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MARIE-ÈVE DOYER SE CONSTRUIRE EN S’INVESTISSANT SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL : Regard de jeunes décrocheurs Mémoire présenté À la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval Dans le cadre du programme de maîtrise en sciences de l’orientation pour l’obtention du grade de maître ès arts (M.A.) DÉPARTEMENT DES FONDEMENTS ET DES PRATIQUES EN ÉDUCATION FACULTÉ DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2012 Marie-Ève Doyer, 2012

SE CONSTRUIRE EN S’INVESTISSANT SUR LE MARCHÉ DU … · Si le phénomène du décrochage scolaire a des conséquences sociales et économiques considérables sur la société québécoise,

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MARIE-ÈVE DOYER

SE CONSTRUIRE EN S’INVESTISSANT SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL :

Regard de jeunes décrocheurs

Mémoire présenté À la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval

Dans le cadre du programme de maîtrise en sciences de l’orientation pour l’obtention du grade de maître ès arts (M.A.)

DÉPARTEMENT DES FONDEMENTS

ET DES PRATIQUES EN ÉDUCATION

FACULTÉ DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2012

Marie-Ève Doyer, 2012

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II

RÉSUMÉ

L’objectif général de cette étude est de mieux connaître, pour mieux comprendre, la façon dont les

jeunes qui quittent l’école avant l’obtention de leur diplôme d’études secondaires se construisent sur

le plan identitaire par le biais de leurs expériences scolaires, d’une part, de travail, d’autre part, de

même que par leur relation à certaines personnes significatives. La méthodologie de recherche

empruntée est de nature qualitative. Des entretiens semi-dirigés ont été effectués auprès de 15

jeunes hommes de 18 à 23 ans ayant fait le choix de compléter leurs études de niveau secondaire

après avoir vécu des expériences sur le marché du travail. À partir de leur discours, nous avons pu

dégager des facteurs de natures intra-personnelle, interpersonnelle et extra-personnelle à même

d’éclairer leur choix de quitter l’école, d’investir le marché du travail puis de retourner en

formation.

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III

REMERCIEMENTS

Il semble que ce soit à la fin d’un tel projet que l’on est le mieux situé pour apprécier le chemin

parcouru et pour réaliser comment il nous a permis de nous construire…

Merci à la directrice de ce mémoire, madame Marie-Denyse Boivin, de m’avoir accompagnée avec

beaucoup de respect dans ce processus, d’avoir su m’alimenter et me permettre de réaliser un travail

dont je suis fière. J’ai beaucoup apprécié la côtoyer tout au long de ce projet. Je tiens aussi à

exprimer ma reconnaissance à monsieur Jonas Masdonati, codirecteur, pour m’avoir aussi permis de

bénéficier de ses précieux conseils et commentaires.

Je remercie ensuite les 15 jeunes ayant accepté de participer à cette étude de s’être livrés d’une

façon généreuse et authentique. Merci à COSMOSS de La Mitis et au personnel du Centre de

formation des adultes de Mont-Joli qui m’ont gentiment aidée dans ma démarche de recrutement.

Merci à Caroline Roy, Claude Larrivée et Julie Gaudreault (À la lettre, Révision linguistique) pour

l’aide technique qu’elles m’ont apportée à différentes étapes du processus.

Merci à Jean, ma mère, ma famille et mes ami(e)s qui m’ont écoutée, soutenue, encouragée tout au

long de ce projet et qui, à cause de celui-ci, ont parfois dû excuser mes absences auprès d’eux.

Je tiens, en terminant, à remercier le Fonds québécois recherche, Société et culture, le Conseil de

recherches en sciences humaines du Canada et la Fondation Desjardins pour la très précieuse aide

financière qui m’a été accordée comme soutien à la réalisation de ce mémoire.

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IV

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ................................................................................................................................... II

REMERCIEMENTS ............................................................................................................. III

TABLE DES MATIÈRES...................................................................................................... IV

INTRODUCTION ..................................................................................................................... 1

PROBLÉMATIQUE................................................................................................................. 4

OBJECTIFS DE RECHERCHE .......................................................................................... 10

CONTEXTE THÉORIQUE .................................................................................................. 12

1. LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE ET L’INSERTION

SOCIOPROFESSIONNELLE .............................................................................................. 13

1.1 L’OBTENTION D’UN DIPLÔME ET LA DÉSCOLARISATION ................................................. 13

1.2 LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE : UN PHÉNOMÈNE COMPLEXE ............................................. 15

1.2.1 Le décrochage scolaire vu à la lumière de l’insertion au marché du travail...... 18

1.3 L’INSERTION : UN PHÉNOMÈNE SOCIAL OU INDIVIDUEL ? .............................................. 20

2. L’IDENTITÉ ....................................................................................................................... 22

2.1 L’INFLUENCE D’AUTRUI SUR LA CONSTRUCTION DE L’IDENTITÉ ................................... 23

2.2 L’INFLUENCE DES ÉVÉNEMENTS DE VIE SUR LA CONSTRUCTION DE L’IDENTITÉ ........... 25

2.3 LES REPÈRES IDENTITAIRES FOURNIS PAR LA FORMATION ............................................. 27

3. L’INSERTION : UN PROCESSUS DE SOCIALISATION PROFESSIONNELLE

ET DE CONSTRUCTION IDENTITAIRE........................................................................ 29

1. PRÉSENTATION DE LA MÉTHODOLOGIE ET DESCRIPTION DU TRAVAIL

DE TERRAIN .......................................................................................................................... 33

1.1 ANGLE D’APPROCHE CHOISI PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS DE RECHERCHE .................. 33

1.2 ENTRETIENS SEMI-DIRIGÉS .............................................................................................. 34

1.3 RECRUTEMENT DES PARTICIPANTS .................................................................................. 35

1.4 PARTICIPANTS À L’ÉTUDE ................................................................................................ 36

1.5 DÉROULEMENT DES ENTRETIENS ..................................................................................... 38

1.6 PROCÉDURE D’ANALYSE DES ENTREVUES ....................................................................... 40

PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ................................................................................ 41

1. PÉRIODE SCOLAIRE ...................................................................................................... 44

1.1 INVESTISSEMENT SCOLAIRE ............................................................................................. 44

1.1.1 Facteurs intra-personnels ....................................................................................... 44

1.1.2 Facteurs extra-personnels ...................................................................................... 45

1.2 DÉSINVESTISSEMENT SCOLAIRE ...................................................................................... 47

1.2.1 Facteurs intra-personnels et interpersonnels ........................................................ 47

1.2.2 Facteurs extra-personnels ...................................................................................... 49

2. PÉRIODE SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL.............................................................. 52

2.1 INVESTISSEMENT DANS LE MARCHÉ DU TRAVAIL ........................................................... 52

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2.1.1 Facteurs intra-personnels et interpersonnels ........................................................ 53

2.2 DÉSINVESTISSEMENT DU MARCHÉ DU TRAVAIL .............................................................. 55

2.2.1 Facteurs intra-personnels et interpersonnels ........................................................ 56

2.2.2 Facteurs extra-personnels ...................................................................................... 58

DISCUSSION........................................................................................................................... 60

1. S’INVESTIR DANS LE MILIEU SCOLAIRE ............................................................. 61

2. SE DÉSINVESTIR DU MILIEU SCOLAIRE ............................................................... 62

2.1 PERCEPTION NÉGATIVE DE SOI ET MANQUE D’INTÉRÊT POUR L’ÉCOLE .......................... 63

2.2 LE CFER : UNE VOIE PARALLÈLE PERÇUE COMME DÉMOTIVANTE ................................ 64

2.3 L’ATTRAIT D’UNE AUTRE VIE ET LE « MODELING » DES AMIS ........................................ 65

3. S’INVESTIR DANS LE MARCHÉ DU TRAVAIL ...................................................... 67

3.1 SE RECONNAÎTRE PAR DES EXPÉRIENCES CONCRÈTES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL .... 68

3.2 ÊTRE RECONNU AU TRAVAIL POUR MIEUX SE RECONNAÎTRE ......................................... 69

3.3 DEVENIR UN HOMME PAR LE TRAVAIL ............................................................................ 70

4. SE DÉSINVESTIR DU MARCHÉ DU TRAVAIL ....................................................... 72

4.1 SE DÉMOBILISER EN RAISON DE MAUVAISES CONDITIONS DE TRAVAIL ......................... 73

4.2 SE DÉSINVESTIR DU MARCHÉ DU TRAVAIL POUR SE REMOBILISER DANS UN PROJET

SCOLAIRE ................................................................................................................................ 74

4.2.1 L’importance du regard d’autrui ........................................................................... 74

4.2.2 L’influence des personnes significatives ................................................................ 76

4.2.3 Le besoin de réaliser un projet professionnel........................................................ 77

4.2.4 Et s’il fallait des événements-chocs pour se remobiliser ? ................................... 79

CONCLUSION ........................................................................................................................ 81

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................. 87

ANNEXE 1 ............................................................................................................................... 94

ANNEXE 2 ............................................................................................................................... 99

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INTRODUCTION

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Si le phénomène du décrochage scolaire a des conséquences sociales et économiques considérables

sur la société québécoise, il a, d’autre part, un impact important sur la vie des personnes directement

concernées qui, lorsque vient le temps de s’insérer sur le marché du travail, doivent composer avec

des qualifications restreintes. Au Québec, environ 30 % des jeunes ont quitté l’école et n’ont pas

obtenu de diplôme d’études secondaires ou professionnelles à l’âge de 20 ans (GAPRSQ, 2009).

Maintes études ont tenté de chiffrer les phénomènes du décrochage scolaire et de l’insertion, d’en

mesurer objectivement les causes ou les effets, ou encore, dans le cas notamment du décrochage

scolaire, d’identifier des liens entre différents facteurs susceptibles de l’expliquer. Ces études sont

certes importantes, mais il semble pertinent d’enrichir notre compréhension de ces réalités en

portant sur elles un nouvel éclairage et en s’intéressant, notamment, au vécu des jeunes qui ont

décroché de l’école au secondaire.

Notre étude innove en ce qu’elle s’intéresse particulièrement à l’identité des jeunes décrocheurs qui

retournent en formation quelques mois ou quelques années après avoir intégré le marché du travail.

Un des objectifs poursuivi est de mieux saisir si la perception que les jeunes ont d’eux-mêmes et de

leur situation évolue au fil des expériences vécues à l’école, puis sur le marché du travail, et de

déterminer comment elle le fait. Notamment, cette recherche tente de saisir comment les autruis

significatifs pourraient avoir contribué à transformer leur perception d’eux-mêmes, les mobilisant

potentiellement en vue de projets futurs. Il semble qu’en laissant la parole à ces jeunes nous

pourrions effectivement avoir accès à la façon dont certaines personnes, voire certains milieux

peuvent laisser une marque au plan individuel, autre source d’intérêt d’une telle étude. Cette

recherche s’inscrivant dans le contexte sociétal québécois, on peut penser que la construction de

l’identité des jeunes sera aussi influencée par certaines dimensions de sa culture et ses institutions.

Compte tenu des objectifs visés, nous privilégierons, pour réaliser cette étude, une démarche

méthodologique de nature qualitative. Cet angle d’approche est conforme au volet exploratoire que

nous privilégions ; sa souplesse pourrait contribuer à mettre à jour des significations non

appréhendées au départ.

Explorer comment des jeunes décrocheurs perçoivent leurs expériences scolaires et tâcher de mieux

connaître et comprendre comment ils ont vécu leur passage sur le marché du travail peut, selon

nous, permettre des avancées autant sur le plan théorique que sur le plan des pratiques d'intervention

s’adressant à ces jeunes, à ceux étant à risque de décrocher et à leur entourage. Cette recherche est

une occasion également de prendre une certaine distance avec le discours dominant fondé sur le fait

que le décrochage scolaire est, au sens large, synonyme d’échec et que les répercussions qu’il

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entraîne sur l’identité ont une portée surtout négative. Nous croyons que les résultats de cette étude,

si elles sont diffusées dans les milieux d’intervention, pourront peut-être faire en sorte d’envisager

autrement la situation de ces jeunes « en construction identitaire ».

Ce mémoire est divisé comme suit : le premier chapitre présente un portrait global de la réalité des

jeunes décrocheurs et montre en quoi le fait de ne pas posséder de diplôme pourrait être perçu

comme problématique dans la société québécoise actuelle. Le deuxième chapitre tente

principalement de cerner les notions de décrochage scolaire et d’identité afin d’éclairer le contexte

théorique dans lequel s’inscrit cette étude. Le troisième chapitre décrit ensuite la démarche de

recherche privilégiée ; il expose notamment la méthodologie et la procédure d’analyse. Le

quatrième chapitre présente les résultats obtenus. On y traite des facteurs d’investissement et de

désinvestissement du milieu scolaire et du milieu du travail, c’est-à-dire des motifs ayant poussé les

jeunes à s’investir ou à se désinvestir de l’une et l’autre de ces sphères d’activité. Le cinquième et

dernier chapitre relie ces résultats entre eux et les met également en relation avec le contexte

théorique.

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PROBLÉMATIQUE

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Le Québec, tout comme d’autres sociétés industrialisées, est à l’aube d’une nouvelle ère au cours de

laquelle il fera face à des défis importants sur le plan de l’emploi. Dans quelques années, la

population en âge de travailler aura beaucoup diminué, tandis que celle de 65 ans et plus connaîtra

une croissance accélérée, les premiers « baby-boomers » ayant récemment atteint le cap des 60 ans

(Grenier, 2008). Cette réalité démographique explique le contexte de rareté de main-d’œuvre auquel

devra faire face le Québec dans les années à venir. Dès lors, le fait de trouver une main-d'œuvre

jeune qualifiée devient un enjeu de taille pour les entreprises cherchant à assurer leur compétitivité

économique à l’échelle mondiale (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2008b).

Désormais, la vitalité et la prospérité économiques ne dépendent plus uniquement de la possession

des matières premières, mais aussi et surtout des savoirs et des découvertes scientifiques et

technologiques qui redistribuent les cartes de la richesse et de la puissance (ministère de l’Éducation

du Québec, 1997). L’évolution rapide des technologies, la restructuration industrielle et la

réorganisation du travail auxquelles on assiste actuellement requièrent des compétences spécialisées

ou encore de solides compétences de base pour être en mesure de s’adapter aux changements qui

bouleversent la nature des emplois (MELS, 2008b). Selon les prévisions québécoises, d’ici 2017, ce

sont les emplois exigeant une formation universitaire qui connaîtront le taux de croissance le plus

élevé, soit de 1,2 % par année, alors que la demande d’emplois de niveaux professionnel et

technique sera élevée (Grenier, 2008). Certaines études (MELS, 2008c ; Gauthier et coll., 2004)

mettant en relief l’écart important entre le taux d’activité des diplômés et celui des non-diplômés du

secondaire1, démontrent d’ailleurs que les personnes plus instruites participent davantage au marché

du travail.

On comprend alors les efforts déployés pour encourager la persévérance scolaire des jeunes, la

société québécoise souhaitant ainsi pouvoir tirer profit de leurs qualifications et compétences pour

assurer sa vigueur économique et réduire, par conséquent, les coûts liés de façon plus ou moins

directe au décrochage scolaire. Il semble que les 28 000 jeunes qui quittent l’école sans diplôme

chaque année représentent, pour le gouvernement, un manque à gagner de 1,9 milliard de dollars en

valeur actualisée. Ce manque à gagner est constitué de taxes et d’impôts non perçus, ainsi que de

dépenses sociales additionnelles généralement associées à une personne non diplômée sur la durée

de sa vie (GAPRSQ, 2009).

1Les données compilées par Gauthier et coll. (2004) font état, pour l’année 2000, d’un taux d’activité de 71, 8

% pour les diplômés du secondaire contre 45, 4 % pour les non-diplômés de cet ordre d’enseignement.

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Sur le plan individuel, les jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme d’études secondaires

(DES) ou sans qualifications appropriées constituent la population la plus touchée par les mutations

du travail et risquent davantage d’être marginalisés sur le marché de l’emploi ou, du moins, de se

retrouver en situation précaire (Gauthier et coll., 2004). Depuis 1990, le marché du travail a connu

une baisse de 34 % des emplois occupés par des personnes n’ayant pas de diplôme du secondaire et

de 6,8 % des emplois occupés par ceux et celles qui étaient titulaires uniquement d’un diplôme du

secondaire, alors que l’on constate une augmentation de 55,3 % du nombre d’emplois occupés par

des personnes ayant réussi des études postsecondaires (MEQ, 2004). Les jeunes décrocheurs sont

ainsi plus nombreux à recevoir des prestations de la sécurité du revenu ou de l’assurance emploi et

ils sont parmi les groupes les plus touchés par le chômage de longue durée. Une période de sans

emploi prolongée s’avère particulièrement néfaste puisqu’elle peut entraîner des pertes d’occasions

professionnelles présentes et futures, d’importantes difficultés financières et peut mener à une

exclusion sociale définitive (MEQ, 2004). Notons aussi que les postes occupés par les jeunes

décrocheurs sont plus souvent à temps partiel, temporaires, non-syndiqués et sujets à un taux de

roulement de personnel élevé. Outre leur plus grande instabilité, ces emplois sont également moins

prestigieux et moins bien rémunérés (Janosz, 2000 ; Vultur, Trottier et Gauthier, 2002). À cet effet,

le Rapport Ménard (GAPRSQ, 2009), comparant les revenus des diplômés et des non-diplômés,

estime que ces deniers supportent, au bout de leur vie active, un manque à gagner de l’ordre de

439 000 $.

La formation est dès lors conçue comme « la clé du développement personnel et économique »

(MELS, 2007b). Si, autour des années 1960 et suivant le dépôt du Rapport Parent, on se souciait

collectivement de l’accès de tous à la scolarité, aujourd’hui c’est bien la « réussite scolaire » de tous

qui préoccupe davantage la population (Rocher, 2004). D’ailleurs, devant les faits mentionnés plus

haut et à la lumière des campagnes de sensibilisation et de lutte au décrochage qui ont cours dans

divers milieux, certains pourraient être portés à penser que les jeunes décrocheurs sont à l’origine de

plusieurs des problèmes sociétaux actuels. Toutefois, bien que plusieurs recherches aient entre

autres démontré que les jeunes décrocheurs sont généralement moins impliqués dans la vie

économique et communautaire, qu’ils sont plus susceptibles d’éprouver divers problèmes de santé

physique et mentale, de vivre des grossesses précoces et d’être touchés par différentes formes de

criminalité juvénile (Janosz, 2000 ; Vitaro, 2005), on arrive difficilement à départager des causes ou

des conséquences directement associées au décrochage scolaire.

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Certes, la fréquentation de l’école est obligatoire au Québec jusqu’à l’âge de 16 ans, comme c’est le

cas dans la majorité des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques

(OCDE), mais au-delà de cette obligation légale, il pourrait exister un discours implicite de

normalisation à la fréquentation scolaire. La déscolarisation peut représenter alors le fruit d’une

altération ou d’un dévoiement du cours normal des choses (Glasman, 2004). Comme le souligne

Glasman (2004, p.22), les obligations institutionnelles mises en place produisent des effets

puissants : « Être élève, au moment de l’adolescence, est devenu une composante de l’identité, un

statut social à partir duquel le jeune organise sa vie psychique et matérielle ». Le diplôme constitue

également la voie « normale » de passage vers le marché du travail, celle la plus susceptible de

favoriser l’intégration sociale.

Malgré tout, il reste que certains jeunes décident, pour diverses raisons, de quitter le système

scolaire avant la fin de leurs études secondaires. En 2006, on estimait au Québec le taux de

décrochage2 à 19 % chez les personnes de 19 ans. Ceci constitue une baisse considérable depuis

1979, alors que ce taux se situait à 40,5 % chez la population du même âge (MELS, 2008a). Depuis

quelques années, le taux de décrochage s’est stabilisé et on compte toujours un écart d’un peu plus

de 10 points entre les sexes ; les jeunes hommes sont particulièrement touchés par le phénomène

(MELS, 2008a). Il existe différentes façons d’évaluer le pourcentage de décrocheurs et, selon la

méthode utilisée, les taux obtenus peuvent varier. Il en est de même des conclusions qui s’y

rattachent (Baby, 2002). Entre autres, certains indicateurs ne tiennent pas compte du fait que de

nombreux jeunes passent directement du secteur jeune en formation professionnelle ou à

l’éducation des adultes ou reviennent plus tard sur les bancs d’école, que ce soit à l’intérieur ou en

dehors du système public. Néanmoins, après l’âge de 21 ans, la proportion de jeunes non diplômés

tend à se stabiliser à environ 15 % (MELS, 2005).

Toutefois, les jeunes québécois sont relativement nombreux à effectuer un retour en formation

quelques mois ou quelques années après avoir quitté l’école secondaire. Une partie importante des

DES obtenus le sont effectivement au-delà de l’âge « normal », c’est-à-dire au-delà de 17 ans

(MEQ, 2004). Le Québec se situe d’ailleurs au 9e rang des provinces canadiennes en ce qui a trait

au pourcentage de la population ayant obtenu ce diplôme dans les délais prescrits (GAPRSQ, 2009).

Ce classement peut s’expliquer par le fait que le retour aux études est facilité, au Québec, par les

2 Le taux de décrochage se définit comme la proportion de la population qui n'est ni diplômée du secondaire

ni inscrite à l'école à un âge donné (MELS, 2008a, p. 147).

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programmes d’éducation des adultes qui font office d’« enseignement de rattrapage » de la

formation initiale. Pour différentes raisons, cette voie attirerait de plus en plus de jeunes ayant

décroché de l’école au niveau secondaire. Entre autres raisons, mentionnons qu’ils n’y ressentent

pas la différence d’âge avec les élèves qui poursuivent un parcours normal ; le modèle pédagogique

leur convient généralement mieux et la relation avec les enseignants est différente (Doray et

Bélanger, 2006). En 2001-2002, 55 % de la population inscrite à la formation générale des adultes

dans les commissions scolaires du Québec était donc composée de jeunes âgés entre 16 et 24 ans

(MELS, 2005). Les jeunes raccrocheurs y voient un moyen d’atteindre les préalables en formation

générale de l’enseignement professionnel ou d’obtenir leur diplôme d’études de niveau secondaire.

On estime que le secteur des adultes décerne annuellement environ 40 % de tous les diplômes du

secondaire délivrés par le Ministère (MELS, 2005). D’ailleurs, Gauthier et coll. (2004) ont constaté

qu’une faible proportion des jeunes décrocheurs interrogés dans le cadre d’une étude réalisée auprès

de 47 répondantes et répondants de niveau secondaire sont restés sans diplôme ou sans une

formation d’appoint quatre ans après leur sortie des institutions d’enseignement. En effet, 29 jeunes

ont à nouveau fréquenté des lieux de formation de leur propre initiative et 6 autres prévoyaient le

faire lorsque ce serait possible. De plus, ces données ne tiennent pas compte des jeunes ayant reçu

une ou des formations dans le cadre d’un emploi.

Sachant que plusieurs jeunes retournent en formation, il est pertinent de mieux connaître le vécu des

jeunes décrocheurs sur le marché du travail. Plusieurs chercheurs s’entendent d’ailleurs sur le fait

que les jeunes vivent lors de leur transition et de leur établissement sur le marché du travail une

période importante dans la construction de leur identité personnelle et sociale (Erikson, 1972 ;

Fournier et coll., 1992 ; Dubar, 2000 ; Lhuilier, 2006). Bujold et Fournier (1996) affirment que la

réussite de cette transition représente une condition essentielle pour que les jeunes deviennent des

adultes indépendants, responsables et reconnus comme tels socialement. De plus, on reconnaît

généralement que le travail est un moyen de participer à une œuvre collective, d’accomplir des

projets, d’épanouir ses potentialités, d’acquérir un statut, de se dépasser personnellement, de faire

partie d’un réseau social, etc. (Bujold et Fournier, 1996). À ce jour, il apparaît d’ailleurs comme le

principal moyen de parvenir à combler ces besoins, la société peinant à proposer d’autres modèles

de participation sociale ayant la même légitimité (Riverin-Simard, Michaud, Spain, Delmotte et

Paiement, 2004).

Toutefois, compte tenu des mutations actuelles qui ont cours dans le marché du travail, il ne va pas

de soi que le travail-emploi puisse effectivement répondre à ces conditions (Malenfant, Mercier,

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LaRue et Vézina, 2002), ce qui est d’autant plus vrai dans le cas de jeunes décrocheurs qui sont plus

sujets à vivre diverses formes de précarité (Gauthier et coll., 2004). Or, même s’il existe un marché

du travail susceptible d’accueillir ces jeunes notamment dans les domaines de la fabrication, de la

vente, du transport et de la restauration (Grenier, 2008), il n’est pas assuré que ces emplois leur

permettent d’atteindre un bien-être et une consolidation de leur image d’eux-mêmes.

Puisque ces jeunes entretiennent beaucoup d’attentes par rapport à ce que pourrait leur apporter le

marché du travail (Glasman, 2004) et compte tenu du fait qu’ils ne peuvent compter sur leur

formation pour obtenir une certaine reconnaissance de la part d’autrui, tout porte à croire que des

enjeux psychologiques importants ont cours lors de leur passage sur le marché du travail et il

importe de s’y intéresser pour mieux comprendre leur réalité. De plus, le processus d’insertion

gagne, comme le souligne Demazière (2008), à être analysé autrement que du point de vue interne à

l’individu. En effet, les événements ou expériences qui en font partie engagent nécessairement une

diversité d’autruis qui influencent le parcours des jeunes et qui, par le fait même, laissent une

marque sur leur identité. De différentes façons, ces autruis, en l’occurrence les proches (famille,

ami(e)s, conjoint(e), etc.), collègues de travail, patrons, intervenants ou professionnels rencontrés,

les influencent dans leur façon de se définir en leur renvoyant une certaine image d’eux-mêmes

avec laquelle ils auront à composer pour construire leur identité.

Si les travaux s’intéressant au décrochage scolaire sont assez nombreux, moins de recherches ont

porté sur les premières années qui suivent l’abandon des études. Celles disponibles dressent surtout

un « portrait comptable » de la réalité des jeunes sans diplôme en ce qui a trait à leur insertion et

aux moyens qu’ils utilisent pour accroître leur employabilité. Comme le soulignent Gauthier et coll.

(2004), ces recherches puisent principalement aux grandes enquêtes statistiques sur les jeunes

« actifs » dans le marché du travail menées par Statistique Canada ou aux fichiers de l’aide sociale

du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale du Québec. Bien qu’importante, l’analyse

statistique du décrochage scolaire et de la main-d’œuvre tire sans doute avantage du fait d’être

complétée par une autre approche. Le regard jeté par ces jeunes sur leurs expériences de travail en

cours d’insertion, et sur ce qu’ils peuvent en retirer d’un point de vue identitaire, constitue une voie

originale. Celle-ci offre une lecture de leur réalité personnelle croisée à celle qu’ils expriment du

contexte sociétal dans lequel ils s’insèrent.

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OBJECTIFS DE RECHERCHE

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L’objectif général du projet est de mieux connaître, pour mieux comprendre, la façon dont les

jeunes qui quittent l’école avant l’obtention de leur diplôme d’études secondaires se construisent sur

le plan identitaire par leur parcours d’insertion socioprofessionnelle.

Les objectifs spécifiques sont :

- Explorer les expériences de jeunes décrocheurs sur le marché du travail en vue de mieux

comprendre leur vécu sur le plan identitaire ;

- Examiner le rôle que peuvent jouer les autruis significatifs (parents, amis, partenaires des milieux

social et professionnel, etc.) dans la construction de l’identité de ces jeunes ;

- Saisir en quoi et comment leur expérience scolaire avant de décrocher peut contribuer à éclairer la

façon dont ces jeunes se définissent sur le marché du travail.

Dans la prochaine section, nous nous pencherons sur les principaux concepts auxquels nous ferons

référence dans le cadre de cette recherche.

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CONTEXTE THÉORIQUE

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Dans les deux prochains chapitres, qui constituent le contexte théorique de cette étude, nous

traiterons principalement des notions de décrochage scolaire, d’insertion socioprofessionnelle et

d’identité et tâcherons d’en fournir une définition qui cadre avec les objectifs de recherche

poursuivis. Nous nous intéresserons d’abord à ce que représente l'obtention d’un diplôme dans la

société québécoise, puis aborderons la notion de décrochage scolaire. Dans ce même chapitre, nous

décrirons l’impact de l’absence de diplôme sur l’insertion des jeunes puis nous exposerons le fait

que l’insertion n’est pas un phénomène qui dépend uniquement de l’action individuelle des jeunes.

