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Chapitre 1 : Revue Bibliographique 5 1 REVUE BIBLIOGRAPHIQUE "Les polymères amorphes, structure et propriétés"

REVUE BIBLIOGRAPHIQUE Les polymères amorphes ...docinsa.insa-lyon.fr/these/2006/munch/04_chapitre_1.pdfChapitre 1 : Revue Bibliographique 7 1 Introduction Les polymères amorphes

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    REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

    "Les polymères amorphes, structure et propriétés"

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

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    1 Introduction .............................................................7

    2 L'état amorphe et la transition vitreuse....................7 2.1 La notion d'état hors d'équilibre .................................................................................7 2.2 Fragilité des systèmes vitreux ....................................................................................8 2.3 Description sous forme d'un paysage énergétique .....................................................9

    3 La mobilité moléculaire...........................................12

    3.1 Le comportement général des systèmes amorphes...................................................12

    3.1.1 Les relaxations structurales ..............................................................................12 3.1.2 Exemples de fonctions de relaxation................................................................13

    3.2 Les spécificités des polymères amorphes.................................................................15

    3.2.1 Les liaisons chimiques et l'architecture moléculaire ........................................16 3.2.2 Conséquences sur les relaxations structurales..................................................17

    3.3 Description des relaxations.......................................................................................18

    3.3.1 Les relaxations γ, δ ...........................................................................................19 3.3.2 La relaxation β..................................................................................................19 3.3.3 La relaxation principale α ................................................................................21

    4 Des modèles de relaxation principale .....................22

    5 Le vieillissement physique ......................................26

    6 Les effets de la déformation ...................................28

    6.1 La nature recouvrable de la déformation..................................................................28 6.2 D'un point de vue moléculaire..................................................................................29 6.3 Dans l'état caoutchoutique: effet entropique ............................................................31 6.4 Dans l'état vitreux: impact sur l'enthalpie.................................................................32

    7 Bilan général...........................................................34

    8 Conclusion ..............................................................35

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    1 Introduction

    Les polymères amorphes qui font l'objet de cette étude sont un cas particulier de l'ensemble des systèmes amorphes. Ils présentent donc un certain nombre de propriétés communes à tous les systèmes désordonnés telles que l'absence d'ordre à longue distance, la présence d'une transition vitreuse ou encore la sensibilité au phénomène de vieillissement physique en dessous de la température de transition vitreuse. Des propriétés spécifiques qui sont liées à leur structure viennent s'ajouter à cette liste. L'existence de plusieurs types de liaisons et l'architecture des chaînes macromoléculaires déterminent aussi la complexité de leurs propriétés de relaxation.

    2 L'état amorphe et la transition vitreuse Cette partie a pour objectif de présenter un certain nombre des caractéristiques communes à l'ensemble des systèmes amorphes, tels que les verres minéraux, métalliques ou organiques. La description de ces systèmes est intimement liée à l'existence d'une température de transition vitreuse et à la notion d'état hors d'équilibre.

    2.1 La notion d'état hors d'équilibre

    L'évolution avec la température des propriétés thermodynamiques telles que le volume V ou l'enthalpie H des systèmes amorphes ne présente pas de discontinuité à la transition vitreuse Tg (Figure 1). Cette transition ne s'apparente donc pas à une transition de phase classique (fusion ou cristallisation d'un liquide simple par exemple), et les changements de V et de H s'opèrent de façon continue sur une plage restreinte de température. Cette zone sépare deux états distincts du matériau: l'état vitreux et l'état de liquide surfondu.

    Pour des températures supérieures à la zone de transition vitreuse, le système est dans un état d'équilibre stable au-dessus de la température de fusion ou métastable en dessous (liquide surfondu). Dans cet état, si la viscosité du système est faible, sa mobilité moléculaire est grande et le matériau s'écoule. Lors d'un refroidissement, la viscosité augmente jusqu'à la zone de transition vitreuse, le système tend à se figer et entre ainsi dans un état vitreux.

    L'état vitreux, obtenu à des températures inférieures à la zone de

    transition vitreuse, est un état désordonné hors d'équilibre qui peut donc évoluer. En effet, tout système dynamique dans un état d'équilibre perturbé évolue dans le temps vers un nouvel état d'équilibre en accord avec les équations dynamiques du mouvement. Après un temps qui est caractéristique du système considéré, un état d'équilibre métastable est atteint. Dans l'état vitreux, à des températures suffisamment basses le temps de relaxation devient infini.

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    v erre

    liquide liquide

    surfondu

    cristal

    Tg2 Tg1 Tcristallisation

    Volume, Enthalpie

    Température

    2 lent

    1 rapide

    FIG. 1.1 Schéma de l'évolution des grandeurs thermodynamiques enthalpie et volume en

    fonction de la température.

    La figure 1.1 montre l'évolution schématique lors d'un refroidissement des grandeurs thermodynamiques enthalpie et volume en fonction de la température, autour de la transition vitreuse. L'évolution d'un système qui cristallise complètement est également rapportée comme référence d'une transition de phase du premier ordre. La température de transition vitreuse (Tg) qui peut être définie comme l'intersection des limites liquide et vitreuse, est fonction de la vitesse de refroidissement imposée au matériau. Tg augmente lorsque la vitesse de refroidissement du système jusque dans l'état vitreux augmente. L'état vitreux dépend ainsi de l'histoire thermique du matériau et reflète la configuration macroscopique figée au cours du passage de Tg.

    2.2 Fragilité des systèmes vitreux

    Au cours d'un refroidissement, le système passe à la transition vitreuse, d'un état de fluide visqueux où les atomes, les molécules ou les chaînes sont mobiles et impliqués dans des mouvements à très grande échelle (mouvements de reptation ou modes de Rouse), à un état vitreux quasi iso-configurationnel. Le temps de relaxation moyen du liquide visqueux lié au temps nécessaire aux réarrangements moléculaires peut être relié à la viscosité η du système: η=G∞. G∞ est le module de cisaillement à une fréquence infinie. A Tg, ce temps moyen augmente de plusieurs ordres de grandeur dans une gamme de température étroite [BÖH93]. Cette variation de viscosité caractérise la fragilité du système.

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    Une manière d'exprimer l'indice de fragilité d'un matériau est de considérer la grandeur m sans dimension définie par:

    log( / )

    gg T T

    dm

    d T Tτ

    =

    =

    Le paramètre m est défini par Angell, comme la pente des courbes de viscosité en fonction de l'inverse de la température normée à Tg (Figure 1.2) [ANG91].

    FIG. 1.2 Diagramme d'Arrhénius normé par rapport à Tg pour différents systèmes vitreux

    (Silice, glycerol et o-Terphenyl). La fragilité du système est représentée par la pente des

    courbes à Tg/T=1 [ANG95].

    La figure 1.2 montre l'étalement des valeurs obtenues pour les comportements de verres organiques et inorganiques différents. Les plus grandes valeurs de 'm' correspondent aux systèmes les plus fragiles. Dans ces systèmes, les modes de configuration se figent rapidement au passage de la transition vitreuse. Les plus faibles valeurs de 'm' sont caractéristiques des systèmes forts, dont un des exemples type est le verre de silice SiO2. Il s'agit d'un système à liaisons covalentes qui présente une faible sensibilité structurale à la température et une faible sensibilité de la dynamique à la microstructure. La fragilité des systèmes vitreux dépend du type des interactions dans le matériau. Des résultats de Ngai et Roland montrent que la fragilité des polymères varie en fonction de leur nature chimique et de la topologie de leur chaînes [NGA93]. Ainsi, plus la structure moléculaire est simple plus le matériau est fort.

    2.3 Description sous forme d'un paysage énergétique Si les polymères amorphes sont des systèmes complexes, le concept de paysage énergétique l'est tout autant, et il n'est pas dans les objectifs de ce travail de le discuter de manière approfondie. Toutefois, il apparaît utile d'en faire mention pour deux raisons principales. Tout d'abord, les techniques de simulation par dynamique

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    moléculaire, dont nous avons mis en oeuvre un exemple, se basent sur ce type de concept. Il apparaît donc nécessaire d'en comprendre les fondements. Ensuite, la notion de paysage énergétique est une image simple et puissante pour se figurer ce qu'est un verre et quelles sont ses caractéristiques.

    énergie potentielle

    dimension Ni de l'espace des phases

    FIG. 1.3 Représentation schématique d'une coupe du paysage énergétique selon la direction

    d'une dimension arbitraire de l'espace des phases.

