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Re 14 Frs ~-I pK Interview ELLIOTT MURPHY JOHN COUGAR t MELLENCAMP Interview LITTLE BOB

RockBallad1

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Re 14 Frs ~-IAQL, pK Interview ELLIOTT MURPHY

JOHN COUGAR

t MELLENCAMP

Interview LITTLE

BOB

EDlTORlAL Ainsi donc, une nouvelle revue arrive sur le marché déjà fourni de la presse rock française. Pourtant, malgré cette efferves- cence médiatique, aucune publication n'est jamais parvenue à nous satisfaire pleinement : entre la lecture des dinosaures essouflés et discrédités par leurs multiples compromissions (suivez mon regard), et celle des fanzines se sentant parfois investis d'une mission de gardiens du temple rock, subsistait toujours la désagréable impression de rester sur notre faim. Bien sûr, par-ci par-là, un article, une interview, une chronique de disques attiraient notre attention et nous laissaient espérer un prochain numéro plus conforme à notre attente. Ce sentiment d'insatisfaction nous a poussé à nous lancer dans cette aventure parsemée d'embûches mais exaltante qu'est la création d'une revue. C'est donc à notre tour d'essuyer les reproches. Pourtant, nous estimons que le jeu en vaut la chandelle, dans la mesure où la ligne de conduite que nous nous sommes fixés nous confère une double spécificité : 1) Rock Ballad traitera notamment de tout un secteur de la musique rock ignoré ou dénigré, à savoir la pop ; recensez les articles parus dans la presse française sur Dramarama, les Shoes ou les Bongos : on les compte sur les doigts d'une main. 2) Rock Ballad ne fera aucune discrimination, dans ses chroni- ques, entre les disques sortis en France et ceux importés. Pourquoi en effet confiner dans l'anonymat (ou expédier en trois lignes) des disques de grande qualité, sous prétexte d'un pressage non estampillé <<bleu, blanc, rouge. ? C'est au nom de cette logique absurde qu'ont été passés sous silence en 1986, deux albums importants, .Sangs from the film,, de Tommy Keene et (cRun>, des Windbreakers, alors qu'un minimum d'ef- forts permettait de se procurer ces pépites. Pas de sortie française, donc pas de critiques, donc pas d'informations, donc pas d'acheteurs : un cercle vicieux qui maintient des gens de talent dans l'ombre. Briser ce carcan relève de la plus grande urgence. Rock Ballad se veut aussi une revue soignée et attrayante, possédant de nombreux repères via plusieurs rubriques, dont le nom et la fonction renvoient à un titre d'album (amusez-vous à en reconnaître les auteurs) : ainsi, <,Everybody's in show biz,, vous informera des faits les plus intéressants de l'actualité rock, ~Jumpin'in the night- rendra compte des concerts, .01d waysn portera un regard vers le passé, <<New morning,, vous fera découvrir de nouveaux talents, -Turn ! Turn ! Turn !- vous proposera une sélection de 33 t. et de 45 t., et ~Reckoning,, vous permettra de connaître, d'un seul coup d'oeil, l'appréciation de l'équipe rédactionnelle sur les L.P.'s chroniqués dans le mëme numéro. Enfin, nous comptons sur votre enthousiasme pour vous abon- ner et faire connaître Rock Ballad autour de vous.

ROCK BALLAD asaemue

&bée pr r-ation

RakBÎllad BI'. ü

33007 B O R E A L X CEDEX

**********

r' & h p b k a t i o n :

Mm- Noanomnrion pariciire : en cours

Imprimerie : Lm .Unirai du Papier

Avenu dc Paris - B.P 13

336210 C--i\-IG.\L4C

Ont cdhbmé à cr numéro :

Jem-Charks DL-BOIS

Bernard F w n -

Domniiqu L4G;IRDE

CZrilc . W B E . - 1 L'

J d RL7Z

Gdks RC-OPOU

Ln -nand merci à :

C h u & BIELTKIS

Jarni-Michel PETIT

***********

Tom àroits de reproduction réservés

pour tous pays. Les documents reçus

ne sont pas rendus et leur envoi

implique l'accord de l'auteur

pour leur libre publication.

50, rue de l'Arbre-Sec 75001 Paris - Té1 : (1) 42.97.4235 Métro : Louvre Ouvert du lundi au samedi de 10 h 30 à 19 h

Le rock à toutes ces époques (des 50's aux 80's) et dans tous ses genres (country, R & B, Tamla, Pop, New wave, Français).

Copyright ROCK BALLXD

SOMMAIRE Editorial 2

Everybody's in show-biz 4

Bernard FRETIN

Jumpin'in the nigllt

Mr MOONLIGHT 5

Jean-Charles DUBOIS

FESTIVAL DE BLAYE 5

Dominique LAGARDE

En couverture :

ELLlOïT MURPHY à

Saint-Brieuc le 24/11 /84

(photo Guy KINDBEITER)

Visions of tlze night 6

Bernard FRETIN

Unprince charmant 7

Bernard FRETIN

CELIBATE RIFLES 10

Cécile MIREBEAU

ROAD RUNNERS 12

Bernard FRETIN I

LlïTLE BOB 14

Dominique LAGARDE

JOHN COUGAR MELLENCAMP 16

Gilles RUOPOLI

Old ways

HOUR GLASS

R.S.

DRAMARAMA

José RUIZ

New Morning :

EDDlE RAY PORTER 22

Cécile MIREBEAU

Tirrn ! Turn ! Turn ! :

Chroniques 33 tours 23

Chroniques 45 tours 29

Reckoning :

Les cotations de Rock Ballad 31

Le prochain numéro et

les tarifs de Rock Ballad 32

Ce numéro est spécialement dédié à José RUIZ sans qui cette revue n'auraitpas vu le jour.

Rock Ballad no1 - Septembre 1987

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Les Surrenders Iravliillent actuellement à la maqucttc de leur prochain album. Feront-ils eThe loner~ de Neil Young qu'ils jouent désormais sur scène ? En attendant, leur mini L.P. nStay overnight~ sort en Espagne chez Maryliu Records et en Aus- tralie chez Au Go Go Records. Ces der- niers éditent également un single avec eLoaded dice>, en face A et une version live de eCinnamon girls (toujours Neil Young !) en face B. Adresse du Surrenders fan-club : Jean-Charles Dubois, 13, rue Pauline-Kergomard -33150- Cenon i Le numéro 2 du fanzine de B.D, Experiment 87, comprend des interviews des dessina- teurs Sanalzujas, Morchoisne e t Raoul Kep- chup. Il est en vente par correspondance, contre un chèque de 13 F. à l'ordre de Olivier Belrose, 4 rue Eugène-Ducrétète -51100- Reims Glenn Tillbrook et Chris Difford, leaders de Squeeze, ont recruté Andy Metcalfe, ancien bassiste du groupe de Robyn Hitchcock, Les Egyptians. 11 y joue des claviers aux côtés de Jools Holland qui s'occupe plus spécialement du piano i Les Windbreakers viennent de sortir un album ~Differenf sort* sur le label améri- cain D.B.Records, avec de nouveaux mem- bres, Tim Lee restant seul aux commandes depuis le départ de Bobby Suriif La bande originale du film .La Bambax com- prend, outre des morceaux de Los Lobos, une reprise du nCrying, waiting, hopingn de Buddy Holly par Marshall Crenshaw m La rentrée sera, entre autres, placée sous le signe de Little Bob Stoty : d'abord un 45 tours avec une version du célèbre <<Hwhu, puis un nouvel album *Ringale- vio~>, le premier depuis trois ans qui sort en disque ,en cassette et en compact, enfin une tournée française ! Adresse du fan-club Little Bob Story : B.P 76 -33016- Bordeaux Cedex Les Replacements ont un nou- veau guitariste en la personne de Bob eSlim>> Dunlop, ami du groupe, qui succède ainsi à Bob SINlson. MTV, la chaîne de télévision américaine consacrée à la musi- que, refuse de passer leur vidéo <The led- ges à cause du thème de cette chanson, qui traite du suicide Le prochain album de Let's Active devrait sortir en début d'année prochaine, et ne sera pas, en principe, pro- duit par son leader Mitch Easter Tom Stevens, bassiste des Long Ryders, a quitté le groupe, dont le remarquable premier mini L.P., CIO-5-60>, a été réédité par le label anglais Z i ~ o o avec une pochette légèrement

hl! h l O O N I . I ~ i l l ' l ~ ( p h o r o Patrice Lalroii)

remaniée, et un inédit, *The Tr ip . Adresse du Long Ryders International Fan-Club : P.O. Box 266, Hollywood, C.A. 90078, U.S.A. Les angelinois font également l'objet d'un fanzine, <<The Long Wytern, que l'on peut se procnrer en écn- vant à son auteur : Glenn Minderman, Nachtwachtlaan 345, 1058 E.M., Amster- dam, Holland L'ancien Byrd Gene Clark a sorti en compagnie de la chanteuse des Textones, Carla Olson, un nouvel album d o rebellious a lovera, paru en Angleterre chez Demon La suite de la biographie de Bruce Springsteen, écrite par Dave Marsh, est enfin parue. Le second volume s'intitule «Glory days : Bruce Springsfeen in the 1980'sn Espérons qu'il aura droit, comme son prédécesseur, a une traduction française. Quant au boss, il poursuit I'enre- gistremqt de son nouvel album à Los Angeles, avec notamment des musiciens de country m Une vidéo-cassette de R.E.M. d'une durée de cinquante minutes est actuellement commercialisée. Intitulé eSuccumbc~~, elle regroupe des clips tirés des albums et des extraits de concerts. Le nouvel album ,,Documenrs. produit par Scott Litt (qui a notamment travaillé avec les d B's et Katrina and the waves), a été enregistré à Nashville et son ce mois-ci i La compilation publiée par le label anglais Bam Caruso. ~Meanwchiie back at the ranch big Dan isfghting for his lifen (ouf !) comprend un titre inédit des Fortunate sons . 11 s'agit d'une reprise d'une chanson de P. F. Sloan, d in s of the familyi m Déci- dément, David Ge f fn , président de la compagnie de disques qui porte son nom, et à laquelle appartient Neil Young, ne fait pas de cadeau à ce dernier : aprts lui avoir reoroché. il v a oeu. de commettre des

albums non comnierciaux, il s'oppose maintenant à une reformation de Crosby, Stills, Nash et Young si le disque en résul- tant ne paraît pas sur son label. Or, Neil Young devant encore deux L.P.'s à Geffen et ses trois anciens partenaires étant sur Atlantic, on peut penser que cette réunion ne se concrétisera pas (au niveau vinylique du moins) avant un bon moment, d'autant plus qu'un arrangement entre les parties concernées semble improbable. Ce que d'aucnns se réjouiront ... Contact Mr MoonligM : 253, nie du Fond du Val, 76770 Houpenlle (Té1 : 35.59.17.06) Le re- marquable magazine anglais <Bucketfull of brains~ a sorti un numéro spécial retraçant l'histoire des FlaminlGroovies et vendu avec un titre inédit (excellent) sur flexi-disc pour Le prix de f 1,80 payable à ~Bucketfull of brainsn, 70 Prince Georges Avenue, Lon- don SW20 8 BH Le dernier album de Prince est déjà soldé a Austin, Texas, pour cause de mévente. Quel plaisir de savoir qu'il existe encore des contrées où I'exhibi- tionnisme et les pseudo-talents ne font pas recette ! m Participant au concert de soutien aux vétérans du Viet-Nam, donné à Was- hington le 4 juillet dernier, John Fogeriy a fait sensation en revenant sur sa décision de ne plus jouer les chansons de Creedence Cleanvater Revival. Le public a ainsi pu apprécier <Born on the bayou,,, «Who'll stop the rains, eUp amund the bendz, <<Bad moon risingu, nFortunate sonn et eProud Mary* Les amateurs de rockabilly ne tarissent pas d'éloges sur le groupe borde- lais les Frégatesl qui joue impeccablement le rock des années 50 et a le bon goût de ne pas reprendre les classiques déjà entendus dix mille fois. Contact té1 : 56.91.10.06 ou 56.97.77.48 I.R.S. a sorti aux U.S.A. un album ~~Athens , GA Inside / Out., bande sonore d'un documentaire sur la scène d'Athens, Georgie. Le L.P. regroupe des enregistrements live et studio de groupes locaux : on y trouve, entre antres, des inédits de R.E.M. (nouvelle version de <<Swan swan H* et reprise acoustique du nAll 1 have to do is dream» des Everly Brothers), Pylon et Love Tractor On aimerait bien entendre très prochainement les nouvelles chansons de Richard Baronc et James Maslro, les deux compositeurs des Bongos, dont rien n'est paru depuis janvier 1985, date de leur dernier L.P., <<Beat hot el^.

Bernard Fretin

JUMPIN9 IN THE NlGHT

MISTER MOONLIGHT (24 juin 87 - Bordeaux Luxor)

1962 - Sur la scénc du Star Club d'Ham- bourg, quatre garsons pas encore dans le vent nasillent leur version de «Mr Moorl- 11ghfs. . 1987 - Mr Moonlighi encore, et cette fois c'est le noiii du groupe qui se présente au Luxor à Bordeaux. Mr Moonlighi s'est créé en janvier 1986 à Rouen ; au début. c'était une bandc de copaiiis qui jouaient dans les clubs, piano- bars ... et puis, cette année ils décident de foncer à cent à I'heure.dans des comliosi- tioiis qui sont dans l'esprit de Springsleert, Tlie Alnrrii, ou Paul Collins Beai. Pour l'heure, leur plus grand titre de gloire est une premikrc partic des Fleshtones à Rouen. En cette fiii juin donc. ces musi- ciens passent par Bordeaux. Pour nous mettre à l'aise, ils attaquent par deux reprises d'affilée des Preliy Tlzings pour ouvrir Ic set : d o r l ' i hring me down>> et eMidniglii io sir mon,>. Puis, ils nous halanceiit trois originaux, pleins de puiicli et composés dans l'esprit : ~ F S E I I C ~ ki.s.~», "Giin~ilr soiiie frietidshipa et ~~liziiznre O/

yoar Ioi 'e~. La rytliinique est siipcrhe et sans faille, assurCc par Larrrcrlr Pardo à la basse et Yves Duritu à la batteric. losé Butez assure la lead guitar e t le iiioiiis qu'on puisse dire est qu'il a beaiicoiip écouté Alvin Lee à I'Cpoqiie où il n'était pas pCjoratif de parler dc Te11 Yeors Aper ; il partage les vocaux arcc I'atrich Prote, uii jeune guitariste har- ii~oiiiciste qui fait craquer les nanas. Ces gars-là adiiiettent qu'ils sont contami- iiés, ils savctit trouver le refrain qui accro- che ou le giiiiiiiick qui vous secoue. Retour au concert avec <<Glorio>~, oui, le <<Gloria>> de 71re1,1, et dans la foulée «The lnsi iirite. des Stoiies en version speedée. Et encore des compas du groupe *Make i~r~ /ee I nlrighir. Si c'est vrai ! et CI rried)> et eMorylin>> ... Dans la sallc, la teiision cominence à mon- ter salement. Les bons vieux classiques reprennent vie : *Do yorr love nie22 (repris entre autres par les Soriics) avec des Iiarmoiiies vocales à la Beatles, d'ailleurs, ils enchaînent sans temps mort sur «Twisi and shout». Puis, le dernier original «Rock'n'roll Dadu. Avec les rappels, c'est véritablement un

deuxième concert qui redémarre : ~Wham- mer Jammeri, instrumental bluesy de J. Geils Band(avec nMngic Pairickn à I'har- monica !), ,<Boom Boomx de J.R.Walker que le public chante en choeur et égale- ment qDirry wniera des Standells. Mais le meilleur est encore à venir : un petit riff du meilleur cru et c'est, mais oui, eRefried Boogier créé par Catined Heai, I'hyinne de Woodstock. Comme il se doit, ce morceau s'étend sur plusieurs minutes, soli de guitares, d'liarnionica, passage parlé délirant scandé par les mains de tous les spectateurs hallucinés.

Mais au Luxor, le temps est compté. et c'est sur un blues acoustique à la slide et à l'harmonica qu'ils nous achèvent, et per- sonne, réellement personne n'a envie que Fa cesse. C'était vraiment un des meilleurs concerts de l'année à Bordeaux, tant le dialogue passait bien entre le groupe et son public. Gageons que ces quatre là sauront faire leur chemin. Pour river définitivement le clou. j'ajoute- rai qu'il leur arrive de faire aussi une cover de SVUSAB de Paul Collins et Peier Case. e t à cela, no comment !

Jean-Charles D ~ ~ b o i s

FraiiçoisP~;iiidolii ct Rohcit<, lDi:i,.~:i

(photo Gilles Ruopoli)

FESTIVAL DE BLAYE 17 juület 1987

La citadelle de Blaye offrait son cadre prestigieux pour ces deux soirées de Festi- val Rock, sorte de revue d'effectif d'une partie de la scène rock fran~aise sous la protection des murs de Vauban. Relative- ment distrait par la beauté du site, j'ai repris mes esprits à temps pour écouter Kid Pharaon and the Lonely Ones présen-

ter quelques uns des nouveaux morceaux qui figureront sur leur premier album. Les Bordelais ont assuré un bon set devant uii public pas encore au complet ; peu de temps pour souffler avant le passage des Désaxés qui m'ont trks vite donné I'occa- sion de retourner visiter les fondations et de faire une petite visite aux marchands du temple. Le point fort de la soirée allait être fourni par la prestation des Road Runners ; sachant parfaitement occuper une grande scène, les rockers d'Evreux m'ont fait une iinpression énorme, même s'ils n'ont pas joué tous les titres du mini L.P. &eep B e e p (adieu ~ B a b y Bees et ~Jealoris of ÿour Mirroru).La complémentarité des Road Runners est parfaite entre leur disque mélodieux produit, et la fougue qu'ils déploient sur scène, avec un François Pari- do@ particulièrement speedé, même s'il se plaisait à reconnaître que nous avions seu- lement vu le côté aWithout Tequila,, des Roud Runners. Pour tout arranger, la pluie qui commen- sait à tomber a fourni au groupe I'occasioii d'entonner un «Umbrella~ pas du toiii déplacé, même si l'on aurait souhaité qu'une distributioii de ces engins ait lieu. Au rayon des reprises, cuViona~~ et ~ H e y Gyp>> sont venus annoncer le clou du show, celui que tout le monde attendait, Roberio Piazza alias Little Boh, producteur e t fan des Road Runners ... après avoir été leur première idole. Les classiques brûlants ont alors défilé d o m e see meo, eLilile Latin Lulle Lus, ~ ~ B r i n g it on home IO me>, #Play wiii~ fire», nBoom Boom*, «Tm crying» et <<Lucillea, le tout court e t violent comme de bien entendu, juste le temps pour Bo6 d'annoncer la sortie de son disque d'au- tomne et de s'en retourner récupérer en salle des gardes. L'allégresse et I'afflueiice (environ 2000 personnes) étaient alors à leur comble pour le passage des Baimen, un long set qui m'a surtout donné envie de revoir les dauphi- nois dans le cadre plus propice pour eux d'un petit club. Tard dans la nuit, les torches brûlaient encore le long des che- mins de ronde, mais les assaillants, au lieu d'arriver par la mer, avaient simplement franchi le poiit levis pour bombarder le tapis d'herbe fraîche de canettes dégoupil- lées. Merde à Vauban !

Dominique Lagarde

ELLIOTT MURPHY Elliott MURPHY est véritablement un artiste à part dans le monde du rock : pas tout à fait star, en raison d~ son impact commercial limité, mais star jusqu'au bout des ongles, eu égard à une discographie sans faille ou brillent de mille feux, huit albums majestueux. Cette marginalité est probablement inscrite dans le personnage Murphy : son élégance naturelle, ses mélodies racées et ses textes raffinés ne correspondent guère à l'attente de la majorité du public rock. Mais Elliott Murphy ne s'arrête pas à ce genre de considérations et poursuit, contre vents et marées, son petit bonhomme de chemin. Personnage clé des années 70, il regarde droit devant lui et se sent parfaitement à l'aise dans le rock de 1987. Et pour cause : sa musique est hors du temps, ce qui n'empêche pas Elliott Murphy d'avoir les pieds sur terre (ou plus exactement sur scène) en venant saluer l'Europe pour une tournée de deux mois. <<ROCK BALLAD» était, bien sûr, présent au rendez-vous.