La notion d’identité et, plus précisément, les différentes dimensions de la construction identitaire

seront ensuite abordées.

1. Le décrochage scolaire et l’insertion socioprofessionnelle

1.1 L’obtention d’un diplôme et la déscolarisation

Plusieurs jeunes choisissent de poursuivre leurs études au-delà du secondaire. En 2006-2007, la

proportion de jeunes québécois sortant du secondaire et ayant accédé à la formation professionnelle

était de 17,5 %, alors qu’elle était de 61 % en ce qui a trait aux études collégiales (MELS, 2008a).

Toutefois, nombre de jeunes ne bénéficiaient pas même du DES pour négocier leur entrée sur le

marché du travail.

L’arrêt des études avant la fin de la période de scolarité obligatoire ou l’obtention d’un premier

diplôme n’est pas un phénomène nouveau. Si, dans la première moitié du 20e siècle, les décrocheurs

étaient largement majoritaires, l’absence de diplôme ou de formation spécialisée n’entravait alors

pas la capacité des individus à s’intégrer à la vie adulte. Comme le souligne Janosz (2000), la vision

du décrochage scolaire comme problème social ou individuel est fortement influencée par les

contextes sociaux, économiques, industriels et politiques qui prévalent à une époque donnée.

L’engorgement progressif du marché de l’emploi pour les jeunes, la

disparition de milieux de vie légitimes en dehors de l’école, l’évolution exponentielle de la place de la technologie dans la vie quotidienne, la domination grandissante d’une économie fondée sur la maîtrise du savoir et de l’information, le désengagement de l’État en matière de soutien social et sanitaire, autant de changements historiques qui incitent à concevoir le

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décrochage scolaire comme une menace sérieuse à la qualité de vie des individus et au potentiel d’adaptation de la société (Janosz, 2000, p. 106).

On s’entend généralement sur le fait que le décrochage scolaire est devenu au Québec un problème

de société au début des années 1970 (Baby, 2002). S’est alors développé un courant de pensée

suggérant qu’étant donné les conséquences sociales importantes reliées au phénomène, il valait la

peine que celui-ci soit pris en charge par la société ; « il fallait donc, dans l'intérêt de tous et de

chacun, assurer le développement optimal de tous et de chacun » (Baby, 2002). On était alors

soucieux de faire le bilan de la grande réforme de l'éducation amorcée au début des années 1960 et

de connaître dans quelle mesure les objectifs du Rapport Parent avaient été atteints concernant la

démocratisation de l’accès à l’éducation. Malgré cet intérêt grandissant, il semble que ce soit surtout

à partir des années 1990 qu’on observe une véritable préoccupation institutionnelle en ce qui a trait

au décrochage de jeunes ayant quitté l’école sans diplôme (Rocher, 2004) et qu’on commence à

intervenir concrètement pour contrer le phénomène (Baby, 2002).

En 2007, le nouveau programme de formation du 2e cycle du secondaire de l’école québécoise a

complété le tableau de la réforme de l’éducation amorcée en juin 2001. La « réussite pour tous »

constitue l’objectif central de cette réforme; cet objectif sous-entend que tous les jeunes doivent

obtenir soit le DES, le certificat de Formation préparatoire au travail ou le certificat de Formation à

un métier semi-spécialisé. Ces attestations sont considérées par le MELS (2007b) comme les bases

nécessaires à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes et au développement de leur plein

potentiel.

Pour certains élèves vivant des difficultés d’apprentissage et d’adaptation, la réussite est toutefois

plus difficile à atteindre. Les parcours de formation axés sur l’emploi s’adressent spécifiquement à

ces jeunes qui, pour toutes sortes de raisons, éprouvent des difficultés scolaires. Par leur caractère

pratique et leur objectif de préparer les jeunes à intégrer le marché du travail, ils leur fournissent

l’occasion de connaître la réussite dans des contextes différents et selon une pédagogie adaptée

(MELS, 2007b). S’inscrivant dans le cadre de ces parcours, il existe depuis 1990, dans certaines

municipalités du Québec, des centres de formation en entreprise et récupération. À l’intérieur de

l’entreprise, les jeunes sont conviés à des stages de formation en vue d’emplois non spécialisés. À la

fin de leur formation au CFER, la commission scolaire et le MELS leur décernent également un

certificat de Formation en entreprise et récupération (Réseau québécois des CFER, 2010).

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1.2 Le décrochage scolaire : un phénomène complexe

Selon Guichard et Huteau (2007), le diplôme ‒ ou le certificat ‒ est assimilable à un titre

sanctionnant des études et attestant la maîtrise, par son titulaire, des compétences prévues par le

curriculum. Selon la définition du MELS (2008a), ceux et celles qui ne possèdent pas une telle

reconnaissance officielle de leurs acquis sur le plan des études de niveau secondaire et qui ne

fréquentent pas l’école à un âge donné sont considérés comme des décrocheurs.

Néanmoins, le décrochage scolaire ne devrait pas être réduit exclusivement à la question du

diplôme ou de la présence physique à l’école, car il s’agit en fait d’un phénomène complexe qui

touche le rapport que les jeunes entretiennent à la culture et aux apprentissages scolaires. Il peut

aussi être appréhendé comme un « processus de déscolarisation » au terme duquel « l’adolescent

met fin à son histoire dans la communauté scolaire, à son sentiment d’appartenance et à son statut

d’élève », l’école n’étant plus vécue comme un lieu d’intégration, un moyen de promouvoir un

projet personnel, ni le lieu d’apprentissage de la citoyenneté (Costa-Lascoux et Hoibian, 2004,

p.109). Cette conception, fondée sur la notion de processus, souligne le fait que c’est de façon

progressive que les décrocheurs se désengagent et s’éloignent de l’école. La décision d’abandonner

l’école ne se fait donc pas sur un coup de tête, mais résulte plutôt de frustrations accumulées sur une

longue période (Potvin, Fortin, Marcotte, Royer et Deslandes, 2004).

Les recherches menées au Québec (Potvin, Fortin, Marcotte, Royer, et Deslandes, 2004) et en

France (Glasman et Oeuvrard, 2004) sur le décrochage scolaire ou la « déscolarisation » s’entendent

également sur le fait que le phénomène a un caractère multidimensionnel, qu’il découle d’une

combinaison de facteurs en interaction les uns avec les autres. Selon Costa-Lascoux et Hoibian

(2004, p.103), « l’analyse des moments de crise dans la scolarité révèle plusieurs facteurs de rupture

qui se conjuguent, mais avec un poids inégal selon l’histoire personnelle de l’élève et les réponses

plus ou moins adaptées du système éducatif ».

S’inscrivant dans un parcours scolaire individuel et dans une trajectoire personnelle propre, le

processus de déscolarisation prend donc des formes variées et suit des rythmes divers. D’ailleurs,

plusieurs auteurs ont souligné la diversité des profils psychosociaux des décrocheurs, de sorte qu’ils

ne peuvent pas être considérés comme un groupe homogène (Janosz, 2000). Toutefois, à partir de

certaines caractéristiques communes, il est possible de distinguer des sous-groupes d’individus

potentiellement susceptibles de quitter l’école avant terme (Janosz, 2000).

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Les sous-groupes sont définis très souvent à partir des « facteurs de risques » pouvant permettre

éventuellement de dépister les jeunes plus sujets à quitter l’école avant l’obtention de leur diplôme.

Sans expliciter tous ces facteurs, notons qu’ils peuvent être de nature institutionnelle (structures et

climat de l’école, pratiques éducatives, attitudes des enseignants, relations avec les parents, etc.),

familiale (unité familiale, revenu, nombre d’enfants, valorisation de l’école, style parental, etc.),

interpersonnelle (relation avec les pairs, les enseignants et le personnel) et individuelle (sexe,

langue, habiletés intellectuelles et verbales, échec et retard scolaire, motivation et sentiment de

compétence, implication dans les activités scolaires et parascolaires, aspirations scolaires et

professionnelles, problèmes comportementaux, usage de psychotropes, locus de contrôle, estime de

soi, etc.). Certains aspects de nature sociologique entrent également en ligne de compte, le

décrochage scolaire pouvant s’expliquer à la lumière des différences culturelles quant à la

valorisation de la scolarisation et à la maîtrise des habiletés sociales et personnelles exigées par

l’école (Janosz, 2000; Baby, 2005). Selon Antoine Baby (2005), certains jeunes y entrent en

situation de « déficit existentiel », déficit dont ils sont marqués dès leur naissance : sous-

scolarisation des parents, pauvreté, chômage, violence, monoparentalité obligée, absence de

ressources stimulantes à la maison, etc. Selon lui, ces réalités prédominent sur les dispositions

personnelles les plus prometteuses et sont susceptibles de transformer un cheminement scolaire qui

aurait pu être « normal » en un « labyrinthe infernal dont le caractère oppressant conduira certains à

prendre la première issue qui se présente » (p.6).

Les travaux mettant l’accent sur le poids des déterminismes sociaux ont toutefois tendance à sous-

estimer les possibilités de réponse des acteurs sociaux, la part du hasard et du choix au sein du

déterminisme (Ziegler, 1969 dans Camilleri, 1990). Selon Glasman (2004), le concept de

décrochage scolaire laisse entrevoir le fait que les élèves sont susceptibles d’être à la fois

« décrochés » et « décrocheurs ». « Décrochés » désigne le fait d’être mis, par la situation sociale et

familiale, autant que par la situation scolaire, dans l’impossibilité de suivre et contraints à jeter

l’éponge, tandis que « décrocheurs » sous-entend qu’il y a, d’une façon ou d’une autre, un choix,

une décision de la part de ces jeunes. Notons également que le décrochage scolaire est loin d’être

une fatalité puisque, comme le souligne Janosz (2000), bon nombre de ses déterminants peuvent

être influencés par les interventions mises en place dans les milieux. L’auteur ajoute que tant les

recherches empiriques que les théories explicatives ou les programmes de prévention efficaces

affirment le rôle central de l’interaction entre l’environnement éducatif et les caractéristiques

individuelles et culturelles des élèves.

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En somme, la compréhension du processus menant au décrochage scolaire se devrait de prendre en

compte les multiples variables faisant partie du contexte dans lequel s’insèrent les jeunes, mais

aussi et surtout la manière dont ces variables se reflètent dans l’expérience subjective des jeunes

décrocheurs (Allaire, Michaud, Boissonneault, Côté et Pounthioun, 2005). Effectivement, au-delà

des facteurs de risque et des typologies, il importe de chercher à comprendre le sens que recouvre

l’acte de décrocher de l’école. La littérature nous porte à croire que si cette décision vise

généralement à sortir d’une impasse sur le plan personnel ou professionnel, elle recèle néanmoins

un sens qui varie selon les personnes.

D’abord, Boivin (2003) identifie les jeunes pour qui l’école est la source d’un inconfort prolongé

auquel ils doivent trouver une issue. Pour certains d’entre eux, l’expérience scolaire est vécue

difficilement sur le plan affectif parce qu’ils ne se sentent pas intégrés, reconnus et valorisés à

l’école. D’autres encore n’anticipent le développement d’aucun projet d’avenir entre ces murs, s’y

ennuient ou y ressentent un sentiment de vide. Pour ces jeunes qui ont un lien fragile avec

l’institution scolaire, la perspective professionnelle peut être traduite comme une préférence, bien

que selon Frandji et Vergès (2002) elle soit surtout vécue comme une fatalité sociale. Les auteurs

ajoutent qu’en ce qui concerne ces jeunes, la représentation d’un horizon professionnel à très courte

échéance se construit au creux d’un vide d’école plus que d’un refus d’école ; au creux d’une place

à l’école qu’ils ne savent et ne peuvent occuper.

Pour d’autres jeunes, le non-recours à l’école est surtout motivé par le fait de vouloir se découvrir

ou de découvrir le marché du travail (Boivin, 2004). Le fait d’être appelé à vivre de nouvelles

expériences peut être perçu par certains jeunes comme la voie la plus susceptible de construire son

identité, soit par le développement de compétences dans différents domaines ou par la consolidation

d’un choix professionnel. D’ailleurs, quand des préférences se manifestent pour un métier, Frandji

et Vergès (2002) observent que cet intérêt s’est souvent développé dans l’environnement familial ou

le voisinage. Le milieu peut mettre en évidence certaines possibilités et, par opposition à l’école,

sembler offrir une place. Pour ces jeunes, l’horizon professionnel semble donc surtout envisagé

comme une perspective ouverte et dynamique par rapport à une situation scolaire en possible

régression ; le travail est opposé à l’activité scolaire comme l’action par rapport à l’inaction. Il

apparaît comme un moyen d’indépendance et de projection dans la vie d’adulte (Frandji et Vergès,

2002).

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Ainsi, particulièrement chez les jeunes ayant un lien fragilisé avec l’école, on pourrait concevoir la

sphère du travail comme un lieu qui entre en concurrence avec l’école ou comme une solution de

remplacement possible (Frandji et Vergès, 2002). Même s’ils l’exposent généralement comme un

choix, tout porte à croire que la sortie de l’école en vue d’intégrer le marché du travail peut générer

de inquiétude chez ces jeunes quant à leur avenir, car ceux-ci reconnaissent les liens entre la

réussite scolaire, le diplôme et l’emploi (Langevin, 1999). Tout en étant confrontés à une certaine

pression sociale et à l’attitude de leur famille et de leurs pairs, ils doivent à cette étape composer

avec leurs impulsions et leurs désirs immédiats (tel que celui de faire rapidement de l’argent pour

satisfaire leurs besoins de consommation). De plus, comme nous l’avons souligné, choisir d’intégrer

le marché du travail sans posséder le bagage de connaissances et de compétences reconnu comme la

norme minimale requise pour entrer sur le marché de l’emploi, à savoir le diplôme d’études de

niveau secondaire, est, la plupart du temps, associé à un risque quant à l’avenir professionnel. Il

semble donc pertinent d’explorer les impacts du décrochage scolaire sur l’insertion en emploi. Il est

important de souligner que l’insertion n’est pas conçue uniquement en fonction de l’entrée sur le

marché du travail, mais bien comme un processus mettant en scène les expériences de travail vécues

par les jeunes.

1.2.1 Le décrochage scolaire vu à la lumière de l’insertion au marché du travail

L’une des principales raisons liées à l’émergence de la lutte au décrochage, au début des années

1990, demeure la problématique de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes sans diplôme,

ces derniers représentant le « noyau dur » du chômage juvénile, une situation qui perdure même en

période d’embellie économique. En 2000, le taux de chômage était de 22 % pour les non-diplômés

du secondaire, contre 14 % chez les diplômés de cet ordre d’enseignement et 8 % chez les diplômés

du postsecondaire (Gauthier et coll., 2004). Le décrochage scolaire est donc perçu comme un

obstacle supplémentaire à une insertion professionnelle déjà fort complexe (Conseil permanent de la

Jeunesse, 2002). Afin de mieux comprendre en quoi le diplôme peut faire une différence, il semble

que les approches théoriques de la relation entre formation et emploi puissent apporter un éclairage

intéressant.

Dégageons, en premier lieu, la signification que revêt le diplôme aux yeux des employeurs. Selon la

théorie du « capital humain », développée par Becker dans les années 1960, le diplôme atteste de

l’acquisition de connaissances et de capacités objectives susceptibles d’être mises à contribution

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dans l’emploi et de rendre ses détenteurs plus productifs (Guichard et Huteau, 2007). Il est perçu

comme un investissement qui se doit d’être rentabilisé lors de l’insertion professionnelle.

L’approche théorique du « filtre » ou du « signalement », formalisée par Arrow (1973), a remis en

question ce postulat du diplôme comme preuve de compétences. Celui-ci serait plutôt un signal

permettant d’évaluer la productivité potentielle des individus. Les employeurs s’en serviraient

comme d’un filtre pour pallier les difficultés à recueillir directement l’information sur les aptitudes

de leurs futurs employés (Vultur et coll. 2002). Enfin, on peut aussi considérer, tel est le cas pour la

théorie « de la concurrence pour l’accès à l’emploi », que le diplôme permet d’abord à l’employeur

de juger de l’aptitude des individus à être formés (Thurow, 1974 dans Giret, 2000). Ces principes

confèrent une apparence d’objectivité aux employeurs et peuvent faire en sorte qu’ils réduisent

leurs coûts de recrutement en embauchant les plus diplômés (Gauthier et coll., 2004).

Si, dans le cas des emplois spécialisés, le diplôme apparaît comme une condition nécessaire – mais

pas toujours suffisante – pour obtenir un emploi, celui-ci ne constitue pas une condition

incontournable en ce qui a trait aux emplois peu ou pas spécialisés. Pour l’obtention de tels emplois,

le DES peut conférer un avantage à ses détenteurs, mais on observe que ceux qui possèdent

uniquement ce diplôme se retrouvent souvent en compétition avec les jeunes décrocheurs du

secondaire pour l’obtention des mêmes postes (Trottier, 2007). Les qualités personnelles et les

compétences développées notamment grâce au travail ont une valeur qui est reconnue par les

employeurs (Trottier, 2007). Vultur et coll. (2002) ont aussi fait ressortir d’autres facteurs pouvant

influencer l’insertion : le réseau de relations sur lequel les jeunes peuvent ou non s’appuyer, le

segment du marché du travail et les catégories d’emplois auxquels ils ont accès et auxquels ils

cherchent à s’insérer, les facteurs de discrimination systémiques ou latents, la concurrence entre les

sortants, diplômés ou non, de la formation initiale, la règlementation du travail, les politiques

d’emploi et d’aide à l’insertion, etc. Sur le plan psychologique, Boivin (2000) recense les facteurs

suivants comme pouvant favoriser l’insertion : un bon niveau d’estime de soi, un locus de contrôle

interne fort, un sentiment élevé d’efficacité personnelle, une grande capacité d’adaptabilité, une

identité stable et un moi unifié, une certaine maturité et, enfin, notons l’utilisation de stratégies

efficaces pour conjuguer avec le contexte social en présence. Il importe donc de relativiser

l’importance du diplôme comme facteur explicatif de l’insertion socioprofessionnelle des jeunes,

décrocheurs ou non-décrocheurs.

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Par ailleurs, l’étude3 de Gauthier et coll. (2004) démontre bien que l’abandon des études au niveau

secondaire ou collégial n’est pas synonyme d’échec de l’insertion professionnelle. Comme le

rapportent Trottier et Gauthier (dans Trottier, 2007) dans leur étude réalisée auprès de 46 jeunes,

plus de la moitié des jeunes qui furent interrogés sont effectivement parvenus à se stabiliser sur le

marché de l’emploi ou étaient en voie de le faire quatre ans après leur sortie du système scolaire.

Pour ce qui est de la minorité de jeunes (6 sur 46) qui se trouvaient, au moment de la collecte de

données, en marge du marché du travail, on peut constater que ceux-ci ont vécu, durant leur

parcours, diverses problématiques pouvant être mises en lien avec leur situation de marginalisation.

Parmi ces jeunes ayant principalement une scolarité de 2e ou de 3e secondaire, on compte les jeunes

filles qui ont connu une maternité précoce, les jeunes ayant surtout vécu grâce à des prestations de

l’aide sociale compte tenu de problèmes de santé physique ou mentale et, enfin, ceux qui ont occupé

plusieurs emplois, mais dont l’univers a basculé à cause de problèmes de consommation abusive de

drogues, de comportements délinquants ou encore ceux qui ont été victimes de violence (Trottier,

2007). En somme, les auteurs insistent sur l’hétérogénéité des parcours d’insertion des jeunes en

question. Il semble donc plus juste de considérer l’abandon des études secondaires ou l’absence de

diplôme non pas comme un déterminant du parcours socioprofessionnel, mais plutôt comme une

contrainte qui « délimite le champ du possible et non du réel » (Vultur, 2007, p.123). Nous croyons,

à l’instar des auteurs de cette dernière étude, que s’ils ne sont pas assurés de pouvoir réaliser leurs

projets professionnels, les jeunes peuvent néanmoins se libérer de leurs conditionnements et, en tant

qu’acteurs, tirer profit des occasions et des ressources mises à leur disposition lorsqu’ils entrent sur

le marché du travail (Trottier, Gauthier et Turcotte, 2005 dans Vultur, 2007).

1.3 L’insertion : un phénomène social ou individuel ?

Bien que ce soit le cas de façon moins accentuée au Québec qu’en France, l’insertion demeure aussi

un phénomène structuré socialement par les modes et politiques de gestion de la main-d’œuvre

(Rose, 1984 dans Gauthier et coll., 2004). Cette conception rejoint surtout les agents qui participent

à l’organisation de la transition entre les systèmes éducatif et productif et qui visent notamment à

diminuer les coûts d’administration et de mobilité de la main-d’œuvre. Par ailleurs, c’est dans la

deuxième moitié des années 1970 que des chercheurs ont commencé à s’intéresser plus

explicitement à la façon dont s’opère le passage à l’activité. Les études réalisées sont alors

3 Celle-ci fut réalisée auprès de 46 jeunes décrocheurs du secondaire et du collégial.

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davantage de nature descriptive et quantitative (Trottier, 2005) et réfèrent à des indicateurs tels le

taux de chômage, de placement en emploi ou le taux d’activité (Vultur, 2003). En outre, elles ont

permis de constater que le lien entre formation et emploi n’apparaît plus aussi clairement

qu’autrefois (Trottier, 2001) et que l’insertion se déroule sur une période plus ou moins longue où

peuvent s’enchevêtrer des situations de recherche d’emploi, d’emploi, de chômage, de formation et

d’inactivité (Vincens, 1997; Dupaquier et coll., 1986 dans Trottier, 2001). Au cours des décennies

1990 et 2000, les transformations qui ont eu cours dans le marché du travail n’ont rien fait pour

contrer cette tendance, l’emploi précaire ou atypique semblant presque devenir une nouvelle norme,

particulièrement chez les jeunes (Fournier, Monette, Pelletier et Tardif, 2000).

Par ailleurs, des études françaises se sont intéressées à l’influence que peuvent avoir certaines

catégories d’acteurs dont le mandat est d’accompagner les jeunes en processus d’insertion

(Demazière, 2008). Ces acteurs se retrouvent au Québec au sein de différents organismes ou

institutions, par exemple les Carrefours jeunesse-emploi, chapeautant des programmes d’insertion

professionnelle destinés à cette population, les centres locaux d’emploi, les SARCA4, etc. Ces

acteurs constituent des autruis significatifs à même d’influencer l’insertion des individus.

Malgré toutes ces influences, il demeure que pour certains chercheurs, les jeunes sont considérés

comme les principaux acteurs de leur insertion que qu’ils disposent d’une marge de manœuvre dans

la construction de leur parcours (Trottier, 2001). Dans ce deuxième axe, on s’intéresse donc aux

stratégies d’insertion des jeunes, construites justement en réaction aux multiples contraintes qui

s’exercent sur eux. On pourrait reprendre la définition que donne Meyer (2000, p. 613) de

l’insertion : « Un mouvement de passage à l’emploi certes fortement déterminé par les contraintes

structurelles, mais toujours ouvert et capable de se transformer sous l’action individuelle ».

Dans la prochaine section, nous traiterons de l’identité. Nous reviendrons par la suite sur une autre

tendance des études relatives à l’insertion professionnelle qui est d’envisager celle-ci comme un

processus de socialisation et de construction identitaire.

4 Services d'accueil, de référence, de conseil et d'accompagnement.

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2. L’identité

Le passage de l’école au marché du travail implique toutes sortes d’événements et d’enjeux qui se

répercutent dans le vécu subjectif des jeunes décrocheurs et qui peuvent laisser une trace sur

l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et sur ce qu’ils considèrent comme « leur place » sur le marché du

travail. Ces éléments sont en lien avec la notion d’identité.

C’est grâce aux travaux d’Erik Erikson que l’usage de cette notion s’est répandu rapidement à partir

du début des années 1960. Conséquemment, il est devenu généralement ardu de déterminer à quelle

conception de l’identité le terme fait référence. Encore aujourd’hui on reconnaît – et c’est le cas

apparemment même pour les plus avertis – qu’il s’agit d’une notion « fourre-tout aux contours

flous » (de Gaulejac, 2002). Une telle confusion est sans doute en partie attribuable au caractère

complexe de l’identité. Celle-ci a, bien sûr, une signification objective qui trouve sa source dans le

fait que chaque personne est unique, ne serait-ce que par son patrimoine génétique. Mais elle a aussi

et surtout une signification subjective qui réfère au sentiment de son individualité (« je suis moi »),

de sa singularité (« je suis différent des autres et j’ai telles et telles caractéristiques ») et d’une

continuité dans l’espace et dans le temps (« je suis toujours la même personne ») (Marc, 2004).

Comme le souligne Marc (2004), l’identité revêt un caractère multidimensionnel du fait qu’elle se

décline en plusieurs composantes : sentiment de soi (la façon dont on se ressent), image de soi (la

façon dont on se voit, dont on s’imagine), représentation de soi (la façon dont on peut se décrire),

continuité de soi (la façon dont on se sent semblable ou changeant), soi idéal (celui que l’on

voudrait être) / soi vécu (celui que l’on se ressent être), soi intime (celui que l’on est

intérieurement) / soi social (celui que l’on montre aux autres), etc. Marc (2004) distingue aussi

l’identité pour-soi qui se rapproche du soi intime et l’identité pour-autrui qui correspond à « mon

image de moi lorsque je me sens sous le regard d’autrui ». Quant à la dimension affective ou

émotionnelle de l’identité, elle recouvre notamment la notion de valorisation et d’« estime de soi »

qui réfère à « la façon dont on s’évalue ». Chacun de nous a besoin de développer un sentiment de

valeur personnelle à ses propres yeux et aux yeux d’autrui. Cette dimension se manifeste dans

différentes sphères de la vie, notamment dans la sphère professionnelle (Coopersmith, 1984, dans

Lamamra et Masdonati, 2009). On peut donc en conclure qu’elle a un rôle à jouer dans l’insertion

socioprofessionnelle des jeunes. Bref, l’identité peut être définie comme « un ensemble très varié de

perceptions que la personne éprouve au sujet d’elle-même » (L’écuyer, 1990) ou comme

« l’ensemble des représentations et des sentiments qu’une personne développe à propos d’elle-

même » (Tap, 2004).

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23

Certaines recherches qui s’intéressent à l’identité sous l’angle de la psychologie utilisent les notions

de « soi » ou de « concept de soi ». Le « soi » est alors le plus souvent considéré comme « la

somme totale de tout ce que l’individu peut appeler sien » (William, 1890, dans Lipianski 2008, p.

38). Le « concept de soi », quant à lui, représente la vision globale de soi (comme individualité

intégrée et cohérente) transcendant les contenus expérientiels et événementiels de la conscience de

soi (Lipianski, 2008). L’inconvénient de cette nomenclature, associée davantage au courant

cognitiviste, est qu’elle risque de laisser échapper les dimensions inconscientes et affectives de

l’identité, ces dernières s’apparentant davantage à des « sensations, sentiments et impressions

diffuses de soi qui ne se traduisent pas nécessairement par des représentations claires » (Lipianski,

2008). De plus, elle fait surtout référence à une conception substantialiste et fixiste de l’identité

s’opposant, selon Lipianski (2002), à une conception processuelle et dynamique permettant à la fois

de rendre compte de la stabilité, mais aussi du changement identitaire.

Terminons cette présentation générale de la notion d’identité par la définition qu’en ont produite

Codol et Tap (1988 dans Lipianski, 2008). Ces derniers ont tenté de prendre en compte les

différentes dimensions de l’identité, notamment de son caractère dynamique :

L’identité est un système de représentations, de sentiments et de stratégies,

organisé pour la défense conservatrice de son objet (le « être soi-même »), mais aussi pour son contrôle, sa mobilisation projective et sa mobilité idéalisante (le « devenir soi-même »). L’identité est un système structuré, différencié, à la fois ancré dans une temporalité passée (les racines, la permanence), dans une coordination des conduites actuelles et dans une perspective légitimée (projets, idéaux, valeurs et styles). Elle coordonne des identités multiples associées à la personne (identité corporelle, identité caractérielle, spécificités personnelles) ou au groupe (rôles, statuts) (Codol et

Tap, 1988, dans Lipianski, 2008).

