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1 SEANCE 7 La Famille : Le mariage Commenter l’arrêt Cass. civ. 1 ère , 17 juin 2003 (Méthode Mousseron et commentaire littéraire) Sommaire : I. L’UNION DU MARIAGE : les conditions de formation -CA Bordeaux, 19 avril 2005 -Civ. 1 ère 31 janv. 2006, n° 03-20471 -CA. Versailles, 08 juill. 2005 -Civ. 23 oct. 1990, n° 89-10250 : Bull. civ., I, n°221 – Rep. Defr. 1991, n°5, p. 283, note J. MASSIP – D. 1991, 214, note C. MASCALA – JCP éd. G 1991, n° 21-774, note Fr. MONEGER - RTD civ.1991, p. 299, note J. HAUSER. -Civ. 30 juillet 1900 : Les grands arrêts de la jurisprudence civile, éd. Dalloz, Henri CAPITANT, Alex WEILL, François TERRE, p. 24 Etude de cas : l’union du mariage entre personnes de même sexe : -Le mariage homosexuel est contraire à la loi, D. actu, I. Gallmeister ; R.D 2007, p. 1389, Civ. 1 ière , 13 mars 2007. -Droit de la famille n° 9, Septembre 2004, comm. 138 Pour ou contre le mariage homosexuel ? Ce n'est pas au maire à lever l'opposition ! Commentaire par Virginie LARRIBAU- TERNEYRE. -TA Bordeaux, 9 juill. 2004 : Juris-Data n° 2004-244363 -Le droit français et les mariages homosexuels étrangers, R. D. 2006 p. 1253. II. Les effets du mariage A– LES RAPPORTS PERSONNELS - Civ. 1 ère 08 juin 1999, n° 97-15520 : D. 2000, Somm. 413, obs. Lemouland - Civ ; 1 ère 16 juill. 1986, n° 85-11720 : Bull. civ. , I, n° 208. - D. 2005, Chron.23, par L. Antonini- Cochin B LES RAPPORTS PECUNIAIRES - Civ. 3 ème 31 mai 2006, n° 04-16920 - Civ. 1 ère 17 juin 2003, n° 01-14468 : D. 2004, 1118, note Lefranc - Defr. 2004, 67, obs. G. Champenois - Contrats- conc.- Consom. 2003, n°168, obs. Raymond – Dr. fam. 2003, n°97, note Lecuyer (à commenter ) -Civ. 1 ère 04 juillet 2006, n° 03-13936 -Civ. 1 ère 10 mai 2006, n° 03-16593 -Civ. 1 ère 17 déc. 2002, n° 99-14779 -Civ. 1 ère 05 nov. 1996, n° 94-14160 : Bulletin 1996 I N° 374 p. 262 – Rép. Def. 1997, p. 814, note G. CHAMPENOIS -Com. 11 mars 2003, n° 00-20866 I. L’UNION DU MARIAGE : les conditions de formation

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SEANCE 7 La Famille : Le mariage

Commenter l’arrêt Cass. civ. 1ère, 17 juin 2003 (Méthode Mousseron et commentaire littéraire) Sommaire : I. L’UNION DU MARIAGE : les conditions de formation

-CA Bordeaux, 19 avril 2005 -Civ. 1ère 31 janv. 2006, n° 03-20471 -CA. Versailles, 08 juill. 2005 -Civ. 23 oct. 1990, n° 89-10250 : Bull. civ., I, n°221 – Rep. Defr. 1991, n°5, p. 283, note J. MASSIP – D. 1991, 214, note C. MASCALA – JCP éd. G 1991, n° 21-774, note Fr. MONEGER - RTD civ.1991, p. 299, note J. HAUSER. -Civ. 30 juillet 1900 : Les grands arrêts de la jurisprudence civile, éd. Dalloz, Henri CAPITANT, Alex WEILL, François TERRE, p. 24 Etude de cas : l’union du mariage entre personnes de même sexe : -Le mariage homosexuel est contraire à la loi, D. actu, I. Gallmeister ; R.D 2007, p. 1389, Civ. 1ière, 13 mars 2007. -Droit de la famille n° 9, Septembre 2004, comm. 138 Pour ou contre le mariage homosexuel ? Ce n'est pas au maire à lever l'opposition ! Commentaire par Virginie LARRIBAU-TERNEYRE. -TA Bordeaux, 9 juill. 2004 : Juris-Data n° 2004-244363 -Le droit français et les mariages homosexuels étrangers, R. D. 2006 p. 1253. II. Les effets du mariage A– LES RAPPORTS PERSONNELS - Civ. 1ère 08 juin 1999, n° 97-15520 : D. 2000, Somm. 413, obs. Lemouland - Civ ; 1ère 16 juill. 1986, n° 85-11720 : Bull. civ. , I, n° 208. - D. 2005, Chron.23, par L. Antonini- Cochin B – LES RAPPORTS PECUNIAIRES - Civ. 3ème 31 mai 2006, n° 04-16920 - Civ. 1ère 17 juin 2003, n° 01-14468 : D. 2004, 1118, note Lefranc - Defr. 2004, 67, obs. G. Champenois - Contrats- conc.- Consom. 2003, n°168, obs. Raymond – Dr. fam. 2003, n°97, note Lecuyer (à commenter) -Civ. 1ère 04 juillet 2006, n° 03-13936 -Civ. 1ère 10 mai 2006, n° 03-16593 -Civ. 1ère 17 déc. 2002, n° 99-14779 -Civ. 1ère 05 nov. 1996, n° 94-14160 : Bulletin 1996 I N° 374 p. 262 – Rép. Def. 1997, p. 814, note G. CHAMPENOIS -Com. 11 mars 2003, n° 00-20866 I. L’UNION DU MARIAGE : les conditions de formation