VISIONS OF THE NlGHT <<Milwaukee Tour,, ou le grand retour sur scène d'Elliott Murphy : une trentaine de dates à travers l'Europe pour une tournée se déroulant essentiellement en %&de, en Espagne et en France. Soit les trois pays du vieux continent les plus actifs lors des der- nières productions discographiques du new-yorkais ; rappelons, en effet, d'une part que les deux premiers pays à avoir sorti <<Murph the s u f i ont été la France et la Suède, et d'autre part, que <Milwaukee» bénéficie en France d'une édition en disque compaci (merci New Rose), et en Espagne, d'une pochette double incluant une superbe photo de concert. Tous ceux qui ont vu Elliott Murphy sur scène peuvent témoigner de l'exception- nelle chaleur qui se dégage de ses concerts. Celui qu'il donna ce samedi 6 juin 1987 à Bordeaux (ou plus exactement, ce diman- che 7 juin, le set ayant débuté à Oh 45 !)ne dérogea pas à la règle. II s'agissait des grandes retrouvailles d' Elliott Murphy et de son fidèle bassiste Emie Brooks, avec le public bordelais qui n'avait pas eu l'occa- sion de les applaudir depuis leur concert mémorable du 14 janvier 1983 dans la salle des fêtes du Grand Parc. Cette fois, le cadre était plus intime en raison de la relative exigüité de la salle du Performan- ce, où quelques trois cents personnes avaient répondu à l'appel. Il incombait aux Valenrino d'assurer la pre- mière partie de la tournée française ; les quatre Caennais s'acquittèrent honorable- ment de cette tâche, même si le studio leur convient mieux. Une demi-heure après, arrive enfin 1' Elliot Murphy Band dans une composition remaniée par rapport à l'enregistrement du dernier album c,MiIwaukee~~ : exit le batteur Jesse Cham-

berlain et Art Labriola, dont les interven- tions aux claviers sur <Milwaukee,> ue sont pas toujours judicieuses. Seul, Jesse Cham-

Elliotr bliirpiiy (photo G u y Kiridlieitzr I

berlain a été remplacé. et i'heureu~ élu s'appelle Lewis King. Quant à Ellion i i f r r - phy, et Ernie Brooks, ils restent fidèles à leur image, celle des rockers élégants : le premier apparaît tout de noir ré tu . le second porte un tee-shirt blanc et un panta- lon de cuir noir.

Le trio débute le concert par une petite surprise : une version électrique de <Change will comew, pendant idéal de la splendeur acoustique figurant sur le mini

L.P. de 1980, <Affairsg. Dans la foulée, Ellion enchaîne sur di'inners, losers, beg- gars, choosers~ et dister real., pendant lesquels Ernie Brooks se joint à lui pour chanter les refrains. Suit un «Out for the külinp tendu, mettant en valeur la remar- quable cohésion du trio, ici mené de main de maitre par le sobre mais efficace Lewis King. Avec une rythmique aussi solide, Elliott peut donner libre cours à son inspi- ration et se fend d'un solo incendiaire au

beau milieu du morceau. Bien que peu représentatif de son répertoire, nOut for ihe killing. est largement applaudi, ce qui incite Elliott Murphy à s'adresser, pour la première fois de la soirée, au public, dans un français quelque peu hésitant : nMerci beaucoup Bordeaux.. . Fait chaud,, (tu n'y es peut-être pas pour rien, Elliott !). Les premiers accords de J n s t a stnry h m American nous ramènent à la période où tout semblait encore possible quant a une carrière dorée (commercialement parlant) pour Elliott : dix ans déjà ont passé mais toujours est-il que ce morceau, comme l'album du même nom d'ailleurs, reste de première bourre et que le groupe le joue avec une conviction qui fait plaisir à voir. Mais Murphy se conjugue également au présent et *Rnnnin' aronnd*, avec son solo plaintif, démontre aux sceptiques (il y a des blasés partout et peut-être même sur- tout dans la rock-music) que l'inspiration est toujours au rendez-vous. Au cas où certains n'en seraient pas encore cnnvain- cus, rebelote avec <Par@ girls and hroken poetsx, où Elliott avalele début du refrain : <Out wi~k a bad boy ... Out witk a badgirb,. Les premières notes d'harmonica du mor- ceau suivant ne laissent planer aucun dou- te : c'est bien d'wAnasfasia* qu'il s'agit. On a parfois l'impression d'assister à des moments vraiment privilégiés, dont on sait qu'ils se reproduisent très rarement. C'est le cas, ce soir avec nAnaîtasia2 ; jamais je n'oublierai le visage illuminé et boulever- sant d'Ellion Murphy pendant ces quelques minutes où il se trouvait en véritable état

de grâce. Un tel degré d'intensité est forcé- ment suivi d'un moment de décompres- sion ; Ellion le sait parfaitement et en profite pour accorder quelques secondes de détente à la salle : .Maintenant, je voudrais chanter une nouvelle chanson. Vous me comprenez . . . p arfaitement ?» C'est incroyable mais.. . Elle s'appelle sMany can read (Few can reason)~. S'ensuit un rock superbe, ponctué de aHey, heyn des deux acolytes et traversé d'un solo rageur d'El- liou, qui précise : prochain albwnx. Ce qui laisse bien augurer de l'avenir ! Notons d'ailleurs que le groupe a joué, durant cette tournée, un autre titre inédit, ~ E y e s of the children of Mariau, dont le public bordelais fut, hélas, privé. En attendant, celui-ci se délecte d'un eYnu got it made» joué avec un immense plaisir et largement communicatif, à en juger par la formidable ovation qu'il recueille. Retour au dernier album, avecsonmeilleur morceau niag gara fallsw, où Emie Brooks fait apprécier une superbe partie des basse. Le reste du concert sera constitué de classi- ques murphiens : tout d'abord xLast of the rock stars», que le groupe joue pratique- meut à chaque set. C'est ensuite au tour de «Rock Ballad. (ne vous demandez plus d'où vient le nom du magazine que vous tenez entre vos mains) au cours duquel Ellion prend un long solo nerveux et sacri- fie à la traditionnelle présentation de musi- ciens. C'est aussi l'occasion pour Elliott Murphy de se lancer dans une improvisa- tion chantée qui l'amène à évoquer le sou- venir d 'Ob Redding. Le trio quitte alors la

Ernic Brooks et Elliott Murphy (plioto Gu" Kitidbeiter)

scène et revient pour un rappel de rêve : xDiamnnds hy the yardr, emmené par un Ernie Brookr impérial. Ceux qui connais- sent les paroles par coeur auront noté un «Muddy waters playing blues guita»> à la place du <<Old black man playing blues guitar~, du texte original. Le groupe enchaîne sur <Drive a11 nighb où s'entre- mêlent quelques paroles du <The wasp>~ des Doors puis, les accords du «I'm a1lright.v des Rolling Stones. Elliott conclut par un <Merci beaucoup Bordeaux. You're the bestx, et le groupe se retire définitive- ment. Le *Route 66» prévu au départ ne sera finalement pas joué, le D.J. du Perfor- mance rappelant que la fermeture de la salle aurait déjà du avoir lieu depuis un bon moment. A cette frustration s'ajoute celle du cadre austère dans lequel s'est déroulé le concert : deux spots rouges et blancs pour un artiste de cette envergure, c'est vraiment regrettable. Sans réclamer un véritable light-show, j'estime que de telles circonstances requièrent un éclairage décent, dont tout le monde a pu constater l'absence ce soir-la. Quoi qu'il en soit, ce concert qui reste un des meilleurs souvenirs de ce ~Milwaukee Tour>>, aux dires d' Elliori Murphy lui- même, offrait retrospectivemeut un bien beau panorama de sa carrière : tous les albums, hormis «Los/ generationu, ont été représentés avec, c'est normal, une préfé- rence pour le dernier L.P., dont cinq titres ont été joués, suivi de près par «Jus/ a story from Americax avec quatre chansons. Cette tournée constituait, sans nul doute, un des temps forts de cette année et j'espère vrai- ment que vous n'avez pas raté ça. Sion, il ne vous reste plus qu'à aitendre la pro- chaine venue de 1' Elliott Murphy Band. Et je ne connais pas de meilleur moyen, pour prendre patience, que d'écouter ses dis- ques. Mais reviens-nous vite, Elliott !

Bernard Fretin

UN PRINCE CHARMANT

Elliott Murphy a la réputation d'être un artiste attachant et affable. Ces qualités, Dominique Lagarde et moi-même avons pu les vérifier peu après le concert décrit ci-dessus. Et nous les avons d'autant plus appréciées qu'Elliott est apparu dans sa loge extrêmement fatigué, conséquence d'un traitement antibiotique et d'une tour- née qui touchait à sa fin. Combien, dans ces conditions, auraient (au mieux) refusé poliment la demande d'une interview ? Une telle attitude aurait d'ailleurs été par-

Elliott Miirpliy (phot« Guy Kindbçitcr)

faitement compréhensible. Mais le petit prince new-yorkais, ainsi que l'avait juste- ment surnommé un journaliste -quand ces gens là s'intéressaient encore au rock'n'roll avant de devenir blasés et de se soumettre aux diktats des major companies- Elliott Murphy donc, est un être de passion et c'est avec la plus extrême gentillesse qu'il a répondu à nos questions. Rock Ballad- Ta tournée européenne va bientôt se terminer. Le groupe a joué en Suède et en Espagne avant de visiter la France. Comment s'est-elle déroulée ? Elliott Murphy- Elle s'est très bien passée mais c'était difficile pour moi, je suis malade depuis notrepassage en Espagne où il faisait @ès froid. De plus, la scène et les loges étaient également froides. Entreprendre une tournée n'est pas quelque chose de facile. Les voyages me paraissent de plus en plus éprouvants du fait que je vieillis, mais, au fil des concerts, tout devient plus facile. Aussi, je ne sens pas la différence. R. B.- Tu joues à nouveau en trio, avec un nouveau batteur. Qu'est-il advenu de Jesse Chamberlain et Art Labriola qui ont parti- cipé à l'enregistrement de «Milwaukee>> ? E. M.- Jesse Chamberlain est en Californie et Art Labriola tourne en Norvège avec un groupe de rhythm'n'blues. Aussi, Ernie Brooks et moi-même avons fait appel à Lewis King, qui a fravaillé avec les Rockets, Tim Scott et Beat Rodeo.

R. B.- Tu joues désormais <<Madalynn sur scène. ~ s t - c e la publication de i'excellente cassette <<Après le délugen qui t'a donné envie de l'inscrire à ton répertoire ? E. M.- Je ne l'ai pas souvent joué pendant cette tournée. Mais je la chante de temps en temps depuis qu'ellefigure sur cette cassette. R. B.- Y aura-t-il d'autres cassettes d'enre- gistrements inédits ? E. M.- C'est fort possible mais pas tout de suite. Peut-être donnerons-nous. toujours avec mon fan-club américain, I'Elliott Mur- phy Information Society, une suite à cette cassette ; un .Après le déluge>, part hvo, en quelque sorte. R. B.- Tes prestations en public sont très appréciées. Penses-tu sortir bientôt un dis- que live ? E. M.- J'espere que oui, parce que les chansons de mes premiers L.P.'s sont très dificiles à trouver. Aussi, j'aimerais vrai- ment qu'elles apparaissent sur un album live. R. B.- Pourquoi avoir enregistré ton der- nier disque à Milwaukee ? E. M.- Nous y sommes tout d'abord allés pour faire un single, <<Texas / Out for the killing~, car le producteur, Jerry Harrison habite Milwaukee. Puis, ]'ai rencontré dans cette ville, une fille, Rita, avec laquelle je suis maintenant marié. C'est à cause d'elle que je suis resté à Milwaukeepour y enregis- trer l'album du même nom.

R. B.- Justement, ce disque marque une évolution musicale par rapport aux précé- dents avec notamment une production plus moderne. Penses-tu persister dans cette voie ? E. M.- Certainement, carj'aime vraiment le son de «Milwaukee». R. B.- Les synthétiseurs auront-ils la part aussi belle ? E. M.- Je ne pense pas ; le prochain album devrait conienir plus de guitare. R. B.- «Milwaukee» bénéficie d'une pro- duction exemplaire, bien meilleure que celle de <<Party girls/broken poets,,. Pour- tant, ces deux albums ont été produits par Ernie Brooks et toi. Comment expliques-tu la différence de qualité ? E. M.- Cela provient tout simplement du fait que now avions un peu plus d'argent pour faire nMilwaukeea. R. B.- «Niagara fallsw vient de sortir en 45 tours.avec, en face B, la reprise du célèbre <<I want you» de Bob Dylan. Est-ce un inédit des sessions de «Milwaukee* ? E. M.- Non, .I want youu a été enregistré entre les sessions de nParry girls / broken poets~~ et de ~Milwaukee~>. Les musiciens qui m'accompagnent sur ce titre sont Ernie Brooks à la basse, Tony Machine à la batterie, Peter Gordon au saxophone et, probablement, Richard Sohl a u claviers. R. B.- A l'écoute de la version que hi en as faite, on a l'impression que tu as voulu replacer «I want you» dans le contexte des années 80, avec un son résolument moderne ? E. M.- Oui, tout à fait. J'ai voulu faire quelque chose de drôle (somethingfunny). R. B.- Tu as produit récemment un L.P. d'un groupe espagnol, Los Elegantes. Quelles en sont les raisons ? E. M.- Je les ai rencontré lors de ma précé- dente tournée en Espagne. Ils ouvraient devant dix mille personnes un festival dans les Asturies, auquel je participais. Ils m'ont demandé de produire leur album et on I'a fait en d e u semaines à Ibiza. J'ai navaillé entre quinze et seize heures par jour. Je suis très content d 'eu. Ils chantent en espagnol mais ils jouent de la guitare en anglais ! R. B.- Aujourd'hui, rock et vidéo sont étroitement associés. Ne penses-tu pas qu'il s'agit d'une situation dommageable pour le rock ? E. M.- Absolument, car réaliser des vidéos coûte très cher et, de ce fait, les compagnies de disques signent moins de groupes, l'in- vestissement étant beaucoup plus important pour chacun d'entre eux. Sachez que le coût d'une seule vidéo estplus llevé quepour un seul de mes albums.

R. B.- Ces dernières années, beaucoup de rock stars ont donné des concerts de sou- tien à différentes causes. A ma connaissan- ce, tu n'as jamais participé à de telles manifestations. Est-ce parce qu'on ne te i'a pas proposé ? E. M.- Sai fait quelques concerts de soutien, notamment un à New-York avec David Johansen, destiné à aider les sans abris. Et je pense être de nouveau impliqué pour le Murphy aid (ironie teintée d'amertume ?). R. B.- Peux-tu nous citer quelques uns de tes albums préférés ? E. M.- avalo on^ de Roxy Music, *Blonde on blondex de Bab Dylan, nAfrermathn des Rolling Stones et cRubbersou1.v des Beatles. R. B.- Et en ce qui concerne les singles ? E. M.- l'adore run na round Sue. par Dion, <Theme from the summer placen de Percy Faith and his Orchestra. J'aime également nCryinga de Roy Orbison, *Dock of the b a y ~ d'0tis Redding el nRuby Tuesdayr des Rolling Stones. R. B.- On parle rarement du guitariste Elliott Murphy et c'est assez injuste. Que penses-tu de toi en tant que guitariste ? E. M.- Je pense que je suis le plus grand guitariste du monde (Elliot esquisse un sou- rire qui dissimule mal sa fatigue). Mais mon guitar-heros s'appelle Eric Clapton. R. B.- En 1977, nLost generationn était, des quatre albums que tu avais alors enre- gistré, celui que tu préférais. En 1981, «Night lightsx avait ta faveur. Et en 1987 ? E. M.- nMilwaukeew. Saime changer d'avis (cette versatilité devait être confirmée deux semaines plus tard, puisqu'Elliott déclarait à son fan-club nantais que ses préférences allaient à «Aquashow,> !). R. B.- aAffaina contient deux de tes plus belles chansons : «Veronique (the actress)n et *Change wiU corner. Elles sont toutes les deux acoustiques. N'as-tu pas I'inten- tion d'enregistrer d'autres ballades de ce style ? E. M.- Certainement. D'ailleurs, un de ces jours, j'aimerais faire un album entièrement acoustique. R. B.- As-tu donné d'autres concerts acoustiques depuis celui de I'Eldorado, à Pans, en novembre 1981 ? E. M.- Oui, en Suède, et de temps en temps, à New-York, dans un club qui s'appelle Folk Ciîy. R. B.- dtreets of New-York» est une véri- table protest-song. C'est plutôt rare de ta part. Est-ce un genre que tu apprécies ? E. M.- Mes chansons sont toutes engagées, mais celle-ci est la p l u évidente. Parfois, je proteste contre la façon dont je me sens (réponse dylanienne à souhait).

Elliott Murphy (photo Guy Kiiidbeitci-)

R. B.- Mais n'as-tu pas envie d'écrire d'au- tres eStreets of New-York» ? E. M.- Oh oui. C'est juste que je n'ai pas le temps. Car ça prend beaucoup de temps d'écrire une chanson comme nStreets of New-York». Ça demande beaucoup de recherches. R. B.- Tu connais toujours des problèmes de distribution aux U.S.A. puisque c'est I'Elliott Murphy Information Society qui distribue <Milwaukee». N'as-tu pas i'im- pression d'être considéré comme un «hors- la-loin par tes concitoyens ?

E. M.- Oui, je crois que j'en suis un. Mais, avec <Milwaukee*, nous avons commencé à passer sur quelques stations de radio. Ce qui m'amène à penser que cMi1waukee.v est le premier disque depuis dust a story from Americar à avoir un impact aux Etats-Unis. Souhaitons qu'il s'agisse là d'une véritable percée d'Elliott Murphy dans son propre pays. Ce ne serait que justice ! Nous avons également questionné Elliott au sujet de Steve Forbert, dont on reste sans nouvelles

depuis 1982, date de parution de son der- nier L.P. : il joue désormais des chansons de Buddy Holly avec l'ancien groupe de celui-ci, les Crickets ! Enfin, Elliott nous a indiqué que son prochain album devrait sortir pour l'hiver. Mais il était temps de laisser Elliott se reposer bien qu'il se tenait, malgré sa grande fatigue, prêt à répondre à de nouvelles questions. Une telle disponibi- lité méritait d'être signalée. Chapeau, Mr Murphy !.

Bernard Fretin Un grand merci à Guy Kindbeiter pour ses photos, prises à Nantes, le 20 juin 1987, ainsi qu'à Frank D. pour ses informations.

Contacts : Ellinti Mnrphy Fan-club

B.P. 828 44M0 NANTES cedex 01

FRANCE EUioiî Mnrphy Information Society

P.O. Box 253 NORTHAMPTON, MA.01061

U.S.A

L'AUTRE TORNADE BLANCHE ! Les EasyBeats ont marqué de leur empreinte les 60's australiennes. Les héros de la décennie suivante avaient pour nom Radio Birdman. La question reste posée pour les 80's : Hoodoo Gurus, Sunny Boys, Scientists...? et pourquoi pas les Celibate Rifles plutôt que les autres. Après tout, il y a bien assez de place pour tout le monde, ceux qui sont bons en tout cas. Et bons, les Ceübate Ritles le sont précisément. Très bons, même puisqu'üs laissent des souvenirs impérissables aussi bien à ceux qui les ont vu en concert qu'à ceux qui ne les connaissent que par les disques.

L'histoire commence vers 1978 à Sydney où une petite poignée de lycéens décide un beau jour de monter un groupe, simple- ment pour s'amuser. Puisqu'il faut dire les choses clairement, ce n'est pas bien sérieux comme c'est le cas pour la plupart des high school bands. Leur premier nom (si on peut appeler ça un nom) sera «The Southem Highland Troupe of Faeces», et on aboutit aux Celibate Rifles après quel- ques hésitations bien compréhensibles ! Ils sont quatre : Philip Jacquel (à la batterie) et Michael Couvre1 (à la basse), deux des- cendants d'imigrants français au vu de leur nom, puis Kent Steedman à la lead guitar, et enfin un rythmique, Ian Martin qui est également le chanteur. Nos lascars écrivent quelques morceaux. fortement influencés par tout ce qui va vite et fait du bmit : les MC5, Stooges (toujours cette fameuse «De- troit Connection*), N.Y. Dolls, Ramones, Saints et les Radio Bridman, naturellement ! Ils avouent même un certain penchant pour des choses aussi variées que Television ou Blue Oyster Cult. Que voulez-vous, per- sonne n'est parfait. S'ensuivent quelques mouvements de personnel dans le groupe. Tom, le frère de Michael les rejoint quel- ques temps, aux claviers, avant de se faire jeter, puis, c'est au tour de lan de mettre les bouts (pour la bonne cause : il veut aller 2 l'université). C'est alors que les rejoi- gnent Damien Lovelock au chant et Dave Morrk à la guitare rythmique. En ce qui concerne ce dernier, c'est déjà un copain des Rifles. Damien, en revanche, ne rentre dans les Celibate Rifles que provisoirement (du moins, le croit t-il au départ). Vous connaissez le provisoire qui dure, et c'est bien mieux wmme ça quand on voit à quel point Damien est devenu la figure de proue du groupe. Son problème à lui, c'est que Albert Production (AC / DC !) lui a pro- posé de faire un disque, alors il s'associe avec nos quatre fusils célibataires (traduc- tion de Celibate Rif[es) pour mener à bien ce beau projet ...q ui n'aboutit pas. Mais ça y est, il reste dans le groupe. On a frôlé la catastrophe.