2.1 L’influence d’autrui sur la construction de l’identité

Bien sûr, l’identité ne se construit pas en vase clos. Depuis la naissance, les interactions avec autrui

contribuent au processus de construction identitaire des individus. Comme le souligne Marc (2004,

p. 36), « l’identité se construit dans [un] double mouvement relationnel de rapprochement et

d’opposition, d’ouverture et de fermeture, d’assimilation et de différentiation ».

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Le premier processus correspond au travail que la personne fait pour se sentir unique, différente,

indépendante par rapport aux autres (le principe d’unicité) (Tap, 2004). L’autre processus est quant

à lui orienté vers la volonté d’appartenance et d’intégration à des groupes. Ces différents groupes5

proposent des systèmes de valeurs, des modèles de conduite ainsi qu’un registre de rôles prescrits

auxquels tendent à se conformer les individus qui y participent (Lipianski, 2002). L’identité sociale

se trouve donc en quelque sorte façonnée par les codes culturels perçus dans le regard, les attentes

et les jugements d’autrui. En comparaison, l’identité intime est davantage inaccessible aux autres et

beaucoup plus marquée par les pulsions, les émotions, les affects et l’imaginaire.

En d’autres mots, l’identité peut être appréhendée comme le produit d’une transaction relationnelle

entre un individu et une multiplicité d’autruis, comme le produit de la socialisation (Dubar, 2000).

Plusieurs auteurs distinguent la socialisation primaire et la socialisation secondaire (Darmon, 2006 ;

Bercot, 1999), puisque la nature des processus à l’œuvre durant ces deux périodes est, semble-t-il,

différente. Dans la première phase, la personne se construit et effectue sa socialisation en référence

à sa communauté d’origine. Par l’identification, elle intériorise des rôles, des normes, des règles,

des valeurs, des attitudes et elle les fait siens. Lors de la socialisation secondaire (notons que la

socialisation professionnelle est une des formes de socialisation secondaire), les autruis de

référence se diversifient et la prégnance de chacune de ces références devient relative. La personne

est amenée à se comparer aux autres, elle cherche les ressemblances et les différences pour se

caractériser et s’évaluer en fonction du consensus social qui l’entoure (Festinger 1991, dans Bercot,

1999 ; Tajfel, 1982). Ici, le processus d’identification est moins émotionnellement chargé et la

personne peut plus aisément soumettre les jugements et les actions des autres à la critique. Elle est

aussi à même de rejeter une identité qui lui est attribuée et d’en revendiquer une autre. De fait, elle

expérimente une liberté nouvelle qui lui permet de s’auto-définir en rapport avec une pluralité

d’autruis.

De façon globale, les proches peuvent influencer l’identité et le parcours des jeunes de manière

significative. Il s’agit des membres de l’entourage, avec qui les interactions sont plus répétées et

fréquentes et avec lesquels la personne partage sa vie (conjoint, ascendants, frères et sœurs,

enseignants et enseignantes, etc.). Ces derniers jouent des rôles variés. Ils peuvent constituer, par

exemple, des points de comparaison permettant d’évaluer sa propre situation ; ils peuvent apparaître

5 La notion de groupe renvoie aussi bien à des catégories biopsychologiques (sexe, âge, etc.), à des milieux

socio-professionnels (classes sociales, catégories professionnelles, etc.), à des communautés historiques et

culturelles (groupes ethniques, cultures régionales, nations, etc.) qu’à des affiliations institutionnelles et

idéologiques (organisations, Églises, partis, écoles de pensée, etc.) (Lipianski, 2002).

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comme des obstacles entravant les aspirations ou les projets d’avenir ; ils peuvent être présentés

comme des ressources mobilisables pour atteindre des objectifs, etc.

Les pairs, les différents réseaux et les groupes d’individus organisés pour la réalisation de certaines

activités sont, quant à eux, porteurs d’identités collectives plus ou moins solides et positives.

Certaines recherches ont établi que même une implication modérée au sein de ces groupes contribue

à la naissance de nouvelles interprétations des situations personnelles. Ces groupes peuvent

également être dispensateurs de reconnaissance et de valorisation. Cela illustre bien le fait que c’est

en relation avec différents acteurs que la personne construit ou « négocie » son identité (Demazière,

2008).

2.2 L’influence des événements de vie sur la construction de l’identité

Quant à Lipianski (2008), qui se situe dans une perspective phénoménologique, l’identité est

continuellement affectée par les situations de l’existence, telles que, par exemple, une rencontre, un

deuil, un divorce, une perte d’emploi, une maladie, etc. Plus précisément, il y a, selon Lipianski

(2002, p.21), une interaction profonde entre la conscience de soi et le contexte dans lequel le Soi est

engagé : « Le fait de percevoir, par exemple, [une situation] comme étant dangereuse, induit le

sentiment d’un Soi menacé. Mais inversement, les menaces ressenties à l’intérieur du Soi sont

projetées sur l’extérieur et suscitent la perception d’une situation menaçante ».

Lecacheur et Massonnat (1993) se sont intéressés à l’impact des événements de la vie scolaire sur la

construction de l’identité personnelle. Les résultats de leur étude, menée auprès d’un échantillon de

225 sujets, confirment l’impact différentiel d’événements de nature contrastée sur le sentiment

d’identité6 des personnes. Les auteurs, ayant repris et précisé la définition que donnent Brim et Ryff

(1980) des « événements de vie » ou « faits saillants de l’existence », considèrent ceux-ci comme

« tout fait, toute action, toute expérience de durée variable qui, au cours d’une période donnée de

l’existence, a exercé un rôle jugé important dans la construction de l’identité, que ce fait ait été subi

ou provoqué par l’intéressé ». Ils ajoutent que « c’est le sujet lui-même qui apprécie l’importance

6 L’identité a été opérationnalisée par la distinction de deux méta-dimensions : le rapport à soi (la valorisation

de soi attribuée par soi, l’unité ou structure interne, la continuité dans le temps, la mobilisation ou le

déplacement des investissements dans le temps, la diversité interne et la diversité des modes d’expression) et

le rapport à autrui (la reconnaissance de soi par les autres, la prise d’autonomie par confrontation aux

personnes qui comptent, l’unicité, la gestion des distances à autrui).

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ou la saillance des événements qui peuvent être de nature très diverse et se produire dans des

contextes très différents : engagements, réussites ou échecs, décisions, mais aussi occasions saisies

ou manquées… Il s’agit toujours de faits précis et temporellement situés » (p.237). Concernant le

travail d’interprétation de ces événements, les auteurs posent l’hypothèse d’une double

détermination à la fois du passé et du présent, les sujets analysant le passé à la lumière du présent,

même s’ils se replacent bien au moment où l’événement s’est produit. Inversement, le présent est

analysé à la lumière du passé et de l’avenir. La perception de soi ne dépendrait alors pas seulement

de la conscience que la personne a d’elle-même dans l’instant présent, mais également de ce qu’elle

ressent avoir été dans le passé et de ce qu’elle souhaite devenir dans l’avenir. L’identité s’inscrit

alors dans une temporalité (Lipianski, 2008).

L’identité serait également le produit d’un processus qui intègre les différentes expériences de la

personne tout au long de sa vie, de sorte que celle-ci tend à garder conscience de son unité et de sa

continuité à travers le temps (Camilleri et coll., 1990). Idéalement, il résulte de ce travail la

constitution d’une personnalité relativement stable en dépit des changements, permettant d’orienter

et de donner un sens à sa trajectoire de vie (Lamamra et Masdonati, 2009). C’est en quelque sorte ce

que Dubar (2000) nomme la transaction biographique. Notons toutefois qu’en fonction des

événements vécus et de leur résonnance subjective, l’identité ne se construit pas ou n’évolue pas

nécessairement de façon linéaire ; elle peut être marquée par des ruptures, des mutations, des

mouvements régressifs (Lipianski, 2008).

Confrontée à des cadres de vie ou à des injonctions personnelles ou sociales parfois contradictoires,

toute personne se voit contrainte de déployer certains efforts pour rester cohérente, pour défendre

une image positive d’elle-même et pour se sentir reconnue par autrui (Lipianski, 2008). La notion

de stratégies identitaires exprime bien l’ensemble des conduites et des mécanismes (cognitifs,

affectifs, défensifs) mis en œuvre de façon consciente ou inconsciente pour y arriver (Camilleri,

1990). Selon Kaddouri (1996), elles visent à combler l’écart entre qui existe entre l’identité pour soi

et l’identité pour autrui ou entre l’identité héritée et l’identité visée. L’auteur souligne que ces

identités trouvent leur expression et leur concrétisation dans des projets, au moyen desquels

l’individu agit ou anticipe une transformation sur son environnement et sur lui-même. Cette

anticipation met en scène l’image que le sujet a de lui-même. Si elle est dévalorisée, il aura plus de

mal à concevoir des projets menant à la réussite. Enfin, pour Kaddouri (1996), construire un projet

ne consiste pas seulement à anticiper son devenir ou l’état du soi futur, c’est aussi mobiliser les

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éléments constitutifs du « soi » actuel, en prenant appui, le plus souvent de façon inconsciente, sur

ce qui a permis à ce « soi » de se constituer depuis la naissance.

Cette partie se voulait une exploration de la notion d’identité. Nous en dégageons qu’il importe,

dans le cadre de cette recherche, de considérer la façon dont une personne se perçoit à un certain

moment de sa vie, mais aussi de tâcher de comprendre comment se construit cette perception tant

dans une perspective temporelle que dynamique. Cette approche suppose de prendre en compte les

expériences vécues lors de diverses périodes de la vie et de s’attarder aux relations se développant

entre l’individu et le monde social qui l’entoure, entre l’individu et son contexte.

2.3 Les repères identitaires fournis par la formation

Bien qu’il ait lieu tout au long de la vie, l’effort de construction identitaire est particulièrement

sollicité durant l’adolescence (Bosma, 2004, dans Lamamra et Masdonati, 2009) où d’importants

défis d’ordre identitaire s’imposent à chacun et chacune. À cet effet, Erikson (1972) mentionne que

l’adolescent vit une phase de « moratoire » qui lui permet d’explorer et de tester plusieurs options

identitaires possibles et qui, idéalement, devrait aboutir, au terme de l’adolescence, au choix d’un

métier, d’une profession ou d’un domaine professionnel.

Généralement, le fait de suivre une formation représente un passage obligé et, au final, s’avère une

expérience qui contribue de façon importante à la construction de l’identité. Lhuilier (2006)

considère d’ailleurs qu’il s’agit du premier temps de la construction de l’identité professionnelle. La

formation rend possible une articulation entre le pulsionnel et le social, entre l’histoire singulière

d’un sujet et l’histoire sociale du groupe de référence. Elle représente une offre de repères

identificatoires (Lhuilier, 2006) et pourrait bien permettre d’accroitre le « sentiment d’identité » de

ceux qui choisissent de s’investir et de se perfectionner dans un domaine particulier. Pour Erikson

(1972), le « sentiment optimal d’identité » conjugue le sentiment d’être chez soi dans son corps, de

savoir où l’on va et d’avoir l’assurance intérieure d’une reconnaissance de la part de ceux qui

comptent. Cela constituerait pour tous un idéal à atteindre.

Par ailleurs, Bujold et Fournier (1996) affirment que l’intégration d’un emploi en lien avec sa

formation contribue à accroître le « sens d’identité »7des personnes. Chez les diplômés qu’ils ont

7 Mesuré par le questionnaire « Identité personnelle et événement de vie » (IVEP) permettant d’évaluer les

changements identitaires consécutifs à un événement de vie, ici la transition études / travail.

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interrogés, le fait que l’emploi occupé soit en lien avec la formation reçu apparaît plus important en

matière de développement identitaire que le simple fait d’occuper un emploi. Plus globalement,

Friend (1973, dans Bujold et Fournier, 1996) soutient que le choix d’une occupation s’avère

l’expression de l’identité d’une personne et que dans la mesure où ce choix lui convient, il

augmente son sentiment général de compétence et contribue à solidifier la formation de son identité.

On peut donc penser que le « sentiment d’identité » risque d’être plus diffus chez les jeunes

décrocheurs n’ayant pas poursuivi de formation. Ceux-ci auraient d’ailleurs tendance à être plus

incertains et indécis par rapport à leur carrière et auraient une vision moins précise de leur avenir et

de leur orientation professionnelle à long terme (Gilbert et coll., 1993; Guichard, 2002). Certains

auteurs affirment que les jeunes décrocheurs sont susceptibles de souffrir de leurs lacunes sur le

plan des savoirs et du savoir-faire, d’une moindre satisfaction personnelle, d’un manque de

confiance et d’estime de soi (Guichard, 2002).

Selon Glasman (2004) il est un fait que ces jeunes se sont construit une identité d’élève « en

échec », aux yeux des autres et à leurs propres yeux. Toutefois, dans plusieurs cas, on observe une

amélioration de l’estime de soi à la suite de l’abandon de l’école (Langevin, 1999), de même qu’une

baisse du stress et des conduites délinquantes, notamment lorsque le jeune intègre un emploi (Voss,

1974 ; Pronovost et Le Blanc, 1979, 1980 dans Janosz, 2000). Ceci peut s’expliquer par le fait que,

graduellement, ces jeunes passent d’une identité d’élève « stigmatisée » à leurs propres yeux et à

ceux des autres, à une identité professionnelle potentiellement susceptible d’apporter des

« réparations identitaires » (Glasman et al., 2004 ; Fusulier et Maroy, 1996).

Échappant aux verdicts de l’école, l’élève échappe aussi aux meurtrissures

qu’ils infligent. Si celles-ci font encore souffrir, au moins peut-on les oublier, les laisser se refermer, cicatriser — ce qui signifie que la trace risque tout de

même d’en être durable — et se reconstruire ailleurs, parce qu’on s’y sentira utile, reconnu, et que l’on pourra de la sorte y restaurer l’image de soi, y surmonter la disqualification symbolique (Glasman, 2004, p.57).

Certes, le choix de quitter l’école secondaire sans diplôme peut être considéré comme une conduite

risquée, compte tenu de la situation d’emploi plus difficile réservée le plus souvent aux jeunes

décrocheurs. Or, comme le souligne Boivin (2003), une telle expérience peut être porteuse de

découvertes sur soi-même et sur le monde social. Elle peut aussi déboucher sur une nouvelle vie

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active et permettre aux jeunes concernés d’acquérir de nouvelles compétences et de nouvelles

perspectives de socialisation (Costa-Lascoux et Hoibian (2004).

3. L’insertion : un processus de socialisation professionnelle et de construction

identitaire

Comme nous l’avons mentionné plus haut, l’insertion peut être conçue comme un processus

dynamique dans le sens où elle est constituée d’expériences et d’événements plutôt que d’être un

événement statique et circonscrit dans le temps. Par ces diverses expériences et notamment par le

contact avec des acteurs sociaux significatifs, la personne apprend et intériorise les éléments

socioculturels de son milieu, les intègre à la structure de sa personnalité et s’adapte à

l’environnement social où elle doit vivre. C’est ce qui, selon Rocher (1969, dans Anctil, 2006),

correspond au processus de socialisation. Appliquée à la vie professionnelle, cette notion renvoie à

« l’acquisition des connaissances, au développement d’habiletés, à l’intériorisation des normes et

des valeurs propres à l’occupation et à l’organisation auxquelles l’individu est intégré ou anticipe

d’appartenir » (Trottier, 1995, p. 28). Ainsi, le fait que l’individu consacre la majeure partie de son

existence à la préparation professionnelle, à la transition vers l’emploi, puis au travail lui-même

ferait de son insertion un lieu privilégié de socialisation par lequel il construirait son identité.

Pour Dubar (2000), qui s’est intéressé à la construction des identités sociales et professionnelles,

c’est en fait par l’articulation entre les deux processus explicités antérieurement, à savoir la

transaction relationnelle et biographique, que se construit l’identité. Cet auteur, comme plusieurs

autres (Bujold et Fournier, 1996 ; Fournier, Boivin et Viel, 1999 ; Vondracek et Porfeli, 2004 ;

Stokes et Wyn, 2007 ; Fusulier et Maroy, 1996 ; Cohen-Scali, 2003, etc.), atteste de l’importance de

l’insertion socioprofessionnelle dans la construction identitaire des individus. Il mentionne que c’est

de son issue que dépend à la fois l’identification par autrui de ses compétences, de son statut et de

sa carrière possible, de même que la construction, par soi, de son projet, de ses aspirations et de son

identité possible. Cette première confrontation avec le marché du travail permettrait donc,

notamment, une projection de soi dans l’avenir, l’anticipation d’une trajectoire d’emploi et le

développement d’un certain rapport à la formation qui contribuent à la construction d’une « identité

professionnelle de base ». Toujours selon cet auteur, étant donné les changements au sein des

contextes technologiques, organisationnels et administratifs, celle-ci risque toutefois fort de ne pas

être définitive.

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DÉMARCHE DE RECHERCHE

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Cette étude s’intéresse à la façon dont l’identité des jeunes ayant quitté l’école avant l’obtention de

leur DES se construit en fonction des expériences vécues au cours de leur insertion

socioprofessionnelle.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’identité réfère à « un ensemble très varié de

perceptions que la personne éprouve au sujet d’elle-même » (L’écuyer, 1990) ou à « l’ensemble des

représentations et des sentiments qu’une personne développe à propos d’elle-même » (Tap, 2004).

Cela peut toucher, par exemple, l’image de soi, la valorisation de soi, l’estime de soi, le soi idéal,

etc. Par notre analyse, nous tenterons donc de dégager des éléments relatifs à la perception de soi et

des éléments relatifs à la perception d’autrui. Par perception d’autrui, nous entendons ce que

Lipanski (2002) nomme « identité pour-autrui », qui est en fait « mon image de moi lorsque je me

sens sous le regard d’autrui ». L’identité pour-autrui implique donc une prise de distance et un

jugement sur soi, saisi comme quasi-objet. Il est certain que la marge entre les éléments relatifs à la

perception de soi et la perception d’autrui peut être mince, la perception d’autrui pouvant se

confondre avec la perception de soi. On pourra alors voir comment les jeunes semblent intérioriser

cette perception d’autrui ou, au contraire, prendre une distance avec elle.

La perception de soi pourra être dégagée notamment à partir du récit, par les participants, de leur

expérience vécue. L’expérience vécue réfère à l’« ensemble des événements qui exercent sur

l’individu une influence durable, sinon irréversible » (Dictionnaire fondamental de la psychologie,

1997). Selon Kaddouri (2002), par les questions que le chercheur pose sur l’histoire de vie, la

trajectoire professionnelle, sociale et de formation, des projets, les stratégies et le devenir du sujet, il

peut faire émerger la prise de conscience du Soi de ce dernier. Même si elle n’est qu’une

rationalisation défensive, cette conscience de son Soi constitue un savoir sur le Soi, ou sur une de

ses composantes.

Dans notre canevas d’entretien, nous avons divisé le parcours des jeunes, depuis leur décision de

quitter l’école secondaire jusqu’au moment de la collecte des données, en six périodes distinctes.

Pour chaque période, nous avons de tenté d’amener le sujet à exprimer son vécu de façon à saisir,

dans son discours, les perceptions qu’il a de lui-même. Nous souhaitons alors pouvoir situer ces

perceptions dans le contexte qui les a fait naître.

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Schéma d’entretien 1

Expériences vécues

(Relation aux autruis significatifs et événements significatifs)

Perception de soi

Perception d’autruis

significatifs

(Famille, amis, enseignants, employeurs, institutions, etc.)

Image de soi, estime de soi, actualisation de soi, conscience de

soi, continuité de soi, soi idéal, etc.

1.École secondaire

2. Expériences sur le marché

du travail

3. Retour en formation

Tel qu’illustré au schéma 1, la première période réfère à celle où le jeune était encore inscrit à

l’école. Nous avons souhaité savoir quelles sont les circonstances qui l’ont mené au décrochage,

comment il percevait sa situation à cette époque, comment il se percevait lui-même et quels étaient

alors ses projets d’avenir, s’il en avait. Nous avons aussi cherché à comprendre la façon dont ses

proches ont réagi par rapport à sa décision de quitter l’école et comment le jeune lui-même s’est

senti sous le regard d’autrui.

La deuxième période réfère aux expériences sur le marché du travail. D’abord, nous avons cherché

à connaître la façon dont le jeune a vécu son insertion sur le marché du travail. Nous avons tenté de

voir quelle image ce dernier a pu développer de lui-même à titre de travailleur, ce qu’il a pu

apprendre sur sa personne par le biais de l’emploi qu’il a occupé après sa sortie de l’école. Chez les

jeunes ayant cumulé plusieurs expériences d’emploi, nous avons choisi de nous attarder à

l’expérience de travail la plus significative pour eux. Nous avons tenté, en somme, de voir comment

cette expérience a marqué le jeune, ce qu’il en a retiré. Nous avons interrogé chaque participant sur

ce qu’il aimait le plus et sur ce qu’il aimait le moins dans le cadre de cet emploi, sur son

investissement personnel, son sentiment de valorisation, les apprentissages qu’il a pu faire,

notamment sur lui-même, de même que sur ses aspirations professionnelles au moment où il

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occupait ce poste. Nous avons finalement posé certaines questions sur la perception qu’il croyait

que ses collègues et patrons avaient de lui.

Le retour en formation constitue l’autre période étudiée. Rappelons ici que tous les jeunes de notre

échantillon ont fait un retour en formation (voir la partie recrutement des participants, p. 36). Nous

avons voulu mieux comprendre ce qui a amené le jeune à revenir sur les bancs d’école et avons

voulu savoir comment se passe actuellement ce retour en formation. Nous lui avons demandé

comment il se perçoit maintenant comme élève et avons vérifié s’il se percevait différemment

lorsqu’il fréquentait l’école secondaire et, si oui, en quoi. Nous avons aussi voulu savoir si, mis à

part les expériences décrites précédemment, d’autres événements ont été importants ou marquants

dans sa vie depuis son départ de l’école et, si oui, en quoi ils l’ont été. De la même façon, nous

avons voulu savoir si certaines personnes l’ont particulièrement marqué, que ce soit positivement ou

négativement, depuis le temps où il était encore à l’école jusqu’à aujourd’hui et, si oui, en quoi ces

personnes ont été marquantes. Ensuite, nous avons interrogé le jeune sur ce qu’il retient de son

passage sur le marché du travail et sur ce qu’il croit que les gens pensent des jeunes qui quittent

l’école avant d’avoir obtenu leur diplôme. Enfin, quelques questions ont été posées sur la perception

que ces jeunes ont de leur avenir.

1. Présentation de la méthodologie et description du travail de terrain

1.1 Angle d’approche choisi par rapport aux objectifs de recherche

Compte tenu des objectifs de recherche, une méthodologie qualitative semblait plus appropriée pour

tenter d’explorer des pistes de réflexion sur notre objet d’étude. Comme le soulignent Paillé et

Mucchielli (2003), « celle-ci s’enracine dans le courant épistémologique de l’approche

compréhensive qui postule la radicale hétérogénéité entre les faits humains, porteurs de

significations véhiculées par des acteurs. Ce positionnement intellectuel postule la possibilité qu’a

tout homme de pénétrer le vécu et le ressenti d’un autre homme à partir d’un effort d’empathie »

(Paillé et Mucchielli, 2003, p. 13). La compréhension du phénomène se dégage progressivement du

contact prolongé de la situation, de sorte qu’on peut parler d’une logique inductive. On y privilégie

notamment la description des processus, la profondeur des analyses, la richesse des données

(Mucchielli, 1996). Sur le plan social, ce type de recherche est près des gens, des milieux, des

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expériences (Mucchielli, 1996). Pour ces raisons, on reconnait généralement que l’approche

qualitative constitue la meilleure stratégie de découverte et d’exploration d’un nouveau domaine, de

développement d’hypothèses (Miles et Huberman, 2003).

Pour appréhender un phénomène complexe — tel que l’identité —, espérer toucher plusieurs de ses

dimensions et saisir son caractère évolutif et dynamique, il semble effectivement nécessaire

d’utiliser une approche holistique et globale (Jodelet, 2003). Dans cette optique, il apparaît suffisant

de se centrer sur quelques cas et de les étudier de façon plus globale, même si cela doit se faire au

détriment de la quête de lois généralisables, sécurisantes intellectuellement (Geertz, 2000 dans

Jodelet, 2003).

1.2 Entretiens semi-dirigés

Comment réussir à saisir le vécu subjectif des personnes, comment accéder à certaines dimensions

de leur identité ? Comme le souligne Marc (2005, p. 26), « plus l’outil utilisé est structuré et

préformé, plus il risque d’introduire et d’orienter les réponses dont il n’est pas sûr qu’elles reflètent

fidèlement la subjectivité spontanée du sujet ». De ce point de vue, la technique la moins inductrice

serait l’entretien de style non directif.

Toutefois, dans le cas présent, et comme c’est le plus couramment le cas en recherche qualitative,

nous avons opté pour l’entretien semi-dirigé comportant un certain nombre de questions principales

qui servent de grands points de repères et de sous-questions pouvant être posées, selon le cas. Cette

façon de faire nous assure d’obtenir une certaine uniformité tout en nous permettant d’approfondir

certaines questions ou thèmes que la personne n’aborde pas nécessairement ou n’élabore pas

clairement. Il y a donc échange, co-construction, grâce à l’interaction entre l’interviewer(e) et le

participant ou la participante (Savoie-Zajc, 2006). Cette méthode de cueillette de données est utile

lorsqu’on souhaite dégager une compréhension approfondie d’un phénomène, mais également

lorsqu’on s’intéresse à la manière dont les individus perçoivent leur expérience. Elle permet de

« rendre explicite le monde de l’autre » en amenant le participant à décrire de façon nuancée et

détaillée son expérience. Cette méthode permet ainsi de relever les sentiments, pensées, définitions

de soi, espoirs, et de faire des liens entre des comportements antérieurs et le présent (Savoie-Zajc,

2006, p.298).

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Malgré ces avantages, l’entretien a aussi ses limites et il importe de considérer la présence possible

de certains biais dans les propos du participant. Ce dernier peut, par exemple, chercher à rendre

service ou à être bien vu par le chercheur ou la chercheuse (Savoie-Zajc, 2006). Marc (2005)

affirme que la présence de l’interviewer(e) peut entraîner une sélection et une modification du

discours de l’interviewé(e), discours pouvant de surcroît n’exprimer que la part la plus rationalisée

de la subjectivité du sujet. Il peut y avoir des blocages, des sujets tabous pour les personnes faisant

en sorte que le chercheur ou la chercheuse n’arrive pas à engager un véritable dialogue avec elles.

Ces personnes peuvent aussi ignorer ou dénier une part de leurs attitudes, représentations et

sentiments; ses perceptions peuvent être influencées par des mécanismes de défense (L’Écuyer,

1991 ; Marc, 2005). Enfin, il importe de considérer que l’entretien prend place à un moment limité

dans le temps et qu’il est également restreint en fonction des objectifs poursuivis dans le cadre de la

recherche (Savoie-Zajc, 2006).

Compte tenu des contraintes de temps et des moyens dont nous disposions, l’expression du vécu des

participants n’a été saisie qu’une seule fois. Nous avons fait le choix d’opter pour un entretien de

nature rétrospective et ainsi d’amener les jeunes à réfléchir à leur situation passée. Nous prenions

alors le risque que les représentations actuellement entretenues masquent ou aient modifié celles

entretenues lors des périodes précédentes. Néanmoins, les résultats de l’étude de Lecacheur et

Massonat (1993) concernant l’impact des événements de la vie scolaire sur la construction de

l’identité personnelle démontrent que les effets perçus des événements de vie sur le sentiment

d’identité des personnes se maintiennent et sont ré-évoquables de nombreuses années plus tard.

1.3 Recrutement des participants

En ce qui concerne le recrutement des participants à la recherche, un partenariat a été établi avec le

Centre de formation des adultes (CFA) de Mont-Joli, une localité d’environ 6 000 habitants située

dans la MRC de La Mitis, au Bas-Saint-Laurent. Cette collaboration a été facilitée par l’existence

d’un plan d’action local visant notamment à favoriser la persévérance scolaire et la réussite de

l’intégration professionnelle des 16-30 ans, dont on dit qu’ils vivent « dans un contexte de

vulnérabilité » (COSMOSS de La Mitis). La Mitis est effectivement un milieu somme toute

défavorisé sur le plan socioéconomique. Il y avait donc un intérêt et une sensibilité du milieu à

l’égard de notre travail.