    Le paysage énergétique d'un système est la description de son énergie potentielle dans l'espace des phases (Figure 1.3). C'est à Goldstein que l'on doit d'avoir posé un grand nombre de bases concernant la modélisation des systèmes désordonnés et la justification de la description d'un système vitreux sous la forme d'un paysage d'énergie potentielle [GOL69]. L'existence d'un état vitreux est inhérente à la présence de barrières qui doivent être hautes par rapport à l'énergie thermique du système. La mécanique statistique classique stipule que la connaissance de l'énergie potentielle en fonction des coordonnées atomiques détermine à la fois la thermodynamique à travers l'intégrale des configurations (intégrale de la distribution de probabilité d'énergie potentielle en un point à travers le facteur de Boltzmann (exp(-U/kT))) et les propriétés de transport à travers les équations de mouvement. L'évaluation de l'intégrale des configurations amène à une forme extrêmement complexe de la surface d'énergie potentielle. Cette surface correspond à la valeur de l'énergie potentielle comme fonction des 3N coordonnées atomiques dans un espace à 3N+1 dimensions. Dans une telle représentation l'état d'un système est représenté par un point en mouvement sur une surface avec une vitesse à 3N dimensions dont la valeur moyenne est dépendante de la température. L'importance de la notion de barrière d'énergie potentielle dans les verres se justifie d'après les points suivants:

    au dessous de la température de transition vitreuse la mobilité d'un verre est extrêmement faible. Dans les gammes de température où le vieillissement physique est faible, le système peut être considéré comme stable dans la mesure où aucune évolution ne peut être observée à l'échelle de temps du laboratoire. Si les atomes sont légèrement déplacés de leur position d'équilibre, il existe des forces de rappel qui le ramènent dans cette position. Le verre à basse

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    température oscille autour d'un état minimum d'énergie particulier, parmi les nombreuses cuvettes d'énergie potentielle du paysage énergétique. les verres ont une entropie de configuration finie et toute propriété qui

    les décrit, énergie, entropie etc. est dépendante de son histoire thermique au cours du passage à travers leur transition vitreuse. l'énergie potentielle est une fonction de toutes les coordonnées

    atomiques. Un mouvement local d'un minimum à un minimum voisin modifie les coordonnées atomiques à courte distance au moins faiblement. Quand la température augmente, plusieurs réarrangements se produisent dans différentes régions au même moment et le système est dans un processus de transition constant. lorsque la température atteint une valeur suffisante l'énergie thermique

    devient comparable à la hauteur des barrières. Il n'est plus possible d'utiliser la théorie des changements d'état pour déterminer les mouvements du point représentant le système sur la surface d'énergie.

    FIG. 1.4 Modèle à deux dimensions d'une surface d'énergie [DOY02].

    Lorsque la surface d'énergie potentielle est définie, que ses minima discrets sont identifiés, il reste à caractériser la dynamique des transitions entre bassins à partir des expressions fondamentales de mécanique statistique. Dès lors les propriétés thermodynamiques et les propriétés de transport sont modélisées. La définition des propriétés de transport est cruciale si l'on s'intéresse à l'irréversibilité des mécanismes. Enfin, il est essentiel de déterminer une gamme de température pour la validité de cette description. Le formalisme qui décrit le système par le biais d'un paysage énergétique n'est plus valable lorsque l'amplitude des oscillations sous l'effet de l'activation thermique devient trop proche de la hauteur des barrières d'énergie potentielle du paysage [STI88]. Goldstein a anticipé l'intérêt du développement de moyens de calcul pour tester et valider cette vision de l'état vitreux. Aujourd'hui de nombreux travaux reprennent ces concepts et simulent le comportement de systèmes amorphes de plus en plus complexes et donc proches de la réalité [KOB99], [UTZ00].

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    3 La mobilité moléculaire

    Cette partie s'attache à présenter des outils de description et quelques modes d'expression de la mobilité moléculaire dans les systèmes amorphes, essentiellement au travers des processus de relaxation mécanique.

    3.1 Le comportement général des systèmes amorphes

    3.1.1 Les relaxations structurales L'existence de relaxations au sein des systèmes amorphes est liée à la combinaison de propriétés réversibles (instantanées ou non) et irréversibles. Ainsi, sous l'effet d'une excitation (mécanique, électrique...), la réponse observée est une fonction du temps d'application de l'excitation. D'un point de vue mécanique par exemple, il est possible de caractériser la viscoélasticité (effet réversible mais différé) par des essais dynamiques en étudiant la réponse en déformation faible après l'application d'une sollicitation périodique. Au cours de tels essais, la déformation est en retard de phase par rapport à la contrainte. Ce retard est caractérisé par l'angle de perte mécanique δ. Le module de cisaillement du matériau (G*=G'+i.G") est une quantité complexe avec une composante réelle (le module de stockage) et une composante imaginaire (le module de perte) qui traduit l'énergie dissipée au cours de la déformation. La figure 1.5 présente l'allure des parties réelle et imaginaire du module complexe d'un système amorphe en fonction de la température. La présence d'une relaxation principale α de grande amplitude est une caractéristique commune à l'ensemble des systèmes vitreux. La majorité d'entre eux présente également une relaxation secondaire β pour des températures plus faibles. Nous reviendrons par la suite sur l'origine physique de ces relaxations et sur leur relation avec l'architecture moléculaire du matériau. Ce type d'observation reste valable dans le cas de sollicitations électriques et la grandeur considérée dans ce cas est la permittivité diélectrique ε* qui est à mettre en parallèle avec la complaisance J*=1/G* du système.

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    G' G''

    α

    β

    Température

    FIG. 1.5 Représentation schématique du comportement des systèmes amorphes en

    fonction de la température. A une température donnée, les types de mouvements moléculaires provoqués sont fonction de la fréquence de l'excitation. Réciproquement, à fréquence fixe les différents mouvements apparaissent pour des températures différentes. Cette équivalence entre le temps et la température n'est en règle générale vérifiée que très approximativement. Elle est tout de même communément utilisée comme base de la construction de courbes maîtresses qui permettent par la mesure de caractéristiques sur des gammes limitées de fréquence et de température, de reconstruire le comportement du système sur de très larges échelles de temps inaccessibles par l'expérience. Les travaux de Faivre en spectroscopie diélectrique témoignent de la complexité thermo-rhéologique de verres moléculaires (sorbitol, maltitol) pour des gammes de fréquences assez larges. Faivre a montré que les amplitudes des relaxations β et α varient avec la fréquence, de telle sorte que l'énergie dissipée au sein du matériau reste constante (augmentation de l'amplitude de β associée à une diminution de α lorsque la fréquence augmente) [FAI97]. Ceci rend quelquefois difficile la superposition des courbes par un simple décalage suivant l'axe des fréquences. La température de relaxation principale α et la température de transition vitreuse Tg sont voisines lors de mesures de spectrométrie mécanique ou diélectrique à basses ou moyennes fréquences (quelques Hertz). C'est ce qui peut amener par la suite à confondre la transition vitreuse de nature thermodynamique et la relaxation α.

    3.1.2 Exemples de fonctions de relaxation

    Une relaxation est l'ajustement en fonction du temps d'un système à de nouvelles conditions d'équilibre après modification d'une variable extérieure.

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    Ainsi, pour une propriété P(t) donnée, lorsqu'une contrainte sinusoïdale est appliquée, la réponse du système est donnée par la grandeur complexe P*(iω) transformée de Fourier de P(t):

    *( ) ( ). i tP i P t e dtωω∞

    −∞

    = ∫ Si les valeurs de la propriété P(t) aux temps nul et infini P0 et P∞ sont fixées, il est possible de définir la fonction de relaxation Fr(iω) de P*(iω):

    0

    *( )*( )rP i PF i

    P Pωω ∞

    −=−

    Cette fonction normalisée Fr*(iω) prend la valeur 1 pour ω=∞ et la valeur 0 pour ω=0. Dans le cas où le système possède un temps de relaxation unique, la fonction de relaxation est de la forme:

    1*( )1r

    F ii

    ωωτ

    =+

    Ce type de relaxation à un temps unique est appelé relaxation de Debye. Dans les faits, les spectres des relaxations mécaniques ou diélectriques des systèmes amorphes sont plus larges qu'un pic de Debye. Ceci peut témoigner d'une distribution des temps de relaxation, qui peut être introduite d'après les lois classiques de relaxation viscoélastique linéaire [MCC67], [FER80]:

    * /( ) (ln ) lntrF i e dτω ϕ τ τ

    ∞−

    −∞

    = ∫ Dans cette expression ϕ(lnτ) correspond à une loi de distribution des temps de relaxation. Un grand nombre de fonctions empiriques ont été utilisées pour exprimer le module de cisaillement (G*) ou la permittivité diélectrique (ε*) dans les systèmes amorphes. En fonction des techniques utilisées, les fonctions de relaxation s'expriment dans le domaine des fréquences ou du temps. Parmi ces fonctions il faut distinguer:

    les fonctions qui donnent un pic de relaxation symétrique autour de ωτ =1 telle que la distribution de Cole-Cole [COL41] :

    0

    1*( )1 ( )r

    F ii α

    ωωτ

    =+

    0 ≤ α ≤ 1

    les fonctions qui rendent compte de l'élargissement des spectres expérimentaux vers les hautes fréquences:

    • l'équation de Davidson-Cole [DAV50]: 1*( )

    1rF i

    i

    β

    ωωτ

    ⎛ ⎞= ⎜ ⎟+⎝ ⎠

    0 ≤ β ≤ 1 • l'équation d'Havriliak-Negami [HAV67]:

    ( )*( ) 1 ( )rF i i γαω ωτ −= + 0 ≤ α ≤ 1 représente la largeur de la distribution 0 ≤ γ ≤ 1 représente la dissymétrie

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

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    • la fonction exponentielle étendue utilisée par Kohlrausch [KOH63], Williams et Watts [WIL70] pour décrire les résultats de relaxation mécanique et diélectrique:

    0

    *( ) exprtP t

    β

    τ⎛ ⎞

    = −⎜ ⎟⎝ ⎠

    0 ≤ β ≤ 1, β=1 correspond à un pic de Debye. Cette fonction est connue sous le nom de Kohlrausch-

    William-Watts (KWW) et rend compte de la non-exponentialité de la relaxation à laquelle elle est associée.

