Revue Du Moyen Age - Compte-rendus

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    Comptes rendus

    La biographie dans la littrature mdivale,d. lisabeth GAUCHER, Lille,Centredtudes Mdivales et Dialectales de Lille 3, 2001 ; 1 vol. in-8, 194 p. (Bien direbien aprandre.Revue de Mdivistique, 20). Prix : 23.

    Sous la direction d. Gaucher, cette livraison de Bien dire bien aprandre estconstitue de quatorze tudes classes par ordre alphabtique, traitant de labiographie dans la littrature mdivale. . Gaucher rappelle quil sagit dun genre

    complexe, travers la reprsentation du hros biographique, inscrite dans la droiteligne des autres biographies chevaleresques et des fictions romanesques, et marquepar la prsence de lauteur. Les autres contributions explorent cette ambigutgnrique, soit dans des uvres qui se donnent pour des vies, soit dans des texteshistoriographiques et romanesques.

    Sintressant la prsence des Vies de philosofes dans la seconde rdaction de lImagedu monde, Ch. Connochie-Bourgnes explique que les lments biographiquesparticipent dune dmonstration dordre moral, afin de louer la ligne des hommesde science. Dans la Vita Merliniquanalyse R. Baudry, ils sont conjugus au rcit desmtamorphoses de Merlin pour rpondre au canevas traditionnel des scenarii

    initiatiques des fins ddification. J. Devaux examine pour sa part les liens troits queLa vie du Prince Noir, biographie chevaleresque, entretient avec la chronique curialeet avec lautobiographie. Cette dernire affleure, comme lobserve M. Santucci, dansGillion de Trazegnies, plus prodigue en renseignements sur le narrateur que sur lepersonnage de Gillion. Avec Lhistoire de Jason, compose par Raoul Lefvre, D.Quruel choisit de sinterroger sur la manire dont ce hros mythique devient lobjetdune biographie chevaleresque, mi-chemin entre la littrature et lhistoire, dessein de propagande politique la Cour de Bourgogne. travers des textes valeur biographique (p. 68) et les exemples de Guillaume, comte de Bordeaux, deGuibert de Nogent et dAblard, Y. Ferroul sattache de son ct au moment prcis ole fils doit choisir sa vie, sur les traces ou non, de son pre.

    Dans le registre des Vies de saints, M.G. Grossel situe la Vie de Marie dOignies,compose par Jacques de Vitry, aux frontires de la biographie et de lhagiographie,alors que la Vie de saint Hugues de Grenoble tudie par N. Nabert apparat davantage

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    comme une biographie spirituelle, fonde sur les vnements de la vie intrieure dusaint, mais travaille aussi par la prsence du narrateur.

    Dans la veine historiographique, Y. Guilcher dmontre comment, avec Saladin,lentreprise biographique, nourrie des fragments rels dune vie, est dnature au fildu temps et des uvres, et comment limage du chef oriental est gauchie en vertu deprojets idologiques ou narratifs. La dmarche est autre dans Le Livre de Podio ouChroniquesdtienne de Mdicis, et la Chronique de Metzde Philippe de Vigneulles, o,selon D. Courtemanche et M. Chopin-Pagotto, les lments biographiques etautobiographiques permettent de comprendre comment les auteurs peroivent etretracent lhistoire de leur ville.

    Envisageant lalliance entre le roman et la biographie, S. Menegaldo dfinit leRoman du Castelain de Coucy et de la dame de Fayelcomme une biographie potique,

    cest--dire spcifiquement consacre un personnage de pote (p. 127), tandisque M. Vauthier dcle dans le Conte du Graalde Chrtien de Troyes des lmentsbiographiques, sans en faire une biographie au sens banal du terme, ni unehagiographie (p. 194). Prsence de la biographie aussi selon Ph. Logi dans lesromans antiques et dans les deux romans de Wace, mais une biographie repense entermes mythiques.

    Par sa diversit, ce recueil a le mrite de proposer des analyses suggestives, plusou moins convaincantes, qui, tout en tmoignant de la difficult proposer unedfinition univoque du genre, refltent la vitalit de ce vaste champ de recherche.

    Catherine CROIZY-NAQUET

    Lexpansi catalana a la Mediterrnia a la baixa edat mitjana, d. Maria TeresaFERRERIMALLOLet Damien COULON, Barcelone, CSIC, 1999 ; 1 vol. in-8, X-208 p.(Anuario de Estudios medievales, Annex 36). ISBN : 84-00-07840-3.

    Ce petit ouvrage est issu de la coopration entre la Casa de Velzquez (Madrid) etlInstituci Mil i Fontanals du CSIC (Barcelone) qui sest manifeste au travers dunsminaire, tenu Barcelone en 1998, o chercheurs catalans et franais ont examinles enjeux conomiques de lexpansion catalane en Mditerrane.

    Au milieu du XIVesicle, les marchands-armateurs catalans, travers la figure de

    Joan Lombarda, tudi par D. Coulon, apparaissent comme trs proches du pouvoir,et ne ddaignent pas, outre leurs initiatives commerciales en direction de laMditerrane orientale, de se rendre utiles la Couronne lors doprations maritimesprenant place dans le cadre des guerres contre Gnes, la Castille ou lors de la rvoltede la Sardaigne. Linstitution des Consulats de Mer (en 1279 Barcelone) a favorislorganisation collective du commerce dans les villes catalanes ; on sait moins que leurimitation, dans les ports trangers, par la cration des Consulats dOutremer fournit ces marchands un point dappui important pour leur commerce, par exemple Alexandrie, Palerme, Constantinople, mais aussi Pise, Gnes et Sville ou Almria,partout les consuls catalans en poste veillaient aux bonnes relations avec les autorits

    locales, garantissaient la sret des marchandises des Catalans dans leurs alfndecs,les entrepts maritimes, les avertissaient des dangers de piraterie (M.T. Ferrer, D.Duran). Mme Grenade, o lhistoriographie privilgie par trop le rle des Gnois,les Catalans furent actifs (R. Salicr). Au Maghreb (M.D. Lopez), ou Bougie

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    (D. Valerian), comme en Cilicie (C. Mutafian), auprs du royaume armnien fond en1198, les Catalans obtiennent des privilges de commerce : ces rgions fournissaient

    cuir, laine, cire, alun et aussi de lor de provenance africaine, et recevaient du seldIbiza, de lhuile, des grains, du coton, du fil, des draps en provenance de Catalogne,mais aussi des produits de rexportation, textiles de Bourgogne par exemple.Catalans, cest--dire Barcelonais, Valenciens et Majorquins se rpartissaient les airesdinfluence commerciale ainsi que les marchs des produits, en fonction de leurspossibilits dapprovisionnement. Le commerce maritime est dailleurs trs souventcomplexe : partant de Barcelone pour la Sicile, les navires passent par Tunis,dchargent et chargent avant de se rendre Palerme, puis il nest pas rare quunepartie du bl sicilien revienne Tunis, nouvelle escale sur le chemin de retour. Lesportulans catalans des XIVe et XVe sicles gardent tmoignage de ces routescommerciales privilgies : la Cilicie, par exemple, y est bien situe, et dsigne unefois comme Petite Armnie .

    Les relations diplomatiques viennent consolider dans un second temps ceschanges commerciaux. Un intressant document publi, en arabe, transcrit et tudipar M. Viladrich, livre le contenu dun trait de paix dat de 1429-1430 entre Alphonsele Magnanime et le sultan mamelouk Barsbay qui codifie les privilges desmarchands catalans oprant sur le domaine du sultan, ainsi que les droits etprrogatives des consuls catalans.

    J. Aurell avance lide selon laquelle les marchands catalans, au cours du XVe

    sicle, tournant le dos aux entreprises risques, se montrrent davantage enclins aux

    investissements plus assurs, comme lachat de rentes publiques, de biensimmobiliers en ville ou de proprits rurales, dveloppant un tat despritaristocratique expliquant quils soient rests bien en retrait par rapport lespritdentreprise de leurs homologues italiens.

    Louvrage se lit avec beaucoup dintrt, alternant des tudes de cas utilisant unedocumentation riche avec des visions plus larges de mentalits, daires rgionales oude relations politiques. Lappareil de notes fournit de riches indicationsbibliographiques, parfois difficiles connatre pour le lecteur franais. Un travailutile, qui permettra sans doute de rvaluer la place des Catalans de toutes origineset de toutes motivations dans la Mditerrane mdivale.

    Aymat CATAFAU

    La Commanderie, institution des ordres militaires dans lOccident mdival, d.Anthony LUTTRELLet Lon PRESSOUYRE, Paris, ditions du CTHS, 2001 ; 1 vol. in-8,361 p. (Archologie et histoire de lart, 14). ISBN : 2-7355-0485-9. Prix : 46.

    Ce luxueux volume broch rassemble les communications de 22 chercheursrassembls Sainte-Eulalie-de-Cernon (Aveyron) les 13-15 octobre 2000 en vuedtudier le plus petit dnominateur commun des ordres militaires. En rsultentquatre chapitres tournant autour de la typologie des commanderies, de leurpersonnel, de leur organisation, de leurs activits conomiques, complts par unevocation de la commanderie de Sainte-Eulalie, remarquablement conserve.Larticle de J. Riley-Smith sur lapparition des premires commanderies hospitalo-templires en Occident (p. 9-18) prcde une brve analyse de J.M. Carbasse sur lestatut juridique reconnu ces tablissements au Moyen ge (p. 19-27). Leurs

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    commandeurs tout en tant protgs par le droit canon semblent ne pas avoir hsit solliciter la justice royale en cas de litiges avec leurs sujets ou des baillis sourcilleux.

    Une cinquantaine daffaires consignes dans les registres des Olimdes annes 1254-1318 mettent en vidence les actions communes du Temple et de lHpital danscertains contentieux au mme titre que la suspicion royale lgard de leursaspirations judiciaires. La monarchie tend en effet sous laction de saint Louis lesdpossder de leurs droits de haute-justice quand leurs archives ne permettent pasde les tablir scrupuleusement. Les communications qui suivent retracent le destin deprovinces rgionales de lHpital et des grands ordres ibriques impliqus dans laReconquistacomme celui de Santiago ou de Montesa au bas Moyen ge (p. 29-90). C.de Ayala Martnez distingue ce propos dans le royaume de Castille des phases deformation, de territorialisation et de patrimonialisation lie une prennisation deschevaliers et commandeurs ibriques, impensable dans lOrient des croisades.Lanalyse prosopographique du personnel employ dans les commanderiesoccidentales senorgueillit dun article dH. Nicholson sur la place dvolue auxfemmes dans ces socits masculines (p. 125-134). Il rsulte de la confrontation desources tnues que les femmes ont occup une place frquente dans cestablissements militaires sans avoir t cantonnes ncessairement dans desstructures spares. La suite du volume rassemble dintressantes synthses surlarchitecture des commanderies templires catalano-aragonaises (p. 187-217) etlorganisation stratgique des commanderies teutoniques de Prusse et de Livonie (p.219-242). On doit J. Fuguet Sans de replacer les constructions aragonaises dans latradition hispano-mauresque tout en soulignant les emprunts larchitecture de

    Terre sainte comme dans le cas du chteau de Miravet. Sv. Ekdahl dresse pour sa partune typologie et un inventaire des commanderies difies par les teutoniques afin decontrler leurs fragiles conqutes. On retiendra parmi les dernires contributions dece volume lanalyse de R. Favreau sur limplantation des hospitaliers dans le diocsede Saintes en 1373 (p. 261-276), ainsi que larticle novateur de Zs. Hunyadi sur lescomptences notariales dvolues aux commanderies hospitalires de Hongrie travers leur loca credibiliareconnus par la royaut (p. 285-296). Lensemble de cestudes dmontre la vigueur des recherches en cours sur les ordres militaires commela diversit de leurs activits secondaires.