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36

En février 2010, l’administration du CFA nous a donc autorisé à présenter le projet aux jeunes

correspondant aux critères de la recherche et à solliciter leur participation selon les règles d’éthique

en vigueur. Un premier contact a eu lieu avec tous les garçons âgés entre 18 et 23 ans afin de leur

faire connaître le projet et de recueillir le nom des intéressés. Deux jeunes seulement ont alors

répondu à l’appel. Ce nombre étant évidemment largement insuffisant, nous avons opté pour une

autre stratégie, celle de rencontrer tous ces jeunes de façon individuelle, dans un local qui nous avait

été prêté à l’école, de leur donner plus de détails sur la recherche et ses implications et de vérifier

une fois de plus leur intérêt. Cette méthode s’est avérée beaucoup plus efficace et sur les 15 jeunes

pouvant participer, un seul s’est dit non intéressé à le faire.

1.4 Participants à l’étude

Des entretiens semi-dirigés ont finalement été effectués auprès de 15 jeunes8 hommes âgés de 18 à

23 ans, ayant cumulé au moins 840 heures de travail rémunéré depuis leur sortie du système

scolaire, l’équivalent de 6 mois de travail à temps plein. Leur passage sur le marché du travail a été

d’une durée variant entre une et sept années. Le tableau de la page suivante met en relation l’âge

des participants et le nombre d’années qu’ils ont passées sur le marché du travail.

8 L’entretien mené en guise de prétest a été exclu du corpus.

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37

Répartition des participants selon leur âge et le nombre d’années passées sur le marché du travail

Nombre d’années sur le marché du

travail Âge des participants

1 an

2 ans

3 ans

4 ans

5 ans ou plus

18 ans

9C 12C1

11C2

19 ans

5C

20 ans

10C1 3C2

21 ans

6C 1C2

4C2 2C 2

8C2 14C

22 ans

23 ans

7C2

13C2

1 : Bénéficiaire du Programme Alternative jeunesse d’Emploi-Québec

2 : Bénéficiaire du Programme de formation de la main-d’œuvre d’Emploi-Québec.

Un échantillon composé de 14 jeunes semble suffisant pour atteindre un degré de saturation des

données. D’ailleurs, selon Mongeau (2008), 7 à 12 entretiens permettent généralement d’atteindre

cette saturation dans le cas d’une démarche qualitative.

Nous avons fait le choix d’étudier spécifiquement la situation des garçons. Ce choix découle

premièrement du fait que ceux-ci sont plus touchés par le phénomène du décrochage scolaire et

qu’ils sont moins susceptibles de retourner sur les bancs d’école à la suite de l’abandon (Raymond,

2008). Cela découle aussi du souci d’avoir un échantillon plus homogène, puisque la réalité des

garçons est différente de celle des filles à bien des égards. Par exemple, l’étude de Gilbert et coll.

(1993, dans Gauthier et coll., 2004) a mis en relief le fait que les filles participent beaucoup moins

au marché du travail que les garçons chez les non-diplômés. Elles touchent en plus grande

proportion des prestations d’aide sociale ou des allocations familiales, ce qui indiquerait qu’elles

assument davantage de responsabilités familiales. De plus, les milieux de travail ne sont pas

nécessairement les mêmes pour les hommes et les femmes, ce qui teinte leur expérience d’insertion.

Les jeunes hommes se retrouvent dans une plus forte proportion dans les domaines de la fabrication,

du transport, de l’entreposage, de la gestion des déchets et dans les services d’assainissement, alors

que les femmes se retrouvent davantage dans les domaines du commerce au détail, de

l’hébergement et des services de restauration (MELS, 2008c).

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Le délai souhaité entre la sortie initiale des jeunes du système scolaire et leur retour à l’école fait

que les jeunes participants avaient du recul en regard de leur choix d’avoir décroché, mais qu’ils

avaient aussi accumulé des expériences personnelles et professionnelles. Ces conditions leur ont

permis de nourrir la réflexion souhaitée. Tous les jeunes interrogés ont quitté les études depuis au

moins 24 mois et la plupart d’entre eux reçoivent des prestations d’Emploi-Québec pour les aider à

financer leur retour à l’école. Le fait de bénéficier d’une telle mesure implique deux conditions : ils

ont tous préalablement rencontré un agent d’Emploi-Québec avec qui ils ont identifié un projet de

formation et ils ont l’obligation de fréquenter l’école à temps plein.

Enfin, il importe de souligner que le groupe sélectionné pour cette étude est composé de

« raccrocheurs » plus que de « décrocheurs ». Le fait que ces jeunes aient pris la décision de

retourner aux études laisse déjà supposer une possible évolution dans leur perception d’eux-mêmes

depuis leur entrée sur le marché du travail. La façon dont ils parleront d’eux-mêmes et de leur

situation sur le marché du travail sera fort probablement teintée ou influencée par leur décision de

revenir sur les bancs d’école.

1.5 Déroulement des entretiens

Les entretiens se sont déroulés entre le 4 et le 24 février 2010. Ils ont duré en moyenne 40 minutes

et, avec l’approbation des participants, ces derniers ont été enregistrés numériquement. Les

entretiens ont eu lieu dans un local prêté par le CFA, et ce, durant les heures de cours, ce qui a

beaucoup facilité le processus. Chaque jeune était libre de choisir la date et l’heure de l’entretien à

l’intérieur d’une grille horaire préalablement établie. Les enseignants touchés par l’absence

éventuelle d’un élève étaient consultés avant l’entretien. Ils étaient invités à juger si une telle

absence pouvait nuire à l’élève d’un point de vue scolaire9.

Avant de commencer l’entretien, l’interviewer faisait la lecture à voix haute du formulaire de

consentement (annexe 1) comprenant, entre autres, tous les détails relatifs à la confidentialité des

données. Cette étape avait principalement pour but de mettre le participant en confiance et de

démontrer le sérieux de la recherche ayant été évaluée et approuvée par le Comité d’éthique de

9 Dans le secteur de l’éducation des adultes, l’enseignement individualisé est la méthode la plus courante.

L'élève doit faire ses apprentissages à partir de guides méthodologiques conçus pour qu’il puisse travailler

individuellement. Un enseignant est assigné à chaque matière afin de répondre aux interrogations ponctuelles des élèves et de corriger les épreuves d’évaluation.

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l’Université Laval à l’automne 2009. Puis, comme il s’agissait d’entretiens semi-dirigés,

l’interviewer animait les rencontres à partir d’une grille assez souple et se laissait guider par le

contenu de l’échange en s’assurant d’aborder les thèmes généraux qu’elle souhaitait explorer.

Un prétest a été effectué afin de valider le schéma d’entretien. Le premier entretien a été exclu du

corpus; des modifications ont été effectuées aux questions, certaines ont été enlevées et d’autres ont

été ajoutées en fonction des commentaires que le participant a livrés après l’entretien. À la suite du

deuxième entretien qui a été inclus dans le corpus, nous avons changé quelque peu l’ordre des

questions. Les entretiens subséquents ont également tous été intégrés au corpus.

Nous avons fait le choix de conserver les entretiens de quelques jeunes ayant été peu loquaces.

Certains ont semblé avoir de la difficulté à répondre aux questions descriptives (par exemple :

Pourrais-tu me décrire ce qui s’est passé entre ta sortie de l’école et l’obtention d’un premier

emploi ?) et encore davantage à celles exigeant un plus haut niveau d'abstraction ou davantage

d’introspection. Nous croyons que ces difficultés sont en partie révélatrices de certaines

caractéristiques identitaires, c’est pourquoi nous avons jugé préférable de conserver ces données.

Nous sommes conscients que l’effort exigé à ces jeunes était bien réel et certains ont d’ailleurs

affirmé ne pas avoir l’habitude de se poser de telles questions, de ne pas avoir l’habitude « de se

regarder ».

Parmi ceux qui ont peu parlé, nous avons aussi décelé une certaine gêne et parfois une volonté de se

présenter sous un jour favorable. Ceci pourrait être attribuable au contexte en présence, par exemple

au fait de vouloir préserver sa mesure d’aide financière. Peut-être aussi que chez certains, la

dissymétrie entre les statuts d’étudiante universitaire et d’élève anciennement décrocheur a pu créer

un malaise ou une distance entre les parties. Nous avons tout de même pu extraire des données

pertinentes de ces entrevues et la plupart des jeunes ont répondu aux questions de façon aisée, avec

ouverture et honnêteté.

Afin de faciliter l’explicitation des éléments de réponse, nous avons cru important de débuter les

différentes parties du canevas par des questions plus descriptives pour ensuite poser des questions

demandant davantage de réflexion. D’ailleurs, entre la partie du canevas portant sur la période

scolaire et celle portant sur la transition sur le marché du travail, nous avons rempli, avec le

participant, une grille permettant de situer les différentes positions occupées sur le marché du travail

et en dehors de celui-ci à la suite du décrochage. Cet exercice avait pour but de préparer le

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40

participant à aborder la suite des thèmes abordés, de lui permettre, en somme, de se remémorer plus

aisément ses expériences. Cette façon de faire semble avoir bien fonctionné. Appelés à formuler un

commentaire sur ce qu’ils venaient de vivre durant l’entretien, la plupart, même quelques-uns parmi

ceux qui semblaient les moins enthousiastes au départ, ont affirmé qu’ils avaient apprécié

l’entretien. Certains ont même affirmé que cela leur a permis de relier entre elles leurs expériences

de vie.

1.6 Procédure d’analyse des entrevues

L’analyse de la construction identitaire des jeunes interrogés s’appuie sur les stratégies et les

procédures développées par L’Écuyer (1991), Miles et Huberman (2003) et Van der Maren (1995).

La démarche comprend quatre phases principales. La première phase, celle de la transcription,

nécessite de transcrire tous les entretiens mot à mot, puis de repérer, dans chacun d’eux et pour

chaque période investiguée, les éléments pertinents du discours des sujets en lien avec la

construction de leur identité. À la fin de cette première phase, des extraits de verbatim ont été

associés à chaque sujet. En ce qui concerne la deuxième phase, celle du codage, il s’agit de dégager,

à partir du verbatim de chacun des sujets, les phrases-clés ou les idées plus générales qui traduisent

le plus fidèlement leurs propos. Il ne s’agit alors pas de réduire l’information, mais bien d’extraire

le contenu pertinent disponible et de le traduire en énoncés clairs et compréhensibles (énoncés

standardisés). Pour ce qui est de la troisième phase, celle de la classification, il s’agit de regrouper

l’ensemble des idées générales ou énoncés standardisés en catégories plus larges qui partagent les

mêmes domaines sémantiques (énoncés génériques). Enfin, en ce qui a trait à la quatrième et

dernière phase, celle de l’interprétation, il convient d’identifier des dimensions encore plus larges et

inclusives servant de structure de base à l’élaboration des diverses grandes catégories de

constructions identitaires. Il s’agit ensuite d’associer chaque verbatim à une seule catégorie et de

raffiner les catégories constituées.

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PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

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42

Questionnés sur leur parcours et leurs expériences, les sujets ont explicité différents motifs ou

facteurs à l’origine de leurs décisions et de leurs actions. Dans un premier temps, ils ont relaté ce

qui les a menés vers la sortie du système scolaire et de façon opposée, ce qui, pour certains, a

contribué à les y retenir, du moins pour un temps. Par la suite, ils ont évoqué ce qui les a motivés à

s’investir dans la sphère professionnelle, puis à délaisser celle-ci en vue d’un retour aux études.

Nous avons donc repéré, dans leur discours, des facteurs à l’origine de leur décrochage scolaire et

professionnel (désinvestissement) et, à l’opposé, des facteurs « d’accrochage », c’est-à-dire des

facteurs ayant contribué à leur investissement dans les milieux scolaire et professionnel

(investissement).

Ainsi, pour chacune des périodes relatives à l’école et au marché du travail, deux grands thèmes ont

émergé du discours des jeunes, soit ceux de l’investissement et du désinvestissement. La notion

d’investissement est à peu près assimilable à celle d’engagement telle qu’elle est définit par

Marcia (1993, dans Cohen-Scali et Guichard, 2008), soit « l’adhésion à un ensemble spécifique de

buts, de valeurs et de croyances ». De plus, la notion d’investissement suppose à notre sens une

mise en action en vue d’intégrer un milieu de vie plus qui soit potentiellement plus en adéquation

avec ses buts, valeurs et croyances. Au contraire, la notion de désinvestissement peut être définie

comme le fait de délaisser un milieu qui, pour différentes raisons, ne correspond plus à certaines

facettes de son identité. Selon le contexte en présence, les engagements peuvent se renforcer ou

s’affaiblir, être stables ou subir des changements multiples et divers. Les changements

d’engagement d’une personne au fil du temps témoignent donc du développement de son identité

(Kunnen et Bosma, 2003, dans Cohen-Scali et Guichard, 2008).

Pour chacun des thèmes investissement et désinvestissement, nous avons pu dégager des facteurs de

natures intra-personnelle, interpersonnelle et extra-personnelle (les deux dernières dimensions ont

été regroupées). Lorsque les motifs invoqués pour s’investir ou se désinvestir de l’école ou du

marché du travail sont décrits comme davantage de nature intrinsèque, qu’ils sont liés à des prises

de conscience, à une perception de soi ou à une motivation limitée pour l’école, par exemple, ils

sont identifiés sous la dimension intra-personnelle. Les facteurs de nature interpersonnelle ont été

joints à ces derniers. Même s’ils supposent l’interaction avec les autres personnes (par exemple, les

difficultés relationnelles), ils nous semblent plus proches de la dimension intra-personnelle que de

la dimension extra-personnelle qui regroupe des motifs extrinsèques. Lorsque les motifs invoqués

par les jeunes pour justifier leur investissement ou désinvestissement étaient décrits comme

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particulièrement influencés par autrui, par le milieu ou par des événements extérieurs les ayant

marqués, ils étaient alors classés sous la dimension extra-personnelle. Le tableau suivant expose les

facteurs correspondant aux dimensions intra-personnelle, interpersonnelle et extra-personnelle.

Facteurs d’investissement

Facteurs de désinvestissement

Milieu scolaire

Dimensions intra-personnelle et interpersonnelle

Prise de conscience de l’importance du diplôme (2C) Identification positive à une équipe sportive scolaire (11C ; 12C ; 14C)

Perception négative de soi (2C ; 9C ; 12C ; 13C) Faible motivation scolaire (3C ; 4C ; 5C ; 7C ; 8C ; 10C ; 11C ; 12C) Difficultés relationnelles (2C ; 5C ;

6C ; 7C ; 8C ; 10C ; 11C ; 13C)

Dimensions extra-personnelle

Influence positive de personnes significatives (2C ; 7C ; 9C ; 10C ;

12C) École comme milieu de rencontre (3C ; 4C ; 12C)

Milieu scolaire peu stimulant (1C ; 4C ; 6C ; 9C ; 13C ; 14C)

Influence significative des pairs (1C ; 6C ; 7C ; 10C ; 11C ; 12C ; 13C) Influence du milieu social (2C ; 7C ; 11C ; 12C ; 14C) Attrait des gains matériels (1C ; 2C ;

3C ; 4C ; 6C ; 8C ; 10C ; 12C ; 14C)

Milieu du travail

Dimensions intra-personnelle et interpersonnelle

Obtention d’une reconnaissance de sa valeur (2C ; 5C ; 6C ; 9C ; 14C)

Sentiment de compétence (3C ; 4C ; 9C ; 12C ; 13C ; 14C)

Besoin de reconnaissance pour devenir « quelqu’un » (2C ; 5C ; 6C ; 12C)

Besoin de s’investir dans un projet mobilisateur (1C ; 3C ; 4C ; 7C ; 10C ; 12C ; 13C ; 14C)

Dimensions extra-personnelle

Obtention d’un statut social par le travail (1C ; 7C ; 8C ; 14C)

Bénéfices d’ordre pécuniaire (8C ; 10C ; 11C ; 12C)

Influence des conditions de travail (1C ; 3C ; 4C ; 7C ; 8C ; 12C ; 14C)

Influence de personnes significatives (1C ; 4C ; 6C ; 7C ; 9C ; 10C ; 11C ; 12C ; 13C)

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1. Période scolaire

En raison de la diversité des facteurs évoqués par certains sujets comme favorisant leur

investissement ou leur désinvestissement scolaire et de l’impossibilité, dans d’autres cas, de faire

ressortir un facteur prédominant par sujet, nous avons choisi de mentionner tous les facteurs

invoqués par chaque jeune, sans tenter de hiérarchiser les éléments de sens évoqués, ce qui

s’avérerait difficile, voire, dans certains cas, impossible, sans risquer d’introduire des biais dans

l’analyse. Le fait de se limiter à un seul facteur par sujet nous aurait également amenés à rejeter des

aspects importants de ses expériences (thèmes nommés par plusieurs jeunes sans apparaître, pour

aucun d’entre eux, comme centraux) et à réduire le niveau de finesse de l’analyse. Par conséquent,

il est possible que, pour certains jeunes, un seul facteur soit principalement évoqué et retenu dans

chacun des grands thèmes « investissement » et « désinvestissement » scolaires, alors que plusieurs

facteurs sont mentionnés chez d’autres sujets. Pour le thème général du désinvestissement scolaire,

trois facteurs sont évoqués en moyenne par sujet, tandis qu’un seul l’est généralement dans le cas de

l’investissement scolaire.

1.1 Investissement scolaire

Tout d’abord, en ce qui concerne le thème général de l’investissement scolaire, les sous-thèmes

ayant émergé grâce à l’analyse de contenu sont les facteurs intra-personnels et les facteurs extra-

personnels. Somme toute, moins d’éléments sont relatés par les jeunes comme favorisant leur

investissement scolaire. Certains jeunes n’en relatent même aucun (1C ; 5C ; 6C ; 8C ; 13C).

1.1.1 Facteurs intra-personnels

Quatre jeunes traitent de leur investissement scolaire en faisant référence à des éléments intra-

personnels regroupés sous deux catégories, soit la conscience de l’importance du diplôme dans le

marché du travail et le sentiment d’appartenance à une équipe sportive scolaire.

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Modalités

N

Énoncés paradigmatiques

Prise de conscience de l’importance du

diplôme (2C)

1

« […] je voulais aller aux adultes. […] J’avais peur parce qu’il y avait pas beaucoup de sorties. Un secondaire 3, tu

vas pas ben loin avec ça. À part dans les shops. Même dans les shops, c’est de l’esclavage quasiment là. J’étais pas encouragé ben ben ». (2C)

Identification positive

à une équipe sportive scolaire (11C ; 12C ; 14C)

3

« Tous mes amis y’ont décroché de l’école. Y avait juste

moi qui a resté à l’école, parce que j’aimais ça quand même pour le football, c’était pas mal ma passion ». (12C)

Même s’il est seul dans cette catégorie, nous avons cru bon de conserver les propos d’un jeune qui a

hésité avant de quitter le système scolaire à cause de sa peur d’avoir de la difficulté à se trouver un

emploi convenable sans DES. Ce jeune a déjà travaillé dans une usine et sait qu’il risque d’être

contraint à y travailler encore s’il ne poursuit pas sa formation. Il connaît les conditions de travail

qui sont liées à ce type d’emploi. C’est d’ailleurs ce qui le distingue des autres jeunes de notre étude

qui, eux, n’en ont pas fait l’expérience et pour qui l’avenir professionnel n’est pas une

préoccupation lors du départ de l’école ou qui, du moins, n’ont pas exprimé cela lors de l’entretien.

Trois jeunes figurent dans la deuxième catégorie. Ils sont accrochés à l’école et s’y investissent dans

la mesure où ils font partie d’une équipe sportive qui donne un sens au fait de se rendre à l’école

chaque matin. Ces jeunes se considèrent comme des sportifs, comme des joueurs de football et

l’école leur permet de consolider cette image d’eux-mêmes. Le fait, également, de faire partie d’une

équipe, d’une « gang », ressort comme un élément d’appartenance supplémentaire. Enfin, il s’agit

d’un facteur favorable à leur investissement scolaire, car leur inscription au sein de l’équipe est

conditionnelle à leur réussite scolaire. De fait, les jeunes concernés semblent plus motivés que les

autres à mettre des efforts dans leurs études et à prendre les moyens nécessaires pour réussir afin de

préserver leur place dans l’équipe.

1.1.2 Facteurs extra-personnels

La moitié des jeunes de notre échantillon (N = 7) traitent de leur investissement scolaire en faisant

référence à des facteurs extra-personnels : l’influence positive du milieu et l’école comme milieu de

rencontres.

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Modalités

N

Énoncés paradigmatiques

Influence positive du milieu (2C ; 7C ; 9C ; 10C ; 12C)

5

« Ah mes parents étaient pas contents, ils étaient fâchés. Ils m’ont dit : continue d’aller à l’école, ça va bien aller… C’est ça qui me poussait à y aller, mais ça a pas marché ». (7C)

École comme milieu de rencontres (3C; 4C ; 12C)

3

« J’allais à l’école plus pour voir du monde. En centre d’accueil, ils me laissaient pas aller à l’externe, fait que ça me donnait une occasion de sortir de mon milieu, de changer d’air ». (3C)

Le thème de l’investissement scolaire favorisé par l’influence de personnes significatives dans

l’environnement éducatif est mentionné par cinq jeunes. Cette influence est exercée, notamment,

par des enseignants et des enseignantes, par des membres de la direction de l’école et par des

parents. Elle se manifeste par une pression exercée par ces personnes sur les jeunes en question

pour qu’ils demeurent à l’école. Elles leur font voir l’importance des études ou encore leur

apportent une aide concrète (par exemple : un coach aide un des jeunes à trouver des ressources

financières pour qu’il puisse continuer à faire partie de l’équipe de football). De différentes façons,

ces personnes les ont amenés à persévérer pendant un certain temps ; l’opinion et les efforts d’autrui

ont donc vraisemblablement influencé leur décision. Dans le cas des parents, notons que s’ils ont en

général une réaction négative quant au désinvestissement scolaire de leur progéniture (colère,

tristesse, incitation à poursuivre des études) et que certains parviennent à convaincre leur jeune de

demeurer à l’école un certain temps, l’impuissance et la résignation l’emportent généralement.

Enfin, l’idée de terminer un jour leur cinquième secondaire est toujours demeurée présente à l’esprit

de la majorité des jeunes de cette catégorie.

Dans la deuxième catégorie se situent les trois jeunes qui ont évoqué le fait que la présence d’un

réseau social à l’école les motivait à se présenter à leurs cours ou, du moins, sur le terrain de l’école.

Le fait de pouvoir y côtoyer ses amis, de faire « des conneries » (4C) avec eux et, même, dans une

certaine mesure, de « muffer » (12C) leurs cours avec eux, sont des éléments qui les accrochent à

l’école, puisqu’ils sont associés au plaisir à l’école.

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1.2 Désinvestissement scolaire

Relativement au thème du désinvestissement scolaire, les facteurs intra-personnels, interpersonnels

et extra-personnels constituent les sous-thèmes ayant émergés par le biais de l’analyse de contenu.

1.2.1 Facteurs intra-personnels et interpersonnels

Pratiquement tous les jeunes (N =13) se réfèrent à des facteurs intra ou interpersonnels pour

expliquer leur désinvestissement de la sphère scolaire. Ces facteurs sont regroupés sous trois

catégories : perception négative de soi, motivation scolaire limitée et difficultés relationnelles.

Chez quatre jeunes, le désinvestissement scolaire est relié à une perception négative de soi. Celle-ci

s’est construite par le biais des difficultés scolaires vécues et se caractérise par le sentiment de ne

pas être « à sa place » sur les bancs d’école ou de ne pas être « assez bon » pour poursuivre ses

études. Les jeunes de cette catégorie attribuent leurs difficultés à un manque de capacités inné pour

les études, ce qui semble les amener à considérer le décrochage ou le désinvestissement scolaire

comme allant de soi ou comme une fatalité. Un jeune aborde aussi le sentiment de honte vécu à

l’égard de ses difficultés scolaires. La peur de faire rire de soi en demandant de l’aide est décrite

comme contribuant à accroître ses difficultés, alimentant ainsi une perception négative de lui-même.

Chez un autre jeune, cette perception négative de soi n’est visiblement pas circonscrite uniquement

au plan scolaire et semble s’être généralisée.

Modalités

N

Énoncés paradigmatiques

Perception négative de soi (2C ; 9C ; 12C ; 13C)

4

« L’école c’était dur… J’étais pas assez bon » (9C) ; « Dans ma tête, je me disais que j’étais pas bon, que j’étais un bon à rien. Ça m’a marqué » (13C).

Faible motivation scolaire (3C ; 4C ; 5C ; 7C ;

8C ; 10C ; 11C ; 12C ; 13C)

8

« J’avais aucun intérêt… Je faisais jamais rien au secondaire, les notes de cours, je prenais pas ça, je faisais aucun devoir » (10C).

Difficultés relationnelles (2C ;

5C ; 6C ; 7C ; 8C ; 10C ; 11C ; 13C)

8

« … je me suis fait fouiller 4 fois dans une journée, après ça j’ai faite fuck off, tant qu’à me faire chier dessus de même tout le temps, je suis parti… »; « Le directeur, les

surveillants, je les aime toutes pas…» (11C).

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Chez huit jeunes, le désinvestissement scolaire est décrit comme étant en lien avec une faible

motivation envers l’école. Pour ces jeunes, le fait de se rendre à l’école chaque matin est dépourvu

de sens, ce qui justifie le désinvestissement de cette sphère. Chez certains, ceci s’explique par un

faible intérêt pour les activités scolaires et se manifeste par un taux élevé d’absentéisme, par le fait

de ne pas faire ses devoirs et, globalement, de ne pas faire l’effort de tenter de répondre aux

exigences. De ces comportements découle des résultats scolaires médiocres qui ont pour effet

d’amplifier le manque de motivation et d’intérêt pour le scolaire... Cette circularité est clairement

décrite par certains, conscients du cercle vicieux dans lequel ils se retrouvent. Les capacités

personnelles ne sont pas mises en cause : ces jeunes soulignent qu’ils auraient pu réussir s’ils

avaient fait des efforts. Le manque de motivation est généralement perçu comme passager, certains

ayant comme objectif de « faire une pause » de l’école. Pour trois jeunes, cette faible motivation

n’est pas directement associée à une absence d’intérêt et d’efforts dans les études. Chez l’un d’eux,

elle est associée à une absence de projet professionnel et à un besoin de vivre des expériences

porteuses, tandis que pour les autres, elle est la conséquence de la perte de leur place dans l’équipe

de football de l’école. L’impossibilité de jouer au sein de l’équipe et de s’adonner à leur principale

passion a été vécue difficilement et a anéanti leur motivation, justifiant ainsi leur désinvestissement

de la sphère scolaire (il est à noter que l’identification à une équipe sportive a été mentionnée dans

la sphère d’investissement).

Le dernier facteur de désinvestissement scolaire est de nature interpersonnelle et est observé chez

huit jeunes dont l’expérience scolaire est teintée par des relations conflictuelles avec d’autres

élèves, avec des enseignants, des intervenants de l’école et conséquemment, de façon indirecte,

avec les parents. Le décrochage est donc une façon de fuir ces problèmes interpersonnels. Si

certains se décrivent comme « cherchant la marde partout » (10C) ou comme créateurs de conflits,

étant donné, entre autres, leur impulsivité et leur difficulté à conjuguer avec l’autorité, d’autres se

situent davantage du côté des victimes et vivent quotidiennement des actes de harcèlement de la

part d'autres élèves. Dans tous les cas, les jeunes de cette catégorie vivent des tensions continuelles

à l’école et l’envie d’avoir la paix ou « d’être tranquille » (7C) ressort comme un facteur favorisant

leur désinvestissement scolaire.

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49

1.2.2 Facteurs extra-personnels

Les facteurs extra-personnels décrits par les jeunes comme à l’origine de leur désinvestissement

scolaire sont les suivants : milieu scolaire peu stimulant, influence des pairs, influence du milieu

social, attrait des gains matériels. Presque tous les jeunes (N = 12) réfèrent à des facteurs extra-

personnels pour expliquer leur désinvestissement de la sphère scolaire.