    Les fonctions d'Havriliak-Negami (HN) et de Kohlrausch-William-Watts (KWW), sont très largement utilisées pour décrire les comportements de relaxation des systèmes vitreux. La fonction HN est une fonction en fréquence, bien adaptée aux essais de spectrométrie diélectrique par exemple qui permettent de faire varier la fréquence de sollicitation sur de larges gammes et la fonction KWW est une fonction du temps. Bien que ces deux fonctions ne soient pas reliées directement l'une à l'autre par une transformée de Fourier, Alvarez et ses collaborateurs ont étudié le lien possible entre les paramètres β et α, γ des deux expressions, sur la base d'une prise en compte d'une distribution de temps de relaxation [ALV91], [ALV93]. Par le biais de leur traitement, il est possible de comparer des résultats obtenus par différentes techniques, utilisant des fonctions HN et KWW respectivement et la fiabilité de leur procédure implique que toute différence constatée doit avoir une cause physique et non mathématique. Beaucoup de travaux ont été réalisés par ailleurs pour donner une interprétation microscopique de la distribution des temps de relaxation, en terme de coopérativité des mouvements moléculaires [MAT90], [NGA93], [SAN04], [PER92] . La non-exponentialité de la relaxation principale a été étudiée pour un très grand nombre de systèmes vitreux, et s'avère être une caractéristique générale. Toutefois, la question de son origine n'est pas résolue. Trois hypothèses sont à envisager concernant le mécanisme associé à la relaxation considérée. Ainsi il peut s'agir: d'un phénomène intrinsèquement non-exponentiel; de la résultante non-exponentielle d'une somme de mécanismes élémentaires

    exponentiels; de la résultante non-exponentielle d'une somme de mécanismes élémentaires

    intrinsèquement non-exponentiels. Cette question est encore l'objet d'un certain nombre de polémiques.

    3.2 Les spécificités des polymères amorphes Outre l'ensemble des caractéristiques déjà évoquées pour les systèmes désordonnés, les polymères amorphes présentent un certain nombre de propriétés particulières essentiellement dues à la nature des liaisons mises en jeu et à la complexité de l'architecture moléculaire.

    En effet, les matériaux polymères sont composés de chaînes macromoléculaires extrêmement longues, résultat de la liaison d'un grand nombre d'unités structurales élémentaires appelées monomères. Si le motif élémentaire peut être très simple, le

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    grand nombre de ses répétitions le long de la chaîne induit une structure moléculaire complexe dont deux des caractéristiques essentielles sont le désordre et l'interpénétration des chaînes. Un segment de chaîne ne distingue pas si un voisin appartient à la même chaîne que lui ou bien à une autre chaîne. Dans ces conditions il y a écrantage des interactions intra-chaînes à longue portée. Ces caractéristiques s'appliquent autant aux polymères à l'état fondu qu'aux polymères à l'état vitreux. Dès l'instant que le motif de répétition est suffisamment complexe, il devient possible d'obtenir des matériaux totalement amorphes dans des gammes de vitesse de refroidissement très larges, voire infiniment large dans le cas où le système ne peut pas cristalliser.

    3.2.1 Les liaisons chimiques et l'architecture moléculaire

    Les matériaux polymères présentent la caractéristique d'être composés de très longues molécules en situation d'interactions complexes. Les propriétés du système sont conditionnées par les interactions en son sein et vont dépendre fortement de la masse molaire M. Au dessus de Tg, la viscosité varie par exemple comme M3,4 pour de longues molécules linéaires [LOD96]. Les caractéristiques structurales du matériau sont doubles:

    • le système présente la nature désordonnée à l'échelle locale des verres;

    • ses caractéristiques sont influencées de manière très forte par la structure des monomères qui constituent les macromolécules.

    Il existe un grand nombre d'interactions différentes, qui vont contribuer chacune à leur manière aux relaxations structurales du système [KAU01]:

    les liaisons covalentes le long de la chaîne principale sont des liaisons fortes qui fixent la configuration du système. L'ordre de grandeur pour l'énergie d'une liaison covalente est 300 kJ mol-1. Les liaisons covalentes sont capables de résister à la plupart des manipulations physiques au cours de la mise en oeuvre. Les ruptures éventuelles de ce type de liaison réduisent la masse moléculaire d'un facteur 2 et donc présentent des conséquences non négligeables sur les propriétés viscoplastiques du système. De nouvelles liaisons covalentes peuvent être créées au cours de la mise en oeuvre par des procédés spécifiques tels que la réticulation par exemple. les liaisons secondaires dues aux forces physiques sont à l'origine de la

    cohésion. Elles sont 10 à 100 fois plus faibles que les liaisons covalentes, elles sont toutes d'origine électrostatique, mais parmi elles il faut distinguer: les interactions spécifiques (forces coulombiennes entre charges et/ou dipôles fixes, ponts hydrogènes) qui sont associées à la présence de liaisons entre atomes d'électro-négativités différentes et les interactions dites de Van der Waals présentes dans tous les polymères (orientation des dipôles permanents, dipôles induits et polarisation réciproque des nuages électroniques). Ces dernières assurent la cohésion entre les molécules dans un polymère pur.

    Lorsque la température augmente au-dessus de la zone de transition vitreuse, les changements de conformation à l'état condensé deviennent de plus en plus rapides. Dès lors, l'énergie thermique fournie au système lui permet d'explorer les

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    conformations énergétiques les plus favorables parmi celles accessibles. Pour ce faire, un grand nombre de mouvements moléculaires se produisent qui impliquent des parties de plus en plus grandes de la chaîne. Ainsi pour des températures suffisamment élevées au-dessus de Tg, le système doit s'écouler. Deux phénomènes d'enchevêtrement peuvent alors s'opposer à cet écoulement au-dessus de Tg:

    les enchevêtrements physiques: Ils sont le résultat des interactions topologiques entre chaînes, liées à leur longueur, à la présence de groupes pendants et à l'impossibilité pour deux chaînes de s'entrecouper. A partir d'une longueur de chaîne critique ces contraintes topologiques créent un réseau temporaire qui provoque l'apparition d'un plateau caoutchoutique dont la longueur sur l'échelle des températures varie avec la masse molaire des chaînes [LOD96]. les nœuds de réticulation chimiques: ils induisent la création d'un

    réseau permanent qui confère des propriétés d'élasticité caoutchoutique au système [VER95].

    3.2.2 Conséquences sur les relaxations structurales La complexité microstructurale des polymères amorphes induit une multitude de phénomènes de relaxation observables. La figure 1.6 présente le schéma standard du comportement viscoélastique d'un polymère amorphe sous la forme de l'évolution de la partie réelle et de la partie imaginaire du module de cisaillement en fonction de la température.

    G' MPa

    G'' MPa

    α

    Température

    β

    δ γ

    Plateau caoutchoutique

    FIG. 1.6 Représentation schématique du comportement viscoélastique d'un polymère

    amorphe.

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

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    Le comportement des polymères amorphes (Figure 1.6) se distingue de celui de l'ensemble des systèmes amorphes (Figure 1.5) par deux caractéristiques principales:

    Au-dessus de Tg, si la longueur des chaînes dépasse une valeur critique, le plateau caoutchoutique apparaît et se termine par une zone d'écoulement des chaînes.

    Enfin, des relaxations γ, δ... se produisent pour des températures inférieures à la température de relaxation β. Ces relaxations sont associées à des mouvements de plus en plus localisés et de moins en moins coopératifs lorsque la température diminue à une fréquence donnée.

    Des travaux de Roland et Ngai ont établi l'existence d'une corrélation forte entre la structure de la chaîne (flexibilité, encombrement stérique, compacité, régularité et symétrie du squelette et des groupes pendants) et le degré de coopérativité inter-moléculaire des relaxations [ROL94].

