Revue Essais4

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  • 7/23/2019 Revue Essais4

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    ducation et humanisme

    tudes runies parNicole Pelletier et Dominique Picco

    Numro 4 - 2014

    COLE DOCTORALE MONTAIGNEHUMANITS

    Revue interdisciplinaire dHumanits

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    ducation et humanisme

    tudes runies parNicole Pelletier, Dominique Picco

    Numro 4 - 2014

    COLE DOCORALE MONAIGNEHUMANIS

    Revue interdisciplinaire dHumanits

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    Comit de rdactionLaetitia Biscarrat, Brice Chamouleau, Fabien Colombo, Hlne Crombet,Nestor Engone Elloue, Magali Fourgnaud, Stan Gauthier, Pierre-Amiel Giraud,

    Aubin Gonzalez, Bertrand Guest, Sandro Landi, Sandra Lemeilleur,Mathilde Lerenard, Yannick Mosset, Maria Vittoria de Philippis, Isabelle Poulin,Anne-Laure Rebreyend, Hugo Remark, Elisabeth Spettel, Jeffrey Swartwood,Cristina ossetto, Franois rahais, Valeria Villa

    Comit de lecturePatrick Baudry, Pascal Bertrand, Pierre Beylot, Patrice Brun, Florence Buttay,Hlne Camarade, Valrie Carayol, Adrian Crpi, Laurent Coste, Pierre Darnis,Jean-Paul Englibert, Richardo Etxepare, Michel Figeac, Jrme France,

    Franois Godicheau, Elvire Gomez-Vidal, Pierre Guibert, Nathalie Jack, Martine Job,Frdric Lambert, Valry Laurand, Guillaume Le Blanc, Caroline Le Mao,Elisabeth Magne, Myriam Mtayer, milie dOrgeix, Cristina Panzera, Nicole Pelletier,Dominique Picco, Denis Retaill, Jean-Paul Rvauger, Bernadette Rigal-Cellard,Christophe Pbarthe, Cline Spector, Isabelle auzin

    Comit scientifiqueAnne-Emmanuelle Berger (universit Paris 8), Jean Boutier (EHESS),Catherine Coquio (universit Paris 7), Javier Fernandez Sebastian (UPV),Carlo Ginzburg (UCLA et Scuola Normale Superiore, Pise), German Labrador Mendez

    (Princeton University), Hlne Merlin-Kajman (universit Paris 3), Franco Pierno(Victoria University in oronto), Dominique Rabat (universit Paris 7),Charles Walton (University of Warwick)

    Secrtaire de rdactionChantal Duthu

    Les articles publis par Essaissont des textes originaux. ous les articles font lobjet dune doublervision anonyme.

    Tout article ou proposition de numro thmatique doit tre adress au format word ladresse suivante :[email protected]

    La revue Essais est disponible en ligne sur le site :www.u-bordeaux-montaigne.fr/fr/recherche/ecole_doctorale/la-revue-essais/les-numeros-de-la-revue.html

    diteur/Diffuseurcole Doctorale Montaigne-HumanitsUniversit Bordeaux Montaigne

    Domaine universitaire 33607 Pessac cedex (France)www.u-bordeaux-montaigne.fr - rubrique Recherche -cole Doctorale Montaigne-HumanitsRevue de lcole Doctorale

    ISBN : 978-2-9544269-2-1 EAN : 9782954426921

    Conception/mise en page : DSI PleProduction Imprime

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    En peignant le monde nous nous peignons nous-mmes, et ce faisantne peignons pas ltre , mais le passage *. Dialogues, enqutes, lestextes amicalement et exprimentalement runis ici pratiquent active-ment la citation et la bibliothque. Ils revendiquent sinon leur caractre

    fragmentaire, leur existence de processus, et leur perptuelle volution.Cre sur limpulsion de lcole Doctorale Montaigne-Humanits devenue depuis 2014 Universit Bordeaux Montaigne, la revue Essaisa pour objectif de promouvoir une nouvelle gnration de jeuneschercheurs rsolument tourns vers linterdisciplinarit. Essaisproposela mise lpreuve critique de paroles et dobjets issus du champ desarts, des lettres, des langues et des sciences humaines et sociales.

    Communaut pluridisciplinaire et plurilingue (des traductionsindites sont proposes), la revue Essais est anime par lhritage deMontaigne, qui devra tre compris comme une certaine qualit deregard et dcriture.

    Parce que de Montaigne nous revendiquons cette capacit sexilerpar rapport sa culture et sa formation, cette volont destrange-ment qui produit un trouble dans la perception de la ralit et permetde dcrire une autre scne o lobjet dtude peut tre sans cesse refor-mul. Ce trouble mthodologique ne peut tre disjoint dune formeparticulire dcriture, celle, en effet, que Montaigne qualifie de faon

    tonnamment belle et juste d essai .Avec la revue Essaisnous voudrions ainsi renouer avec une maniredinterroger et de raconter le monde qui privilgie linachev sur lemthodique et lexhaustif. Comme le rappelle Teodor Adorno ( Lessaicomme forme , 1958), lespace de lessai est celui dun anachronismepermanent, pris entre une science organise qui prtend tout expli-quer et un besoin massif de connaissance et de sens qui favorise, plusencore aujourdhui, les formes dcriture et de communication rapides,lisses et consensuelles.

    criture contrecourant, lessai vise restaurer dans notrecommunaut et dans nos socits le droit lincertitude et lerreur,le pouvoir quont les Humanits de formuler des vrits complexes,drangeantes et paradoxales. Cette criture continue et spculaire, enquestionnement permanent, semble seule mme de constituer unregard humaniste sur un monde aussi bigarr que relatif, o chacunappelle barbarie ce qui nest pas de son usage .

    Cest ainsi qualternent dans cette marqueterie mal jointe ,numros monographiques et varias, dveloppements et notes de lecture,tous galement essaiset en dialogue, petit chaos tenant son ordre delui-mme.

    Le Comit de Rdaction

    * outes les citations sont empruntes aux Essais(1572-1592) de Michel de Montaigne.

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    ducation et humanismeDossier coordonn par

    Nicole PelletierDominique Picco

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    Les questions dducation et de formation constituent lun des plus grandsenjeux de la socit actuelle et du monde venir ; elles sont au cur des probl-matiques de la mondialisation, des changes et du dveloppement. Alors que sanscesse la communaut ducative sinterroge sur la nature et les contenus de ldu-cation des hommes et des femmes de demain, il parat tout fait lgitime de lesexaminer au prisme des conceptions qui, dans le monde occidental, se sont affir-mes partir de la Renaissance, en particulier dans les Essaisde Montaigne, et ontprvalu tout au long des sicles suivants et pendant une large part du XXesicle.

    Pour les humanistes de la Renaissance, dire que la nature humaine estbonne suppose la ncessit de lducation. Pour rasme on ne nat pashomme, on le devient . Le petit de lhomme ntant la naissance et dans sapetite enfance quanimalit (boire, manger, dormir), il ne devient homme que via lacquisition et lassimilation dune culture o corps et esprit sont lis.Ainsi, les manuels de civilit la Civilit puriledrasme, en particulier accordent-ils une large place la discipline du corps : ds le plus jeune ge, lesducateurs posent et imposent des normes dhygine, de matrise et de tenue

    du corps. Quant la formation de lesprit, elle privilgie les litterae humaniores,ces bonnes lettres qui rendent lhomme plus humain encore. Elles reposent surla matrise des langues anciennes (latin, grec, hbreu) qui seules permettent lalecture dans le texte des crits des Anciens, la Bible, mais aussi les auteurs delantiquit grco-latine qui ntaient souvent connus au Moyen-ge que dansdes versions plus ou moins fidles au texte original. Pour ces humanistes, lapratique des auteurs anciens permet la fois la construction de la pense et duraisonnement mais aussi la matrise du langage crit et oral qui ouvre la possi-bilit de ladquation du discours lide. Rhtorique et art de lloquencedonnent au thtre une place essentielle dans tout le processus ducatif. Cetteducation complte vise promouvoir un tre humain achev ayant la foisune soif intarissable de connaissances (Pantagruel), une capacit hirarchiserles savoirs (valorisation des arts libraux par rapport aux arts mcaniques),

    Avant-Propos

    Nicole Pelletier, Dominique Picco

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    Nicole Pelletier, Dominique Picco8

    mais galement des exigences thiques : science sans conscience nest queruine de lme (Rabelais). Ces pdagogues masculins qui sintressent surtout lducation des jeunes garons des lites sociales, milieux princiers et aristo-

    cratiques en particulier, affirment galement comme une ncessit lducationdes femmes appartenant aux mmes milieux (Castiglione1, Vivs2, rasme) ;celle-ci doit dvelopper chez elles les qualits de lesprit, du corps et du curafin de faire de ces femmes de bonnes chrtiennes mais aussi des compagnesidales3. On peut suivre la postrit de ces principes dans les thories duca-tives dveloppes par les jsuites jusquaux humanits enseignes aux XIXeetXXesicles dans tous les tablissements soclaires europens en passant par lescoles fondes liniative de Jean-Baptiste de la Salle4au dbut du XVIIesicleet par nombre de pdagogues du sicle des Lumires.

    Mais aujourdhui la place de lenseignement des humanits et, plus large-ment, des sciences humaines fait dbat. Lintrt sinon la ncessit de sin-terroger sur ces questions dans le cadre de la formation des doctorants enLettres et Sciences humaines nen tait que plus vident. Cest ce qui a pouss envisager lorganisation dun sminaire interdisciplinaire sur deux ans dansle cadre de lcole doctorale Montaigne-Humanits de lUniversit Bordeaux3, devenue au 1er janvier 2014 Universit Bordeaux Montaigne. Rappelonsque ce projet, aujourdhui men son terme, a correspondu la mise en place

    dans cette mme univerit dune licence unique en France, intitule Culturehumaniste et scientifique, se situant tout fait dans lesprit des premiershumanistes puisquelle propose de croiser les disciplines en favorisant ainsi unrapport approfondi la connaissance.

    Runissant des doctorants, de jeunes docteurs et des chercheurs confir-ms, le sminaire a considr la premire anne ces thmatiques du XVIe auXVIIIesicle dans les espaces allemand, franais, espagnol et italien, traversles interventions dhistoriens, de littraires et de linguistes. La seconde anne, lamme approche pluridisciplinaire et les mmes espaces gographiques ont tconservs tout en dplaant le curseur chronologique de la Rvolution franaiseau XXIe sicle afin denvisager le devenir des conceptions des humanistes dela Renaissance, leurs inflchissements, leurs avatars selon les priodes et leuractualit. Le dossier qui suit est laboutissement de ce sminaire, il en retracele parcours travers une srie dclairages complmentaires les uns des autres.

    1 Baltassare Castiglione, Le livre du courtisan, Paris, Garnier Flammarion, 1991 (1red. Il librodel cortegiano, 1528).

    2 Juan Luis Vivs, Livre de linstitution de la femme chrestienne tant en son enfance que mariageet viduit, aussi de loffice du mary, Genve, Stlatkine, 1970 (1red. De institutione feminaechristianae,1523).

    3 Voir Linda immermans, Laccs des femmes la culture (1598-1715),Paris, Champion, 1993.4 Voir Michel Fivet, Les enfants pauvres lcole : la rvolution scolaire de Jean-Baptiste de La Salle,

    Paris, Imago, 2001.