Modalités

N

Énoncés paradigmatiques

Milieu scolaire peu stimulant (1C ; 4C ; 6C ; 13C ; 14C)

5

« C’était pas valorisant pantoute ces classes-là; tout le monde disait que c’était de la marde. C’est les classes des plus bas, pis on le savait, pis on faisait rien de

l’année ». Je me disais : je resterai pas icitte à me faire comme exploiter » (14C) ; « T’es là pour passer le temps pis c’est tout. Un peu plus ils te font faire du coloriage […] » (6C).

Influence des pairs (1C ; 6C ; 7C ; 10C ; 11C ; 12C ; 13C)

7

« Y en avait une gang qui étaient partis… Quand j’ai quitté l’école, c’était pour aller voir mes chums, pour foirer. C’était pas pour aller sur le marché du travail pantoute » (13C).

Influence du milieu social (2C ; 7C ; 11C ; 12C ; 14C)

5

« Les parents de mes chums savent ce que c’est la polyvalente aujourd’hui. C’est tellement rendu spécial l’école là, avec la réforme pis ci pis ça. C’est comme normal (le décrochage). Tu sais nos parents ils travaillaient pis à 14-15 ans, ils lâchaient l’école… » ; « Si on regarde ça, les personnes qui travaillent [dans certaines usines de la région] ont leur secondaire 3, ou

bien ils ont rien pantoute… Pis les patrons ils se crissent de ça, tant qu’il y a des employés » (2C).

Attrait des gains

matériels (1C ; 2C ; 3C ; 4C ; 6C ; 8C ; 10C ; 12C ; 14C)

9

« Quand j’ai quitté l’école, j’avais pas vraiment de plan,

j’avais juste envie de gagner de l’argent, d’être autonome financièrement. Pendant l’été, je travaillais. J’avais une petite job d’été, pis je trouvais l’fun d’avoir de l’argent pis toute. Après l’été, j’ai fait même pas une semaine d’école pis j’ai décidé que… d’aller me trouver un emploi là » (3C).

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50

Cinq jeunes figurent dans la première catégorie. Pour eux, le contexte scolaire ou le fait d’être

classés et de devoir cheminer au sein du programme CFER 10 est décrit comme non propice à

favoriser leur investissement scolaire, comme essentiellement sans intérêt et comme n’offrant

aucune perspective intéressante pour l’avenir. Ceci pousse donc les jeunes en question à vouloir

abandonner leurs études, quitte à les poursuivre plus tard, par le biais de la formation des adultes.

De façon plus précise, trois jeunes ressentent une impossibilité de se réaliser à l’école; ils ont

l’impression d’être « au placard », dans une classe à part où l’on n’espère pas grand-chose d’eux, où

l’on ne les pousse pas à se dépasser : « T’es là pour passer le temps pis c’est toute. Un peu plus ils

te font faire du coloriage […] » (6C). De leur point de vue, la possibilité de progresser dans ces

classes est fortement limitée et ils déplorent le fait que ce programme, à son issue, ne leur permettra

pas d’obtenir le DES, mais seulement une certification attestant de leur aptitude au travail. S’ajoute

à l’expérience de ces jeunes un sentiment d’humiliation à l’idée de faire partie des « classes des

plus bas » (14C). Soulignons enfin le cas de deux jeunes (4C ; 13C) de cette catégorie qui remettent

en question les tâches qui leur étaient imposées dans le cadre du CFER (par exemple, le fait de

« recycler » ou de « ramasser du papier » et d’effectuer des tournées d’information sur le recyclage

dans les classes du régulier).

Sept jeunes perçoivent le décrochage scolaire comme une décision qui les situe dans la norme par

rapport à leur groupe d’amis ou qui a été prise sous l’influence plus ou moins directe des pairs ayant

eux-mêmes quitté l’école. La perspective d’adopter, tout comme certains de leurs amis, un « autre

style de vie » (12C) centré sur la consommation d’alcool ou de drogues leur apparaît alors comme

plus attirante que de demeurer à l’école où ils vivent diverses difficultés. Privés de leur réseau

d’appartenance, ces jeunes vivent un sentiment de solitude exacerbé par le fait qu’ils ne s’identifient

plus aux autres élèves, qu’ils se sentent différents et surtout plus matures qu’eux (ils sont

effectivement plus âgés à cause de leur retard scolaire). La différence de niveau de maturité est

décrite comme un irritant important, particulièrement chez deux jeunes : « À la polyvalente, y avais

juste des fouteux de marde, des flos… » (12C) et même comme un facteur pouvant jouer un rôle

dans leur décision de quitter l’école : « Tu vois que t’es rendu avec des enfants… fait que j’ai

lâché » (2C).

10

Le programme CFER (Centre de formation en entreprise de récupération) s’adresse aux jeunes n’ayant pas

acquis les bases du primaire. Il s’agit d’un classement, de sorte que les jeunes ciblés n’ont d’autre choix que

de cheminer dans cette voie. Le programme comprend notamment un volet « préparation au marché du

travail » et un stage non rémunéré en entreprise de récupération.

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51

Dans la catégorie suivante, on retrouve cinq jeunes qui traitent du décrochage scolaire comme d’une

réalité normale, acceptée ou comprise dans leur milieu de vie, comme un fait qui ne les

handicapera pas nécessairement dans leur vie professionnelle, ce qui contribue à valider leur

décision de quitter l’école. On constate que le fait de vouloir travailler est valorisé dans le milieu de

vie en question ; à défaut de poursuivre ses études ou d’avoir un diplôme, on peut être bien perçu

par ses proches et par autrui si l’on est actif sur le marché du travail, surtout si l’on réussit à « se

placer » dans une usine. Cette réalité est d’ailleurs à portée de main des jeunes décrocheurs puisque

certains employeurs sont effectivement reconnus dans la région pour être prêts à embaucher des

jeunes n’ayant pas terminé leurs études de niveau secondaire.

Enfin, pour neuf sujets le désinvestissement scolaire est lié à un désir de travailler pour pouvoir

subvenir à leurs besoins et, dans quelques cas, avec l’obtention d’un emploi à temps plein, rendant

alors impossible la poursuite des études. Même si le désir de devenir autonome financièrement et de

ne plus devoir quémander d’argent à ses parents est bien présent chez plusieurs jeunes, aucun n’a

mentionné en premier ce facteur pour justifier son désinvestissement scolaire. Il semble qu’il

s’agisse le plus souvent d’un facteur de second ordre, comme l’exprime par exemple cet extrait :

« Mes examens, mes notes ça avait pas d’allure, c’est pour ça que j’ai arrêté… pis je voulais aussi

avoir de l’argent » (8C). Le fait de désinvestir le milieu scolaire en vue d’intégrer le marché du

travail est perçu comme la clé pour pouvoir se procurer divers biens de consommation (voiture ou

pièces de voiture, gadgets électroniques, alcool, drogues, etc.). Ce type de besoin semble être

croissant chez la plupart des sujets : « […] pis je commençais à avoir des chars […], fait que là je

voulais avoir de l’argent pour réparer ça » (2C). Quelques-uns ont aussi, depuis peu, d’importantes

obligations financières à respecter, comme l’achat d’une voiture et la location d’un logement. Enfin,

le fait d’avoir préalablement goûté au travail rémunéré dans le cadre d’un emploi d’été ou d’un

emploi à temps partiel semble aussi être, pour certains, un incitatif à vouloir intégrer de façon

régulière le marché du travail.

Nous avons donc traité des facteurs intra-personnels, interpersonnels et extra-personnels à la base

de l’investissement scolaire, d’une part, et du désinvestissement scolaire, d’autre part, des jeunes

décrocheurs interrogés. En somme, même si tous se sont désinvestis du milieu scolaire au point de

quitter l’école temporairement, il ressort des propos de plusieurs jeunes que tout n’est pas noir

relativement à l’école et qu’ils y trouvent des bénéfices auxquels ils ont dû renoncer en quittant.

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2. Période sur le marché du travail

Il semble que cette tension entre investissement et désinvestissement trouvée dans la sphère scolaire

se situe de façon semblable dans la sphère du travail. Lorsqu’ils font le récit de leur expérience sur

le marché du travail et réfèrent notamment à l’expérience de travail la plus significative qu’ils ont

vécue, les jeunes traitent d’une part de ce qui les motive à travailler puis, d’autre part, de ce qui les

motive à vouloir quitter le marché du travail en vue d’un retour aux études. Les thèmes de

l’investissement et du désinvestissement du marché du travail apparaissent donc également comme

centraux relativement à cette période. Il a aussi été possible de reconstituer les facteurs intra et

extra-personnels liés à ces deux grands thèmes.

Pour cette période, il existe aussi une diversité d’éléments décrits comme favorisant respectivement

l’investissement et le désinvestissement dans la sphère du travail. En raison de cette diversité et de

l’impossibilité, dans certains cas, d’identifier un facteur prédominant par sujet pour chacun de ces

deux grands thèmes, nous avons une fois de plus fait le choix d’identifier tous les facteurs identifiés

par chaque jeune. Il est donc possible que, pour certains jeunes, un seul facteur soit principalement

évoqué et retenu dans chacun des grands thèmes « investissement » et « désinvestissement » du

marché du travail, alors que chez d’autres sujets, plusieurs facteurs sont retenus. Pour le thème

général de l’investissement du marché du travail, un facteur est évoqué en moyenne par sujet, tandis

que pour celui du désinvestissement du marché du travail, deux facteurs, en moyenne, sont

identifiés.

2.1 Investissement dans le marché du travail

Concernant le thème de l’investissement dans le marché du travail, les facteurs intra-personnels,

interpersonnels et extra-personnels constituent les sous-thèmes ressortis lors de l’analyse de

contenu.

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53

2.1.1 Facteurs intra-personnels et interpersonnels

Plus de la moitié des jeunes (N = 9) invoquent des facteurs intra-personnels pour justifier leur

investissement sur le marché du travail. Ces éléments ont été regroupés en deux catégories, soit

l’obtention d’une reconnaissance de la part de leurs collègues ou de leur patron et le fait de se sentir

compétent dans leur travail.

Chez cinq jeunes, l’investissement au travail est en lien avec la possibilité qu’ils ont trouvée

d’obtenir des marques de reconnaissance (comme travailleur, mais aussi globalement comme

personne) sur le marché du travail par le biais de leur relation aux collègues ou aux patrons. La

majorité du temps, dans leur emploi, ces jeunes sont dévoués, impliqués et recherchent les

responsabilités. Ils apprécient le fait de se sentir polyvalents et importants dans leur milieu de

travail. Cela peut être pour « se faire un nom » sur le marché du travail (2C), mais de façon

générale, c’est surtout pour être reconnu comme un bon employé par leurs collègues et patrons et

pour être appréciés des gens autour d’eux. D’ailleurs, il semble que l’attitude de leurs collègues et

patron ait aussi un rôle à jouer dans une telle motivation à s’investir. Un des jeunes témoigne de la

patience de son patron à son égard, ce qui l’a graduellement amené à vouloir lui démontrer sa

valeur. D’autres font aussi référence à leur intégration au collectif : « Je riais, j’avais du fun, j’étais

accepté… Je suis arrivé et tout de suite j’ai été accueilli à fond ! » (5C) et à la confiance qu’on leur

accordait dans leur milieu de travail, ce qui ressort comme une source de fierté et de motivation à

vouloir en donner plus.

Modalités

N

Énoncés paradigmatiques

Obtention d’une reconnaissance de sa valeur (2C ; 5C ; 6C ;

9C ; 14C)

5

« Le monde me trouvait bon, j’étais un petit diable qui voulait. […] pis le foreman y’a dit tabarnac, yé bon, pis il veut, pis tout ça. Ça m’a donné du pep… J’arrivais à

l’heure pis j’étais tout le temps là. Je voulais tout faire » (14C).

Sentiment de

compétence (3C ; 4C ; 9C ; 12C ; 13C ; 14C)

6

« J’avais l’impression d’être dans l’action. J’aimais ça

là. C’est pour ça que je m’en vais dans un métier qui bouge. J’étais à ma place là, ça allait ben » (3C).

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Chez six jeunes, l’investissement au travail est plutôt lié au fait de se sentir compétent. Les jeunes

prennent conscience que ce qu’ils font sur le marché du travail est plus conforme à leurs aptitudes et

intérêts que ce qu’ils étaient amenés à faire à l’école. Ils se sentent à « leur place » sur le marché du

travail. Ce sont des jeunes qui se considèrent comme plus manuels, comme aimant bouger et

travailler physiquement. Ils constatent qu’ils peuvent être compétents dans certains domaines :

« J’ai appris que je pouvais être bon dans quelque chose pis m’appliquer… que je pouvais faire une

belle job... » (4C). Ils accordent aussi une importance particulière au développement de leurs

compétences et sont fiers des progrès réalisés : « […] j’ai développé des techniques de travail, chu

rendu plus habile avec mes mains » (12C).

2.1.2 Facteurs extra-personnels

La moitié des jeunes (N = 7) se réfèrent quant à eux à des facteurs extra-personnels pour expliquer

leur motivation à s’investir sur le marché du travail. Ces facteurs ont été regroupés en deux

catégories : obtention d’un statut social par le travail et bénéfices d’ordre pécuniaire.

Modalités

N

Énoncés paradigmatiques

Obtention d’un statut social par le travail (1C ; 7C ; 8C ; 14C)

4

« Du monde comme nous autres, c’est rare qu’ils engagent ça. Ben comme moi j’étais là… pas d’école rien. Moi j’ai été chanceux de rentrer là. Ils m’ont vu travailler, ils ont vu que j’étais bon, pis ils m’ont pris… Y en a plusieurs qui voulaient ma job. Mon père, même, il voulait rentrer travailler avec moi. Il voulait ma place

quasiment… Parce que t’es ben pour travailler là. Le monde est sur le chômage l’hiver, pis ils payent bien l’été […] » (1C).

Bénéfices d’ordre pécuniaire (8C ; 10C ; 11C ; 12C)

4

« Bah, c’était de l’argent. Je gagnais de l’argent pas mal… J’aimais ça parce que je pouvais m’acheter tout plein de choses… Tsé, je me suis équipé, on s’est acheté des meubles, plein de choses de jardin […] » (10C).

Chez quatre jeunes, l’investissement au travail trouve son sens dans l’obtention d’un statut social,

qu’il soit lié à la qualité de l’emploi qu’ils ont pu obtenir ou au simple fait de se voir maintenant

reconnaître comme un travailleur ou comme un homme dans le regard d’autrui. Les premiers

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55

accordent de l’importance au fait d’être « bien placé », c’est-à-dire d’avoir un bon poste, dans une

entreprise reconnue comme offrant de bonnes conditions de travail et, notamment, un bon salaire.

Le fait d’avoir réussi à « se loger » (7C) est pour eux une source de fierté, et ce, d’autant plus

lorsqu’ils constatent faire l’envie de leurs proches. Le fait d’acquérir un statut d’homme par le biais

du travail est également une source de motivation à s’investir dans cette sphère : « Regarde le petit

[nom]… Fallait que je fasse la job. J’embarquais dans la cour des grands » (14C). L’un d’eux

affirme qu’à défaut d’avoir pu obtenir une « vraie job d’homme », le simple fait d’avoir maintenant

une identité de travailleur est gratifiant et justifie l’investissement dans cette sphère : « J’étais pu un

étudiant, j’étais un travailleur, jeune, mais tsé, c’était correct pour moi » (8C).

Pratiquement tous les jeunes de notre échantillon trouvent des bénéfices d’ordre pécuniaire à

travailler et apprécient le fait de pouvoir hausser leur niveau de consommation (achat de meubles,

de gadgets électroniques, d’une voiture ou de pièces de voitures, sorties dans les bars, drogues,

etc.). Toutefois, chez quatre jeunes, l’argent est décrit comme le seul motif d’investissement au

travail ou alors, sans être le seul, il apparaît comme un élément central dans leur expérience du

travail. Est associée à leur nouvelle vie de salarié – et au niveau de consommation qui y est associé

– une certaine fierté bien décrite par un des jeunes : « Je trouvais ça hot au début parce que j’étais

fier, tsé j’avais de l’argent, je pouvais m’acheter des affaires, me gâter un peu » (8C). Chez l’un

des sujets, les problèmes de consommation sont clairement décrits comme justifiant cette

importance accordée à l’aspect monétaire : « … pour faire plus d’argent, pour faire plus de poudre,

pour travailler plus… Cette chanson-là, c’était quasiment mon beat, c’était mon beat de vie »

(12C).

2.2 Désinvestissement du marché du travail

En ce qui concerne le thème général du désinvestissement du marché du travail, notons qu’il s’agit

d’un désinvestissement temporaire en vue d’un retour aux études. Les jeunes espèrent donc tous

réintégrer le marché du travail ultérieurement, mais selon des modalités différentes. Les sous-

thèmes ayant émergé grâce l’analyse de contenu sont une fois de plus les facteurs intra-personnels,

interpersonnels et extra-personnels.

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2.2.1 Facteurs intra-personnels et interpersonnels

Une majorité de jeunes (N = 11) rendent compte de facteurs intra-personnels ou interpersonnels

intervenant dans leur désinvestissement du marché du travail au profit d’un réinvestissement de la

sphère scolaire. Ces facteurs peuvent être regroupés dans les catégories suivantes : besoin de

reconnaissance pour devenir « quelqu’un » et besoin de s’investir dans un projet mobilisateur.

Modalités

N

Énoncés paradigmatiques

Besoin de reconnaissance pour devenir « quelqu’un » (2C ; 5C ; 6C ; 12C)

5

« Je donnais quasiment tout le temps mon 100 % pis le boss était jamais content, fallait toujours en donner plus […]. C’est une shop où on devrait être payé plus. Ça te dit dans ta tête : Hey, y faut que tu fasses vraiment mieux

de ta vie. Ça a pas de bon sens […]. Dans le fond, c’est que je ne veux pas devenir quelqu’un de minable. Je veux faire mon diplôme pour devenir quelqu’un. J’en vois beaucoup qui sont sur le BS pis qui foutent rien, ça fait des années qu’ils sont là-dessus... J’ai la fierté de vouloir devenir quelqu’un. Je veux montrer à mes futurs enfants : regardez ce que je suis devenu, je suis quelqu’un de scolarisé, j’ai mon diplôme… » (2C).

Besoin de s’investir dans un projet mobilisateur (1C ;

3C ; 4C ; 7C ; 10C ; 12C ; 13C ; 14C)

8

« Je veux faire mon secondaire 4 pis s’ils m’acceptent à l’école, je vais faire mes cartes. Je vais faire mécanique-débosselage et peut-être après que je vais aller dans

l’armée… [En parlant de la mécanique]. Depuis que je suis jeune, je trippe là-dedans, je gosse là-dedans, j’aime ça. J’aime mieux faire une job que j’aime, que je suis capable de travailler dedans que de faire une job que j’aime pas pis tout le temps être marabout » (13C).

Pour cinq jeunes, le fait de se désinvestir du marché du travail et de poursuivre sa formation scolaire

est lié à un besoin de reconnaissance permettant de « devenir quelqu’un » aux yeux d’autrui. Pour

tous ces jeunes, dont l’investissement au travail était surtout motivé par les marques de

reconnaissance qu’ils pouvaient obtenir de la part de certains collègues ou de leur patron, le fait

d’aller chercher son diplôme est perçu comme le moyen d’obtenir une meilleure reconnaissance. Si,

d’un point de vue interpersonnel, ils ont vécu des expériences significatives et positives pour leur

image de soi, ils ont par contre vécu d’autres expériences où ils ne se sont pas sentis appréciés à leur

juste valeur, entre autres de la part d’employeurs qui « profitaient » d’eux (2C), les « maltraitent »

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57

(6C) ou alors refusaient simplement de les embaucher (5C), refus qu’ils attribuent à leur statut de

décrocheurs, qui les place dans une position sociale d’infériorité et de vulnérabilité : « Ils disent que

tu vaux rien. C’est comme si t’étais un bouche-trou en attendant qu’ils trouvent quelqu’un d’autre

(6C). Certains en sont venus à ressentir une certaine amertume du fait de s’être tant dévoués à la

tâche et, en retour, de n’obtenir que peu de reconnaissance. La plupart se sont aussi sentis jugés

négativement par autrui : « Les études, le monde jugent beaucoup là-dessus je trouve. Même autour

de moi, j’ai remarqué : t’as pas d’étude, t’es rien » (5C). Le fait de cesser de travailler pour

poursuivre ses études est donc une façon de « devenir quelqu’un » (2C) dans le regard de l’autre, de

pouvoir être fier de soi. Un des jeunes affirme d’ailleurs vouloir faire « des grosses études : peut-

être en médecine, en acupuncture, psychologue ou GRC » (6C), et ainsi atteindre un statut social

prestigieux. Nous avons considéré ce facteur comme de nature intra-personnelle, mais, d’un certain

point de vue, il aurait également pu être classé comme un facteur de nature extra-personnelle,

puisque ce sont bien sûr les expériences de travail qui sont à l’origine de ce besoin de

reconnaissance.

Enfin, huit sujets se désinvestissent du marché du travail dans le but de suivre une formation et de

pouvoir ainsi atteindre éventuellement leur objectif professionnel. Certes, d’autres jeunes ont

énoncé des possibilités de formation, sans être véritablement fixés sur le plan professionnel ; ils sont

revenus sur les bancs d’école pour compléter quelques cours et obtenir leur DES, plutôt que de se

trouver un nouvel emploi qui risque de ne pas les satisfaire plus que le précédent. Nous n’avons pas

inclus ces jeunes dans la présente catégorie. Y figurent uniquement les sujets chez qui le projet

scolaire et professionnel est à la fois précis et apparemment bien ancré. De façon générale, ces

jeunes sont en mesure d’expliquer d’où provient leur intérêt pour le domaine choisi. Ils ont

généralement été en contact avec des personnes (frère, beau-père, collègues) qui ont su leur

transmettre une passion pour leur métier et les amener à se projeter eux-mêmes dans cette voie :

« Mon beau-père travaille là-dedans, pis il me parle de ça. Il me montre des photos... Ça

m’intéressait, pis j’en parlais » (14C). Dans tous les cas, ces jeunes ont vécu des expériences sur le

marché du travail (certains ont beaucoup exploré, d’autres moins) qui, finalement, les ont déçus. Ils

en sont venus à accorder de l’importance au fait d’aimer leur emploi et non seulement de

« travailler pour survivre » (12C). Un jeune précise que de suivre la formation qu’il envisage lui

permettra d’avoir un emploi plus valorisant ou stimulant, contrairement au travail en usine (3C).

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58

2.2.2 Facteurs extra-personnels

Douze jeunes décrivent leur désinvestissement du marché du travail et leur retour en formation

comme ayant été motivés par des facteurs extra-personnels. Ces éléments ont été regroupés en deux

catégories : influence des conditions de travail et influence de personnes significatives.

Modalités

N

Énoncés paradigmatiques

Influence des conditions de travail

(1C ; 3C ; 4C ; 7C ; 8C ; 12C ; 14C)

7

« Y’a des jobs que j’ai bien aimées, mais ça finissait tout le temps que c’était des jobs de routine et je finissais par

m’écœurer... Puis c’était pas vraiment payant ». « C’est ma dernière job dans le fond… Quand j’ai été slacké du jour au lendemain. J’ai vu qu’il n’y avait pas de sécurité d’emploi dans des jobs de même... » (3C).

Influence de personnes significatives (1C ; 4C ; 6C ; 7C ; 9C ; 10C ; 11C ; 12C ; 13C)

9

« Pis là, mon ex, c’est quasiment ma meilleure amie, a m’a donné un petit coup de pouce pour dire tu devrais retourner à l’école. Pis elle, même si j’ai vraiment faite le con plusieurs fois… a m’a toujours pardonné, pis ça ben je l’apprécie vraiment ! C’est vraiment moi et Sabrina qu’on a parlé que j’ai besoin de l’école » (12C).

Le désinvestissement de la sphère du travail est pour sept jeunes relié à la nature des emplois

occupés, notamment aux conditions de travail subies (bas salaire, difficultés physiques, peu de

reconnaissance, emploi aliénant, etc.), desquelles résulte un certain niveau d’« écœurement ». Pour

quatre d’entre eux, c’est spécifiquement le contexte de travail en usine qui pose problème. Leurs

emplois s’inscrivent généralement dans l’industrie du bois d’œuvre, un secteur en difficulté. Ces

jeunes sont donc fortement touchés par le chômage structurel et ont un statut d’emploi précaire. Par

le retour aux études, ils souhaitent donc s’assurer un salaire leur permettant de subvenir à leurs

besoins et, éventuellement, à ceux de leur future famille. De ces difficultés découle une prise de

conscience de l’importance des études, mais nous avons tout de même jugé bon de classer ce

facteur comme extra-personnel. Tout porte à croire, effectivement, que les jeunes dont il est

question seraient demeurés sur le marché du travail et ne se seraient probablement pas retournés à

l’école s’ils avaient pu bénéficier de meilleures conditions de travail.

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59

Chez neuf jeunes, le désinvestissement du marché du travail en vue d’un retour aux études a été

influencé par des personnes significatives dans leur vie. Cette influence a revêtu plusieurs formes.

Certains proches les ont encouragés verbalement, leur ont fourni, par exemple, de l’information sur

la démarche nécessaire pour retourner à l’école ou leur ont offert une aide financière ou matérielle.

D’autres personnes les ont incités à retourner à l’école en agissant, en quelque sorte, comme des

modèles (par exemple : « [Ma soeur] s’est fait dire les mêmes choses que moi, pis elle s’est rendue

à l’université. Elle est rendue psycho-éducatrice, pis c’est pas rien… » (6C)) ou comme des « anti-

modèles » (par exemple : « Quand tu vois des vieux là qui ont pas un si gros salaire que ça pis ça

fait des années qu’ils travaillent là, c’est pas ce qui te motive le plus à rester dans ces emplois-là »

(7C)). Enfin, certaines personnes ont été significatives puisqu’elles ont représenté des points de

comparaison leur permettant de poser un jugement sur eux-mêmes, favorisant ainsi chez eux un

désir de mise en mouvement (par exemple : « C’est sûr que [ma blonde] est au Cégep en service

social. Elle est bonne. Elle avançait plus que moi dans la vie. Moi je restais toujours dans la même

routine. Ça me crinkait un peu » (4C)).

Chez deux jeunes, l’influence d’autrui constitue l’unique facteur de désinvestissement du marché du

travail. L’un d’eux s’est vu imposer son retour en classe par ses parents et, n’eût été de cette

pression de leur part, il serait demeuré sur le marché du travail et aurait peut-être poursuivi ses

études ultérieurement. En ce qui concerne l’autre jeune, le désinvestissement du marché du travail

dans le but de retourner à l’école est plutôt lié à l’influence des pairs. Le fait que des amis plus âgés

que lui retournent à l’école est pour lui une source de motivation à faire de même. Il estime qu’il

connaîtra ainsi d’autres élèves au centre de formation et qu’il ne figurera pas parmi les plus âgés à

le fréquenter, ce qu’il vivrait de façon négative. En retournant à l’école à un âge moins avancé que

ses amis, il aura perdu moins de temps qu’eux. Pour ce jeune, la décision de retourner à l’école est

aussi décrite comme un « coup de tête » (11C).

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DISCUSSION

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61

Cette étude avait comme objectif principal de mieux saisir en quoi et comment le fait de vivre des

expériences sur le marché du travail après avoir quitté le milieu scolaire peut avoir contribué chez

de jeunes décrocheurs à se redéfinir sur le plan identitaire. Il importe maintenant d’explorer des

pistes d’explication de ces résultats. Dans une première partie, les facteurs de nature intra-

personnelle et extra-personnelle associés aux deux grands thèmes d’investissement et de

désinvestissement scolaire sont abordés. Cette partie est assez succincte en raison notamment des

données recueillies. Les jeunes de notre étude semblaient en effet moins enclins à parler de leur

passage à l’école secondaire que de leur expérience en milieu de travail. Les données relatives à

leur vécu sur le marché du travail sont riches de sens et, dès lors, plus détaillés. La deuxième partie

traitera, à l’instar de la première, des facteurs intra-personnels et extra-personnels associés aux deux

grands thèmes d’investissement et de désinvestissement du marché du travail.