    Diverses études se sont intéressées de manière détaillée aux rapports entre la structure de la chaîne, les mouvements moléculaires et les propriétés de relaxation des matériaux [KAR02], [BAY97], [ROL94]. Elles ont tenté d'établir des relations entre les groupes constituant la chaîne, le degré de coopérativité des relaxations et les propriétés macroscopiques comme la ductilité par exemple dans le cas du polycarbonate. C'est dans ce cadre que Yee et Smith ont cherché le lien entre la substitution et la modification des groupes fonctionnels de chaînes de polycarbonate et l'effet sur le spectre des relaxations [YEE81]. Il s'agissait de tester l'effet de ces modifications structurales sur la coopérativité (interactions inter-moléculaires) ainsi que sur la température de transition vitreuse. Il a résulté de cette étude qu'il est difficile d'associer de manière univoque une relaxation au mouvement d'un groupe particulier. En effet, les rapports coopératifs entre mouvements peuvent induire que la réorientation d'un groupe est contrôlée par des mouvements plus larges. Cette idée de coopérativité entre monomères adjacents est indispensable à l'interprétation des observations expérimentales. Yee et ses collaborateurs relèvent toutefois qu'il n'apparaît pas systématiquement de corrélation directe entre l'encombrement d'un groupe et la température de la relaxation [YEE81].

    3.3 Description des relaxations

    Les relaxations observées dans les polymères amorphes sont associées à des mouvements de complexité croissante à mesure que la température augmente, pour une fréquence donnée. Le comportement de la relaxation α est complexe et sera abordé en détail dans le paragraphe 3.3.3. Pour les relaxations secondaires, le temps de relaxation moyen associé à chacune d'entre elle suit une loi d'Arrhénius:

    0.expUkT

    τ τ ⎛ ⎞= −⎜ ⎟⎝ ⎠

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

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    Avec τ0 le temps pré-exponentiel, relié à la fréquence de Debye et à la complexité du mouvement, U l'énergie d'activation du phénomène, k la constante de Boltzman et T la température. Le diagramme d'Arrhénius de la figure 1.7 résume l'ensemble des relaxations structurales qu'il est possible d'observer dans les polymères amorphes.

    1/Tg mécanique 1/T

    log τ en s α

    β

    γ

    δ

    6

    2

    -2

    -6

    -10

    -14

    FIG. 1.7 Diagramme de relaxation schématique montrant la relaxation α arrhénienne dans l'état

    vitreux (T

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

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    contraintes lors d'un essai mécanique [YEE81]. L'exemple du Polycarbonate sera développé de façon approfondie dans le chapitre 4 de ce travail. D'un point de vue expérimental, les manifestations principales observables par le biais de techniques spectroscopiques sont les suivantes :

    le frottement intérieur tan δ=G"/G' présente un pic de relaxation; pour des fréquences de l'ordre du Hertz, la chute du module qui lui est

    associée est relativement faible comparativement aux observations faites lors de la transition α. La chute du module de cisaillement est inférieure à un facteur 5; la largeur du pic est grande. Ceci est associé à une large distribution des

    temps de relaxation; le temps de relaxation moyen est bien décrit par la loi d'Eyring qui est

    une forme particulière de la loi d'Arrhénius sur l'ensemble de la gamme de température [STA91-1]:

    0.exp .exp expa a aS H Eh

    kT R RT kTτ τ∆ ∆⎛ ⎞ ⎛ ⎞ ⎛ ⎞= − = −⎜ ⎟ ⎜ ⎟ ⎜ ⎟

    ⎝ ⎠ ⎝ ⎠ ⎝ ⎠

    avec Ea l'énergie apparente du phénomène et τ0 défini par:

    0 exp aDebyeSR

    τ τ ∆⎛ ⎞= −⎜ ⎟⎝ ⎠

    ∆Sa est la variation d'entropie d'activation du système, ∆Ha est l'enthalpie d'activation, h est la constante de Planck, R est la constante des gaz et k la constante de Boltzmann.

    a a aG H T S∆ = ∆ − ∆ est l'enthalpie libre d'activation et peut se réécrire sous la

    forme: .ln .akTG RTh

    τ⎛ ⎞∆ = ⎜ ⎟⎝ ⎠

    Par identification de l'équation de la dérivé partielle 1/T

    τ∂∂

    dans les équations de

    Eyring et d'Arrhénius, il vient: a aE H RT= ∆ +

    ou encore: 1 ln .a akTE RT T Sh

    τ⎛ ⎞⎛ ⎞= + + ∆⎜ ⎟⎜ ⎟⎝ ⎠⎝ ⎠

    Starkweather a montré que les énergies d'activation de nombreuses relaxations secondaires dans les polymères coïncident avec l'expression:

    ( )( )' '22,922 lnaE RT T= + Les relaxations qui vérifient cette relation ont une entropie d'activation proche de zéro, autrement dit, les degrés de liberté qui interviennent sont localisés et indépendants les uns des autres. D'après le critère de coopérativité de Starkweather, l'entropie d'activation est reliée à la coopérativité de chaque processus. D'après des résultats expérimentaux concernant la relaxation secondaire β dans de nombreux polymères, le caractère décorrélé et indépendant des mouvements est vérifié sur la partie basse température de la relaxation, alors que la partie haute température présente généralement des entropies d'activation importantes [STA90]. La question de la coopérativité des mouvements β est donc loin d'être résolue et dépend fortement du matériau considéré.

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

    21

    Heijboer a suggéré que le temps de relaxation du processus β est déterminé par une barrière locale à l'intérieur de la molécule (interactions intramoléculaires) [HEI77]. Mais de son côté Johari a mis en évidence la présence d'une relaxation secondaire dans des verres constitués de molécules sans degré de liberté interne [JOH73]. La barrière d'énergie potentielle opposée aux réarrangements secondaires provient donc dans certains verres d'interactions intermoléculaires.

    3.3.3 La relaxation principale α

    Les manifestations principales de la relaxation α qui peuvent être observées entre autre par des techniques de spectrométrie sont les suivantes:

    l'apparition d'un pic de relaxation sur la courbe du frottement intérieur tan δ=G"/G'; pour des fréquences de l'ordre du Hertz, une chute de 3 à 4 décades du

    module conservatif G' en fonction du matériau considéré; une largeur de pic supérieure à celle d'un pic de Debye mais qui reste

    faible (inférieure au pic β), qui correspond à une distribution étroite des temps de relaxation.

    αvitreuse

    αliquide

    α ou αβ

    log τ

    1/T

    Transition vitreuse mécanique

    FIG. 1.8 Description de la relaxation α sur toute

    la gamme de température

    L'évolution du temps caractéristique de la relaxation principale α montre trois comportements différents suivant la température (et la fréquence) (Figure 1.8):

    un comportement arrhénien avant la température de transition vitreuse, avec une énergie d'activation apparente très élevée et un facteur pré-exponentiel très faible (très inférieur au temps de Debye). Les valeurs de ces paramètres n'ont pas de sens physique dans le cas d'une barrière d'énergie unique et imposent de prendre en compte la coopérativité du processus;

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

    22

    dans la zone de la transition vitreuse, la linéarité disparaît et la relaxation α est bien décrite par une loi empirique Vogel-Fulcher-Tamman (VFT) [TAM26]:

    00

    exp BT Tα

    τ τ⎛ ⎞

    = ⎜ ⎟−⎝ ⎠

    où T0 est une température caractéristique du système inférieure à Tg. à plus haute température, la relaxation α fusionne avec la relaxation

    secondaire β. La nature de cette nouvelle relaxation n'est pas clairement définie. Elle peut être décrite par une loi VFT ou une dépendance arrhénienne. Ce problème est discuté en détail par Ménissez et ses collaborateurs à partir de résultats de spectrométrie diélectrique et mécanique [MEN05].

    En résumé, la relaxation α est présente dans tous les systèmes désordonnés, et correspond à une caractéristique de l'état amorphe. Les relaxations secondaires β, γ, δ sont pour leur part essentiellement présentes dans les polymères et sont reliées à une architecture moléculaire complexe.

    4 Des modèles de relaxation principale

    De nombreuses théories tentent de modéliser la transition vitreuse des systèmes amorphes. Parmi elles il faut distinguer:

    la théorie du volume libre [DOO51], [COH59], [TUR70]: Le volume libre vf est vu comme l'excès de volume moyen d'une unité

    structurale donnée par rapport au volume effectif v0. Dans ce cadre tout mouvement d'atome résulte de la redistribution du volume excédentaire. Et le système se réarrange par des mécanismes de diffusion liés aux sauts d'atomes dans des espaces libres. Cette théorie rend bien compte du comportement des systèmes amorphes pour des températures supérieures à leur transition vitreuse, mais elle est souvent utilisée de façon abusive au-dessous de Tg.

    la théorie de l'entropie d'Adam et Gibbs [ADA65]:

    Cette théorie décrit la relaxation du système vitreux sur la base de transitions d'un ensemble de N régions d'arrangements coopératifs (CRR) indépendantes et équivalentes. La taille des CRR est définie comme la plus petite région qui subit une transition vers une nouvelle configuration sans qu'il soit nécessaire qu'un changement de configuration se produise à l'extérieur de la zone.