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    Avant-Propos 9

    Larticle de Sophie Coussemaeker sappuie sur lanalyse trs prcise ettrs rudite des premiers chapitres du Brevis tractatusde Rodrigo Snchez deArvalo (Espagne, vers 1453) consacrs lducation du petit enfant dont

    elle propose en annexe une partie de la traduction en franais. Aprs avoirtudi linsertion de ce texte dans la production humaniste italienne et espa-gnole contemporaine ainsi que dans celle de son auteur, un clerc accumu-lant les bnfices et longtemps en poste Rome dans lentourage pontifical,lhistorienne examine sa structure et les relations intertextuelles que ce traitentretient avec le De liberis educandisattribu Plutarque par rapport celuide Maffeo Vegio, De lducation des enfants et de leurs bonnes murs, un textehumaniste quasi contemporain (1444). Lauteure sattache ensuite un aspectparticulier des mthodes pdagogiques prconises par ce pdagogue, savoirlusage de la discipline et des chtiments corporels par les ducateurs, parentset enseignants. Sur ce point, cet auteur castillan se dmarque des thorieshumanistes contemporaines ; il permet donc Sophie Coussemaker de revenirsur le caractre tout fait arbitraire, dans le domaine de lhistoire de lduca-tion, de la rupture entre lhumanisme et la priode mdivale.

    Aprs avoir rappel le renouveau considrable que connurent dans lesannes 1970 et 1980 les recherches sur lcriture pistolaire la Renaissance,Maria Cristina Panzera se penche pour sa part, en fonction de la thmatique

    prsente, sur les valeurs que la Renaissance associa lcriture pistolaire,entendue comme traduction pratique du projet humaniste, et son enseigne-ment. Elle sattarde plus prcisment sur le point de dpart de lpistolographiehumaniste, la redcouverte par Ptrarque du genre pistolaire de lAntiquit du modle cicronien en particulier. Dans un second temps, elle sattache dfinir le rle de lcriture pistolaire au sein de la pdagogie humaniste : onaperoit bien lorganisation concrte de lapprentissage, mais aussi lensembledes enjeux ducatifs et culturels qui sy attachaient. Ltude des traits consacrsalors lart pistolographique montre quant elle que lchange pistolaire,

    quon apprciait parce quil permettait la pratique dune forme de culture plushumaine et proche de la vie , nen obissait pas moins des modles prcis-ment codifis pour initier le jeune pistolier au bon comportement en socit.

    Avec un sicle de retard sur lItalie, lhumanisme de la Renaissance gagnela France. Il se rpand dabord dans les universits o enseignent de grandesfigures comme rasme et Lefvre dtaples mais aussi dans les collges tenuspar les Frres de la Vie Commune. partir de la fin du XVIesicle, un peupartout en Europe des collges sont fonds par la Compagnie de Jsus, avec eux

    se diffusent les principes ducatifs contenus dans le Ratio studiorum5

    , premier

    5 Ratio studiorum[version de 1599], d. bilingue latin-franais, prsente par Adrien Demoustieret Dominique Julia, trad. par Lone Albrieux et Dolors Pralon-Julia ; annot. et commentepar Marie-Madeleine Compre, Paris, Belin, 1997.

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    plan dducation de lpoque moderne. Spcialiste du thtre franais de lgeclassique, Charles Mazouer choisit de mettre en valeur dans sa contributionla part prise par le thtre scolaire dans la diffusion de lhumanisme, dont il

    concourait imprgner les lves ds le plus jeune ge. Non sans rappelerquon a affaire l un phnomne europen, il brosse dans un premier temps,exemples lappui, un tableau densemble de lactivit thtrale dans lescollges collges humanistes comme jsuites aux XVIe et XVIIe sicles.Exercice pdagogique (de langue, de rhtorique et de littrature), le thtredevait servir aussi la formation morale et religieuse des enfants. Lauteurresserre ensuite la perspective pour sintresser plus prcisment au thtrescolaire le plus important et le mieux connu, celui que les jsuites franaispratiquaient dans leurs collges au XVIIe sicle. Il en considre tour tourles vises, le rpertoire, les reprsentations, afin den faire apparatre la liaisonavec lhumanisme et den valuer la place au sein des dispositifs pdagogiques.

    Dans le sillage de lhumanisme de la Renaissance et aprs les pdago-gues du grand sicle aptres de lhonnte homme6, le Sicle des Lumiresconnat son tour une grande effervescence ducative et pdagogique, laquelle nombres dcrivains, hommes et femmes, pdagogues et philosophes,prennent part. linstar de Voltaire, la plupart remettent en cause la toute-puissance de lglise catholique dans le domaine de lducation des enfants

    la fois dans les collges jsuites et dans les couvents tenus par les ursulines etles visitandines. Si quelques-uns proposent une refonte complte du systmeducatif, tel labb de Saint Pierre7, dautres, dans le sillage de Rousseau,ventent les mrites de lducation familiale8. La clbre auteure du romanpistolaireAdle et Todore(1782), Madame de Genlis, fut tout au long deson existence une infatigable ducatrice qui consacra une partie de son nergie la rdaction de livres destins suppler les lacunes des bibliothques pourla jeunesse. Parmi eux, Florence Boulerie a choisi de sattarder sur le genre desveilles travers deux titres, Les Veilles du chteau(1784) et Les Veilles de la

    chaumire(1823), qui ont la particularit de se faire cho par del la ruptureessentielle que constitue la Rvolution franaise. Mlant histoire, histoirelittraire et analyse de lcriture fminine, lauteure a choisi de mener toutau long de son article une tude comparative entre ces deux ouvrages, non

    6 Nicolas Faret, Lhonnte homme ou lart de plaire la cour, Paris, Stlatkine, 1970(1ered. 1630) ;Antoine deCourtin, Nouveau trait de la civilit qui se pratique en France parmi les honntes gens,Saint-tienne, Publication de luniversit de Saint-tienne, 1998 (1ered. 1671) ; Claude Fleury,rait du choix et de la mthode des tudes, Paris, LHarmattan, 1998 (1ered. 1686).

    7 Charles Castel de Saint-Pierre (abb), Projet pour perfectionner lducation avec un Discours surla grandeur et la saintet des hommes, Paris, Briasson, 1728.

    8 Jean-Jacques Rousseau, mile ou de lducation, 1762 ; Mmedpinay, Les conversations dmilie,Oxford, Voltaire Fondation, 1996 (1re d. 1774). Voir Isabelle Braouard-Arends, Marie-Emmanuelle Plagnol-Dival (sous la dir. de), Femmes ducatrices au sicle des Lumires, Pressesuniversitaires de Rennes, 2007.

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    pas tant pour dceler la prsence chez Mmede Genlis dun ventuel huma-nisme au fmininin mais bien plutt pour dgager, travers deux uvressadressant des publics bien spcifiques dans des contextes politiques diff-

    rents, la porte universelle dun genre narratif et de sa valeur ducative.Florence Boulerie dmontre galement combien, au del de son apparenteadaptation des ralits sociopolitiques nouvelles, lauteure est convaincue dela stabilit profonde de lordre du monde tout en tant porte par lespranceen une harmonie possible entre les catgories sociales.

    Dans la mme priode, la question de lducation est omniprsente aussidans lespace germanique9: lutte contre la tutelle ecclsiale, dfense des idauxde philanthropisme et de cosmopolitisme, critique des tudes scolastiques dans

    la littrature (Faust, le Sturm und Drang). Ports par les ides des Lumires, parla foi dans le progrs des savoirs et la perfectibilit humaine, philosophes etpdagogues dfendent lide dune ducation humaniste. La rflexion se cristal-lise autour de la notion de Bildung10, entendue comme formation de la personneentire visant laccomplissement de lindividualit dans lchange avec lemonde. Sappuyant sur de nombreuses sources allemandes de nature diverse,Mathilde Lerenard illustre dans sa contribution la grande effervescence qui carac-trise la rflexion et le dbat sur les questions pdagogiques en Allemagne autourde 1800. Elle se livre une comparaison trs mthodique de deux courants

    pdagogiques qui sopposent alors, le philanthropinisme et le nohumanisme,prenant en considration aussi bien les thories que les pratiques ducatives etveillant insister plus quon ne lavait fait jusquici sur la contemporanit et,par del la querelle, sur les convergences entre les deux courants. Lanalyse du casparticulier du pdagogue berlinois Friedrich Gedike lui permet ensuite dillus-trer concrtement la description densemble : ses prises de position thoriquesproposent en effet une sorte de synthse des deux modles en concurrence, toutcomme les pratiques dapprentissage quil met en place dans ses tablissementsberlinois, qui visent conjuguer lancien et le moderne, former lhomme mais

    aussi le citoyen, associer enseignements linguistiques et scientifiques, appren-tissage des langues anciennes et des langues modernes.

    Dans le prolongement chronologique de larticle prcdent, Nicolas Champsintresse une priode mconnue dans lhistoire de lducation en France, savoir celle qui spare les lois Gizot (1830) et Faloux (1850) de la loi Ferry du18 mars 1882. Lauteur focalise son propos sur le cas spcifique de lducationconfessionnelle et aprs avoir bross le tableau des structures de formation desmatres protestants, il sarrte sur le cas particulier de deux coles de la rgion

    9 Voir Anton Schindling, Bildung und Wissenschaft in der frhen Neuzeit 1650-1800, Enzyklopdiedeutscher Geschichte, Bd. 30, Munich, Oldenbourg, 1994.

    10 Wilhelm von Humboldt, Teorie der Bildung des Menschen , in W. v. H., Schriften zurAnthropologie und Geschichte (Werke in fnf Bdn. 1.), Andreas Flitner et Klaus Giel (d.),Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1960, p. 234-240.

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    parisienne intimement lies au Rveil protestant. Il y tudie le rle direct dedeux directeurs, Gauthey et Vulliet, des pasteurs polygraphes qui publirentde nombreux ouvrages destins lenseignement, mais aussi des rseaux soute-

    nant ces tablissements, notamment sur lorientation de la formation dispen-se. Si, pour ces diffrents acteurs, la priorit doit tre accorde aux principeschrtiens et la manire de les transmettre aux lves, les humanits ne sontpas oublies travers lenseignement de la grammaire et de lorthographe, delhistoire ancienne et moderne ou encore de la musique et de la gographie.Lobjectif est ici la fois de former de bons matres ardents dfenseurs de leurfoi mais aussi des enseignants aptes rgnrer par lcole une socit branlepar les vnements politiques de 1830 et de 1848.

    Au niveau de lenseignement suprieur, Elsa Clavel sintresse au momentessentiel pour lhistoire de linstruction publique franaise que constitue laroisime rpublique. Le nouveau rgime attendait de ce dernier un renouvel-lement des cadres de la nation et la consolidation du sentiment national dansun climat de revanche contre une Allemagne dont les universits constituaientlune des forces. Pour rpondre ces objectifs, la fin du XIXesicle vit la refontecomplte, par la loi du 10 juillet 1896, de lorganisation administrative maisaussi pdagogique dun paysage universitaire largement prexistant. Seulelchelle locale, envisage par lauteur pour la facult des lettres de Bordeaux,

    permet de vrifier la mise en application des rformes et des innovations sous-jacentes. Alors que, jusquaux annes trente, le nombre dtudiants ne cessede crotre et le public de se diversifier, les cursus et les formes denseignementse multiplient et les contenus disciplinaires se renforcent, en particulier enhistoire et en langues. Les humanits classiques, littratures grecques, latineset franaises, demeurent nanmoins le socle commun toutes les formations,au moins jusquaux annes 1920.

    La contribution qui clt le dossier se rapporte la priode contemporaine.