    Pierre-Vincent CLAVERIE

    PHILIPPEDECOMMYNES, Mmoires sur Charles VIII et lItalie. Livres VII et VIII, d.Jean DUFOURNET, Paris, GF Flammarion, 2002 ; 1 vol. in-8, 535 p.

    La familiarit de J. Dufournet avec la vie et luvre de Philippe de Commynes estbien connue : ldition des livres VII et VIII desMmoiressinscrit dans la continuitdes six premiers livres, que J.D. avait publis en 19791, et bnficie de ladocumentation rassemble dans ses essais et articles, dont elle confirme les positions.

    Ltablissement du texte original en respecte le style oral et la rigueur duraisonnement logique. J.D. sest appuy sur le manuscrit Polignac (B.N.F., nouv.

    acquis. fran. 20960), qui a appartenu la nice de Commynes et qui est le seul contenir les huit livres desMmoires. Mais il na pas nglig les ditions antrieures,

    1. COMMYNES,Mmoires sur Louis XI, Paris, 1979.

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    jusqu celle de Denis Sauvage (1552), quand elles aident la comprhension depassages ambigus. La traduction en franais moderne facilite laccs au texte. Outre

    les claircissements historiques, dabondantes notes lexicologiques et grammaticalesclairent les faits de langue du moyen franais. Lindex des mots expliqus offre unoutil trs prcieux aux recherches philologiques.

    La matire des livres VII et VIII (lexpdition italienne de Charles VIII en 1494-1495) ncessitait, pour tre comprise du lecteur moderne, que soient explicites lesnombreuses allusions lactualit du mmorialiste : J.D. sy est consacr enconsultant des documents diplomatiques, pistolaires et historiques. Labondancedes personnages prsents sur la scne des Mmoires justifiait la constitution dunindex comment : J.D. na pas recul devant lampleur de la tche et met notredisposition vingt-quatre pages de notices alphabtiques. Les maisons dAnjou,

    dEspagne et de Naples, la dynastie des Sforza, font lobjet darbres gnalogiques.Une chronologie des annes 1483-1500, ainsi que le rappel des papes et souverainscontemporains de Charles VIII, apportent dutiles mises au point sur la priode.Enfin, ce voyage en Italie est balis de repres gographiques (carte de litinraireentre Turin et Naples). Une bibliographie guide les pas du lecteur dsireux depoursuivre lenqute.

    Lintroduction, riche et dense, expose les circonstances de production de luvre :participation diplomatique et militaire de Commynes lexpdition, impact de sesrencontres sur sa pense (notamment Jrme Savonarole, qui suscita peut-tre la conversion (p. 32) de lhistorien en linvitant ne plus envisager la seule

    intelligence humaine, mais aussi la lumire de Dieu). J.D. sapplique mesurerlvolution des ides commyniennes au terme desMmoires. Lexprience des annes1494-1495 affine les considrations politiques des six premiers livres et complte leportrait de la nature humaine : prfrence de la diplomatie sur la guerre, critique dela tyrannie, loge du prince (au modle parlementaire anglais succde, dsormais,celui du doge de Venise), complexit dun univers o le double jeu permanent invite un scepticisme mthodique (p. 26), qute dune vrit qui se refuse dans cetopaque cheveau de manuvres retorses et de subtiles combinaisons (p. 21) Plusqu un idal politique, lItalie amne Commynes rflchir une pragmatique dugouvernement qui, par la primaut accorde la conjoncture, annonce les thories de

    Machiavel et Guichardin. J.D. renouvelle son invitation accorder la plus grandeattention au vocabulaire employ par le mmorialiste pour dcrire la vie politique deson temps : les pratiques et le travail , les partialits , les intelligences , la bestialit des princes ou, au contraire, leur vertu , sont autant de mots-cls quipermettent de dcrypter le sens du texte.

    Ldition des livres VII et VIII des Mmoires de Commynes nous propose devoyager non seulement dans lItalie des annes 1494-1495 (Commynes sattachantsurtout dcrire la beaut et la puissance de Venise) mais aussi travers les schmesde pense dun auteur soucieux de mettre le fruit de son exprience personnelle auservice du bien public. Une fois de plus, le travail de J.D. suscitera lintrt dun public

    largi, historiens, littraires et philologues.lisabeth GAUCHER

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    Micrologus. Natura, scienze e societ medievali. Nature, sciences and medievalsocieties, t. 9,Gli Ebrei e le Scienze. The Jews ans the Sciences, Florence, SISMEL-

    Edizioni del Galluzzo,2001 ; 1 vol. gr. in-8, 300 p., ill.

    Ce nouveau volume thmatique de la revue Micrologus rassemble quinzecontributions en anglais, franais et italien sur les juifs et les sciences entre le XIe

    et le XVesicle. Aucun lien ou axe particulier ne semble runir les exposs, qui ne sontpas prcds dune introduction gnrale. noter pourtant, en annexe (!) de larticlede T. Lvy, une trs utile prsentation densemble de la littrature mathmatiquehbraque au Moyen ge. Lensemble du volume tend montrer quentre le XIIeetle XVe s., la langue hbraque, dabord limite au langage biblique, sestremarquablement enrichie de la science grecque et des apports arabes et latinscollects au cours des migrations successives et est devenue la lingua franca de cette

    communaut. Les juifs espagnols migrs suite la conqute dAl-Andaluspar lesdynasties berbres des Almoravides (1090) et des Almohades (1145), conservrentpourtant la langue arabe comme vhicule de la pense pendant trois sicles.

    Vu la qualit gnrale du contenu, on pourrait souhaiter davantage de soinapport la typographie et la composition de lindex gnral (nombreuses fautes defrappe, erreurs dans les noms trangers, index mlangeant les langues dans les nomsdauteurs : pourquoi tantt le franais, tantt litalien pour certains noms mdivauxespagnols, par ex.).

    En dpit de son titre assez gnral, larticle de R. Barkai (Origines et sources de lamdecine hbraque au Moyen ge) insiste sur la gyncologie au sein de la renaissancede la culture hbraque en terre chrtienne , car cest la seule discipline qui chappaau galnisme arabe. Sans entrer dans ltude de cas particuliers ni soulignerlimportance de telle ou telle source, il retrace les grandes uvres en traductioncomme autant dtapes du passage de la langue sacre au langage scientifique.

    Larticle, bref, de L. Ferre (The place of scientific knowledge in some Spanish Jewishauthors) montre que les juifs se sont imprgns de la culture grecque et arabe ds leurintroduction dans la socit savante Bagdad au VIIIe s. Dans la recherche duRoyaume travers les sciences de la raison, elle relve les figures de Shlomoh ibnGabirol(Fons vitae), Bahyah ibn Pakudah, Yosef ibn Zaddiq (Sefer ha-Olam ha-Qatan),Maimonide, Yahudah ha-Levi (oppos aux sciences profanes), Saadiah Gaon(accorde rvlation et raison), Abbraham bar Hiyya.

    souligner, lexcellente et claire contribution spcialise de T. Lvy, Les dbuts dela littrature mathmatique hbraque : la gomtrie dAbraham bar Hiyya (XIe-XIIe s.).Grand connaisseur des manuscrits originaux, il souligne les traits distinctifs(contenu, langue, sources, tradition, lien avec le commentaire biblique, circulation)des premiers textes scientifiques rdigs en hbreu et livre une tude exemplaire delun dentre eux. Les mathmatiques hbraques sont nes entre le XIIeet le XIVes. enEspagne chrtienne et en Provence, et sont le fait de juifs arabophones quitraduisirent, pour la plupart, des traits de science grecque de larabe vers lhbreu,sans quon y dcle une vritable tradition de recherche. Bar Hiyya travailla daborddans le royaume arabe de Saragosse, puis surtout en terre chrtienne de Barcelone,o il aida, entre autres, Platon de Tivoli dans des traductions latines douvragesdastrologie et dastronomie.

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    Larticle encyclopdique de S. Sela se consacre lautre mathmaticien juifrenomm de la mme poque, Abraham ibn Ezra (1089-1167). Outre lexploitation

    dun matriel indit, il repose sur une bibliographie large et une connaissanceapprofondie de la production scientifique (plus de 20 traits) dibn Ezra dont il meten vidence la cration dun lexique scientifique. M. Grmek () dite et traduit lesrponses tolrantes et librales du moine vnitien Paolo Sarpi (1552-1623) dans le butdaider le Snat de Venise dans son opposition aux abus sculiers de la primautpapale, dans le cas particulier de lexercice de la mdecine par les juifs dans la rgionde Split (Dalmatie).

    Sous le titre La polemica medieval contro la cultura e la scienza degli ebrei, P. Morpurgorassemble un catalogue dopinions, y compris juives, qui tendent montrer lasupriorit de lducation savante (dont celle des enfants) chez les juifs lpoque o

    les Arabes et les Chrtiens ne la pratiquaient pas. La plupart des tmoignages (XIIe

    -XVes.) concernent la mdecine. B. Huss illustre brivement trois modles de positionsde la philosophie et du mysticisme dans la Kabbale : lun les situe dans le mme corpsde connaissances, lautre en donne une vue hirarchise o la philosophie estpremire, tandis que le dernier rejette la philosophie comme fausse et non juive.

    Dans une contribution la fois sociologique et scientifique, P. Biller (A scientific view of Jews from Paris around 1300)rassemble des tmoignages arabes (IXes.) et surtoutlatins (XIIIe s.) associant les juifs la mlancolie, la bile noire et laffection deshmorrodes. G. Freudenthal analyse la perception de la philosophie par lesopposants son tude (particulirement Rashba et Abba Mari), au dbut du XIVes.,

    quils soient traditionalistes ou rationalistes ; ces derniers eurent une attitudeambivalente. J. Schatzmiller apporte, par la relecture dun prologue une traduction,un lment nouveau dans les controverses historiographiques entourant lepersonnage de Jacob ben Elie, traducteur vnitien de la fin du XIIIes. qui aurait bienvcu Venise et non Valence. M. Zonta identifie un nouveau commentaire laPhysique dAristote par le Juif Yahudah Messer Leon (1473/5) en dressant une fresquedes commentateurs juifs de ce texte dAristote du XIIIeau XVes. lexception de cecommentaire novateur (influence de laverrosme latin), il montre la prvalence delhritage grco-arabe sur les nouvelles thories scolastiques. Par lexamen descommentaires et citations, Y. Tzvi Langermann value la place dun texte

    pythagoricien fondamental (lIntroduction larithmtique de Nicomaque de Grase)dans la tradition hbraque et traduit deux textes hbraques sur les proprits desnombres. G. Tamani tudie les manuscrits autographes ou non de la bibliothque dumantouan Mordekay (= Angelo) Finzi au XVes. Elle contenait un grand nombre detextes astronomiques, astrologiques et mathmatiques. D. Quaglioni tudie lesconditions daccs des juifs au doctorat Naples et Trente aux XVeet XVIes. Enfin,M. Sivera relve quelques tapes dans lvolution de la conception du miracle, dessources rabbiniques Spinoza.

