et iGP0.%0/ ont un sous-quotient irréductible en commun. Alors les paires .M; %/

et .M0; %0/ sont inertiellement équivalentes.

838 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

DémonstrationOn peut supposer que les sous-groupes de Levi sont standards, c’est-à-dire que MDM˛ et M0 D M˛0 où ˛ et ˛0 sont chacunes des familles d’entiers de somme m, eton écrit %D �1 ˝ � � � ˝ �n et %0 D �01 ˝ � � � ˝ �

0n0 . Soit � un sous-quotient irréduc-

tible commun. En fixant une famille d’entiers � de somme m telle que r� .�/ soitcuspidale et en appliquant le lemme géométrique, on se ramène au cas où � est cus-pidale. En raisonnant comme dans la preuve du lemme 6.1, on voit que �1; : : : ; �nsont inertiellement équivalentes et ont toutes la même endo-classe que � . D’après laproposition 5.12, dont on reprend les notations, on a

K.�1 � � � � � �n/DM

.i1;:::;in/

��i1

1 � � � � � ��in

n

et on peut même supposer que �1 D � � � D �n D � car �1; : : : ; �n sont inertiellementéquivalentes. De façon analogue, �01; : : : ; �

0n0 sont inertiellement équivalentes et ont

toutes la même endo-classe que � , et on a

K.�01 � � � � � �0n0/D

M.i 01;:::;i 0

n0/

� 0�i01� � � � � � 0�

i0n0

où chaque �0j contient un type simple maximal de la forme .J0; �0˝� 0/. Il existe doncdes entiers i1; : : : ; in et i 01; : : : ; i

0n0 tels que

��i1� � � � � ��

inet � 0�

i01� � � � � � 0�

i0n0

ont un sous-quotient irréductible en commun. D’après la proposition 6.10, les repré-sentations � et � 0 sont supercuspidales. De l’unicité du support supercuspidal pourles représentations irréductibles de NG (voir le paragraphe 3.1) on déduit que nD n0 etque

Œ��i1�C � � � C Œ��

in�D Œ� 0�

i01�C � � � C Œ� 0�

i0n�:

Quitte à réordonner �1; : : : ; �n (c’est-à-dire, à conjuguer %), on peut supposer que

Œ��ij�D Œ� 0�

i0j�; j D 1; : : : ; n:

Puisque � et � 0 ont le même degré et que �j et �0j ont la même endo-classe, on adeg.�j /D deg.�0j /. On déduit de [26, Corollaire 5.5] que �j et �0j sont inertiellementéquivalentes. Ainsi les paires supercuspidales .M; %/ et .M0; %0/ sont inertiellementéquivalentes.

À l’aide de la proposition 6.17, on prouve une variante inertielle du théorème 5.8.On utilise les notations du paragraphe 2.1.3. Si � est une représentation irréductiblecuspidale, on note � sa classe d’inertie.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 839

THÉORÈME 6.18Soit r � 1 un entier et soient �1; : : : ; �r des représentations irréductibles supercuspi-dales deux à deux non inertiellement équivalentes. Pour chaque entier i 2 ¹1; : : : ; rº,soit une classe inertielle i � N.�i / de Gmi , mi � 1, et soit la classe inertiellede Gm, avec mDm1C � � � Cmr , définie par 1; : : : ;r .

(1) Pour chaque entier i 2 ¹1; : : : ; rº, soit �i 2 Irr.i / une représentation irré-ductible. Alors l’induite �1 � � � � � �r est irréductible.

(2) L’application

.�1; : : : ; �r/! �1 � � � � � �r

induit une bijection de Irr.1/� � � � � Irr.r/ dans Irr./.

DémonstrationDécomposons chaque représentation �i sous la forme �i D �i;1 � �i;2 � : : : don-née par le théorème 5.8. Supposons qu’il existe deux couples .i; j / ¤ .i 0; j 0/ telsqu’un terme Œ�i;j � de cusp.�i;j / soit inertiellement inéquivalent à un terme Œ�i 0;j 0 � decusp.�i 0;j 0/. Alors on a i ¤ i 0. En appliquant un foncteur de Jacquet convenable, onfait apparaître que �i;j est un sous-quotient irréductible d’une induite d’un élément deN.�i / et que �i 0;j 0 est un sous-quotient irréductible d’une induite d’un élément deN.�i0 /. D’après la proposition 6.17, cela entraîne que �i et �i 0 sont inertiellementéquivalentes, ce qui donne une contradiction puisque i ¤ i 0. Le point (1) est alors uneconséquence du théorème 5.8(1). Le point (2) s’obtient par un appauvrissement duthéorème 5.8(2).

7. La théorie des segmentsDans cette section, on définit la notion de segment (paragraphe 7.1), puis on associeà tout segment deux représentations irréductibles, dont on étudie les propriétés (para-graphe 7.2). On montre ensuite (théorème 7.24) que la représentation induite à partirde représentations associées à des segments non liés (définition 7.3) est irréductible.

7.1. SegmentsSoit un entier m� 1, et soit � une représentation irréductible cuspidale de Gm.

Définition 7.1Un segment est une suite finie de la forme

Œa; b�� D .��a� ; ��

aC1� ; : : : ; ��b� /; (7.1)

où a; b 2 Z sont des entiers tels que a � b.

840 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

Le segment Œa; b�� peut être interprété comme la paire cuspidale

.M.m;:::;m/; ��a� ˝ ��

aC1� ˝ � � � ˝ ��b� /; (7.2)

où M.m;:::;m/ est le sous-groupe de Levi standard de Gm.b�aC1/ correspondant à lafamille d’entiers .m; : : : ;m/.

Définition 7.2Deux segments Œa; b�� et Œa0; b0��0 sont équivalents s’ils ont la même longueur n et siŒ��aCi� �D Œ�0�a

0Ci�0 � pour tout i 2 ¹0; : : : ; n� 1º.

Si c’est le cas, on voit que �0 est inertiellement équivalent à �, ce qui implique��0 D ��. Par conséquent, pour que deux segments soient équivalents, il suffit qu’ilsaient la même longueur et que leurs extrémités initiales ��a� et �0�a

0

�0 soient iso-morphes.

Si �D Œa; b�� est un segment, on pose :

n.�/D b � aC 1; (7.3)

deg.�/D n.�/m; (7.4)

supp.�/D Œ��a� �C Œ��aC1� �C � � � C Œ��b� �; (7.5)

qu’on appelle respectivement la longueur, le degré et le support de �. Celui-ci estégal à la classe de Gdeg./-conjugaison de la paire cuspidale (7.2) associée à �. Onnote aussi

a.�/D ��a� ; (7.6)

b.�/D ��b� ; (7.7)

les extrémités initiale et finale de �, et on note

�_ D Œ�b;�a��_ (7.8)

le segment contragrédient de �. Si aC 1� b, on pose

��D ŒaC 1; b��; (7.9)

�� D Œa; b � 1��: (7.10)

Les définitions suivantes généralisent celles de Zelevinski [39, 4.1]. Remarquonsqu’elles diffèrent de celles de Vignéras [34, V.3].

Définition 7.3Soient �D Œa; b�� et �0 D Œa0; b0��0 des segments.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 841

(1) On dit que � précède �0 si l’on peut extraire de la suite

.��a� ; : : : ; ��b� ; �0�a0

�0 ; : : : ; �0�b0

�0 /

une sous-suite qui soit un segment de longueur strictement supérieure à n.�/et n.�0/.

(2) On dit que � et �0 sont liés si � précède �0 ou si �0 précède �.

Ces conditions sont traduites en termes combinatoires en [28, Lemme 3.4 et Co-rollaire 3.6]

Remarque 7.4Soient � et �0 des segments. Les propriétés suivantes découlent directement des dé-finitions :

(1) On suppose que � et �0 ne sont pas liés, que n.�/ � n.�0/ et que b.�/et b.�0/ ne sont pas isomorphes. Alors b.�/ n’apparaît pas dans �0. Cettepropriété sera utilisée dans la preuve du théorème 7.24.

(2) On suppose que � et �0 ne sont pas liés et que n.�/ � n.�0/. Alors � et��0 ne sont pas liés. Cette propriété sera utilisée dans la preuve de la propo-sition 7.27.

7.2. Représentations associées à un segmentSoit � une représentation cuspidale de Gm, et soit �D Œa; b�� un segment. On pose

….�/D ��a� � � � � � ��b� (7.11)

et nD b � aC 1. On renvoie aux notations du paragraphe 5.2. On pose GD Gmn eton note H l’algèbre de Hecke–Iwahori H.n; q.�//. D’après la proposition 5.7, on aune bijection ��;n entre Irr.�;n/? et l’ensemble des classes d’isomorphisme de H-modules simples. Compte tenu de la définition du H-module I.a; b/ en (4.7) et de[26, Corollaire 4.42], elle induit des bijections

(1) entre sous-représentations irréductibles de ….�/ et sous-modules simples deI.a; b/ ;

(2) entre quotients irréductibles de ….�/ et quotients simples de I.a; b/.

De ceci on tire la définition suivante, qui associe au segment � deux représentationsirréductibles Z.�/ et L.�/ de G (voir la définition 4.1 pour les notations).

Définition 7.5

(1) La représentation ….�/ possède une unique sous-représentation irréductible,notée Z.�/, telle que ��;n.Z.�// soit le caractère Z.a; b/.

842 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

(2) ….�/ possède un unique quotient irréductible, noté L.�/, tel que ��;n.L.�//soit le caractère L.a; b/.

Remarque 7.6

(1) Les représentations Z.�/ et L.�/ peuvent être de multiplicité � 2 commesous-quotients de ….�/.

(2) Les représentations Z.�/ et L.�/ sont cuspidales si et seulement si n.�/D 1.

(3) La proposition 7.17 donne, dans le cas où o.�/¤ 1, une définition de Z.�/ etde L.�/ n’utilisant pas la théorie des types, c’est-à-dire n’utilisant pas ��;n.

Remarque 7.7On suppose que R est le corps des nombres complexes.

(1) La représentation Z.�/ est la représentation notée de la même façon dans [33].Si en outre DD F, c’est la représentation notée h�i dans [39] et [34].

(2) La représentation L.�/ est la représentation notée de la même façon dans [33].Si en outre DD F, c’est la représentation notée h�it dans [39].

Le résultat suivant sera utile au paragraphe 7.3.

PROPOSITION 7.8Les représentations Z.�/ et L.�/ sont isomorphes si et seulement si R est de carac-téristique non nulle ` et si q.�/ et .�1/n sont congrus à �1 modulo `, c’est-à-direque, ou bien q.�/ est congru à �1 modulo ` et n est impair, ou bien `D 2.

DémonstrationCes représentations sont isomorphes si et seulement si les caractères Z.a; b/ et L.a; b/

sont égaux. Le résultat est une conséquence de la définition 4.1.

Remarque 7.9À noter que, dans ce cas, les représentations Z.�/ et L.�/ sont isomorphes mais pasforcément égales comme sous-quotients de ….�/.

Le résultat suivant est une conséquence de la définition de Z.�/. Il sera utile auparagraphe 7.3 et dans la section 9.

PROPOSITION 7.10Soit ˆ�;n la bijection définie par (5.11). Alors on a

ˆ�;n�Z�Œa; b��

��D Z

�Œa; b�1F0�

�:

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 843

On va maintenant calculer les modules de Jacquet des représentations Z.�/ etL.�/. Pour ça, on utilise les notations des paragraphes 3.1 et 3.3, auxquels on renvoiele lecteur. On rappelle que Irr.�;n/ est l’ensemble des classes de représentationsirréductibles qui sont sous-quotients irréductibles d’une induite de la forme ��1 �� � � � ��n, où �1; : : : ; �n sont des caractères non ramifiés de Gm. Compte tenu de(5.14), on introduit la définition suivante.

Définition 7.11Pour tout � 2 Irr.�;n/, on note Sn.�/ la plus grande sous-représentation de ŒKn.�/�(dans le groupe de Grothendieck de GLm0n.k/) contenue dans Œ� � � � � � ��.

Remarque 7.12Si DD F, alors Sn.�/ est simplement la semisimplifiée de Kn.�/.

Ceci définit par linéarité un morphisme de Z-modules :

Sn W Z�Irr.�;n/

�! G

�GLm0n.k/

�� G : (7.12)

Si ˛D .n1; : : : ; nr/ est une famille d’entiers � 1 de somme n, on définit S˛ de façonanalogue à partir de K˛ . On a les propriétés suivantes.

PROPOSITION 7.13

(1) Si �1; : : : ; �n sont des caractères non ramifiés de G, alors on a

Sn.��1 � � � � � ��n/D � � � � � � � (7.13)

dans G .

(2) Si �1; : : : ; �r sont des représentations de Irr.�;n1/; : : : ; Irr.�;nr / respecti-vement, on a

Sn.�1 � � � � � �r/D Sn1.�1/� � � � �Snr .�r/

dans G .

(3) Si � est dans Irr.�;n/, on a

Sn.�/NN.m0n1;:::;m0nr / D S˛

�r.mn1;:::;mnr /.�/

�dans G . NM.m0n1;:::;m0nr //.

On commence par traiter le cas d’un sous-groupe parabolique minimal.