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CA Bordeaux, 19 avril 2005 Les faits : Le 25 mai 2004 l'officier d'état civil de la commune de Bègles en Gironde (33) effectuait la publication préalable au mariage annoncé de M. X... et M. Y... Les actes de naissance chacun des deux intéressés mentionnaient un sexe masculin […]. Le 26 mai 2004 le procureur de la République de Bordeaux faisait notifier son opposition au mariage en raison de l'identité de sexe. […] Malgré l'opposition ainsi notifiée aux deux intéressés et à l'officier d'état civil de Bègles, ce dernier dressait à leur égard le 5 juin 2004 à 11 heures l'acte qualifié de mariage et qui est l'objet du présent débat. […] Cet acte est ainsi rédigé « ils ont déclaré l'un et l'autre vouloir se prendre pour époux ». Procédure d'appel : Par acte remis au greffe de la Cour le 2 septembre 2004 M. X... et M. Y..., […] ont relevé appel contre le ministère public pris en la personne du procureur général près la cour d'appel de Bordeaux du jugement rendu à leur encontre le 27 juillet 2004 par le tribunal de grande instance de cette ville. Les appelants précisent dans leurs conclusions signifiées le 3 janvier 2005 que la décision déférée est critiquable et il est en conséquence demandé : 1) in limine litis […] 2) subsidiairement sur le fond, à titre principal : - constater que les défendeurs ont valablement justifié de la condition de domicile lors de la publication des bans ; - constater qu'aucune disposition du code civil ne prohibe expressément l'accès du mariage civil aux couples de personnes de même sexe ;- dire et juger que le mariage n'a pas été célébré en fraude à la loi ; - dire et juger que le mariage civil n'est pas limité à l'union d'une femme et d'un homme et peut comprendre l'union de deux femmes et de deux hommes ; - débouter le ministère public de sa demande en nullité ; 3) plus subsidiairement : - dire et juger que l'opposition à mariage et la demande en nullité fondée sur le non-respect de la différence de sexe constituent une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale et au mariage des défendeurs ; - dire et juger que cette ingérence n'est pas prévue par la loi, qu'elle n'est pas nécessaire dans une société démocratique et qu'elle ne poursuite pas un but légitime au sens des articles 8 et 13 combinés de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - dire et juger que l'opposition à mariage et la demande en annulation fondée sur le non-respect de la condition de différence des sexes constituent une privation de jouissance du droit au mariage contraire aux dispositions des articles 8, 12 et 14 combinés de la Convention ;- en conséquence débouter le procureur général de l'ensemble de ses demandes. Le ministère public intimé, par ses dernières conclusions signifiées le 20 janvier 2005, sollicite la confirmation de l'annulation sur la seule question de l'absence de différence de sexe. […] 4) obligation de différence de sexe : […] b) raisonnement de la cour : La cour recherchera la solution en droit interne puis la comparera avec les impératifs du droit européen, dont la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au regard de la jurisprudence européenne. Elle mettra ensuite sa décision en perspective en recherchant les conséquences prévisibles d'une suite favorable à l'appel. - En droit interne français : le mariage est, notamment, un contrat conclu publiquement sous forme solennelle dans la mairie de la commue où l'un des deux époux a son domicile ou sa résidence. L'officier d'état civil de cette commune reçoit l'échange de consentements après avoir donné lecture d'un certain nombre d'engagements, il doit en dresser procès-verbal. Il convient de rechercher quel est le consentement entendu. L'article 75 du code civil l'énonce : « il recevra de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme ». Sans équivoque possible, le code civil impose à l'officier d'état civil de recueillir la déclaration de deux personnes de sexe différent qui se prennent pour « mari et femme ». Cela est conforté par le fait que cet échange de consentement prend la suite de la lecture (faite par lui) de divers articles du code civil dont ceux relatifs à l'éducation et l'autorité parentale sur les enfants communs. Et tout autre interprétation rendrait incohérent le droit interne puisque notamment les prohibitions à mariage concernent le frère et la soeur mais ni deux frères ni deux soeurs. Le mariage en droit interne français produit des effets patrimoniaux comme extra-patrimoniaux, et notamment des