    Isabelle DRAELANTS

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    Anne GRONDEUX, Le Graecismusdvrard de Bthune travers ses gloses. Entregrammaire positive et grammaire spculative du XIIIeau XVesicle, Turnhout,

    Brepols, 2000 ; 1 vol. in-8, VII-553 p. (Studia Artistarum.tudes sur la Facult desarts dans les Universits mdivales, 8). Prix : 74.

    On ne sait peu prs rien dvrard de Bthune qui composa notamment, au dbutdu XIIIe sicle, le fameux Graecismus, un manuel potique de grammaire en 27chapitres et 4 579 vers. travers ltude des gloses de ce manuel qui a eu beaucoupde succs (on en connat quelque deux cent cinquante manuscrits et une dizainedditions), lA. cherche montrer qui le lisait et lutilisait et comment ils le faisaient.On trouvera donc ici, aprs un tat de la question sur luvre et son auteur, uneenqute minutieuse de la tradition des gloses qui accompagnent le Graecismusdansun corpus de manuscrits provenant dune aire gographique couvrant lensemble de

    lEurope et allant du XIIIe

    au XVe

    sicle. Dans une premire partie (p. 5-221), ltudeenvisage la glose dans son aspect de texte mouvant et montre que trois traditions degloses (Jean de Garlande vers 1235-1240, des anonymes vers 1260, Jupiter vers 1300 celui que L. Delisle appelait, la suite dune lecture fautive, Matre Yon ) sontsuccessivement apparues pour clairer luvre et en faire un instrument scolaire deplus en plus complet et technique au point de fournir progressivement un vritabletexte autonome, mancip du texte-support par une mise en page qui instaure unequivalence de dignit entre le Graecismuset sa glose. La deuxime partie (p. 223-458)examine les apports spcifiques de chaque poque, qui font bnficier la glose destrois approches de la grammaire (celles-ci ne concidant cependant pas exactement

    avec les trois traditions de commentaire) : lapproche lexicographique qui tudie lesmots non pas dans des noncs, mais dans leurs rapports de synonymie oudhomonymie, lapproche intentionnaliste voue ltude des noncs figurs etlapproche modiste qui a marqu la Facult des arts partir des annes 1270 et qui voitdans les modes de signifier la cause exclusive de la construction, celle-ci devant rien la signification. Une troisime partie comprend une dition critique des cinqprologues du ms. de Paris, B.N.F., lat. 1474. Cette thse extrmement rudite, dont latypographie et la mise en page cela mrite dtre soulign ont t directementassures par lA. avec un soin exemplaire, est parfois assez austre, mais ses apportsdpasse largement le cadre de la grammaire mdivale proprement dite : elleconstitue bien sr une contribution importante dans le domaine des ides

    linguistiques et de lenseignement de la grammaire et du latin au Moyen ge, maiselle claire aussi le genre littraire de la glose qui devient, dans le cadre descommentaires du Graecismus, le vritable texte, comme le montre si bien A.G., celuiqui intresse les enseignants, les vers de luvre commente ntant plus l quecomme instrument de mmorisation, non pas deux-mmes, mais du cours qui lesaccompagne. Ce travail permet ainsi de pntrer dans le monde trs vivant descopistes, des matres et des jeunes diplms de la Facult des arts qui se consacrent la grammaire et rdigent des gloses directement inspires par les cours quils ontsuivis. En dfinitive, ce livre nous plonge donc au cur mme de lenseignement etde la pense mdivale.

    Jean MEYERS

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    Mentis amore ligati.Lateinische Freundschaftsdichtung und Dichterfreundschaftin Mittelalter und Neuzeit. Festgabe fr Reinhard Dchting zum 65.

    Geburtstag, d. Boris KRKEL, Tino LICHT et Jolanta WIENDLOCHA, Heidelberg,Mattes Verlag, 2001 ; 1 vol. in-8, 618 p.

    loccasion de son 65e anniversaire, ses collgues et amis ont voulu honorerReinhard Dchting, qui enseigna, pendant de nombreuses annes, lUniversit deHeidelberg, au Sminaire de Philologie latine du Moyen ge et de la Renaissance,fond en 1957 par son matre Walther Bulst. Le beau volume dhommages qui lui estici ddi, sous une lgante formule emprunte un Carmen ad amicum attribu Walahfrid (59, 5), rassemble 45 tudes autour dun thme trs riche, celui delexpression de lamiti dans la littrature latine de lAntiquit tardive laRenaissance, spcialement dans la posie, laquelle R.D. ne cessa de sintresser

    depuis son commentaire remarquable des Carminade Sedullus Scottus (1965). Je nepeux videmment quvoquer ici trs brivement les 45 tudes rassembls dans cegros ouvrage. Quatre articles touchent lAntiquit tardive : celui dE.O. Pereira surlamour et lamiti dans les Evangeliorum libri de Juvencus, celui dE. Raffel sur lepome de Colomban Fidolio Fratri Suo (avec texte et trad.), celui de W. Berschin et D.Blume sur les deux pomes de Fortunat ddis Dyname de Marseille (Carm. VI, 9et 10, avec texte et trad.) et lintressante analyse que D. Walz consacre la structuredune des lgies les plus clbres du mme Fortunat (App. carm. 1). Le reste separtage entre les littratures mdivale et humaniste. Parmi les 12 articles consacrsau Moyen ge, quelques-uns traversent plusieurs poques, comme lhistoire des

    diffrentes significations du mot sodes (P. Stotz), ltude originale du rle des femmesdans les cercles littraires du Moyen ge celui de Boniface et Lullus de Mayence ;le cercle des potes de la Loire (Hildebert, Marbode et Baudri) et le cercle des auteursdes Carmina Ratisponensia (B. Pabst) et la contribution sur lide damicitiadans leWaltharius, lEcbasis captivi et le Ruodlieb (B.K. Vollmann). Tous les autres sontconsacrs une uvre ou un auteur : on trouvera ainsi des rflexions sur le pomead amicumattribu Walahffid (G. Becht-Jrdens), sur les liens damiti entre Alcuinet Hraban travers le tmoignage du manuscrit du Liber sanctae crucis ddi Tours(M.C. Ferrari), sur le clbre pome rotique (avec texte et trad.) Oadmirabile Venerisidolum (Sv.Limbeck), sur la rception des pices de Martial traitant du thme delamiti (11, 24.43 ; 111, 26.46) chez lpigrammatiste Godefroid de Winchester (W.

    Maaz), sur le sens de linvocation Thalle dans les pomes de Folcuin deSaint-Amand (C. Bottiglieri), sur le De spiritali amicitia dElred de Rievaulx, surlemploi et le sens damica/-usdans le pome 9 des Carmina Riuipullensia et dans lesCarmina Ratisponensia (J.M. Gzquez), sur le De commendatione psalmorum (avecdition princeps) ddi au XlIesicle par unepeccatrix M. son frre, peut-tre abbou vque (P.G. Schmidt) et, enfin, sur le vocabulaire de lamiti et du plaisir chez lechancelier imprial Johann von Neumarkt ( 1380). Le reste touche donc au latinhumaniste (29 articles, dont quelques-uns dailleurs dpassent le cadre de laRenaissance, comme celui sur la traduction latine par Benjamin Gottlob Fischer dellgie de Goethe Hermann und Dorothea, celui sur le philologue du XXesicle Ernst

    Zinn ou encore celui sur lamicitia dans le Far West, qui voque lamiti devenuelgendaire entre le marshal Wyatt Earp et le dentiste la gachette facile Doc Holliday) : un grand nombre dhumanistes sont ici lhonneur, tels Clemens Ianicius,David Chytraeus, Melanchthon, Laurentius Schnell, Ursinus Velius, Petrus Lotichius

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    Secundus, Elie Vinet, Thomas Wyatt, Guilielmus Hesius S.J., Fabio Chigi (le papeAlexandre VII partir de 1655), Job Rckersfeld, Johann Ludwig Fabricius. Bref, il

    sagit l dun trs riche volume qui intressera les spcialistes du latin mdivalcomme ceux du latin humaniste,

    Jean MEYERS

    Les fortifications dans les domaines Plantagent, XIIe-XIVe sicles. Actes duColloque international tenu Poitiers du 11 au 13 novembre 1994, sous la dir. deMarie-Pierre BAUDRY, Poitiers, Centres dtudes Suprieures de CivilisationMdivale, 2000 ; 1 vol. in-4, 138 p. et pl. (Civilisation Mdivale, 10). ISBN : 2-9514506-3-X. Prix : FRF 220.

    Peut-on parler dune architecture militaire Plantagent , comme certainsparlent dune architecture philippienne ? Cette question fut au cur du colloquequi se tint Poitiers en 1994, dont les actes viennent seulement dtre publis. Levolume rassemble neuf communications, et des comptes rendus de travaux en coursviennent complter lensemble. Une tude introductive dA. Debord rappelle lesconditions trs contrastes selon que lon se trouve en Normandie, en Anjou, ou enAquitaine de la politique de fortification dans les terres relevant de la dynastie, maispostule un dbut de territorialisation du pouvoir dans ses principauts. Haut lieu dela prsence anglo-angevine en Normandie, Chteau-Gaillard relve en fait, commele montre Chr. Corvisier, de lapparat plutt que des ncessits de la dfense : lemythe qui sest construit autour de la forteresse de Richard Cur de Lion est

    habilement dmont par la mise en valeur de linfluence des contraintes du site surle plan adopt, et du caractre exprimental, voire insolite ou incohrent, de certainslments de la fortification. M.P. Baudry montre par contre que le chteau de Niort,troitement associ au port, fut marqu davantage par sa fonction de dfense etdentrept que par celle de rsidence. Quelques caractristiques architecturales, ainsiles mchicoulis sur arcs et les archres, tout comme la qualit de la construction et lesmoyens financiers consentis, permettent dassocier directement, pour lauteur, laconstruction du chteau au patronage de la famille angevine, les tours jumelles dudonjon tant mme peut-tre la transcription architecturale de la co-souverainet deHenri II et de Richard comte de Poitou. Dans son tude des vestiges des fortifications

    de Poitiers, Ph. Durand propose de dater lenceinte du rgne de Henri II, peut-treavant les annes 1170-1180, le chteau ayant sans doute t lev plus tard parPhilippe Auguste : Poitiers serait ainsi un des premiers exemples de larchitecturemilitaire angevine en Aquitaine. Finalement, ltude de B. Le Cain sur lesfortifications de Harfleur au dbut du XVe sicle vient rappeler limportance delinvestissement anglais dans le cas de Harfleur, la tour Perdue, et ladaptation desfortifications larme feu dans les ouvrages normands pendant la priodedoccupation des Lancastre. J. Miquel, dans sa communication sur larmement deschteaux dans la Gascogne anglaise entre 1250 et 1325, apporte un contrepoint utile :cest aussi, sinon davantage, la force en hommes et la qualit des combattants qui fontla supriorit dune fortification.