844 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

LEMME 7.14On a

r.m;:::;m/�Z�Œa; b��

��D ��a� ˝ � � � ˝ ��

b� ; (7.14)

r.m;:::;m/�L�Œa; b��

��D ��b� ˝ � � � ˝ ��

a� ; (7.15)

r�.m;:::;m/�Z�Œa; b��

��D ��b� ˝ � � � ˝ ��

a� ; (7.16)

r�.m;:::;m/�L�Œa; b��

��D ��a� ˝ � � � ˝ ��

b� : (7.17)

DémonstrationNous prouvons la première assertion ; la seconde se prouve de façon analogue etles deux dernières se déduisent des deux premières par conjugaison. On pose Z DZ.Œa; b��/. Par réciprocité de Frobenius, on a un morphisme surjectif

r.m;:::;m/.Z/! ��a� ˝ � � � ˝ ��b� :

D’après le lemme géométrique et la définition de Z, le membre de gauche est composéde sous-quotients irréductibles de la forme ��1 ˝ � � � ˝ ��n où �1; : : : ; �n sont descaractères non ramifiés de Gm. D’après la proposition 5.11 par exemple, aucun de cessous-quotients n’est annulé par le foncteur K.1;:::;1/. D’après la proposition 5.13, on a

K.1;:::;1/�r.m;:::;m/.Z/

�'Kn.Z/

NN.m0;:::;m0/ : (7.18)

D’après (5.14), Kn.Z/ est une sous-représentation de

Kn.��a� � � � � � ��b� /'

M.i1;:::;in/

��i1� � � � � ��

in; (7.19)

où i1; : : : ; in varient entre 1 et b.�/. Le membre de droite de (7.18) est donc unesous-représentation de la somme directe finie

nŠ �M

.i1;:::;in/

��i1˝ � � � ˝ ��

in;

où nŠ est une multiplicité. On en déduit que

S.1;:::;1/�r.m;:::;m/.Z/

�D Sn.Z/

NN.m0;:::;m0/ (7.20)

est une somme directe finie de copies de �˝� � �˝� . On utilise maintenant la R-algèbreH.�; n/ définie au paragraphe 3.3. D’après [26, Proposition 5.15], le H.�; n/-module

Hom NG�� � � � � � �;Kn.Z/

�'Hom NM.m0;:::;m0/

�� ˝ � � � ˝ �;Kn.Z/

NN.m0;:::;m0/�

est de dimension 1. On en déduit que la représentation (7.20) est isomorphe à� ˝ � � � ˝ � . Comme (7.20) et r.m;:::;m/.Z/ ont la même longueur, cette dernière estirréductible, donc isomorphe à ��a� ˝ � � � ˝ ��

b� .

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 845

Remarque 7.15On en déduit que Z.�/ est aussi un quotient de ��b� � � � � � ��

a� et que L.�/ est aussi

une sous-représentation de ��b� � � � � � ��a� .

PROPOSITION 7.16On a les propriétés suivantes.

(1) Si k est un entier tel que a < k � b, alors

r..k�a/m;.b�kC1/m/�Z�Œa; b��

��D Z

�Œa; k � 1��

�˝ Z

�Œk; b��

�;

r..b�kC1/m;.k�a/m/�L�Œa; b��

��D L

�Œk; b��

�˝ L

�Œa; k � 1��

�:

(2) Si k est un entier tel que a < k � b, alors

r�..b�kC1/m;.k�a/m/�Z�Œa; b��

��D Z

�Œk; b��

�˝ Z

�Œa; k � 1��

�;

r�..k�a/m;.b�kC1/m/�L�Œa; b��

��D L

�Œa; k � 1��

�˝ L

�Œk; b��

�:

DémonstrationD’après [26, Propositions 4.19 et 4.33], la bijection ��;n induit une bijection entresous-représentations irréductibles de Z.Œa; k� 1��/�Z.Œk; b��/ et sous-modules irré-ductibles de

HomH..k�a/m;.b�kC1/m/

�H;Z.a; k � 1/˝Z.k; b/

�(7.21)

avec les notations du paragraphe 4.2. Comme Z.a; b/ est un sous-module de (7.21),on en déduit que Z.Œa; b��/ est une sous-représentation de Z.Œa; k� 1��/�Z.Œk; b��/.Par adjonction, on en déduit un morphisme surjectif

r..k�a/m;.b�kC1/m/�Z�Œa; b��

��! Z

�Œa; k � 1��

�˝ Z

�Œk; b��

�:

Posons r D r..k�a/m;.b�kC1/m/ pour alléger les notations et supposons que le membrede gauche ci-dessus ne soit pas irréductible. Il contient un autre sous-quotient irréduc-tible Y, qu’on peut supposer être une sous-représentation ou un quotient. Supposonsque Y soit un quotient, l’autre cas se traitant de façon analogue. On fixe une paire cus-pidale .M0; %0/ du sous-groupe de Levi MDM..k�a/m;.b�kC1/m/ et un sous-groupeparabolique P0 de M de facteur de Levi M0 tels que Y soit une sous-représentation deiM

P0.%0/. On suppose que M0 est standard. Alors

HomM�r�ZŒa; b��

�; iM

P0.%0/�¤ 0:

On en déduit que le support cuspidal de ZŒa; b�� est la classe de G-conjugaison de.M0; %0/. Par conséquent, on a M0 DM.m;:::;m/ et %0 est G-conjuguée à ��a� ˝ � � � ˝��b� , ce qui contredit le fait que, d’après le lemme 7.14, on a r.m;:::;m/.Y/D 0.

846 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

Dans le cas où o.�/¤ 1, c’est-à-dire quand q.�/ n’est pas congru à 1 modulo `,les représentations Z.�/ et L.�/ peuvent être définies par récurrence sur la longueurde �.

PROPOSITION 7.17On suppose que o.�/¤ 1 et que b � a � 1.

(1) Z.Œa; b��/ est l’unique sous-représentation irréductible de Z.Œa; b � 1��/ ���b� .

(2) Z.Œa; b��/ est l’unique quotient irréductible de Z.ŒaC 1; b��/� ��a� .

(3) L.Œa; b��/ est l’unique quotient irréductible de L.Œa; b � 1��/� ��b� .

(4) L.Œa; b��/ est l’unique sous-représentation irréductible de L.Œa C 1; b��/ ���a� .

DémonstrationOn prouve la première assertion, les autres se prouvant de façon analogue. On posenD b � aC 1 et r D r..n�1/m;m/. Compte tenu de la proposition 7.16, on a�

r�Z�Œa; b � 1��

�� ��b�

��D�Z�Œa; b � 1��

�˝ ��b�

�C��

Z�Œa; b � 2��

�� ��b�

�˝ ��b�1�

�:

Si nD 2, on interprète Z.Œa; b�2��/ comme la représentation (triviale) du groupe tri-vial G0. Comme o.�/¤ 1, les représentations ��b� et ��b�1� ne sont pas isomorphes :le sous-quotient irréductible Z.Œa; b � 1��/˝ ��b� est donc de multiplicité 1 dans lemembre de gauche. Le résultat se déduit alors du lemme 2.4.

Remarque 7.18Cette proposition permet de définir, dans le cas où o.�/ ¤ 1, les représentationsZ.Œa; b��/ et L.Œa; b��/ par récurrence, sans faire recours à la théorie de types.

La proposition suivante décrit le comportement de � 7! Z.�/ et � 7! L.�/ parpassage à la contragrédiente (voir (7.8) pour la définition de la notation �_).

PROPOSITION 7.19On a Z.�_/' Z.�/_ et L.�_/' L.�/_.

DémonstrationNous proposons deux preuves de ce résultat, la première ne fonctionnant que dans lecas où o.�/¤ 1.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 847

On suppose d’abord que o.�/ ¤ 1 et on prouve le résultat par récurrence surn D b � a C 1, le cas n D 1 étant immédiat. On suppose que n � 2 et on utiliseles notations (7.9) et (7.10). D’après la proposition 7.17, l’induite Z.��/ � ��b� ad-met Z.�/ pour sous-représentation irréductible, donc Z.��/_��_��b� admet Z.�/_

pour quotient irréductible. Par hypothèse de récurrence, Z.��/_ et Z..��/_/ sontisomorphes. Comme .��/_ est égal à �.�_/ et d’après la proposition 7.17(2), lequotient irréductible Z.�/_ est isomorphe à Z.�_/. Le cas de L.�/ se traite de fa-çon analogue.

Voici maintenant une preuve fonctionnant sans hypothèse sur o.�/, s’appuyantsur [19]. Il s’agit de prouver que la représentation Z.�/_ possède les deux proprié-tés de la définition 7.5 qui caractérisent Z.�_/. D’abord, d’après la remarque 7.15 etpar passage à la contragrédiente, Z.�/_ est une sous-représentation irréductible de….�_/. Ensuite, si .J; �/ est le type simple maximal contenu dans � fixé au para-graphe 5.2, alors le type simple maximal .J; �_/ est contenu dans la contragrédiente�_ (voir [19, Théorème 4.1] appliqué au type simple .J; �/). On a ainsi une bijection��_;n entre Irr.�_;n/? et l’ensemble des classes de H-modules simples, et il fautvérifier que Z.�/_ correspond au caractère Z.�b;�a/ par cette bijection. D’après[26, 4.4], il y a un type simple .K;W/ de G tel que

(1) l’induite compacte indGK.W/ est isomorphe à indGm

J .�/ � � � � � indGmJ .�/

(n fois) ;

(2) pour toute représentation irréductible V dans Irr.�;n/?, son image ��;n.V/est HomK.W;V/ considéré comme un H-module grâce à la proposition 5.4 ;

(3) de façon analogue, si V est une représentation dans Irr.�_;n/?, alors sonimage ��_;n.V/ est HomK.W_;V/ considéré comme un H-module.

La représentation Z.�/_ est dans Irr.�_;n/?. D’après (3) ci-dessus et d’après [19,Théorème 4.1] appliqué au type simple .K;W/, le H-module ��_;n.Z.�/

_/ est ledual de ��;n.Z.�//D Z.a; b/, c’est-à-dire Z.�b;�a/ comme voulu. On en déduitdonc que Z.�_/' Z.�/_. La preuve pour L.�_/ est similaire.

Remarque 7.20À noter que ….�/_ n’est pas isomorphe à ….�_/ en général.

Pour finir ce paragraphe, on prouve le résultat suivant (voir (3.3) pour la définitionde l.�; n/).

PROPOSITION 7.21Soit �D Œa; b�� un segment de longueur n.

(1) On a Sn.Z.Œa; b��//D z.�;n/.

848 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

(2) On a Sn.L.Œa; b��//D l.�; n/.

(3) On a Sn.L.Œa; b��//D st.�; n/ si et seulement si n < e.�/.

DémonstrationOn procède par récurrence sur n. On pose ZD Z.Œa; b��/. On sait que z.�;n/ est unsous-quotient de Sn.Z/. Supposons que Sn.Z/ n’est pas irréductible : elle contientdonc un autre facteur irréductible, noté v. Soit un entier k 2 ¹1; : : : ; n� 1º, soit ˛ D.km; .n� k/m/ et posons NND NN˛ et NMD NM˛ . D’après la proposition 7.16, on a

r˛.Z/D Z�Œa; c��

�˝ Z

�ŒcC 1; b�

�;

avec c D aC k � 1. Par hypothèse de récurrence, on a

S.k;n�k/�r˛.Z/

�D z.�; k/˝ z.�;n� k/;

qui est aussi égal à Sn.Z/NN d’après la proposition 7.13.

LEMME 7.22On a Œz.�; n/ NN�� Œz.�; k/˝ z.�;n� k/�.

DémonstrationNotons ��n l’induite � � � � � � � où � apparaît n fois. Par définition de la représenta-tion z.�;n/, on a

Hom NG���n; z.�; n/

�'Hom NM

���k ˝ ��.n�k/; z.�; n/

NN�

qui est de dimension 1, isomorphe au caractère trivial de H.�; k/˝H.�; n�k/ consi-déré comme sous-algèbre de H.�; n/.

Comme Sn.Z/NN contient Œz.�; n/ NN� et Œv NN�, on déduit du lemme 7.22 d’une part

que

z.�;n/NN D z.�; k/˝ z.�;n� k/

et d’autre part que v NN D 0, et ce pour tout k. On en déduit que v est cuspidale, et doncde la forme st.�; n/ avec nD 1 ou nD e.�/`r . Par conséquent, ZD St.�; n/ d’aprèsla définition 6.3. Mais pour ces valeurs de n, la représentation St.�; n/ est cuspidaled’après la proposition 6.4. Comme Z ne peut pas être cuspidale à moins que nD 1,on obtient une contradiction.

L’assertion (2) se démontre de façon analogue. Pour prouver l’assertion (3), ilsuffit de prouver que st.�; n/ correspond au caractère signe de H.�; n/ si et seulementsi on a n < e.�/, ce qui est donné par la proposition 3.9.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 849

Remarque 7.23On renvoie à la remarque 8.14 pour une précision supplémentaire.

7.3. Critère d’irréductibilité pour un produit de segments non liésLe but de cette section est de montrer le théorème suivant.