I>c gauche à droite : D. Moii i \ , I l . I.riicl«ck.

Premiers méfaits.

Nous sommes approximativement en 1981 Les Celibate Rifles donnent des concerts, se font connaître et apprécier, quoique le mot ne soit gukre assez fort pour exprimer ce que l'on peut ressentir à l'écoute de cette musique furieuse. On est proprement décapé, rien moins ! C'est en tout cas ce qui est arrivé au jeune label Hot Records puisqu'ils ne vont pas hésiter longtemps à faire signer les Rifles chez eux. II faut dire que la formation s'est décidée à enregistrer et à sortir un disque, un E.P. qu'ils appel- lent mystérieusement <But Jacques the Tishw. Ils en casent quelques uns chez divers disquaires locaux, en vendent d'autres lors de leurs concerts, et enfin en laissent une centaine à leur label qui les liquide en deux jours. Hot Records les pousse à faire un second pressage (ce qui se fera en fait plus tard avec un tirage tout aussi limité), ce qu'ils refusent, prefèrant garder l'argent amassé pour un autre disque. Le petit millier de personnes qui possède *But Jac- ques the Tish* peut le garder dans un coffre- fort, c'est un bien précieux ; ce E.P. est donc déjà un bon exemple de la terrible efficacité des Australiens, ça fonce à cent à l'heure et la suite nous montre qu'ils n'ont toujours pas ralenti ce délicieux excès de

J. Darrocii, K. Stce<lin;in. P. Jacquet

vitesse. Trois des quatre titres du E.P. sont disponibles sur la compilation quintess sen- cially yours* parue en 85 sur le label What Goes On, en Angleterre. A défaut d'autre chose, c'est cet album qu'il vous faut. Récemment, vient aussi de paraître en B- side de la réédition du single uhetiy pictn- re*, le seul titre de *But Jacques the fishs qui ne paraît pas sur ~Quintessencially yoursu, à savoir <Kent's theme». Ainsi, vous pouvez toujours avoir l'intégrale de ce premier enregistrement des Celibate Rifles. J'espère que vous ne vous êtes pas perdus ! O.K., on wntinue. En 1982, Michael Cou- vret quitte le groupe pour rejoindre Mus- hroom Planet. Son remplaçant se nomme James Darroch qui jouait d6jà sur le E.P. comme invité, et parfois sur scène. Appar- tenant jusqu'alors au groupe Fifrh Estate, il aime les trucs pop à la Ramones (pop ?!)ce qui ne dépare pas avec ses collt?gues. Avec lui, les Celibate Rifles vont sortir leur pre- mier L.P. l'année suivante (en avril) : Un titre abominable .Sideroxylonu, une pochette qui ne l'est pas tellement moins (vert pomme, à hurler !), et une musique primaire et violente qui était déjà l'apanage du E.P. Un album supra-énergétique qui ne laisse aucun doute quant au goût de ses auteurs. On retrouve trace des Radio Bird-

man dans le piano sur wThi weekn, sur ~ G o d squad*. Ce dernier titre d'ailleurs est une pure merveille ;long, balayé de climats successivement doux et colériques, la gui- tare wah-wah judicieusement placée, la voix inspirée de Damien ; c'est déjà I'an- nonce de i'album qui suivra, tout en force brute et en nuances ... Comme toujours, les textes sont destructeurs mais non dénués de réflexion, et dans l'ensemble, le disque est mené d'un bout à l'autre par un princi- pe : la vélocité. Quand on joue bien, on peut se le permettre. Après i'album, le groupe tourne beaucoup en Australie et enregistre aussi un single *Merry X-Mas Bluest, puis un autre r<Preiiy Pictures~, avec des faces B inédites, respectivement ~Snmmer holidaysu et <Out in the West a g a h . Début 1984, Michael Couvret mani- feste l'intention de réintégrer le groupe. Le single *Wild desire* paraît cependant, tou- jours avec Darroch à la basse ; mais les choses commencent à se gâter, James écrit des morceaux qu'il voudrait voir jouer à sa façon à lui, elle est peut-être bonne, mais Kent et Damien ne pensent pas vraiment à la même chose et ne voient pas comment jouer ces chansons autrement que sur les chapeaux de roues. Lassé, James finit par lâcher prise et s'en va former Eastern Dark. Cela peut paraître étrange mais il restera en bon terme avec les Celibate Rifles. II joue encore sur le deuxième L.P. Du moins, une grande partie des morceaux, et on retrouve encore sa trace dans l'album suivant de 1986 où, comme il l'a fait pour xSideroxylon* et aceiibate Ritlesn (2 plus grande échelle, il est vrai), il signe encore un titre, conjointement à Lovelock ou Steedrnon. James Darroch trouvera la mort en 1986 lors d'une tournée avec Eastern Dark. Lelibate Rifles>, le deuxième album paraît en avril 1984 et montre d'emblée une onen- tation différente du précédent. Un tel résultat émane d'une intention délibérée du groupe de faire autre chose, sans pour autant perdre de leur vigueur. Mais il y a aussi une inclinaison naturelle puisque Damien, notamment, avouera écouter beaucoup plus de jazz que de rock. Raffiné et explosif, voici les mots d'ordre. On ne- peut que constater la mise en place éton- nante, surtout dans ce genre de rock en principe peu varié. Dans des chansons comme *Back in the redx. peu de surprise, c'est aussi abrasif qu'au début. Mais il en est tout autrement avec a a n k yon Amerira., aux lyrics, tout à tour dithy- rambiques et assassins, à la'stmcture musi- cale complexe. II y a encore la voix guttu-

De gauche à droite : K. Stcedman, P. Longhead. D. Lovelock, D. Morris, Rudi

rale de Damien sur QESS me deadly* (je ne peux m'empêcher de penser à <The black widow* d'Alice Cooper), on encore I'épo- pée écologique de ~RaMoresb avec un tapis de guitare. Un très beau texte où les Rifles tentent d'attirer l'attention sur la conservation des paysages australiens et des petites bêtes qui y vivent. Et ce n'est en rien de la démagogie. L'album se termine sur la guitare acoustique et les pipeaux de xElectnc snake rivem. C'est un 45 tours qui clôture i'année 1984 : xSometimes,,, avant-goût du troisième L.P. qui ne verra le jour que près de deux ans plus tard.

Seigneur, que la route est longue ! En 1985, les Celibate Rifles se contentent de sortir un single, toujours sur Hot Records, «Six days on the rnadv avec une chanson de Tony-Joe White en face B, '<Groupie girl*, qui montre leur goût pour le country-rock. Au cours de I'enregistre- ment de leur troisième L.P., une mésaven- ture leur arrive : alors qu'il ne reste plus

que les voix à prendre et à faire le mixage, Damien se chope une pneumonie qui l'oblige à arrêter. Les gens du studio leur tombent dessus en les accusant de n'avoir pas payé et séquestrent les bandes. Une fois leur chanteur rétabli, le groupe s'en va sur les routes donner suffisamment de concerts pour racheter leurs bandes et ter- miner le disque qui sortira avec un retard conséquent à ces événements. Ceci dit, les tournées se passent bien quand on est entre gens de bonne compagnie comme c'est le cas. Wet Taxis, Died Pretty et Mwhroom Planet sont engagés dans le même bain. Imaginez ce que cela a dû être pour le public australien de voir ces quatre-là le même soir. Les Rifles sont déjà assez agités sur disques, mais sur scène, c'est terrassant, colossal. Cette année-là paraît la premiere compilation, non australienne *Quintes- sentially yours» qui regroupe trois des qiia- tre titres du E.P. <But Jacques ... » et cinq extraits de «Sideruxylon». Même chose l'année suivante avec <Mina, Mina, Mina*,

rassemblant des morceaux des deux pre- miers L.P. australiens dont deux remixés («Back in the r e b et unanis you Ameii- cm), une version différente de uWild desi- te» et «Rab foiresb,, ré-enregistrés avec la voix de Kent.Toujours en 1986, sort le troisième L.P. original du groupe. ~ T b e hirgid miasma of existence., autrement nommée «Happening Sounds for the modem degeneration*. Le disque renoue partiellement avec le speed du début. Cependant, l'évolution amorcée dans «Ce- Libate iüîlesn se retrouve sur le progressif (pas de relation avec Genesis ou autres...). Eddie ou un aNo signx désespéré ; pour ne citer que ça. En Australie, un free-single est donné avec l'album (en principe), mais on en retrouve certains exemplaires jusqu'en France vendus individuellement. Le tout, c'est de l'avoir, surtout qu'il n'existe que 500 exemplaires de l'objet. xEddie*, en version acoustique occupe la face A, et de i'auhe côté, on a droit à d c e blue» et düank yon Americar (dans une forme entièrement différente de celle du deuxième L.P.), en live. 1986 est une année importante car nos cinq hommes s'eu vont fouler d'autres sols pour la première fois, avec une tournée euro- péenne, dont un bref passage en France, fin juin à Lille lors d'un festival, et pas mal de dates en Grande-Bretagne. De toute façon, les publics divers ont tous été conquis par ces cinq garçons, pas poseurs pour deux sous, par leur musique à priori brutale, et leur talent indéniable d'instru- mentistes et de chanteurs. La même politi- que de la terre bnilée sera pratiquée ensuite aux Etats-Unis où va être enregistré le live nKiss kiss bang hanp, sorti en 1987. Outre des morceaux des trois L.P. précé- dents, on trouve sur ce live (livré tel quel sans overdub) «Bnm my eyex des Radio Birdman, et également «Ci@ of funn des Only Ones, ce qui est plutôt inattendu ! II y a un an, Michael Couvret et Pkilip Jacquet quittaient le groupeaprès la tour- née U.S. Leurs remplaçants sont Rudi (à la basse) et Paul Longhead (batterie - le nom. a l'air d'un gag : <<Longue tête*) avec qui les Celibate Rifles ont tourné en 1987 en Europe (dont une date à Paris) puis aux U.S.A. Ils devraient revenir par ici, si ce n'est déjà fait, pour enregistrer un nouveau L.P. Peut-être en Angleterre ou aux Pays- Bas. On vous tiendra au courant quoiqu'il arrive, ou au moins, pour la sortie de ce disque que I'on espère proche. Vivement qu'ils nous reviennent, et tant pis si ça brûle !

Cécile Mirebeau

BEEP BEEP A LULA Le rock made in France va t-il enfin devenir adulte ? S'il convient tout de même de rester prudent et de ne pas crier victoire trop rapidement, on constate avec joie que, partout dans l'hexagone, les leçons incnl- quées par les éternels Little Bob Story et Dogs sont de mieux en mieux assimilées. Les Road Runners figurent parmi leurs élèves les plus talentueux. On comprend mieux pourquoi à l'écoute du maître d'oeu- vre, François Pandofi.

L'affiche du Festival de Blaye (pour le compte rendu, cf p.5) était des plus allé- chantes avec la participation de deux des groupes français les plus prometteurs : Kid Pharaon and the Lonely Ones et les Road Runners. Des premiers, nous aurons l'occa- sion d'en parler dans notre prochain numé- ro. Quant au groupe d'Evreux, il béuéfi- ciait du renfort de Little Bob, également producteur de leur L.P., d e e p Beep». La caution apportée par le petit Italien devrait suffire 3 situer la dimension des Road Run- ners : pensez-vous vraiment qu'il irait per- dre son temps avec des musiciens de deuxième catégorie ? Mais n'allez pas croire pour autant que le destin du groupe est lié à la présence de Little Bob sur disque et sur scène. J'en veux pour preuve leur première partie de concert qu'ils assu- rèrent seuls et qui fut l'occasion d'entendre quatre nouveaux morceaux (nLaurena, ,,A snake in the grasss, «Jus1 a dropu et nSo many lies») ainsi qu'un titre plus ancien non retenu pour le mini L.P. (cou1 of sightx). Un set que les Road Runners ont

joué à cent à l'heure, comme pour faire honneur à leur nom (rappelons que le roadrunner est un oiseau réputé pour sa rapidité et immortalisé dans le célèbre car- toon <<Bip-Bip et le coyolea). Deux choses m'ont vraiment étonné pendant ce concert : ?existence d'un son Road Run- ners (leur reprise du <,Play witk firen des Stones donnait l'impression qu'il s'agissait d'une de leurs compositions !) et la pré- sence imposante de leur leader François Pandolfi. La classe, ce type ! Retenez bien son nom. II n'a que vingt-deux ans, et on n'a pas fini d'entendre parler de lui, à en juger par ses multiples talents de chanteur, de guitariste et de compositeur. Et, en plus, i l accorde des interviews ! Rock Ballad : Votre disque a mis du temps à sortir. Peux-tu nous eu expliquer les raisons ? François Pandolli : Tout d'abord, on a pris notre temps avant de l'enregistrer car on a préféré attendre et faire quelque chose de bien plutôt que de sortir des petits bucs par-ci par-là et plus ou moins foireux.

Ensuite, il a mis du temps sortir parce que la boite qui a financé le disque, Romance, s'est cassée la gueule. On a alors récupéré les bandes, fondé notre propre label, Acme Records, et Madrigal nous a contacté pour distribuer le disque d e e p Beep> est donc une autoproduction mais Madrigal fait beaucoup d'efforts au niveau de sa promo- tion. R. B. : Comment Little Bob eu est-il venu à travailler avec vous ? F. P. : Pukque Bob est là, il va te le dire lui-même. Little Bob : Tai vu plusieurs fois les Roud Runners sur scène et, à chaque fois, j'ai aimé : ils ont cette espèce de passion qui now tient tous, mais chez eux, ça éclate vraiment, ça sort par tous les pores. Si bien que lors d'un concert où tout le public était encité comme une pucr tellement ils jouaient bien, je suis monté sur scène avec e u el on a fait un ~Bring it on home to me), complète- ment histérique, ainsi que nLucille». Alors, je leur ai dit : <<Les mecs, je veux vous produire, débrouillez-vous comme vous voulez, mais c'est moi qui vous produitu. R. B. : Comment ça s'est passé en studio ? L. B. : Très bien. Les Road Runners sont sérieux et précis ; en même temps, ils ont ce côté fou qui les amène à rentrer à fond la caisse dans tout ce qu'ils entreprennent. &cep Beep>> a été réalisé très vite : en douze jours, mixage compris. R. B. : Comment se fait-il que le son soit si bon pour un aussi petit budget ? L. B. : Tout simplement parce que les Roud Runners étaient très bons ! Nico Garotin, Stéphane Sahakian (respectivement batteur et ingénieur du son de Little Bob Story) et moi-même avons juste essayé de les aider d avoir le son adéquat en leur faisant profiter de notre expérience de studio. Et ils se sont trouvés à l'aise en studio comme s'ils avaient

, toujours fait ça. Mais je ne crois pas que j'aurais pu obtenir le même résultat en rra- vaillant avec un autre groupe. Je tiens d'ail- leurs à dire que les arrangements viennent totalement des Road Runners. F. P. : C'est vrai qu'on a fait très attention aux mélodies et aux voix. L. B. : A ce sujet, je voudrais rajouter que si je me suis branché sur les Road Runners, c'est aussi à cause de la voix de François. R. B. : Le nom du groupe, le titre e t la pochette du disque évoquent les cartoons. Ça tourne à l'obsession ? F. P. : J'adore Chuck Jones, les cartoons de la Warner, Tex Avery évidemment. J'aime bien la pochette, même si j'aurais préféré que le liseré de Rond Runners soir plus en évidence. A l'origine, le verso devait être

l'inverse du recto ; il devait représenter les corps de Bip Bip avec nos têtes photogra- phiées. Mais comme c'était trop dur ù réali- ser, on a du abandonner l'idée et se conten- ter de nos têtes dessinées. R. B. : Sur sckne, vous avez tendance à accélérer les morceaux du disque. Y aurait- il deux Road Runners ? F. P. : Tout à fait. Nous sommes plutôt sauvages sur scène et plus mélodiqcies en studio. Mak c'est assez complémentaire. Ces deux tendances se retrouvent dans mes irtfluences : j'adore les Sonics, le rhythm'n'blues dur, Larry Williams, Liale Richard ; à c6té de ça, je srris un fan des Everly Brothers, des Byrds, des Beatles et des Zombies. R. B. : Vous jouez pas mal de reprises en concert. Comptez-vous en enregistrer quel- ques unes ? F. P. : Oui je pense qu'on fera une coiier sur notre pr~chain'dis~rre. Mais pas forcé- ment un standard, ni un morceau obscur. Simplement un litre qui nousplaît. R. B. : Parlons justement du futur album, même s'il est un peu tôt, puisque «Beep Beepx est sorti en avril. F. P. : On prendra nolre temps avant de

Gilles R , ~ ~ ~ ~ ~ o l i j

l'enregistrer. Mais il sera certainement diffé- rent de nBeep Beepa ou niveau des climats. Avec le recul, j'aime bien cTwo Lolitasu et «Baby Bees, mais on fera peut-être moins de chansons dans ce style. Il y aura encore plus d'arrangements et de ballades. R. B. : Ce soir. Gene Clarksville vous accompagnait aux claviers, comme sur le disque d'ailleurs. Les Road Runners comp- tent-ils un cinquième membre ? F. P. : Non, Cene est un ami qui joue de temps en temps avec nous. Noiis nous connaissons depuis longtemps puisqu'on a joué ensemble au Golf Drouot alors que j'avais 14-15 ans. On faisait notamment cles reprises des Pretty Things et on reprenait le ,,I can't conîrol mvselfn des Troggs. R. B. : Comment expliques tu que peu de groupes de rock émergent en France, com- mercialement parlant ? F. P. : Je crois que c'est essentiellement 11n problème de public. Les gens achètent moins de disques de rock'n'roll car ils sont de moins en mouls habitués à en écouler. Les seuls groupes qui marchent sont ceux qui font un compromis entre le rock et la variélé comme les Innocents et les Désaxés.

Bernard Fretin

PETIT ROBERT EN 2000 MOTS En tournée avec le pianiste de jazz Joël Drouin, Little Bob nons livre sa foi et son enthousiasme sans cesse régénérés en douze ans de carrière. C'est aussi l'occasion pour lui de nons parler, en avant-première, de son nouvel album, adaptation du roman d9Emmett Grogan : «Ringolevio».