    Deux communications portent sur lespace des les Britanniques. D. Renn examineles constructions royales en Angleterre du dbut du rgne dtienne la mort de Jeansans Terre. Lintervention de Henri II se caractrisa par la limitation des constructions

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    baronniales, par le renforcement de constructions en place (quatre-vingt-dixchteaux royaux, dont Londres et Douvres, bnficirent, un moment ou un autre,

    de campagnes de travaux), et par la construction sur plusieurs sites de donjonsrectangulaires et dans quelques cas polygonaux, la seule construction entirementnouvelle tant le chteau dOrford (Suffolk). Larchasme de la construction est untrait dominant de la priode angevine en Angleterre, ce qui contraste avec lesinnovations perues par les historiens des fortifications angevines dans lespacefranais : ainsi, ce ne fut quaprs 1200 que larchre devint commune dans lesconstructions militaires anglaises. T.E. McNeill examine les limites du pouvoirPlantagent en Irlande, et ce plus dun titre, puisque les rois dAngleterre cdrentle pas, dans la politique de construction, aux grands nobles sur cette terrepriphrique : les seules constructions royales anglaises importantes sont dues linitiative de Jean sans Terre, qui construisit Dublin et fit agrandir Carrickfergus,lanant galement une campagne de travaux, mais sans pouvoir la terminer, Limerick. Lintroduction au volume par J. Mesqui et son tude sur les tours archrestentent de dgager les aspects identitaires , des ralisations des Plantagent,expression du pragmatisme, de la coutume et de lusage, de la reconnaissance descaractres locaux, et Ph. Durand postule dans la conclusion une recherche didentit travers larchitecture castrale . La lecture des diffrentes communications oblige reconnatre limportance de la dfense active des constructions difies dans lespacefranais sous le patronage des Plantagent. Mais il est dommage peut-tre que lessries financires disponibles pour lAngleterre ne le soient pas au mme degr pourles terres franaises de la dynastie angevine, dans la mesure o elles auraient permis

    de recourir dautres modles dexplication, comme les modes de recrutement desmaons ou la circulation des techniques et des styles dun chantier lautre.

    Frdrique LACHAUD

    Kirsi SALONEN, The Penitentiary as a well of grace in the late Middle Ages. Theexample of the Province of Uppsala 1448-1527, Saarijrvi, Gummerus Oy, 2001 ;1 vol. in-8, 458 p. (Annales Academiae Scientiarum Fennicae, 313). ISBN : 951-41-0890-6.

    Les Annales Academiae Scientiarum Fennicaenous offrent ce trs bel ouvrage dune

    jeune historienne qui fait ici uvre de pionnire. Voici maintenant plus de quinze ansque, sur les traces de Mgr F. Tamburini, des chercheurs, jusquici issusprincipalement de lcole historique allemande, sintressent aux archives anciennesde la Pnitencerie apostolique, transfres du Palais de la Chancellerie aux ArchivesVaticanes, tel point que lInstitut historique allemand de Rome a produit leRepertorium Poenitentiarie Germanicum, un instrument de travail incomparable quelon doit au travail immense de L. Schmugge et de ses collaborateurs. Contrairementaux diteurs du R.P.G., K. Salonen ne nous livre pas de regestes, mais une analyseapprofondie du contenu des suppliques envoyes par la province ecclsiastiquedUppsala la Pnitencerie pendant plus de trois quarts de sicle. Cette provincecouvrait une bonne partie de la Sude et de la Finlande actuelles et comprenait septdiocses. La Curie romaine devait apparatre bien lointaine aux Scandinaves. Il nendemeure pas moins que ces derniers acquittaient leurs obligations envers la papautet entretenaient avec elle des relations suivies.

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    LA. entame son propos par un examen gnral des relations entre la provincedUppsala et Rome. Elle poursuit avec la question des sources en soulignant que, si

    lessentiel se trouve aujourdhui au Vatican, les archives locales peuvent aussi recelerquelques trsors passs inaperus jusquici. Elle enchane alors avec un parcourshistoriographique et un aperu des entreprises ditoriales et nous lui savons gr defaire allusion la contribution belge en la matire. Dans la premire partie delouvrage, le lecteur a droit un expos systmatique sur ce tribunal dintense activitque fut la fin du Moyen ge et au dbut des Temps modernes la Pnitencerieapostolique. Cest loccasion pour lA. de se livrer une tude diplomatiqueapprofondie des suppliques et de faire prendre conscience de la longueur du cheminqui pouvait exister entre la supplique de limptrant et la lettre qui y rpondait Etde rappeler que le travail de la Pnitencerie sappuyait sur un outil sans pareil : ledroit canon. K.S. regroupe les matires en cinq catgories, quelle traite une par une :les mariages interdits, les crimes de toute nature, la carrire ecclsiastique,lillgitimit, la confession dun seul pch. La seconde partie est bien entendurserve la situation particulire de la province dUppsala. En deux cents pages, lA.fait le tour de la question et nous offre ainsi un formidable matriau de comparaison,ne ft-ce quavec les informations contenues dj dans le Repertorium PoenitentiarumGermanicum. Tables et figures insres dans le texte dispensent de longueurs inutileset de commentaires bavards. Le tribunal de la Pnitencerie apparat bien comme un puits de grces.

    En appendice, on trouvera la liste des registres dpouills pour la priode

    concerne, une liste des vques de la province dUppsala, la structure dunesupplique, celle dune lettre, la carte de la province, une bibliographie qui va lessentiel et, pour conclure, un index des noms de personnes et de lieux. Au total, unouvrage de consultation agrable, dont on apprciera la grande clart de lexpos, etqui deviendra vite une rfrence pour les spcialistes de ce fonds darchivesvaticanes.

    Monique MAILLARD-LUYPAERT

    Der Fehltritt. Vergehen und Versehen in der Vormoderne, d. Peter VONMOOS,Cologne-Weimar-Vienne, Bhlau, 2001 ; 1 vol., XXIV-468 p. (Norm und Struktur.

    Studien zum sozialen Wandel in Mittelalter und frher Neuzeit, 15).Ce volume est le fruit dune rencontre entre philologues, historiens et sociologues

    tous spcialistes de la priode mdievale ou de la Renaissance, travaillant sur descultures et des domaines trs varis, mais rassembls dans le groupe de travail Gesellschaft und individuelle Kommunikation in der Vormoderne . La notionfdratrice autour de laquelle se dploient les diffrentes rflexions prsentes ici estcelle du Fehltritt , littralement faux-pas , pris ici naturellement au sens large,englobant la fois lcart par rapport une norme sociale et la dviance par rapport une attitude morale dominante. La notion est fconde, puisquelle permet desinterroger sur des concepts aussi divers que le pch et la gaffe et, surtout, permet

    de faire apparatre comment certains discours prsentent certaines attitudes comme naturelles , allant de soi, alors quelles sont en ralit culturelles. On peut ainsi voircomment, et par quels rituels, les transgressions peuvent tre dsamorces, maisaussi comment celles-ci peuvent constituer soit une remise en question salutaire dun

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    ordre social fossilis, soit loccasion de cimenter celui-ci encore davantage. De mme,lindividu, face sa faute , peut se montrer honteux ou au contraire rebelle et

    lassumer pleinement, tout comme la socit peut avoir tendance touffer latransgression ou au contraire la sanctionner. Bref, le faux-pas est un excellentdtecteur de structures mentales et sociales. Tous ces aspects sont voqus enouverture par P. von Moos, responsable la fois de la prface (p. XI-XXIV) et du longessai introductif (p. 1-96) proposant un inventaire des diffrents (para)-synonymes enlatin, franais, allemand et anglais, lpoque mdivale et moderne, qui dgage,prcisment, les contours des diffrents champs notionnels des poques diverses.Des exemples pris Joinville, Chastellain et Commynes illustrent la gamme despossibilits. Les autres contributions, dont voici la liste, couvrent de vastes pans dela culture mdivale et moderne : B. Jussen,Nicht einmal zwischen den Zeilen, p. 97-107[ propos du faux-pas chez les crivains latins chrtiens] ; G.P. Marchal, Fehltritt undRitual. Die Knigskrnung Friedrichs III und Herrscherbegegnungen in Frankreich : EineRecherche, p. 109-138 [tude sur la crmonie du couronnement, comprise comme unrite de transition entre deux pouvoirs. Les exemples sont du XVesicle] ; V. Groebner,Regel, Ausnahme, nachtrgliche Benennung. Ueber Geschenke, Fehltritte und ihreBerichterstatter im 15. Jahrhundert, p. 139-149 [sur les cadeaux et dons dans le cadredun rseau diplomatique labor] ; Kl. Schreiner, Adams und Evas Griff nach demApfel-Sndenfall oder Glcksfall, p. 150-175 [au sicle des Lumires, la consommationdu fruit dfendu est prsente comme unefelix culpa, ayant permis lmancipation delHomme] ; Al. Hahn, Schuld und Fehltritt, Geheimhaltung und Diskretion, p. 177-202[enqute sur la faon dont les individus et socits ragissent face des transgressions

    dordre divers] ; Ach. Wesjohann, Ut stultus vel fatuus putaretur Fehltritte frher Franzikaner, p. 203-234 [tude sur la gestion des carts de conduite en milieufranciscain] ; G. Algazi, Gelehrte Zerstreutheit und gelernte Vergelichkeit, p. 235-250[intressante tude sur ltourderie proverbiale du savant] ; D. Bohler, Limpair ou lafaute ? La question de la responsabilit, p. 251-263 [tude sur le manuel du Chevalierde La Tour Landry qui installe un discours normatif travers le recours desexempla] ; R. Schnell, Literarische Spielregeln fr die Inszenierung un Wertung vonFehltritten. Das Beispiel der Mren , p. 265-315 [enqute sur la mise en scne du fauxpas dans les textes narratifs brefs en moyen haut allemand] ; J.D. Mller, KleineKatastrophen, p. 317-342 [les petites catastrophes en question sont les infractions

    mineures au code de la courtoise, examines ici laide du roman arthurienallemand] ; W. Rcke, Provokation und Ritual, p. 343-361 [tudes sur le personnage deKaie (Keu) dans le Parzifal, vu comme le reprsentant officiel et indispensable duneviolence ritualise et donc contrle] ; Arn. Angenendt, Die Epikie. Im Sinne desGesetzgebers vom Gesetz abweichen, p. 363-376 [lepikeia, selon Aristote, est lexigencedappliquer une sorte desprit de la loi des situations non prvues par le lgislateurafin de respecter au mieux lintention et non la lettre dun texte. Chez saint Paul, onretrouve cette exigence applique la situation du pcheur, auquel on pardonnera sestransgressions] ; R. Newhauser, Zur Zweideutigkeit in der Moraltheologie. Als Tugendeverkleidete Laster, p. 377-402 [le thme du vice dguis en vertu chez les crivains latins

    chrtiens permet de faire apparatre chez ces auteurs la conscience de la permabilitentre public et priv, lintentionnel et le non-intentionnel dans le domaine de latransgression] ; G. Schwerhoff, Fehltritt oder Provokation ? Theologisch rechtlicheDeutung und soziale Praxis der Gotteslsterung im 15. und 16. Jahrhundert, p. 403-118 [lesthologiens de la Rforme allemande considrent le blasphme, en particulier le

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    parjure, comme hautement condamnable. De mme, la loi punit svrement leparjure, nanmoins, les documents montrent que les peines rellement appliques

    sont trs clmentes, car le parjure tait pratique courante. Cest ce conflit de normesqui est examin ici] ; K.S. Rehberg, Der Fehltritt als Heuristik bedrohter Integritt.Ueber Mikroverletzungen institutioneller Handlungsordnungen, p. 419-446 [vaste tudesocio-culturelle sur le faux pas en tant que rvlateur dun ordre social et moral.Montre la fois la permanence et les diffrences que subit le concept lors du passagedans lre moderne]. En annexe sont reproduits les rsums des contributions enanglais, et un index assez fin clt ce volume, qui montre bien la fcondit duneapproche interdisciplinaire bien comprise : dans la meilleure des hypothses et cestici le cas linterdisciplinarit permet de comprendre et de mettre en perspective lafois les notions sur lesquelles le chercheur sinterroge et les concepts quil met enoeuvre. Cest dire quon est ici aux antipodes de linterdisciplinarit additive destine faire fonctionner les pompes subvention des organismes publics et dessponsors privs trop facilement impressionns par ce terme la mode.