THÉORÈME 7.24Soit un entier r � 1 et soient �1; : : : ;�r des segments. Les conditions suivantes sontéquivalentes :

(1) Pour tous i; j 2 ¹1; : : : ; rº avec i ¤ j , les segments �i et �j sont non liés.

(2) La représentation Z.�1/� � � � � Z.�r/ est irréductible.

(3) La représentation L.�1/� � � � � L.�r/ est irréductible.

Ce théorème généralise [39, 4] et [33, Lemmas 2.5, 4.2] au cas modulaire. Iljustifie le bien-fondé de notre définition 7.3.

7.3.1Étant donné un segment �D Œa; b��, on note

h�i D ha; bi� (7.22)

l’une des deux représentations Z.Œa; b��/ ou L.Œ�b;�a��/, et on pose

� D

´�� si h�i D Z.�/I

��1� si h�i D L.Œ�b;�a��/:(7.23)

La proposition suivante, qui synthétise les résultats de la proposition 7.16, montrel’utilité des notations (7.22) et (7.23). Voir [27, Remarque 5.3].

PROPOSITION 7.25Soient � une représentation irréductible cuspidale de Gm et �D Œa; b��.

(1) Si k est un entier tel que a < k � b, on a

r.k�a/m;.b�kC1/m�ha; bi�

�D ha;k � 1i� ˝ hk; bi�:

(2) Si k est un entier tel que a < k � b, on a

r�.b�kC1/m;.k�a/m�ha; bi�

�D hk; bi� ˝ ha;k � 1i�:

850 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

(3) On a

r.m;:::;m/�h�i

�D �a� ˝ �

aC1� ˝ � � � ˝ �b�

et

r�.m;:::;m/�h�i

�D �b� ˝ �

b�1� ˝ � � � ˝ �a� :

(4) On a h�_i D h�i_, c’est-à-dire que h�b;�ai�_ D ha; bi_� .

Pour montrer le théorème 7.24, il suffira donc de montrer le théorème suivant.

THÉORÈME 7.26Soit un entier r � 1 et soient �1; : : : ;�r des segments. Alors

h�1i � � � � � h�ri

est irréductible si et seulement si �i et �j sont non liés pour tous i; j 2 ¹1; : : : ; rºavec i ¤ j .

On montre d’abord le résultat suivant.

PROPOSITION 7.27Soient � et �0 des segments non liés. Alors h�i � h�0i est irréductible.

Remarque 7.28D’après la proposition 2.2, cette proposition implique que, si � et �0 sont deux seg-ments non liés, alors h�i � h�0i et h�0i � h�i sont isomorphes.

On écrit � et �0 respectivement sous la forme Œa; b�� et Œa0; b0��0 , où � et �0 sontirréductibles cuspidales. On note nD b � aC 1 et n0 D b0 � a0 C 1. On fait d’abordquelques réductions : elles ne sont pas nécessaires dans notre preuve mais permettentde simplifier les notations.

R1 D’après la proposition 2.2, on peut supposer que n� n0.

R2 D’après la proposition 5.9, et quitte à modifier a, b, a0 et b0, on peut supposerque � et �0 sont isomorphes.

R3 Quitte à tordre � par un caractère non ramifié, on peut supposer que aD 0.

R4 Par la méthode du changement de groupe (voir la proposition 7.10 et [26, 4.4]),on peut supposer que � est le caractère trivial de F�, que l’on notera h0i.

Aussi peut-on supposer que �D Œ0; b� et �0 D Œa0; b0� avec bC a0 � b0.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 851

Remarque 7.29Si R est de caractéristique non nulle `, on note e l’ordre de q dans F�

`. Puisque � et

�0 ne sont pas liés et que n� n0, on a n� e � 1, ce qui implique qu’on a e � 2. Si Rest de caractéristique nulle, on convient que e est infini et une congruence de la formea a0 mod e voudra juste dire que aD a0.

Nous utilisons la méthode des foncteurs de Jacquet et le lemme 2.5. Malheureu-sement, nous ne pouvons éviter de traiter plusieurs cas en petite dimension (où lesfoncteurs de Jacquet ne sont pas de grande aide). On distingue les cas suivants :

1. nD n0 D 1.

2. e � 3 et nD 1.

3. e � 3 et n;n0 � 2.

4. eD 2 et n0 D 3.

5. eD 2 et n0 � 4.

On remarque que, dans les deux derniers cas, on a nD 1. Dans le cas où nD n0 D 1,la proposition est une conséquence de [26, Proposition 4.38]. On passe maintenantaux cas suivants.

7.3.2On suppose que e � 3 et nD 1. On procède par récurrence sur n0, le cas n0 D 1 étantdéjà prouvé. Remarquons que l’hypothèse sur� et �0 se traduit par a0 6 1 mod e etb0 6 �1 mod e. Il faut encore différencier les sept cas suivants :

2.1. �0 D Œ0; 1�.

2.2. b0 6 �1; 0; 1 mod e.

2.3. a0 D 0, b0 0; 1 mod e et n0 � 3.

2.4. a0 D�1 et b0 1 mod e.

2.10. �0 D Œ�1; 0�.

2.20. a0 6 �1; 0; 1 mod e.

2.30. b0 D 0, a0 0;�1 mod e et n0 � 3.

Les cas 2:10, 2:20 et 2:30 découlent respectivement des cas 2.1, 2.2 et 2.3 parpassage à la contragrédiente (ce que nous pouvons faire puisque e ¤ 1). Traitons lescas 2.1, 2.2, 2.3 et 2.4.

LEMME 7.30L’induite h0i � h0; 1i est irréductible.

852 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

DémonstrationComme dans Rogawski [30], ce cas est particulier et il faut le traiter à part. On poseMDM.1;2/ et on note � le caractère formé des vecteurs de h0; 1i qui sont invariantspar le sous-groupe d’Iwahori de GL2.F/ (il s’agit donc de Z.0; 1/ ou de L.0; 1/

selon les cas). D’après [26, Proposition 4.13], l’induite est irréductible si et seulementsi HomHM.H; 1 ˝ �/ est irréductible. L’irréductibilité de ce H-module se montrecomme dans [30, Lemma 5.1].

Traitons le cas 2.2. D’après la proposition 7.25(1), la représentation h0i � ha0; b0iest une sous-représentation de h0i � ha0; b0 � 1i � hb0i. Par hypothèse de récurrence(puisqu’on a b0 6 0 mod e) et d’après la remarque 7.28, celle-ci est isomorphe à�1 � �2, où l’on a posé �1 D ha0; b0 � 1i et �2 D h0i � hb0i (remarquons que �2 estirréductible par hypothèse de récurrence puisque b0 6 ˙1 mod e). De même, par laproposition 7.25(2), c’est un quotient de �2��1. D’après le lemme géométrique, on a�

r.n0�1;2/.�1 � �2/�D ha0; b0 � 1i ˝

�h0i � hb0i

�C�ha0; b0 � 2i � h0i

�˝�hb0 � 1i � hb0i

�C�ha0; b0 � 2i � hb0i

�˝�hb0 � 1i � h0i

�C�ha0; b0 � 3i � hb0i � h0i

�˝ hb0 � 2; b0 � 1i

et donc la représentation �1˝�2 apparaît avec multiplicité 1 dans r.n0�1;2/.�1��2/.On déduit du lemme 2.5 que h0i � ha0; b0i est irréductible.

Le cas 2.3 se montre comme le cas précédent en utilisant �1 D h0i � h0; 1i et�2 D h2; bi.

Traitons enfin le cas 2.4. D’après le lemme 2.4, la représentation h0i � h�1; b0ia une unique sous-représentation irréductible � et un unique quotient irréductible � 0.De plus, � et � 0 apparaissent avec multiplicité 1 dans h0i�h�1; b0i. Pour prouver quecette induite est irréductible, il suffit donc de montrer que � et � 0 sont isomorphes.On pose ˛ D .1; : : : ; 1/. Le module de Jacquet r˛.h0i � h�1; b0i/ contient commesous-quotient la représentation

� D h�1i ˝ h0i ˝ h0i ˝ h1i ˝ h2i ˝ � � � ˝ hb0i

avec multiplicité 2. Montrons que, de même, r˛.�/ contient comme sous-quotient� avec multiplicité 2. La représentation � étant une sous-représentation de h0i �h�1; b0i, elle est aussi, par la proposition 7.25(1), une sous-représentation de h0i �h�1; 0i � h1; b0i. Par réciprocité de Frobenius on trouve donc

Hom�r.3;b0/.�/;

�h0i � h�1; 0i

�˝ h1; b0i

�¤ ¹0º:

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 853

La représentation .h0i � h�1; 0i/˝ h1; b0i, d’après le cas 2:10 ci-dessus, est irréduc-tible. On a donc

r˛��h0i � h�1; 0i

�˝ h1; b0i

�� r˛.�/:

D’après le lemme géométrique, � apparaît dans r˛..h0i � h�1; 0i/ ˝ h1; b0i/ avecmultiplicité 2. On en déduit donc que � apparaît avec multiplicité 2 dans r˛.�/. Defaçon analogue, � apparaît avec multiplicité 2 dans r˛.� 0/. Puisque � et � 0 sontdeux sous-quotients de h0i � h�1; b0i et que � apparaît aussi avec multiplicité 2 dansr˛.h0i � h�1; b

0i/, on en déduit que � et � 0 sont isomorphes.

7.3.3On suppose que e � 3 et n;n0 � 2. La preuve se fait par récurrence sur nn0.

On commence par traiter le cas particulier où a0 0 mod e. D’après la propo-sition 7.25(1), la représentation h�i � h�0i se plonge dans h0i � h��i � h�0i. Parhypothèse de récurrence et d’après les remarques 7.4(2) et 7.28, cette dernière est iso-morphe à l’induite h0i � h�0i � h��i qui est, toujours d’après la proposition 7.25(1),une sous représentation de h0i � h0i � h��0i � h��i. De façon analogue, on montreque h�i � h�0i est un quotient de h��0i � h��i � h0i � h0i. Les représentationsh0i � h0i et h��0i � h��i sont irréductibles par hypothèse de récurrence. D’après lelemme géométrique, on a�

r.2;nCn0�2/�h0i � h0i � h��0i � h��i

��D�h0i � h0i

�˝�h��0i � h��i

�C 2 �

�h0i � h1i

�˝�h0i � h���0i � h��i

�C 2 �

�h0i � h1i

�˝�h0i � h��0i � h���i

�C�h1i � h1i

�˝�h0i � h0i � h��0i � h��i

�donc ce module de Jacquet contient .h0i� h0i/˝ .h��0i� h��i/ avec multiplicité 1.Donc la représentation h�i � h�0i est irréductible d’après le lemme 2.5.

On traite maintenant le cas général. D’après le paragraphe précédent, on peutsupposer, quitte à passer à la contragrédiente, que a0 6 0 mod e. Alors ha0; b0i �h0; bi est une sous-représentation de

ha0; b0i � h0i � h1; bi: (7.24)

Comme on a supposé que n � n0, les segments Œa0; b0� et Œ0� ne sont pas liés et donc(7.24) est isomorphe, par hypothèse de récurrence, à

h0i � ha0; b0i � h1; bi:

854 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

D’après la remarque 7.4(2), les segments Œa0; b0� et Œ1; b� ne sont pas liés. Par hypo-thèse de récurrence, la représentation ha0; b0i�h1; bi est donc irréductible. On conclutcomme dans le cas 2.2 traité plus haut, avec �1 D h0i et �2 D ha0; b0i � h1; bi.

7.3.4On suppose ici que eD 2 (ce qui implique, étant donné que n� n0, que nD 1).

LEMME 7.31L’induite h0i � h0; 1; 2i est irréductible.

DémonstrationLa représentation … D h0; 1; 2i � h0i se plonge dans h0; 1i � h0i � h0i. D’après lelemme géométrique, h0; 1i ˝ .h0i � h0i/ est irréductible et apparaît avec multipli-cité 1 dans le module de Jacquet r.2;2/.…/. D’après le lemme 2.5, on en déduitque … possède une unique sous-représentation irréductible � . Par conséquent, �_

est l’unique quotient irréductible de …_ ' …. Si … n’est pas irréductible, alorsŒ…� � Œ�� C Œ�_�. Remarquons que, d’après la proposition 7.8, les représentationsZ.Œ0; 1; 2�/ et L.Œ0; 1; 2�/ sont isomorphes parce que eD 2 et n0 est impair.

Appliquons le foncteur K4, qui n’est rien d’autre ici que le foncteur des invariantssous le groupe 1CpF �M4.OF/. Plus précisément, on va utiliser l’homomorphisme S4.On utilise aussi la notation z.�;/ du paragraphe 3.3, où � est ici le caractère trivialde k�F et où est une partition. Pour alléger les notations, on omettra � , de sorte qu’onnotera simplement z./. D’après les propositions 7.13 et 7.21 et le théorème 3.5, on a

S4.…/D z.3/� z.1/D z.3; 1/C k � z.4/; k � 0:

Si l’on écrit Œ…�D Œ��C Œ�_�C Œ� �, alors z.3; 1/, qui est de multiplicité 1, ne peutapparaître que dans S4.�/. Comme r.2;2/.…/ est de longueur 2, on a r.2;2/.�/ D¹0º, ce qui implique que r.2;2/.S4.�// D ¹0º. Mais r.2;2/.z.3; 1// ¤ ¹0º puisquer.1;1;1;1/.z.3; 1//¤ ¹0º, ce qui donne une contradiction.