    Elle pose de faon originale la question du devenir de lducation humanisteet, spcifiquement, de lenseignement des humanits. Maria Cristina Panzeraanalyse la rforme Gelmini, dernire rforme en date des lyces italiens (2008-2011). La comparaison franco-italienne trs prcise laquelle elle se livre, propos des programmes et des volumes horaires, permet de bien visualiserce quon pourrait appeler lexception italienne, tandis que la mise en pers-pective historique qui suit en identifie les diffrentes origines. De lensemblede lanalyse il ressort une apprciation trs nuance porte sur une rformequi na pas branl la traditionnelle prminence des enseignements huma-

    nistes, mais dont lavenir montrera peut-tre quelle en a nanmoins amorc ledclin. Sesquisse, dans le cas extrme de lItalie, mais probablement aussiau-del de lexemple italien, la perspective dun quilibre rechercher, parti-culirement difficile ou exigeant, entre lancien et le moderne, entre culturesnationales et culture europenne, ou encore culture globale.

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    Avant-Propos 13

    Par del la trs grande diffrence des contextes voqus et la considrabletransformation des savoirs et des comptences au fil des sicles, le lecteur descontributions qui suivent ne pourra qutre frapp par la continuit de certains

    questionnements (formation gnrale ou spcialise, ducation de la personneou formation utile la socit, place de lapprentissage des langues). Pluslargement, lactualit des thmatiques abordes ici sous langle historiquesimpose avec vidence. Jamais, dans les pays europens voqus, la question dela pertinence et de la survie des enseignements humanistes ne sest pose avecautant dacuit quaujourdhui, face aux problmes des marchs de lemploi,aux impratifs de comptitivit et lomniprsent appel la performance. Lasituation franaise est contraste : tandis que les filires classiques connaissentune dsaffection sans prcdent, de plus en plus dcoles dingnieurs etde management intgrent des cours de lettres et sciences humaines leurscursus ; au collge, la culture humaniste le mot est la mode a faitson entre dans les programmes de franais (2008) et, dans une acceptiontrs large, figure en bonne place parmi les lments du socle commun .Marginalisation dfinitive, ramnagement, redfinition11? La rflexion sur lesens, les contenus et les finalits des enseignements humanistes, laquelle veutcontribuer la mise en perspective propose ici, est plus que jamais lordre dujour lheure de la mise en place dune rforme de la formation aux mtiers

    de lducation par la cration, la rentre 2013, des ESPE (coles suprieuresdu professorat et de lducation).

    Nicole PelletierEA 4593 CLARE, Universit Bordeaux Montaigne

    [email protected]

    Dominique PiccoEA 2958 CEMMC, Universit Bordeaux Montaigne

    [email protected]

    11 Voir le dossier Refaire les humanits , Esprit, dcembre 2012, p. 16-81.

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    Faut-il chtier les enfants ?Le Brevis tractatus de arte, disciplina et modoalendi et erudiendi flios, pueros et juvenesdeRodrigo Snchez de Arvalo (v. 1453)

    et la question de la discipline chez un auteurcastillan humaniste Sophie Coussemaker

    Sur ce point il est crit : Celui qui nutilise pas laverge, il hait son enfant 1.

    Le De liberis educandisque Elio Antonio de Nebrija (1441-1522) crit en1509 pour Miguel Prez de Almazn, un secrtaire et conseiller de Ferdinand,fut longtemps considr comme le premier trait humaniste ibrique surlducation, jusqu ldition par Hayward Keniston de luvre pdagogique

    dArvalo2

    . En fait, depuis le XIIIe

    sicle la pninsule ibrique a dj produit denombreux traits gnomiques ou sapientiaux offrant une rflexion trs riche surlducation des princes3. Il ne sagit pas de traits pdagogiques proprementparler, la formation de lenfant nest pas au centre de leurs proccupations, maisils placent la formation morale et intellectuelle des dirigeants au cur de larflexion sur ce que doit tre le bon prince pour viter la tyrannie dans unetradition qui remonte au moins au Policraticusde Jean de Salisbury (XIIesicle)4.

    1 Rodrigo Snchez de Arvalo, Brevis tractatus de arte, disciplina et modo alendi et erudiendi filios,

    pueros et juvenes, chapitre VII. Reprise de Proverbes, XIII, 24 : Qui pargne la baguette haitson fils, qui laime prodigue la correction , traduit gnralement par la formule qui aimebien chtie bien .

    2 Hayward Keniston, A fifteenth Century reatise on Education, by Bishop RodericusZamorensis , Bulletin Hispanique, 1930, p. 193-217.

    3 Bonifacio Palacios Martn, El mundo de las ideas polticas en los tratados doctrinales espaoles :los espejos de prncipes , Europa en los umbrales de la crisis : 1250-1350 (XXI Semana de EstudiosMedievales de Estella), Pampelune, 1995, p. 463-483 ; Jos Manuel Nieto Soria, Les miroirsdes princes dans lhistoriographie espagnole (couronne de Castille, XIIIe-XVesicles) : tendancesde la recherche in Angela De Benedictis (d.), Specula principum, Vittorio Klostermann d.,Francfort-sur-le-Main, 1999, p. 193-207 ; Isabel Beceiro Pita, La educacin: un derecho y

    un deber del cortesano , La enseanza en la Edad Media,X Semana de Estudios Medievales,Njera, 1999, d. Logroo, 2000, p. 175-206 ; Josu Villa Prieto, La educacin de los niospequeos en el mbito familiar durante la Edad Media tarda: aspectos tericos , iempo ysociedad, n 6, 2011-2012, p. 79-122, consultable en ligne.

    4 Marta Haro Corts, Literatura de castigos en la Edad Meida: libros y colecciones de sentencias, Ed.del Laberinto, S.L., Madrid, 2003.

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    Sophie Coussemacker16

    Une rflexion plus pointue sur la formation de lenfant (princier, dabordet avant tout) apparat dans les traits que don Juan Manuel (1282-1348)crit dans les annes 1330-1340, notamment dans le chapitre 67 du Livre

    des tatso il organise lemploi du temps idal pour un jeune infant, de cinq sept puis douze ans environs5. La Glose castillane du rgime des princes deGilles de Rome, crite au milieu du XIVesicle par Juan Garca de Castrojeriz,prcepteur du futur Pierre Ier, se prsente non seulement comme un traitdestin lducation du prince, mais on y trouve (livre II, 2) un vritable traitpdagogique qui prend dj en compte la plupart des thmes des ouvragesultrieurs : le choix des matires, du matre, etc., les dveloppements tanttays non seulement par le trait de Gilles de Rome mais aussi par les lettres

    de saint Jrme, la Disciplina scholariumdu pseudo-Boce, des exemples tirsde Valre Maxime et mme une citation occasionnelle de Quintilien : unappareil dauctoritatesqui est dj en place, hormis Plutarque6. Les auteurscatalans des XIIIe-XIVesicles ont eux aussi produit une large rflexion pda-gogique depuis Raymond Lulle7. Enfin, dans la premire moiti du XVesicle,en Castille, de nouveaux miroirs ou des traits politiques sont aussi proposspour lducation des princes, des nobles, voire des filles ; eux aussi ont un netcontenu pdagogique, de par leur nature mme8.

    Le corpus des traits lis de prs ou de loin lducation est donc large,

    en Espagne, bien avant que Rodrigo Snchez de Arvalo ny ajoute ses propresrflexions. La spcificit de son trait est quil sinscrit dans un moment parti-culier : celui o lhumanisme italien commence sinfiltrer dans la pninsuleibrique. partir de la fin du XIVesicle, lhumanisme italien pntre peu peu en Espagne travers les relations personnelles entre bibliophiles italiens etespagnols, la correspondance, les voyages, la diffusion en Espagne et la traduc-tion duvres classiques, voire de quelques textes dhumanistes italiens9. Le

    5 Le Livre des tats de don Juan Manuel de Castille. Un essai de philosophie politique vers 1330,trad. franaise de Batrice Leroy, Brepols, urnhout, 2005, p. 123-125.6 Juan Garca de Castrojeriz, Glosa castellana al regimiento de los prncipes y seores que han de regir

    a los otros(v. 1345), traduction et amplification du De regimine principumde Gilles de Rome(av. 1285). Juan Beneyto Prez, d. Glosa castellana al Regimiento de Prncipes de EgidioRomano. Madrid, Instituto de Estudios Polticos, 1947-1948.

    7 Raymond Lulle (1233-1316), Doctrina Pueril(1275), Libre dEvast e dAloma e de Blanquerna(1283), Libre de meravelles(1286) etArbre de la ciencia(1292) ; Francesc Eiximenis (v. 1335-1409), Llibre de les dones(entre 1392-1398) ; Jaume Roig (m. 1478), Llibre de consells contreles dones.

    8 Anonyme, Castigos y doctrinas que un sabio daba a sus hijas (1re moiti du XVe sicle) ;

    Diego de Valera, Espejo de verdadera nobleza(v. 1441) ; Exhortacin de la paz(v. 1448). Dautressont encore crits dans la seconde moiti du XVesicle : voir Mara del Pilar Rbade Obrad, Laeducacin del prncipe en el siglo XV: del Vergel de los prncipesal Dilogo sobre la educacin delprncipe don Juan, Respublica, 18, 2007, p. 163-178, consultable en ligne.

    9 N. G. Round, Renaissance Culture and its Opponents in Fifteenth-Century Castile ,Modern Language Review, 57, 1962, p. 204-215 ; J. N. H. Lawrance, On Fifteenth-

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    point de rencontre initial, ou majeur, a t les conciles du dbut du XVesicle,notamment ceux des annes 1434 1439. Alonso de Cartagena (1384-1456),vque de Burgos, reprsente la Castille au concile de Ble (1431-1445). Or,

    cette assemble est un vritable concentr de ce que lEurope compte dintel-lectuels ; nombre dhumanistes italiens sont prsents aux cts des membres dela Curie romaine et de la suite de lempereur byzantin. Alonso de Cartagenanoue des liens importants avec eux. Par la suite, il reste en contact avec cescercles lettrs et fait de sa maison et du palais piscopal de Burgos un cnacle la faon des coles italiennes, o il accueille des jeunes gens pour les former10.Cest dans son entourage que les textes italiens commencent arriver en masseen Castille, partir des annes 1440. Il diffuse les classiques avec ses propresversions de Cicron et Snque11. Les jeunes castillans forms dans cetteppinire humaniste vont souvent continuer leur humanisation en Italie,comme le futur chroniqueur Alonso Fernandez de Palencia, n en 1423, levdans le palais de lvque, et qui, tout jeune, part se former en Italie o ildevient un familier du cardinal Bessarion et frquente les disciples de lhuma-niste grec Georges de rbizonde. En dehors des pupilles de lvque deBurgos, nombre de jeunes espagnols amoureux des lettres se rendent aussien Italie, comme le cordouan Nio de Guzman, assidu des cercles littrairesqui se runissent, dans les annes 1430, autour des grands libraires florentins.

    Les crits pdagogiques de Rodrigo Snchez de Arvalo prennent place dansce contexte de bouillonnement culturel, mais aussi de ces changes entre lesdeux cts de la Mditerrane. Lui-mme a t un important vecteur de cescontacts entre la Castille et lItalie humaniste, mme si ses positions ne sontpas sans ambigut, aussi bien vis--vis des humanistes en gnral que surla question pdagogique en particulier. Cest notamment sur la question delautorit et de la discipline, voire des chtiments corporels, quArvalo semblele moins en phase avec les premiers humanistes italiens. Ce point trs prcisconstitue donc un bon observatoire pour mesurer ce qui, chez Arvalo, relve

    dune pense dj humaniste, ou de traits encore mdivaux .