    Richard TRACHSLER

    Franz-Reiner ERKENS, Kurfrsten und Knigswahl Zu neuen Theorien ber denKnigswahlparagraphen im Sachsenspiegel und die Entstehung desKurfrstenkollegiums, Hanovre, Hahnsche Buchhandlung, 2002 ; 1 vol. in-8,XXIX-125 p. (M.G.H., Studien und Texte, 30). Prix : 20.

    Comment expliquer la naissance du collge des princes-lecteurs ? Selon la thorie

    classique, un groupe de princes sest progressivement rserv un droit de plus en plusexclusif sur llection ; lvolution a trouv un point daboutissement avec la doublelection de 1257 et na plus t remise en question par la suite. Mais certains auteursont voulu donner la naissance du collge des lecteurs une explication beaucoupplus profonde. La thorie dfendue par A. Wolf en de nombreux travaux voudraitque la possibilit dtre lecteur se soit limite aux princes descendant des fillesdOthon Ier ; parmi ceux-ci on aurait finalement retenu ceux qui avaient pous desfilles de Rodolphe de Habsbourg lu roi en 1273. Dans une telle conception, le collgedes lecteurs ne peut pas remonter 1257 mais sa formation se serait tout justeamorce avec llection de Rodolphe de Habsbourg en 1273 et naurait t vraiment

    constitue quen 1298. Cette post-datation de lapparition des lecteurs est galementdfendue par B. Castroph. Fr.R. Erkens montre cependant quil ny a pas de raison dedmasquer comme des interpolations tardives les passages du Miroir des Saxons etdes annales dAlbert de Stade qui voquent dj les futurs lecteurs, ou de post-daterquelques autres textes qui les voquent galement. Il est tout aussi rserv en ce quiconcerne la dmonstration propose par H. Thomas ; ce dernier a propos de placerlapparition des lecteurs dans le contexte dune tentative de coup dtat mene parle roi de Bohme en 1239 : les conjurs, pour lgitimer leur projet dlire un nouveausouverain, se seraient rfrs un droit des titulaires doffices de cour (chanson etc.)dlire le souverain. L encore cependant ni les sources ni la vraisemblance neviennent vritablement tayer cette thorie. Reprenant alors le dossier textuel delapparition des lecteurs depuis llection de 1198 jusqu celle de 1257, Fr.R.E.confirme et prcise la thorie classique. La notion de principaux lecteurs allguepar Innocent III loccasion de la double lection de 1198 entre Othon de Brunswicket Philippe de Souabe devrait avoir t reprise largumentation dveloppe par le

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    parti welf qui cherchait parer son incontestable dficit de partisans par rapport Philippe. Nanmoins, lon voit effectivement ds les annes 1200 un petit groupe de

    princes les trois archevques rhnans, le comte palatin auxquels diverses sourcestendent accorder un rle honorifique privilgi dans la procdure de llection, celuide premiers lecteurs, et cela devrait aussi correspondre au rle quun fameuxparagraphe du Miroir des Saxons attribue aux futurs princes lecteurs dans lesannes 1220. Paralllement, on constate une forte rduction de la participation auxlections impriales de la part des puissants qui se pressaient encore en nombre auXIIesicle. Lautorit du Miroir des Saxons, considr ds les annes 1250 comme ledroit imprial, fait le reste ; elle devrait notamment avoir consacr la placed lecteur du duc de Saxe et du margrave de Brandebourg qui pendantlongtemps navaient pas marqu beaucoup dintrt pour llection ainsi que du roide Bohme. En tout tat de cause, il est incontestable que, ds la double lection de1257, les sept lecteurs sont en place. Llection de Rodolphe de Habsbourg et lareprise du paragraphe sur les lecteurs du Miroir des Saxons dans le Miroir desSouabes tablissent dfinitivement leurs prrogatives. La dmonstration de Fr.R.E.fait simplement natre le collge des lecteurs de lvolution politique de lEmpire duXIIe au XIIIe sicle ; moins sduisante que dautres, elle nen est pas moinsconvaincante.

    Jean-Marie MOEGLIN

    Chronicon sanctae Sophiae (cod. Vat. Lat. 4939), d. et com. Jean-Marie MARTIN, coll.

    Giulia OROFINO, Rome, Istituto storico italiano per il Medio Evo, 2000 ; 2 vol., 898p., ill. (Fonti per la storia dellItalia medievale-Rerum italicarum scriptores, 3).

    Le manuscrit de la Chronique de Sainte-Sophie (de Bnvent) est un livreremarquable, depuis longtemps connu et utilis. Pourquoi ne pas considrer dabordles illustrations qui en sont proposes au milieu du premier volume, en cahier spar,sur onze pages ? Chaque page prsente en rduction deux pages du manuscrit, encouleurs. Avec un peu deffort, car la page de 28 cm de haut nen fait plus que neuf,on a le loisir dadmirer la beaut des dessins entirement coloris, la qualit delcriture et des rubriques ; on est moins bien servi avec les esquisses, dessins au traittrop ple pour tre parlants. G. Orofino a apport sa collaboration J.M. Martin pour

    faire ltude et la description de ces belles images. On en est vite convaincu, cest unde ces beaux manuscrits comme savaient les faire les scriptoria dItalie du sud au XlIe

    sicle, dans une criture bnventaine parfaite, de la main dun scribe unique dudbut la fin du volume, avec des lettrines teintes. Louvrage a t achev en 1119,au moment o dautres abbayes voisines (Farfa, Vulturne, Mont-Cassin) suivaient lamme voie. Le but tait naturellement de sauver la situation politique de cette maison,dassurer linalinabilit des biens et la libert de Sainte-Sophie. Cette abbaye avait tfonde en 737 par le duc Gisulf Il et en 769 sa construction tait acheve ; elle abritaitalors des moniales. Elle subissait une certaine dpendance vis--vis du Mont-Cassin,sans doute dans le domaine spirituel avant tout. Puis, en ou vers 940, labbesse cdala place un abb et ltablissement fut ds lors ouvert aux moines. Une certaineconfusion rgna entre la dpendance lgard de la fondation de Benot de Nursie etla libert totale daction. Le livre dont il sagit ici avait notamment pour but de passertotalement sous silence le souvenir dune quelconque dpendance.

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    Le livre nest pas simplement une chronique de Sainte-Sophie de Bnvent, ni unlivre des prceptes comme cela est crit aussi, ni non plus un cartulaire. Cest un

    ouvrage composite dont la composition est le reflet de lintention de labb qui en aordonn la fabrication. Ce dernier tait cet abb Bernard dont les Annales signalentla mort le 28 juillet 1120 et le remplacement par labb Jean. Bernard avait t lu en1107 et avait donc attendu dix ans avant de commander la Chronique. Lauteur quine se nomme pas pourrait bien tre ce Jean, grammairien, qui fut lu abb en 1120. Lesquinze premires pages sont consacres des Annales qui commencent au dbut delre chrtienne en puisant dans des sources classiques comme Isidore et Eusbe et seprolongent jusquen 1120, avec une mention pour 1128. Vient ensuite sur sept pagesune collection canonique rassemble pour dfendre la situation juridique delabbaye. Sur deux pages encore nous est donne une liste des ducs et princes deBnvent. Enfin le livre des prceptes est un cartulaire partag en six parties et quifait dfiler 181 textes, ordonns. Deux pices sont encore conserves sous leur formeoriginale, un prcepte de Landolf et Pandolf en 1033 (1, 44) et un diplme dOtton Ier

    en 972 (IV, 1). Ces deux exceptions permettent de voir dans quelle mesure le copistea transcrit fidlement les actes quil avait sous les yeux. Pour le reste on ne disposeplus que de ce cartulaire. Trois copies en ont t faites autrefois, et deux reprises unedition a t donne. La qualit de ces transcriptions est trs diverse, et on stonnequaucune dition srieuse nait t faite avant que J.M.M. sy consacre. On devineaisment que cette documentation est une mine pour ltude de lhistoire des ducslombards des VIIIeet IXesicles, auxquels sont consacres les trois premires sections.Les deux parties suivantes souvrent aux empereurs germaniques et aux papes ; la

    dernire partie regroupe des actes concernant la libert de lglise et surtoutpostrieurs lan Mil. Il y a donc un souci chronologique rel, rarement contredit. Onlaissera de ct les quelques ajouts qui rappellent que les livres les plus prcieux etluxueux laissaient toujours quelque place pour des scribes postrieurs insouciants.

    Il fallait prsenter au lecteur un tel chef-duvre. J.M.M. a consacr de nombreusesannes et des efforts importants pour nous livrer une dition des plus soignes. Biensr lintroduction est abondante, elle nous rapporte dabord les tribulations delouvrage, de son abbaye dorigine aux collections du Vatican, o elle se trouve en1618. Lanalyse du livre, la publication des annales et de la collection canonique parP. Bertolini, auquel J.M.M. rend souvent hommage et dont il utilise les conclusions,

    appartiennent aussi lhistoire du livre, autant que les copies et les ditions. Ltudecodicologique est faite avec un soin extrme, aprs celle de Bertolini. Lhistoire deSainte-Sophie vient sa place, avec la question brlante de ses relations avec leMont-Cassin ; cest loccasion de publier quelques documents complmentaires surle sujet (p. 93-113). Les pages de G. Orofino sur la dcoration servent de transition avecldition. Rien redire des textes que P. Bertolini avait dj donns, ni des listesducales. Le recueil dactes commence avec trois actes, dont deux sont dats de 774 etont t donns par Arechis, qui dote labbaye, se poursuit par ldition intgrale dessix sections mentionnes plus haut. Il ne saurait tre question ici de multiplier lesremarques de dtail, mais il est certain que le Chroniconva combler les historiens de

    lItalie du haut Moyen ge. Contentons-nous de deux observations touchant auxtranscriptions. La premire concerne la qualit de palographe et de philologue duscribe. Ce dernier a t frapp, au dbut du XlIesicle, de la mdiocre qualit du latinque lui rvlaient les actes recopier. Aussi a-t-il jug bon de proposer son lecteur

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    des corrections, indispensables selon lui pour bien comprendre les textes. J.M.M. ajug ncessaire de fournir son utilisateur toutes les corrections proposes et figurant

    en encre rouge et en interligne dans le cartulaire. On pourra juger de ce quil en est enregardant de prs par exemple les reproductions des folios 91 v et 92 r. Laconsquence pratique de ce souci de l. est que les textes se trouvent chargs despetites lettres indiquant les variantes reportes la fin du texte. Lusage de lalphabetpour indiquer les variantes est un procd partout rpandu. Linconvnient quilprsente ici est que le grand nombre de corrections signaler est tel qu la fin dechaque texte on se trouve devant des exposants allant jusqu 8 et 9 petites lettres.Aucune solution satisfaisante na t trouve pour parer cet inconvnient ; il faudradans ces cas extrmes changer de systme de renvoi. La deuxime observation portesur la fiabilit du copiste. titre dexemple on peut se reporter la fin du volume ole curieux trouva se satisfaire. On dispose en effet de ldition dun prcepte de 1033(n XLIIII, p. 416-419), deux pages de variantes, et enfin la transcription deloriginal (p. 422-424) permettant de jauger la fiabilit du scribe du cartulaire. J.M.M.la dit, ctait un excellent palographe, on peut le vrifier. On stonnera cependantque notre moine nait pas jug bon de reprendre la ligne 22 qui donne le signumdeLandolf. On la compris, cette dition est un modle de prcision et drudition. Elleest destine aux Italiens et a donc t donne en italien ; ce nest pas un inconvnient,la lecture en est aise. On ne peut que lui souhaiter le grand succs quelle mrite.