On suppose maintenant que a0 D 0 et que b0 est pair et� 4. D’après la proposition7.25(1), la représentation h0i� h�0i est une sous-représentation de h0i� h0i� h��0i,laquelle, par le lemme 2.4, possède une unique sous-représentation irréductible, no-tée � , qui apparaît avec multiplicité 1 dans h0i � h0i � h��0i. On déduit que � estl’unique sous-représentation irréductible de h0i � h�0i et y apparaît avec multipli-cité 1. De même, on montre que h0i � h�0i possède un unique quotient irréductible,notée � 0, qui apparaît avec multiplicité 1 dans h0i ��0. Pour prouver que cette in-duite est irréductible, il suffit donc de montrer que � ' � 0. Le module de Jacquetassocié à la partition ˛D .1; 1; : : : ; 1/ de h0i � h�0i contient comme sous-quotient la

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 855

représentation

� D h0i ˝ h1i ˝ h0i ˝ h0i ˝ h1i ˝ h0i ˝ � � � ˝ h1i ˝ h0i

avec multiplicité 2. Montrons que, de même, les modules de Jacquet r˛.�/ et r˛.� 0/contiennent � comme sous-quotient avec multiplicité 2, ce qui prouvera que � ' � 0.D’après la proposition 7.25(1), la représentation � est une sous-représentation del’induite h0i � h�01i � h�

02i, avec �01 D Œ0; 1; 2� et �02 D Œ3; b

0�, donc par réciprocitéde Frobenius on trouve que

Hom�r.4;b0�2/.�/;

�h0i � h�01i

�˝ h�02i

�¤ ¹0º:

D’après le lemme 7.31, la représentation .h0i � h�01i/˝ h�02i est irréductible donc�

r˛��h0i � h�01i

�˝ h�02i

����r˛.�/

�:

Comme � , d’après le lemme géométrique, apparaît avec multiplicité 2 dans le modulede Jacquet r˛..h0i�h�01i/˝h�

02i/, on trouve que � apparaît avec multiplicité 2 dans

r˛.�/. De la même façon, on prouve que � apparaît avec multiplicité 2 dans r˛.� 0/.Ceci met fin à la démonstration de la proposition 7.27.

7.3.5On en déduit le résultat suivant.

COROLLAIRE 7.32Soient �1; : : : ;�r des segments. Supposons que, pour tous 1� i; j � r tels que i ¤j , les segments �i et �j soient non liés. Alors, la représentation

h�1i � � � � � h�ri

est irréductible.

DémonstrationLa preuve se fait par récurrence sur r , le cas r D 2 étant traité par la proposition 7.27.

Supposons donc que r � 3. Si �iai�i ' �j

aj�j et �i

bi�i ' �j

bj�j pour tous 1 � i ,

j � r , alors la preuve est similaire au cas particulier traité dans le paragraphe 7.3.3.Remarquons aussi que, par hypothèse et d’après la remarque 7.28, h�1i � � � � � h�riest isomorphe à la représentation h�.1/i � � � � � h�.r/i pour toute permutation � del’ensemble ¹1; : : : ; rº.

On note �i D Œai ; bi ��i et on suppose que n.�1/� n.�i / pour chaque i . Quitteà passer à la contragrédiente, on peut donc supposer, d’après la remarque 7.4(1), qu’ilexiste un entier 1 � r1 < r tel que �i

bi�i ' �1

b1�1 pour tout 1 � i � r1 et �1

b1�1 …

856 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

supp.�k/ pour tout r1 < k � r . Ainsi, par le lemme géométrique et par hypothèse derécurrence, les représentations irréductibles

h�1i � � � � � h�r1i; h�r1C1i � � � � � h�ri

satisfont aux conditions du lemme 2.8 avec

ˇD�deg.�1/C � � � C deg.�r1/;deg.�r1C1/C � � � C deg.�r/

�et donc �

h�1i � � � � � h�r1i�˝�h�r1C1i � � � � � h�ri

�apparaît avec multiplicité 1 dans le module de Jacquet rˇ .h�1i � � � � � h�ri/. Onutilise le lemme 2.5 pour en déduire que h�1i � � � � � h�ri est irréductible.

Pour compléter la preuve des théorèmes 7.24 et 7.26, il ne reste à montrer que laproposition suivante.

PROPOSITION 7.33Soient � et �0 deux segments liés. Alors h�i � h�0i est réductible.

DémonstrationOn peut supposer que � D Œa; b�� et �0 D Œa0; b0��, où � est une représentation ir-réductible cuspidale de degré m. Quitte à échanger � et �0, on peut aussi supposerqu’on a a0C 1� a � b0C 1� b. On pose

�[ D Œa0; b��; �\ D Œa; b0��; � D h�i � h�0i; ! D h�[i � h�\i:

Si aD b0 C 1, on interprète h�\i comme la représentation triviale du groupe trivialG0, de sorte que ! D h�[i. Si l’on pose ˛ D .m; : : : ;m/, le lemme géométriquemontre que le nombre de sous-quotient irréductibles (comptés avec multiplicités) der˛.!/ est strictement inférieur à celui de r˛.�/.

LEMME 7.34On a Hom.�;!/¤ ¹0º.

DémonstrationSupposons d’abord que a D b0 C 1, c’est-à-dire que ! D ha0; bi. Dans ce cas, lerésultat découle de la proposition 7.25.

Sinon, on peut appliquer l’argument de la partie (2) de la preuve de [39, Proposi-tion 4.6].

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 857

Il existe donc un quotient non nul de � qui est une sous-représentation de !.Supposons que � est irréductible. Elle se plonge donc dans !, ce qui contredit le faiténoncé plus haut comparant les modules de Jacquet r˛.!/ et r˛.�/.

8. Représentations résiduellement non dégénérées de GLm.D/Dans cette section, on introduit la notion de représentation résiduellement non dégé-nérée de GLm.D/, qui généralise celle de représentation non dégénérée de GLn.F/.En particulier, toute représentation irréductible cuspidale est résiduellement non dé-générée. Dans le paragraphe 8.2, on donne des conditions nécessaires à l’apparitionde sous-quotients cuspidaux dans une induite parabolique. Dans le paragraphe 8.3, onprouve la conjecture d’unicité du support supercuspidal pour GLm.D/. Ceci nous per-met de classer les représentations résiduellement non dégénérées (proposition 8.20)en fonction de leur support supercuspidal.

8.1. Représentations résiduellement non dégénéréesLorsque D est non commutative, on ne peut pas définir la notion de représentation nondégénérée de GLm.D/ comme dans [35] parce que la théorie des dérivées de Bernsteinet Zelevinski ne fonctionne pas. On va définir la notion de représentation résiduelle-ment non dégénérée en utilisant l’homomorphisme Sn défini au paragraphe 7.2, quipermet de se ramener à la notion de représentation non dégénérée d’un groupe linéairegénéral fini. On verra au chapitre 9 (voir le corollaire 9.12) que, dans le cas déployé,les deux notions coïncident.

8.1.1Soient m;n � 1 des entiers, soit � une représentation irréductible supercuspidale deGm et soitD�;n la classe d’inertie du support cuspidal Œ��C� � �C Œ��D n � Œ��. Onchoisit un type simple maximal �D � ˝ � contenu dans � et on forme le morphismeSn (voir le paragraphe 7.2). On rappelle (voir (2.1)) que Irr./ est l’ensemble desclasses de représentations irréductibles de G qui sont sous-quotients d’une induiteparabolique d’un élément de .

Définition 8.1Une représentation � 2 Irr./ est résiduellement non dégénérée si Sn.�/ possède unsous-quotient irréductible non dégénéré (voir le paragraphe 3.2).

D’après la proposition 5.11, toute représentation irréductible cuspidale dansIrr./ est résiduellement non dégénérée. D’après la proposition 7.13, et puisquel’unique sous-quotient irréductible non dégénéré de � � � � � � � est st.�; n/ (voir 3.3),

858 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

la représentation � est résiduellement non dégénérée si et seulement si Sn.�/ contientŒst.�; n/�.

Exemple 8.2Par exemple, la représentation St.�; n/ de la définition 6.3 est l’unique sous-quotientirréductible résiduellement non dégénéré de � � ��� � � � � � ��

n�1� .

Cette définition ne dépend ni du choix de � ni de la décomposition �D � ˝ � .

8.1.2Soit maintenant � une représentation irréductible quelconque, qu’on décompose sousla forme � D �1 � � � � � �r donnée par le théorème 6.18.

Définition 8.3La représentation � est dite résiduellement non dégénérée si les représentations�1; : : : ; �r sont résiduellement non dégénérées au sens de la définition 8.1.

On note Rnd le sous-ensemble de Irr formé des classes d’équivalence de repré-sentations irréductibles résiduellement non dégénérées.

La proposition suivante donne des conditions nécessaires et suffisantes d’appa-rition d’un sous-quotient irréductible résiduellement non dégénéré dans une induiteparabolique.

PROPOSITION 8.4Soient �1; : : : ; �r des représentations irréductibles. Les conditions suivantes sontéquivalentes :

(1) L’induite

�1 � � � � � �r

possède un sous-quotient irréductible résiduellement non dégénéré.

(2) Pour tout 1� i � r , la représentation �i est résiduellement non dégénérée.

Si ces conditions sont satisfaites, ce sous-quotient irréductible résiduellement nondégénéré est unique et sa multiplicité dans l’induite est 1. On le note St.�1; : : : ; �n/.

DémonstrationD’après la définition 8.3, on peut se ramener au cas où il y a une représentation irré-ductible supercuspidale � est des entiers n1; : : : ; nr tels que �i 2 Irr.�;ni / pour toutentier i D 1; : : : ; r .

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 859

On suppose dans un premier temps que �1; : : : ; �r sont résiduellement non dégé-nérées. Dans cas, on écrit�

Sn.�1 � � � � � �r/�D�Sn1.�1/� � � � �Snr .�r/

���st.�; n1/� � � � � st.�; nr/

�:

Le résultat vient de ce que le membre de droite contient st.�; n/ avec multiplicité 1.On suppose maintenant que �1 n’est pas résiduellement non dégénérée, c’est-à-

dire que Sn1.�1/ ne contient pas de facteur non dégénéré. Le résultat découle de laproposition 3.3.

COROLLAIRE 8.5Soient �1; : : : ;�r des segments. La représentation

Z.�1/� � � � � Z.�r/

contient un sous-quotient irréductible résiduellement non dégénérée si et seulementsi tous les �i sont de longueur 1.

DémonstrationD’après la proposition 7.21, pour tout segment �, on a

Sn�Z.�/

�D z

��;n.�/

�qui est non dégénérée si et seulement si n.�/D 1. Le résultat se déduit de la propo-sition 8.4.

8.1.3On définit maintenant la notion de représentation résiduellement dégénérée par rap-port à une partition. Soit ˛D .m1; : : : ;mr/ une famille d’entiers � 1 de somme m.

Définition 8.6

(1) Une représentation irréductible �1 ˝ � � � ˝ �r du sous-groupe de Levi M˛

de Gm est dite résiduellement non dégénérée si, pour tout i 2 ¹1; : : : ; rº, lareprésentation �i est résiduellement non dégénérée au sens de la définition 8.3.

(2) Une représentation irréductible � de Gm est résiduellement ˛-dégénérée sir˛.�/ possède un sous-quotient irréductible résiduellement non dégénéré.

La définition 8.6(2) ne dépend pas de l’ordre des entiers mi . Si ˇ est une fa-mille d’entiers � 1 obtenue par permutation de ˛, alors les sous-groupes parabo-liques P˛ et Pˇ sont conjugués, et � est résiduellement ˛-dégénérée si et seulement

860 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

si elle est résiduellement ˇ-dégénérée. Si l’on oublie l’ordre des mi et qu’on lesrange dans l’ordre décroissant, on obtient une partition de m dite associée à la fa-mille ˛.

Définition 8.7Soit une partition de m. La représentation � est dite résiduellement -dégénéréesi elle est résiduellement ˛-dégénérée pour au moins une (donc pour toute) famille ˛associée à .

On remarque qu’une représentation irréductible est résiduellement non dégénéréesi et seulement si elle est résiduellement .m/-dégénérée.

PROPOSITION 8.8Soient et � des partitions. Soit � une représentation résiduellement -dégénéréeet soit � une représentation résiduellement �-dégénérée. Alors � � � contient unsous-quotient irréductible résiduellement .C �/-dégénéré.

DémonstrationLe résultat se déduit du lemme géométrique et de la proposition 8.4.

8.2. Conditions d’apparition d’un facteur cuspidal dans une induiteDans ce paragraphe, on donne des conditions nécessaires d’apparition d’un facteurcuspidal dans une induite parabolique. Le résultat suivant, qui n’apparaît pas dans[34], est une étape cruciale dans la preuve de l’unicité du support supercuspidal (théo-rème 8.16). Il permet d’utiliser les arguments de Zelevinski (voir [27]).