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conséquences sur la filiation commune aux époux, actuellement appelée légitime. Les différentes évolutions législatives ont maintenu cette notion de filiation commune aux époux et le premier juge a justement rappelé l'importance à cet égard de la présomption de paternité puisque le code civil entame ainsi le chapitre consacré à cette filiation « l'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari ». La notion de père est ainsi liée étroitement à celle de mari. La notion de femme mariée est non moins étroitement liée à cette filiation commune aux époux puisque « la présomption de paternité est écartée quand l'enfant, inscrit sans l'indication du nom du mari, n'a de possession d'état qu'à l'égard de la mère », ce qui rend décisive la déclaration de sa qualité de femme mariée. Par ailleurs il est possible de procéder à une adoption par les deux époux ou par l'un de l'enfant de l'autre. La Cour de cassation avait jugé en 1903 à la nécessaire différence de sexe et les évolutions législatives n'ont pas modifié le contexte juridique de sa décision. […] Ainsi donc, comme le premier juge, la cour aboutit à la conclusion qu'on droit interne français le mariage est une institution visant à l'union de deux personnes de sexe différent, leur permettant de fonder une famille appelée légitime. La notion sexuée de mari et femme est l'écho de la notion sexuée de père et mère. Cette différence de sexe constitue en droit interne français une condition de l'existence du mariage . Or l'acte dressé le 5 juin 2004 par l'officier d'état civil de Bègles ne reproduit pas l'échange de consentements énoncé à l'article 75 du code civil mais mentionne que M. X... et M. Y..., de même sexe, ont déclaré « vouloir se prendre pour époux », notion asexuée contraire à la volonté législative. […]- S'il était fait droit au présent appel, la conséquence prévisible : de l'extension du mariage à des couples de même sexe sans préparation législative, et notamment sans modification préalable des règles de la filiation, serait un bouleversement des principes la régissant. […] - En conclusion : la cour ne découvre dans les textes fondamentaux européens et dans la jurisprudence européenne aucune contradiction avec la législation française interne relative au mariage, laquelle ne concerne que des personnes de sexe différent. Comme le premier juge, la cour considère que la différence de sexe est une condition de l'existence même du mariage, condition non remplie dans le cas de l'acte relatif à M. X... et M. Y... La célébration organisée par eux le 5 juin 2004 devant l'officier d'état civil de Bègles ne peut être considérée comme un mariage. Ainsi que le soutient le ministère public, l'acte qui en a été dressé n'a pas d'existence juridique et son écriture doit être annulée, avec transcription en marge de l'acte de naissance des intéressés et de l'acte lui-même. Par ces motifs : Confirme sur la validité de la saisine du tribunal, Confirme sur la recevabilité de l'action du ministère public, confirme sur le fond, annulation de l'acte dressé le 5 juin, avec transcription en marge de cet acte et de l'acte de naissance des intéressés . Laisse les dépens d'appel à la charge des appelants Civ. 1ère 31 janv. 2006, n° 03-20471 Sur le moyen unique : Attendu que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 24 juillet 1993 ; que l'époux a assigné, par acte du 8 juillet 1998, sa femme en annulation du mariage au motif que celle-ci s'était, avant sa célébration, prostituée et avait entretenu des relations avec le milieu du grand banditisme sans qu'il en ait eu connaissance ; Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 20 août 2003 ) d'avoir déclaré irrecevable sa demande en nullité du mariage, alors, selon le moyen que : 1 / dans ses conclusions en appel, M. X... soutenait que "pendant toute la durée de la vie commune", il avait ignoré le concubinage de son ex-épouse avec M. Z..., dont il n'avait du reste appris l'existence qu'à l'été 2001; qu'en affirmant que "M. X... ne conteste pas avoir su que sa future épouse était concubine de M. Z...", la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions et a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; 2 / le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait, qu'en se fondant , pour arrêter sa décision, sur la circonstance que l'appelant "ne conteste pas" ou "ne contredit pas" les affirmations de