    L'entropie de configuration est vue comme une quantité fondamentale qui détermine le temps de relaxation du système. Elle est liée au nombre de molécules engagées dans un réarrangement coopératif. A mesure que la température diminue, le mouvement d'une molécule est gêné par un nombre croissant de molécules voisines.

    L'entropie de conformation est une quantité déterminée à partir du logarithme de l'intégrale de configuration QC calculée sur l'ensemble 'C' des conformations du système [KAR81]:

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

    23

    ( )

    B

    U rk T

    CC

    Q e dr−

    = ∫ Où kB est la constante de Boltzmann, T est la température absolue,

    l'énergie potentielle du système U(r) est une fonction des coordonnées 'r'. Il s'agit d'une quantité dépendante de la température qui peut être

    également calculée à partir d'une mesure de l'excès de chaleur spécifique, définie comme la différence de la chaleur spécifique de l'état liquide et de l'état vitreux Cp-liquide - Cp-vitreux :

    0

    ''

    TP

    CT

    CS dTT

    ∆= ∫

    T0 est la température à laquelle Sc=0. Par la suite, Palmer et ses collaborateurs ont postulé qu'un modèle basé sur des dynamiques hiérarchiquement contraintes était préférable aux modèles prenant en compte des mouvements coopératifs en parallèle [PAL84]. Cette hypothèse est à l'origine des modèles de Pérez et de Ngai dont les formalismes présentent de nombreuses similitudes

    la théorie des effets couplés de Ngai [NGA79], [NGA91]: Ce modèle considère un système constitué d'un ensemble d'espèces

    primitives avec une vitesse de relaxation W0 qui contrôle la réponse initiale au stimulus. A partir d'un temps critique tc=2π/ωc (ωc de l'ordre de 10-12 s), la vitesse de relaxation W(T,t) est modifiée par un couplage des espèces primitives impliquant des mouvements coopératifs plus complexes:

    ( )

    0

    0

    . 1( , )

    . 1.

    c

    cnc

    W tW T t W t

    t

    ω

    ωω

    ⎧ <⎪

    = ⎨ >⎪⎩

    W0 est la vitesse de relaxation du mode fondamental, ωc est

    caractéristique de la complexité du système et n mesure le degré de couplage entre le mode fondamental et les modes plus complexes.

    La fonction de relaxation temporelle f(t) est donnée par: 1

    ( ) expn

    m

    ttφτ

    −⎛ ⎞⎛ ⎞⎜ ⎟= −⎜ ⎟⎜ ⎟⎝ ⎠⎝ ⎠

    avec ( )1

    1

    0

    1 n ncm

    nW

    ωτ

    −⎛ ⎞−= ⎜ ⎟⎝ ⎠

    Cette approche présente l'intérêt de donner un sens physique à l'utilisation de l'exponentielle étirée. Cependant aucune origine microscopique précise n'a pour le moment pu être attribuée à la vitesse de relaxation W0.

    Le modèle de Pérez [PER92], [PER99]: Il est issu de concepts adaptés de la métallurgie physique et des

    mouvements hiérarchiquement corrélés [PAL84]. Dans ce modèle, l'état

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

    24

    structural d'un verre est décrit à l'échelle locale comme un pseudo cristal avec une forte concentration en défauts. La sensibilité à la microstructure se manifeste par l'évolution de χ avec la concentration en défauts.

    Le temps caractéristique de la relaxation principale est relié au temps caractéristique d'un mécanisme élémentaire identifié au mécanisme sous-vitreux le plus proche de la relaxation principale, la relaxation β. Les processus α et β sont dépendants. Le mécanisme α est la combinaison hiérarchique de mécanismes élémentaires β.

    1

    10

    0mol t t

    χττ⎛ ⎞

    = ⎜ ⎟⎝ ⎠

    t0 est un paramètre qui détermine l'échelle de temps sur laquelle se situe le mouvement moléculaire global.

    τ1 est le temps du processus élémentaire, qui est assimilé au processus de relaxation secondaire β.

    La variation de τ1 avec la température s'exprime par une loi d'Arrhénius:

    1 0.expEkT

    ββ βτ τ τ

    ⎛ ⎞= = −⎜ ⎟

    ⎝ ⎠

    χ est le paramètre de corrélation hiérarchique explicite relié à l'état

    structural: • χ =0 : corrélation maximale • χ =1 : corrélation minimale

    La valeur de χ est étroitement liée à l'état de désordre et dépend de la microstructure du système. Elle dépend donc de la température au-dessus de Tg. Par contre pour des valeurs inférieures à Tg, il est possible de considérer que la microstructure est figée et donc que χ=χ(Tg). Ainsi, ce modèle permet de rendre compte de l'allure de ln(τmol) en fonction de 1/T, linéaire pour TTg.

    Goldstein quant à lui, a cherché une théorie moléculaire qui couvrait la

    majorité des liquides composés de molécules aux champs de forces dissymétriques [GOL69].

    Il est parti d'une discussion critique sur les deux théories qui se concentrent sur les conjectures qui amènent les conditions nécessaires à l'apparition d'un réarrangement: la théorie du volume libre et la théorie de l'entropie de Gibbs. Les deux théories prédisent le même type de dépendance de la viscosité aux abords de la transition vitreuse, une dépendance qui est en accord avec l'équation empirique de Vogel, Fulcher et Tammann

    00

    ln ln AT T

    η η⎛ ⎞

    = + ⎜ ⎟−⎝ ⎠

    Dans cette expression T0, qui a la dimension d'une température, est déterminée expérimentalement et T0=0 correspond à un comportement arrhénien. Les deux théories se basent sur un faible nombre de paramètres qui varient dans des gammes imposées sur la base d'hypothèses physiques. Il n'existe aucun espoir de réellement trancher entre ces deux cadres aux équations simples sur de larges gammes de températures. Elles se limitent à un caractère semi-quantitatif,

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

    25

    les grandeurs thermodynamiques ne représentant qu'une moyenne grossière de la complexité des formes et des interactions moléculaires. la théorie du mode coupling [GÖT99]:

    Cette théorie basée sur la dynamique des liquides repose sur l'image physique suivante: lorsqu'une particule rentre en collision avec une autre, elle transfère son énergie et sa quantité de mouvement, qui sont alors redistribuées aux autres particules à travers les collisions successives. Aux temps longs, ces mouvements collectifs "rétroagissent" sur la particule initiale et restreignent sa diffusion comme si elle était temporairement enfermée dans une cage.

    La théorie introduit une température critique Tc, supérieure à la température de transition vitreuse, au voisinage de laquelle la relaxation se ralentit de manière singulière (transition liquide-verre) et le système devient non ergodique sans changement essentiel de structure. Cette théorie est applicable dans le domaine des liquides pour la description des processus aux temps courts. La déviation du théorème de Fluctuation-Dissipation et la température

    effective: Dans l'optique d'étendre aux verres classiques les résultats théoriques obtenus dans les modèles de champ moyen des verres de spin, il est envisageable d'utiliser la déviation au théorème de Fluctuation-Dissipation observée sous Tg dans les systèmes amorphes pour définir une température effective caractérisant l'état hors d'équilibre du système [BEL01]. Pour cela il convient tout d'abord de définir le théorème de fluctuation dissipation: Si O est un observable d'un système physique, on définit la fonction d'auto-corrélation de O par:

    ( ) ( ), . ( )w wC t t O t O t= où représente une moyenne d'ensemble, w=t-t τ , t est l'âge du verre et tw est le temps de l'application de la perturbation. Si χ(τ) est la réponse impulsionnelle d'un système mesurée sur l'observable O après une perturbation h, lorsque le système est à l'équilibre thermodynamique à une température T, les grandeurs χ(τ) et C(t,tw) sont liées par le théorème de fluctuation-dissipation (TFD):

    0 0( ) 1 ( ) 0

    B

    si

    C sik T τ

    τχ τ

    τ τ

    ⎧ <⎪= ⎨

    − ∂ >⎪⎩

    Lorsque le système est hors d'équilibre, le TFD n'est plus valable, mais son expression peut être étendue dans le cas où t>tw de la manière suivante:

    ( ) ( )1, ,( , ) ww t wB eff w

    t t C t tk T t t

    χ = − ∂

    La température Teff fonction de t et tw, devient une constante et coïncide avec la température thermodynamique pour un système à l'équilibre.

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

    26

    La température effective est une nouvelle variable d'un système vitreux qui représente un bon espoir de prolonger le concept classique de température thermodynamique aux systèmes faiblement hors d'équilibre.