PROPOSITION 8.9Soient �1; : : : ; �n des représentations irréductibles cuspidales avec n� 2. On supposeque

Z�i � ¹�1; : : : ; �nº; i D 1; : : : ; n: (8.1)

Alors aucun sous-quotient irréductible de l’induite �1 � � � � � �n n’est cuspidal.

DémonstrationD’après le théorème 5.8, on peut se ramener au cas où les �i sont toutes inertielle-ment équivalentes à une même représentation cuspidale � de Gm, m � 1. La condi-tion (8.1) entraîne d’une part que � est supercuspidale avec e.�/ D o.�/ � 2 (voirla remarque 6.16), d’autre part qu’il existe des segments �1; : : : ;�r satisfaisant auxconditions suivantes :

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 861

(1) on a Œ��1�C � � � C Œ��n�D supp.�1/C � � � C supp.�r/ ;

(2) pour tous i ¤ j , les segments �i et �j ne sont pas liés ;

(3) pour tout i , la longueur ni de �i est � e.�/� 1.

Ces segments sont uniques à l’ordre près. D’après le théorème 7.24, la représentation

…D L.�1/� � � � � L.�r/ (8.2)

est irréductible.

LEMME 8.10La représentation… est l’unique sous-quotient irréductible résiduellement non dégé-néré de l’induite �1 � � � � � �n, où elle apparaît avec multiplicité 1.

DémonstrationD’abord, … est un sous-quotient irréductible de �1 � � � � � �n. D’après la proposi-tion 8.4, cette induite contient un unique facteur irréductible résiduellement non dé-généré. D’après la proposition 8.4 encore, … est résiduellement non dégénérée si etseulement si chaque L.�i / est résiduellement non dégénéré, ce qui suit de la propo-sition 7.21.

LEMME 8.11La représentation … n’est pas cuspidale.

DémonstrationLe résultat est immédiat si r � 2. Si r D 1, … est une représentation associée à unsegment, qui est par définition quotient d’une induite parabolique propre (n� 2).

La conjonction des lemmes 8.10 et 8.11 et du fait que toute représentation irré-ductible cuspidale est résiduellement non dégénérée entraîne que l’induite ne possèdepas de sous-quotient irréductible cuspidal.

Exemple 8.12Si R est de caractéristique nulle, (8.1) est toujours vérifiée.

Soient m;n� 1 et soit � une représentation cuspidale de Gm.

PROPOSITION 8.13Soient �1; : : : ; �n des caractères non ramifiés de Gm tels que

��1 � � � � � ��n (8.3)

862 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

possède un sous-quotient cuspidal. Alors

Œ��1�C � � � C Œ��n�D Œ��1�C Œ��1���C � � � C Œ��1�n�1� �:

DémonstrationQuitte à remplacer � par ��1, on peut supposer que �1 est trivial. On écarte lecas trivial où n D 1, de sorte que, d’après le corollaire 6.13, il existe r � 0 tel quenD e.�/`r . Ensuite, d’après la proposition 5.9, on peut supposer que �i D �

ki� avec

ki 2 Z. Si o.�/D 1, chaque �i est trivial et le résultat est immédiat. On suppose doncdorénavant que o.�/ � 2, de sorte que e.�/ D o.�/. D’après la proposition 8.9, ilexiste un entier t � 1 tel que, quitte à réordonner les �i , on ait

(1) pour tout i � te.�/, on a Œ��i �D Œ��i�1� � ;

(2) la condition (8.1) est vérifiée par les représentations ��te.�/C1; : : : ; ��n.

On écrit nD te.�/C k et on suppose que k � 1. Soit � un sous-quotient irréductiblecuspidal de (8.3). Soit �1 un sous-quotient irréductible de ��1� � � ����te.�/ et �2 unsous-quotient irréductible de ��te.�/C1 � � � � � ��n tels que � soit un sous-quotientirréductible de �1 � �2. Comme � est résiduellement non dégénérée, c’est vrai ausside �1 et de �2. En particulier, �1 est égal à St.�; e.�/t/.

Si l’on écrit t D t 0`r avec t 0 � 1 premier à ` et r � 0, et si l’on pose � DSt.�; e.�/`r/, alors � est cuspidale non supercuspidale et �1 est égale à St.�; t 0/d’après la proposition 6.4 et le lemme 6.9. En particulier, le support cuspidal de �1est dans N.Z� /. D’autre part, d’après la proposition 8.9, le support cuspidal de �2est dans N.Z�/. D’après le théorème 5.8, l’induite �1 � �2 est irréductible, ce quicontredit le fait que � est cuspidale. On en déduit que k D 0, ce qui met fin à ladémonstration.

Remarque 8.14D’après la proposition 7.21, les représentations L.Œ0; n � 1��/ et St.�; n/ sont iso-morphes si et seulement si n < e.�/. Si n � e.�/, la représentation L.Œ0; n � 1��/n’est jamais résiduellement non dégénérée. Par exemple, si � est le caractère trivialde F� et si q est d’ordre 2 dans R�, alors la représentation L.Œ0; 1��/ est un caractèrede GL2.F/.

Remarque 8.15Une représentation irréductible dont le support cuspidal Œ�1�C � � � C Œ�n� vérifie lacondition (8.1) est dite banale. Les représentations banales sont étudiées en détaildans [27].

8.3. Unicité du support supercuspidalLe but de ce paragraphe est de montrer le théorème suivant.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 863

THÉORÈME 8.16Soient �1; : : : ; �n et �01; : : : ; �

0n0 des représentations irréductibles supercuspidales.

Alors �1 � � � � � �n et �01 � � � � � �0n0 ont un sous-quotient irréductible en commun

si et seulement si n0 D n et

Œ�1�C � � � C Œ�n�D Œ�01�C � � � C Œ�

0n0 �: (8.4)

Remarque 8.17Voir [35] page 598 dans le cas où DD F.

DémonstrationSi (8.4) est vérifié, alors nD n0 et, d’après la proposition 2.2, les représentations �1�� � � � �n et �01 � � � � � �

0n0 ont les mêmes sous-quotients irréductibles. Pour prouver la

réciproque, on fixe un sous-quotient irréductible � commun à �1�� � ���n et �01�� � ���0n0 , et on commence par traiter le cas où � est cuspidal. D’après le théorème 5.8, ilexiste des représentations irréductibles supercuspidales � et �0 telle que les �i (les �0i )soient inertiellement équivalentes à � (à �0). D’après la proposition 8.13, on peutmême supposer que

Œ�1�C � � � C Œ�n�D Œ��C Œ����C � � � C Œ��n�1� �:

Comme � est cuspidal, c’est l’unique sous-quotient irréductible résiduellement nondégénéré de �1 � � � � � �n. Il est donc isomorphe à St.�; n/. On a quelque chosed’analogue pour �0, ce dont on déduit que St.�; n/ et St.�0; n0/ sont tous les deuxisomorphes à � . Le résultat est une conséquence de la proposition 6.14.

On traite maintenant le cas général. Soit ˛ une famille d’entiers de somme deg.�/telle que r˛.�/ soit cuspidale, et écrivons Œ�1�C � � � C Œ�r � son support cuspidal. Parexactitude du foncteur de Jacquet, la représentation �1˝ � � �˝ �r est un sous-quotientirréductible de r˛.�1 � � � � � �n/ et de r˛.�01 � � � � � �

0n0/, où ˛ est la famille d’entiers

.deg.�1/; : : : ;deg.�r//. Ces représentations ont chacune une filtration dont les sous-quotients sont de la forme (1.1). Le résultat étant vrai pour les représentations �i ondéduit alors (8.4).

Définition 8.18Étant donnée une représentation irréductible � 2 Irr, il existe une unique sommeŒ�1�C� � �C Œ�n� 2N.S/ telle que � soit un sous-quotient irréductible de �1� � � � ��n.On l’appelle le support supercuspidal de � , que l’on note scusp.�/.

Pour s 2 N.S/, on note Irr.s/ l’ensemble des classes de représentations irréduc-tibles de support supercuspidal s. On en déduit une variante supercuspidale du théo-rème 5.8.

864 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

THÉORÈME 8.19Soit r � 1 un entier et soient �1; : : : ; �r des représentations irréductibles supercuspi-dales deux à deux non inertiellement équivalentes. Pour chaque i , on fixe un supportsupercuspidal si 2N.�i /.

(1) Pour chaque i , soit �i une représentation irréductible de support supercuspi-dal si . Alors �1 � � � � � �r est irréductible.

(2) On pose sD s1C � � � C sr . L’application

.�1; : : : ; �r/! �1 � � � � � �r

induit une bijection de Irr.s1/� � � � � Irr.sr/ dans Irr.s/.

La proposition suivante découle de l’unicité du support supercuspidal et de laproposition 8.4.

PROPOSITION 8.20L’application .�1; : : : ; �r/ 7! St.�1; : : : ; �r/ de N.S/ dans Rnd est une bijection, et saréciproque est donnée par � 7! scusp.�/.

9. Classification des représentations irréductibles de GLm.D/L’objectif de cette section est le théorème 9.36, qui fournit une classification à laZelevinski des représentations irréductibles de GLm.D/, m � 1, en termes de multi-segments. Les multisegments sont définis au paragraphe 9.1. Dans le paragraphe 9.2,on définit les multisegments supercuspidaux et les multisegments apériodiques, et onmontre comment passer bijectivement des uns aux autres. On donne au paragraphe 9.3une classification des représentations résiduellement non dégénérées en fonction deleur support cuspidal. Dans le paragraphe 9.5, on associe à tout multisegment m unereprésentation irréductible Z.m/. Dans le paragraphe 9.6, on montre que l’applicationm 7! Z.m/ est surjective et on calcule ses fibres. Dans le paragraphe 9.7, on étudie laréduction modulo ` des Q`-représentations irréductibles.

9.1. MultisegmentsDans ce paragraphe, on définit la notion de multisegment. On note Seg l’ensemble desclasses d’équivalence de segments (définition 7.2). Le degré, la longueur, le supportd’un segment� ne dépendent que de la classe d’équivalence de ce segment, ainsi queles classes de représentations ŒZ.�/� et ŒL.�/�.

Définition 9.1Un multisegment est un multi-ensemble de classes de segments, c’est-à-dire un élé-ment de N.Seg/. On note

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 865

MultDN.Seg/ (9.1)

l’ensemble des multisegments.

Un multisegment non nul s’écrit sous la forme

mD�1C � � � C�r D Œa1; b1��1 C � � � C Œar ; br ��r ; (9.2)

où chaque �i D Œai ; bi ��i est une classe de segments. La longueur, le degré et lesupport, définis pour les segments en (7.3), sont définis pour les multisegments paradditivité :

n.m/D

rXiD1

n.�i /; deg.m/DrXiD1

deg.�i /; supp.m/DrXiD1

supp.�i /

désignent respectivement la longueur, le degré et le support de m. On définit aussipar additivité les applications m 7!m_ et m 7!m� de Mult dans Mult (voir (7.8) et(7.9)). Pour la seconde, on convient que, si � est un segment de longueur 1, alors ��

est le multisegment nul.Voici une série de lemmes qui seront utiles par la suite.

LEMME 9.2Soient m;m0 des multisegments tels que m� Dm0�. Il existe alors des multisegmentsn et n0 qui sont sommes de segments de longueur 1 et tels qu’on ait mC nDm0C n0.

DémonstrationSi l’on étend l’opération m 7!m� en un endomorphisme de groupe de Z.Seg/, il suffitde prouver que le noyau de cet endomorphisme est réduit au sous-groupe engendrépar les segments de longueur 1, ce qui est immédiat.

Soit m un multisegment, qu’on écrit sous la forme (9.2). On pose

m.1/ D Œ�1�b1�1�C Œ�2�

b2�2�C � � � C Œ�r�

br�r�

la somme des extrémités finales des segments composant m. Ceci définit une applica-tion m 7!m.1/ de Mult dans N.C/. Le lemme suivant est immédiat.

LEMME 9.3On a m.1/ D m si et seulement si m� D 0, c’est-à-dire si et seulement si m est unesomme de segments de longueur 1.

On définit maintenant par récurrence des multisegments m.1/;m.2/; : : : associésà m en posant m.iC1/ D .m�/.i/ pour tout i � 1.

866 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

LEMME 9.4L’application m 7! .m.1/;m.2/; : : : / est injective.

DémonstrationSoient m et m0 des multisegments tels que m.i/ D m0.i/ pour tout i � 1. Alors lesmultisegments m et m0 ont la même longueur, notée n. On remarque aussi qu’ilspossèdent le même nombre de segments, noté r . On procède par récurrence sur n,le cas où n D 1 étant immédiat. En considérant les égalités m.i/ D m0.i/ pour touti � 2, on obtient m� D m0� par hypothèse de récurrence. On déduit du lemme 9.2qu’il existe n et n0 des multisegments sommes de segments de longueur 1 tels quem C n D m0 C n0. On en déduit que m.1/ C n.1/ D m0.1/ C n0.1/. Mais on a aussim.1/ Dm0.1/, ce dont on déduit que nD n0, puis que mDm0.

On introduit maintenant une relation ` sur Mult. Que le lecteur prenne garde aufait que ce n’est pas une relation d’ordre.