    Michel PARISSE

    Maria CARERI, Franoise FERY-HUE, Franoise GASPARRI, Genevive HASENOHR, GilletteLABORY, Sylvie LEFVRE, Anne-Franoise LEURQUIN, Christine RUBY, Album demanuscrits franais du XIIIesicle. Mise en page et mise en texte, Rome, Viella,2001 ; 1 vol., XXXIX-238 p., pl. ISBN : 88-8334-029-9.

    Soutenue par le CNRS et par lUniversit degli Studi G. dAnnunzio de Chieti,cette entreprise collective a germ au sein de la Section Romane de lInstitut deRecherche et dHistoire des Textes, et a pris forme peu peu sous limpulsion desresponsables qui se sont succd la tte de la Section, G. Hasenohr et S. Lefvre. Cesdernires signent une Introduction, sobre mais trs substantielle, o elles exposentlintrt de la dmarche, la structure de lAlbumet lorganisation des cinquante-deux

    analyses qui le composent.Les A. ont slectionn dans le plus vaste corpus retenu dans un premier temps,

    cinquante-deux volumes transcrits dans le nord de la France entre 1220 et 13001, soitun ensemble homogne qui tmoigne de la premire activit de copistes vous lalittrature vernaculaire et usant dune criture franaise , distincte de celle desmanuscrits latins ou des actes de chancellerie.

    Au classement chronologique, bien alatoire, au groupement selon les genresarbitrairement dfinis par la critique moderne, elles ont prfr un groupementformel (textes en vers octosyllabes, dcasyllabes, alexandrins textes en prose), quimet en vidence les relations de la forme dun texte avec sa mise en page. Le champ

    de la littrature vernaculaire est cependant largement couvert (narration romanesqueet pique, satire, chronique, crits didactiques) lexception des ensembles textuels

    1. Une copie seulement est originaire du Midi ; une autre, vraisemblablement, de Gnes.

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    dont la prsentation est atypique, comme les chansonniers ou les psautierscomments.

    LAlbumprsente une grande varit des formats, chelonns de 14 x 9 cm 38, 2x 27, 8 cm1 ; les textes sont transcrits en longues lignes ou en colonnes (deux, trois ouquatre).

    Chaque volume est prsent dans le dtail : uvres qui sy trouvent rassembles ;nombre de folios, datation assure par le copiste ou datation(s) propose(s) par lescritiques ; origine probable (en fonction de la langue et/ou de la dcoration) ; histoiredu volume avant son arrive dans les bibliothques de Paris ou de Chantilly ; nombrede copistes, dimensions et mise en page. Une page reproduite en clich est soumise une analyse technique trs serre : figure du schma de la page et commentaire dece schma (justification du texte, marges, rglures, units de rglure, entrecolonnes,

    densit de la transcription, dcoration, lments de hirarchisation du texte, quilibrede la page souvent calcul en fonction de lunit relle que constitue la double pagedu livre ouvert).

    Les particularits de lcriture sont minutieusement dcrites, non seulement letrac et le module, mais aussi le choix et le nombre des abrviations, lemploi dessignes de ponctuation et la segmentation. Pour permettre lutilisateur de comparerces divers types dcritures franaises encore mal individualises, les auteurs onteu la bonne ide de rassembler douze extraits en une prcieuse double page (XXVIIIet XXIX).

    Lanalyse technique est suivie dune transcription diplomatique et dune ditioninterprtative2.

    Louvrage, on le voit, va se rvler un outil de tout premier ordre pour illustrer lesenseignements de palographie, de codicologie ou de philologie. Et, comme lesouligne J. Dalarun dans un Avant-propos, il offrira aux chercheurs des thmes derflexion, et leur ouvrira des pistes o ils ne manqueront pas de sengager. G.Hasenohr et S. Lefvre en proposent dj des exemples dans leur Introduction, enremettant en cause la dnomination manuscrits de jongleur (p. XVI) ou lidereue dun souci gnral dconomiser le matriau support du manuscrit (p. XXIII).

    Dans les dernires pages, un glossaire franais et un glossaire italien prcisent et

    nuancent en fonction du corpus le Vocabulaire codicologiquede D. Muzerelle. Une

    1. Ces proportions, naturellement, ne sont pas respectes par les clichs, mais une doublepage (XX-XXI) prsente tous les formats la mme chelle, et permet au lecteur de rtablir lahirarchie.

    2. On peut suggrer de menues corrections. Au n12, rsolution de labrviation ay.(v.76 v2 et 77 r1) : lpisode montre Aymeri et ses fils runis Orange autour de Guillaume ; dansla plupart des copies, cest en effet Amer qui est mis en scne dans les vers dits ici ; mais lems. B.N. fr. 2494 et dautres copies avec lui (voir ddition de WIENBECKet consorts, p. 243-245) substitueAymeri Amer, comme le montre lappellatifBiaus fiz(76 v3), quon retrouve encore

    plus loin (77 r18), au lieu de Sireou Frere ; au f76 rle copiste distingue graphiquement le pre(abrg ay., deux occurrences) du fils (ameren toutes lettres, trois occurrences) ; on lira doncAymeriaux v. 76 v2, 16 et 77 r1, 3, 16. n18 v. a25 a comte desperon(?), lire a cointe de.[= acoite de.] ; cf. T.-L. II 543, 19 et 549, 25 s. n27 b1 lire terminezet non terminer(ncessaire pourla syntaxe ; mais v. aussi la finale de citeza17).

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    bibliographie gnrale et des bibliographies relatives chacune des notices achventce volume remarquable, qui bnficie de surcrot dune prsentation typographique

    au-dessus de tout loge.Madeleine TYSSENS

    Der Tristan Gottfrieds von Straburg.Symposion Santiago de Compostela, 5. bis8. April 2000, sous la dir. de Christoph HUBER et Victor MILLET, Tbingen,Niemeyer, 2002 ; 1 vol. in-8, X-408 p., ill. Prix : 98.

    Cet ouvrage comprend 20 contributions prsentes au colloque de Saint-Jacquesde Compostelle en 2000. I. Bennewitz propose des pistes pour tablir enfin unevritable dition critique du Tristan ; E. Brggen et H.J. Ziegler analysent le manuscritde Cologne, la premire sous langle des rapports entre illustrations et texte, le seconddun point de vue philologique ; T. Tomasek se penche sur le fragment en bas-francique (Cod. Vind. Ser. Nov. 3968) ; partir des paires de mots antithtiques, D.Rocher dgage une conception historique de lamour, qui vise une sublimation ; K.Kellermann compare le monde guerrier lidal dharmonie du monde courtois etmontre, laide des combats de Tristan contre le Morold puis contre le dragon, quilsreprsentent le modus operandide Gottfried (destruction et re-cration) ; E. Schmidinterprte le dpeage du cerf comme domestication de la nature, refoulement de lamort et rorganisation de lanimal ; E. Hellgardt compare lamour de Sigurd pourBrynhild dans la Saga des Vlsungar celui de Tristan pour Isolde afin de cerner sadimension magique et mythique ; G. Dicke se consacre la squence narrative du

    rendez-vous pi et la replace dans le contexte de trois types apparents, rpandus enEurope et en Orient ; H. Lhnemann montre que lallusion au pch originel na pasde fonction thologique ; B. Wachinger examine la fonction des motifs religieux dansquatre pisodes (v. 233-240 ; 4859-4907 ; 16923-17138 ; 17858-18114) et souligne lamtaphorisation du discours religieux ; Ch. Young voit dans le philtre un phno-mne de littrarisation : Gottfried joue avec ses auditeurs en utilisant un discoursambivalent, etc. ; W. Haug se consacre aux digressions de lauteur et les comprendcomme un commentaire littraire ; E.C. Luz tudie les implications de lcriture deGottfried qui, selon lui, reprend la situation de lecture et denseignement de la lectio ;A. Mhlherr analyse le dbut du catalogue littraire (v. 4650-4690) qui a d

    permettre lauteur de se situer exactement par rapport ses confres ; U. Wyss sedemande pourquoi Gottfried parle du Minnesang dans sa digression littraire (v.4621-4820) ; laide du vocabulaire, Ch. Huber met en relief la proximit du texte avecle lyrisme courtois classique ; V. Millet se penche sur lpisode dIsolde aux blanchesmains qui ne signifie pas lchec de lamour de Tristan pour Isolde la blonde ; J.D.Mller propose de trs intressantes rflexions sur les structures temporelles duTristan. Certaines contributions proposent des illustrations (en noir et blanc) etlouvrage est accompagn dun index des vers cits et dun second des personnes etdes matires. Il reflte parfaitement les nouvelles tendances de la recherchetristanienne et ouvre des champs de recherche mritant le dbat.

    Claude LECOUTEUX

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    Wojciech MROZOWICZ, Mittelalterliche Handschriften oberschlesischer Autoren inder Universittsbibliothek Breslau/Wroclaw,Heidelberg, Palatinaverlag, 2000 ;

    1 vol. in-8

    , 112 p. (Archivreihe der Stiftung Haus Oberschlesien, 5). Prix : 25.Ce petit volume qui recense les manuscrits des auteurs de Haute-Silsie conservs

    dans la Bibliothque universitaire de Wroclaw comble une lacune dans nosconnaissances de la littrature mdivale de cette rgion. En effet, seuls quatreauteurs de Haute-Silsie ont trouv leur place dans le Verfasserslexikon, Die deutscheLiteratur des Mittelalters, comme le fait remarquer G. Kosellek dans son ZumGeleit .

    Les recherches de W. Mrozowicz ont port sur 110 manuscrits, comprenant lesuvres de 38 auteurs. Ces uvres reprsentent divers genres dcrits, mais il fautnoter que la thologie et notamment les sermons occupent une place importante.

    Le catalogue est organis en sections correspondant aux auteurs et lintrieur deces sections, les notices concernant les uvres procdent par manuscrit ; ce nest pastoujours un avantage, car ainsi, sous Martin de Troppau, on trouve cinq fois mentionde sa chronique. Dautre part, lordre inverse (mention de luvre suivie desmanuscrits) appartient davantage au genre des rpertoires qu celui des cataloguesde manuscrits. Les notices sont suivies de la liste des sigles, dun index desmanuscrits, des initia, et des noms de personnes et des lieux.