    5 Le vieillissement physique

    Un verre est un système hors d'équilibre thermodynamique et cherche de ce fait à évoluer vers l'équilibre le plus accessible par une relaxation structurale directe, c'est le phénomène de vieillissement physique (figure 1.9).

    Verre hors équilibre

    Liquide stable

    Cristal stable

    H,V

    T

    Tg

    Vieillissement physique

    Tf

    FIG. 1.9 Représentation schématique de l'évolution des grandeurs thermodynamiques H

    et V en fonction de la température.

    Cette relaxation structurale sous la transition vitreuse présente un certain nombre de propriétés essentielles:

    La cinétique du phénomène à une température T est d'autant plus lente

    que la différence Tg-T est grande. Le phénomène est non-linéaire, c'est à dire que la vitesse d'évolution

    structurale n'est pas simplement proportionnelle à l'écart par rapport à l'équilibre. C'est pour tenir compte de cette non-linéarité que Tool a proposé un temps de relaxation dépendant de l'état structural pour décrire le vieillissement physique [TOO46]. L'état structural est caractérisé par la température fictive Tf qui est un paramètre d'ordre définit de la manière suivante:

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

    27

    ( )( ) . 1 ( )f eq rT t T T F t= + ∆ − Dans cette expression Teq correspond à la température où le système est à l'équilibre thermodynamique, ∆T est le saut de température effectué par rapport à Teq et Fr(t) est la fonction de relaxation d'une grandeur thermodynamique χ(t) choisie parmi (H, V) telle que:

    ( )( ) vieillissement

    équilibre vieillissement

    tr

    t t

    tF t

    χ χχ χ

    −=

    Mais le concept de température fictive se heurte à l'incapacité de décrire complètement l'état hors d'équilibre des systèmes vitreux par l'intermédiaire d'un paramètre d'ordre unique. Ceci peut d'ailleurs être relié au caractère non-exponentiel du vieillissement physique.

    Les temps de relaxation associés au vieillissement physique sont distribués.

    Cette caractéristique peut être mise en évidence par le biais de l'effet mémoire dont une preuve expérimentale obtenue par Kovacs dans les années 1960, peut être décrite de la façon suivante (figure 1.10):

    T1

    T2

    T3 T4 T5

    Température

    t3 t4 t5

    Volume 1

    3

    4 5

    temps Vequilibre

    FIG. 1.10 Schéma de l'expérience de trempe indirecte de Kovacs.

    Un échantillon de référence est trempé depuis une température T1 inférieure à la température de transition vitreuse vers une température T2, à laquelle on mesure sa relaxation volumique, pendant le temps nécessaire pour atteindre une certaine valeur de volume Vequilibre. Ensuite trois échantillons sont trempés depuis T1 jusqu'à trois températures différentes T3, T4, T5. Chaque échantillon est autorisé à relaxer pendant un temps tel qu'il atteint un volume Vequilibre juste après le saut brutal de température qui le mène à T2. Pour les échantillons trempés jusqu'aux températures T3, T4, T5, l'expérimentateur observe une dilatation suivie d'une contraction qui suit alors la même courbe que celle obtenue lors de la trempe directe. Si l'effet mémoire est encore discuté à l'heure actuelle [BER03], il est communément admis qu'il est relié à la distribution des temps de relaxation du système. L'approche vers l'équilibre se fait de manière inhomogène, les temps les plus rapides étant les

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

    28

    premiers affectés par l'histoire thermique. Le même système placé dans des conditions de Volume-Pression-Température identiques, présente un comportement de retour vers l'état d'équilibre différent en fonction de son histoire thermique. Cette expérience a été reproduite numériquement dans l'objectif de montrer que la thermodynamique des états hors d'équilibre et la description du système par l'intermédiaire du paysage d'énergie potentielle des systèmes vitreux, peuvent être justifié dans l'étude de systèmes qui dans des conditions de Volume-Pression-Température identiques, présentent un comportement de retour vers l'état d'équilibre différent [MOS04].

    L'effet mémoire montre que le retour à l'équilibre doit être décrit au moyen d'une distribution de processus élémentaires avec chacun un temps caractéristique. Il reste à déterminer la nature des processus élémentaires qui peuvent être exponentiels ou non, mais également la forme de la distribution des temps de relaxation.

    Le phénomène est auto-ralenti. Le vieillissement physique induit une

    réorganisation structurale liée à une diminution de l'enthalpie et du volume du système [KOV79]. Parallèlement, il apparaît que plus le vieillissement est accentué, plus la mobilité moléculaire devient faible ce qui diminue la cinétique de réorganisation structurale [STR78].

    Le phénomène a des conséquences sur le comportement mécanique des matériaux. Par l'intermédiaire d'essais de fluage sur des matériaux vieillis durant différents temps, il apparaît que la relaxation entraîne une diminution de l'aptitude à la déformation non-élastique, et que le phénomène n'est pas thermo-rhéologiquement simple [STR78], [LAD95].

    6 Les effets de la déformation

    Pour s'approcher un peu plus de la question du lien entre mobilité moléculaire et déformation, cette partie envisage de décrire quelques effets connus de l'application d'une perturbation mécanique sur le comportement des polymères amorphes, et leurs interprétations possibles.

    6.1 La nature recouvrable de la déformation Une déformation et/ou une trempe thermique sont indissociables du phénomène de vieillissement physique, dans la mesure où ils consistent à écarter le système de son état d'équilibre thermodynamique (Figure 1.11) [HAI96]. Cet écart est une condition nécessaire à la détection expérimentale du vieillissement physique. Cette détection se fait durant le retour de l'échantillon vers son équilibre thermodynamique métastable. La déformation provoque un "rajeunissement" (adoucissement) qui est suivi après l'arrêt de la sollicitation mécanique, par un vieillissement (durcissement) [QUI96], [HAS93].

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

    29

    Liquide stable

    Cristal stable

    H,V

    Température

    Tg

    Vieillissement

    Tf

    Déformation Vieillissement

    Tf

    FIG. 1.11 Représentation schématique de l'effet de la déformation, d'une trempe thermique ou du

    vieillissement physique sur l'enthalpie ou le volume.

    L'étude de la vitesse de vieillissement physique sur des échantillons déformés réalisée par Haidar et Vidal [HAI96] a montré que la vitesse de vieillissement est indépendante du temps de vieillissement sur une large gamme. Cette vitesse augmente avec la température jusqu'à Tg, ce qui est en accord avec les résultats de Struik [STR78].

    6.2 D'un point de vue moléculaire

    Goldstein dresse un tableau moléculaire détaillé du mécanisme d'écoulement visqueux [GOL69]. Dans les états vitreux ou très visqueux, les mécanismes de transfert se font par l'intermédiaire de l'énergie stockée par le réseau, par analogie avec les modèles appliqués dans les cristaux. Pour des températures suffisamment basses, il est possible de considérer que les réarrangements moléculaires sont si peu fréquents qu'ils arrivent les uns après les autres. Une configuration moléculaire dans un minimum d'énergie est choisie comme référence et tout réarrangement de cette configuration induit un changement des positions d'équilibre de l'ensemble du système. L'effet du réarrangement diminue avec la distance. Localement les théories phénoménologiques de l'élasticité ne sont pas applicables, la taille du système ne permettant pas d'utiliser le formalisme proposé par la mécanique des milieux continus. Mais pour ce qui concerne le champ de déformation à longue distance, les détails atomiques du réarrangement local sont remplacés par des paramètres phénoménologiques équivalents. La théorie moléculaire est alors utilisée pour calculer l'effet du réarrangement moléculaire sur le champ de déformation à longue distance et pour déterminer la distance à partir de laquelle il est possible d'utiliser la théorie de l'élasticité linéaire.

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

    30

    Contrairement aux cristaux, dans les verres le nombre d'arrangements locaux est très grand et la description de l'effet d'un réarrangement local sur le champ à longue distance impose l'utilisation d'une probabilité de distribution. Toutefois certains types de réarrangement vont être plus compatibles avec des déformations à l'échelle macroscopique: dilatation locale, cisaillement. Ces types de réarrangements moléculaires auront des probabilités d'occurrence plus fortes dans le cas d'application d'une contrainte extérieure. La notion de déformation irréversible est introduite dès lors qu'un nombre suffisant d'arrangements intervient pour effacer la mémoire du paysage énergétique initial. Pour rendre compte de la cinétique du phénomène, Valanis fait usage de la théorie établie par Eyring sur la vitesse absolue de réaction [VAL83]. Cette théorie est basée sur l'idée que la vitesse de tout processus est caractérisée par le passage d'une configuration initiale à une configuration finale appelée état activé du système, au moyen de changements continus de coordonnées entre les deux états.

    0. .exp. ...