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l'intimée, du reste tardivement avancées et totalement contraires à ce que celle-ci avançait auparavant, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ; Mais attendu que la cour d'appel, par une décision motivée, hors toute dénaturation, a, appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, souverainement estimé, ne se fondant pas sur la seule absence de contestation de M. X..., mais sur les affirmations de son épouse, confirmées pour partie par une attestation produite par un témoin du mari, que ce dernier ne rapportait pas la preuve des faits allégués et de ce que son consentement ait été vicié ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi CA. Versailles, 08 juill. 2005 LA COUR D'APPEL : - Considérant que pour faire échec aux conséquences de l'opposition à mariage signifiée par le ministère public sur le fondement de l'article 146 du code civil, les appelants font valoir qu'ils ont pris à l'issue d'une année entière de vie commune la décision de s'unir, décision réitérée à plusieurs reprises, qu'ils sont animés d'une véritable intention matrimoniale et que leur projet n'a pas pour finalité de contourner les dispositions légales relatives à l'obtention de la nationalité française, M. L... étant en situation régulière et en cours d'obtention d'un titre de séjour, que l'invocation de l'activité de prostitution de M. L... est sans portée et sans incidence juridique sur leur intention matrimoniale, que leur mariage n'est pas fictif et motivé par quelconque volonté de contourner la prohibition des mariages entre personnes de même sexe, étant acquis qu'ils sont de sexes différents et que M. L... bien qu'affirmant sa féminité, n'entend pas changer de sexe, que leur apparence physique ne peut pas plus constituer un obstacle juridique valable, sauf pour le ministère public, à s'ingérer dans leur vie privée et contrevenir aux libertés fondamentales telles que protégées par la Convention européenne des droits de l'homme, toute attitude contraire traduisant un comportement discriminatoire, que ni le code civil ni aucune règle de droit ne conditionne l'intention matrimoniale à la volonté de fonder une famille, que leur union répondant à une véritable intention matrimoniale, l'invocation du caractère militant de leur mariage est inopportune ; Considérant que le ministère public expose que les enquêtes menées établissent bien l'absence de véritable intention matrimoniale du couple et sa volonté affichée de contourner les prohibitions légales des mariages entre personnes du même sexe ; Considérant que la faculté offerte au ministère public d'agir en nullité du mariage et donc de s'opposer à sa célébration ne constitue pas une violation des articles 8 et 12 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que seuls des motifs légitimes et sérieux ayant essentiellement trait au contrôle de l'existence et de la réalité du consentement peuvent justifier sans méconnaissance du droit au mariage, l'opposition du ministère public ; Considérant que Bénito L... qui est de nationalité argentine est en situation régulière et doit se voir délivrer sous peu un titre de séjour, qu'en tout état de cause l'invocation de la régularisation de sa situation par le seul fait du mariage avec une personne de nationalité française n'est pas soutenue dans l'acte d'opposition, qu'il n'y a pas débat sur ce point ; que Camille B... laquelle a bénéficié d'un traitement médico-chirurgical ayant abouti à un changement de sexe et dont l'état civil a été rectifié conformément au jugement rendu le 29 juin 1999 par le Tribunal de grande instance de Paris, est en droit de s'unir avec une personne de sexe opposé, et que toute opposition fondée sur son transsexualisme serait mal fondée ; Considérant que Bénito L... est à l'état civil un homme de telle sorte que son mariage avec Camille B... ne peut tomber sous le coup de la prohibition des mariages entre personnes de même sexe ; Considérant que tout mariage peut être annulé et faire l'objet d'une opposition du ministère public si les futurs époux ne sont pas animés d'une véritable intention matrimoniale ; Considérant que la véritable intention matrimoniale sans laquelle il n'y a point de consentement valable s'entend de la volonté de fonder une union librement consentie en s'obligeant mutuellement aux devoirs et obligations que le mariage induit entre l'homme et la femme qui le contractent, et que la recherche au travers du mariage d'un but étranger à l'institution équivaut à un défaut de consentement ; Considérant que les appelants ne sont pas fondés à revendiquer une vie commune d'une année au terme de laquelle leur décision de s'unir aurait été arrêtée[…] Considérant que si toute opposition au mariage peut susciter de la part de ceux qui la subissent une réaction à la hauteur de l'émotion qu'elle engendre, il demeure qu'au-delà du droit de chacun à sa vie privée et à la libre expression