    Century Spanish Vernacular Humanism in I. Michael y R. A. Cardwell (d.),Medieval andRenaissance Studies in Honour of R. B. ate, Oxford, 1986, p. 63-79 ; Francisco Rico, El sueodel humanismo: de Petrarca a Erasmo, Madrid, 1993, p. 78-85 ; Angel Gmez Moreno, Espaay la Italia de los humanistas, Gredos, Madrid, 1994 ; Mara Morrs, Sic et non: en torno aAlonso de Cartagena y los studia humanitatis, Euphrosyne, 23, 1995, p. 333-346.

    10 Sur ce point, Buenaventura Delgado Criado (d.), Historia de la educacin en Espaa y Amrica,

    I. La educacin en la Hispania antigua y medieval, Fundacin Santa Mara, ed. Morata, Madrid,1992, p. 620 sq.

    11 Il entretient aussi des contacts troits avec Poggio Bracciolini et Pier Candido Decembrio.L. Gonzlez Rolan et P. Saqueiro, Actitudes Renacentistas en Castilla durante el siglo XV:la correspondencia entre Alfonso de Cartagena y Pier Candido Decembrio , Cuadernos deFilologa Clsica, Serie Estudios Latinos I, 1991.

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    Rodrigo Snchez de Arvalo

    Lhomme, un humaniste

    Dans le Speculum Vitae Humanae, son uvre principale, de nombreuxpassages de nature autobiographique permettent de reconstruire la formationdArvalo et son itinraire italien12. N en 1404 Santa Mara la Real de Nieva(province de Sgovie) il reoit les rudiments de son instruction dans le couventlocal des Dominicains13. Orphelin de pre trs jeune et devenu chef du lignage,il est alors pouss par sa mre faire des tudes et entrer dans lglise. Il se rend Salamanque autour de 1422 afin de passer une licence en droit. Outre le droitcanon et le droit civil, il tudie la thologie. Il est mentionn comme docteur endroit en 1447 ; il est probable quil le soit avant et on ne sait pas sil a obtenu cegrade Salamanque ou Rome. En tous cas, il a d ctoyer Salamanque desreprsentants du pr-humanisme castillan qui sy trouvent, Alonso de Madrigal el tostado , Juan de Mella ou Juan de Carvajal. Certains disent quil y a peut-tre aussi, plus tard, enseign le droit, mais cest peu vraisemblable au vu deson parcours14. De retour chez lui, il choisit finalement la carrire ecclsiastiquepour satisfaire sa mre et est peut-tre ordonn prtre mme si, jusquen 1431,il ne porte que le titre de clerc .

    Au concile de Ble, il fait partie de lambassade envoye par Jean II deCastille, peut-tre grce ses liens avec Alonso de Cartagena qui dirige lamission. Ble, il rencontre Eneas Silvio Piccolomini (futur Pie II) et occupe,durant le concile, plusieurs charges responsabilit. Aprs sa suspension cause de la peste, il revient en Castille o ses liens personnels avec lvque deBurgos lui ouvrent les portes de la cour et de ses rseaux ; il est nomm secr-taire du roi Jean II et participe une autre ambassade, castillane cette fois,

    12 Biographie de Rodrigo Snchez de Arvalo in R. H. rame, La carrire dun diplomateespagnol au XVesicle (1435-1470) , Revue dHistoire Diplomatique, 76, 1962, p. 227-254 ;J. M. Laboa, Rodrigo Snchez de Arvalo, alcalde de SantAngelo, Fundacin universita-ria espaola seminario Antonio de Nebrija, Madrid, 1973 ; Lorenzo Velzquez Campo, Rodrigo Snchez de Arvalo in Maximiliano Fartos Martnez (d.), La filosofa espaolaen Castilla y Len: de los orgenes al Siglo de Oro, 1997, p. 121-136 ; Jos Manuel Ruiz Vila etVicente Calvo Fernndez, El primer tratado de pedagoga del humanismo espaol, intro-duccin, edicin crtica y traduccin del Brevis tractatus de arte, disciplina et modo alendiet erudiendi filios, pueros et juvenes (ca. 1453) de Rodrigo Snchez de Arvalo , Hesperia,anuario de filologa hispnica, III, 2000, p. 35-49 ; Jess ngel Solrzano elechea (d.),Rodrigo Snchez de Arvalo: ratado sobre la divisin del reino y cundo es lcita la primogeni-

    tura, traduccin anotada de Jos Carlos Miralles Maldonado, Instituto de Estudios Riojanos,Logroo, 2011, introduction sur sa biographie p. 17-50.

    13 Dans un sermon dat de 1450, il les remercie de lavoir duqu gratuitement ; dans ses derniresvolonts, il leur lgue 600 ducats pour construire une chapelle.

    14 Dans le prologue du Brevis tractatus, lauteur se dit professeur de droit civil et canon maissans voquer Salamanque.

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    devant Albert II, lempereur, et les cardinaux. Il crit beaucoup durant cettepriode, pour dfendre lautorit du pape contre le schisme, pour la dfensede lglise, etc. Lorsque le concile rouvre, aprs son transfert Florence, il y

    est de retour ds 1439 et est alors lu membre de la commission des Douze,charge de recevoir toutes les requtes et de dcider si elles sont discutables parle concile. Or, dautres membres du concile ont fait scession et sont rests Ble ; lorsquils lisent le comte Amde VIII de Savoie (Flix V), Jean II faitalors rentrer en Castille presque toute son ambassade. Arvalo reste sur place,en tant que lgat particulier de la Castille pour soutenir la cause dEugne IV,notamment devant les Allemands. La carrire ecclsiastique et politiquedArvalo se poursuit dsormais pour lessentiel en Italie, mme sil effectuedes retours priodiques en Castille. En juin 1448, il est nomm chambellandu pape. La mort de Jean II et larrive au pouvoir en Castille dHenri IVne changent pas sa position minente puisque le nouveau roi le confirmedans toutes ses charges. En avril-mai 1455, les cardinaux se runissent enconclave et lisent un pape espagnol, le cardinal valencien Alonso de Borgia/Borja, sous le nom de Calixte III. Henri IV confirme aussitt Arvalo dans sacharge dambassadeur pour prter allgeance au nouveau pape en son nom.Calixte III nomme rapidement Arvalo rfrendaire15(en 1456 ou en 1458),charge quil occupe jusqu la fin de sa vie. Dans le mme temps, Arvalo

    connat litinraire classique dun grand clerc, cumulant les charges et lesprbendes dans la pninsule ibrique, avec des hauts et des bas et parfois desheurts avec dautres candidats dont il sort gnralement son avantage. Sacarrire culmine avec lvch dOviedo, en 145716.

    En 1458, Eneas Silvio Piccolomini quArvalo connat depuis le concilede Ble est lu pape sous le nom de Pie II ; malgr un refroidissement dansleurs relations autour de 1460 en raison dune promotion piscopale qui luichappe, Arvalo conserve sa charge de rfrendaire et, quand Pie II meurt Ancne en 1464, il est un des rares membres de la Curie prsent ses cts.

    Il assiste alors llection de Pietro Barbo, Paul II. Celui-ci nomme aussittArvalo chtelain (alcaideen castillan) du Chteau Saint-Ange Rome, chargedvolue une personne de confiance. Cette prison pontificale abritait alors deshumanistes comme Platina, Pomponio Leto ou Francisco Anguilara, accussde rbellion contre le pape, dhdonisme, voire de sodomie. Paul II le promeut

    15 Le referendarius utriusque signaturaeest charg denregistrer les suppliques et les crits dont lepape ne soccupe pas directement et de dcider lesquelles requirent son attention.

    16 Il reoit ds 1439 un canonicat dans la cathdrale de Burgos puis, en 1440, il est nomm archi-

    diacre de revio (dans le mme diocse). Il est Rome en 1443 quand il obtient la vicairiegnrale du diocse de Burgos. En 1448, il obtient, non sans mal, le doyenn de la cathdralede Lon. En 1449, le pape lui donne le doyenn de Cuenca, un autre bnfice Nieva et, en1450, la paroisse de San Nicols dAvila. Six ans plus tard, il est nomm doyen de Sville. En1457, Calixte III lui offre le diocse dOviedo ; en change il doit renoncer plusieurs autrescharges qui lui rapportaient de substantiels bnfices.

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    aussi de nouveaux diocses en Castille, dabord Zamora en 146517, puis en1467 Calahorra, vch quil conserve jusquen 1469. Finalement en 1470,il est transfr au sige de Palencia18.

    Cest durant ces annes-l quil publie le plus : des ouvrages de dfensede la monarchie attaque par les rvoltes des nobles hostiles Henri IV etsurtout la Compendiosa Historia Hispnica, commande dHenri IV lui-mmeet enfin, en 1468, le Speculum vitae humanae, uvre qui eut le plus de rper-cussion dans les milieux intellectuels. Il dcde le 4 octobre 1470 selon sonmonument funraire situ Santa Mara de Montserrat Rome aux ctsde Calixte III ou dans lglise romaine San Giacomo degli Spagnuoli. Lescardinaux Bessarion et Marcos rdigent son pitaphe en latin.

    Cette carrire tmoigne quArvalo, clerc accumulant les bnfices, est aussiun humaniste par ses frquentations dans le cercle dAlonso de Cartagena et la cour de Jean II de Castille qui en fut lun des grands foyers19, puis surtout Rome, notamment avec Nicolas de Cuse ou Eneas Silvio Piccolomini. Ilest reconnu comme un auteur de poids par ses contemporains linstar ducardinal Bessarion, mais aussi du mordant Bartholom Platina, auteur desVies des papes, avec lequel il change une abondante correspondance. Platinaen fait le principal interlocuteur de son dialogue De falso et vero bono, sousle nom de Rhodericus Calagorritanus Episcopus, arcis Romanae praefectus, vir

    certe bonus et doctus. Platina crivant pendant sa dtention au Chteau Saint-Ange, ces louanges lintention de son gelier ne sont sans doute pas sansarrire-penses. Dautres humanistes lexaltent pour sa profonde rudition etson style trs lgant. En fait, son latin, encore mdival, parfois plein debarbarismes, tait assez complexe pour satisfaire, peut-tre, les humanistes20.

    Linsertion du Brevis tractatus dans la production pdagogiquehumaniste et dans luvre dArvalo.

    Arvalo a dress deux inventaires de ses uvres, le premier dans saCompendiosa Historia Hispnica, puis en 1469 dans un volume qui comprendtoute son uvre latine21. La date de rdaction du Brevis tractatusest approxi-mative. Dans la Compendiosa,le texte figure parmi ses ouvrages crits Rome.Dans le prologue ddicatoire, lauteur se dit doyen de la sainte glise de

    17 Il ne semble pas quArvalo soit revenu en Castille aprs cette dernire nomination.18 Beaucoup lappellent jusqu sa mort vque de Calahorra, peut-tre na-t-il pas eu le temps de

    prendre possession lgalement de son dernier sige piscopal.

    19 Francisco Rico, Don Juan II de Castilla y el movimiento humanstico de su reinado , LaCiudad de Dios, 168, 1995, p. 55-100.

    20 Sur ses relations ambigus avec les humanistes italiens, Karl Kohut, Snchez de Arvalo(1404-1470) frente al humanismo italiano ,Actas del VI Congreso Internacional de Hispanistas,oronto, 1980, p. 431-434.