Définition 9.5Soit m un multisegment, qu’on écrit sous la forme (9.2), et soit n un autre multiseg-ment. Si n est de la forme

Œa1; c1��1 C � � � C Œar ; cr ��r

avec ci 2 ¹bi�1; biº pour tout i , on écrit m ` n et on pose ı.m;n/D deg.m/�deg.n/.

Remarque 9.6

(1) Pour tout m 2Mult, on a m `m� et ı.m;m�/D deg.m.1//.

(2) Si m ` n, alors on a m� ` n� et ı.m;n/� ı.m�;n�/D deg.m.1//�deg.n.1//.

9.2. Multisegments supercuspidaux et apériodiquesDans ce paragraphe on étend au cas non deployé les définitions de [35, V.6]. Unmultisegment m est une période s’il est de la forme

mD Œa; b�� C ŒaC 1; bC 1�� C � � � C ŒaC n� 1; bC n� 1��; (9.3)

avec � une représentation irréductible cuspidale, a; b 2 Z et nD e.�/`r pour r � 0.

Définition 9.7Un multisegment est dit apériodique s’il ne contient pas de période et supercuspidalsi son support est formé de représentations supercuspidales.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 867

Soit � un segment. D’après le théorème 6.14, on peut l’écrire �D Œa; b�St.�;n/,où � est une représentation irréductible supercuspidale et nD 1 ou nD e.�/`r pourr � 0. La représentation � n’est pas unique, mais le multisegment

�sc D Œa; b�� C ŒaC 1; bC 1�� C � � � C ŒaC n� 1; bC n� 1��

ne dépend pas du choix de �. Ce procédé définit par additivité une application

m 7!msc (9.4)

de Mult vers l’ensemble Multsc des multisegments supercuspidaux, qui est l’indentitésur Multsc. Elle est donc surjective, mais pas injective en général. Cependant, on a lerésultat suivant.

LEMME 9.8Soit m un multisegment supercuspidal. Il y a un unique multisegment apériodique a

tel que asc Dm.

DémonstrationOn peut se ramener au cas de multisegments dont l’image par (9.4) a un supportdans N.Z�/ avec � supercuspidale. Pour alléger les notations, on pose Str.�/ DSt.�; e.�/`r/ pour r � 0. Un multisegment apériodique s’écrit

aDXr�0

Xn�1

ur;n � Œ1; n�Str .�/C a0

où a0 est la partie supercuspidale de a, c’est-à-dire le plus grand multisegment � a

dont le support soit supercuspidal, et où ur;n � 0 est la multiplicité du segmentŒ1; n�Str .�/ dans a1 D a � a0. (On remarque que pour r � 0 la représentation cus-pidale Str .�/ n’est pas supercuspidale. Ceci implique que o.Str.�// D 1, donc quetout segment de longueur n � 1 de la forme Œa; b�Str .�/ est équivalent à Œ1; n�Str .�/.)L’hypothèse d’apériodicité implique que, pour chaque r � 0 et chaque n � 1, on aur;n < `. On écrit maintenant

mD asc DXr�0

Xn�1

�`rur;n �

e.�/�1XjD0

Œj; j C n� 1��

�C a0:

Pour n� 1 et a 2 Z, soient vn;a et wn;a les multiplicités du segment Œa; aC n� 1��dans m et dans a0 respectivement. Si o.�/D 1, alors pour n� 1 et a 2 Z on trouve

vn;a Dwn;a CXr�0

`rC1ur;n

868 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

avec la conditionwn;a < ` provenant de l’apériodicité du multisegment a0. Par unicitédu développement `-adique de vn;a, on retrouve les wn;a et les ur;n à partir de m. Sio.�/ > 1, alors pour n� 1 et a 2 Z on trouve

vn;a Dwn;a CXr�0

`rur;n;

avec la condition wn;b D 0 pour au moins un b 2 Z, provenant de l’apériodicité dea0. Pour un tel b, l’unicité du développement `-adique de vn;b permet de retrouverles ur;n à partir de m. Puis on en déduit la valeur de wn;a pour tout a 2 Z.

En d’autres termes, la restriction de l’application (9.4) à l’ensemble Multap desmultisegments apériodiques induit une bijection de Multap vers Multsc. On note map

l’apériodisé d’un multisegment m, c’est-à-dire l’antécédent de msc par cette bijection.Les applications m 7!msc et m 7!map sont des bijections réciproques l’une de l’autreentre les ensembles Multap et Multsc.

Étant donné s 2N.C/, on pose

Mult.s/D®m 2Mult

ˇsupp.m/D s

¯(9.5)

et on note Mult.s/ap l’intersection Multap\Mult.s/. On a le lemme suivant.

LEMME 9.9On a les propriétés suivantes.

(1) Pour tout m 2Multsc, on a supp.m/ap D supp.map/.

(2) Pour tout m 2Multap, on a supp.m/sc D supp.msc/.

(3) Pour tout support supercuspidal s 2 N.S/, l’application m 7! map induit unebijection

Mult.s/!at

Mult.t/ap (9.6)

où t décrit les t 2N.C/ tels que tsc D s.

DémonstrationOn passe de (1) à (2) en appliquant les bijections m 7!msc et m 7!map entre Multap

et Multsc. Il suffit donc de prouver (1). Il suffit de le prouver lorsque m est une pé-riode, auquel cas le résultat est immédiat. Pour prouver (3), il suffit de prouver quel’application (9.6) est bien définie, ce qui découle de (1).

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 869

9.3. Classification des représentations résiduellement non dégénéréesDans ce paragraphe, on classe les représentations résiduellement non dégénérées (voiraussi la proposition 8.20) en termes de multisegment apériodiques. Ceci permet dedonner quelques propriétés de ces représentations, qui seront utiles par la suite.

On note N.C/ap l’image de N.S/ par la bijection m 7!map de Multsc dans Multap,c’est-à-dire l’ensemble des supports cuspidaux apériodiques.

THÉORÈME 9.10Soit � une représentation résiduellement non dégénérée. Il y a un unique multiseg-ment mD�1C � � � C�r tel que, pour tous i ¤ j , les segments �i ;�j ne soient pasliés et tel que � soit isomorphe à L.�1/� � � � � L.�r/.

DémonstrationSoit sD Œ�1�C� � �CŒ�n� 2N.S/ le support supercuspidal de � et soit tD sap le supportcuspidal apériodique lui correspondant, qu’on écrit Œ�1�C� � �C Œ�t � avec t � 1. Grâceà la condition d’apériodicité, il existe des segments �1; : : : ;�r de la forme �i DŒai ; bi ��i satisfaisant aux conditions suivantes :

(1) on a tD supp.�1/C � � � C supp.�r/ ;

(2) pour tous i ¤ j , les segments �i et �j ne sont pas liés ;

(3) pour tout i , la longueur de �i est strictement inférieure à e.�i /.

(On raisonne par récurrence sur t , le cas où t D 1 étant immédiat. On choisit un seg-ment �1 dont le support est inclus dans tD Œ�1�C� � �C Œ�t � et de longueur maximalepour cette propriété. Puis on applique l’hypothèse de récurrence à t� supp.�1/.)

Ces segments sont uniques à l’ordre près. D’après le théorème 7.24, la représen-tation

…D L.�1/� � � � � L.�r/

est irréductible, et elle est résiduellement non dégénérée d’après la proposition 7.21(3).Comme �1 � � � � � �r est un sous-quotient de �1 � � � � � �n, on déduit de la proposi-tion 8.4 que � est isomorphe à ….

On en déduit le résultat suivant.

PROPOSITION 9.11L’application .�1; : : : ; �r/ 7! St.�1; : : : ; �r/ est une bijection de N.C/ap dans Rnd,notée t 7! St.t/, et sa réciproque est donnée par � 7! cusp.�/.

DémonstrationSi � est une représentation irréductible résiduellement non dégénérée, on pose tD

870 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

scusp.�/ap et on note m le mutisegment donné par le théorème 9.10, de sorte quet est égal au support de m. Par construction, � est égale à St.t/. Par définition, lesupport cuspidal de L.�i / est égal au support de �i . Le théorème 9.10 impliquedonc que le support cuspidal de � est égal à supp.m/D t.

En comparant [35, Theorem V.7] à la proposition 9.11, on obtient le résultat sui-vant.

COROLLAIRE 9.12Soit � une représentation irréductible de GLn.F/. Alors

(1) � est non dégénérée si et seulement si � est résiduellement non dégénérée.

(2) Si est une partition de n, alors � est -dégénérée [35, V.5] si et seulementsi elle est résiduellement -dégénérée.

DémonstrationCompte tenu de [35, V.7] et de la remarque 8.14, il suffit de prouver que, pour toutereprésentation irréductible cuspidale � et pour tout entier n � e.�/ � 1, la représen-tation St.�; n/ est isomorphe à l’unique sous-quotient irréductible non dégénéré del’induite

� � ��� � � � � � ��n�1� :

Ceci découle de [34, III.5.13].

Le corollaire suivant est une conséquence de la proposition 7.19.

COROLLAIRE 9.13

(1) Pour tout support cuspidal t 2N.C/, on a St.t_/' St.t/_.

(2) Soit une partition de n. Alors une représentation est résiduellement-dégénérée si et seulement si sa contragrédiente est résiduellement -dégé-nérée.

En particulier, une représentation irréductible est non dégénérée si et seulementsi sa contragrédiente est résiduellement non dégénérée.

9.4. La partition m et la représentation St�m.m/

Dans ce paragraphe, on associe à tout multisegment m une famille croissante d’entiersm de somme deg.m/ et une représentation irréductible résiduellement non dégénéréedu sous-groupe de Levi M�m

, que l’on note St�m.m/.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 871

9.4.1Soit m un multisegment de degré noté m. On note Part.m/ l’ensemble des partitions de m telles que l’induite

I.m/D Z.�1/� � � � � Z.�r/ (9.7)

possède un sous-quotient irréductible -dégénéré (définition 8.7). Il n’est pas vide,parce qu’on peut choisir de sorte que r�.I.m// contienne un sous-quotient irréduc-tible cuspidal, qui est résiduellement non dégénéré d’après le lemme 8.4.

Définition 9.14On pose

m D�deg.m.1//� deg.m.2//� : : :

�: (9.8)

C’est une partition de m dont la conjuguée est la partition associée à .deg.�1/;deg.�2/; : : : /, la famille des degrés des segments composant m.

Remarque 9.15Par construction, on a m_ D m pour tout multisegment m.

On remarque que tous les multisegments m.i/ sont des sommes de segments delongueur 1, de sorte que, d’après la proposition 8.4, chacune des induites I.m.i//contient le sous-quotient irréductible résiduellement non dégénéré St.m.i//.

Définition 9.16Soit t le plus grand entier tel que m.t/ ¤ 0. On note m la famille croissante d’entiersassociée à la partition m, c’est-à-dire

m D�deg.m.t//� deg.m.t�1//� � � � � deg.m.1//

�; (9.9)

et on note

St�m.m/D St.m.t//˝ St.m.t�1//˝ � � � ˝ St.m.1//; (9.10)

qui est une représentation irréductible résiduellement non dégénérée de M�m.

LEMME 9.17La représentation St�m

.m/ est l’unique sous-quotient irréductible résiduellement nondégénéré de r�m

.I.m//.

DémonstrationOn va le prouver par récurrence sur la longueur n de m. Si n D 1, le résultat est

872 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

immédiat puisqu’alors I.m/ est irréductible cuspidale. On suppose maintenant quen � 2 et on pose ˛ D .m � deg.m.1//;deg.m.1///. D’après le lemme géométrique(paragraphe 2.4.3) et la proposition 7.16, le module de Jacquet r˛.I.m// est composéde représentations de la forme

I.m1/˝ I.m2/

avec m1;m2 des multisegments de la forme

m1 D

rXiD1

Œai ; ci ��i ; m2 D

rXiD1

Œci C 1; bi ��i ;

ai � 1� ci � bi ; deg.m2/D deg.m.1//:

D’après le corollaire 8.5, I.m2/ contient une représentation résiduellement non dé-générée si et seulement si pour tout i , on a ci D bi � 1, c’est-à-dire si m1 D m� etm2 D m.1/. Par hypothèse de récurrence, la représentation St�m�

.m�/ est l’uniquesous-quotient résiduellement non dégénéné de r�m�

.I.m�//. On remarque que

m� D�deg.m.t//� deg.m.t�1//� � � � � deg.m.2//

�;

St�m�.m�/D St.m.t//˝ St.m.t�1//˝ � � � ˝ St.m.2//:

On déduit le résultat par transitivité des foncteurs de Jacquet.

On renvoie à la définition 9.5 et au paragraphe 3.2 pour les définitions de ` et dela relations d’ordre � sur l’ensemble des partitions.

LEMME 9.18Soient m;n deux multisegments tels que m ` n. Alors la partition m est plus grandeque la partition associée à la famille .ı.m;n/;n/.