Liitlc Boh ;! i3i)idcicux le 14/8/87 (photo Gilles

Rock Ballad : Actuellement, tu donnes une série de concerts avec la seule compa- gnie du pianiste Joël Drouin. Comment l'idée vous est-elle venue de jouer ensem- ble ? LïïïLE BOB : L'idée a été suggérée par un ami commun qui travaillait à Radio France Rouen, un fan de rock et de jazz à la fois, le genre de choses apparemment incompatibles. Il voulait faire une soirée qui sorte vraiment de l'ordinaire, et il m'a pro- pose de jouer avec Joël. Je lui ai dit :<<Qui est Joël Drouin ?B, alors qu'en jazz, il est très connu dans la région. II ne jouairpas le blues et je ne voyais pas comment nous pouvions jouer ensemble. II nous a fait rencontrer, et après un ou deux verres de Jack Daniels, ça a collé. On a essayé, on a fait ce concert, puis ça a marché ; on s'est retrouvés sur quelque chose qu'on aimait tous les deux, c'est à dire pas le blues dans la forme, mais une certaine manière de jouer et de chanter des ballades, des rocks ou même des trucs plus bluesj ou jazzy, moi avec ma voix cassée et lui avec son style léger, fm, à la fois technique et mélodique. Avec le groupe, on avait décidé des'éloigner de In scène, surioui pour préparer ~Ringole- via>>, et j'ai faitparaiièlement trois tournées avec Joël, ce qui fait que maintenant ça

fonctionne bien ; il y a une complicité évidente entre lui et moi, et je peux chanter des trucs comme ~ C r y me a rivera de Julie London, ou la version de *Rouie 66r à la manière de Nat King Cole, ou encore des titres de Tom Waits, chose que je ne pour- rais puî faire avec le groupe. On joue aussi bien dans des clubs rocks que des boîtes de jazz ; en général ça marche partout même s'il faut parfois demander au public de ne pas trop parler pendant les morceairx ! R. B. : Ce duo demande t-il beaucoup de travail, ou cela vient-il comme ça ? L. B. : A chaque fois, on répète trois ou quatre jours avant de partir en tournée, er là, c'est très très dur, car lorsque je sors de concerts ou de rép6titions avec Litde Bob Story, je suis dans un autre monde, et quand j'arrive ld, il y a un jour où ça ne va pas ; il faut que je me remette dans le bain, et lui c'est pareil lorsqu'il quitte son quintette au jazz très européen, il est complètement dépaysé. R. B. : Ta voix est nettement plus en évidence qu'avec Little Bob Story ? L. B. : Je mets toujours mes tripes sur la table, et des fois je suis content, d'autres pas, mais c'est vraiment ma voix car il n'y a que le piano derrière. Dans le groupe, avec les autres instruments, elle ne peut pas 2tre

devant, parce qu'on n'est pas un groupe de variétés, on est un groupe de rock et ma voix est fondue avec les autres ins~ruments. Je crois que fous les gens qui aiment l'esprit de Linle Bob Story s'y retrouvent car f i i choisi tous les titres que je chante à part les deux morceaux de Gordon Beck, pour que Joël se fasse plaisir de temps en temps. Ces concerts me permettent également d'affmer ma voix et mon travail. Aussi, quand je me retrouve en studio, je sens vraiment que le duo m'a apporté beaucoup, car je sais faire avec ma voix des choses que je n'arrivais puî à faire avant. Par exemple, je sais maintenant la placer autrement. R. B. : Vous n'avez pas eu envie dimettre un autre instrument, une contrebasse par exemple ? L. B. : On a fait des concerts avec mon bassiste et son saxophoniste, mais ça casse cet équilibre très precaire entre son piano aérien, éthéré, et ma voix hurlante ou soupi- rance. Ça devient alors tant& un peu trop rock et tantôt un peu trop jazz, et aucun de nous deux n'y trouve son compte. Par contre, si un jour je fais un disque de ballades qui pourrait s'intituler, comme I'af- fiche et le concert nBallades for the night>,, j'utiliserais certainement un contrebassiste, un saxophone de temps en temps, et aussi le guitariste du groupe qui est très capable de jouer dans ce style. R. B. : Puisque tu parles de ton guitariste, enchaînons sur ton prochain album «Rin- golevion. L. B. : Ce bouquin, nRingoleviou, (en parlais déjà il y a trois ans. Savais alors : écrit les paroles, qui ont évolué depuis, de même que la musique, parce que l'arrivée d' Yves Chouard, guitariste solo dans le . groupe a changé beaucoup de choses. En fait, j'ai rehavaiiié les compositions avec lui, et quand on est rentré en studio, on savait déjà ce qu'on allait jouer. L'enregLÎ- trement des dix titres de I'album a duré dix-huit jours et le mixage, huit. On avait même une onzième chanson pour la B-side du 45 tours, mais le temps nous a manqué car on voulait garder huit jours pour le mixage, c'est à dire presque un jour de mixage par titre ; ce n'est doncpas le hasard si «Ringolevio» sonne aussi bien. R. B. : Où Pas-tu enregistré ? L. B. : Au Greenhouse Studio, dans le

nord-est de Londres, c'est le studio d'un ancien musicien, Pat Collier, qui a joué avec les Vibrators, puis produit Kahina and the Waves, les Screaming Blue Messiahs, les Soup Dragons et un tas d'autres groupes. C'est un iype exceptionnel ; en ce qui me concerne, c'est le premier ingénieur du son et producteur qui a été capable de restituer fidèlement ma voix comme quand je chante avec Joël. Et ça s'est passé avec une facilité étonnante, alors que d'habitude j'avais tou- jours le trac avant d'entrer en studio. Pour ma voix, j'allais rarement au delà de la quohième prise, Par me disait : <Ça va, j'ai ce qu'il faut, c'est supera. En plus, Yves Chouard est un perfectionniste et il est tech- niquement très très fort ; il peut faire ce que faisaient Jeff Beck, Ammy Page ou Eddie Van Halen avec son vibrato <Floyd Rose». 11 a quinze ans de studio derrière lui, et il a joué avec Balavoine et Renaud. R. B. : Comment ras-tu rencontré ? L. B. : Quand Guy-Georges et François ont décidé d'arrêter, je voulais un super guita- riste et notre ingénieur du son, Stéphane

1 Sahakian, connaissait Yves qui voulait vrai- i ment faire du rock'n'roll. Il nous a donc i proposé de jouer avec nous tout en sachant

qu'il serait bien moins payé qu'avec Bala- voine ou Renaud. R. B. : Peux-tu nous parler des textes de «Ringolevio* ? L. B. : J'aime beaucoup les paroles de cet album. En fait, c'est un album libertaire puisque ~Ringolevio, est un jeu de liberté et, à la fin du disque, Lemmy crie : rFree allx J'y dénonce l'attitude des politiciens qui se foutent des vrais problèmes du monde et ne se soucient que de savoir comment ils peuvent rester au pouvoir. Dans la deuxiPme chanson nShadow lane*, je parle de la dope et de plusieurs personnes que je connais qui sont tombées dedans. La dope, ça n'a jamais été bienpourpersonne. J'avais envie de dire quelque chose là-dessus. Ensuite, nLife goes on>> parle des gens

, autour de moi qui se laissent aller ; je voudrais les aider tous, mais je ne peux pas car je n'ai pas le temps et ça me file les boules.~Crosses on the h i l l~ est la seule chanson qui n'ait rien à voir de très proche avec «Ringoleviou puisque je parle de mes parents qui m'ont tout donné et ne m'ont jamais mis de bâtons dans les roues ; j'ai fait devenir ma mère à moitié folle tellement j'ai répété dans l'appartement à mes débuts et avec tout le bruit que je lui ai fait encaisser, elle n'a jamais rien dit, car elle voyait que ça me tenait, que ma vie c'était le rock. Avec la reprise de «Hushu dont j'ai modifié les paroles, je parle à nouveau du «Ringole-

vion, d'une partie du jeu où un flic descend un môme parce qu'il le prend pour un voleur alors qu'il est simplement en train de jouer à ce jeu un peu violent; il lui tire donc dessus et c'est le genre de nuc qui arrive tous les jours dons la rue. R. B. : Pourquoi avoir repris ce morceau ? L. B. : eHush~ est un titre que j'aime bien et qui a été un hit monstrueux; j'avais envie de reprendre une chanson un peu gnan-gnan art niveau des paroles et d'en faire un truc très carton, on y entend ainsi des porte- avions de guitares et I'harmonica de Mark Feltham des Nine Below Zero qui fait les na-na-na. C'est un morceau très accrocheur qui sera la face A du 45 tours et, je l'espère, pmsera en radio et incitera peut-être les gens à écouter le reste de I'album.

Roberto Piana à Blayc le 17/7/87

(photo Gilles Ruopoli)

R. B. : Quels sont les autres titres de rRingolevio» ? L. B. : Sur la face B, il y a «Sad sang», une chanson de révolte, puis nMotorcycle boy,,, une chanson sur les motarh et donc aussi sur la liberté ; les vrais motardr font partie des derniers aventuriers d'aujourd'hui. Ces mecs qui aiment les grands espaces, leur machine et se foutent de tout le reste, c'est grandiose ; moi, je trouve ça exceptionnel. .Motorcycle boys est dédié à Mickey Rourke et à Coppola et figurera en face B du 45 tours. Le troisième morceau s'appelle <Tell everybody the truth» ; il est surtout destiné aux politiciens. Pour moi, Madmax, c'est un peu comme Jules Verne, lefutur de la terre et c'est pour ça que j'en veux aux poliiiciens qui laissent les choses se casser la

gueule. Ensuite, il y a la reprise de *Green- back dollar* qui dit que l'argent, j'en ai rien à foulre, ce qui est la vérité la plus complète, &me si je ne crache pas dessus, car il permet au groupe de continuer. Mais mon bonheur à moi, c'est de chanter. J'ai là encore changé les paroles, tout en conser- vant le refrnin qui lui, est très joli, puisqu'il dit : =Je m'en fous du dollar vert, tout ce qui m'intéresse, c'est une bonne chanson et une bonne guitare>>. Le dernier titre de l'album, c'est uRoads of Freedomu qui est un peu autobiographique car, depuis que je chante, j'ai toujours fait exactement ce que j'ai vou- lu ; donc pour moi, ce sont les routes de la liberté, j'ai envie d'y rester etj'aimerais bien qu'un maximum de gens puissent faire ce qu'ils veulent, mémesi c'est difficile. R. B. : Tu as plusieurs invités sur ce disque ? L. B. : Oui, il y a Lemmy de Motorhead que je connais depuis 1977 quand on a joué à la Roundhouse ensemble ; on est devenu potes tout de suite et on a un respect mutuel i'un pour l'autre. On h i a donc demandé de venir car on .voulait qu'il gueule quelque chose ; de plus, j'aime bien sa manière de provoquer ou d'engueuler les gens. Quant à Mark Feltham, c'est pour moi le seul qui tienne la comparaison à l'harmonica avec Magick Dick du J.Geils Band. R. B. : Cet album marque t-il un retour à une musique plus dure par rapport à tes dernières productions ? L. B. : Complètement. J'avais envie d'y revenir dès la sonie de nCover girl», carpas mal de gens ont pu se dire : .Tiens, Bob s'adoucit*. J'avais aussi envie de durcir le ton par rapport à la vie en général, à ce qui sepasse dans le monde entier. R. B. : ~Ringolevioa sera t-il suivi d'une tournée ? L. B. : Il y aura d'abord un concert au Bol d'Or le 19 septembre, qui est très important car c'est le premier depuis I'enregistrement du disque. Après, il devrait y avoir une tournée en novembre et décembre avec de bons moyens. II faut que le disque se vende bien pour qu'on puisse jouer sur scène avec le son du disque. On a envie de reproduire à peu près le concert du dixième anniversaire ou Havre, puisqu'après tout, il n'y a que 1200personnes qui ont vu ça. On va essayer de monter une tournée dans les grandes villes et les belles salles, et puis si l'album marche vraiment, on peut espérer un gros conceri à Paris, peut-être au début 88. 11 y aura aussi certainement des tournées à i'étranger, l'album soriant en Angleterre, en Scandinavie et en Allemagne.

Dominique Lngarde

LE JUBILÉ DU COUGAR Sous estimé, le plus souvent mis de côté par la critique Rock mais récompensé par un succès public américain depuis 1982, John Cougar Meliencamp a gagné sa place aux côtés de Bruce Springsteen, Bob Seger, Tom Petty et de tous ceux qui font le rock à coups de coeur et de guitares. II continue donc, imperméable à toutes les modes, à vouer son temps au rock'n'roll et à nous donner ses chansons aux accents rebelles et humanistes à la fois. Pur dans ses intentions, fidèle dans ses idées, John Cougar Mellencamp viendra t-il enfin nous asséner un de ses concerts coup-de-poing comme il a si souvent l'habitude de le faire dans son pays ? Pour le décider à venir visiter le vieux continent, le public européen devra réserver un accueil chaleureux à son nouvel album, «The lonesome jubilee», qui vient juste d'arriver dans les bacs des disquaires. Ce jubilé, «Rock Ballad>> ne l'a pas voulu solitaire et vous propose une rétrospective de la carrière, plutôt méconnue, de ce rocker talentueux et sans prétention.

John MELLENCAMP, est né aux U.S.A. à Seymour. Indiana, petite ville de 15 000 habitants, le 7 octobre 1951. C'est le second enfant d'une famille de trois garçons et deux filles. Son arrière grand-père, venu d'Allemagne, s'était installé en Indiana à la fin du siècle dernier ; son grand-père fut charpentier et son père ingénieur. Tout jeune, John était un voyou, une sorte de rebelle qui rôdait dans la Chesnut-Street à Seymour. Il racontera souvent ses mésa- ventures plusieurs années après, dans des titres comme <<Authority songr. Le rock'n'roll fut une influence majeure dans sa jeunesse. Dès quatorze ans, il joua de la guitare dans son premier groupe, CREPE SOUL. A vingt-trois ans, après avoir passé deux ans Vincennes-University et joué

dans un groupe de glitter rock appelé TRASH, il partit pour New-York avec ses propres enregistrements, à la recherche d'un producteur. Moins d'un an plus tard, il signa avec i'ancien manager de David BOWIE, Tony De FRIES, qui le rebaptisa Johnny COUGAR pour des raisons com- merciales. Peu après, sortit l'album *Ches- nut Street incidentw en 1976, sur M.C.A., qui se vendit seulement à 12 000 exemplai- res. Il s'agit d'un disque inégal qui ne comporte pas moins de cinq reprises, parmi lesquelles «Jailhouse rocks et le «Twen- tieth century fox,, des Doors. On note la participation de l'ancien guitariste de David Bowie, Mick Ronson, et de nom- breuses influences : Bruce Springsteen pour la voix, et m@me Ian Hunter pour le

titre <<Sad lady>> qui semble tout droit sorti d'un disque de Moot the Hoople. Avec «Chesnut Street incident*, se clôt déjà la collaboration entre Tony De Fnes et John. Dans la foulée, celui-ci enregistre *The Kid lnsidew en 1977, que M.C.A. ne fit pas paraître, mais que Main Man sortit en 1982 quand le succès de Cougar éclata. Le dis- que apparait peu inspiré, avec une dynami- que faible, mais deux titres se dégagent quand même : «Sidewalks and Streetlights* et «Young genocidess.

R N A LA PAïïENTE

En 1978, John Cougar contacte Riva, petite maison de disques et enregistre *A biogra- phy*, produit par John Punter, connu notamment pour son travail avec Roxy Music, dans un studio de Londres. Le L.P. ne sera pas distribué aux U.S.A. ; il est quasiment introuvable aujourd'hui et sa seule chance fut d'avoir un titre a1 need a lover» numéro 1 dans les charts australiens. <<A hiographyn est déjà une oeuvre plus mature où la voix et les compositions du Cougar s'affirment, se font plus sûres, rap- pelant Dylan dans «Let them run your lives» ou M;nk De Ville dans «High C.Cherrien. Mais malgré beaucoup de qua- lités évidentes, le disque ne fut pas un grand succès. L'album suivant voit l'abandon du diminu- tif Johnny et, pour bien marquer le coup, est intitulé clohn COUGAR*. Enregistré aux studios Criteria à Miami, il sort en 1979. Le titre *I need a lovem, que i'on trouvait sur «A biographyn fut repris par Pat Benatar qui en fit un hit énorme. Se détachent aussi sur cet album <Taxi dan- cers, ballade tranquille, «A Little night dan- cinn, rock entraînant, et surtout uSmall Paradisen, petite perle sentimentale qui, à elle seule, mérite le détour. A l'éwute de «John Cougarn, on sent une évolution : les guitares sèches se mêlent naturellement

aux guitares électriques (<Do you think that's fair* et xPray for me») et les claviers occupent une place importante («Great Mid-West»). 1980 voit la sortie de aNoîhii' matters and What if it did» produit par Steve Cropper. Deux titres figurent dans les charts améri- cains : <<This time» et <<Ain7 even done with the night,,. Le disque sonne toujours très rock américain : on ne change surtout pas la recette. Riva a laissé à Mellencamp le temps de fignoler les neuf titres qui sont aussi parfois des ballades sur tempos moyens. Et l'Amérique défile avec ses spleens, ses amours espérés, ses histoires

1 de filles. On est obligé de se référer souvent à Springsteen, quand le Cougar traîne sa

4 voix puissante avec un traitement basse / batterie/piano/sax, parfois aussi un peu à Tom Petty pour le son de la batterie ou la manière enlevée de balancer les rythmes. Ecouter «Make me feelw, «This time, et «Wild angel,,, c'est se convaincre que Cou- gar a atteint dés ce quatrième L.P. prati- quement le niveau de quelques grands songwriters du rock. II manie ici l'humour, la tendresse («Make me feeln) avec tou- jours cette énergie saine, cette joie de chanter. Harmonicas et pianos se melent avec un grand savoir faire. Cet album n'ob- tient pourtant que des critiques moyennes qui ne pouvaient en aucun cas laisser une chance au disque de toucher un public immense, et c'est dommage car la touche personnelle est ici évidente.

LA RECONNAISSANCE PUBLIQUE

Heureusement, les concerts donnés depuis 1979 laissent, à chaque occasion, des traces et John commence à se tailler une sacrée réputation de perfonner. Ne reste plus qu'à enregistrer le disque qui fera mouche. Alors, ce coup-ci, Cougar Mellencamp va prendre son temps et, entre les tournées, mettra deux ans pour composer les titres d'

1 uAmeriean f o o l ~ qui sortira en 1982 et le consacrera. Trois millions d'exemplaires vendus rien qu'aux States, des stades entiers sold out et deux singles «Huns so goodx et <Jack & Diane,,, respectivement numéros 1 et 5 simultanément dans le Top 10 du Billboard ! Aucun artiste n'avait placé deux titres dans le Top 5 et un L.P. no 1 depuis près de dix ans. eAmerican fools marque le début d'une fmctueuse collaho- ration, en tant que producteurs, entre John et Don Gehman qui, désormais, travaille- ront toujours ensemble. Dans ce disque exemplaire, enfin débarrassé des scories, hésitations et influences trop encombran-

tes, Cougar balance un rock parfait tout en force et en retenue à la fois, dépouillé et plein d'un feeling rare, avec ce mélange de guitares électriques et sèches que l'on doit à ses fidèles guitaristes, Mike Wanchic et Larry Crane. rAmerican fooln se situe. dans la lignée du précédent L.P. mais avec une force nouvelle, un plus de maturité. Ici, Cougar n'innove pas : il peaufine, laisse éclater sa musique avec ce mélange de tendresse et de violence qui fait que le rock'n'roll, tout en restant la musique la plus violente qui existe, est aussi la plus humaine du monde quand elle est bien servie. Et l'album se déroule sans heurt («Jack & Diane,,, «Hand to hold on ton et «China girl») et avec force («Thundering hearts et Hurts so goodm). aWeakest moments,, clôt le disque avec des sons d'orgues, de flûtes et un tambourin.