    21 Actuel Bibl. Apostolica Vaticana 4.881, soit un total de 44 uvres dont beaucoup restent indites.

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    Lon . Il nobtient ce titre canonial quen 1448 lissue dun long conflitavec Nicolas V22. Il mentionne aussi dans le trait le prince Henri, i.e. le futurroi Henri IV en 1454. Il ne peut donc avoir rdig le trait quentre 1448 et

    1454 : on le date en gnral de 145323.Le Brevis tractatussinscrit dans une production dj abondante en Italie

    de traits sur lducation de tendance humaniste, dont les premiers remontentau tout dbut du XVesicle. Le premier est celui de Pier Paolo Vergerio deCapodistria (1370-1444)24, le De ingenuis moribus et liberalibus adolescentiaestudiis liber (1392 ou 1400-1403) crit pour le fils du seigneur de Padoue,Ubertino da Carrara (1390-1407). Il y dveloppe de nouvelles concep-tions sur lpanouissement individuel du corps et de lesprit, inspires en

    partie de Snque25

    . De faon plus modeste, lun de ses anciens professeurs,Giovanni Conversini de Ravenne (1343-1408), fait dj dans son Rationariumvitae(v. 1404) un bilan de sa propre vie et notamment des svices quil a dsubir, enfant, de la part dun matre de grammaire particulirement violent, cequi la dgot de cet apprentissage. Il propose les bases dune nouvelle pda-gogie : douceur vis--vis des enfants qui doivent tre stimuls par les loges,mulation entre les lves et surtout choix dun apprentissage trs graduel,par des leons brves, de faon ne pas les dcourager26. Dans les dcen-nies suivantes, nombre de traits pdagogiques sont crits par les plus grands

    enseignants humanistes du temps. Beaucoup se fondent soit sur le De liberiseducandisattribu Plutarque ou plus exactement sa traduction latine ralise

    22 Arvalo est lu rgulirement au doyenn de la cathdrale de Lon mais le pape avait rserv lacharge pour Pedro de Cervantes, le chapelain du pape excommunie alors Arvalo. Finalement, surintercession de Jean II, il est absous et install la tte de sa nouvelle charge, durant lanne 1448.

    23 rois manuscrits subsistent actuellement (deux contemporains et un du XVIIIe sicle).rois ditions de rfrence : Hayward Keniston, A fifteenth Century reatise on Education ,op. cit. ; Antonio Garca Masegosa, El De eruditione puerorum,Actas del Congreso Internacional

    sobre Humanismo y Reancimiento, Lon, 1998, p. 363-370 ; id., Sobre la educacin de los hijos,de Rodrigo Snchez de Arvalo , Sarmiento, n 4, 2000, p. 231-263 (traduction en castillan dutrait) ; J. M. Ruiz Vila et V. Calvo Fernndez, El primer tratado de pedagoga , p. 50-64pour le texte latin et p. 64-81 pour la traduction en castillan. Notre traduction a t tablie partir de ces deux ditions. Le trait est aussi traduit in L. Velsquez Campo et P. Arias Fernndez,Rodrigo Snchez de Arvalo, ratado sobre tcnica, mtodo y manera de criar a los hijos, nios yjvenes (1453), Pampelune, 1995, non utilis ici.

    24 David Robey, Humanism and education in the early Quattrocento: the De ingenuis moribusde P. P. Vergerio , Bibliothque dHumanisme et Renaissance, 42, 1980, p. 27-58.

    25 Dans la 1repartie, Vergerio modle le temprament du fils du prince en suivant une thique sto-cienne : il doit tre disciplin, actif, modeste, modr dans le plaisir et dpourvu de vices. La partie

    la plus longue clbre les tudes librales , i.e. adaptes lhomme libre, propdeutiques lavie de citoyen. Il fait une large part lhistoire, la philosophie morale et lloquence, poursuit surle trivium, le quadriviumet enfin les disciplines professionnelles (droit, mdecine, thologie). Cetrait fut sans cesse recopi (150 160 manuscrits connus) puis imprim (30 incunables italiens).

    26 Eugenio Garin, Limage de lenfant dans les traits de pdagogie du XVesicle in Egle Becchiet Dominique Julia (d.),Histoire de lenfance en Occident, Paris, Seuil, 1998, t. 1, p. 231-254.

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    en 1411 par Guarino da Verona27, soit sur lInstitution Oratoirede Quintilien, redcouverte par lhumaniste florentin Poggio Bracciolini en 1416 dans lemonastre suisse de Saint-Gall ce qui suscite aussitt lintrt des humanistes

    italiens pour lducation, suivi de cette extraordinaire floraison de traits pda-gogiques28. Le Brevis tractatusse prsente quant lui comme une longue lettreddie Alonso de Faucibus conseiller du prince Henri que le premier diteurdu texte (Keniston) a identifi comme tant Alonso Gonzlez de la Hoz, ami deJuan Pacheco, marquis de Villena. Dans le mme paragraphe, Arvalo relate quedon Alonso et lui se sont rencontrs Burgos il y a peu de temps alors quelui-mme tait malade et que don Alonso y venait pour les affaires du prince.Il lui rendit visite, contempla sa bibliothque et lui parla de son fils Esteban,dj sage en dpit de son jeune ge, mais quil aurait souhait former encoreplus vertueusement. Arvalo lui envoie donc ce petit livre pour laider dansson projet ducatif, comme une sorte dchantillon de ses premires recherchessur le sujet, envisageant de laugmenter si ncessaire. Si Arvalo na en fin decompte jamais crit le long trait sur lducation quil laissait esprer, le Brevistractatusnest pas totalement isol dans sa production29. Les deux seuls traitsquil crit en castillan sont en effet des miroirs de princes, la Suma de la poltica

    27 Battista Guarino Guarini da Verona (1370-1376-1460), form aux tudes classiques par

    Giovanni Conversini, fut lun des pionniers de ltude du grec Constantinople. De retour enItalie aprs 1393, Guarino devient un professionnel de la pdagogie, dabord Venise puis Florence. Cest sans doute durant cette priode quil rdigea son De liberis educandis, en 1411.Le texte utilis par Guarino comme par Arvalo est seulement attribu Plutarque. Le PerPadn ggsne se trouve pas dans le Catalogue de Lamprias, rdig au IIIeou IVesicle, attribu ce Lampria dont la tradition fait ( tort) un fils de Plutarque et qui donne une liste de227 uvres de Plutarque. Vers 1302, Maxime Planude fixe la liste des traits de celui-ci ; le PerPadn ggsen fait dsormais partie. Les premiers doutes ne commencent apparatre quen1559 (chez Muretus) et, en 1820, lrudit Wyttenbach, par une analyse serre du texte, dmontraque le Per Padn ggsnest pas une uvre de Plutarque mais un trait associant des textessophistes et post-sophistes qui pourrait tre contemporain. Il remarqua aussi des similitudes avecles traits de Quintilien (livre I et II). Pour Arvalo, comme pour les humanistes italiens du

    Quattrocento, le texte quil utilise est bien plac sous lauctoritasminente de Plutarque, il nementionne dailleurs pas son traducteur italien, mais uniquement la rfrence dautorit.

    28 Leonardo Bruni, De studiis et litteris liber (1405 ou plutt 1422-1429 [1423-1426], pourBattista Malatesta), Maffeo Vegio da Lodi (1407-1458), De educatione liberorum clarisque eorum(ou et eorum claris) moribus(1444), et Eneas Silvio Piccolomini (1405-1464, Pie II), ractatusde liberorum educatione (fvrier 1450 : ptre Ladislas, roi de Hongrie et de Bohme et ducdAutriche, alors g de 10 ans). Les humanistes mnent une propagande active en faveur de leursides pdagogiques par le biais de la correspondance. Guarino Guarini crit ainsi longuement son ami Gian Nicola Salerno (1379-1426) podestat de Bologne, pour lui rappeler comment lestudes humanistes lont prpar affronter les dfis de sa charge, dans le De ordine docendi etstudendi(1459). On peut aussi citer les uvres de Gasparino Barbizza (1360-1420), la lettre de

    Vittorino da Feltre (1370-1446) sur lducation Sassolo da Prato ; les uvres de Francesco Filelfoou encore, un peu plus tard, le trait de Matteo Palmieri (1406-1475), Della vita civile(1465).Sur cette floraison : Eugenio Garin, Limage de lenfant , op. cit.,p. 231-254.

    29 Elle inclut traits de droit canon, traits thologiques, moraux et historiques, sermons et discourset une abondante correspondance. Son uvre la plus connue est le Speculum Vitae Humanae,trait de philosophie morale dcrivant les maux de son temps et proposant des remdes.17 ditions incunables, traductions en allemand ds 1473, en franais, 1477, en castillan, 1491.

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    (1454-1455), sur la faon de gouverner un royaume ou des cits, commande dedon Pedro de Acua, et le Vergel de los prncipes(1456-1457) sur lducation desprinces, ddi Henri IV30.

    La structure du trait dArvalo31

    1. Lenfant doit tre n dun bon mariage, surtout du ct de la mre, pourdes raisons de rputation : n dune mre de bas niveau, il sera victime dop-probre sociale toute sa vie.

    2. Les deux parents doivent tre vertueux et surtout sobres au moment de laconception, car ils transmettent lenfant non seulement des qualits physiquesmais aussi une sorte de vertu conue comme un code gntique qui simprime(ou non) chez lenfant ds la conception.

    3. Il est mieux que la mre allaite lenfant elle-mme, dfaut la nourrice doitrpondre certains critres physiques et surtout moraux puisquelle va modelerlenfant, la fois dans son corps, par son lait et par limitation de ses murs.

    4. Le choix du prcepteur qui va suivre lenfant de nombreuses annes estencore plus crucial : il doit tre engag pour son prestige, son talent et ses murset non pas parce quil est le moins cher sur le march.

    5a. Le prcepteur doit conduire lapprentissage de faon diffrencie selon lescapacits la fois physiques et intellectuelles de lenfant, de faon ne pas rendrecelui-ci trop pesant et finalement, contre-productif. 5b. Il doit leur enseigner lamodration alimentaire et surtout viter quils ne boivent du vin. 5c. Le prcep-teur doit les prserver des paroles grossires et des compagnons inadquats outrop bavards.

    6. travers une mtaphore naturaliste (le champ, les arbres, les fruits) tirede Plutarque, il recommande de choisir les bons arts enseigner et surtout unepratique continue qui permet de contrarier la nature. Lexemple des deux chiens

    de Lycurgue pose aussi la question de la supriorit de lducation sur la nature,ou de lacquis sur linn.7a. Arvalo vante la ncessit de la svrit et mme des coups mais condi-

    tion de modrer ces derniers en fonction du cas, de lge de lenfant et descirconstances. Les parents sont comptables des fautes commises par leurs enfantspar excs de complaisance. 7b. Le travail et lexercice physique sont ncessairespour dompter les jeunes corps. 7c. Les filles doivent tre gardes encore plussvrement.

    30 Dans le Vergel, Rodrigo Snchez de Arvalo conseille vivement Henri IV la pratique delactivit physique et mme sportive, laquelle il consacre lessentiel du trait : il sagit l duneide humaniste typique. Josu Villa Prieto, La educacin de los nios pequeos , op. cit.,p. 105, n.59.

    31 Le Brevis tractatuscomprend un long prologue, puis neuf chapitres assez courts. On na pasrepris ici les deux derniers chapitres qui concernent lducation des adolescents.