DémonstrationOn veut montrer que, pour tout k � 1, on a

kXiD1

deg.n.i// �kXiD1

deg.m.i// si ı.m;n/� deg.n.k//; (9.11)

ı.m;n/C

k�1XiD1

deg.n.i// �kXiD1

deg.m.i// si ı.m;n/ > deg.n.k//: (9.12)

La première inégalité découle du fait que, pour tout i � 1, on a deg.m.i//� deg.n.i//.Prouvons la seconde inégalité par récurrence sur la longueur n de m. Si k D 1, on adeg.m.1//� ı.m;n/. Si k � 2, d’après la remarque 9.6, l’inégalité (9.11) équivaut à

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 873

kXiD2

deg.m.i//� ı.m;n/Ck�1XiD2

deg.n.i//;

c’est-à-dire

k�1XiD1

deg.m�.i//� ı.m;n/Ck�2XiD1

deg.n�.i//;

ce qui est vrai par hypothèse de récurrence.

PROPOSITION 9.19La partition m est le plus grand élément de Part.m/, et I.m/ possède un uniquesous-quotient irréductible résiduellement m-dégénéré. Il apparaît avec multiplicité1 comme sous-quotient dans I.m/.

Remarque 9.20L’ordre � sur les partitions n’étant pas total, il n’est pas évident a priori que Part.m/possède un plus grand élément. Ainsi l’assertion de la proposition 9.19 est triple :

(1) l’ensemble Part.m/ admet un plus grand élément (automatiquement unique) ;

(2) ce plus grand élément est m (ce qui implique en particulier que m 2

Part.m/) ;

(3) le module de Jacquet r�m.I.m// possède un unique sous-quotient irréductible

résiduellement non dégénéré avec multiplicité 1.

DémonstrationLa partition m appartient à Part.m/ d’après le lemme 9.17 et la définition 8.7. Celemme implique aussi que r�m

.I.m// a un unique sous-quotient irréductible rési-duellement non dégénéré avec multiplicité 1. Soit maintenant � D .�1 � �2 � : : : / 2Part.m/. On va montrer, par récurrence sur m, que l’on a � � m.

D’après le lemme géométrique et la proposition 7.16, r.m��1;�1/.I.m// est soitnulle, soit composée de représentations de la forme

I.m1/˝ I.m2/

avec m1;m2 des multisegments de la forme

m1 D

rXiD1

Œai ; ci ��i ; m2 D

rXiD1

Œci C 1; bi ��i ;

ai � 1� ci � bi ; deg.m2/D �1:

874 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

D’après le corollaire 8.5, l’induite I.m2/ contient une représentation résiduellementnon dégénérée si et seulement si pour tout i , on a ci D bi ou ci D bi � 1, c’est-à-dire si m ` m1. Puisque � 2 ….m/, en écrivant �� D .�2 � : : : /, il existe (partransitivité du foncteur de Jacquet) un sous-quotient de r.m��1;�1/.I.m// de la formeI.m1/˝ I.m2/ où I.m2/ contient un sous-quotient irréductible résiduellement non dé-généré et où I.m1/ contient un sous-quotient irréductible résiduellement ��-dégénéré.La condition sur I.m1/ entraîne par hypothèse de récurrence qu’on a �� � m1 .Comme �1 D ı.m;m1/, on en déduit que � est plus petite que la partition associéeà .ı.m;m1/;m1/. Finalement, on déduit du lemme 9.18 que � � m.

9.4.2Étant donnés deux multisegments m;m0, on va donner dans ce paragraphe des condi-tions nécessaires et suffisantes pour que St�m

.m/ et St�m0.m0/ soient isomorphes.

LEMME 9.21Soient m;m0 deux multisegments supercuspidaux. Si St�m

.m/ et St�m0.m0/ sont iso-

morphes, alors mDm0.

DémonstrationL’hypothèse implique d’une part que m D m0 , d’autre part que St.m.i// et St.m0.i//sont isomorphes pour tout i � 1. D’après la proposition 8.20, ceci entraîne que m.i/ Dm0.i/ pour tout i � 1. Le lemme 9.4 implique alors que mDm0.

LEMME 9.22Pour tout multisegment m, on a m D msc et St�m

.m/' St�msc.msc/.

DémonstrationRemarquons que, par additivité de l’application m 7!m.i/, on a

mCn D mCn (9.13)

pour tous multisegments m et n. D’après la proposition 8.8, il suffit de prouver lelemme lorsque m est une période, auquel cas le résultat est immédiat.

On en déduit la proposition suivante.

PROPOSITION 9.23Soient m;m0 deux multisegments. Alors St�m

.m/ et St�m0.m0/ sont isomorphes si et

seulement si msc Dm0sc.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 875

9.5. La représentation Z.m/Dans cette section, on associe à tout m 2Mult une représentation irréductible Z.m/.

9.5.1La proposition 9.19 nous permet de donner la définition suivante.

Définition 9.24Soit mD�1C � � � C�r un multisegment. Il y a un unique sous-quotient irréductiblede

I.m/D Z.�1/� � � � � Z.�r/; (9.14)

noté Z.m/, qui soit résiduellement m-dégénéré (voir (9.8) et la définition 8.7). Ilapparaît avec multiplicité 1 dans I.m/ et l’unique sous-quotient résiduellement nondégénéré de r�m

.Z.m// est St�m.m/.

Ceci découle de l’exactitude du foncteur de Jacquet et de la propriété de multi-plicité 1 de la proposition 9.19.

Remarque 9.25D’après le corollaire 9.12, notre définition coïncide avec celle de Vignéras [35, V.9.2]dans le cas où DD F.

Exemple 9.26Si t 2N.C/ est un support cuspidal, alors Z.t/' St.t/.

PROPOSITION 9.27Pour tout multisegment m, on a Z.m/_ ' Z.m_/.

DémonstrationPar passage à la contragrédiente, et puisque Z.m/ est un sous-quotient irréductiblede I.m/, on trouve que Z.m/_ est un sous-quotient irréductible de I.m/_. Or, d’aprèsla proposition 7.19, les représentations I.m/_ et I.m_/ sont isomorphes. D’après lecorollaire 9.13 et la remarque 9.15, la représentation Z.m/_ est résiduellement m-dégénérée, donc résiduellement m_ -dégénérée. On en déduit que Z.m/_ est iso-morphe à Z.m_/.

PROPOSITION 9.28Soient m;n des multisegments. Alors la représentation Z.mC n/ est un sous-quotientde Z.m/� Z.n/.

876 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

DémonstrationD’après le lemme 8.8 et (9.13), l’induite Z.m/ � Z.n/ contient un sous-quotient �résiduellement mCn-dégénéré. Comme Z.m/� Z.n/ est un sous-quotient de I.mCn/, il en est de même pour � . Elle est donc par définition isomorphe à Z.mC n/.

9.5.2Soit m� 1, soient � une représentation irréductible cuspidale de Gm et �˝� un typesimple maximal contenu dans �. On forme l’homomorphisme Sn et on rappelle que� désigne la classe d’inertie de �. On a la caractérisation suivante de Z.m/ dans lecas où supp.m/ 2N.�/.

PROPOSITION 9.29Soit m un multisegment de longueur n dont le support est dans N.�/. Alors Z.m/est l’unique sous-quotient irréductible de I.m/ tel que

Sn�Z.m/

���z.�;m�10m/

�;

où 0m est la partition conjuguée de m.

DémonstrationOn note ni la longueur de �i , de sorte que la partition des ni est égale à m�10m.D’après les propositions 7.13 et 7.21, on a

Sn�I.m/

�D z.�;n1/� � � � � z.�;nr/: (9.15)

D’après le théorème 3.5, la représentation z.�;m�10m/ est l’unique sous-quotientirréductible m-dégénéré de (9.15) et il y apparaît avec multiplicité 1.

9.6. Classification des représentations irréductiblesDans ce paragraphe, on étudie l’application

Z WMult! Irr :

On prouve qu’elle est surjective et que sa restriction à Multsc est injective. Puis on étu-die ses fibres et on calcule les supports cuspidal et supercuspidal de Z.m/ en fonctionde m.

9.6.1On montre d’abord l’injectivité de la restriction de Z à Multsc.

THÉORÈME 9.30Soient m;m0 deux multisegments supercuspidaux. Alors les représentations Z.m/ etZ.m0/ sont isomorphes si et seulement si mDm0.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 877

DémonstrationComme m est l’unique plus grande partition pour laquelle Z.m/ soit résiduelle-ment dégénérée et comme St�m

.m/ est l’unique sous-quotient irréductible résiduel-lement non dégénéré de r�m

.Z.m//, l’hypothèse implique d’une part que m D m0 ,et d’autre part que St�m

.m/ et St�m0.m0/ sont isomorphes. Il ne reste plus qu’à appli-

quer le lemme 9.21.

Si m est un multisegment supercuspidal, alors scusp.Z.m// est égal au supportde m. Quel est alors son support cuspidal ? La réponse à cette question est donnéedans la proposition 9.34.

LEMME 9.31Soit m 2Multsc. On suppose qu’il y a une représentation irréductible supercuspidale� telle que supp.m/ 2N.Z�/. S’il existe r � 0 et k � 1 tels que

cusp�Z.m/

�D k � Str.�/;

alors m n’est pas apériodique.

DémonstrationComme St�m

.m/ est un sous-quotient non dégénéré de r�m.Z.m// et comme

Œr�m.Z.m//� � Œr�m

.I.cusp.Z.m////�, il y a une partition � D .k1 � k2 � : : : / dek telle que, pour tout i � 1, on ait

St.m.i//D St�ki � Str.�/

�:

Notons � 0 D .k01 � k02 � � � � � k

0s/ la partition conjuguée de � et posons

m0 D Œ1; k01�Str .�/C Œ1; k02�Str .�/C � � � C Œ1; k

0s�Str .�/:

Les partitions m0 et m sont égales et les représentations St�m0.m0/ et St�m

.m/ sontisomorphes. On déduit de la proposition 9.23 que mDm0sc. Comme m0sc ¤m0, on endéduit que m n’est pas apériodique.

9.6.2Le résultat suivant donne une classification des représentations irréductibles en termesde multisegments. Soit ZF l’ensemble des caractères non ramifiés de F� de la formex 7! jxjiF avec i 2 Z. Pour tout m� 0, on note Multap

m.ZF/ l’ensemble des multiseg-ments apériodiques de degré m et de support contenu dans N.ZF/, et Multsc

m l’en-semble des multisegments supercuspidaux de degré m.

878 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

PROPOSITION 9.32Soit m� 0 un entier.

(1) L’image de Multapm.ZF/ par m 7! Z.m/ est l’ensemble des classes de représen-

tations irréductibles de Gm dont le support cuspidal est contenu dans N.ZF/.

(2) L’application m 7! Z.m/ induit une bijection de Multscm dans Irr.Gm/ et, pour

m 2Multscm, on a scusp.Z.m//D supp.m/.

(3) Pour tout multisegment m de degré m, on a Z.m/' Z.msc/' Z.map/.

DémonstrationOn va prouver ce résultat par récurrence sur m, le cas mD 1 étant trivial. Supposonsdonc que la proposition soit vraie pour tout i < m et prouvons-la au rang m.

On prouve d’abord (1). Soit m 2 Multapm , et supposons que Z.m/ n’ait pas le

support cuspidal attendu, c’est-à-dire qu’il existe des entiers 1 � i � m et r � 0,t � 1 et des représentations irréductibles �1 2 Irr.Gi / et �2 2 Irr.Gm�i / tels que

Z.m/' �1 � �2; cusp.�1/D t � Str.1F�/:

D’après le lemme 9.31, on a i < m. La proposition étant vraie pour i etm� i , il existed’après (2) des multisegments supercuspidaux m1 et m2 tels qu’on ait �1 D Z.m1/et �2 D Z.m2/. D’après la proposition 9.28 et le théorème 9.30, on a mDm1 Cm2.D’après le lemme 9.31, le multisegment m1 n’est pas apériodique, donc m non plus :contradiction. Soit maintenant s 2N.ZF/ de degré m. On a une application injective

Z WMultap.s/! Irr.s/? (9.16)

(rappelons que Irr.s/? désigne l’ensemble des classes de représentations irréductiblesde support cuspidal s).

LEMME 9.33Les ensembles finis Multap.s/ et Irr.s/? ont le même cardinal.