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de ses convictions, la revendication affichée par Bénito L... de sa féminité alliée à sa détermination de se marier sous l'identité d'usage de Monica et non sa véritable identité confinant à la provocation et témoignant d'une inspiration essentiellement militante que relaie vigoureusement Camille B..., font que l'intention matrimoniale alléguée n'est pas conforme à celle qu'induit l'institution matrimoniale du mariage en l'état du droit positif, et qu'en réalité les appelants entendent sous couvert d'une prétendue communauté de vie alléguée à titre de gage des sentiments affectifs qui les animeraient et seraient la véritable cause de leur union, s'unir en tant que femmes et contrevenir pour mieux la combattre la prohibition actuelle du mariage entre personnes de même sexe ; qu'une telle intention équivaut à un défaut de consentement, rendant recevable et fondée l'opposition à mariage signifiée par le ministère public ; que le jugement sera confirmé ; Par ces motifs, [...] confirme le jugement déféré. Civ. 23 oct. 1990, n° 89-10250 Sur le moyen unique qui n'est pas nouveau et est donc recevable : Vu les articles 270 et suivants du Code civil ; Attendu que les dispositions de ces textes, qui prévoient qu'en cas de dissolution du mariage par divorce l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie réciproques et en règlent les modalités, sont aussi applicables, en tant que de raison, lorsque la rupture du mariage résulte de la nullité de l'union ; Attendu que M. Y... s'est marié en 1963 en Algérie, en la forme coranique, avec Mme Z... ; qu'il a, avant que cette union ne fut dissoute, contracté un nouveau mariage, le 13 février 1971, devant un officier de l'état civil français, avec Mme X... ; qu'en 1982 M. Y... a assigné Mme X... en nullité du mariage pour cause de bigamie ; que, par jugement du 11 mai 1984, le tribunal de grande instance a prononcé la nullité du mariage, admis la commune bonne foi des époux et a condamnné le mari à verser à sa femme, à titre de prestation compensatoire, une rente mensuelle indexée ; Attendu que, pour dénier à l'épouse tout droit à prestation compensatoire, l'arrêt attaqué énonce que si celle-ci était seule de bonne foi elle pourrait, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, obtenir réparation du préjudice que lui cause l'annulation du mariage ; qu'en l'espèce, étant admis que le mariage a été contracté de bonne foi par les deux époux, Mme X... ne saurait prétendre à une prestation compensatoire ; Attendu qu'en se déterminant ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS ; CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse Civ. 1ère 30 juill. 1900 Sur le premier moyen du pourvoi : Vu les articles 1166 et 191 du Code civil ; Attendu que les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions appartenant à leurs débiteurs et, par suite, intervenir pour y surveiller leurs intérêts dans les instances engagées par ces derniers ; qu'il est fait exception sans doute pour les droits et actions exclusivement attachés à la personne, mais qu'il ne faut pas comprendre parmi ces derniers droits, aux termes des articles 184 et 191 du Code civil, ceux dont l'exercice tend à faire prononcer la nullité d'un mariage contracté en violation des articles 144, 147, 161, 162, 163, 165 du même code ; que la faculté ainsi donnée aux intéressés de demander la nullité du mariage dans certains cas déterminés implique nécessairement à leur profit le droit d'intervenir dans les instances de même nature engagées par l'un des époux contre l'autre pour y défendre leurs droits contre des collusions possibles ; qu'ils y peuvent conclure tout aussi bien à la validité qu'à la nullité de l'union attaquée, ou se borner à prétendre qu'elle a été contractée de bonne foi ; que la rédaction des articles, 184 et 191 du Code civil s'explique par l'intitulé du chapitre dans lequel ils sont compris ; que ce chapitre est relatif "aux demandes en nullité de mariage" et que le législateur y énumère les personnes qui ont qualité pour les introduire ; que des termes qu'il a employés il n'est pas permis de conclure qu'il a voulu implicitement interdire le droit de défense à ceux à qui il donnait expressément le droit d'attaque ; Attendu que l'arrêt attaqué, pour repousser l'intervention de Gélineau dans l'instance en nullité de mariage intentée par Elise Dupré contre Sydney Dussuc, se borne à déclarer que "l'article 191 du Code civil n'est pas fait pour ceux qui ont intérêt à la validité du mariage" ; Qu'en statuant ainsi, il a faussement appliqué et, par suite, violé les articles susvisés ; Sur le second moyen du pourvoi : Vu les articles 201 et 202 du Code civil ; Attendu que le mariage déclaré nul produit des effets civils, tant à l'égard des époux ou de l'un d'eux qu'à l'égard des enfants qui en sont issus, quand il a été contracté de bonne foi ; que les articles 201 et 202 du Code civil, qui

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consacrent cette exception apportée à la rétroactivité des effets de l'annulation du mariage, terminent le chapitre relatif aux demandes en nullité de mariage ; que les dispositions en sont générales et s'appliquent à toutes les nullités, quelle qu'en soit la nature ; que la bonne foi est la seule condition mise par le législateur à la reconnaissance du mariage putatif, et que cette bonne foi peut exister, que les parties aient commis une erreur de droit ou qu'elles se soient trompées en fait, que l'erreur de droit ait porté sur la forme de l'acte ou sur la capacité des contractants ; que la nature et la gravité de l'erreur sont de simples éléments de fait soumis à l'appréciation souveraine du juge du fond ; que celui-ci, saisi de conclusions tendant à faire déclarer la bonne foi des époux ou de l'un d'eux, ne peut, par suite, se refuser à cette recherche sous le prétexte que le vice dont est affecté le mariage le rendrait inexistant ; Attendu qu'Elise Dupré, de nationalité française, a demandé la nullité du mariage contracté par elle le 14 novembre 1876 avec Sydney Dussuc, sujet anglais, devant le consul d'Angleterre en résidence à Nantes ; que l'arrêt attaqué, statuant sur des conclusions prises par les intimés et tendant à la confirmation du jugement qui avait dit que le mariage annulé produirait toutefois les effets civils prévus par l'article 201 du Code civil, les a rejetées par cet unique motif "que, le mariage entre Elise Dupré et Sydney Dussuc étant inexistant en France, il n'y avait pas lieu de rechercher si les parties ou l'une d'elles l'avaient contracté de bonne foi" ; Qu'en statuant ainsi, il a violé les articles susvisés Par ces motifs, CASSE, mais seulement en ce qu'il a rejeté l'intervention de Gélineau et refusé de rechercher si le mariage annulé avait été contracté de bonne foi. Etude de cas : l’union du mariage entre personnes de même sexe : Le mariage homosexuel est contraire à la loi Selon la loi française, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme. Ce principe n'est contredit par aucune des dispositions de la Convention européene des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui n'a pas en France de force obligatoire. La différence de sexe est bien une condition de validité du mariage. Tel est le sens de cet arrêt rendu par la Cour de cassation dans une affaire très largement médiatisée. Comme il fallait s'y attendre, les Hauts magistrats rejettent le pourvoi des « époux » reprochant à la cour d'appel (CA Bordeaux, 19 avr. 2005 : D. 2005. 1687 note Agostini ; D. 2006. Pan. 1414 obs. Lemouland et Vigneau ; RTD civ. 2005. 574 obs. Hauser ; Dr. fam. 2005. n° 124, note Azavant ; confirmant TGI Bordeaux, 27 juill. 2004 : D. 2004. 2392 note Agostini ; ibid. Somm. 2965 obs. Lemouland ; AJ fam. 2004. 407 obs. Attuel-Mendès ; RTDciv. 2004. 719, obs. Hauser ; JCP 2004. II. 10169, note Kessler ; Gaz. Pal. 2004. 3250 note de Geouffre de la Pradelle ; Dr. fam. 2004, n° 166, note Larribau-Terneyre) d'avoir annulé leur « mariage ». Plusieurs arguments étaient invoqués au soutien de leur demande. Au regard du droit interne tout d'abord, c'est l'application faite par la cour d'appel des articles 75 et 144 du Code civil qui était contestée. Au regard du droit européen ensuite, le pourvoi estimait que les articles 8, 12 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme avaient été violés. Au regard du droit communautaire enfin, le respect de l'article 9 de la Charte des droits fondamentaux était revendiqué.