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    Ce que le trait dArvalo doit aux sources antiques et notamment Plutarque

    Dans lensemble de son uvre, latine comme castillane, Arvalo brasseles rfrences et auctoritatesclassiques des auteurs mdivaux, les critures, lespres de lglise : saint Jean Chrysostome, Grgoire, Jrme, Isidore, Augustin,Tomas (ces deux derniers sont les plus souvent cits) ou saint Bernard. Lesauteurs plus rcents ne sont pas oublis, Vincent de Beauvais, Cino da Pistoia,Angelo de Ubaldis, Bartolo de Saxoferrato le juriste et bien dautres encore.Parmi les Anciens , Aristote, devenu un auteur de rfrence scolastiquedepuis le XIIesicle, est trs prsent mais Arvalo cite aussi dabondance dautresauteurs classiques, surtout des historiens, Salluste, acite, Valre Maxime,ite Live, Virgile, rogue Pompe ou Vgce, que nignoraient dailleurspas non plus les auteurs des XIIIeou XIVesicles qui en taient dj friands,notamment Valre Maxime32. Il cite aussi souvent des grecs, Dmocrite,Dmosthne, Lycurgue, Platon, Solon, Xnophon, Hippocrate, etc., ce quiest moins commun, et ncessite quil ait eu recours des traductions. Cesauteurs antiques ne sont pas redcouverts au XVe sicle en Castille : lesuvres latines (et mme grecques) y circulent depuis le XIIIesicle grce auxtraductions commandes par Alphonse X (Snque, Sutone, Lucain, Ovide,

    Caton, etc.), mais il est vrai que les intenses relations entre les intellectuelshumanistes castillans et les Italiens ont galement favoris leur diffusion.Quen est-il de lusage des sources pdagogiques antiques dans le Brevis trac-

    tatus? Arvaloreprend en grande partie les concepts et la structure gnrale duDe liberis educandisde Plutarque, texte qui sert aussi de base Nebrija un demi-sicle plus tard. Mais Arvalo y ajoute un florilge mdival de textes bibliques(Ecclsiastique, Proverbes) et patristiques. En revanche, il ne mentionne jamaislInstitutio oratoriade Quintilien. Nous avons tent de mettre en exergue, parquelques analyses comparatives, les relations de dpendance entre le Brevis

    tractatus et la traduction, par Guarino de Vrone, de luvre pdagogiquede Plutarque. Si les emprunts sont indubitables et tmoignent quArvalosest sans aucun doute rfr cette traduction, il ny est pas asservi pourautant. Une comparaison terme terme permet de constater sa distance parrapport une servilit absolue, tant dans la structure du texte de nombreuxchapitres que dans les formules employes33. Arvalo reprend quelques

    32 Francisco Crosas Lpez, De enanos y gigantes. radicin clsica en la cultura medieval hispnica,

    Universidad Carlos III, Madrid, 2010.33 Dans le chapitre III du trait des formules telles que ascripticiam beniuolentiam [nutriunt],

    utpote mercedis gratia ou encore nati sunt formari componique debent, ut recta nec obliquafiant sont directement empruntes la traduction latine de Guarino ; la seconde est dailleursintroduite par ut inquit Plutarchis . Ces phrases sinscrivent dans un texte reconstruit quidiverge parfois trs largement du texte-source.

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    phrases et mots clefs la traduction de Guarino de Vrone, mais il recomposele texte, y ajoute dautres rfrences, surtout saint Jrme, le De institutione

    filiaeou Epistola ad Laetam(lettre 107), dj trs utilis par les auteurs ant-

    rieurs34. Il taille, lague, dveloppe, glose, bref se livre un exercice de stylepropre aux auteurs mdivaux et notamment aux Dominicains qui furent sesmatres. En revanche dans De lducation des enfants et de leurs bonnes mursde Maffeo Vegio, texte humaniste quasi contemporain (1444), la dpendanceest souvent plus forte par rapport au texte de Plutarque traduit par Guarino35.Ainsi, lorsquil dconseille aux parents et aux nourrices de raconter aux enfantsdes fables frivoles, Maffeo Vegio recopie presque littralement Guarino alorsque ce passage nest pas repris par Arvalo. Si Maffeo Vegio prtend sinspirerde la tradition de saint Augustin et de la dvotion de celui-ci pour sa mreMonique, le lecteur est frapp par plusieurs passages de son trait dcalquantcelui attribu Plutarque.

    Par ailleurs, peut-on dtecter linfluence de Quintilien chez Arvalo,mme sil nest pas voqu directement dans ses sources ? Quelques passagespeuvent laisser penser une vague influence, par exemple quand Arvalo parlede limprgnation de lenfant par effet dimitation de la nourrice qui est lapersonne quil voit le plus souvent, le passage pourrait tre inspir de lIns-titution oratoire, I, 1, mais la thmatique est assez gnrale et les formules

    trop vaguement ressemblantes pour tmoigner dune influence directe. Lesexemplaque dveloppe Arvalo et quil ne tire pas directement de Plutarqueressemblent aussi Quintilien. Cest le cas pour lexemplumde lducationdAlexandre pervertie par son premier matre, Lonidas. Mais ce passage esttellement topique et pass en vulgate au Moyen ge que le lien source est plusque tnu. La mention de lexemplumdans la lettre de saint Jrme expliquequil se retrouve chez lauteur castillan, sans signifier une lecture directe deQuintilien. Lexemple topique se trouve aussi dans la Glosa castellanaquasi-ment lidentique, avec la rfrence Jrme.

    34 Castrojeriz cite littralement saint Jrme quand il dit que lhomme ne doit pas rougir de faireavec ses fils ce que firent les rois sages avec les leurs, etc., Glosa castellana, II, II, VI, d. cite,p. 467.

    35 La traduction de Plutarque utilise est celle des uvres morales de Plutarque parDidier Delannay, In Libro Veritas, in http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre32415-chapitre179589.html. La traduction de Maffeo Veggio est celle donne par Patrick Gilli inFormer, enseigner, duquer dans lOccident mdival 1100-1450, Paris, t. II, 1999, p. 230-233dj utilise par Eugenio Garin in Il pensiero pedagogico dello ummanesco, Florence, 1958,p. 171 sq. Voir aussi E. Garin, Limage de lenfant , op. cit.,p. 242-244.

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    Quintilien Jrme, lettre 107 Glosa castellana Arvalo

    tmoin Lonids,gouverneur

    dAlexandre, qui, aurapport de Diognele Babylonien, avaitfait contracter ce prince certainsdfauts qui lepoursuivirent jusquedans un ge avanc,et lorsquil tait djun trs grand roi.

    Lhistoire grecqueconte quAlexandre,

    roi trs puissantet matre dumonde, ne put

    jamais dissimulerles dfauts dansson caractre etson attitude quiadhrrent luidans son enfancepar la faute de son

    matre et pdagogueLonidas

    Esto mesmo diceSan Jernimo as

    como fizo Felipo asu fijo, el cual nuncafuera tan bueno sino por la doctrinade su maestro, e sialguna maldad ovoen l, vola l de suayo Leonildo, dequien tom algunascostumbres cuando

    era mozo e despusno las pudo perder.

    On utilise icignralement

    lexempledAlexandre,certainement difficile imiter, qui neput se dfaire desmurs et des faonsdagir de Lonidas,son pdagogue, etdes vices auxquelsil stait accoutum

    depuis tout petit,quand bien mme ilfut devenu le matredu monde

    Le rapport dArvalo aux auteurs antiques est, dautre part, assez ambi-valent. Il disposait lui-mme dune grande bibliothque, admire parAlonso Gonzlez de la Hoz, le destinataire de sa lettre sur lducation, qui eutle privilge de la visiter comme le rappelle lui-mme Arvalo dans le prologue

    du Brevis ractatus: u y as dcouvert quelques petites uvres qui te parurentbrillantes et extraordinairement agrables, dtudes humanistiques, de philoso-phie morale et de lart louable de lloquence, parmi lesquelles se trouvaientdes uvres dauteurs rares, notables, mme sils ntaient pas tous sages 36. Ces auteurs rares peuvent tre aussi bien des Antiques que des humanistes contem-porains. Dans la Suma de la poltica(fin 1454), il recommande aux gouvernantsde fournir des potes leurs concitoyens, pour leur plaisir. Lui-mme les litet les cite : a priori, Arvalo ne serait donc pas hostile au recours aux auteursantiques y compris paens dans un but pdagogique. Cependant, le Brevis

    tractatusne fait pas la moindre allusion ltude duvres littraires classiquesdans la formation de lenfant, comme sil doutait fort de la valeur pdagogiquede la littrature, ce qui est loin des postures humanistes. Pire encore, la fin desa vie, lpoque de Paul II, dans les uvres crites Rome entre 1467 et 1469,cet auteur apprci des humanistes se laisse aller la critique de ces derniers,position officielle de la Curie de ce temps37. Parmi ce quil appelle les maux delpoque, il signale la lecture de livres potiques ou paens : reniant ses posi-

    36 ac cum bibliotecam conspexisses meam, ut plane uidi, interno quodam gaudio affectus es,eo maxime quia in eis ipsis humanitatis ac morum studiis laudatisque eloquentiae artibus, inquibus perrari nedum excellentes, sed nec satis docti reperiuntur, nonulla opuscula reperisti,quae tibi praeclara atque admodum grata uidebantur. , Brevis tractatus, d. cite de J. M. Vilaet V. Calvo Fernndez, p. 50.

    37 Notamment dans le De remediis afflictae ecclesiae(1469).

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    tions antrieures, il critique les libros humanitatisquil faudrait mieux appelerlibros crudelitatis, dit-il. Il enrage de voir enfants et jeunes gens lire des histoiresfictives et des potes paens au lieu de simprgner des critures saintes et des

    livres canoniques. Il affirme dsormais que la littrature classique na ses yeuxaucune valeur pdagogique, les enfants ny apprenant que des choses malhon-ntes, il propose donc au pape de prohiber leur lecture aux jeunes gens au profitde la seule criture Sainte, afin de leur permettre dtre capables de lire, plustard, des auteurs paens, mais sans risque, en sachant les interprter la lumiredes vrits de la foi. Le vernis humaniste disparat alors chez lui, au profit duChrtien enracin dans les certitudes mdivales. Il en va de mme pour laquestion de la discipline et du chtiment dans le Brevis tractatus.

    Du bon usage de la frule : une vision mdivale contraire lhumanisme ?

    Le chapitre VII est destin justifier lemploi de la svrit comme mthodepdagogique. Ce chapitre nest absolument pas emprunt Plutarque et sins-crit en faux par rapport aux mthodes disciplinaires humanistes, que ce soitcelles esquisses par Giovanni Conversini ou par Maffeo Vegio38.

    Lusage ncessaire du chtiment sinscrit dans une perspective mdivale

    dfaut de pouvoir reprendre Plutarque la structure de ce chapitre,Arvalo construit un texte trs diffrent formellement de ce qui prcde etmultiplie de faon presque touffante les rfrences aux autorits bibliques,Proverbes, Ecclsiastique, renforces par un arsenal dexemplatous emprunts Valre Maxime, lauteur romain sans doute le plus pill au Moyen ge. Syajoute une rfrence Cicron et quelques exemples naturalistes emprunts saint Jrme et saint Jean Chrysostome. Pour finir, il insre en guise de climax

    lexemple du nez tranch qui fait partie de larsenal de tout prdicateur 39.Lducation dominicaine et la pratique de lexemplumpastoral semblentencore trs prsentes chez lauteur. Lusage effrn des exemplanest pas ici trsjudicieux, dabord parce les cas tirs de lhistoire romaine ne concernent pasdes enfants mais des fils/adultes et surtout sont totalement contre-exemplairespuisque, pour Valre Maxime, ce sont des exemples positifs alors quiciArvalo semble vouloir les utiliser pour dmontrer que lusage de la force doittre adapt chaque ge.