ROCK'N'ROLL

Peut-être John avait-il déjà en tête de faire non pas un disque de rock et de ballades,

mais presque uniquement de rock'n'roll, peut-être l'idée lui est-elle venue d'un coup après le succès d' «Amencan fooln, n'em- pêche que son nouveau L.P., an titre sur- prenant «UH-HUH, (qui signifie oui-oui) sonne beaucoup plus dur que les précé- dents ; supprimées, les ballades à I'excep- tion de «Pink houses* et <Golden Gates,,, supprimés les pianos, flûtes et autres. Le disque sort en 1981, sous la signature, c'est la première fois, de John Cougar Mellen- camp, et obtient une nouvelle fois un grand succès commercial. Trois titres furent des hits : <<Authority songn, <<Crumblio' dowm et %Pink houses». Dans «Uh-huh», Cougar ne fait plus dans la dentclle ; le son est sec, la voix hargneuse, comme si l'immense succès de 1982 avait déclenché chez lui une violence jusque là retenue. On a là un disque de rock'n'roll de référence comme peut l'être <<Exile on main Street» des Rol- ling Stones, qui sont d'ailleurs remerciés en pochette intérieure. Les morceaux y sont jouissifs (*Play guitarn, d m m - blin'down~), bourrés d'énergie (nWarmer

place to sleepa) ou stoniens («Serious busi- ness,,) Le même état d'esprit prévaudra pour «Scarecrow~ (l'épouvantail), qui sort en juillet 1985. C'est le premier disque que John a enregistré dans son propre studio situé à une dizaine de kilomètres de Bloo- mington, Indiana, où il vit. Au sujet des chansons de ce disque, John dit : <de suis réellement fier de ces titres parce que je pense que cela donne une bonne indication de là où je vais. Je commence jute à réelle- ment progresser comme chanteur et comme compositeur ; ce que je sens maintenant, c'est que je ne suis plus le garçon que j'étais autrefois ; qunnd vous grandissez, vous devez prendre plus de responsabilités ; c'est ce que j'ai fait sur cet albunru. «Scarecrow» est l'aboutissement final de huit années de travail, et ce rock a rarement atteint une telle rage, une telle violence («Rain on the scarecrow~~). Les musiciens n'ont jamais aussi bien joué («Beetween a laugh and a team), les chansons contiennent des textes personnels («Rumbleseatm, &naIl town,,). *Rock in the U.S.A.» est une célébration exubérante des racines du rock. Pas moins de cinq singles sont extraits de «Scarecrow>> qui comprennent tous des faces B inédites : «The kind of fella 1 am», B side de uhne- ly301'night» ; <<SrnaIl t om» en version acoustique, couplé avec la version rock de l'album ; ,<Under the boardwah, reprise du célèbre morceau des Drifters en face B de <<Rock in the U.S.A.*, qui sonne très country ; <<Pretty ballerina* sur le 45 t. américain .Rain on the scarecrown qui est le premier titre live de Mellencamp gravé dans le vynil ; et «Cold sweat~, reprise de James Brown qui figure sur la B side de b rumb le se atm. *Scarecrowu est donc un album à posséder quand on aime le rock pour ce qu'il devrait être : franc, violent, dépouillé et suîfisam- ment humain pour qu'on le respecte. II prouve aussi que Tony De Fries qui imposa le nom de Cougar à John ne s'était pas trompé, car ce nom lui va comme un gant, un gant de velours qui n'empêche pas ses griffes acérées de sortir et c'est tant mieux pour nous. En septembre 1985, aidé par Willie Nelson et Neil Young, John organisa le Farmaid Concert, un concert immense et télévisé où se produirent tous les grands noms de la musique country, ainsi que Bob Dylan, Lou Reed, Tom Petty, John Fogerty pour venir en aide aux petits fermiers américains en guerre contre les grands trusts qui, grâce à la crise, s'enrichissent en rachetant toutes les exploitations agricoles endettées. Ce

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concert de quinze heures rapporta dix mil- lions de dollars.

THE LONESOME JUBUEE

Août 1987 : le mois aurait été triste si ... si «The lonesome jubileen, le nouveau Cou- gar ne tournait pas sans cesse sur ma plati- ne. Le disque a été enregistré de septembre 1986 à juin 1987 à Belmont, Indiana. La pochette, où l'on voit John accoudé à un bar, est magnifique et s'ouvre sur les paro- les et la photo des musiciens habituels plus des nouveaux, au nombre de quatre : Lisa Germano au violon, John Cascella (déji présent dans «Scarecrow») à l'accordéon et aux claviers, ainsi que deux jeunes filles noires au chant. Bon, je crois qu'il est inutile de vous faire un dessin, la musique de Mellencamp avec tout ça a pris une coloration différente, plus country parfois (le violon), plus américaine : ce mélange banjo / violon/ accordéon. Attention, cela reste quand même du rock, mais un rock teinté, moins brut, plus riche. Ce qui plaira à certains et déplaira à d'autres. Alors, est-ce là le meiUeur album de Cougar ? Peut-être, si l'on se réfère au travail d'ensemble, à la parfaite constmaion du disque, à la cohésion du groupe, à I'assimi- lation parfaite du violon et surtout de I'ac- cordéon partout présent, qui adoucit les moments durs des chansons ; par contre,

ce n'est pas le meilleur Cougar. si l'on préfère les sonorités sèches de .Uh huhn ou la violence de «Scarecrowa ; ceci dit, <<The lonesome jubilee,, n'est pas un disque où l'on dort, loin de là ; chaque titre a un rythme bien soutenu ; seulement le son est plus propre, plus travaillé qu'à l'accoutu- mée. Cougar a véritablement appris à écrire de bonnes chansons, dont les refrains touchent au coeur («We are the people», «Pape1 in fire*), et teintées de nostalgie («Cherry bombs) et d'humanisme («Empty bands,, meilleur moment du disque). Tou- jours avec une sensibilité jamais prise en défaut qui fait la force de sa musique, John Mellencamp continue son chemin en ligne droite, fidèle à lui-même. Ce neuvième L.P. est indispensable tant les chansons sont inspirées et même si les solis de Mike Wanchic et Larry Crane sont moins incisifs, laissant souvent la place à des banjos fréné- tiques, cela reste du rock'n'roll et ce dis- que, cette année, va compter. II ne reste, pour vous en convaincre, qu'une écoute attentive de <<Paper in firem, le petit single parfait qui résume à lui seul très bien l'ambiance générale de <<The lonesome jubilees, avec la voix mordante de Cougar, les choeurs des chanteuses noires déchaî- nées et l'apport du banjo et du violon. Merci Johnny pour tous ces grands moments.

Gilles Ruopoli

OLD WAYS

Dans l'esprit de la plupart de ceux qui, un pes qui écrira une des plus belles pages du rien à ce qu'ils feront par la suite. Gregg. jour ou l'autre, se sont intéressés au rock, rock américain : 1' Allman Brothers Band. Allman signe huit morceaux, les quinze se tient ancrée solidement une idée qu'il J'en connais qui vont monter au plafond. autres sont des reprises de gens plus ou convient de ne pas contrarier, sous peine Quel intérêt, en effet, de ressortir de la moins connus. Parmi les signatures les plus de passer pour un affreux passéiste : nLes poussière de l'histoire ces vieux géorgiens célèbres : Jackson Browne (~Cas t off al1 années 70, c'était long, c'était chiant, il ne dont on ne parle plus ? Justement ! On my fears,,), Curtis Mayfield (nl've been s'est rien passé*. En effet, Fa a duré dix n'en parle plus et c'est bien dommage. tryinga), Gerry Goffin et Carole King (<No ans. Et malgré les prétentions plus ou Tout juste si un disque solo de Gregg emy way down*), Lennon et Mc Carmey moins puristes ou intellectuelles de beau- Allman parvient parfois à alimenter encore (~~Nowegian woodu) ainsi que Del Shan- coup, ces années 70 furent, pour ceux de une ou deux pages de <Rolling stones. non, Hinton and Greene, Don ma génération, les plus belles, celles qui Mais si on reprenait depuis le début ? Covay.. . Gregg AIlman fait preuve d'une nous permirent de découvrir l a rock-music D e 1967 à 1969, Mabron Mc Kinney inspiration incontestable (dhanging of the et pas seulement, contrairement à l'époque (basse), remplacé plus tard par Jessie Wil- gunrd,,, ,<I can stand alone.~). Tout cela actuelle, par les disques qui sortaient dans liard Carr, Paul Hornsby (claviers), Johnny donne des morceaux courts, bienfaits, bien

Sandlin (batterie), Gregg Allman (orgue) construits, avec toujours ici et là, ces éclairs

HOURGLASS et D u n e Allman (guitare), formaient un de guitare de Duane Allman ou ces groupe nommé «Hourglassu. Si les disques inflexions de voix de Gregg, ces choeurs

inattendus sur ei've been trying~, qui mar-

D e gauche i droite : quent ainsi ce que sera la qualité première de la musique des deux frères : I'inspira-

Duane ALLMAN rrii tion, l'invention à chaque instant, qui fait que l'attention de l'auditeur ne se relâche jamais. Une musique qui pourtant est bien

Gregg ALLMAN plus <<sixties>>, plus ramassée, avec peu de solos de Duane (O" très courts) et qui ne

Johnny SANDLIN fait guère penser à ce que pourrait être la suite. Mais ces perfectionnistes (et en parti-

Mabron MC KINNEY culier Johnny Sandlin) ne semblaient guère satisfaits de leur musique. Sandlin : «Si

Paul HORNSBY nous avions eu un bon producteur et un bori preneur de son en studio, peui.être aurions nom pu faire un album dont je n'aurais pas honte>>. Sévère, et même tout à fait injusti- fié ! Mais Sandlin, futur producteur et sessionman, n'y allait pas par quatre che- mins pour exprimer ses sentiments. L'inspiration passée, le groupe éclata. On

l'instant, mais aussi par son passé. D'où orignaux parus chez Liberty Records sem- sait ce qu'il advint de Gregg et de Duane l'idée de la présence de cette rubrique dans blent introuvables, du moins à ma connais- Allman. Paul Hornsby poursuivit une car- <<ROCK BALLAD>>. Si le sectarisme et les sance, un album de compilation (double) rière de sessionman, puis de manager cher chapelles ont fait tant de mal à la rock- sorti chez United Artists (où l'on retrouve Capricorn, Carr fit le même choix, music depuis 197: et même peut-être Neil Young et Steve Stills dans les notes de mais cette fois dans les célèbres studios de avant, cela ne nous empêchera pas de trai- pochette) rassemble exactement vingt-trois Muscle Schoals, en Alabama. Hourglasi ter également dans cette mhrique de dis- titres enregistrés par le groupe. Car il s'agit étoile filante du rock américain, venait de ques ou de groupes des années 50 et 60, ou vraiment là d'une musique de groupe. Un s'éteindre. Mais dans son sillage, allait se même du début des années 80. Pas de mélange de rock à la Yardbirds, avec quel- poursuivre la carrière de sessionman de carcan, pas de barrière. Un seul critère : ques éclairs de guitare fuzz, des influences Duane Allman pour arriver enfin à l'éclo- l'envie ! e s o u l ~ évidentes, un son unique, basé sur sion de ce merveilleux groupe américain Ce préambule fait, guère de raisons de l'harmonie entre l'orgue et la guitare, des puisant aux sources du blues : I'Allman nous attarder. Mais regardons un peu der- vocaux d'une extrême pureté et un enregis-

Brothers Band. rière nous. 1970 : Bill Graham et son trement hors pair. Le premier groupe des (à subre) Fillmore East, et, à l'affiche, un des grou- frères Allman ne ressemble pourtant en R.S.

DROLE DE DRAME Originaire de New-York, mais installé depuis l'année dernière en Californie, Dramarama compte parmi les valeurs sûres de la pop américaine. Un E.P., un mini L.P., «Comedy», et un L.P. paru chez New Rose, «Cinéma vérité», ont suffi pour asseoir la réputation de ce groupe rare, précieux. Tournées, radios, télévisions : Dramarama poursuit inexorablement sa marche vers les sommets, auxquels peut l'amener son nouvel album, «Box office bomb». II restait à interroger les deux têtes pensantes du groupe, Chris Carter, bassiste, et John Easdale, chanteur et compositeur. Deux personnalités totalement différentes, mais certainement complémentaires : l'un, Chris Carter, volubile, l'autre, John Easdale, plus mystérieux. Ils ont, en tout cas, manifesté un enthousiasme commun à répondre aux questions de José Ruiz qui, par la même occasion, est parvenu à résoudre une partie de l'énigme John Easdale, être secret et assez distant.

Rock Baiiad : La musique de Dramarama semble plus influencée par les 70's que les 60's. Quel est ton avis John ? John Easdale : C'est absolument vrai, bien que tout le monde revendique l'héritage des sixties. Ça vient aussi du fait que nous avons grandi dans les années 70. J'avaïs dix ans en 1971 et c'est donc la musique de cette période que j'écoutais. l'aimais les Beatles quand j'avais cinq ans, mais c'est ce que tu écoues à douze ans qui compte car c'est pendant I'adolescence que tu subis la plus grande ifluence. Les 70's sont donc pour nous noturek. Mais nous n'essayons pas d'être 70's ; nous essayons juste de ne pas étre 80's (rires). R. B. : Votre musique renvoie plus à des références anglaises qu'américaines, non ? J. E. : Oui, surtout. Parce que dans les anrzées 70, il ne passait pas grand chose a u U.S.A. Une bande de hippies barbus avec des guitares acoustiques régnait et, finale- men!, il n'y avait pur beaucoup de bonne musique dans mon pays pendant mon ado- lescence. La meilleure musique américaine était plus ancienne : on la trouvait dans les fifties et au début des sixties ; au fil du temps, elle est devenue molle et ça ne m'inté- ressait vraimentpas. Par confre, dans ce qui se fait actuellement, j'écouie plus de.musi- que américaine qu'anglaise. R. B. : Peux-tu nous parler de ta façon de composer ? J. E. : Pour écrire mes chansons, je n'utilise pur d'instrument sauf, de remps en temps, une guitare ; mais le p l u souvent, je com- pose en conduisant et j'entends comme m e radio dam ma tête. N'ayant pas d'auto- radio dans ma voiture, je n'écoute pas de musique quand je roule. A la place, je la fais. J'en parle ensuite a u membres du groupe et les paroles viennent après. Enfin, Chris er moi réfléchissons pour savoir si la chanson convient ou non au groupe. Mais la moitié des compositions que je présente ne sont pas retenues ou enregistrées parce qu'elles ne collent pas complètement à l'es-

DRAMARAMA (de gauche à di-uitc) : au prrinirr 1il ; i i i . Jcsse Farbmziii çr Solin Easdale ; en arrière plan, T. Ellenis, Mark (Mr E Boy) Englcrt, Chris Carter et Peler Wood (photo coiirtesy of José Ruiz)

prit de Dramarama.

R. B. : Qu'est-ce qui t'inspire pour écrire une chanson ? J. E. : Oh, je'ne suis pas du genre a m'asseoir en me disant : <Bon, je vais écrire une chanson ce soir>>. Non, c'est une ques- tion de chance et d'inspiration. Ça fonc- tionne comme une radro sauf que c'est moi qui fait la chanson dans le poste. R. B. : Chris, parle-nous des problèmes de batteur qu'a connu Dramarama. C'est un vrai poème, cette histoire.

Chns Carter : Nous avons eu trois batteurs. Le premier, c'était juste un ami qui a joué sur notre premier 45 tours. On a cherché un remplaçant parce qu'on ne s'entendait pas avec lui. Il n'allaitpas du rout avec nous qui sommes plutôt réservés sur scène. Il était toujours excité à l'excès, dans le style : *Virez ces mecs, c'est d nous de jouer !B.

On ne savait plus où se mettre quand il parlait comme ça ! Pour lui, jouer dans un groupe de rock, c'était conime faire du foot. On n'était vraiment pas branché sur la

même longueur d'ondes. Alors, il nous a fallu trouver un nouveau batteur. On avait un ami, Kenny, qui jouait dans un orchestre de bal, un type très fort qui avait fait une école de batterie: Nous lui avons donc demandé de venir nous rejoindre. Il appre- nait cinq à six chansons par nuit ; et il se rappelait absolument de tout. Vraiment un grand batteur. Le problème, c'est que sur scène, il en rajoutait vraiment trop, il jouait debout, il gesticulait. Et pendant ce temps, John chantait. Et un jour, on a vu une vidéo d'une de nos chansons (avkiting the zoo,,) et sur le passage ou John chante : ~Makes me think of youu, Kenny faisait le pitre comme si John s'adressait a lui. Quand on a vu ça à la télé, on s'est dit : «Mais qu'est-ce qu'il fout là ce type ? x Il a fallu donc virer le meilleur musicien de Dramarama ! Quel- ques temps auparavant, à l'occasion d'an concours local, nous avions vu un petit groupe, trois musiciens qui ne jouaient que des reprises, notamment de Chuck Berry et des Rolling Stones. lis étaient vraiment géarzts et leur batteur nom avait impression- né, dans la lignée des Charlie Watts et Ringo Srarr. Quand il fut temps pour nous

. de trouver un nouveau batteur, on a pensé à lui. Jesse Farbman était devenu batteur de Dramarama. R. B. : Tu m'as dit être passionné de télévision. Qu'est-ce qu'elle représente pour toi ? C. C. : Ce que j'apprécie énormément dans la télévision, c'est qu'il y en a pour tout le monde, tellement les programmes proposés sont divers. Personnellement, j'adore les flashes d'information, qui te tiennent au courant de tout ce qui se passe. Tu peur allumer ton poste à n'importe quel moment de la journée, tu as toujours quinze à vingt minutes d'informations où I'on te parle des nouvelles importantes, de la météo, des résultats sportifs, etc ... A part ça, j'aime les vieux films en noir et blanc des années 30 et 40, qui passent sur les chaînes par câble ; c'est la seule chance de voir les films de cette époque, les cinémas ne les diffusant plus. J'apprécie également les comédies des années 50 et 60 qui sont à nouveau très populaires. Elles sont tout a fait différentes des comédies actuelles. C'était souvent drôle et les gens riaient vraiment pendant l'enre- gistrement, contrairement à aujourd'hui, où les rires sont pré-enregistrés sur la bande sonore. Il se passe vraiment qiielque chose quand la télévision est allumée ; quand tu l'éteins, c'est comme un ami qui s'en va. R. B. : Les Américains ressentent-ils tous la même chose ?

C. C. : l e ne sais pas, mais je ne connais

Mr E Boy et Chris Carter sur scfnc h L.A.

cil 1986 (photo courtesy of José Ruiz)

personne qui ne regarde par la téiévisioii. Lorsque nous nous réunissons avec les autres, nous noils asseyons autour d'une table et regardons la télévision. Et nous allons en parler pertdam des heures. La télévision est vraiment très importante a u Etats-Unis. Regarde, Jesse, notre batteur, il a grandi sans que ses parents possèdent la télévision et il a dii mal à s'intégrer a une conversation ; ainsi, il ne connaît pas les acteurs, les présentateurs. toutes ces choses qui servent pour jouer au Trivial Pursuit. R. B. : John, as-tu les mêmes rapports avec la télévision que Chns ? J. E. : J'aime bien les films a la télévision et j'aime aussi lire, beaucoup. Mais, si la télé- vision représente une partie de notre vie, c'est parce que, depuis notre naissance, on nous y a installé devant. Tous les jeunes Américains sont des T.V. addicts. R. B. : Puisque tu aimes la lecture, parlons en. J. E. : Je lis de tout, des auteurs classiques, modernes, des biographies ; en fait, tout ce qui me tombe sous la main. Mais je reste quand même à l'abri des manitek et des trucs sur l'électronique. A part ça, mes lectures sont très éclectiques et j'essaye sur- tout de me cultiver : je lir la Bible, des tragédies grecques, des philosophes, même si ce n'est pas toujours évident. En tout cas, j'essaye de ne pas ignorer certaines choses qui me paraissent importantes. R. B. : Que penses-tu de cette manière de faire passer un message au monde qu'avait Boh Dylan dans les annees 60 ? J. E. : Je pense qu'an même moment où il envoyait des messages aux hommes, il utili-

sait toujours ses propres observations sur ce qu'il voyait. Il chantait des protest-songs très personnelles, c'était toujours SES réac- tions sur les événements. Moi, je ne p e u pas parler de politique, je ne me sens pas assez au courant des affaires du monde ; je ne pourrais jamais faire ce que fait Joe Sirummer par exemple. R. B. : Est-ce parce que tu n'en sais pas assez ou parce que tu ne veux pas en parler ? J. E. : Je ne pense pas que la musique rock soit faite pour ça. Il y a assez de gens qui parlent de ces choses Ià dans les journaux. La musique doit être avant tout divertissan- te. De plus, je ne me sens pas Pâme d'un porte-parole. Je préfire chanter sur des .sujets que je connais mieux. R. B. : Tu as l'air assez négatif A propos de tout cela ? J. E. : Oh, je ne dis pas que c'est m l . Je pense simplement que chacun devrait rester à sa place et parler de ce qu'il connaît. R. B. : Penses-tu que les gens puissent considérer tes textes comme de la poksie ? J. E. : Non, je ne crois pas que la poésie puisse se chanter. C'est phtôt quelque chose d'écrit qu'il faut lire. Et puis, j'estine que mes textes ne sont pas assez bons pour être considérés comme de la poésie. Même avec les rimes. R. B. : Tu n'as jamais pensé à inclure les textes de tes chansons sur la pochette des prochains disques de Dramarama ? J. E. : Non, car ce sont juste des paroles de chansons et ça ne me paraît pas fait pour être lu. En plus, il y a tant de disques épouvantables dont les paroles sont repro- duites. Je me demande d'ailleurs combien de bons albums comportent les textes repro- duits. Peut-être quelques Bob Dylan, mais les Rolling Stones des 60's ne l'ont jamais fait, de même que les Beatles avant d e r - geant PepperSz ... Personnellement, je ne vois pas mes paroles imprimées sur le papier, ça me gênerait un peu. R. B. : Tes producteurs favoris ? J. E. : Peut-être George Martin, pour les albums des Beatles et également Jimmy Mil- ler qui a produit les meilleurs albwns des Rolling Stones. Mais ils avaient déjà du bon matériel à l'origine. En fait, il est rare qu'un grand producteur fasse un bon album avec des chansons faibles. Par contre, si les chan- sons sont bonnes au départ, il n'est pas nécessaire d'avoir ungrandproducteur pour faire un bon album. Au bout du compte, il existe peu de producteurs à avoir ruiné un album.