DémonstrationOn utilise les notations du paragraphe 4.3. On écrit s sous la forme

Œ�i1 �C � � � C Œ�in �; i1; : : : ; in 2 Z;

où � désigne la valeur absolue normalisée de F�. Si l’on note � l’image de q dans Ret si l’on pose „D Œ� i1 �C � � �C Œ� in � 2N.�Z/, on peut identifier les ensembles ‰.„/et Multap.s/. L’application V 7! VI, où I désigne le sous-groupe d’Iwahori standard,induit une bijection de Irr.s/? dans Irr.HN ;„/ (voir [36, 2 et 6]). L’égalité cherchéeest donc une conséquence de l’égalité entre les cardinaux respectifs des ensembles‰.„/ et Irr.Hn;„/, qui est donnée par le corollaire 4.9.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 879

Le lemme 9.33 implique que l’application (9.16) est bijective.On prouve maintenant (2). Il suffit de prouver que, pour tout s 2 N.S/ de degré

m, l’application m 7! Z.m/ induit une bijection de Mult.s/ dans Irr.s/. Soit donc unsupport supercuspidal s 2N.S/. La restriction de Z à Mult.s/ est à valeurs dans Irr.s/d’après la définition 9.24, et elle est injective d’après le théorème 9.30. Il reste doncà montrer que les ensembles Mult.s/ et Irr.s/ ont le même cardinal. D’après le théo-rème 8.19 et la proposition 5.9, on peut se ramener au cas où s 2 N.Z�/, avec � unereprésentation irréductible supercuspidale. Grâce à l’unicité du support supercuspidal(voir le théorème 8.16), on a une égalité

Irr.s/Da

t2N.C/

tscDs

Irr.t/?: (9.17)

D’après le lemme 9.9, on a une bijection

Mult.s/'�!

at2N.C/

tscDs

Mult.t/ap:

Il suffit donc de prouver que, pour tout t 2 N.C/ tel que tsc D s, les ensembles finisMult.t/ap et Irr.t/? ont le même cardinal. D’après le théorème 6.14, chaque t 2N.C/tel que tsc D s se décompose sous la forme

tD t�1C t0C t1C � � � C tr ; r ��1;

où t�1 2 N.Z�/ et tk 2 N.ZStk.�// pour k � 0, où Stk.�/ désigne la représentationcuspidale St.�; e.�/`k/. D’après le théorème 5.8, on a une bijection

Irr.t/?! Irr.t�1/? � Irr.t0/

? � � � � � Irr.tr/?;

et on a une décomposition analogue

Mult.t/ap DMult.t�1/ap �Mult.t0/

ap � � � � �Mult.tr/ap;

de sorte qu’on peut supposer que t est égal à un seul tk , par exemple k D �1 poursimplifier les notations. Il correspond à t un support cuspidal t0 2N.ZF0/ où F0 est uneextension finie de F associée à la représentation cuspidale �, et une bijection

ˆt W Irr.t/?! Irr.t0/?

en vertu de [26, Proposition 4.36] et de la bijection de (5.11). On a une bijectionanalogue

Mult.t/ap!Mult.t0/ap

880 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

grâce à la proposition 7.10. On est donc ramené à prouver l’égalité de cardinaux dansle cas où � est le caractère trivial de F0�. On conclut grâce à la partie (1).

On prouve finalement (3). Soit m un multisegment de degré m. D’après la partie(2), il existe m0 2Multsc

m tel que Z.m0/' Z.m/, ce qui implique que m et m0 sontégales et que St�m

.m/ et St�m0.m0/ sont isomorphes. Le résultat découle alors des

lemmes 9.21 et 9.22.

9.6.3La proposition suivante donne le support cuspidal de Z.m/ en fonction de m.

PROPOSITION 9.34Pour tout multisegment m, on a cusp.Z.m//D supp.map/.

DémonstrationD’après la proposition 9.32(3), on peut supposer que m D map. On va montrer lelemme suivant par récurrence sur la longueur de m. On note Multap

.n/l’ensemble des

multisegments apériodiques de longueur n.

LEMME 9.35L’application m 7! Z.m/ induit une bijection entre Multap

.n/et l’ensemble des classes

de représentations irréductibles de support cuspidal de longueur n et, pour tout multi-segment m 2Multap

.n/, on a cusp.Z.m//D supp.m/.

DémonstrationD’après la proposition 9.32 et le paragraphe 9.2, l’application

Z WMultap! Irr

est une bijection. Si nD 1, le résultat est trivial. On suppose donc que n� 2 et on posetD supp.m/. Soient �1; : : : ; �r des représentations irréductibles cuspidales telles queZ.m/ soit un quotient de �1 � � � � � �r . Du lemme géométrique on déduit que r � net, si r D n, on a

tD Œ�1�C � � � C Œ�n�;

c’est-à-dire que cusp.Z.m//D supp.m/. Supposons donc que r < n. Par hypothèse derécurrence, il existe un multisegment apériodique m0 de longueur r tel que Z.m0/DZ.m/, ce qui donne une contradiction.

Ceci met fin à la preuve de la proposition 9.34.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 881

On résume ici les resultats obtenus dans cette section.

THÉORÈME 9.36

(1) L’application Z WMult! Irr est surjective.

(2) Étant donnés m;m0 2Mult, on a Z.m/' Z.m0/ si et seulement si msc Dm0sc.

(3) Pour tout m 2 Mult, on a scusp.Z.m// D supp.msc/ et cusp.Z.m// Dsupp.map/.

(4) Pour tout m 2Mult, on a Z.m/_ ' Z.m_/.

Remarque 9.37Dans le cas où D D F, la surjectivité de l’application Z n’est pas prouvée en détaildans [34]. Notre argument est différent de celui suggéré dans la note de [34, p. 606].

Remarque 9.38L’application m 7! Z.m/ dépend du choix de la racine carrée

pq effectué au para-

graphe 1.1.1. Pour éliminer cette dépendance, on peut renormaliser Z en posant

bZ�Œa1; b1��1 C � � � C Œar ; br ��r �D Z�Œa1; b1��1�.b1�a1/=2 C � � � C Œar ; br ��r�.br�ar /=2

�:

L’application m 7!bZ.m/ vérifie les propriétés 1, 2 et 4 du théorème 9.36, mais pasla propriété 3 telle quelle. En modifiant convenablement la définition du support d’unmultisegment, on peut obtenir pourbZ une propriété analogue à 3.

9.7. Réduction modulo `Soit ` un nombre premier différent de p, soit un entier m� 1 et soit GDGm.

THÉORÈME 9.39Soit Q� une Q`-représentation irréductible cuspidale entière de G. On suppose que�D r`. Q�/ est une F`-représentation irréductible.

(1) Soient a � b des entiers. Alors la Q`-représentation Z.Œa; b� Q�/ est entière et

r`�Z�Œa; b� Q�

��D Z

�Œa; b��

�:

(2) Soit un multisegment QmD Œa1; b1� Q� C � � � C Œar ; br � Q� et posons

mD Œa1; b1�� C � � � C Œar ; br ��:

Alors Z. Qm/ est une représentation entière et Z.m/ est un facteur irréductiblede r`.Z. Qm//.

882 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

DémonstrationOn commence par montrer (1). On note �D Œa; b�� et Q�D Œa; b� Q� et on pose nDb � aC 1. On fixe un type simple maximal �D � ˝ � contenu dans �, et on formele morphisme Sn comme au paragraphe 7.2. Soit Q� ˝ Q� un type simple maximalcontenu dans Q� et relevant �˝ � . Il correspond à ce relèvement (paragraphe 5.3) uneˇ-extension Q�n et un foncteur

QKn WRQ`.Gmn/!RQ`

. NGm0n/:

Remarquons, dans un premier temps, que r`.Z.�// ne contient pas de représentationcuspidale. En effet, la représentation Sn.…. Q�// contient, par la proposition 7.13 etle paragraphe 3.3, la représentation st. Q�;n/ avec multiplicité 1. Comme Sn.L. Q�//contient st. Q�;n/ (voir la proposition 7.21(3)), la réduction r`.Sn.L. Q�/// contientst.�; n/. Comme Z. Q�/¤ L. Q�/ dès que n¤ 1, la réduction r`.Sn.Z. Q�/// ne contientpas de représentation cuspidale. On déduit que r`.Z. Q�// ne contient pas de représen-tation cuspidale.

Par récurrence, on peut supposer que pour tout sous-groupe parabolique propreP D P˛ , la réduction r`.r˛.Z. Q�// est nulle ou irréductible. Si r`.Z. Q�// n’est pasirréductible, comme elle ne contient pas de représentation cuspidale, il existe un sous-groupe parabolique propre PD P˛ tel que r`.r˛.Z. Q�/// soit de longueur au plus 2 :contradiction.

Montrons maintenant (2). Compte tenu de ce qui précède et du paragraphe 1.2.3,on a l’égalité r`.I. Qm//D ŒI.m/�. Comme le foncteur de Jacquet commute aussi à laréduction modulo ` (voir le paragraphe 1.2.4) et que dans le cas fini la réduction mo-dulo ` d’une représentation non dégénérée contient une représentation non dégénérée,le module de Jacquet

r�m

�r`�Z. Qm/

��contient une représentation non dégénérée. Par définition de Z.m/, on a le résultatannoncé.

THÉORÈME 9.40Pour tout m� 1, l’homomorphisme de réduction

r` W GQ`.Gm/

en! GF`.Gm/ (9.18)

est surjectif.

DémonstrationSoit s 2N.SF`/, et soit G

F`.Gm; s/ le sous-groupe de G

F`.Gm/ engendré par Irr.s/.

REPRÉSENTATIONS LISSES MODULO ` DE GLm.D/ 883

LEMME 9.41L’ensemble des représentations de la forme ŒI.m/�, avec m 2Multsc.s/, est une basede G

F`.Gm; s/.

DémonstrationD’après le théorème 9.36, l’ensemble des ŒZ.m/�, m 2 Multsc.s/, est une base deGF`.Gm; s/. Il suffit donc de prouver que l’ensemble des ŒI.m/�, m 2Multsc.s/, qui a

le même cardinal, engendre le Z-module libre GF`.Gm; s/.

On peut supposer que supp.s/ 2N.Z�/ avec � une représentation supercuspidale.Supposons qu’il existe m0 2 Multsc.s/ tel que Z.m0/ n’appartienne pas au sous-Z-module engendré par les ŒI.m/�, m 2 Multsc.s/, et choisissons m0 tel que m0 soitminimal. D’après la proposition 9.19, on a une décomposition�

I.m0/�D�Z.m0/

�CXm

am�Z.m/

�où m décrit les multisegments dans Multsc.s/ tels que m � m0 (où � désigne larelation d’ordre stricte associée à �) et où les am sont des entiers � 0. Par minimalitéde m0 , les ŒZ.m/� avec m � m0 appartiennent au sous-groupe engendré par lesŒI.m/� avec m 2Multsc.s/, donc ŒZ.m0/� aussi, ce qui conduit à une contradiction.

Soit � une F`-représentation irréductible de Gm et soit s son support supercuspi-dal. D’après le lemme 9.41, il existe des am 2 Z, m 2Multsc.s/ tels que

Œ��DX

m2Multsc.s/

am�I.m/

�:

Par les théorèmes 9.39(1) et 5.14, pour tout m 2Multsc.s/, il existe un multisegmentQm tel que r`.ŒI. Qm/�/D ŒI.m/�. On en déduit que

Œ��D r`�X

m

am�I. Qm/

��;

où la somme porte sur les m 2Multsc.s/, et donc (9.18) est surjectif.

Remarque 9.42

(1) En général, la réduction modulo ` d’une représentation de la forme L. Q�/ n’estpas irréductible. Par exemple, si Q� est la représentation triviale de F�, si Q�DŒ0; 1� Q� et si q est d’ordre 2 modulo `, la représentation L. Q�/ contient, d’après[36], un caractère et une représentation cuspidale non supercuspidale.

(2) Si n.�/ < e.�/, alors r`.L. Q�//D L.�/ (voir [27]).

884 MÍNGUEZ et SÉCHERRE

(3) En général, on ne peut pas relever une représentation de la forme L.�/. Parexemple, si � est la représentation triviale de F�, si � D Œ0; 2�� et si q estd’ordre 3 modulo `, la représentation L.�/ ne peut pas être relevée.

(4) Si r`. Q�/ n’est pas irréductible, alors r`.Z. Q�// ne l’est pas non plus. Parexemple, si Q� est une Q`-représentation cuspidale entière telle que r`. Q�/ DŒ��C Œ�0� avec � et �0 irréductibles non isomorphes, on a

r`�Z�Œ0; 1� Q�

��D Z

�Œ0; 1��

�C Z

�Œ0; 1��0

�C Œ� � �0�:

(5) Si � est uneF`-représentation cuspidale telle qu’il existe uneQ`-représentationcuspidale irréductible Q� qui relève �, alors Z.Œa; b��/ peut être aussi caractérisécomme la réduction modulo ` de Z.Œa; b� Q�/. Cette définition ne dépend pas duchoix de Q� (voir [14, Proposition 2.2.3]).

Remerciements. Nous remercions Jean-François Dat, Guy Henniart, Vanessa Mie-mietz, Shaun Stevens et Marie-France Vignéras pour de nombreuses discussions àpropos de ce travail.

Une partie de ce travail a été réalisée lors du séjour des auteurs à l’Erwin Schrö-dinger Institute en janvier-février 2009 et du second auteur à l’Institut Henri Poincaréde janvier à mars 2010 ; que ces deux institutions soient remerciées pour leur accueilet leur soutien financier. Une autre partie en a été réalisée lors de plusieurs séjoursà l’University of East Anglia : nous remercions celle-ci pour son accueil et ShaunStevens pour ses nombreuses invitations.

Alberto Mínguez remercie le CNRS pour les six mois de délégation dont il abénéficié en 2011.

Vincent Sécherre remercie l’Institut de Mathématiques de Luminy et l’Universitéde la Méditerranée Aix-Marseille 2, où il était en poste durant la majeure partie de cetravail.

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Mínguez

Institut de Mathématiques de Jussieu, Université Paris 6, 75005 Paris, France ;

[email protected] ; http://www.math.jussieu.fr/~minguez/

Sécherre

Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Laboratoire de Mathématiques de

Versailles, 78035 Versailles CEDEX, France ; [email protected]