    38 La traduction (personnelle) du chapitre VII est donne en annexe de larticle.39 Sophie Coussemacker, Le nez tranch, itinraire dun motif exemplaire dsope au Zifar .

    Au Miroir des Anciens, Journe dtude Ameriber Bordeaux 3, Pessac, dcembre 2010, http://e-spania.revues.org/22434, mis en ligne le 15 juin 2013.

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    Certains sont de vritables topo, notamment celui du pre qui tend unglaive son fils (Valre Maxime, chap. V) qui figure aussi, entre autres, dansla Glosa castellana40. Dailleurs une grande partie de ce chapitre du Brevis trac-

    tatus semble emprunte cette dernire, on y retrouve lexemple du fils deLucrce ou des aigles avec leurs pierres contre le venin des couleuvres tir desaint Jrme sur Isae. Plus loin, Castrojeriz mentionne lui aussi la lettre desaint Jrme assurant que les pchs des enfants sont imputables leurs parents,mais cette fois cette citation dautorit fait suite un rsum du passage desConfessionsde saint Augustin sur le rcit de ses btises denfant (le fameux voldes poires)41. out cet arsenal dauctoritatesest dploy au service de la mmeide chez Castrojeriz et chez Arvalo : les pres ne doivent pas tre ngligentsdans les chtiments imposs leurs enfants mme si le pardon est ncessaire.

    Cette ide est assez largement partage au Moyen ge : le principal dfautimputable aux parents, dans lducation de leurs enfants, est lindulgenceexcessive42, la ngligence corriger bien plus que la svrit dans le chti-ment , comme le dit Arvalo. rop de parents se montrent faibles lgard deleurs enfants, disent nombre de pdagogues bien avant lui, notamment horsdEspagne. Philippe de Novare (v. 1260) lassure, on ne doit pas montrer son enfant une trop grande apparence damour car il senorgueillit 43.

    Ds le plus jeune ge, lenfant loin dtre une me innocente est attirpar le vice, quil sagisse des plaisirs libidineux et [de] la concupiscence ou

    du vol comme dans lexemplumdu pseudo-Boce. Et chacun de ses pchsest imputable ses parents ; le pre notamment doit en rendre compte in fineauprs du Crateur. Face un enfant rcalcitrant, le pre jouit donc dun droitde correction assez large. Le droit mdival octroie en effet au chef de familleune autorit juridique sur les enfants et le reste de la famille ; cette fortepatria

    potestasprend surtout la forme dun droit de correction des enfants44. Maiselle na plus le caractre absolu que les juristes romains lui confraient, elleest dsormais tempre par lapietaschrtienne : lautorit du pre mdivalest moins forte que celle dupaterfamiliaslatin. Un enfant peut mme porter

    plainte en justice contre les violences dun pre trop brutal dans le Livre deJostice et de Pletde Pierre de Fontaine (XIIIesicle) tout comme lpouse contreson mari dans le mme cas (selon les Coutumes de Beauvaisis)45.

    40 Glosa castellana, II, II, chap. II, d. Beneyto Prez, p. 448-449.41 Glosa castellana, II, II, XV : E por ende deven los mozos ser castigados de tales pecados, car

    segn dice san Jernimo en la Epstola 89 (sic) que todos los pecados que facen los mozos fastalos siete annos son apuestos a lors padres e a las madres . d. Beneyto Prez, p. 511-512.

    42 Jussi Hanska et Jean-Pierre Dpe, La responsabilit du pre dans les sermons du XIIIesicle ,Cahiers de recherches mdivales et humanistes, 4, 1997, p. 81-95 (d. en ligne : file://E:\

    index968.html)43 Philippe de Novare [Navarre (sic)], Les IIII temps de lge dhomme, d. M. de Frville, Paris,

    1888, p. 117 sq.44 Droit qui rapparat dans la littrature travers des figures masculines terrifiantes, ogres et

    pres fouettards.45 Danile Alexandre-Bidon et Pierre Rich, Lenfance au Moyen ge, Paris, 1994 ; Jean Delumeau

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    Lenfant doit cependant tre corrig, le cas chant. La svrit et mme lescoups sont indispensables pour dresser le plus tt possible les rcalcitrants ; lespdagogues mdivaux rptent lenvie que les parents doivent chastierleurs

    enfants. Chastier (castigaren castillan, chastoiementen franais) signifie la foisrprimander et instruire. Cela nimplique pas toujours un chtiment corporel,mais bien souvent. Juan Garca de Castrojeriz assurait dj dans la Glose castil-laneque les enfants doivent tre chtis et fouetts de manire convenable ,tayant cette affirmation par la citation des soi-disant proverbes de Salomon 46.Arvalo prne la correction idoine et frquente , il sagit avant tout de lusagede la verge : ce thme est un topos. Celle-ci nest dailleurs pas rserve auxparents ; ce passage concerne aussi les prcepteurs et, de faon plus gnrale, lesmatres et ducateurs. La Grammaire, la premire des sciences, est reprsente,

    traditionnellement, des verges la main. Les matres utilisent soit un fagot debranchages, du saule souvent, soit une large cuillre en bois47.Les exemples et les tmoignages bien entendu, a posteriori abondent

    sur les matres violents, quil sagisse de matres de jeunes oblats et de novices(les moines ont des traditions dune grande svrit), de prcepteurs privs oude matres dcoles. Ainsi, Guibert de Nogent (1053-1126 env.) raconte dansun passage clbre du De vita sua48que son prcepteur tait trs brutal et luienseignait la grammaire latine avec la plus grande violence ( il maccablaitpresque tous les jours dune grle de soufflets et de coups ) et que sa mre

    vit un jour, avec horreur, mes petits bras marqus de bleus, et la peau demon pauvre dos enfle un peu partout la suite des coups de verges . Elleveut dailleurs interrompre les tudes de lenfant et cest lui, dit-il, qui veutles poursuivre puisquil est destin au clerg depuis sa naissance mme sildevait marriver den mourir . g dune soixante dannes lorsquil rdigeson autobiographie (vers 1114), il trouve cette brutalit normale. Le matrede Giovanni Conversini de Ravenne semble avoir t lui aussi un adepte de lamthode la plus brutale et lauteur sattarde longuement sur les pratiques lesplus sadiques de son matre.

    et Daniel Roche (d.), Histoire des pres et de la paternit, Paris, Larousse, 1990 ; Didier Lett, endres souverains. Historiographie et histoire des pres au Moyen ge , p. 17-40 ; tre pre la fin du Moyen ge, Cahiers de Recherches mdivales dOrlans, Didier Lett (d.), n 4, 1997.

    46 E por ende son de castigar e de azotar en manera convenible, segn la regla de Salomn, quepone en los Proverbios, XXIV captulo, do dice: No quieras tirar la discipliina del mozo ni laprtiga de su espinazo; encrval la cerviz mientras es mozo, porque cuando fuere mayor no seacervigudo ni sobervio . Glosa castellana, II, II, chap. XV, d. cite, p. 512.

    47 Voir la fresque de Benozzo Gozzoli sur Saint Augustin lcole de agaste (San Gimignano,glise SantAgostino) montrant un tout petit enfant, le postrieur dnud, sur les paules dunplus grand, que le matre barbu sapprte fesser avec ce petit fagot. Sur la violence de certains

    matres mdivaux et sur la pdagogique mdivale par la violence, mise au point synthtiquein Danile Alexandre-Bidon et Didier Lett, Les enfants au Moyen ge, VIe-XVesicles, Hachette,Paris, 1997, p. 238-239. Autres exemples iconographiques dans Egle Becchi, Humanisme etRenaissance inHistoire de lenfance en Occident, op. cit., t. 1, p. 160-199, voir p. 178.

    48 Guibert de Nogent, De vita sua, I, 5, d. G. Bourgin et d. et trad. de Edmond-Ren Labande,Autobiographie, Belles Lettres Paris, 1898, p. 31 et p. 39-40.

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    Et l (ce fut un prsage pour toute ma vie) je fus soumis lenseignement deFilippino da Lugo une cole cruelle et pourrais-je dire, de fer qui avait tconfie une classe sous la direction dAlessandro del Casentino, excellent professeur

    de grammaire []. Donc, en supportant la folie cruelle de Filippino sans plier, jeme mis har les lettres et tous les matres. Horace rappelle le Brutal Orbilius 49mais celui-ci ntait pas seulement brutal, ctait le bourreau de ses lves []. Ilsuffira au lecteur que je lui rappelle un seul acte, comme marque indlbile de

    frocit. Un de mes paysans50avait envoy Filippino afin quil tudie avec luiun jeune garon de huit ans, transplant de la campagne aux livres par je ne saisquel mauvais sort. Je ne dirai pas les coups de pieds et les coups dont il abreuvaitle malheureux. Une fois, parce quil navait pas pu lui rpter un vers du Psautier,il le fouetta jusquau sang et tandis que le petit braillait tant et plus, le matre lesuspendit, attach par les pieds, nu (en ralit pour la plus petite erreur, il nousbattait nus afin dtre exposs aux coups de toutes parts) au dessus du niveau deau

    dun puits qui tait et je crois quil y est encore dans lcole de Porta Nuova, gauche aprs tre entr dans la cou. Bien que nous fussions lpoque de lasaint Martin [11 nov.] il insista pour le laisser l jusqu la fin du djeuner [].Imagine, lecteur, les peines quil infligeait aux plus grands, lui qui traitait ainsiun enfant. [] Mais ce gelier nous affligeait en nous faisant supporter les massesde choses apprendre et, dautre part, il nous faisait perdre lesprit par la terreurde sa propre prsence51.

    Il est videmment difficile de saisir la part dexagration, lie lloigne-ment de ces souvenirs dans le temps (Giovanni Conversini est un vieil homme

    quand il crit ce rcit de vie) mais aussi une dformation volontaire destine produire un effet de contraste entre la vieille mthode pdagogique repous-se par les humanistes et la mthode nouvelle quil prne, avec dautres, faitede douceur et dcoute. Jean Froissart, dans lEspinette amoureuse, tmoigne lencore de mthodes violentes, tant de la part du matre de grammaire latineque des parents (ou tuteurs) de lenfant :

    Quand je fus un peu assagi / il me convint dtre plus sage / car on me fit apprendrele latin / et si jhsitais en rcitant / mes leons, jtais battu. / Ainsi, quand je fus

    gav / de connaissances et de crainte / mon comportement changea beaucoup. /

    Et cependant, loin de mon matre / je ne pouvais pas me tenir tranquille. / Je mebattais avec les autres enfants ; / jtais battu et je les battais. / Jtais alors si enrag /que cest avec mes vtements dchirs / qu la maison souvent je rentrais. / Alors onme grondait / Et souvent on me battait, mais sans doute / cela ne servait rien /car je ne me modrais pas pour autant52.

    49 Horace, Lettres, 2, 1, 71.50 Una ruricola meus: le pre de Giovanni avait des proprits dans la rgion de Ravenne.51 Le jeune Giovanni a six ans lorsquil est envoy par son pre, mdecin du roi de Hongrie, auprs

    dune veuve de Bologne qui linscrit dans une cole avec ses propres enfants. Le Graziano citdans ce passage est un frre franciscain, frre de la veuve Giacoma di avernola. Lpisode sesitue vers 1349. Giovanni Conversini da Ravenna, Rationarium vitae, d. V. Nason, Florence,Olschki, 1986 p. 65 sq.Cit dans Patrick Gilli, Former, enseigner, op. cit.,t. II, p. 28.