Propos recueillis par José Ruiz (juillet 1986)

NEW MORNING

L'Amérique, le nouveau monde ! Une no- Pourtant, cela ne s'est pas passé tout seul tion qui n'est plus représentée par grand n au début ; le groupe rentre en studio tout chose sauf peut-être dans certains endroits émoustillé et puis le temps passe, l'argent reculés du Wyoming, mais si on doit aller avec et il faut bien sortir quelque chose : ce chercher jusque là ... Par ici le look «Ram- sera une cassette dont le contenu ne les bon, les grandes cités jungles, souvenirs satisfait pas tellement. Ils essaient quand contrits des guerres du Viet-nam, magnats même de la vendre sans trop de succès, et de la presse et trusts internationaux. Voilà puis, ayant réussi à amasser la somme en grande partie les clichés habituels qu'on suffisante, ils réintègrent les studios pour se visionne dans la tête. Pour être franc, il mettre à jour le projet qui leur tient tant à faut bien avouer qu'il y a un petit peu de ça. coeur. L'expérience précédente du 24 pis- Eddie Ray Porter devrait véhiculer une tes leur est bénéfique, et ils peuvent pro- telle image au vu de son passé, fondamen- duire l'album par eux-mêmes et obtenir talement urbain mais il n'en est rien. Chan- ainsi ce qu'ils imaginaient auparavant. son après chanson, c'est une route tonte Leslie Rule dit d'ailleurs que plus on a le droite qui nous emporte vers Dieu seul sait contrôle de son travail, meilleur est le où : même Porter doit l'ignorer. Vous avez résultat. On peut la croire sans difficultés à du voir ça dans un film, une route pou- EDDIE RAY PORTER récoute de la superbe guitare dans #slow dreuse qui file vers l'horizon, bordée d'une chansons et en écrit les textes ; i l les motion danceru ou de la tension qui ligne télégraphique et parfois dune ferme produit également -avec Leslie Rule- et a s'échappe d' nAffer ihe faIl>. Cela devait ou d'un relais routier, tous les 500 kilomè- créé son propre label. That's al1 folks ! -et être fait ainsi et pas autrement.. Toute la tres. Des champs de maïs tout autour ce n'est pas un dessin animé- 0 .K ? 11 faut production a été réalisée dans ce sens. quand ce n'est pas le désert. Ça existe encore un batteur p u r monter un groupe ; C'est quand même pas rien d'arriver à aussi, et tel quel ; je le sais puisque j'ai ce sera Leor Beary (dont je ne connais que créer neuf chansons avec neuf ambiances ; roulé sur cette route et c'est bien pour le nom, la fonction et la photo. Me pardon- et qui ne passeront pas leur temps à rappe- cette raison que je peux affirmer que la nerez vous jamais de ne vous en dire plus à ler des influences ou des points communs musique d' Eddie Ray Porter y correspond son sujet ?!). Chuck Prophet, guitariste de avec d'autres artistes. C'est vrai qu'on parfaitement. Voyager sur une telle route, Green on Red vient compléter la formation. pense parfois à Green on Red (la voix), c'est connaître une succession de moments Maintenant qu'on a les protagonistes et Lou Reed (l'acidité), Dream Syndicate (le de bonheur, d'angoisse et d'épuisement. qu'on a planté le décor, on peut se pencher style), et cncore selon l'humeur, Tom Le chemin est tellement long qu'on a le sur le sujet de la pièce, ou plus précisément PetQ, Bob Dylan ou Television. Ce sont temps de passer par de nombreux senti- de I'acte 1 qui a p u r titre .When the des impressions fugaces qui ne résistent ments, exactement comme le disque d' morning fullsr (paru au cours de l'été 86) guère à la personnalité d' Eddie Ray Porler, Eddie Ray Porter, si ce n'est chaque chan- -quand tombe le matin- c'est joli, mais on loin d'être une pâle copie des musiciens son elle-même. ne dit pas ça comme ça d'habitude. Vision précités ou d'autres encore. Mais venons en au bonhomme ; sachez que pessimiste ? Moi ça me fait penser au coup ~ W h e n the morning fal ls~ vient d'être distri- le jeune Edward Raymond (je suppose que de la bouteille uà moitié vide,, plutôt qu'à bué en France par New Rose (sous une c'est là son prénom intégral et ça fait un moitié pleine ! Une chose est sûre, Eddie pochette différente), et vous n'avez donc peu lourd à assumer à mon humble avis !)a Ray Porter et son groupe nous ont donné pas le prétexte du prix insensé des imports vu le jour dans la bonne ville d'Atlanta où un bien bel ouvrage et I'acte II est impa- pour ne pas vous l'offrir. Je vous l'ai dit, il a passé son enfance et peut-être même tiemment attendu. Neuf chansons de lar- c'est un beau cadeau que vous fait Eddie plus que cela ; quoi qu'il en soit, il n'a pas mes, de perdition, parfois d'espoir et de Ray Porrcr, et ce n'est que le premier. A rompu lesliens qui l'attachaient à sa région lumière. C'est sans doute pas nouveau mais l'inverse de Lucky Luke, il ne vous tourne natale (la Georgie donc) puisque son label ça touche toujours. Là, c'est sombre et pas le dos et derrière lui, le matin qui Less Records est basé à Atlanta. Eddie Ray plus loin on se ramasse le soleil dans la tombe sur la longue route droite laisse a ensuite passé quelques temps vers New- figure. La coloration générale est country- entrevoir que la journée sera belle ; sa York et a fini par atterrir -supposition rock et j'ai bien dit coloration seulement. camère aussi. gratuite, il est peut-être venu en train on Eddie Ray Porter a le rock instinctif, de Pour contacter Eddie Ray Porter : en stop..: à San Francisco, en Californie, même que le blues ou le swing. Tout ça se Mod Lang vers la fin des années 70. C'est là qu'il fait mêle et se défait au gré des morceaux 48 Shattuck Square connaissance de Leslie Rule qui, elle-même nerveux ou désespérés. C'est beau comme Box 138 installée par là depuis une quinzaine d'an- ça ! La production de <<Wken the morning Berkeley, CA 94704-1140 nées, va devenir sa bassiste quand il déci- fullsa est claire et profonde, ce qui fait se U.S.A. dera de se mettre i la musique. II chante, demander quel aurait été le résultat avec Un grand merci à Howard Klein joue de la guitare et du piano, compose ses uo véritable producteur. Cécile Mirebeau

THE DOORS «Live at the Hollywood bowl» E l e k t r a 960741 -1 (dist . WEA)

par Frédéric Bartoli

On pourra toujours ergoter et s'interroger sur l'opportunité du choix d'Elel\tra de sortir un nouvel album live des Doors (rappelons qu'il s'agit du deuxième L.P. live publié depuis la disparition du groupe, le premier étant d l i v e shecrieda, paru en 1983) alors que l'on pensait le filon définitivement épuisé. Outre l'aspect mer- cantile d'une telle entreprise, sans doute faut-il voir dans cette décision la volonté de restituer au public l'ultime témoignage sonore d'un des grou- pes phares des années soixante sur lequel repose I'essentiel de sa renommée. II convient donc de dissiper les craintes légitimes suscitées par cet enregistrement public effectué le 5 juillet 1968 à I 'Hollyood Bowl de Los Angeles, c'est-à -dire un an avant la série de concerts d'où fut tiré l'un des plus grands albums live de l'histoire du Rock'n'roll : ~Absolutely liver. Extrait d'une vidéo cassette retraçant l'intégralité du concert, et pour le moment, uniquement disponible aux Etats-Unis, ce mini L.P. d'une vingtaine de minutes ne rend qu'imparfaitement compte du climat exalté et passionnel, maisaussi tout empreint de solennité, qui régnait au cours des concerts des Doors. La musique tissée par Manzarek et Krieger permet à Morrisson de donner libre cours à ses tendances baroques particulièrement sensibles sur les premiers hits américains du groupe, à savoir eLightmyj7re.v et <The unknown soldieru. Le reste de l'album comprend également une version écourtée de cSpanish caravann (tiré de ewaiting for the Sun.) et trois titres extraits de la composition fétiche deJim Morrkson, *The celebrution of the lizardu. Si cet enregistrement souffre de certaines imper- fections bien compréhensibles et demeure d'un intérêt discutable, du moins dans sa version vinylique, il a cependant le mérite de constituer un nouveau témoignage sur le comportement scénique du groupe alors au sommet de sa popu- larité aux States.

ED KUEPPER «Rooms of the magnificent~ A t t i t u d e Records A T 23

par Dominique Lagarde

I'avoue n'avoir prêté qu'une oreille lointaine aux efforts solo d'Ed Kuepper avec les Laughing Clowns depuis leur formation au début des années 80. Tout au plus la compilation nHislory of rock'n'roll>~ m'était-elle un jour par hasard tombée entre les mains ; alors l'occasion était bonne avec la parution de cet album de renouer avec les ébats du guitariste killer des Saints (période 76-78). A la première écoute de ce L.P., deux types d'appréciations peuvent naître, ceUe de l'amateur des Saints actuels qui ne pourra s'empêcher de faire des rapprochements avec les protégés de Chrk Bailey, ou celle du béotien qui reçoit œ disque entre les oreilles sans aucun souci d'historique ou de contexte. Ce qui frappe d'entrée dans ce disque, c'est la finesse des arrangements de guitare et de uiivres qui se voient ménagés de larges espaces dans la plupart des compositions. Disons le tout de suite, <Roomî of the mugnificent* est un album kt- miste au feeling très européen, très éloigné du traditionnel rataplan magique australien. Côté chant, cela me paraît indéniable : Ed phase comme Chrk (à moins que ce ne soit le contrai- re), et certaines chansons pourraient même être interchangeables. Il y a cependant çà et la des choses bien différentes dans cet album : du Dylan revisité par une ballade à la John Cale dans des Airs, une chanteuse Mélanie Oxley qui apparaît sur plusieurs titres, et partout, ces guitares acoustiques et ce piano qui donnent une impression de fragilité désabusée à des titres, tels que : eAlso sprach the King of Euro Discou (où les cuivres citent bien entendu Zarathoustra) ou rWithout your mirror». Plus abouti que les tentatives un peu confuses des Laughing Clowns, ~Rooms of the magnifi- centu fait entendre Ed Kuepper entouré de Paul Smith (basse), Mark Dawson (batterie, Pernis- sions), Mickael Arthur (harmonica), Chris Abra- hams (piano, orgue), et d'une section de trois cuivres préférant les nuances au rifisanguinaire.

JOHN HIAïT eBring the Familyn A & M 395158-1 (Di s t . P o l y d o r )

par Gilles Ruopoli

Attention, ce disque est profondément humain ; je veux due par là qu'il sonne vrai, que le feeling deJohn Hian a quelque chose de naturel, évident comme sa musique et que les sentiments expri- més dans ses chansons n'ont rien d'édulcorés. John Hiatt est sain comme le blues, sensible comme les paroles de ses chansons. Si ce disque ne manque pas de défauts, il est presque indis- pensable tant la chaleur que cet homme dégage est rare. Ecoutez simplement .Have a little faith in meD où Hian s'accompagne uniquement avec son piano, « T b of my longue", véritable poème musical ou bien nThank you girl* e t I'mtro de guitares de Ry Cooder : c'est être confondu devant l'évidence ; l'évidence d'un grand chan- teur, (dont le timbre de voix n'est pas sans rappeler Graham Parker), d'un songwiter sensi- ble qui, malgré le peu de succès de ses sept albums précédents, garde la foi et le feeling. &ring the familya est un disque de blues qui pourrait avoir comme reférence Ray Charles, Tom Waits, ou tant d'autres qui savent influer un souffle humain à leur musique ; c'est aussi un disque de rock <Memphis in the meantirne" et ~(Your dad didx, mais c'est surtout un disque attachant d'un artiste vrai, servi par des musi- ciens exceptionnels qui ont toujours fait preuve de goût : la simple évocation des noms de Ry Cooder (guitare électrique), Jim Kelher (batte- rie), et Nick Lowe (basse), suffit à situer le niveau. Ce qui ne saurait faire oublier les compé- tences instrumentales de John Hiatt en personne, qui assurent toutes les parties de guitare acousti- que (citons notamment nleaming how 10 love youu). Hélas pour les ventes, c'est aussi une oeuvre qui nécessite une écoute répétée et insistante, comme s'il fallait, pour se réhabituer à l'eau de source non javellisée, y goûter plusieurs fois. N.B : les fans noferont que (<Brins the familyr esi sorti en Angletene avec une pochette diRérente.

TOMMY KEENE «Run Now» Geffen Records 924 128-1 (dis t . WEA)

par Jean-Charles Dubois

La vitalité de la pop américaine des 80's n'est plus à démontrer. La décennie en cours a en effet vu naître un nombre appréciable d'artistes talentueux : Les Bangles, Lei's Actlve, les d B's ou les Bongos, pour n'en citer que quelques uns. Il faut désormais rajouter à cette liste. Tommy Keene. Après la faillite du petit label pour lequel il travaillait depuis trois ans, Dolphin Records, Tomm)' Keene a signé avec une grande compa- gnie, Geffen, qui a sorti un L.P., «Sangs From The Filma, et fait maintenant paraître un mini L.P. de six titres, nRun nowu. II s'agit là d'une excellente introduction à I'univers de Tommy Keene, caractérisé par un rock mélodieux qui s'exprime tout à la fois en finesse et en puissance. Avec cette reprise de d i I l your sonsr: Tommy Keene se verra probablement coller l'étiquette gênante d'héritier de Lou Reed ; en fait, à part cette chanson (cover live par ailleurs très réus- sie !) ce mini L.P. n'a pas grand chose à voir avec les climats velvétiens. S'il est des références à citer, il vaudrait mieux regarder du c8té des Nerves, et plus particulièrement Jack Lee qu'il évoque souvent dans les inflexions de la voix. Disons que Tommy a retenu la leçon mélodique de ses prédécesseurs, car c'est bien de cela qu'il est question ici : de bonnes pop son gs... La production est assurée par T.Bone Burnen et Don Dixon, ce qui devrait suffire à situer le niveau du débat. Qui pourra résister aux fortes réminiscences plimsouliennes de ~ R u n Nowx (le titre) et a l'entraînant d w a y From It AIlr ? Qui pourra rester indifférent à la délicatesse de x i Don'i Feel Righi Ai A l l ~ , à la pulsion de ~Back Again. et au charme de ~They're In Their Own Worldn ? La musique de Tommy Keene est de la gelée royale qui coule dans votre gorge, sucrée et sacrément rengorante. ~ R u n Now» est son pre- mier disque distribué en France : vous n'avez donc aucune raison valable de ne pas l'acheter. Vous ne le regretterezvraiment pas !

SHOES

New Rose FC 028

par Ckcile Mirebeau

Ça fait un bail que je connais les Shoes et à peu près autant que j'ai envie d'en parler de façon concrète. La réédition de «Boomerang> m'en fournit l'occasion ; j'eus priféré un nouvel album, cela va de soit, mais ce ~Boomeinng)> là n'en est-il pas un puisqu'il est accompagné d'un mini-album en live, jusqu'alon inédit en France. Veinardes, les radios américaines y avaient déjà eu droit en 1982. A présent, nous voilà à égalité. Je ne vais pas m'appesantir sur xBoornerang» lui-même puisqu'il a déjà sûrement fait l'objet de critiques diverses à l'époque de sa sortie. Simplement, il faut dire que c'est un disque nullement déplacé dans l'époque actuelle. Comme les autres L.P.'s des Shoes, les composi- tions sont assurées à parts égales par les trois principaux protagonistes : Gary Klebe, Jeff et John Murphy. (le batteur, Skip Meyer àd'ailleurs disparu depuis leur dernier album). C'est simple, équilibré, et terriblement efficace. C'est à se demander comment il se peut que leur audience soit si confidentielle. Ils devraient hanter les charts depuis longtemps ; je ne pense pas qu'ils y perdraient en crédibilité, vis à vis de leurs fans actuels (il y en a). Notons également que la pochette intérieure amprend des photos ainsi que les paroles des douze titres de ~Boomerangu, qui ne figuraient pas sur i'album originel. C'est at home (Zion, Illinois) qu'a été enregistré "Shoes on icea le mini L.P. live. Six titres seule- ment (quand c'est bien comme ça, on en voudrait toujours plus), e t on s'aperçoit que malgré leurs passages très peu fréquents sur scène, ils y sont très à i'aise et ne donnent pas lieu à certains débordements qu'on connaît assez souvent dans cette situation. C'est toujours bien en place avec les d h o e s ~ ; le son est merveilleux, et on recon- naît parfaitement les titres (quatre de rPresenr Tensen et deux de nTongue Twistern), ce qui n'est pas toujours évident en concert ! Une dernière remarque : rien sur la pochette (qui est celle de *Boomerang>) n'indique la présence du disque live et ce serait dommage de le manquer à cause de cette absence de publicité.

THE REPLACEMENTS «Pleased to meet me» S i r e 925 557-1 (d is t . WEA)

par Cécile Mirebeau

J'avais débarqué chez mon disquaire habituel et sans plus attendre, je commençais moninvestiga- tioi que j'espérais aussi infructueuse que possi- ble, car il faut avouer que, au w des prix des disques et de la production actuelle, on aurait vite fait de terrasser son compte en banque. Alors, j'espérais ... C'est à croire que la sorcière Rock m'avait jeté un sort, et de la pire espèce : clle me foutait devant les yeux deux merveilles qu'il me fallait ABSOLUMENT (c'est ce que je me dis à chaque fois !) : les nouveaux L.P. de Jiiles SShear dont vous trouverez mention ailleurs dans cette rubrique, el celui des Repiacemrnrs. Ces derniers viennent de sortir leur cinquième album en cinq ans, intitulé <,Pleased to mecf me# (heureux de nie rencontrer !) ; les Replocemenrs sont vraiment des petits facétieux. Des gens doués aussi .ne font ils pas de la bonne musique ?- et aussi bizarrement pointilleux. Imaginez qii'ils ont viré leur gratteux qui t5tait un peu trop de la bouteille et qu'ils s'en vont écrire un titre qui s'appelle *Red red wines. Ça m'a laissée toute perplexe. De toute façon Bob Stinson ne manque pas tellement et les trois autres s'arran- gent aussi bien sans Ihi. Tant que Pair1 Westei. berg sera là, avec sa voix à la Sieven T)'ler (d' Aerosiniih), ce sera OK pour moi ; e t il n'y a pas que son organe (ne me faites pas dire ce quc je n'ai pas dit SVP) qui me fasse penser à Aerosmiil! qui, j'aiine le rappeler, n'est pas un groupe de Hard. Mais certains titres au demeurant fort nombreux, n'ont rien à voir avec I'équipc de Bostoii tant pour les ambiances que pour les arrangements : le jany <,Nigghtclub jesiers>>, I'af- folanr eTlie ledgea et sa guitare hallucinante, les cuivres sur ~Can'i hnrdly wnifn (avec Alex Cl~il- toi:, ce qui n'est guère référentiel) etc ... les exem- ples ne manquent pas. Alors, les Replacemei~/s, "Pleasedio meei ben13 !

«Exit O» MCA 254802-1 (dis t . WEA)

par Bernard Fretin

Avec son premier album ~Gui ta r Town" un des tout meilleurs de 1986, Sleve Earle contribuait au renouveau d'un genre musical qui en avait bien besoin, je veux parler du country-rock. Réussite artistique mais aussi succès commercial ( a u U.S.A. du moins), nGuiiar townn ayant enthou- siasmé à la fois les fansde rock et de country, fait suffisamment exceptionnel pour être signalé. Ce crossover a incité les pontes de C.B.S. à prendre un virage à 1800, en exhumant récemment nEarly tracks*, disque que Steve Earle avait enregistré pour eux en 1983 mais qu'ils ne s'étaient jamais décidés à sortir. Ce dont ne saurait se plaindre le label concurrent M.C.A. qui, enhe temps, a récupéré cl'indésirablea et les dollars ... et s'ap- prête à récidiver avec le véritable nouvel album, nExil01. Celui-ci apparaît wmme le digne successeur de ~Gui ia r townr avec toutefois, un son plus rock qui éloigne encore davantage son auteur de la muntry traditionnelle, telle que la pratique Randy Travis, par exemple. Les claviers occu- pent désormais une place prépondérante, que ce soit le piano (CI ain't ever saiisfieds) ou l'orgue (el love you too muchr). Et un morceau comme <,San-Antonio girlu n'est pas sans rappeler Bruce Springsieen, avec qui Steve Earle partage la même fascination des autoroutes (~Nowhere roada) et des quatre roues (nSweet linle 66~). Comme le Boss, il bénéficie du soutien d'un grand groupe, The Dukes : écoutez donc *The week of living dangeroulys, bien bel exercice de country-rock moderne et *Il's al1 up to y o u ~ , tout empreint de sensibilité. Mais la palme revient assurément à n% rain came downx, avec ses paroles chargées d'émotions (sur le destin tragique des fermiers endettés) et sa mélo- die parfaite (fabuleuses guitares). Inoubliable. Tout au long des dix chansons d'«Exil 01, Sieve Earle confirme ses grands talents de songwriter. Le rock américain -le vrai, celui attaché à ses racines- ne s'en porte que mieux.