    TT

    A B

    FkTh F F kT

    εκ ⎛ ⎞= −⎜ ⎟⎝ ⎠

    k est la constante de Boltzmann, h est la constante de Planck, FTT est la fonction de partition des complexes activés, FA, FB, etc. sont les fonctions de partition des réactants, ε0 est l'énergie d'activation. Dans le cas d'une déformation non-élastique des solides, on exprime par κ la fréquence de saut par un groupe d'atomes d'une barrière d'énergie. Il est possible dans ce formalisme d'intégrer les contraintes extérieures si elles sont connues. L'expression de la vitesse des atomes est dérivée à partir de la fréquence de saut. Elle est reliée ensuite aux contraintes extérieures pour obtenir une équation interne constitutive.

    FIG. 1.12 Représentation schématique du changement du paysage énergétique avec la

    déformation [LAC04]

    Dans le cas d'une barrière d'énergie symétrique, les probabilités de sauts dans un sens et dans l'autre sont identiques, ce qui rend le bilan final nul. Dès lors qu'un champ de contrainte est appliqué au niveau microscopique, il y redistribution des hauteurs de

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

    31

    barrière d'énergie. L'équilibre local est perturbé et un mouvement moyen global s'effectue (Figure 1.12).

    6.3 Dans l'état caoutchoutique: effet entropique Au-dessus de la température de transition vitreuse, les polymères à chaînes flexibles homogènes sont dans un état surfondu. Les chaînes adoptent des configurations gaussiennes et les interactions intramoléculaires de volume exclu sont complètement écrantées. Un monomère ne distingue pas si son proche voisin appartient à la même chaîne que lui ou non. Pour les chaînes courtes la description de Rouse décrit bien la dynamique du système. Le facteur prédominant considéré est la connectivité entre monomères. Les segments de chaîne sont soumis à des forces entropiques aléatoires. Pour les masses molaires plus importantes, l'impossibilité pour deux chaînes de se croiser impose la prise en compte des enchevêtrements dans les propriétés viscoélastiques et les propriétés de diffusion des molécules. Dans ce cadre le modèle de reptation donne une image simple du mouvement d'une chaîne enchevêtrée. Les mouvements locaux de la chaîne sont isotropes, mais cette dernière se libère des enchevêtrements par une diffusion le long de son propre contour. Ceci induit des mouvements de diffusion à longue distance [LOD96], qui peuvent induire un alignement des chaînes et conduire à une cristallisation du matériau. Ces effets ne seront pas envisagés au cours de l'étude. Dans ces conditions, le matériau est dans un état d'équilibre thermodynamique, et un éloignement de cet état (par l'intermédiaire d'une déformation par exemple) est suivi d'un retour à un état d'équilibre quasiment instantané. Les polymères au-dessus de leur Tg se comportent comme des fluides visqueux, il est donc communément admis que leur coefficient de Poisson vaut 0,5 et qu'ils sont incompressibles. Tous les polymères à longues chaînes macromoléculaires présentent une structure de réseau tridimensionnel constitué par des chaînes liées entre elles par des nœuds de fonctionnalité supérieure à deux. Les systèmes diffèrent entre eux par la flexibilité des chaînes, le nombre et la nature des nœuds (enchevêtrements, liaison covalentes etc.). Cette structure particulière confère aux matériaux des propriétés qui ont poussé à définir l'état caoutchoutique comme un nouvel état de la matière, résultat de l'association de certaines propriétés des liquides et d'une élasticité à caractère entropique (liée aux changements de conformation de la chaîne entre les nœuds). Dans le cas des réseaux physiques, les enchevêtrements ne constituent pas un réseau permanent et le comportement du système est complexe. Les forces exercées sur le matériau donnent lieu à un désenchevêtrement et les propriétés du réseau sont fonction de la longueur des chaînes et de leur encombrement stérique. Dans le cas des matériaux réticulés chimiquement, la topologie du réseau tridimensionnel est définie par la chimie. Ces systèmes présentent des propriétés singulières, leur module augmente lorsque la température augmente et se déforment à volume sensiblement constant, de façon réversible même aux grandes déformations. C'est dans ce cadre particulier qu'a été définie la théorie de l'élasticité caoutchoutique qui se base sur un certain nombre d'hypothèses concernant le caoutchouc idéal [VER95]:

    le matériau doit être stable dans les conditions d'essais;

  • Chapitre 1 : Revue Bibliographique

    32

    les chaînes doivent être flexibles à une température T, telle que T est supérieure à Tg et inférieure à Tfusion dans le cas de semi-cristallins et Tdégradation dans le cas des amorphes; la longueur de chaîne entre nœuds doit être suffisante pour appliquer des

    calculs statistiques; les chaînes peuvent être décrites par une statistique gaussienne et sont au

    repos, sous forme de pelotes isotropes; le réseau est idéal, c'est à dire que toutes les chaînes sont terminées par

    deux nœuds de réticulation, et sont élastiquement actives; les déformations macroscopiques sont affines des déplacements relatifs

    des nœuds du réseau. Dans ce cadre, l'entropie de la chaîne est définie en fonction de la distance r entre extrémités. L'hypothèse est faite que l'énergie interne est quasiment indépendante de r. Donc à partir de l'expression de l'énergie interne du système:

    F=U-TS F peut être identifié à -TS, donc ∆F qui est égal au travail de déformation d'une force f sur une distance élémentaire dl, f.dl, peut être identifié à ∆TS. Il en résulte une expression de base de l'élasticité caoutchoutique:

    ( )2C

    RTMρσ −= Λ − Λ

    Dans cette expression σ est la contrainte, ρ est la densité du matériau, R est la constante des gaz, T est la température, Mc est la masse entre nœuds d'enchevêtrements, Λ est la déformation macroscopique. Les réseaux réels s'écartent de ce modèle idéal, et les matériaux sont caractérisés en terme de degré d'écart aux hypothèses de base du modèle. Il existe des modèles qui prennent en compte au moins partiellement le caractère non-idéal des réseaux tels que celui de Wang et Guth en 1952 ou encore l'approche phénoménologique de Mooney-Rivlin [VER95].

    6.4 Dans l'état vitreux: impact sur l'enthalpie

    Quand un polymère est déformé dans son état vitreux, il est possible de distinguer trois composantes de déformation: élastique, anélastique et plastique (Figure 1.13) [QUI96]. Les amplitudes de chacune des composantes peuvent être mesurées expérimentalement. Au cours d'un essai mécanique (traction ou compression uniaxiales), la composante élastique augmente pour les faibles taux de déformation et sature peu avant le taux de déformation qui correspond au maximum de contrainte. Son recouvrement est instantané dès la décharge. La composante anélastique de déformation augmente jusqu'à une valeur de saturation proche du point d'apparition du phénomène de durcissement structural aux grandes déformations. La composante plastique apparaît pour des déformations proches du maximum de contrainte et augmente sans jamais saturer.

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    Déformation

    Contrainte Déformation

    ε élastique

    ε anélastique

    ε plastique

    FIG. 1.13 Représentation schématique du comportement d'un polymère amorphe en

    compression, et décomposition de la déformation en trois composantes.

    Il a été montré par Quinson [QUI96], par l'intermédiaire de différents essais de recouvrement de déformation et la construction d'une courbe maîtresse de recouvrement, que les deux composantes non-élastiques clairement identifiables, sont totalement recouvrables dans des temps accessibles en laboratoire en augmentant la température jusqu'à des valeurs proches de Tg. En rapportant les temps de relaxation à la température ambiante, Quinson et ses collaborateurs ont montré que dans le cas du polycarbonate (Tg=423K), la composante anélastique se recouvre à la température ambiante (T=300K) sur une gamme de temps allant de temps extrêmement courts jusqu'à quelques 1010s (300 ans). En ce qui concerne la composante plastique, elle ne peut pas être recouverte à température ambiante dans des temps accessibles au laboratoire. L'idée de réarrangement structural induit par la déformation n'est pas nouvelle en physique des polymères. Ainsi, il est fait mention par Mindel et ses collaborateurs dans les années 70, de l'apparition d'un mécanisme d'adoucissement causé par un excès de déformation dans des polymères linéaires [MIN74]. Bauwens-Crowet en 1974 traîte également de la dépendance en température et en vitesse de déformation du maximum de contrainte [BAU74]. Enfin, Yee propose d'établir un lien entre le maximum de contrainte observé avant l'adoucissement et la température de transition vitreuse [YEE88-1]. Son idée consiste à imposer à un polymère amorphe un niveau de contrainte qui induirait normalement une réponse viscoélastique non-linéaire, donc proche du maximum de contrainte. Ensuite, la structure du verre déformé est testée par l'intermédiaire de faibles déformations. Le fait d'approcher le matériau d'un état proche du maximum de contrainte par déformation produit le même comportement de relaxation qu'une augmentation de température proche de Tg. Les deux expériences provoquent un décalage du temps de relaxation effectif mesuré lors d'essais de relaxation de contrainte de plusieurs décades de temps vers les temps courts. Ceci implique que l'application de déformations élevées dans le domaine du maximum de contrainte induit au sein du polymère une structure qui relaxe d'une manière comparable à celle d'un polymère à

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    Tg. La structure en question est en évolution continuelle durant toute la durée de l'essai de relaxation. Ceci est observé par la dépendance en temps du changement de volume. Mais finalement, le modèle de description du comportement mécanique des polymères amorphes le plus abouti, reste à l'heure actuelle le modèle de Pérez [PER92]. Il permet d'interpréter l'apparition et le recouvrement de la déformation anélastique par le biais de la croissance et du recouvrement de zones cisaillées locales. La coalescence de ces zones mène à la déformation plastique (irréversible) du système.