    52 Ed. A. Fournier, Paris, 1969, p. 49-59, trad. Nathalie Gorochov in Patrick Gilli, Former, ensei-gner, op. cit.,t. II, p. 14-17.

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    Une modration proportionne du chtiment, dj, chez les auteursmdivaux

    Arvalo nest cependant pas partisan dune violence aussi extrme et dansla seconde partie du chapitre, il modre son propos sur lusage de la force,selon lge de lenfant et ses forces physiques : Pour autant, la svrit vis--vis des enfants doit tre applique en proportion de lge et la mesure oppor-tune . Ce chapitre prcise dailleurs ds le dbut : Durant le second ge, quelon appelle puril, les enfants doivent tre duqus et instruits dans la disci-pline et avec la svrit requises, afin que lorsquils seront adultes, ils soientcapables dviter les vices . Pour les humanistes, le chtiment physique doittre rserv sil est vraiment indispensable aux seuls pueri, enfants entre 7et 14 ans ; avant sept ans, lenfant na pas alors pleine conscience de ses actes(cest linfansdraisonnable) et il ne saurait comprendre la porte du chti-ment ; aprs quatorze ans, il est peu recommandable de chtier des adoles-cents avec des mthodes infantiles alors quil sagit den faire des hommes53.

    Dautre part, dans le chapitre cinq, Arvalo avait dj indiqu que leprcepteur devait tenir compte de la constitution physique mais aussi desdispositions intellectuelles naturelles de chaque enfant pour moduler lap-prentissage et la svrit applicable chacun :

    Avec le plus grand soin, les prcepteurs doivent prter attention en premier lieu la constitution physique des enfants, parce que cest de leur caractre et de nombredautres choses quils dduiront sils sont obtus ou desprit lent, ou bien ils conna-tront facilement si leur sagacit et leur intelligence sont aiguiss. Une fois ceci connuavec vidence, il deviendra manifeste avec quelle svrit ou quelle modra-tion ou indulgenceil leur faudra agir concernant les enfants. Car les lourdaudsdoivent tre duqus dune certaine faon, et les subtils dune toute autre manire54.

    Autre facteur de modulation, la gravit de la faute commise. Arvalosouligne que cette svrit doit tre modre dans la mesure quexige la

    nature des faits, car bien souvent, si on lexerce de faon indiscrimine,elle peut produire un grand prjudice. Par consquent, il faut tre modrdans la svrit contre les enfants, y compris lorsque, apparemment, ils sontsuspects , et enfin ainsi, mme si la svrit paternelle sans excs estrecommandable pour les enfants, cependant il faut approuver lindulgence, condition que lordre ncessaire soit maintenu 55.

    Un sicle plus tt, Juan Manuel laborait dj un plaidoyer en dfaveurdu chtiment corporel dans lexemple XXI du Conde Lucanor: en effet, touten reconnaissant quen thorie, lenfant na pas de meilleur ami au monde

    53 J. Villa Prieto, La educacin de los nios pequeos , op. cit.,p. 106.54 Brevis tractatus Sur quels principes se fonde le devoir des prcepteurs. Chapitre cinquime. Ce

    chapitre nest pas directement inspir de Plutarque.55 Brevis tractatus, chap. 7 (voir annexe).

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    que celui qui le chtie pour son bien , il risque de prendre celui qui tente dele corriger en grippe et de ne plus jamais accepter la moindre rprimande oule moindre conseil de sa part. Lducateur doit donc trouver des exemples ou

    des paroles avises, voire louangeuses pour faire passer son propos ducatif,mais en aucun cas il ne doit se risquer battre lenfant surtout, prcise-t-il,si ce dernier est de haute naissance 56. La rprimande ne doit donc pastre seulement adapte lge de lenfant mais aussi son statut social, ideprsente chez les anciens, et les humanistes.

    Mme parmi les plus svres pdagogues mdivaux, lusage de la fruleest quand mme rglement ou du moins tempr par certaines normessociales ; ils recommandent de tenir compte de lge de lenfant57 et de ne

    pas martyriser les enfants, mais surtout dutiliser la peur de la baguette. Lesparents ou les matres doivent aussi apprendre se retenir et ne pas frapper tort ou raison. Cest surtout chez un proto-humaniste comme Jean Gerson(1363-1429) que lon trouve la rprobation des coups58; il compare lenfant une plante fragile qui a besoin de soins et de libert pour grandir, vieille imagequi remonte en fait saint Anselme, au XIesicle ; Gerson estime quil ne fautpas les corriger avec trop de rigueur et surtout sans se livrer lamertume et linjure dans la rprimande :

    Comment pouvez-vous esprer tre lami des enfants, le confident de leurs petites

    peines, de leurs chagrins et de leurs secrets ? Vous pourrez les consoler et leur donnerde sages et salutaires conseils si vous souriez leurs joies, leurs jeux et si vous louezleur zle et leurs efforts. Mais surtout, vitez lamertume et linjure dans la rpri-mande : car il vous faudra bien faire sentir que vos reproches ne sont pas inspirs

    par la haine mais bien par une amiti profonde et fraternelle59.

    Or, Gerson crit lextrme fin du XIVesicle, avant la floraison des traitshumanistes sur le thme. A-t-il dj pu lire les auteurs antiques ou sagit-ilsimplement de bon sens humain ?

    56 Don Juan Manuel, Conde Lucanor, d. Jos Manuel Blecua, Clsicos Castalia, Madrid, 1969,ex. XXI, p. 131-135.

    57 Une miniature du Livre de Proprits des chosesde Barthlemy lAnglais montre que lon peututiliser les verges, mais seulement partir dun certain ge, selon la lgende qui laccompagne :

    Quand lenfant est hors du lait et quil commence entendre malice et tre en peur dessousla verge .

    58 Voir Franoise Bonney,Jean Gerson et lenfance, thse de 3ecycle dactylographie, UniversitBordeaux 3, 1972.

    59 Jean Gerson, Devoir de conduire les enfants Jsus Christ, cit in Paul Vasseur, Protection delenfance et cohsion sociale du IVeau XXesicle, LHarmattan, 1999, p. 95-96.

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    Faut-il chtier les enfants ? 33

    La question de la svrit et des coups chez Plutarque, Quintilien et leshumanistes italiens du XVesicle

    la diffrence du Brevis tractatus, qui justifie les coups tout en en modrantlusage selon les circonstances, les humanistes italiens les rprouvent unanime-ment. Ainsi Giovanni Conversini prconise une mthode faite de douceur etde mansutude :

    Ceux qui croient que pour duquer les enfants dans les lettres, il faut recourir des punitions cruelles, se trompent. Avec la modration et la douceur, les matresobtiennent plus, car si lon use de la douceur et de quelque compliment, lmedes nobles sentiments sallume et suit volontiers la route o la conduit la main delducateur. En fait, tout comme laffection du malade pour son mdecin contribue

    sa gurison, un matre aim est cout avec plus de plaisir, est cru avec plus deconfiance et ce quil dit est imprim plus profondment []. Qui enseigne devraittre doux et tranquille, devrait amener les enfants venir en classe au lieu de les ycontraindre et, de la mme faon quil convient que les seigneurs des cits cherchent se faire aimer plutt que craindre, le matre, dans sa communaut scolaire,devrait se soucier dtre lobjet damour plus que terreur []60.

    Ces ides, qui ne sont pas totalement nouvelles, se fondent chez les huma-nistes sur la lecture des deux grandes auctoritates redcouvertes au dbut duXVesicle. Pour sen convaincre, il suffit de comparer les passages que Plutarque

    et Quintilien avaient consacrs la question, et qui sont reprises, par exemple,par Maffeo Vegio61.

    60 Cit dans Patrick Gilli, Former, enseigner, op. cit., t. II, p. 28.61 La mme comparaison aurait pu tre mene avec dautres auteurs humanistes, tant ces ides

    sont alors dans lair du temps (E. Garin) ; p. ex. Matteo Palmieri et sa Vita civile(entre1431-1438) cite dans E. Garin, Limage de lenfant , op. cit., p. 244 : l encore, lauteurplaide pour une gradation progressive de la rprimande la punition. Lon Battista Alberticrit la mme chose dans I libri della famiglia : Il faut que les enfants aient redouter lematre, mais pas dtre battus ; et le prcepteur doit veiller ne pas laisser ses lves errer, aulieu de les battre . Cit par E. Becchi, Humanisme et renaissance , op. cit.,p. 197, n.134.

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    Sophie Coussemacker34

    Plutarque Quintilien Maffeo Vegio I, 16Cest ainsi que jai une autrerecommandation faire. Il fautamener les enfants la pratique

    du bien par des exhortations,des paroles, et non pas, grandsdieux, par des coups et desmauvais traitements (je passesous s ilence lindignit dunpareil systme, applicable plutt des esclavesqu des jeunesgens de condition libre). A cergime l enfant devient commehbt, et il prend le travail enhorreur, tant cause de lasouffrance des coups qu la suitedes humiliations.

    La louange et le blme sont plusefficaces que tous svices sur desenfants de condition libre. Lalouange les encourage au bien, leblme les dtourne de ce qui esthonteux. Il faut, par lemploisuccessif et vari desrprimandes et des loges, tantt

    leur faire honte en les reprenantsils se laissent aller laprsomption, tantt les releverpar des encouragements.Ainsi le pratiquent les nourrices,qui, aprs avoir fait pleurer lespetits enfants, leur prsententensuite le sein pour les consoler.

    Il y a une chose que je condamneabsolument, quoique lusagelautorise et que Chrysippe ne la

    dsapprouve pas : cest defouetter les enfants. Dabordcest un chtiment bas etservile; et lon ne saurait, aumoins, disconvenir qu toutautre ge ce serait un affrontcruel. Ensuite, lenfant assezmalheureusement n pour queles rprimandes ne le corrigentpas, sendurcira bientt auxcoups comme les plus vilsesclaves.Enfin on naura pas besoin de

    recourir ce chtiment enplaant prs de lenfant unsurveillant assidu, charg de luifaire rendre compte de sestudes ; car on peut direquaujourdhui cest plutt langligence des pdagogues quonpunit dans les enfants,puisquon les chtie, non pourles forcer bien faire, mais pournavoir pas fait. Au surplus, sivous traitez ainsi l enfant, queferez-vous au jeune homme, quevous ne pourrez plus menacer dece chtiment, et qui vous aurez enseigner des choses plusimportantes ?Ajoutez cela que la douleur oula crainte leur fait faire deschoses, quon ne sauraithonntement rapporter, et qui netardent pas les couvrir dehonte. Oppresse pardignominieux souvenirs, l mesattriste jusqu fuir et dtester

    la lumire.Que sera-ce, si lon a nglig desassurer des murs dessurveillants et des prcepteurs ?Je nose dire quelles infamies seportent des hommesabominables par suite du droitde chtier ainsi les enfants, ni lesattentats dont la crainte de cesmalheureux enfants estquelquefois une occasion pourdautres. Je ne marrterai pasplus longtemps sur ce point ; on

    ne ma que trop compris : quilme suffise davoir protest quilnest permis personne de tropentreprendre sur un ge faible, etnaturellement expos auxoutrages.

    Ne pas apeurer les enfants avecdes menaces et des coups.Il ne faudra faire quun usage

    trs limit des menaces, desinsultes et des coups. Cest uneerreur trs frquente chez lesparents que de croire quemenaces et coups apportent unegrande cont