STEVE EARLE &THE DUKES

T w i n s T 3043

PAUL COLLINS BEAT «Live at the universal»

P r o d u c c i o n e s T w i n s C/Aralar.S - 28028 M a d r i d - E s p a g n e

par Dominique Lagarde

Ainsi donc, Paul Collins a signé depuis plusieurs mois un mariage d'amour avec l'Espagne qui d'ailleurs le lui rend bien en publiant ce 33 tours enregistré en public à I'Universal de Madrid, un endroit certainement des plus recommandables puisque (entre autres) Kid Pharaon et les Lonely Oiies ainsi que les Kingsnakes avouent avoir conservé un excellent souvenir de leur passage dans cette salle. Le vendredi I l juillet 1986, c'était au tour de l'enfant terrible des Nerves de réchauffer l'été madrilène qui n'en a pourtant pas besoin. Accompagné de Steve Hyff (basse), Emilio Huertas (lead guitar) et Manolo de Palma (batterie), Paul Collins a passé en revue, ce soir là, une grande partie de ses chansons pop-rock à la fois nerveuses et mélodiques, pour la plupart bien connues des amateurs de rock US. Pas de grandes surprises dans ce disque qui peut servir de rappel des dix années de carrière de C o l l i ~ , mais pas non plus d'oubli fâcheux ;jugez plutôt : <Rock'n'roll girlu, nAlways got you on my mind», rWorking too hard8 (créé avec les Newes), ~Don ' i wail upu, non the highwaya, VAU over ihe world~, rien ne manque ! Sans être particulièrement incisif, le son de cet album est fort wrrect et comme The Beot envoie toujours son répertoire à cent à l'heure, on a droit à treize morceaux, en fin de compte pas très éloignés des versions originales. Moins caho- tique que le "Live in Madrid* des Barracudas, cet album peut offrir une excuse valable à ceux qui voudraient délaisser momentanément copains, parents ou petit (e) ami (e) sur les plages surpeuplées d'Ibérie pour fouiner dans les boutiques de disques, d'autant que la pochette rose est très réussie, ornée qu'elle est d'un cliché de Collins (Paul) en plein blues, cigarette sur le manche et tee-shirt d'actionnaire à I'Universal sur le torse.

NElL YOUNG & CRAZY HORSE

«Life» G e f f e n 924 154-1 (Di s t . WEA)

par Bernard Fretin

L'annonce de la sortie d'un nouvel album de Neil Young suscite désormais les plus vives inquiétu- des. On ne peut pas dire en effet, que le Cana- dien ait particulièrement gâté ses fans durant cette décennie : personnellement, seuls *Haws & Dovas (1980) et nOId Waysn (1985) m'ont satisfait, les autres L.P.'s étant franchement iné- gaux, voire mauvais (cf la précédente réalisation: ~Landing on waier~>). Résultat : Neil Young n'intéresse plus grand monde. A ce manque d'inspiration chronique (appelons les choses par leur nom), s'ajoute le fait que Neil Youngsouffre d'une image profondément liée aux années 70. Le drame, c'est qu'il s'est mis en tête de rectifier le tir en voulant se doter d'une touche moderne via l'emploi des synthitiseun, alors que ce n'est pas du tout son tmc, à en juger par les échecs de .Transe (1982), et de ~Landing on watern (1986). nLifez poursuit cette voie dans une moindre mesure et marque le retour du groupe Crazy Horse, absent depuis trois albums. On y trouve au moins, deux bons morceaux : "Long walk homen, dont I'harmonica et le piano rappellent un instant le grand Neil Young, et surtout nlnca Queen., huit minutes de mariage heureux entre guitares acoustiques et synthétiseurs (mais oui !), alnca Qiieenw s'ajoute à la collection des longues pièces musicales de Neil Young, dont le dernier témoignage s'appelait précisément clike an Inca;. (paru sur Trans), décidément, cette

. civilisation inspire notre homme. Le reste de l'album est largement en-dessous : le moyen, qu'il s'agisse de morceaux rageurs, dans la lignée de de-Actora (nToo lonelyz el ~Priso- ners of Rock'n'rolls) ou de slow songs (eWhen you lonely heari breaks» et «We never danced~) y &oie le mauvais («Around the worlds ne mène vraiment nulle part, ce qui est un comble !). "Lifez est donc un nouveau disque inégal de Neil Young, dont le comportement absolument imprévisible laisse malgré tout espérer un retour à un meilleur niveau.

LYLE LOVETT «Lyle Lovettn Vogue 540 144

par R.S.

MARSHALL CRENSHAW

«Mary Jean & 9 othersn W.E.A. 925 583-1

1 De tous les albums de cette~new-wave country- / Dar Dominiaue LaFarde rocks, qui déferlent actuellement avec un certain succes sur le marché américain, le premier disque de Lyle Lover! est probablement le plus original et le plus agréable à I'éwute, donc forcément le plus attachant. Plus inventif que Steve Earle, moins traditionnel que Randy Travis, les chansons de Lyle Loven ont une wuleur unique qui séduit par leur sensi- bilité, leur pudeur dans les paroles et surtout I'extrême diversité qui lescaractérise. Sur les dix chansons du disque, sept datent de 1983, les trois autres de 86. Entre ces deux années, le voyage de Houston à Nashville, la rencontre avec Merlin Linlefield de ASCAP (la SACEM américaine), un contrat d'auteur compositeirr chez MCA / CURB et enfin, le disque. Du rythme syncopé (le violon de Glen Duncan) de .Cow-boy mana, à la mélancolie de eClosing timeu et sa combinaison piano / guitare sèche avec un superbe solo de guitare de Billy Williams au milieu, on passe d'un sentiment à un autre, d'une histoire à une autre, avec la plus grande simplicité qui soit. Ballades country empreintes de mélancolie, rock'n'roll (nYou can'l resisr itn) et joie de vivre, les influences gospel et le ton "Blues à la Tom Waitru de <The wedding songw, tout cela vous donne envie d'aller plus loin, d'en savoir davan- tage sur ce petit paysan texan devenu journaliste avant de faire les premières parties de Randy Newman et d'Emmylou Harris. Remarquable- ment accompagné, Lyle Lovett sait trouver quant à lui les mots simples (il écrit et compose tout) qui font le charme de ce disque :

*And if the stars didn'i shine on the water Then the sun wouldn't bum on the stand

And if1 were the man she wanfed 1 would not be the man that 1 amu

( n l f 1 were the man you wanteds, le plus beau moment du disque) Reste tel que tu es, Lyle, et continue à sortir des rondelles comme celle-là.

"

Marshall Crenshaw est une énigme : en cinq ans, quatre albums et quatre producteurs différents, personne n'a réussi mettre un sourire sur le visage du chanteur. La pochette de *Mary lean & 9 orhersa, I'une des plus belles de l'année, ne fait donc pas exception et Marshall possède tou- jours cet au triste d'un Buddy Holly en train de réaliser que l'avion dans lequel il a pris place va s'écraser. Ce nouvel album dont la production a été confiée à Don Dixon (toujours des pointures après r e s peauensement Richard Goitehrer, Steve Ld- lywhiie et T.Bone Burnen) reste dans la lignée du L.P. précédent uDowntown>> : son étoffé, enrobé avec l'impression qu'une multitude de guitares cristallines viennent frapper à vos oreilles ; on s'éloigne sensiblement de la production plus inti- miste des deux premiers disques. Ce quatrième disque marque le retour à la for- mule du tno, abandonnée pour ~Downtown~, Marshall Crenshaw assurant les parties de guita- res, accompagné de son frère, Robert, à la batte- ne, et de Graham Maby (ancien musicien de Joe Jackson) à la basse. L'album contient une reprise de Peier Case, .Steel Sfrings~ (où l'on note la participation de Mitch Easter), que l'on peut situer dans les moments de quiétude du disque au méme titre que le délicat eThey never will know, ou le romantique (pas néo) nSomebody crying~. Le ton de i'album est d'ailleurs toujours empreint d'une grande finesse, d'une émotion toute entière exprimée dans la voix sinueuse et pleine de nuances de Marshall. Les instants de torture se retrouvent dans les titres comme ~ W i l d abandon8 ou xCalling oui for love (at crying rime)., mais le grand moment du disque demeure

mon avis @Mary Jean* ellemême, superbe chanson où plusieurs mélodies différentes s'en- trecroisent pour donner au morceaucette palette de couleurs si particulière, et le sentiment que Crenshaw va toujours chercher une grande part d'inspiration dans ce pop-rock des années 58-62, que de nombreux puristes jugent négligeable.

RANDY TRAVIS «Always & Forever» WEA 925 568-1

par R.S.

Plus d'un million d'albums vendus rien qu'aux U.S.A. pour eStorms of l i f e~ , le premier L.P. de Randy Travis, paru en 86. Ça marche fort pour la nouvelle star du country-rock et c'est mérité : les ballades sont dignes du meilleur Charlie Daniels des 70's (encore un que les suiveurs de mode feraient bien d'écouter pour savoir ce qu'est «vraiment. le country-rock.) Rand)) Travis a tout pour réussir : une belle gueule de cow-boy moderne et désabusé en apparence, une voix profonde e t grave, et l'art de transformer en qualité ce qui pouvait être un handicap : I'atta- chement à la tradition. Rien de plus erootsn, en effet, que la musique de Randy Travis : un country-rock ultra-simple joué par des musiciens efficaces et sobres comme on doit en trouver pas mal à Nashville. Le son de ~Always & Forever. est superbe. II manque cependant peut-être A ce disque ce qu'il y avait dans *Storm of lifeu : deux compositions magistrales telles que nThere'11 always be a honky tank somewherex ou rDiggin'up bones*. Ce qui ne veut pas dire que les morceaux ne sont pas bons, bien au contraire, .My houseu, eAnythingu, n l iold you son, sont de véritables perles. II écrit ou compose peu (trois titres dans ce deuxième album, deux dans le premier), mais c'est, par contre, un interprète tout à fait remar- quable qui vous «prend» par le seul son de sa voix. Un Presley du country-rock, en somme, doublé d'une «gueule» à la James Dean que l'on oublie pas. Si vous êtes comme moi, si vous aimez ce chanteur de <<love-songsx pour ce qu'il est, si vous préférez n'importe quel western de série B avec Glenn Ford ou Randolph Scott à toute autre forme de cinéma, bref, si vous aimez le country-rock avec plein de guitares, steel, dobro, harmonica ou violon, procurer-vous ce L.P ..... et le précédent. De toute façon, cet album, c'est lavieet ~There'll always be a honky tank with a juke-box in a corner*.

JULES SHEAR D e m o - i t i s 1

«We can work in ont» G.M.G. 75018

par Cécile Mirebeau

J'adore vraiment les compiles : 10 groupes (plus ou moins) pour le prix d'un, c'est déjà un argu- ment en soi, et puis quand ces groupes sont représentés -en principe- par ce qu'ils ont fait de mieux, cela ne gâte rien. Des compiles, il y en a eu de toutes sortes : par styles, par époques, par maisons de disques, etc ... "We con work it out* offre les deux demiè- res options ; le tout se situe entre 85 et 87 environ et sur le label français G.M.G. à qui on doit, entre autres choses, la réédition essentielle du &op outw des Barracudas ou le premier L.P. des Bad Loosers (malheureusement absents sur ce disque-ci). Le fait que je connaisse une partie des groupeset morceaux présents sur cet album n'a en rien altéré mon plaisir. Les 14 titres nous proposent un patchwork de style qui devrait convaincre de la diversité dans laquelle oeuvre G.M.G. Diver- sité, et non pas dispersion puisque l'un des aspects remarquables réside dans la cohésion de l'ensemble où, d'un titre à l'autre, tout se lie parfaitement sans que rien ne soit jamais pareil. Ça se présente ainsi : ~ R i p if upa des Vibrators en live qui n'est pas sur leur album en concert, suivent les Français de Blue Jim avec .Me ind my buck* qui a été jugé comme décevant par certains mais que je trouve tout à fait à mon goût. Une erreur ensuite : celle d'avoir choisi "Darling* pour les Creeps, qui est loin d'être bien caractéristique de ce qu'ils font en général. Cependant c'est en soi bien agréable. Pour Chi- huahua, on a droit à un extrait de cHot chicm vraiment délectable puis Charlie Burton & the Hiccups, Lucky Seven et Les Maniacr suivent avec des passages de leurs disques respectifs. De même pour Les Needles et Miners of Muro sur l'autre face qui démarre avec Tino Carlier, le seul titre (instrumental) qui ne m'a pas convain- cu. On continue avecdes morceaux de Trigger & the Thrili Kings, Jon Ashenon (des Froggies) et Spider X. Et on termine par un bien beau titre des Infidels qui n'est pas sur leur mini L.P. Si vous aimez les compiles comme moi, foncez !

JULES SHEAR «Derno-Itis» E n i g m a 3244-1 (dist. Dancetaria)

par Cécile Mirebeau

Jules Shear, il est comme moi ; il a une voix enrhumée, seulement, lui c'est naturel et ça lui va plutdt bien. Moi, je m'en passerais volontiers (de mon rhume, pas de Jules...). Ceci dit, il s'agit là du seul élément de comparaison entre nous parce que, si Jiiles écrit des chansons, les chante, les joue et en principe les produit, moi, je ne suis là que pour les écouter et surtout les apprécier, ce qui ne fait d'ailleurs pas défaut. Le type n'est pas dans le circuit depuis hier : deux albums en 79 et 80 avec son groupe d'alors, les nPolars Beurs*, puis une camère solitaire à partir de 83, avec deux autres L.P.'s et , récem- ment, nDemo-ltis~>. Plus j'écoute, plus j'aime, et comme j'aimais déjà plus que beaucoup ... ! Mal- g k ça, j'étais un peu gênée devant ce nouveau disque. II faut dire que le précédent, .The Eter- na1 Rerurns flirtait d'un peu trop près avec toute cette technicité moderne (électronique en tous genres) qui ne fait assez souvent que déparer ce rock qui nous est si cher 1 j'ai donc craint un. instant que "Demo-liisu ne s'engage aussi dans ce sens. Non pas que je sois une ennemie jurée du progrès, mais je préfère la vraie guitare et le vrai piano (par exemple), aux trop faciles syn- thés. Bon, je sais bien qu'il faut faire avec, et fréquemment, il arrive que cela se passe réelle- ment bien, ainsi, dans les productions de Jules Shear~ , avec ou sans groupe. C'est amplement le cas avec nDemo-ltis,~, un disque tout empreint d'émotion, de drôlerie et de la personnalité très forte de son auteur : les textes d'abord, où se croisent images troublantes, paradoxes (<Chain wirkin a Chain"), comparaisons étranges. Jules a toujours eu une façon unique de dire les choses, et sa musique ne devrait pas toucher que les amateurs de pop-rock : Jules ratisse beaucoup plus large. Enfin, ce n'est pas parce que d e m o - 1iis~ (qui est une compilationde démos) présente trois titres déjà connus (mais différents ici) qu'il faut le bouder. Alors, souriez que diable, et achetez ce rayon de soleil appelé ~ D e m o - l t i s ~ ~ !

FLAMIN' GROOVIES «One night stand» Musidisc 130 087

par Dominique Lagarde

Voilà bien des années que la Groovies mania des seventies était en sommeil, sauf bien sûr pour une poignée d'incormptibles sans cesse persua- dés de l'imminence d'un éternel retour. Paru initialement en Australie, point de départ de la reconquête, *One night stand* ne comprend pas moins de quatre reprises du groupe lui-même, reprises bien choisies puisque l'on trouve de nouvelles (et bonnes) versions de ces titres essen- tiels que sont eShakesome actionr, .Slow dealha, nTeenage Head. et RI can't hider, plus le aTalla- hassie Lassiex de Freddie Cannon que l'on pou- vait entendre en face B de <Slow deutha en 1972. Bien sûr, pochette en main, l'enragé des Groo- vies pourra se sentir frustré en contemplant le programme, mais il faut admettre que Cyril Jordan et George Alexander ont su s'entourer de manière impeccable avec JackJohnson i la guita- re, lequel se révèle surtout être un chanteur rageur de première bourre qui insuffle une vita- lité incroyable aux titres qu'il interprète, et Paul Zahl à la batterie dont la <<présence. me déran- geait un peu au début, mais dont le son s'inscrit parfaitement dans cette optique de rock plus sauvage qui caractérise l'album. Je vous rassure : les guitares sont toujours bien là, moins cristalli- nes mais aussi efficaces ; disons le tout de suite, on est plus près de nlumpin' in the nightx ou de la tempête .Teenage Head/Flamingo~ de 70-71 que de ~ Y o u fore me downn et des nostalgiques enjolivures Beafles d'il y a dix ans. Le reste de l'album est constitué de reprises ... des autres, les familiers nMoneyx ou <Slow downr et puis .Cal1 me lighîningu des Who et *Kicksa tube sixties de Paul Revere and the Raiders. La reprise la plus étonnante (et la plus fraîche) est bien sûr ~Binersweetu des Hoodoo G u m . En résumé, un album plus que rassurant des Groovies perdus de w e depuis sept ans et la satisfaction de se natter l'oreille sur autre chose que la moindre stemutation pirate de Cyril Jor- dan, même si le quarantecinq tours «Way over my head / Shakinn qui a précédé none night stand. laissait espérer d'autres titres originaux.

HOODOO GURUS «Blow, your cool !n C h r y s a l i s 830 947-1 (dist . P h o n o g r a m )

par Jean-Charles Dubois

Le jour de gloire est-il arrivé ? Les ventes de leurs deux précédents albums leur assurant maintenant une certaine sérénité, les Hoodoo Gurus peuvent dorénavant se consacrer à leur art. Loin du pilonnage incessant de la plupart des groupes australiens, les Gurus, tout en assurant solidement, savent oeuvrer dans la finesse. Ils n'hésitent pas à faire claquer une guitare électro-acoustique (~Come onu), ou à nous faire savourer de délicieux arpkges électriques post- grooviens (uWhat's my scene~)). Le morceau le plus surprenant de ce L.P. est assurément <My curavan., une pièce psychédélique de toute beauté : tempo halluciné, guitare en délire, voix grave et récitative, batterie dont le gimmick évoque des petites choses comme vTo morrow never knowsir des Beatles ou <As real, as realu de Tkree o'ciock ! Finalement, ce groupe me rappelle les Who de la grande époque, non par la forme, mais sur le fond : un son immédiatement identifiable et le don d'amalgamer pêche et mélodies, puissance et harmonies ... Sachant même oeuvrer dans le plus pur créneau pop avec cl'm the one., ils se révèlent comme le grand groupe d'aujourd'hui, coiffant les Sunny boys, Fortunare Sons, ou Wayward Souls par I'immense étendue de leurs possibilités. Talent, énergie, variété, que demander de plus ? Ce n'est d'ailleurs certainement pas un hasard s'ils sont distribués au over the world par une Major Company. Les Hoodoo Guru sont en effet i'un des rares groupes de rock capables de présenter un <<pro- duit)) qui soit à la fois crédible, sincère et effica- ce. Un seul conseil : Let's al1 turn on ! N.B : le pressage français ne contient pas les paroles conirairemeni d son komoiogue anglais : pourquoi ?