    7 Bilan général Les polymères amorphes ont, comme tous les systèmes désordonnés, un comportement complexe en temps et en température et leurs propriétés sont sensibles au phénomène de vieillissement physique et à l'histoire thermo-mécanique. Mais ils présentent en outre un certain nombre de caractéristiques avantageuses dans le cadre d'une étude de l'impact de la déformation sur la mobilité moléculaire des systèmes désordonnés: la présence d'un plateau caoutchoutique et la possibilité de créer un réseau

    permanent de chaînes par le biais de nœuds de réticulation autorisent le maintien d'une déformation élastique très importante du système dans une gamme de températures située au-dessus de la transition vitreuse, où il se trouve à l'équilibre thermodynamique;

    l'ensemble des mouvements locaux responsables des relaxations secondaires, rendent un grand nombre de polymères amorphes ductiles sur de larges gammes de température sous la transition vitreuse et autorisent une déformation rémanente des matériaux sans rupture fragile.

    Un certain nombre de modèles de comportement mécanique reposent sur des bases phénoménologiques: le modèle de Meijer et Govaert [MEI03] et le modèle de Arruda et Boyce [ARR93] en sont des exemples. Le modèle de Pérez présente pour sa part l'avantage de donner une image physique aux processus mis en jeu au cours de la déformation [PER92], [PER99]. Les principales difficultés auxquelles les tentatives de modélisation se confrontent sont les suivantes: la description et l'interprétation du maximum de contrainte et de l'adoucissement

    observés au cours des essais mécaniques; Yee et Smith ont mis en évidence un lien entre le maximum de contrainte et la transition vitreuse [YEE88-1]. Cette relation peut être vue comme le résultat d'une augmentation de mobilité induite par la déformation non élastique. Pour interpréter ces observations, l'idée de zones localisées à grande mobilité induite par la déformation apparaît sous différentes formes dans de nombreuses théories: les régions de réarrangement coopératifs (CRR) du modèle d'Adam et Gibbs [ADA65], les micro-domaines cisaillés du modèle de Pérez [PER92], les défauts cisaillés du modèle d'Hasan et Boyce [HAS95]. Une convergence vers ce type d'interprétation microstructurale se dessine fortement, mais quelques questions restent en suspend:

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    • Comment décrire la nature et les caractéristiques de ces zones de haute mobilité?

    • Quels sont les précurseurs de ces zones dans les polymères amorphes non déformés?

    • Comment évoluent-elles avec le taux de déformation? la modélisation du renforcement observé aux grandes déformations et l'effet d'un

    alignement des chaînes. Le comportement mécanique des élastomères au-dessus de la transition vitreuse est bien décrit dans le cadre de la théorie de l'élasticité caoutchoutique, y compris l'écart aux hypothèses du modèle gaussien, qui apparaît aux grandes déformations [VER95]. En tirant parti de ce modèle, G'Sell et Souahi ont tenté de modéliser le durcissement plastique des polymères vitreux en transposant les concepts de l'élasticité entropique sous la température de transition vitreuse [GSE97]. Van Melick et ses collaborateurs opposent à cette démarche un argument de force, en constatant que la constante de raideur d'un ressort entropique est proportionnelle à 'kT' et donc augmente lorsque la température augmente [VAN03]. Expérimentalement, l'intensité du durcissement diminue avec la température, ce qui impose de ne pas considérer uniquement un cadre théorique basé sur le modèle d'élasticité entropique pour rendre compte du durcissement sous Tg. Les poids respectifs des grandeurs entropie et enthalpie dans le comportement des polymères amorphes reste donc un problème non élucidé dans la démarche de construction d'une loi de comportement.

    Un certain nombre de faits expérimentaux présentés dans le cadre de cette étude sont directement connectés à ces deux problématiques. L'étude n'a pas la prétention de résoudre ces deux questions fondamentales dans la modélisation du comportement mécanique des polymères amorphes, mais d'apporter des éléments de réflexions nouveaux qui reposent sur des observations expérimentales.

    8 Conclusion Les polymères amorphes sont des systèmes complexes, difficiles à caractériser, qui présentent des comportements tout à fait singuliers en science des matériaux. De ce point de vue il apparaît extrêmement difficile de construire des modèles permettant de prédire la forme des lois de comportement. Pourtant, en considérant le degré d'implication de ces matériaux dans notre quotidien et dans l'industrie, l'enjeu est de taille. Il faut noter également que le manque de connaissance sur le comportement des amorphes est souvent préjudiciable dans la compréhension des polymères semi-cristallins et des polymères chargés. En ce qui concerne les lois de comportement, des zones d'ombre subsistent à propos des processus qui se produisent au maximum de contrainte, mais également à propos des mécanismes à l'origine de l'adoucissement ainsi que sur la part d'énergie interne et d'entropie à intégrer dans la modélisation du renforcement aux grandes déformations. Les domaines des matériaux composites et des semi-cristallins pourraient également tirer profit d'une amélioration de la compréhension du comportement des polymères

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    amorphes sur les questions qui concernent le comportement de la phase amorphe près des renforts, ou des cristallites, ainsi que l'influence de contraintes internes sur les propriétés de la matrice par exemple. Les enjeux sont importants, et le travail qui suit vise à apporter des données supplémentaires pour améliorer les bases physiques d'une modélisation du comportement des polymères amorphes.

    Pont d'embarquementPage de titreSommaireIntroductionChapitre 1 : Revue BibliographiqueIntroductionL'état amorphe et la transition vitreuseLa notion d'état hors d'équilibreFragilité des systèmes vitreuxDescription sous forme d'un paysage énergétique

    La mobilité moléculaireLe comportement général des systèmes amorphesLes relaxations structuralesExemples de fonctions de relaxation

    Les spécificités des polymères amorphesLes liaisons chimiques et l'architecture moléculaireConséquences sur les relaxations structurales

    Description des relaxationsLes relaxations γ, δLa relaxation βLa relaxation principale α

    Des modèles de relaxation principaleLe vieillissement physiqueLes effets de la déformationLa nature recouvrable de la déformationD'un point de vue moléculaireDans l'état caoutchoutique: effet entropiqueDans l'état vitreux: impact sur l'enthalpie

    Bilan généralConclusion

    Chapitre 2 : Etude d'élastomères à l'échelle macroscopiqueChapitre 3 : Etude d'élastomères à l'échelle localeChapitre 4 : Etude multi-échelle du polycarbonateConclusion généraleAnnexe A : Procédure de normalisation des courbes de relaxation de tan deltaAnnexe B : Détail des calculs du modèle auto-cohérent à 3 phasesRéférences bibliographiquesFolio administratif

    /ColorImageDict > /JPEG2000ColorACSImageDict > /JPEG2000ColorImageDict > /AntiAliasGrayImages false /DownsampleGrayImages true /GrayImageDownsampleType /Bicubic /GrayImageResolution 150 /GrayImageDepth -1 /GrayImageDownsampleThreshold 1.50000 /EncodeGrayImages true /GrayImageFilter /DCTEncode /AutoFilterGrayImages true /GrayImageAutoFilterStrategy /JPEG /GrayACSImageDict > /GrayImageDict > /JPEG2000GrayACSImageDict > /JPEG2000GrayImageDict > /AntiAliasMonoImages false /DownsampleMonoImages true /MonoImageDownsampleType /Bicubic /MonoImageResolution 300 /MonoImageDepth -1 /MonoImageDownsampleThreshold 1.50000 /EncodeMonoImages true /MonoImageFilter /CCITTFaxEncode /MonoImageDict > /AllowPSXObjects true /PDFX1aCheck false /PDFX3Check false /PDFXCompliantPDFOnly false /PDFXNoTrimBoxError true /PDFXTrimBoxToMediaBoxOffset [ 0.00000 0.00000 0.00000 0.00000 ] /PDFXSetBleedBoxToMediaBox true /PDFXBleedBoxToTrimBoxOffset [ 0.00000 0.00000 0.00000 0.00000 ] /PDFXOutputIntentProfile (None) /PDFXOutputCondition () /PDFXRegistryName (http://www.color.org) /PDFXTrapped /False

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