1. S’investir dans le milieu scolaire

Bien que le matériel relatif au vécu des jeunes en ce qui concerne leur investissement dans le milieu

scolaire soit moins abondant que celui qui touche leur désinvestissement, il est important d’en

soulever un aspect central. À l’analyse des résultats, force a été de constater que le sentiment

d’appartenance à l’école émanant plus précisément de l’appartenance à une équipe sportive ou à un

groupe d’amis s’avère un élément incitant plusieurs jeunes à continuer d’investir le milieu scolaire.

L’appartenance et l’identification à un groupe sont des phénomènes très marqué à l’adolescence. Ils

permettent aux individus de définir leur identité (Lipianski, 2002; Erikson, 1972). Cela a pu être

observé chez les jeunes faisant partie d’une équipe sportive. Ces derniers nous parlent en effet de

leur équipe comme d’une famille où les règles sont claires, l’entraide est présente, et où la

valorisation et la fierté d’appartenir à cette équipe sont aussi de la partie. De façon indirecte, ils ont

donc plus d’intérêt pour l’école et s’y sentent davantage « à leur place ». Selon le MELS (2009),

l’inscription dans de telles activités parascolaires permettrait effectivement d’accroître le sentiment

d’appartenance des jeunes à l’école.

La présence de programmes sportifs de qualité semble une voie particulièrement prometteuse pour

favoriser l’investissement scolaire des garçons, plus susceptibles de décrocher de l’école que les

filles (Raymond, 2008) et généralement plus portés vers les sports. À l’école du Mistral, on a

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d’ailleurs pu observer, depuis 2001, année d’implantation d’un programme de football, une

amélioration significative des résultats scolaires des élèves durant les périodes scolaires où ont lieu

les activités en lien avec ce programme. En moyenne cent élèves par année s’y inscrivent,

pratiquement tous des garçons. Pour y demeurer, ces jeunes doivent maintenir un niveau d’effort

constant en classe et faire preuve d’une progression sur le plan des apprentissages scolaires (selon

Simon Perreault, responsable du programme). L’inscription dans l’équipe de football les pousse

effectivement à faire plus d’efforts et à se doter de stratégies favorisant leur réussite. D’ailleurs,

parmi les 13 voies décrites par le MELS (2009) comme particulièrement prometteuses pour

favoriser la réussite éducative des jeunes figure le fait d’augmenter l’offre d’activités parascolaires

sportives et culturelles.

En plus de l’appartenance à une équipe sportive, les jeunes ont aussi relevé le rôle de leurs amis, de

leur réseau social ou d'autres personnes pour justifier leur investissement scolaire (Demazière,

2008). La présence de ces personnes dans le milieu scolaire incite les jeunes de continuer

d’appartenir à ce milieu. Pour faire de l’école un lieu de rencontres, de socialisation et

d’appartenance, les activités parascolaires semblent aussi une voie intéressante à privilégier, compte

tenu, par exemple, de l’importance que les jeunes joueurs de football accordent à leur équipe et à

leur entraîneur. L’inscription dans des activités parascolaires qui correspondent aux intérêts des

jeunes pourrait représenter également une occasion pour eux de côtoyer et de développer des liens

avec des jeunes avec qui ils ne se seraient peut-être pas affiliés naturellement. Ces derniers ayant un

rapport possiblement plus positif à l’école, pourraient les influencer, de différentes façons, à

poursuivre leur investissement dans le milieu scolaire. Cet aspect pourrait d’ailleurs être exploré

lors d’études subséquentes.

2. Se désinvestir du milieu scolaire

Les facteurs de désinvestissement scolaire énoncés par les jeunes rejoignent certains des « facteurs

de risque » associés au décrochage scolaire et reconnus par plusieurs chercheurs, notamment par

Janosz (2000) et Baby (2005). Les facteurs qui mènent les jeunes à se désinvestir de la sphère

scolaire et, ultimement, à décrocher de l’école sont bien recensés dans la littérature, car le

décrochage représente une préoccupation sociale importante. Cette préoccupation est d’ailleurs bien

présente dans le milieu d’où sont issus les jeunes ayant participé à cette étude. En 2008, une étude a

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été réalisée à l’école secondaire qu’ils ont fréquentée. Cette dernière avait comme principal objectif

de cerner les problèmes de ce milieu (Bernachez, 2010). Ce sont principalement un haut taux de

décrochage scolaire11, un mauvais climat dans l’école, la démotivation des jeunes et du personnel,

etc., qui étaient initialement identifiés par l’école.

2.1 Perception négative de soi et manque d’intérêt pour l’école

Dans le cadre de notre étude, il est ressorti que certains jeunes attribuent leurs difficultés scolaires à

un manque de capacités ou d’aptitudes scolaires, alors que d’autres, plus nombreux, mettent à

l’avant-plan un manque d’intérêt et de motivation pour l’école, ce qui pourrait bien cacher une

faible estime de soi. Il semble que pour préserver leur image et leur estime de soi, certains jeunes

pourraient, en effet, plus ou moins consciemment, être portés à justifier leur échec par une faible

motivation scolaire et, notamment, par l’absence de travail et d’intérêt pour l’école. Ils pourraient

dès lors rejeter l’école avant qu’elle ne les rejette (Costa-Lascoux et Hoibian, 2004; Glasman, 2004;

Boivin, 2003). Selon Glasman (2004), il est un fait que le jeune en difficulté scolaire se construit

une identité d’élève « en échec ». Ainsi, tout porte à croire que le nombre de jeunes classés dans la

catégorie « perception négative de soi » aurait pu être plus élevé n’eût été des justifications

énoncées.

D’un point de vue moins strictement scolaire, les jeunes victimes de harcèlement ou pour qui les

conflits interpersonnels impliquent des problèmes relatifs à l’image de soi auraient également pu

être classés dans cette catégorie. La violence et l’intimidation sont des phénomènes très présents

dans les écoles : « De façon générale, au Québec, près d’un élève du secondaire sur quatre (23 %)

dit avoir été victime de violence de la part d’autres jeunes de son école. 20 % disent avoir été

victimes de violence psychologique et 8 % de violence physique ». Selon Bernachez (2010),

l’intimidation et la violence sont répandues à l’école du Mistral et il n’est donc pas étonnant que

plus de la moitié des jeunes de notre échantillon aient fait état de problèmes relationnels avec

d’autres élèves. Selon Bourbonnais (2008), le manque d'habilités sociales, plus précisément en ce

qui concerne la communication et la résolution de conflits, est l'une des caractéristiques des futurs

décrocheurs. C’est particulièrement vrai chez les décrocheurs de type « inadapté », selon la

typologie développée par Janosz (1994). Selon lui, ces jeunes constitueraient environ 40 % de la

11

Alors que le taux de sortie sans diplôme est de 29 % au Québec, il est de plus de 50 % dans certains villages

de la Mitis (MELS, Portraits régionaux, tableau 5,2, tiré de CRÉPAS [2010]).

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population de décrocheurs. Ils sont particulièrement touchés par l’échec scolaire et les problèmes de

comportement. On remarquerait chez eux davantage de comportements d’indifférence,

d’absentéisme, de consommation d’alcool et de drogue, de même qu’un faible soutien familial, des

réalités bien décrites par certains jeunes.

2.2 Le CFER : une voie parallèle perçue comme démotivante

L’école est perçue par les jeunes de cette étude comme un milieu leur offrant peu d’occasions de se

réaliser, et ce, même si certains programmes ont été conçus pour contrer ce mouvement de

démotivation. C’est le cas du programme CFER, au sein duquel cheminaient un peu plus du tiers

des jeunes interrogés. Le programme était alors généralement offert aux élèves de 16 ou de 17 ans

n’ayant pas atteint les objectifs du primaire. La « réussite formelle de la scolarité » ne s’applique

pas à ces élèves qui, à l’issue du programme, n’obtiendront pas le DES12. Toutefois, théoriquement,

ce programme devrait permettre l’acquisition de compétences puisqu’il mise sur le développement

des forces de ces jeunes et sur le fait de faciliter leur insertion socioprofessionnelle, entre autres par

le biais de stages en entreprises de récupération. Si certains travaux (Inchauspé 2003; Baby 2005)

décrivent le programme de manière favorable, les jeunes interrogés pour notre étude qui en sont

issus le décrivent comme peu stimulant et sont portés à lui tourner le dos.

D’abord, leurs propos portent à croire que, dès le départ, ses objectifs et sa finalité sont mal compris

par les jeunes. Ceux-ci sont alors sensibles aux commentaires ou explications parfois

approximatives d’autrui quant à la nature et aux bienfaits du CFER. Principalement, les jeunes

interrogés réagissent négativement au fait que leur cheminement ne leur permettra pas, ultimement,

d’obtenir le DES. Il semble que le message prônant l’importance de la réussite par le biais de

l’obtention de ce diplôme soit très ancré, et ce, même chez les jeunes présentant des difficultés

importantes dans les matières scolaires de base.

Outre l’impossibilité d’obtenir le DES rendant le programme moins stimulant aux yeux des jeunes,

on constate comment ce programme, supposé aider les jeunes à se forger une meilleure estime

d’eux-mêmes, est décrit par certains participants de notre étude comme portant atteinte à leur image

et leur estime d’eux-mêmes, minant ainsi leur désir d’investissement scolaire. Le regard que les

12

Depuis l’entrée en vigueur de la réforme scolaire, ils obtiennent toutefois un certificat de formation en

entreprise de récupération délivré par le MELS.

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65

autres élèves portent sur eux, en tant que membre des « classes des plus bas », semble en effet

primer sur leur cheminement potentiel et sur les réussites qu’ils pourraient vivre à l’intérieur du

programme. En soi, le travail au sein du centre de récupération, principal lieu de stage des élèves,

est aussi discrédité, et ce, même lorsqu’il constitue un emploi rémunéré. Les jeunes perçoivent ce

lieu de travail comme l’alternative privilégiée par ceux qui, en somme, ne peuvent faire mieux dans

la vie que de travailler à cet endroit… De plus, parce qu’ils n’obtiennent pas de rémunération en

échange de leur travail au centre, certains jeunes ressentent un sentiment d’exploitation et

d’injustice. Voilà un autre point illustrant que ces jeunes ont du mal à se construire une image

positive d’eux-mêmes dans le cadre de ce programme.

D’autre part, la pédagogie même de ce programme exercerait, chez certains jeunes, un effet

contraire à celui visé. Si, théoriquement, l’apprentissage au rythme des élèves et la pression

moindre exercée sur eux pour qu’ils obtiennent leur diplôme sont susceptibles de leur faire vivre

des réussites adaptées à leur réalité scolaire, ces aspects sont interprétés par certains jeunes comme

une absence d’intérêt et de confiance en leur potentiel, qu’ils décrivent comme un frein à leur

mobilisation dans le milieu scolaire.

Enfin, notons que depuis lors, le programme a été restructuré dans l’optique de contrer certaines de

ses particularités portant davantage à la critique et pouvant affecter la motivation de certains jeunes.

Il resterait donc à vérifier dans une autre étude si ces changements ont pu influencer les garçons qui

présentent, à l’instar de ceux de notre étude, une faible motivation à s’investir à l’école. De plus, ces

perceptions et expériences négatives du CFER ne sont probablement pas partagées par tous les

jeunes ayant emprunté ce cheminement, certains pouvant y trouver leur compte et être mobilisés par

ce programme.

2.3 L’attrait d’une autre vie et le « modeling » des amis

Alors qu’ils sont encore sur les bancs d’école, la liberté et le fait de pouvoir faire la fête, d’une part,

mais aussi le travail, l’argent et la consommation de biens, d’autre part, font partie des

préoccupations et fantasmes des jeunes interrogés. Ces valeurs et comportements sont à la base d’un

autre mode de vie que celui relié aux études. Celui-ci est perçu comme bien plus attirant, d’autant

plus qu’il permet aux jeunes de se situer dans une certaine normalité parmi leurs pairs.

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Lorsqu’ils sont encore à l’école, l’influence des amis se traduit principalement dans la

consommation d’alcool ou de drogue, une activité ayant lieu en groupe, généralement près de

l’école. Elle entre en concurrence avec les activités scolaires puisqu’aux dires des jeunes, elle est

généralement associée à l’absentéisme ou affecte leur capacité de concentration lors des cours.

Lorsque le problème de consommation s’accroît et que certains amis avec qui ils consommaient

quittent le système scolaire, cela crée un effet d’entraînement susceptible de les mener au

décrochage. Durant l’adolescence, l’amitié est une valeur centrale pour les jeunes qui se distancient

de leurs parents et cherchent d’autres repères identificatoires. Leurs comportements et attitudes sont

donc plus susceptibles d’être effectivement modulés en fonction de ceux de leurs pairs ou de leur

groupe d’amis (Erikson, 1972). Certains jeunes ont d’ailleurs décrit le décrochage scolaire comme

une mode chez les jeunes de la région. De plus, si d’autres portent sur eux un regard plus

réprobateur, le décrochage leur a permis de se sentir intégrés au sein de leur groupe d’amis

décrocheurs. Ceci démontre bien, chez ces jeunes, l’importance de s’affilier à un groupe et à une

sous-culture que l’on pourrait dire déviante, mais néanmoins porteuse d’une identité sociale.

Le fait que les amis travaillent ou valorisent cette activité est aussi un élément qui influence la

décision de ces jeunes de quitter l’école. Ils ont d’ailleurs une vision assez positive de cette voie de

sortie et entretiennent entre eux la vision selon laquelle l’intégration du marché du travail est une

bonne chose et comporte de multiples avantages, notamment sur le plan matériel. Ils échangent

également de l’information sur les endroits où ils peuvent travailler sans diplôme.

Si certains ont le projet ferme de travailler et sont pressés de percevoir un salaire après le

décrochage, d’autres espèrent d’abord profiter d’une certaine liberté. Par opposition à une vie

scolaire souvent tumultueuse, parsemée d’embuches ou perçue par ces jeunes comme contraignante

et trop « encadrante », on peut comprendre que le fait d’être autonome, de choisir ses activités

quotidiennes et donc de pouvoir centrer sa vie autour du travail ou des loisirs puisse paraître

attrayant. Cette recherche d’autonomie et d’indépendance fait également partie du processus par

lequel tout individu construit son identité (Darmon, 2006; Bercot, 1999). Au final, ces jeunes

réalisent toutefois qu’ils ne peuvent réellement goûter à cette liberté. Sans le sous, ils sont au

contraire enfermés dans une routine plutôt ennuyante. Pour pallier ce manque d’action, ils finissent

par se chercher un emploi après s’être comparés à leurs amis qui, eux, travaillent.

L’entrée sur le marché du travail apparaît le plus souvent comme une préférence et, plus rarement,

comme une obligation liée à la situation d’échec dans laquelle ils se trouvent. Selon Glasman

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67

(2004), il n’est pas rare de constater, à travers les propos des jeunes décrocheurs, que le marché du

travail, ou l’idée qu’ils s’en faisaient avant de décrocher, est paré de toutes les vertus qu’ils ne

parviennent pas à reconnaître à l’école. D’un point de vue sociologique, ce désir explicite des

jeunes d’aller sur le marché du travail pourrait bien être la forme que prend l’attitude d’auto-

élimination des élèves des classes populaires (Glasman, 2004), ceux-ci ne percevant généralement

pas l’influence des déterminants sociaux sur leur destinée individuelle (Camilleri, 1990).

Quoi qu’il en soit, compte de tenu de leur faible motivation pour l’école et de la perception négative

que celle-ci leur renvoie d’eux-mêmes, le décrochage scolaire et, ultimement, l’intégration du

marché du travail représentent certes une échappatoire et une autre vie possible fortement idéalisée

par la plupart des jeunes. Elle constitue, du coup, un important lieu de concurrence par rapport à

l’école dans le milieu d’où sont issus les jeunes de cette étude (Frandji et Vergès, 2002).

3. S’investir dans le marché du travail

De façon générale, il ressort de l’analyse de nos résultats que le fait de vivre des expériences de

travail plutôt que de poursuivre sa formation au secondaire peut, sous certains aspects, s’avérer

porteur de construction identitaire. Le changement d’activités productives et de réseau social peut

représenter en quelque sorte une « nouvelle donne » permettant aux jeunes de sortir des conditions

(ou du cercle vicieux) dans lesquelles ils étaient peu susceptibles de se développer et de construire

leur identité. Contrairement à leur parcours au sein de l’école, on a pu observer que l’insertion

socioprofessionnelle et les expériences de travail vécues leur ont permis de transformer leur

perception d’eux-mêmes. Plus précisément, les jeunes ont pu reconnaître leur valeur personnelle par

de nouvelles activités productives, au contact des collègues et patrons, et par l’intégration au sein

d’un collectif de travail; cette reconnaissance a pu être obtenue, également, par l’acquisition d’un

nouveau statut et d’un salaire ou, plus précisément, par le fait de « devenir un homme » par le

travail.

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3.1 Se reconnaître par des expériences concrètes sur le marché du travail

Dans l’ensemble, il semble que les expériences vécues sur le marché du travail ont pu aider les

jeunes à mieux saisir la nature de leurs intérêts et à mieux évaluer leur potentiel que lors de leur

passage au secondaire. Leur parcours sur le marché du travail se caractérise généralement par

l’occupation de plusieurs emplois. Certains jeunes en ont d’ailleurs occupé près d’une dizaine.

Parmi ces emplois, certains pouvaient être de natures très différentes et donc mobiliser différentes

facettes de leur identité. Pour diverses raisons, ils en ont détesté certains et préféré d’autres. En

quelque sorte, ces jeunes ont vécu une période de « moratoire » qui, typiquement associée à

l’adolescence (Erikson, 1972), leur permet d’explorer et de tester plusieurs options identitaires.

Le fait de vivre des expériences sur le marché du travail a permis à quelques jeunes de valider

certaines options professionnelles envisagées au secondaire, mais qui à ce moment-là ne

présentaient pas un intérêt suffisant pour demeurer dans le milieu scolaire. Pour la majorité des

jeunes, l’intégration au marché du travail a été particulièrement révélatrice. C’est par leurs

expériences de travail qu’ils ont pris conscience qu’ils appréciaient davantage certains types de

tâches, en l’occurrence des tâches plus manuelles qui les situent dans l’action et dont ils retirent

plus de gratification que celles typiquement associées au cadre scolaire, par exemple demeurer assis

et en position d’écoute lors des cours magistraux, « faire » du français et des mathématiques, etc.

Langevin (1999) souligne que l’absence de sens ressenti dans la sphère scolaire par plusieurs jeunes

décrocheurs est liée au fait que la formation générale à l’école leur paraît moins adaptée à leurs

intérêts et à leurs besoins que ne l’est, par exemple, le marché du travail.

Chez certains jeunes, on pourrait certainement faire un lien entre le manque d’intérêt et de

motivation pour le travail scolaire et le sentiment qu’ils expriment d’être à leur place et compétent

sur le marché du travail. Est-ce le mode d’apprentissage dans le milieu scolaire qui est moins adapté

à leurs besoins, leur permettant de moins bien exploiter leurs potentialités ? Est-ce que le fait de

favoriser davantage l’action et les résultats concrets chez ces garçons pourrait les motiver à

s’investir à l’école ? Comment les impliquer et leur faire sentir qu’ils sont à leur place à l’école ?

Autant de questions qui mériteraient d’être développées dans des études subséquentes au regard des

résultats de notre étude.

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69

En somme, les expériences vécues par ces jeunes sur le marché du travail leur permettent de

clarifier leur image d’eux-mêmes, de développer leurs aptitudes et leur sentiment de compétence, ce

qui est décrit par certains comme un facteur de valorisation et de satisfaction au travail.

3.2 Être reconnu au travail pour mieux se reconnaître

Beaucoup de jeunes se décrivent comme vaillants et volontaires lorsqu’ils parlent de leurs

expériences sur le marché du travail. Le fait de démontrer du zèle au travail tranche pour plusieurs

de façon radicale avec leur attitude à l’école. On pourrait penser que, puisqu’ils ne peuvent compter

sur leur formation ou sur un diplôme pour obtenir une reconnaissance initiale dans leur milieu de

travail, l’adoption de ces attitudes et comportements est une façon de démontrer leur valeur et

d’obtenir des marques de reconnaissance. Le fait de paraître important aux yeux de leur employeur

est d’ailleurs d’autant plus souhaité qu’ils s’inscrivent dans un marché de l’emploi précaire où le

chômage structurel est important et où les risques de mises à pied sont bien réels (Janosz, 2000;

Vultur et coll., 2002).

Si certains jeunes ont vécu quelques expériences plus négatives avec des collègues ou des patrons,

au final, les expériences relatées ont une saveur largement plus positive que négative. Les acteurs

du marché du travail semblent généralement bien les accueillir, comme en témoignent certains

thèmes récurrents : confiance, patience, reconnaissance, etc. Par les encouragements qu’on leur

prodigue et les responsabilités qu’on leur confie, les jeunes réalisent qu’ils ont des capacités et des

qualités reconnues dans leur milieu de travail, ce qui est manifestement une source de fierté. On

constate en contrepartie comment l’investissement au travail, le fait de s’impliquer dans cette sphère

et de vouloir y développer de nouvelles compétences est aussi motivé par l’obtention d’une telle

reconnaissance. Il y a donc là un phénomène circulaire.

La reconnaissance de leur valeur passe aussi, chez nombre d’entre eux, par le sentiment d’être

accepté et intégré dans leur milieu de travail, intégration qui leur permet également de définir leur

identité sociale. En opposition au milieu scolaire où ils étaient davantage stigmatisés, se sentaient

« au placard », avec « les poches » et où ils vivaient des expériences de rejet, de harcèlement ou de

conflits interpersonnels avec d’autres élèves, le fait de s’inscrire au sein d’un collectif de travail et

d’avoir une bonne relation avec leurs collègues et patrons, une relation, dans certains cas, de nature

amicale, pour certains, même, de nature « familiale », est donc très important. On note aussi que la

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complicité et la solidarité avec les collègues aide à « tenir le coup » lorsque les conditions de travail

donnent envie d’abandonner. Cela rejoint les résultats d'autres chercheurs (Gauthier et al., 2004 ;

Fournier et Pelletier, 1994, dans Fournier et coll., 1999 ; Lamamra et Masdonati, 2009 ; Cohen-

Scali, 2001, Kraus, 1998, etc.) qui démontrent que, chez ces jeunes, le travail est en grande partie

perçu comme un lieu de socialisation, de rencontres, d’échanges avec les autres, un moyen de se

sentir intégré socialement.

Enfin, notons que, parallèlement au développement de liens affectifs avec les collègues, certains

jeunes ont mentionné avoir rompu leur lien avec les personnes qu’ils fréquentaient dans le milieu

scolaire parce qu’ils ne se reconnaissaient plus d’affinités avec ces dernières. On peut présager que

les collectifs de travail dans lesquels ils s’insèrent leur proposent de nouvelles valeurs, de nouveaux

rôles et modèles de conduite auxquels ils tendent à adhérer, ce qui contribue à construire ou à

transformer leur identité sociale. Il s’agit du processus relationnel de construction de l’identité

(Dubar, 2000) par lequel les institutions et les agents directement en interaction avec les individus

contribuent à définir quel type d’homme (ou de femme) ils sont.

3.3 Devenir un homme par le travail

Il semble que le passage des jeunes sur le marché du travail aurait en quelque sorte contribué à faire

d’eux des « hommes ». Lors de leur intégration en emploi, plusieurs jeunes ont l’impression

d’« entrer dans la cour des grands », comme l’exprime bien l’un des jeunes. Le « job d’homme »,

dont l’exemple typique est celui d’ouvrier dans une usine, est perçu plus sérieusement que le « job

d’étudiant » (par exemple, commis dans une chaîne de restauration rapide). Plusieurs jeunes

espèrent demeurer à long terme dans cet emploi. Ils ressentent le besoin de s’y investir et de bien

performer pour être en mesure de répondre aux exigences et pour maintenir une image positive

d’eux-même.

C’est principalement en travaillant à l’usine, en percevant un salaire, en étant en contact avec « les

vieux de la compagnie », mais aussi en développant des attitudes et des façons d’être nécessaires

pour répondre aux exigences de l’emploi (discipline, responsabilité, etc.) et pour bien s’intégrer à

leur collectif de travail que les jeunes ont l’impression d’accéder à ce statut « d’homme ». En

somme, le fait de devenir un homme est le résultat d’un processus de socialisation par lequel le

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jeune, tel que mentionné précédemment, intériorise des normes et des valeurs propres à

l’occupation et à l’organisation à laquelle il est intégré (Trottier, 1995; Ruano-Borbalan, 2004).

Globalement, il ressort de l’analyse des données qu’il existe, dans le milieu dont sont issus les

jeunes de notre échantillon, une certaine valorisation du travail précoce à laquelle adhèrent

volontiers ceux en proie à des difficultés scolaires. À défaut de poursuivre ses études, on peut être

bien perçu par son entourage si l’on réussit à se placer dans une entreprise. Ce phénomène renvoie,

selon Charbonneau (2007), à des normes sociales très ancrées qui prévalaient avant les réformes

démocratiques du système scolaire québécois. Celles-ci traduisent une méfiance à l’égard de l’école

et trouvent leur inspiration dans le modèle nord-américain de l’« homme parti de rien », seul

responsable de sa réussite financière. Il s’agit là une caractéristique culturelle qui toucherait

davantage les jeunes issus de milieux populaires.

Être un travailleur, être perçu comme un « tough » à cause du type de travail obtenu, travailler dans

telle entreprise, recevoir telle promotion, être maintenant un homme aux yeux d’autrui, voilà des

éléments perçus comme liés à l’obtention d’une certaine reconnaissance sociale. Gauthier et coll.

(2004) ont aussi constaté que nombreux sont les jeunes décrocheurs qui se sont dits satisfaits de leur

expérience du marché du travail du fait qu’ils perçoivent un salaire, travaillent à temps plein, ont

leur place dans l’entreprise, en plus d’avoir un salaire raisonnable et de payer des impôts. Nos

résultats semblent aller dans le même sens.

Le fait de percevoir un salaire par le biais du travail semble aussi permettre aux jeunes rencontrés

d’améliorer leur image sociale ou d’obtenir une forme de reconnaissance. Selon Baudrillard (1970),

la consommation rendue possible par cette nouvelle rémunération représenterait, plus précisément,

une façon de se différencier d’autrui. Dans le cas présent, ce désir de différenciation semble

s’exprimer à l’égard de la classe des décrocheurs et des préjugés qui y sont associés. Le fait de

s’acheter un véhicule tout terrain, une motoneige ou une voiture « flambant neuve » est clairement

décrit comme une façon de « contredire » autrui, de montrer au monde qu’ils sont capables de

réussir dans la vie malgré qu’ils n’aient pas obtenu de diplôme.

En somme, la construction de l’identité des jeunes semble être le reflet de la reconnaissance que ces

derniers ont su trouver sur le marché du travail : la reconnaissance par soi, mais aussi par autrui, de

ses capacités, de sa valeur et d’un certain statut (Dubar, 2010). L’investissement dans le marché du

travail est donc alimenté, globalement, par cette recherche de reconnaissance. Graduellement, ces

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jeunes ont su passer d’une identité d’élève généralement « stigmatisé » à leurs propres yeux et aux

yeux des autres, à une identité professionnelle porteuse de « réparations identitaires ». Par leurs

expériences de travail, ils semblent avoir pu améliorer l’estime qu’ils avaient d’eux-mêmes, ce qui

va dans le sens des résultats obtenus par d’autres chercheurs (Voss, 1974 ; Pronovost et Le Blanc,

1979, 1980, dans Janosz, 2000 ; Glasman et coll., 2004 ; Fusulier et Maroy, 1996 ; Boivin, 2003).