ROAD RUNNERS «Beep Beep» Acme 001 (dist . M a d r i g a l )

par Bernard Fretin

Vos oreilles averties auront sûrement remarqué la vitalité inhabituelle manifestée par le rock français ces derniers temps : au même moment, apparaissent plusieurs compositeurs de talent préoccupés avant tout d'écrire des mélodies durables et d'y apposer de belles voix. Parmi les artisans de ce renouveau, figurent, en premitre ligne, aux côtés des Surrenders et de Kid Pharaon & The Lonely Ones, les Rond Runners. Ces derniers, originaires dnvreux, ont gravé avec «Beep Beepn, leur premier disque. Le mini LP est produit de façon exemplaire, par Lirrle Bob, qui a ainsi permis aux Road Runners d'obtenir un son à la hauteur de leurs composi- tions. Résultat : les six titres de <<Beep Beepx possèdent une maturité étonnante et une séduc- tion immédiate. «Behind the door (Ulio 's)~ ouvre la danse et balise le terrain avec ces harmonies vocales et ces guitares nerveuses si caractéristiques des compositions qu'écrivait Pete Townshend pour les Who dans les sixties. dhnbrellan fait la part belle aux guitares, assis- tées d'un harmonica efficace. «Baby Been met en valeur la qualité des vocaux des Rond Run- ners, ici sérieusement secondés par Little Bob himself. On retourne le disque pour entendre d'emblée le meilleur morceau: ~Jealous of your mirrora est une superbe ballade, ~ t h m é e par d'énergiques guitares acoustiques et enrichie d'une lead guitare (électrique) particulièrement inspirée. Avec <<Two Lolitasbb et son beat stonien, les Road Runners nous rappellent à qiielle école ils ont été formés. xBlack balloon~) fait partie de ces rocks racés qui témoignent d'une envergure certaine : le plus est apporté par un orgue subtil et des notes deguitareacoustique judicieusement intercalés au milieu du morceau. Décidément, les Road Runners disposent d'atouts non négligeables : ils jouent bien et juste, possèdent un bon compositeur (doublé d'un bon chanteur) et font preuve d'imagination au niveau des arrangements. «Beep Beep. cons- titue une belle carte de visite que les Road Rwiners Deuvent arborer avec fierté.

LONG RYDERS «Two fisted tales» I s l a n d 208.287 (Dist. R C A - A r i o l a )

par Cécile Mirebeau

Oui, j'avoue ; je n'ai pas acheté tous les disques des Long Ryders. Mais, parole, j'ai droit à des circonstances atténuantes. En effet, jugez plu- tôt : j'alrais bien aimé les deux premiers albums (dont un mini L.P. un peu ardu à dénicher il est vrai), et puis plus rien ou presque. Je veux dire, plus de nouvelles. Le manque de promotion qui a accompagné leur troisième et précédenle réali- sation diate of our ri fi ion^, -et qui soit dit en passant, se maintient pour <Tut0 jsted inlesa- leur a été franchement préjudiciable, et pourquoi cela à votre avis ?Tout bétement parce queça se passait sur un gros label. II paraît que ça ne pardonne pas. Plus la maison de disque est importante, moins le disque est bon. Un tel parti-pris est carrément révoltant. Bien, c'est dit. J'aime autant m'arréter là et parler plus précisément de ,YTIIIO fisied iules>>. C'est un disque que je qualifierai d'agréable, car il l'est bel et bien, même s'il n'est peut-étre pas ce que le groupe a fait de mieux. De toute manière, si l'on veut vraiment apprécier -ou non- un album, il est bon de le considérer en soi, sans tenir compte de ses prédécesseurs. On a là un vinyl réalise simplement, sans artifices autres que I'emploi de la mandoline ou du clairon sur quelques chansons, et surtout, enregistré avec un plaisir que nos quatre lascars n'ont pas jugé utile de cacher : ainsi les relents mexicains sur #The light gels in the w a p avec i'accordéon de David Hidalgo (Los Lobas), et la douceur triste de nBnby's in Toylnndx qui n'est pas sans rappeler R.E.IM.. Mais il faudrait citer tous les morceaux, chacun ayant sa petite histoire. J'ai gardé le meilleur pour la fin : Les Long Ryders ont eu l'idée de génie de reprendre un titre de N.R.B.Q. (New Rhythm & Blues Quar- tet, groupe du Kentucky, installé à New-York au début des 70's. Au cas où vous trouveriez n'im- porte lequel de leurs disques: ne vous posez pas de questions, hein ?). Ça, c'est une preuve de bon goUt ! Au fait, j'espère que vous en avez vous aussi ; e t moil je m'en vais chercher l'album oui me rnanoiie.

GAMINE «Le voyage» B a r c l a y 885 502-7

par Jean-Charles Dubois

Enregistré à Bmxeiies, le nouveau single des enfants terribles du rock bordelais inquié- tait ... Verseront ou verseront pas dans la variété puimauve, telle était la question. Finalement, nous voici rassurés. "Le voyagc~ est tout à fait enthousiasinant et passe bien en radio. La musique composée parJosé Ririz (qui, depuis, a quitté le groupe) sur laquelle Paco a grcffC un imparable riff d'harmonica est une grande réiis- site dans le créneau qu'ils s'imposeiit. En face B, <<Les jeus innocents>>, moins directs, devient tout aussi attachant après plusieurs écou-

~ ~

tes. D'un point de vue strictement musical, ce single se situe dans le peloton de tête du rock fran~ais, la seule réserve que j'émettrais est pour les textes un peu faiblards ; Antoine ou Téléphonr ont prouvé qu'on pouvait mieux faire. Certains répondront que le teenage pop se pose en dehors de tout ça et que seule, compte I'im- pulsion de I'ensemble. OK les gars ! C'est un bon single. à la prochaine !

ELLIOTT MURPHY «Niagara Falls>> New 91 (45 T. New Rose)

par Bernard Fretin

Saluons le choix inspiré de <Niagara Folls~comme single, meilleur morceau du dernier L.P. d' Ellion Murphy, ~Milwaukee~. *Niagara Fallsn est une sublime ballade relatant l'histoire d'un amour déçu avec toute l'amertume de cir- constance. Le ton est donné d'entrée : nReceived your postcard maiied to the wrong address~,. Le genre de petites phrases apparemment anodines mais tout à fait explicites, qui donnent un aperçu de la dimension d'un song-writer. diagara Fullsu est du grand Murphy, qu'on se le dise ! Le deuxième titre de ce 45 tours constitue un petit événement puisqu'il s'agit d'une reprise (jusqu'à présent, les disques d'Elliott Murphy ne conte- naient que ses propres compositions) : CI want you*. L'hommage de l'élève au maître ? Quoi qu'il en soit, reprendre e t want youa apparaît assez casse-gueule, compte tenu de l'extrême popularité du classique de Bob Dylan et des tentations inévitables de comparaison. Conscient du piège, Elliorr Murphy nous propose une ver- sion up-to-date de *[ want youa, dont seules, les paroles sortent (à quelques dttails près) indem- nes. Dans ce contexte, on reste évidemment sur sa faim, même si la voix enjouée d' Elliort Murphy peut procurer un réel plaisir.

BOBBY SUTLIFF uAnother janglg mess>> ( M a x i 43 t . a n g l a i s T a m b o u r i n e )

par Bernard Fretin

Si je vous dis que Bobby Sutlifl était l'une des deux tétes pensantes (l'autre étant Tim Lee) de ce groupe américain essentiel qui s'appelle les Windheokers, ça ne vous avancera probablement pas beaucoup ; rien d'étonnant à cela : leurs six disques (un 45 t. . deux mini L.P.'s et trois 33 L.P.'s) ont été plus ou moins passés (beaucoup plus que moins d'ailleurs) sous silence. par la presse rock francaise. Ce qui est proprement lamentable mais justice leur sera prochainement rendue dans ces colonnes. Pour finstant, c'est Bobb)' Sirtliffqui nous intiresse plus partidière- ment: ~ o t r ë homme vient de ~aikso", Mississipi et .-Another jangly niess. est son premier disque solo, enregistré peu après son départ des Win- dhrokers en début d'année dernière. Mitch E u - ler a produit quatre des cinq titres de ce maxi 45 tours (ce qui. vous en conviendrez. est un gage de qualité) et fait aussi apprécier ses talents de multi-instmmentiste puisqu'il !. joue des giiitares, de la basse et des percussions. II s'agit là d'ail- leurs d'un point commun avec l'auteur de ce disque, crédité pour les guitares. voix, claviers et basse. Mais ce n'est pas le seul. ni le plus important : ce qui les rapproche a a n t tout, c'est leur amour immodéré des six et douze cordes. Celles-ci sont tantdt aériennes (.Alivays love you"), tantôt incisives à l'occasion d'un solo (<,Suine wuy romonon.-). rantôt cristallines (la splendide partie de pirare acoustique de Tim Lee sur ~~Couldn't help m- self^^: dans tous les cas, elles sont très mélodiques et accrocheuses (si les radios faisaient preuve d'un minimum de goût. elles n'hésiteraient pas à consacrer Yen- traînant eDidn'r mcan roa). Bobb: Sirtlfff est un perfectionniste qui se soucie du moindre détail : écoutez les nappes d 'orpe discrètes (<Second choires), ou constatez le travail au niveau des harmonies vocales. Mais ce qu'il y a peut-être de plus remarquable. c'est la personnalité des com- positions de Bobb,~ Sirrliff. sa musique, croise- ment de folk-rock et de pop. n'évoquant vénta- blement personne de précis. Ce feeling unique donne toute sa saveur à ~Anotlier jailgly messu, que je vous conseille vivement de posséder.

WET TAXIS «Sailor's dream» (45 t. a u s t r a l i e n C i t a d e l )

par Cécile Mirebeau

Les Wei Taxis ont déjà une certaine expérience discographique derrière eux. Si je les connaissais de nom, je les découvre vraiment avec ce single et je peux dire que c'est un bon départ. Je

préfère commencer par la face B et garder Ir meilleur pour la fin puisque tel est le cas ici. II n'y a de toutes façons, rien de plus aléatoire que l'option de tel titre en face A, reléguant l'autre sur le côté opposé. Le public fait son choix et ce ne serait pas la première fois qu'un titre de B-side fasse flamber les chats, ou votre âme, tout simplement. ambulance ridez débute avec le hurlement d'une sirène et dénote une urgence évidente, suggérée par le titre lui-même (la course de l'ambulance). Quant à ~SailorS dream,,, que je préfère amplement, c'est LE titre de l'annte. D'une facture inhabituelle, le mor- ceau est peuplé de combinaisons de batterie diquetante, guitare indiscrète, frise de piano et cuivres magistraux, toiijours différentes. Un fouillis apparent seulement, mais, bon sang, il y a de la magie dans l'air !

FORTUNATE SONS «Hammerhead» ( m a x i 45 t. a n g l a i s B a r n C a r u s o )

par Bernard Fretin

S'il y avait bien un disque que j'attendais avec impatience, c'était vraiment celui des Fortirnote sou. Léur premier L.P., ~Risinga, est un de ceux que j'ai le plus écouté en 1986. et l'arrivée de Chris Wilson pendant l'été de cette même année ouwait des perspectives particulièrement alléchantes. Ai-je fixé la barre trop haut ? Tou- jours est-il que ce maxi 45 tours me laisse un peu sur ma faim. En effet, je pensais que l'ancien chanteur émérite des Flamin'Groovies et occa- sionnel des Barracudas apporterait une nette amélioration au niveau des voix, domaine dans lequel uRisingr pêchait légèrement. Or, à I'écoute des trois titres proposés ici, le problème des lead vocals reste entier : ainsi, enammer- heada, malgré un bon riff de guitare et des <<euh ! ouh!u renvoyant explicitement à dympathy for the Devilu, se trouve un peu gâché par le chnnr inopportun de Chris Wilson qui se prend, en la circonstanc'e, pour Robert Plant. Les guitares inspirées et les choeurs superbes du morceau suivant, ~Neighbourhood», démontrent à quel point Robin Wills est un compositeur hors du commun. La face B contient une version live de <The Pnsher*, réquisitoire contre les drogues dures émit par Hoyt Axton et popularisé par Steppenwolf à la fin des 60's. Outre la portée symbolique que i'on peut lui attribuer, cette reprise permet d'apprécier le talent des deux Robinson, Steve à la basse et Lee à la batterie. Avec une assise rythmique aussi fiable et deux compositeurs de la trempe de Robin Wills et de Chris Wilson (qui devra cependant se montrer en meilleure forme vocale), les Fortunare sons ont les moyens de figurer parmi les leaders du folk- rock des 80,s. A cet égard, le second album, imminent, permettra d'y voir plus clair.

l FISHERMEN «Can't you stop» (45 t. a u s t r a l i e n W a t e r f r o n t )

1 par Cécile Mirebeau

Ça y est : je l'ai enfin trouvé cette voix si chère à mon coeur («oreiUes» serait plus approprié je crois !) ... C'est celle de Jeremy Oxley. Et qui était-il S.V.P. ? Ne levez pas tous le doigt en même temps surtout ... Bon, peut-être que le nom des Sunny Boys vous rappelera quelque chose, et leremy Oxley qui y officiait de son vivant (au groupe tiens !) écrivait avec ses trois acolytes des chansons dont A peu près chacune est inoublia- ble. De ce single, je ne risque pas davantage oublier "Can't you stop>> qui est de la même trempe nerveuse et mélodique que des titres des Swrny Boys comme ... oh, comme n'importe lequel après tout ! En fait, c'est *This is real* qui me vient à l'esprit mais juste à cause des breaks, c'est tout. L'autre face, nCiQ operau n'a rien à voir avec les S m y Boys. Jeremy y pratique le chant à la sauvage, à la voyou ; bref, suivant l'exemple des grandes gueules que sont David loharzîen ou Mick lagger. Ça hurle et ça tape des mains dans tous les coins mais comme je suis tentée d'en faire autant en écoutant ça, je ne saurais m'en plaindre.

1 LONE JUSTICE NI found love» ( m a x i 45 t. anglais G e f f e n )

1 par Bernard Fretin

Alors, il paraît qu'avec son deuxième album, *Sheiterz, Lone Justice serait une nouvelle vic- time du syndrome du gros son américain? Quelle rigolade ! Le genre d'affirmations qui discrédi- tent à tout jamais leurs auteurs, car c'est faire bien peu de cas de la qualité des compositions de Maria Mc Kee et de la foi qui l'habite. Et ÇA, même le show-bii n'y pourra rien changer. La preuve en est une nouvelle fois donnée avec ce deuxième maxi 45 t. entrait de<Shelter8. Difficile tout d'abord de passer sous silence la superbe photo de pochette : toute la magie d'un regard s'exprime ici, à travers celui de Maria Mc Kee, bouleversant d'intelligence, de sensibilité et de tristesse. x l found love. est présentée dans deux versions : la première est remixée et allongée, la deuxième est celle du L . P . Avec sa batterie dominatrice et ses choeurs prenants, «I found love# est le morceau le plus rock de ~Shelter* et constitue la transition idéale entre les deux albums de Lone Justice. Le troisième titre (mé- dit) clfyou don'! like ra in~, est largement repré- sentatif du registre actuel du groupe, ce qui nous vaut une superbe ballade musclée, illuminée par les guitares cristallines de Shane Fonlayne et la voix merveilleuse, comme toujours, de Maria.

THE U.S. MARSHALLS «The U.S. Marshalls» (maxi 45 t. G.M.G.)

par Dominique Lagarde

Près de quinze ans après leurs débuts, les frères Kenny et Kevin Marshall amvent aux oreilles des amateurs européens. La pochette nous apprend que ce duo possède un répertoire de 2 000 chansons puisées dans le vaste réservoir de la musique américaine (pop, rock, country, folk), ce qui expliquerait tout à fait la diversité des styles abordés dans ce disque. L'influence exer- cée par les Everly Brothers reste cependant évi- dente tout au long des cinq titres et les Marshaih comme beaucoup de duos américains sont irré- prochables dans le domaine des harmonies voca- les (dans nHailey's cornet* et nWhen you're not nearn en particulier). nBrand new todayx qui ouvre le disque est le titre le plus pop alors que nTkat's àatn, plus appuyé sonne comme du Wreckless Eric avec cette voix nasillarde et gouailleuse ; *Halley's cornet* s'achève sur quel- ques touches de psychédélisme anglais fin des années 60. Sans laisser un souvenir impérissable, ce m a i 45 t. s'écoute sans efforts ; c'est une pop rôdée aux samedis soirs bostoniens et aux tour- nées dans les campus, avec sans doute l'absence d'une identité plus marquée. Curieusement enre- gistrée i Londres, cette session des C.S. Mar- shall.~ a reçu le soutien des Inmates Peter Gunn (guitare et production) et Eddie (batterie), pro- bablement fans de longue date.

THE BATMEN uGet on your kneesn C l o s e r 771

par Dominique Lagarde

Les Bannen vont-ils relancer l'art de la pâte à modeler en France ? Après le succès britannique des clips de Jackie Wilson et Genesis, les Greno- blois ont choisi pour leur nouveau 45 tours, une pochette très attrayante, pleine de petits person- nages aux mines patibulaires en extase devant un concert des quatre petits bonshommes de cire. Celle-ci ne.saurait pourtant nous faire oublier la qualité de la musique qui se cache à l'intérieur : <Ge/ on your kneesu marque un pas important dans le répertoire des Batmen ; bien sûr, i'éner- gie féroce est toujours au rendez-vous, mais le côté plaintif et sinueux de la mélodie nous offre une autre facette du talent des Barmen. Enregistrée au Studio du Chalet, tout comme aThink l've never seen yous (la B side plus carrée), «Ge/ on your kneesa pourrait très bien se retrouver sur des milliers de lèvres pour peu qu'on lui offre une petite part de chance.

THE LONG RYDERS «I want you bad» ( M a x i 45 T. a n g l a i s I s l a n d )

par Bernard Fretin

Les Long Ryders nous devaient une revanche après la (relative) déception qu'était diate of our uniona. Même s'il n'atteint pas les sommets de .10.5.60~ ou de native Sonsu, le tout récent L.P. ~ T w o Fisted Taies» contient d'excellents morceaux et n l want you bada, face A du maxi 45 t o u ~ en fait partie. On trouve en effet dans cette reprise du groupe new-yorkais,

N.R.B.Q., tous les ingrédients qui font la force des Long Ryders : assimilation parfaite de l'esprit des Byrdr, mélodie enlevée, voix généreuses (Stephen Mc CarSny est ici aidé des deux Bangles, Debbi et Vicky Peterson). La face B contient un inédit de Sid Grifin, ~Rrng Bellsa, qui se situe dans la lignée des compositions nerveuses qu'il affectionne particulièrement. La surprise vient de la présence imposante d'un saxo rageur apportant une couleur rhythm'u'blues. Figure également au menu de cette face B, une version live de "Store of my union>>, rock chuck bemen en diable, où les deux guitaristes Sid Grifin et Stephen Mc Carihy s'en donnent à coeur joie.

JOHN MELLENCAMP «Pape1 in fire» (45 t. M e r c u r y )

par Bernard Fretin

Le nouvel album de John Cougar Meliencamp, <The ionesome jubilee., va en étonner plus d'un par son approche très uroots>>. Mais il avait déjà clairement annoncé ses intentions peu après la sortie de <<Scarecrow~ en 1985, histoire de couper i'herbe sous le pied aux médisants qui n'auraient pas manqué de l'accuser de suivisme, puisque la musique américaine effectue un grand retour aux sources, ce dont on ne saurait se plaindre. Le choix de ~Paper in fireu en face A du premier 45 t. extrait de *The lonesome jubileeu apparaît judicieux, tant il constitue une bonne synthèse entre le rock tendu des derniers L.P.'s et les climats rustiques du nouveau disque : si la batte- rie reste toujours aussi imposante, les guitares électriques sont plus en retrait (ce qu'on peut regretter, compte tenu de la valeur des deux duettistes, Larry Crane et Mike Wanchic) au profit d'mstniments plus traditionnels, tels que I'harmonica, le violon ou le banjo. Les choeurs féminins occupent également une place impor- tante. Tout ça mélangé donne un résultat surpre- nant, presque trop riche. Le titre de la face B, *Never 100 oldu, qui n'apparaît pas sur l'album, sonne de façon encore plus pur' puisque basé sur des guitares acoustiques avec des interventions très réussies au bottleneck.

RECKONING

Si vous n'arrivez pas a vous procurer un des disques chroniqués dans ce numéro, n'hésitezpas

à nous écrire. Nous vous donnerons, dans la mesure du possible, les indications nécessaires

pour l'obtenir.

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(sortie le 25 novembre)

TOM PETTY

PETER CASE

PAUL COLLINS

T A R I F S

DU LUNDI AU VENDREDI ENTRE 20 H ET 21 H

BOOMERANG I

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Prix au numéro Abonnement d'un an (5 numéros)

1 France : 70 F.

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