    Ce catalogue est intressant non seulement parce quil contient certains auteursbien connus, mais surtout parce quil apporte beaucoup de sources qui nous sont

    moins familires. Ainsi, du point de vue de lhistoire des universits, on rencontre uncertain nombre de recteurs duniversit, par exemple Franz Kreisewitz (ca1370-1433),thologien et deux fois recteur de luniversit de Cracovie, et Laurentius de Ratibor,thologien et astronome, doyen de la Facult de thologie et recteur Cracovie. Demme, ce catalogue nous apporte les rfrences de nombreux discours universitaires,notamment ceux de Franz Kreisewitz, dj cit, mais aussi par exemple ceux deJohannes de Kreuzburg, dont un manuscrit comprend des Principia, collationes,positiones, determinationes magistri Johannis Cruczeburg habita Cracovie circa annos 1410-1423. Un autre manuscrit est un recueil de discours prononcs par NikolausTempelfeld de Brega la Facult des arts de Cracovie.

    Bref, cette publication constitue non seulement un outil de travail prcieux pourles recherches sur lhistoire littraire et culturelle de la Haute-Silsie, mais aussi pourcelles concernant lhistoire des universits, en particulier de celle de Cracovie. Notonsfinalement quune collection de discours universitaires concernant Cracovie a tdite rcemment par E. Jung-Palczewskiej1.

    Olga WEIJERS

    THOMASDAQUIN,Question dispute. Lunion du Verbe incarn (De unione Verbiincarnati), texte latin de ldition MARIETTI, introd., trad. et notes par Marie-HlneDELOFFRE, Paris, Vrin, 2000 ; 1 vol. in-8, 256 p. ISBN : 2-7116-1454-9. Prix : FRF 175.

    La question dispute tait, avec la lecture de lcriture sainte et la prdication, lunedes trois fonctions du matre en thologie dans luniversit mdivale, laquelle

    1. Prima verba. Krakowskie mowy uniwersyteckie, Ldz, 2000.

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    connat son apoge au XIIIe s. Le genre de la question dispute tait un exercicecaractristique de lenseignement dalors : comme lcrit le P. Torrell dans son

    Initiation saint Thomas dAquin, ctait une pdagogie active o lon procdait parobjections et rponses sur un thme donn 1, thme choisi par le matre en fonctionde ses recherches personnelles. Cest lune de ces questions la question dispute Deunione Verbi incarnatidont il nexistait pas encore de traduction franaise que nousdonne ici lire M.H. Deloffre, moniale labbaye Saint-Michel de Kergonan. Le textelatin est repris daprs ldition Marietti2, avec en regard la traduction franaise (p. 79-149), le tout prcd dune substantielle introduction (p. 13-78) et suivi de notes nonmoins substantielles (p. 151-217), ainsi que dune annexe sur La thse de lextase deltre (p. 219-229), de la liste des ditions de saint Thomas utilises dans ce livre (p.233-234), dune bibliographie (reprenant les ouvrages anciens, p. 235-237, et lestravaux rcents, p. 237-241) et de divers index (des termes comments, p. 243-245, desnoms propres, p. 247-249, des citations de saint Thomas, p. 251-254).

    La question la plus dispute , cest ainsi que M.H.D. prsente la question surLunion du Verbe incarn. En effet, cette question a suscit les plus vives controverseschez les disciples de saint Thomas dAquin, et ce depuis lpoque mme de lAquinatejusqu notre temps o elle connut un regain dintrt3. Le nud du problmeconcerne lunit dtre (esse) dans le Christ et porte sur lantriorit ou la postrioritde larticle 4 par rapport la Somme thologique IIIa Parsq. 17 a. 2. En effet, dans le Deunione, Thomas soutient quil y a deux essedans le Christ, un principal (principaleousimpliciter) et un secondaire (esse secundarium), correspondant ses deux natures,

    humaine et divine. Or, dans la Sommeet dans tous les autres passages o Thomas aabord cette question ( lexception prcisment du De unione), il nadmet quun seulesse. Ds lors, soit le Docteur Anglique a chang davis, soit il faut expliquerlapparente contradiction du De unione. Pour rsoudre cette difficult, certains(comme Cajetan, dont M.H.D. donne une grande citation en guise douverture sonintroduction) estiment que le De unioneserait une uvre de jeunesse et que lAquinatese serait rtract. Dautres (Billot) supposent tout simplement que cette questiondispute serait inauthentique, ce que les travaux de la lonine ne permettent plusdaffirmer (cette question est transmise par des manuscrits de la fin du XIIIes. et figuredans les plus anciens catalogues). Quant sa datation, on la fixe aujourdhui ausecond sjour parisien, en avril (Weisheipl) ou en mai (Glorieux) 1272, soit peu de

    temps aprs la composition de la IIIa Pars4. Il sagirait donc dune uvre tardive et nondune uvre de jeunesse rfute par la suite, comme la soutenu Cajetan. M.H.D.prsente de faon dtaille les diffrentes strates de la polmique, jusqu aujourdhui(1998). Au terme dune dmonstration pointue, elle affirme, contre le point de vue deCajetan, que la doctrine de saint Thomas est dune stabilit remarquable (p. 59),

    1. J.P. TORRELL, Initiation saint Thomas dAquin, sa vie et son uvre, Paris-Fribourg, 1993, p.87.

    2. MARIETTI, Questiones disputatae, t. 2, d. P. BAZZIet al., 1965, p. 421-435.3. Pour le XXes., voir louvrage fondamental de A. PATFOORT, Lunit dtre dans le Christ

    daprs saint Thomas, la croise de lontologie et de la christologie, Paris, 1964.4. Datation corrobore par lanalyse stylomtrique faite par M. Lambert (U.C.L.) desSentences, du Quolibet IX, de la Sommeet du De unione ; voir M. LAMBERT, Lanalyse stylomtriquedes catgories grammaticales, diter, traduire, interprter : essai de mthodologie philosophique,Louvain, 1997.

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    mme si elle a t progressivement approfondie. Voici sa conclusion ( propos duproblme de la coexistence de lunit ontologique du Christ et de la reconnaissance

    dun esse secundarium) : Dans le Christ, est un ce qui relve de la personne, deux cequi relve de la nature (p. 59). Les spcialistes francophones de la philosophiemdivale et de la pense de lAquinate ne pourront que se rjouir de ldition et latraduction en franais de cette question qui a dj suscit (et suscitera encore sansdoute) tant de dbats.

    Benot BEYERDERYKE.

    Andrea LORENZ, Der Jngere Titurel als Wolfram-Fortsetzung. Eine Reise zumMittelpunkt des Werks, Berne-Berlin-Bruxelles-Francfort-New York-Oxford-Vienne, Lang, 2002 ; 1 vol. in-8, 381 p. (Deutsche Literatur von den Anfngen bis 1700,

    36).A. Lorenz se propose de dpasser le cadre dune comparaison entre le Jngere

    Titurel et les deux uvres de Wolfram, qui, partant de la source, consiste sedemander dans quelle mesure Albrecht a su rsoudre les problmes que le caractrelaconique du Parzivalet fragmentaire duTiturelpouvait lui poser.

    Pour atteindre son objectif, elle insiste dabord sur les sens diffrents querecouvrent les termes continuation , continuateur , pigone , ce qui luipermet de montrer quAlbrecht reprsente un cas particulier. Ces considrationsdhistoire littraire lamnent consacrer la premire partie de son travail (p. 9-151)aux intentions de lauteur telles quelles sexpriment dans les passages thoriques duJ.T., ainsi quau cadre lintrieur et sous linfluence probable duquel il travaillait(sans doute en troit contact avec la pit franciscaine, Bertold von Regensburg entreautres). Cette tude prudente et dtaille, qui requiert du lecteur une grandeattention, amne A.L. conclure que, si Albrecht sest efforc dutiliser tous lesembryons dactions que lui fournissaient Parzival et Titurel, ctait surtout pourlaborer un rcit dont puisse se dgager directementune leon, lere (cf. ce proposla controverse avec Wolfram voque p. 84-86).

    Dans la deuxime partie (p. 155-346), A.L., entendant dfinir le contenu de cette lere , part dune probante distinction entre continuation en forme dalternative et continuation en forme de contre-projet . Dans le cas de la premire (p. 155-255),Albrecht, reprenant les deux axes principaux voqus dans Pz. et Ti. (qute de lalaisse, lutte pour les territoires de Parzival), procde dj des modifications. Celles-ci, sans viter toutes les contradictions que ce genre de travail implique, montrentquil veut substituer une forme de littrature qui plonge lecteur et auditeur danslincertitude et le renvoie au pnible accomplissement daventures , une autre,capable de leur fournir immdiatement une lere . Ainsi, la dmesure de Siguneet Schionatulander gars par leur amour et la courtoisie placs sous le signe de lachevalerie, Albrecht oppose un juste usage de la vaillance sous le signe de la croix.

    Ce dernier thme est lobjet essentiel de la deuxime forme de continuation(p. 257-346), o A.L. analyse la partie orientale du J.T. celle-ci, bien quoccupantenviron 1/3 du rcit, a t traite en parente pauvre parce quelle paraissait sloignerdu propos de Wolfram , et aussi tous les passages consacrs au monde du Graal. Lapartie orientale, o Albrecht utilise Willehalm, mais dans le sens dun retour lespritde croisade (ainsi, la minne des Sarrasins ne peut tre qu unminne puisquils

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    sont paens), illustre limportance quil accorde la lutte pour la foi (p. 257-315). Lespassages consacrs au Graal confirment de faon clatante la supriorit de lamour

    de Dieu, dsormais plac bien au-dessus de lamour courtois qui ne peut mener qula dmesure et lchec. Sigune est coupable parce quelle a nglig les devoirs dechastet et de renoncement lis son appartenance la famille royale pour cder lamour de Tschinotulander qui, de son ct, meurt parce que sa dmesure la pouss refuser laide de tout chevalier pour affronter seul ses ennemis.

    A.L. a su, avec srieux, objectivit et prudence, nous convaincre de lhabilet aveclaquelle Albrecht, nonobstant les contradictions de dtail, a su utiliser une matiretrangre son propre monde, empreint dune religiosit qui ne pouvait se satisfairedes louanges la minne dans les romans courtois. Quant en conclure quil est ungrand pote mconnu, voil un pas que nous ne franchirons pas.

    Marie-Nol HUBY-MARLY

    Maria Giuseppina MUZZARELLI, La legislazione suntuaria, secoli XIII-XVI, Emilia-Romagna, Rome, Ministero per I beni e le attivit culturali-Direzione generale pergli archivi, 2002 ; 1 vol. in-8, XXXIV-734 p. (Pubblicazioni degli Archivi di Stato. Fonti,41).