La forte majorité des jeunes rencontrés cherchent, sur le marché du travail, à se sentir utiles ou

compétents, à avoir des responsabilités, à prendre des initiatives, à enrichir leur estime de soi par le

contact avec autrui, etc. On considère généralement que ces facteurs de nature intra-personnelle

sont associés à une conception « expressive » du travail liée à une forme d’accomplissement

personnel (Galland, 2001 dans Gauthier et coll., 2004). En ce qui concerne les jeunes qui se sont

référés uniquement à des facteurs extra-personnels (c’est-à-dire l’obtention d’un statut social et de

bénéfices monétaires) pour justifier leur investissement au travail, on pourrait penser de ces derniers

qu’ils en ont une conception davantage « instrumentale ». Néanmoins, comme l’ont démontré

Gendron et Hamel (2003 dans Gauthier et coll., 2004), le travail axé sur le salaire et les promotions

pourrait, par exemple, représenter une valeur personnelle, une forme d’accomplissement liée à la

réussite et à l’enrichissement personnel. Le statut et le salaire ont également une influence sur la

façon dont ils perçoivent le regard de l’autre et sur la construction de leur propre identité sociale. Il

serait donc sans doute faux d’affirmer que ces facteurs extra-personnels ne contribuent pas à la

construction de leur identité.

4. Se désinvestir du marché du travail

Si, de différentes façons, les expériences qu’ont vécues les jeunes sur le marché du travail semblent

avoir contribué à la construction de leur identité, certains facteurs les poussent néanmoins à se

désinvestir de cette sphère après quelques mois ou quelques années. Ces facteurs les font également

converger vers l’option d’un retour à l’école. Comment expliquer ce désinvestissement du marché

du travail et le réinvestissement dans une formation ? D’abord, il semble que certains aspects des

conditions de travail des jeunes jouent un rôle dans leur désinvestissement du marché du travail.

D’autre part, l’importance du regard d’autrui, l’influence de personnes significatives et le besoin de

réaliser un projet professionnel constituent les dimensions ayant contribué à leur retour aux études.

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Certains « événements-chocs » peuvent, enfin, agir comme des catalyseurs dans la mise en

mouvement des jeunes du milieu du travail vers le milieu scolaire.

4.1 Se démobiliser en raison de mauvaises conditions de travail

Dans les premiers temps suivant leur intégration sur le marché du travail, les jeunes témoignent

d’une certaine excitation relativement à l’argent gagné et à leur nouveau mode de vie. Ils associent

le fait que leur travail leur apparaisse difficile à une nécessaire et normale période d’adaptation.

Puis, au fil des mois ou des années, à mesure que la routine s’installe, que les jeunes se retrouvent

en couple et qu’ils anticipent les possibles engagements liés à un avenir plus ou moins rapproché

(famille, maison, etc.), les aspects plus négatifs de leur emploi, liés notamment aux conditions de

travail, leur apparaissent de plus en plus dérangeants ou préoccupants.

On observe, conformément aux statistiques parues sur la question (MELS, 2008c ; Janosz, 2000 ;

Vultur, Trottier et Gauthier, 2002) que les emplois occupés par ces jeunes sont souvent précaires,

faiblement rémunérés. Bon nombre se disent fatigués du travail de nature strictement physique ou

ne se voient plus occuper un emploi routinier et peu payant en usine. Certains mettent de l’avant un

manque de défi et de valorisation au travail. En somme, ces jeunes témoignent de leur ennui ou

d’une certaine souffrance physique ou psychologique qui ne leur permet plus d’anticiper l’avenir

dans ces conditions. Ils aspirent donc à autre chose.

Selon Lhuilier (2006, p. 277), « on peut entendre la question de la souffrance ou du déplaisir au

travail comme celle d’un mésusage de soi ou comme un usage qui ne satisfaisait pas aux exigences

de l’affirmation d’un JE, d’une identité ». Dans le même sens, Bercot (1999) affirme que pour que

l’individu manifeste son individualité, se distingue, se réalise et soit bien au travail, celui-ci doit être

un vecteur d’action dans le sens où il doit permettre d’élaborer des objectifs, d’effectuer des choix.

Il doit favoriser l’expression et le devenir des individus, l’enrichissement de leurs compétences. Le

travail ne doit pas seulement être activité productive, il doit être action. C’est lorsque les individus

se voient reconnaître leur contribution singulière au travail que la mobilisation subjective ou

l’investissement dans le travail devient possible (Bercot 1999). Ces constatations semblent se

retrouver chez les jeunes rencontrés dans la présente étude. Plusieurs déplorent, par exemple, le fait

de ne pas avoir d’importance particulière pour leur employeur, d’être en quelque sorte une main-

d’œuvre « jetable ».

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74

Une partie des plaintes formulées par les jeunes tire son origine des mises à pied qu’ils subissent de

façon récurrente, principalement parce qu’ils travaillent dans l’industrie du bois d’œuvre, un secteur

économique actuellement en difficulté. Ces épisodes entraînent donc chez eux un manque d’argent,

du stress et de l’anxiété. Selon Osty (2008, p.81), « le vécu de situations précaires lié à l’emploi ou

au travail rétrécit le champ de perception et de projection des individus, les renvoyant à l’incertitude

de leur avenir. La construction d’un degré de cohérence et de permanence de soi devient critique

surtout lorsque la précarité est subie et continue, car elle ne permet plus une intégration des

expériences élémentaires dans une expérience signifiante ». Sur le plan identitaire, Lhuilier (2006)

affirme que d’être privé de travail, c’est être privé de participer à une œuvre collective et, plus

largement, être privé des conditions nécessaires à la construction identitaire. Ainsi, « le travail

pourrait bien s’avérer un des supports majeurs de socialisation et de réparation d’identités sociales

fragilisées, à condition que soit restaurée une sécurisation des parcours d’emploi » (Osty, 2008,

p.81).

4.2 Se désinvestir du marché du travail pour se remobiliser dans un projet scolaire

Si certains jeunes désinvestissent le marché du travail, c’est dans l’optique d’effectuer un retour aux

études. Ce retour aux études a été influencé par trois facteurs principaux : le regard qu’autrui porte

sur eux, l’influence et le soutien de personnes significatives relativement à ce projet d’études et,

enfin, le désir de voir se concrétiser un projet professionnel.

4.2.1 L’importance du regard d’autrui

« Devenir quelqu’un » aux yeux d’autrui n’est possible pour plusieurs jeunes de cette étude que par

l’obtention du DES. Les jeunes ont vécu sur le marché du travail des expériences significatives et

positives pour leur image de soi. Le fait qu’ils aient pu, dans une certaine mesure, prendre

conscience de leur valeur peut expliquer le fait qu’ils cherchent maintenant à ce que celle-ci soit

reconnue par autrui, par le biais d’un statut social plus valorisé.

Les jeunes sentent qu’ils vivent avec une étiquette de décrocheur et qu’ils sont victimes de

différents préjugés. Une grande proportion des jeunes interrogés se sentent mal perçus dans le

regard d’autrui. Si le fait qu’ils aient quitté l’école n’affecte pas la perception qu’ont leurs proches

d’eu-mêmes, ils affirment que c’est surtout dans le regard d’autrui « en général » (d’employeurs en

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général, de connaissances en général, c’est-à-dire sans que ces personnes puissent clairement être

identifiées) qu’ils ont l’impression de se faire juger négativement. Ces jugements viseraient

principalement leur niveau de connaissance général, leur intelligence et leur niveau d’ambition. Par

l’obtention d’un statut ou par la consommation de biens coûteux, certains parviendront à améliorer

leur image sociale, mais il n’en demeure pas moins que le fait d’être scolarisé est perçu comme un

puissant facteur de classement social.

La forte valorisation de la scolarisation et la lutte au décrochage qui caractérisent la société

québécoise actuelle semblent (MELS, 2007b ; Rocher, 2004) avoir eu l’effet pervers que les jeunes

décrocheurs se sentent stigmatisés et jugés par autrui, ce qui semble affecter leur confiance en soi.

Ce n’est sans doute pas un hasard si l’obtention d’une reconnaissance sociale est un enjeu de taille

et constitue un important facteur de motivation relativement à l’investissement dans un travail.

Aussi, fait apparemment paradoxal, malgré leur intérêt et leurs aptitudes pour les domaines de

travail à caractère plus concret et, dans plusieurs cas, malgré leurs difficultés dans les matières

scolaires de base, nombreux sont les jeunes qui cherchent tout de même à vouloir poursuivre leur

formation générale et à obtenir leur DES, et ce, chez certains, avant d’intégrer la formation

professionnelle qui les intéresse. Est-ce le reflet du fait que la formation générale est plus valorisée

au plan social que la formation professionnelle ? Quoi qu’il en soit, pour plusieurs, l’obtention du

DES est fortement souhaitée et représente la voie qui leur garantira un emploi et leur évitera de

devoir bénéficier de l’aide sociale. S’ils décrient les préjugés à leur propre égard, plusieurs jeunes

ont de durs mots pour ceux qui bénéficient de l’aide financière de dernier recours de l’État et

semblent avoir intégré les préjugés relatifs à ces personnes.

Chez beaucoup de jeunes, l’enjeu principal est donc celui de la reconnaissance sociale, mais on

pourrait aussi déceler la naissance d’un besoin de réalisation qui ne trouve pas encore écho dans un

projet professionnel précis. Cette imprécision est peut-être causée par une moindre connaissance de

soi ou du marché du travail, ou encore par un manque de modèles professionnels significatifs

auxquels ils pourraient s’identifier, leur permettant ainsi de définir davantage leur identité.

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4.2.2 L’influence des personnes significatives

Nous avons pu constater que la sortie de l’adolescence et l’entrée dans l’âge adulte, parallèlement à

l’intégration au marché du travail, comporte la présence de nouvelles personnes dans la vie des

jeunes. Ces nouvelles relations leur permettent, de différentes façons, de porter un regard neuf sur

leur situation et de se projeter vers un retour aux études. L’intégration du marché du travail

implique donc bien une « socialisation secondaire » (Darmon, 2006 ; Bercot, 1999).

D’abord, notons que l’influence des pairs semble diminuer à la suite de l’intégration du marché du

travail. Grâce à ces derniers, certains jeunes ont connu Emploi-Québec et les subventions offertes

pour retourner à l’école, mais, sauf dans un cas, leur influence ne s’est pas exercée directement et ne

constitue pas en soi un motif de raccrochage. D’ailleurs, plusieurs jeunes affirment avoir dû se

dissocier de leurs anciens amis pour espérer atteindre leur objectif de scolarisation, puisque leur

fréquentation était associée à des comportements peu aptes à favoriser leur réussite. Plus

précisément, plusieurs sont conscients que le fait de retomber dans leur ancien schème de

consommation pourrait compromettre leur projet.

Relevons par contre l’influence des collègues et des conjointes des jeunes hommes interrogés, qui

prennent maintenant une place importante dans leur vie et ont une influence sur leur parcours,

contrairement à la période au cours de laquelle ils fréquentaient l’école et où la présence de ces

personnes n’apparaissait pas significatives. Les collègues qui semblent avoir le plus d’influence sur

les jeunes sont généralement ceux plus âgés qui ont eux-mêmes quitté l’école très tôt et qui leur

conseillent de retourner à l’école ou leur font sentir qu’ils n’ont pas pris la bonne décision en la

quittant. À leur contact, les jeunes peuvent aussi se projeter et imaginer ce à quoi pourraient

ressembler leurs conditions d’emploi et leur vie future s’ils ne retournent pas en formation. Ils

réalisent alors l’importance de se prendre en main pour éviter de vivre avec des regrets ou une

certaine amertume. Ils ne souhaitent pas vivre avec l’idée que leur vie aurait pu être plus heureuse

si…

Quant aux conjointes des sujets, celles-ci poursuivent en général leurs études au cégep et à

l’université, ce qui va dans le sens des statistiques voulant que les jeunes filles soient moins

touchées par le décrochage scolaire que leurs homologues masculins (MELS, 2008a). Elles sont

d’ailleurs décrites comme des modèles de persévérance qui ont une véritable incidence sur leur

comportement et leur parcours. On observe que celles-ci mettent parfois une pression directe sur les

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jeunes hommes afin qu’ils retournent sur les bancs d’école. Elles font aussi preuve d’un sens de

l’initiative qui semble leur faire défaut en ce qui concerne spécifiquement les démarches concrètes à

accomplir pour retourner aux études. De plus, le retour à l’école semble un enjeu important au sein

du couple, enjeu qui affecte l’image de soi des jeunes hommes. Certains s’avouent en effet

préoccupés à l’idée d’avoir un statut et un salaire inférieurs à leur conjointe. L’image de l’homme,

principal pourvoyeur du couple, semble donc encore bien ancrée chez certains de ces jeunes et l’on

sent, une fois de plus, l’importance qu’ils accordent au regard d’autrui. D’autres jeunes ont aussi

fait part d’un sentiment de responsabilité à l’égard de leur future famille, qu’ils ne souhaitent pas

voir vivre dans la pauvreté.

Enfin, en ce qui concerne les parents et les proches en général, on a pu constater que les membres

de la fratrie jouent un rôle positif sur la croyance des jeunes en leur capacité de réussir des études.

Si leur frère ou leur sœur, venant du même milieu qu’eux, ayant reçu la même éducation et, dans

certains cas, ayant vécu les mêmes difficultés scolaires peut atteindre un objectif scolaire

relativement ambitieux, ils le peuvent certainement aussi. On observe de plus, dans cette recherche,

à l’instar de Frandji et Vergès (2002), que les membres de la famille ont une influence considérable

sur le retour à l’école, surtout lorsque celui-ci est associé à la naissance d’un intérêt pour un métier.

Effectivement, celui-ci s’est souvent développé dans l’environnement familial (notamment par le

biais du père, du frère ou du beau-père) et quelquefois par le biais de collègues occupant des

fonctions différentes dans l’entreprise où ils travaillent.

4.2.3 Le besoin de réaliser un projet professionnel

Le besoin de réalisation est, pour plusieurs jeunes, à la base de leur décision de retourner à l’école.

Ils expriment clairement le désir de devenir soit mécanicien, plombier, charpentier-menuisier, etc.,

ce qui implique une formation professionnelles. Certains ont souligné le fait qu’ils percevaient

l’école différemment que lorsqu’ils étaient au secondaire. Lorsque les études représentent un

passage obligé pour atteindre un objectif, il va de soi que celles-ci prennent du sens. Plus qu’un

objet de reconnaissance ou d’accomplissement en soi, le retour à l’école est alors davantage un outil

ou un moyen d’atteindre un objectif professionnel ayant une plus grande résonnance sur le plan

identitaire et donc susceptible d’accroître leur « sens d’identité », selon le sens entendu par Bujold

et Fournier (1996).

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Les expériences vécues sur le marché du travail ont pu permettre aux jeunes de découvrir le marché

du travail et les aider à construire leur identité, favorisant ainsi la projection de soi dans un projet

professionnel. Cela correspond au processus biographique de construction de l’identité par lequel

les individus orientent leur trajectoire selon l’identité qu’ils s’attribuent eux-mêmes (Dubar, 2000).

Dans le même sens que les résultats de Boivin (2008) et d’autres chercheurs (Trottier, 2001 ; Dubar,

2000), on observe que la majorité des sujets de notre étude semblent effectivement avoir été en

mesure de « transformer les expériences professionnelles et scolaires qu’ils ont vécues et de retraiter

les informations qu’ils en ont retenues en vue de se dessiner une vision mobilisatrice » (Boivin,

2008, p. 21). De façon générale, ces jeunes se disent fiers de leur parcours ou reconnaissent

l’importance et la valeur des expériences vécues, même celles a priori plus négatives. Ils

entrevoient une forme de progression dans la trajectoire qu’ils ont empruntée depuis leur sortie du

système scolaire et sentent qu’ils ont du pouvoir sur leur vie.

On a toutefois pu observer que certains jeunes ont un projet scolaire et professionnel plus ancré que

d’autres. Plus le projet semble précis et ancré, plus l’on perçoit chez les jeunes en question un

enthousiasme et une confiance en l’avenir. Au contraire, une minorité de jeunes se situent surtout

dans une forme d’immobilisme et ont un rapport flou à l’avenir. Sans projets, hormis un retour aux

études vacillant dont la réussite est loin d’être assurée, ils semblent être les plus amers. De façon

générale, ces derniers regrettent leur décision d’avoir quitté l’école secondaire et considèrent qu’ils

ont perdu leur temps sur le marché du travail : s’ils n’avaient pas décroché, ils n’en seraient pas là

aujourd’hui. Ces jeunes n’ont donc pas été à même de tirer profit de leurs expériences pour

consolider leur image d’eux-mêmes et se projeter dans l’avenir (Boivin, 2008).

Malgré la confiance dont font preuve la majorité des jeunes relativement à la réussite de leur retour

aux études et de leur vie professionnelle, plusieurs demeurent toutefois avec des appréhensions,

surtout ceux pour qui la perception d’eux-mêmes a été la plus ébranlée lors du passage au

secondaire. La peur de revivre certaines expériences difficiles, même dans un contexte différent tel

que celui de la formation des adultes, semble entraîner une certaine ambivalence susceptible de

compromettre le retour aux études. Cependant, les expériences vécues lorsqu’ils étaient sur le

marché du travail semblent avoir aidé la plupart des jeunes à prendre confiance en leur capacité de

réussir. Ceci semble confirmer le constat que les croyances en l’efficacité personnelle jouent un rôle

clé dans le développement de projets de formation scolaire et professionnelle et le maintien en

formation (Bandura, 1997 ; Betz et Hackett, 1986 ; Hackett, 1995 ; Lent, Brown et Hackett, 1994,

dans Bandura, 2009).

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Enfin, on pourrait croire que lorsque l’expérience de travail a cessé de jouer un rôle « réparateur »

de l’identité des jeunes décrocheurs ou que ceux-ci ont l’impression d’avoir retiré le maximum de

ce que le marché du travail pouvait leur offrir, compte tenu du fait qu’ils n’ont pas de diplôme,

l’option de retourner aux études s’impose à eux. Ce changement de cap leur apparaît alors, avec

l’aide de personnes significatives, comme le moyen le plus susceptible d’être heureux au travail, de

se faire reconnaître et de réaliser leur projet professionnel.

4.2.4 Et s’il fallait des événements-chocs pour se remobiliser ?

Si l’on ne peut nier la contribution d’autrui et de certaines expériences de travail dans la

construction identitaire des jeunes et sur leur décision de retourner aux études, force est de constater

également l’influence d’événements de vie significatifs ou jugés marquants sur cette

« remobilisation » dans un projet scolaire. Avant ces événements, les jeunes concernés se décrivent

comme relativement insatisfaits et malheureux au travail, à cause, notamment, de leurs conditions

d’emploi. Plusieurs avaient d’ailleurs des problèmes de consommation d’alcool et de drogues qui

influençaient aussi leur vie au travail. Sans délaisser pour autant le marché du travail, nombre

d’entre eux changeaient d’emploi, espérant toujours trouver mieux, sans pour autant y parvenir.

Puis, survient cet événement que l’on pourrait décrire, a priori, comme malheureux (ruptures

amoureuses, diagnostic de maladie grave, suicides d’amis, accident de voiture en état d’ébriété,

nécessaire cure de désintoxication, etc.). Dans tous les cas, tout porte à croire qu’un tel événement a

agi comme un élément déclencheur et a permis aux jeunes de prendre conscience de l’importance

d’opérer un changement dans leur vie, entre autres sur le plan professionnel, pour préserver leur

intégrité physique ou mentale, restaurer leur image et leur estime de soi ou pour s’accomplir.

Comme l’ont souligné certains chercheurs (Lipianski, 2008 ; Lecacheur et Massonat, 1993), les

événements de vie contribuent donc bien à la construction identitaire des jeunes puisqu’ils les

amènent à changer leur perception d’eux-mêmes et de leur situation et créent ainsi des conditions

favorables à leur remobilisation.

Pour ceux qui ont décrit ces événements comme particulièrement difficiles, le fait de retourner à

l’école représente une façon de ne pas « retomber au fond du trou », pour reprendre l’expression de

l’un d’eux. C’est en quelque sorte le symbole d’une nouvelle vie, d’une vie « plus adulte ». Il s’agit

donc d’un moment charnière. En ce sens, ces événements peuvent être perçus comme positifs et

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semblent d’ailleurs être considérés comme tels par les jeunes qui ont su intégrer et utiliser

l’événement en question pour cheminer.

Enfin, cela nous rappelle que la façon dont les jeunes se définissent dans un milieu de vie, en

l’occurrence le travail, dépend également de ce qu’ils vivent dans d’autres sphères de leur existence

et que les diverses dimensions qui constituent l’identité sont interdépendantes, ce qui réfère

notamment à la notion de transaction systémique de l’identité abordée par Mègemont (1998).

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CONCLUSION

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Dans un contexte où la scolarisation est très valorisée et où les emplois réservés aux jeunes non

diplômés sont souvent plus précaires et mobilisent moins de compétences, nous nous demandions

initialement comment des jeunes n’ayant pas complété leurs études de niveau secondaire pouvaient

vivre leurs premières expériences sur le marché du travail. Cette étude cherchait à mieux saisir leur

vécu sur le plan identitaire, de manière à éclairer en quoi et comment ces expériences peuvent avoir

eu un sens pour eux à cette période de leur vie. Puisque peu d’études québécoises l’avaient fait

précédemment, nous souhaitions, par le biais de ce travail, donner la parole à ces jeunes.

Dans le cadre d’entretiens semi-dirigés, les 14 jeunes ayant participé à notre étude étaient invités à

aborder l’ensemble de leur parcours depuis leur passage au secondaire, en passant par le marché du

travail, jusqu’à leur décision de retourner en formation. Le fait que ces jeunes aient dû nous parler

rétrospectivement de leur vécu pourrait représenter une limite de cette étude puisque les jeunes ont

pu en quelque sorte réinterpréter le passé à la lumière de ce qu’ils ont vécu ultérieurement et de leur

expérience actuelle. Il est également important de souligner que ces jeunes ont tous choisi de

parfaire leur formation de niveau secondaire en vue d’obtenir un DES ou un DEP. Cette

particularité vient teinter le vécu identitaire de ces jeunes qui ont probablement acquis une maturité

différente de celle de jeunes qui n’entreprennent pas cette démarche. Les résultats de notre étude

doivent donc être interprétés à la lumière de cette particularité.

Deux pôles majeurs ont émané de l’analyse du vécu des jeunes, soit le pôle de l’investissement et

du désinvestissement, qu’il soit scolaire ou professionnel. Dans certains cas, les facteurs

d’investissement ou de désinvestissement mentionnés étaient de nature intra-personnelle,

notamment lorsqu’ils touchaient leur perception d’eux-mêmes. Lorsque ces facteurs sous-

entendaient davantage l’influence d’autrui ou du milieu social ou qu’ils touchaient, par exemple, la

question du statut social, nous considérions qu’il s’agissait de facteurs de nature extra-personnelle.

À la question visant à savoir en quoi et comment les expériences vécues par ces jeunes sur le

marché du travail peuvent avoir contribué à leur construction identitaire, nous avons pu répondre

que c’est parce que, de différentes façons, ces expériences leur ont permis de se reconnaître (de

clarifier leur image d’eux-mêmes et de prendre conscience de leur valeur), mais aussi d’obtenir une

reconnaissance de la part d’autrui (de faire partie intégrante d’un collectif de travail, d’acquérir un

statut). Si l’investissement dans le travail leur a ainsi permis de construire leur identité, cela n’aurait

pas pu être possible sans la rencontre d’autrui. Le rôle des autruis significatifs, qu’il soit un parent,

une conjointe, des collègues, des pairs, a été fondamental, non seulement pour qu’ils s’investissent

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dans leur travail, mais pour qu’ils y réalisent aussi l’importance de se projeter au-delà du présent.

En précisant le rôle de ces personnes dans le cheminement des jeunes (dans leur

investissement/désinvestissement des milieux scolaires et professionnels), nous avons pu répondre à

notre deuxième objectif, qui était de vérifier en quoi et comment, le cas échéant, les personnes

significatives peuvent jouer un rôle dans la construction identitaire de ces jeunes.

Quant au troisième objectif qui était de scruter en quoi et comment leur vécu scolaire pouvait

contribuer à éclairer leur vécu sur le marché du travail, l’idée qui émerge de nos résultats. Elle est la

suivante : sortir de l’école signifie tenter de voir comment l’ailleurs, dans ce cas le travail, pourrait

leur donner un nouveau souffle. Certes, ils nous ont parlé dans certains cas de leur sentiment

d’appartenance à un groupe d’amis ou à une équipe sportive, cette appartenance les incitant à

s’investir à l’école. Cependant, ce lien au scolaire était ténu, puisqu’il persistait dans la mesure où

cette appartenance existait. Dès qu’il se relâchait, leur motivation pour poursuivre leurs études ne

se maintenait plus. De façon générale, ce sont surtout les motifs qui justifiaient leur

désinvestissement de l’école qui ont été abordés par les jeunes, particulièrement des facteurs intra-

personnels, comme une perception négative d’eux-mêmes et une faible motivation à poursuivre leur

cheminement scolaire. Pour certains jeunes dont l’image de soi a été manifestement ébranlée lors de

leur passage au secondaire, il ne fait pas de doute que les expériences vécues sur le marché du

travail leur ont permis de se construire et même de se « reconstruire » par de nouvelles

socialisations.

Compte tenu de ses apports identitaires, pourquoi les jeunes ont-ils désinvesti le milieu du travail ?

Il semble que sous différents aspects, les conditions de travail vécues se sont révélées, à un certain

moment, un frein à leur projection dans l’avenir et à leur mobilisation sur le marché du travail.

D’autre part, même si le travail précoce est valorisé dans le milieu social dont sont issus les jeunes,

en contrepartie, le discours prônant l’importance de la scolarité et notamment l’importance du DES

est aussi bien ancré et les jeunes se dévoilent comme étant sensibles à l’évaluation sociale selon le

critère de la scolarité. De surcroît, on observe que des personnes significatives pour les jeunes sont

venues renforcer ce discours et leur ont permis de croire que le retour aux études est possible. Autre

élément clé : on constate qu’ils ont su construire, au fil des expériences vécues et des relations

nouées, une part importante de leur projet scolaire futur et ainsi donner un sens à l’ensemble de leur

parcours. D’un certain point de vue, c’est par leur biographie, en faisant des liens entre leurs

expériences passées, ce qu’ils vivaient dans le moment présent et ce qu’ils anticipaient pour

l’avenir, que ces jeunes ont pu construire leur identité et en arriver à emprunter une voie

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professionnelle plus prometteuse pour leur avenir. À nos yeux, un résultat important de cette étude

est que le désinvestissement du travail n’en est pas un en soi. De façon plus précise, les jeunes

désinvestissent une certaine forme de travail qui devient insatisfaisante, dans le but d’investir

ultérieurement, avec l’aide d’une formation, un travail plus sécurisant et satisfaisant.

Même pour les jeunes dont le projet est plus ou moins bien défini, on pourrait affirmer que la prise

de conscience de l’importance de la scolarisation et du diplôme témoigne d’une plus grande

maturité que lors du départ de l’école. Les jeunes étaient alors plutôt insouciants relativement à leur

avenir professionnel et se sont contentés d’intégrer les emplois où l’on voulait bien d’eux. Tel

qu’anticipé, ces emplois étaient généralement de nature précaire et ne nécessitaient pas un haut

niveau de compétences. Les jeunes y ont tout de même trouvé, pour un temps du moins, un cadre

favorisant la consolidation de leur identité et la projection de soi dans l’avenir à travers des projets

scolaires et professionnels plus ou moins clairement définis.

Permettre aux jeunes de prendre la parole sur leur vécu est certainement une force de cette étude.

Les résultats qui en découlent jettent un éclairage différent sur le décrochage scolaire et les

praticiens-nes, comme les décideurs-es, pourraient en tirer profit. Concernant les pratiques au

secteur jeunes, les résultats témoignent de l’importance d’être sensibles à la réalité et au vécu des

élèves, principalement des garçons issus d’un milieu socio-économique défavorisé. Les formules

pédagogiques permettant à ces jeunes de concilier leurs études avec un ou des stage(s), idéalement

de leur choix et rémunéré(s), semblent pertinentes pour éviter qu’ils ne quittent le système scolaire

au profit du marché du travail. Cependant, il serait souhaitable que les employeurs s’engagent à

permettre aux jeunes de compléter leur formation avant de les embaucher formellement. Cette

recherche nous a permis de constater qu’en acceptant d’engager des jeunes non-diplômés pour

pourvoir des emplois souvent caractérisés par un taux de roulement de personnel élevé, certains

employeurs contribuent à ce que ces derniers précipitent leur sortie du système scolaire. Les jeunes

étant sensibles à l’influence de leurs pairs, on constate alors un effet d’entraînement à l’intérieur de

certains réseaux d’élèves ayant un lien fragilisé avec l’école. En encourageant la formation et la

spécialisation de la main-d’œuvre, c’est sans doute à long terme que les entreprises y gagneraient.

Ensuite, il importe de permettre aux jeunes qui n’ont pas pu bénéficier de la présence de modèles

familiaux associés à la persévérance scolaire, de nouer le plus tôt possible des relations

significatives avec des personnes qui valorisent l’école, puisque ce facteur a vraisemblablement un

poids important dans la poursuite des études. Mettre l’emphase sur la présence de programmes

sportifs de qualité dans les établissements scolaires semble une voie intéressante pour favoriser le

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développement de tels liens interpersonnels significatifs et pour engendrer, chez ces élèves, un

sentiment d’appartenance envers leur école.

En ce qui concerne l’éducation au secteur des adultes, nos résultats viennent renforcer la pertinence

de la formation continue qui semble respecter la temporalité de chaque personne. L’importance

accordée à la formation n’émerge pas au même moment pour tous. Certaines personnes, à l’instar

des jeunes de notre étude, ont besoin de passer par le travail et de vivre d’autres expériences pour

valoriser l’école et y trouver un sens. Par le biais de cette recherche, on constate aussi l’importance

de maintenir l’octroi de subsides aux chômeurs chez qui le manque de qualification peut limiter

l’employabilité, et ce, dans le but de faciliter leur retour aux études. Nombreux sont les jeunes qui,

effectivement, ne seraient pas retournés sur les bancs d’école sans cette aide financière.

Bien que cet aspect ne fasse pas partie de nos objectifs de recherche, certaines difficultés associées

au retour en formation (ex. : problèmes de consommation, endettement, problèmes relationnels,

faible croyance en ses capacités de réussir, etc.) ont été abordées par les participants qui furent

questionnés sur leur expérience scolaire actuelle. Ce vécu pourrait certainement faire l’objet

d’autres recherches dans le futur. Il semble effectivement important de mieux connaître la réalité

des jeunes décrocheurs de retour en formation et notamment les facteurs de succès et d’échec

associés à cette expérience, puisqu’après un double échec, les chances que ceux-ci se remobilisent

une seconde fois risquent de s’amenuiser. Sur le plan de la pratique, il apparaît essentiel de les

accompagner rigoureusement dans leur démarche et de les aider à surmonter leurs difficultés, quelle

que soit leur nature. Les praticiens du secteur de la formation des adultes auraient aussi avantage à

réfléchir à des façons de permettre à ces jeunes de conserver les acquis qu’ils ont pu faire sur le

marché du travail, notamment sur le plan de la valorisation de soi. De plus, il semble primordial de

les soutenir dans la construction ou la réalisation de leurs projets professionnels qui, bien souvent,

donnent un sens à leur retour à l’école et sont une bonne source de motivation. Par conséquent, les

conseillers et conseillères d’orientation jouent assurément un rôle crucial dans les milieux scolaires.

Enfin, bien que la période du retour à l’école ne fût pas étudiée dans le cadre de cette recherche,

cette dernière avait comme spécificité de comporter uniquement des jeunes « décrocheurs-

raccrocheurs » dans son échantillon, ce qui teinte inévitablement les résultats. Il serait donc

intéressant de reproduire cette recherche auprès d’un échantillon de jeunes n’ayant pas amorcé de

démarche de retour à l’école afin de mieux saisir la spécificité de leur vécu et, éventuellement, de

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comparer la façon dont ils se définissent sur le marché du travail avec celle des jeunes qui

choisissent d’effectuer un retour en formation.

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ANNEXE 1

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Formulaire de consentement

Présentation

Dans le cadre de mon projet de maîtrise en sciences de l’orientation à l’Université Laval (Faculté des sciences de l’éducation, Département des fondements et pratiques en éducation), j’effectue sous la supervision de Marie-Denyse Boivin, Ph.D. professeure-chercheure à l’Université Laval, une recherche portant sur l’insertion socioprofessionnelle de jeunes ayant quitté le système scolaire avant l’obtention de leur diplôme d’études secondaires (DES).

Cette recherche est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, par le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture et par la Fondation Desjardins.

Je vous sollicite pour participer à cette recherche, mais avant d’accepter de participer à ce projet, j’aimerais que vous preniez le temps de lire les renseignements qui suivent. Ce document vous explique le but du projet de recherche, ses procédures, avantages, risques et inconvénients. Je vous invite aussi à me poser toutes les questions que vous jugerez utiles.

Nature de l’étude

Ce projet s’intéresse à l’expérience de jeunes qui, pour diverses raisons, ont fait le choix de mettre fin à leurs études de niveau secondaire et de débuter leur vie active avant d’avoir obtenu un DES. En recueillant les propos d’un certain nombre de personnes touchées par cette situation, cette étude cherche à mieux comprendre le rôle que peuvent avoir joué les expériences de travail et de vie, à la suite du départ de l’école jusqu’à l’arrivée sur le marché du travail, sur la construction de l’identité de ces personnes (image de soi, estime de soi, appartenances sociales, etc.). Plus précisément, cette recherche examinera :

Le rôle des événements significatifs vécus par ces jeunes, depuis leur départ de l’école, dans la construction de leur identité.

Le rôle joué par leurs autruis significatifs (par exemple : la famille, les amis, les collègues de travail, le patron, les intervenants et les professionnels du milieu scolaire et de l’emploi, etc.), depuis leur départ de l’école secondaire, dans la construction de leur identité.

Déroulement de la participation

Votre collaboration à cette recherche consiste à participer à une entrevue individuelle effectuée par moi-même et d’une durée d’environ deux heures, selon le cas. Cette entrevue sera enregistrée sur ruban magnétique ou numérique avec votre accord. Elle portera sur les éléments suivants :

Les événements et expériences qui ont joué un rôle que vous jugez particulièrement important dans le déroulement de votre parcours d’insertion et qui ont influencé votre façon de vous définir comme personne.

La façon dont certaines personnes significatives ont influencé votre parcours et votre façon de vous définir comme personne.

De plus, afin de vous aider à vous remémorer certains moments significatifs et de faciliter votre participation, vous serez invité à remplir une grille faisant état de vos activités professionnelles depuis que vous avez quitté le système scolaire.

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Avantages, risques ou inconvénients possibles liés à la participation, compensation

Le fait de participer à cette étude vous offre une occasion de réfléchir, individuellement et en toute confidentialité, à votre parcours de travail et de vie, depuis votre décision de quitter l’école. Vous aurez l’occasion de vous questionner sur le chemin parcouru jusqu’à ce jour, sur la personne que vous êtes et inévitablement sur la personne que vous voulez être demain. Également, ce projet vous permettra de vous attarder aux moments-clés de votre parcours et de réfléchir à l’influence que peuvent avoir eue diverses personnes de votre entourage sur votre cheminement. Bref, vous pourrez faire le point sur votre parcours et sur vous-même.

Puisque nous nous attardons à des événements qui vous ont marqué et qui vous ont possiblement changé comme personne, il est possible que certaines questions vous amènent à vous remémorer des souvenirs douloureux. Si vous en sentez le besoin, vous pouvez me demander de prendre une pose ou de ne pas répondre à certaines questions. Également, il est fort possible que cette démarche vous mène à diverses prises de conscience sur vous-mêmes et sur votre situation. Ces prises de conscience peuvent vous laisser avec un sentiment positif, comme elles peuvent effectivement être douloureuses, entraîner certaines remises en question ou vous amener diverses interrogations. S’il s’avère que vous ayez besoin d’un soutien psychologique, si vous avez besoins d’informations, quelles qu’elles soient, ou si vous songez à la possibilité d’entreprendre une démarche d’orientation, je pourrai vous fournir une liste de ressources susceptibles de vous venir en aide.

Enfin, sachez que de délaisser les chiffres et les statistiques sur le décrochage scolaire et l’insertion, et de vous laisser la parole afin que vous exprimiez votre vécu, est d’une grande valeur pour élaborer des politiques et des interventions plus adaptées à la réalité de jeunes ayant vécu un parcours scolaire, professionnel ou, plus globalement, un parcours de vie pouvant s’apparenter au vôtre.

Après l’entrevue, nous vous rembourserons le montant d’argent correspondant à vos frais de déplacement pour vous rendre à l’endroit choisi pour l’entrevue, de même que vos frais de stationnement, s’il y a lieu.

Participation volontaire et droit de retrait

Vous êtes libre de participer à cette recherche. Il vous est possible de mettre fin à votre participation à n’importe quel moment sans conséquences ou préjudices. Tous les renseignements personnels vous concernant seront alors détruits.

Confidentialité et gestion des données

Toutes les informations que vous nous fournirez seront traitées de façon confidentielle et anonyme. En effet, ni votre nom, ni celui d’autres personnes que vous nommerez ne pourront être divulgués. Lors de l’analyse des résultats, un numéro de code sera utilisé à la place de ces noms. Tout le matériel de recherche sera gardé sous clef et seules madame Boivin, qui dirige mon travail, et moi-même, pourront y avoir accès. Une fois que la recherche sera terminée, c’est-à-dire à la fin du mois d’août 2010, toutes les données à caractère personnel (incluant les enregistrements, leur transcription sur papier et les formulaires de consentement) seront détruites.

Les données recueillies serviront uniquement dans le cadre de ce projet de recherche.

Au cours du mois d’août 2010, un résumé des principaux résultats de recherche sera expédié aux participants qui en font la demande. Si tel est votre cas, veuillez indiquer, à la fin de ce formulaire, l’adresse où vous souhaitez recevoir le document.

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Signatures

Je soussigné ________________________ consens librement à participer à la recherche intitulée L’insertion socioprofessionnelle de jeunes ayant quitté le système scolaire avant l’obtention de leur diplôme d’études secondaires : un regard sur leur construction identitaire.

Je confirme avoir pris connaissance du formulaire et j’ai compris le but, la nature, les avantages, les risques et les inconvénients du projet de recherche. Je suis satisfait des explications, précisions et réponses que le chercheur m’a fournies au sujet de ma collaboration à ce projet.

_________________________________ Date : _____________ Signature du participant __________________________________ __________________________________ __________________________________ Adresse postale ou courriel auxquels je souhaite recevoir un résumé des résultats de la recherche J’ai expliqué le but, la nature, les avantages, les risques et les inconvénients du projet de recherche au participant. J’ai répondu au meilleur de ma connaissance aux questions posées et j’ai vérifié la compréhension du participant. __________________________________ Date : ______________

Marie-Ève Doyer, étudiante-chercheure Signature de l’étudiante-chercheure

Pour des renseignements supplémentaires

Si vous souhaitez obtenir des informations supplémentaires sur le projet ou sur votre participation à celui-ci, vous pouvez me rejoindre par téléphone ou par courriel. marie-eve.doyer @fse.ulaval.ca 1-800-785-2825 (poste 12254)

Je vous remercie grandement pour votre participation !

Toute plainte ou critique concernant cette recherche pourra être adressée, en toute confidentialité, au bureau de l’Ombudsman de l’Université Laval : Pavillon Alphonse Desjardins Université Laval 2325, rue de l’Université, local 3320 Québec (Québec) G1V OA6

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Renseignements – Secrétariat : 418-656-3081 Télécopieur : 418-656-3846 Ligne sans frais : 1-866-323-2271 Courriel : [email protected]

Projet approuvé par le Comité d’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’Université Laval

(2009-226 / 16-11-2009)

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ANNEXE 2

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CANEVAS D’ENTREVUE

Dossier : XC

INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE et CONSTRUCTION IDENTITAIRE

CANEVAS D’ENTREVUE

Marie-Ève Doyer, étudiante à la maîtrise à l’Université Laval

Marie-Denyse Boivin, Ph.D. professeure-chercheure à l’Université Laval Faculté des sciences de l’éducation,

Département des fondements et pratiques en éducation Projet subventionné par le CRSH (766-2008-1202), le FQRSC (127328) et la Fondation

Desjardins

Projet approuvé par le Comité d’éthique et de la recherche de l’Université Laval (2009-226/16-11-2009)

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PRÉAMBULE

Tout d'abord, je tiens à te remercier de nous offrir généreusement de ton temps. L'entretien auquel tu vas participer va durer approximativement 1h30. Par le biais d’une entrevue, je te poserai quelques questions générales concernant ta situation actuelle. Puis nous explorerons ensemble les circonstances qui entourent ta décision de quitter l’école, le déroulement de ton insertion en emploi, les événements importants que tu as vécus et les relations qui t’apparaissent significatives dans ta vie. Nous croyons que c’est à travers ces événements et ces relations avec ton entourage que tu construis ton identité. Par cette entrevue, nous cherchons justement à savoir comment tu es devenu celui que tu es aujourd’hui à travers ton parcours d’insertion. Je suis ici pour t’accompagner tout au long de cet entretien, alors n’hésite pas à me poser des questions ou à m'interrompre si tu as besoin d'éclaircissements ou de précisions sur certaines questions. Tu es libre de ne pas répondre à certaines questions et de mettre fin à cette entrevue en tout temps. Étant donné que tu seras amené à élaborer sur les thèmes mentionnés plus haut et afin de préserver la justesse de tes propos lors de leur retranscription sur ordinateur, nous enregistrerons cette entrevue. Le matériel audio recueilli restera strictement confidentiel, c’est-à-dire que des codes en chiffres et en lettres seront utilisés pour remplacer ton nom. De plus, l’enregistrement sera effacé après avoir été transcrit sur traitement de texte. Les résultats à cette étude ne contiendront aucune information susceptible de permettre ton identification et dès que mon mémoire sera déposé, les données seront détruites. N’hésite donc pas à être à l’aise et le plus honnête possible. Bonne entrevue!

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Code d’identification du sujet : XC Date de l’entrevue : SITUATION SOCIODÉMOGRAPHIQUE J’aimerais d’abord avoir quelques informations sur ta situation. 1. Quel âge as-tu? ________________________________________________________________ 2. En quelle année as-tu quitté l’école secondaire? ________________________________________________________________ 3. Quel âge avais-tu à ce moment-là? ________________________________________________________________ 4. Fais-tu partie du programme de formation de la main-d'œuvre d’Emploi-Québec? ________________________________________________________________ 5. Quels cours viens-tu suivre ici et dans le but d’obtenir quel diplôme

(un DES ou éventuellement un DEP)? ________________________________________________________________ ÉCOLE Les prochaines questions ont pour but de mieux comprendre les circonstances qui entourent ton départ de l’école secondaire. 6. D’abord, quels mots te décrivaient le mieux à l’époque où tu

fréquentais l’école secondaire? ________________________________________________________________

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________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 7. Maintenant, si tu penses à la période où tu as commencé à

envisager de quitter l’école, jusqu’au moment où tu as décidé de la quitter pour vrai, pourrais-tu me dire ce qui s’est passé? (Si hésitation : Quels sont les circonstances ou événements qui t’ont amené à quitter l’école?) __________________________________________

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Y a-t-il d’autres raisons qui t’ont amené à prendre cette décision? (Si

hésitation, donner des exemples : attrait du marché du travail, être plus libre, la pression de certaines personnes, te sortir d’un certain malaise que tu vivais à l’école, etc.) ________________________________

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 8. Si tu penses au regard que tes amis, tes parents ou tes proches

posaient sur toi à ce moment-là, qu’est-ce que tu peux m’en dire? (Si hésitation : Comment crois-tu qu’ils percevaient ta décision de quitter l’école?)

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Concrètement, comment ils ont réagi envers toi? (ex. : t’ont-ils

soutenu, encouragé, aidé, étaient-ils déçus, en colère, etc.?) ____________

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________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 9. Toujours en pensant à la période où tu as décidé de quitter,

comment te percevais-tu par rapport à ceux qui continuaient l’école?

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Avais-tu l’impression d’être différent à certains niveaux? ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ (Si non) En quoi étais-tu comme les autres élèves? _____________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 10. À ce moment-là, est-ce que tu avais un plan pour le futur ou non? (Au

besoin : Te voyais-tu dans un domaine ou un emploi en particulier?) ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________

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ÉTAPES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL Maintenant, on va remplir une grille qui va nous permettre de retracer les différentes étapes que tu as franchies sur le marché du travail suite à ton départ l’école secondaire. On va y inscrire tes activités professionnelles et les périodes de non-emploi que tu as vécues, s’il y en a. TRANSITION SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL J’aimerais maintenant que tu me parles de la période située entre ton départ de l’école et l’obtention de ton premier emploi. Nous ne traiterons pas tout de suite de la façon dont ça s’est passé une fois en emploi. 11. Donc, pourrais-tu me décrire ce qui s’est passé entre ta sortie de

l’école et l’obtention d’un premier emploi? Par exemple, les démarches effectuées pour te trouver un travail, le temps d’attente que tu as vécu, l’aide possiblement obtenue, etc.

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Quelle image ou quel mot te vient spontanément à l’esprit quand tu

penses à cette période? Comment t’es-tu senti pendant cette période-là, comment l’as-tu vécu? ___________________________________

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Est-ce que tu dirais que tu t’attendais à vivre cette période de cette

manière ou non? _________________________________________________ Pourquoi? _______________________________________________________

Utiliser la grille

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________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Première expérience d’emploi Maintenant, on va parler de ta première expérience d’emploi. 12. Si tu repenses à tes premières semaines, à tes premiers mois de

travail, pourrais-tu me décrire comment ça s’est passé? Par exemple, trouvais-tu les horaires, les règles de l’entreprise et le travail en général? ________________________________________________________

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Comment étaient le climat de travail, ta relation avec tes collègues et

ton patron?______________________________________________________ ________________________________________________________________ Est-ce que vous vous voyiez en dehors des heures de travail? ____________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 13. Comment as-tu trouvé ta « nouvelle vie » de travailleur, par rapport

à ton « ancienne vie » d’étudiant? Peux-tu me parler des points positifs et/ou négatifs?

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________

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14. Quelle image avais-tu de toi comme travailleur au moment où tu exerçais cet emploi? Quels mots te décrivaient le mieux quand tu occupais cet emploi?

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Que crois-tu que ton patron et tes collègues auraient dit de toi

comme travailleur? _______________________________________________ ________________________________________________________________ 15. Quel regard as-tu senti que tes proches, c’est-à-dire tes parents, tes

amis ou ta blonde, posaient sur toi? ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ (Si hésitation) Par rapport au temps où tu étais à l’école secondaire,

as-tu senti que leur regard s’est transformé lorsque tu as intégré le marché du travail? ________________________________________________

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 16. Finalement, si tu penses à ce premier emploi, est-ce que tu dirais

que cette expérience a changé, ou non, ta manière de te percevoir ou l’image que tu avais de toi-même?

________________________________________________________________ ________________________________________________________________

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As-tu appris d’autres choses sur toi grâce à cet emploi-là? ______________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ EMPLOI SIGNIFICATIF On va maintenant s’attarder à une expérience d’emploi que tu juges importante ou qui t’a particulièrement marqué. 17. D’abord, je voudrais savoir si tu as déjà vécu une expérience de

travail que tu juges importante ou qui t’a marqué positivement ou négativement.

________________________________________________________________ (Si oui) En quoi cette expérience t’a-t-elle marqué? (Si hésitation :

Qu’est-ce que tu retiens de cette expérience de travail?) _________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Qu’est-ce que tu aimais et qu’est-ce que tu aimais moins de cet

emploi? _________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________

(Si non) Amener le jeune à développer sa réponse : Ton ou tes expériences

d’emploi t’ont donc laissé indifférent…

Et passer ensuite à la question 18 – Période actuelle et future

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Qu’aurais-tu à dire concernant ton investissement personnel ou les efforts que tu as déployés dans ce travail? ___________________________

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Qu’aurais-tu à dire concernant ton sentiment de valorisation ou de

fierté dans l’occupation de cet emploi? ______________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ***Comment ça se passait avec le patron et les collègues de travail? _____ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ***Est-ce que vous vous voyiez en dehors des heures de travail? _________ ________________________________________________________________ ***Que crois-tu que ton patron et tes collègues auraient dit de toi

comme travailleur? _______________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ***Et les autres personnes de ton entourage? (parents, amis, etc.) _______ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ***Si tu penses à ce que ce travail t’a apporté, par exemple en

termes d’apprentissage, qu’est-ce que tu aurais à dire? ________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________

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***As-tu appris d’autres choses sur toi, par le biais de cet emploi? (Si oui, laquelle ou lesquelles?) ________________________________________

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 18. Au moment où tu occupais cet emploi, qu’est-ce que tu percevais

comme l’emploi idéal pour toi? (par ex. : dans une entreprise particulière, un poste en particulier, certaines caractéristiques d’emploi, etc.)

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 19. (S’il n’occupe plus cet emploi actuellement et qu’il n’en a pas parlé

spontanément) Qu’est-ce qui t’a amené à quitter cet emploi? ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ RETOUR EN FORMATION Dans les prochaines questions, on va aborder la période qui entoure ton retour à l’école. 20. Qu’est-ce qui t’a amené à prendre la décision de retourner aux

études? ________________________________________________________________

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________________________________________________________________ Ce serait quoi pour toi l’élément déclencheur? ________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ S’il fait partie du programme de formation de la main-d’œuvre

d’Emploi- Québec : qui l’a informé de l’existence de ce programme?_______ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 21. Est-ce qu’il y a (une ou des personnes) (d’autres personnes) qui t’ont

aidé dans ton retour aux études? ________________________________________________________________ (Si oui) De quelle façon? ___________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 22. Comment se passe ton retour à l’école? ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 23. Aujourd’hui, quel genre d’élève es-tu ou quels mots te décrivent le

mieux aujourd’hui comme élève? ________________________________________________________________

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________________________________________________________________ Qu’est-ce qui a changé par rapport au temps où tu allais à l’école

secondaire? _____________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ PÉRIODE ACTUELLE ET FUTURE Maintenant, on va se pencher sur ton parcours dans son ensemble, depuis ton départ du secondaire jusqu’à aujourd’hui. 24. D’abord, mis à part l’emploi dont tu as pu me parler précédemment,

as-tu vécu, suite à ta transition sur le marché du travail, d’autres expériences ou événements qui ont été importants dans ta vie ou qui t’ont marqué positivement ou négativement? Ces événements peuvent être reliés au domaine de l’emploi, mais pas nécessairement.

(Si oui) J’aimerais savoir quel est l’événement le plus marquant que

tu aies vécu. Tu peux prendre le temps d’y réfléchir. (Si hésitation, donner des

exemples : réussites, échecs, décisions, expériences particulières) (Si non, passer à la question X) (Si oui, placer l’événement sur la ligne du temps) En quoi cet événement a été marquant pour toi? (Si hésitation :

Comment as-tu vécu cet événement?) ________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________

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(Si oui) Qu’est-ce qui a changé chez toi suite à cet événement? ___________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ***As-tu redéfini certains buts ou objectifs que tu avais dans la vie? ______ (Si oui) Lequel ou lesquels? _________________________________________ Pourquoi? _______________________________________________________ ________________________________________________________________ 25. Est-ce qu’il y aurait un autre événement important qui a eu un impact

sur ton parcours de vie? ________________________________________________________________ (Si oui) En quoi cet événement a été marquant pour toi? ________________

_______________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ (Si oui) Qu’est-ce qui a changé chez toi suite à cet événement? ___________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ***As-tu redéfini certains buts ou objectifs que tu avais dans la vie? ______ (Si oui) Lequel ou lesquels? _________________________________________

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Pourquoi? _______________________________________________________ ________________________________________________________________ 26. Une fois de plus, si tu penses à l’ensemble de ton parcours, depuis le

temps où tu allais encore à l’école jusqu’à aujourd’hui, j’aimerais que tu me dises s’il y a des personnes qui ont été importantes pour toi ou des personnes qui ont joué un rôle marquant dans ta vie, soit positivement ou négativement. J’aimerais savoir comment chacune d’elle t’a marqué.

Tu peux prendre le temps d’y réfléchir. (Si hésitation : par exemple, ce pourrait être un ou tes parents, un ou

des amis, un enseignant, un collègue, un patron, etc.). (Après chaque personne explorée, demander s’il y a quelqu'un d’autre qui a été marquant).

(Si personne n’a été marquant, passer à la question X) Personne 1 ______________________________________________________ En quoi cette personne t’a marqué? _________________________________ ________________________________________________________________ Comment cette personne est-elle (était-elle) avec toi et qu’est-ce que

tu retiens de ta relation avec elle? (Demander des exemples)_____________ ________________________________________________________________ Crois-tu que cette personne a pu t’influencer d’une quelconque

façon? (Si hésitation : par exemple, dans tes valeurs, tes intérêts ou tes objectifs de vie) _______________________________________________

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Personne 2 _____________________________________________________ En quoi cette personne t’a marqué? _________________________________

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________________________________________________________________ Comment cette personne est-elle (était-elle) avec toi et qu’est-ce que

tu retiens de ta relation avec elle? (Demander des exemples)_____________ ________________________________________________________________ Crois-tu que cette personne a pu t’influencer d’une quelconque

façon? (Si hésitation : par exemple, dans tes valeurs, tes intérêts ou tes objectifs de vie) _______________________________________________

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Personne 3 _____________________________________________________ En quoi cette personne t’a marqué? _________________________________ ________________________________________________________________ Comment cette personne est-elle (était-elle) avec toi et qu’est-ce que

tu retiens de ta relation avec elle? (Demander des exemples)_____________ ________________________________________________________________ Crois-tu que cette personne a pu t’influencer d’une quelconque

façon? (Si hésitation : par exemple, dans tes valeurs, tes intérêts ou tes objectifs de vie) _______________________________________________

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Personne 4 _____________________________________________________ En quoi cette personne t’a marqué? _________________________________ ________________________________________________________________ Comment cette personne est-elle (était-elle) avec toi et qu’est-ce que

tu retiens de ta relation avec elle? (Demander des exemples)_____________

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________________________________________________________________ Crois-tu que cette personne a pu t’influencer d’une quelconque

façon? (Si hésitation : par exemple, dans tes valeurs, tes intérêts ou tes objectifs de vie) _______________________________________________

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Personne 5 _____________________________________________________ En quoi cette personne t’a marqué? _________________________________ ________________________________________________________________ Comment cette personne est-elle (était-elle) avec toi et qu’est-ce que

tu retiens de ta relation avec elle? (Demander des exemples)_____________ ________________________________________________________________ Crois-tu que cette personne a pu t’influencer d’une quelconque

façon? (Si hésitation : par exemple, dans tes valeurs, tes intérêts ou tes objectifs de vie) _______________________________________________

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 27. Avec un peu de recul, quand tu penses à ton parcours, aux diverses

expériences que tu as vécues jusqu’à maintenant, qu'est-ce qui te vient spontanément à l’esprit?

_______________________________________________________________

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Plus précisément, qu’est-ce que tu retiens de ton passage sur le

marché du travail? ________________________________________________

_______________________________________________________________

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________________________________________________________________ 29. D’après toi, quelle est l’image que les gens ont d’un jeune qui a quitté

l’école avant la fin de son secondaire? ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Plus particulièrement, qu’en pensent les patrons ou les employeurs? ______ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Est-ce qu’il y a un ou des moments où le fait de ne pas avoir de

diplôme t’a davantage posé problème dans ton parcours? (Si hésitation : Par exemple, où tu n’as pas pu exercer l’emploi que tu voulais?) ________________________________________________________

(Si oui) À quel(s) moment(s)?_______________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Peux-tu me parler d’une fois où il t’est arrivé de te sentir jugé parce

que tu n’avais pas obtenu ton DES? _________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Plus précisément, est-ce qu’il t’est arrivé d’avoir l’impression de

devoir justifier pourquoi tu as eu ce parcours-là ou encore d’avoir l’impression de devoir prouver quelque chose à quelqu’un parce que tu n’avais pas de DES? _____________________________________________

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(Si oui) À quel(s) moment(s)? _______________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 30. Peux-tu me parler de la façon dont tu vois l’avenir aujourd’hui? Quels

sont tes espoirs ou tes craintes sur le plan professionnel et dans ta vie en général?

________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ CONCLUSION C’est ce qui met fin à cette entrevue. 31. Qu’est-ce que tu retiens de cette rencontre? ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ 32. As-tu des questions? ________________________________________________________________ ________________________________________________________________ Je te remercie grandement pour ta participation!