    La connaissance des lois somptuaires est, dans plusieurs pays dEurope, un champde recherche particulirement abondant. En tmoignent de nombreuses publicationset des colloques, dont le plus rcent a eu lieu Bologne (en septembre 2002) sous letitre Disciplinare il lussosous la direction de M.G. Muzzarelli. Certains centres derecherches sy consacrent pleinement, comme le Max-Planck-Institut Francfort sousla direction de M. Stolleis ou lUniversit de Bielefeld avec N. Bulst et T. Lttenberg.Ce thme est particulirement vaste et ncessite, par consquent, des tudes prcisesqui mettent les textes disposition des chercheurs afin dobtenir des grilles de lecturescomparatives. Et cest prcisment ce type doutil que nous livre M.G.M. Pour traiterce sujet, lA. sest entour de seize collaborateurs mdivistes (A. Campanini, E.Angiolini, E. Coser, E. Tosi Brandi, A. Dentoni-Litta, M. Parente, P. Goretti, D. Tura,M. Venticelli, Z. Zanardi, D. Romagnoli, L. Amenta, G. Bacchi, F. Dalco, A. Ricci et R.Dondarini). Leur travail stend du XIIeau XVIesicle (voire jusquau XVIIesiclepour le cas de Parme) afin de se suivre les modifications de lpoque mdivale

    lpoque moderne ( continuatio moderna , p. XIII). Les sources utilises sont princi-palement normatives, cependant les sources de la pratique qui dcoulent de la normesont loin dtre ngliges.

    Aprs une introduction qui fait le point sur nos connaissances actuelles, louvrageprsente les lois somptuaires en milie-Romagne travers les villes de Bologne,Imola, Ferrare, Forli, Cesena, Modne, Carpi, Parme et Plaisance, Ravenne, Faenza,Reggio dmilie, Rimini, Montefiore, Scorticata et la Romagne toscane. Les fonds dechacune des villes ou rgions apparaissent selon un ordre chronologique,particulirement fonctionnel, comprenant une introduction, un index des fonds et latranscription des textes. La prsentation des textes, rdigs en latin ou en italien, est

    claire et are, comme lest galement celle des index.Les index des fonds rvlent particulirement lingalit spaciale et temporelle des

    normes contre le luxe. En effet, Bologne est largement en tte avec ses 85 dispositionssomptuaires, viennent ensuite Modne (27), Reggio dmilie (26), Parme (17), Faenza

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    (16), Plaisance et Rimini (15), puis les autres villes (entre 1 et 8 normes ). Cetteingalit entre les villes sexplique notamment par la diffrence de leur niveau de

    richesse et par leur situation politique.Grce la prsentation choronologique des textes, il convient de nuancer certaines

    affirmations gnralistes, savoir que les ordonnances somptuaires ntaient pasrespectes et que ce non-respect entrainait des rptitions et donc un foisonnementde normes. Or, la lecture de ce livre, rien ne semble plus faux. Lmilie-Romagne nereproduit pas lexemple de certaines villes allemandes. On ne peut pas parler, pourcette rgion italienne, de continuit dans les lois somptuaires. Abstraction faite de larpartition gographique, il est vident que le XVIeen est le sicle dor. Seulement 9normes sont dictes au XIIIesicle, contre 42 au XIVe, 27 au XVeet 159 au XVIesicle !Le cas de Bologne est particulirement marquant car sur 85 normes situes entre 1250

    et 1596, 66 dentre elles sont dictes au XVIe

    sicle. De plus, les index montrentlabsence significative de normes contre le luxe pour des priodes moyennes, longuesvoire trs longues (la ville de Bologne na pas de lois somptuaires durant 52 ans, entre1401 et 1453, pour Reggio dmilie il se passe 57 ans et pour Parme 74 ans). AinsiCesena na de statuts ce sujet qu la fin du XVesicle et cest seulement cent ans plustard que lon lgifrera nouveau. Faenza promulgue une loi tous les 110 140 ans,et cest partir de la moiti du XVIesicle que les normes somptuaires se suivent. Cespriodes entre deux textes peuvent sespacer davantage (117 ans Modne, 147 ans Ferrare, 169 ans Carpi, 171 Imola et 183 Forli) pour finalement dpasser les 200ans (ainsi Ravenne ne promulguera rien durant 201 ans, Plaisance durant 204 ans et

    enfin Rimini, le foss sera de 206 ans). Comment dans ces conditions croire en uncourant gnral de restriction du luxe ?

    Lorsque lA. dfinit ce travail, elle souligne diverses reprises la disomogeneit . Cest ce qui ressort de la comparaison entre les sources et les villes.Quant louvrage, M.G.M. nous apprend quil est n de lide de constituer un grandcatalogue. Or il apparat que ce livre est plus que cela. Cest un vritable outil pour leshistoriens qui recherchent des indices sur la mode, sur les interdits, sur les pratiquesfestives et la vie quotidienne, mais aussi sur la mentalit mdivale en milie-Romagne du XIIIeau XVesicle.

    Cline VANDEUREN-DAVID

    Didier MEHU, Paix et communauts autour de labbaye de Cluny (Xe-XVesicle),Lyon, P.U. Lyon, 2001 ; 1 vol., 636 p. (Collection dhistoire et darchologie mdivales,9). Prix : 35,06.

    La thse concerne lanalyse des relations entre les moines et les habitants de ce quelon peut nommer la seigneurie de Cluny, en fonction dune approche visant confronter lidal social construit par les religieux avec la ralit de leur dominationseigneuriale. Les cadres dtude sont diffrents, de part et dautre dune csureclassique. Avant 1120, les fondements matriels de la domination monastique, lesmcanismes du pouvoir et lorganisation des relations sont tudis pour lensemble

    du Clunisois. Aprs 1120, les consquences de lmergence des bourgeois et delapparition dautres puissances concurrentes sont envisages partir du seul bourgde Cluny.

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    COMPTES RENDUS 163

    Acheve entre 1080 et 1120, lorganisation de linstitution clunisienne se fonde surlimmunit pour exercer son pouvoir sur les terres et sur les hommes, par le biais de

    loca,centres de prsence monastique. Les cercles de la domination clunisienne sont dfinis grce une confrontation des textes, des microtoponymes et des rsultatsde la prospection-inventaire. Le cercle le plus large, celui de limplantation des loca,correspond une zone sans page et sans chteau. Le cercle le plus restreint, celui delimmunit, finit par se confondre avec le territoire de la villade Cluny, lintrieurduquel se trouve le burgus,terme dsignant le pourtour immdiat du monastrecaractris par la densit de son peuplement. LA. sappuie sur le vocabulaire pouraffirmer que, ds le dbut du XIIesicle, il existe une double enceinte autour dusanctuaire : les murs (muri) du monastre (castellum) et les cltures (claustra) dubourg. Ltude pousse de la gestion monastique des relations sociales montre qucette poque, la paix clunisienne est un compromis entre la conception ecclsiastiquedu monde et les exigences des hommes de la seigneurie monastique.

    Les bourgeois napparaissent quau dbut du XIIesicle dans la documentationclunisienne. Qui sont-ils ? Lenqute minutieuse, effectue partir dune charte de1108, ne permet pas de le prciser. On reste dans le vague, ce qui na rien dtonnant :ils sont serviteurs des moines et du monastre ; ils possdent des maisons. Lesaffaires, parfois tragiques, du XIIIesicle, semblent montrer lexistence dune ententecordiale entre lglise de Cluny et ses hommes dans la dfense du bien commun, quiconcerne tout autant la ville que le monastre dans lesprit des habitants. Si lacommunaut ne peut obtenir aucune lgitimit en dehors de lglise clunisienne, elle

    se forge nanmoins une identit travers la mise par crit des coutumes de la villa,lanouvelle enceinte (1180) ou encore la tentative de commune jure de 1206.

    Le passage dune conscience identitaire une volont dmancipation est facilitpar les contingences externes auxquelles le pouvoir monastique se trouve peu peuconfront partir du XIIIesicle : le poids de la tutelle pontificale, lingrence royalepuis les guerres. Ainsi, lentretien des murailles entrane le dveloppement dunefiscalit propre provoquant la naissance dune administration clunisoise, dabordsous la forme dune reprsentation des habitants puis, vers le milieu du XVesicle, travers le corps des chevins. LA. insiste, dune manire convaincante, sur le rlestructurant des paroisses dans lorganisation communautaire de la ville. Les lieux

    publics, les places, les demeures des notables sont principalement regroupes dansdeux paroisses, celles dont lglise nest pas ddie un saint clunisien. Notre-Dameet Saint-Marcel marquent topographiquement la sparation entre la ville et lemonastre, ainsi que la concurrence des curs. la veille de la Renaissance, deuxmondes cohabitent : la communaut des habitants du bourg qui sadapte auxnouvelles conditions socio-politiques et la communaut monastique qui resteattache une conception ecclsiale du monde, compltement anachronique. Dumoins, est-ce lopinion de D.M.

    Louvrage est parsem de dveloppements thmatiques dont lintrt fait oublierquils rompent le processus dmonstratif. Outre une nouvelle contribution au dbat

    sur le schisme pontien, la recherche pertinente sur les doyenns oriente vers laconstitution dune typologie distinguant une fonction premire (conomique,monastique, religieuse, politique), tout en insistant sur la polyvalence de ce genredtablissements. Dans un autre domaine, le dveloppement sur les justices de labb

  • 7/13/2019 Revue Du Moyen Age - Compte-rendus

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    (XIIIe-XVesicle) montre que la professionnalisation dans ce domaine dpossde lesmoines de leurs prrogatives. On doit enfin remercier lA. davoir repris quelques

    dossiers historiographiques. La reprise est complte pour limmunit et conduit uneintressante discussion sur sa ralit spatiale et donc sa reprsentation. En revanche,elle semble partielle pour la dfinition de la villapuisque les travaux d. Nortier sontignors, tant dans la prsentation quen bibliographie.

    Philippe RACINET

    Falk EISERMANN, Stimulus amoris. Inhalt, lateinische berlieferung, deutschebersetzungen, Rezeption, Tbingen, Niemeyer, 2001 ; 1 vol. in-8, IX-649 p.(Mnchener Texte und Untersuchungen zur deutschen Literatur des Mittelalters, 118).Prix : 72 ; CHF 124.

    Cet ouvrage reprend en cinq chapitres les rsultats dune thse consacre auStimulus amoris, un des textes franciscains les plus repris et les plus influents duMoyen ge. Il sagit de collecter les diffrentes versions en latin, en moyen-haut-allemand et en moyen-bas-allemand, et de les dcrire en fonction de leur histoire, deleur place dans la littrature et la socit.

    I. F.E. fait dabord quelques remarques introductives et dcrit ltat de la rechercheactuelle. En se fondant sur 500 mss latins et 58 mss de langue allemande et ensappuyant sur la version la plus rpandue, il donne un aperu du contenu du Simulusamorisdont loriginal daterait de la fin du XIIIes. et serait de Jacob de Milan. Cettepremire analyse apporte aussi quelques renseignements sur le public et les effetsviss. De nombreux thmes ayant trait lasctisme, il apparat que le Stimulus amorisa une forte orientation monastique. II. F.E. sintresse ensuite plus particulirement la prennit des versions latines et propose un catalogue des mss du XIIIeau XVIe

    s., enrichi danalyses de leur rpartition chronologique et gographique. Unequestion centrale est celle de la gense du texte et de la prennit des versionscompltes, prennit parfois lie la vie des possesseurs du livre. III. Une tude, tantdun point de vue textuel quhistorique, de cinq traductions en moyen-haut-allemand et en moyen-bas-allemand, ainsi que des tmoignages et extraits en languevulgaire, dnombre ensuite les similitudes, points communs ou diffrences avec lesversions latines. travers lexemple de Nuremberg, se rvle le rseau compliqu des

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