La Cour de cassation aurait pu, sur chacun de ces points, opposer des arguments juridiques justifiant le rejet du pourvoi. Au regard du droit interne, elle aurait pu rappeler que, bien que la différence de sexe ne soit pas expressément exigée par le Code civil, il est néanmoins unanimement admis que le mariage est une union hétérosexuelle, eu égard notamment au sens implicite de l'article 75 sur l'échange des consentements devant l'officier d'état civil, qui fait référence aux mari et femme, et de l'article 144 qui mentionne quant à lui, au sujet de l'âge des époux, l'homme et la femme. Au regard du droit européen, elle aurait pu relever que le refus du mariage homosexuel ne porte pas atteinte à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors que la loi française prévoit, avec le PACS, une autre forme de reconnaissance sociale et juridique ouverte aux couples homosexuels. Il ne se heurte pas davantage à l'article 12 de cette convention (auquel l'article 9 de la Charte des droits fondamentaux peut être assimilé), dès lors que l'interprétation qui en a été donnée admet explicitement qu'« en garantissant le droit de se marier, l'article 12 vise le mariage traditionnel entre deux personnes de sexe biologique différent » (CEDH, 11 juill. 2002, Goodwin : D. 2003. 2032, note A.-S. Chavent-Leclère ; ibid. Somm. 1935 obs. C. Bîrsan). Enfin, il n'est pas non plus contraire à l'article 14 de ce même texte car une différence de traitement ne constitue pas nécessairement une discrimination : les couples homosexuels étant dans une situation différente, ils ont un statut différent. Aucune de ces justifications n'est pourtant avancée. Lapidaire, et semblant faire peu de cas de l'argumentation des demandeurs au pourvoi, la motivation de l'arrêt retient simplement que « selon la loi française, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme » et que « ce principe n'est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui n'a pas en

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France de force obligatoire ». Sur ce dernier point en effet, on précisera simplement que, si la Charte a été proclamée par le Conseil européen de Nice le 18 décembre 2000, elle n'est pas intégrée dans les traités européens, et ne constitue donc qu'une proclamation solennelle, sans valeur juridique contraignante. La Cour de cassation indique ainsi, sans ambiguïté, que la différence de sexe entre les époux est une condition de fond du mariage au regard du droit interne français, qui n'est pas en contrariété avec la Convention européenne des droits de l'homme sur ce point. En outre, sa motivation témoigne de son refus de se voir confier la charge d'admettre une solution contraire. Le communiqué publié sur son site relativement à cette affaire indique d'ailleurs que « seule l'adoption d'une loi nouvelle par la représentation nationale pourrait faire évoluer cet état de droit ». La définition du mariage est en effet trop importante pour pouvoir être modifiée par la seule autorité judiciaire. D'ailleurs, en cette période de campagne électorale, il n'y a, pour s'en convaincre, qu'à suivre les déclarations des candidats à l'élection présidentielle et les réactions qu'elles suscitent. Trois semaines après avoir refusé l'adoption au sein de couples homosexuels (Civ. 1re, 20 févr. 2007, arrêts nos 221 et 224, Dalloz actualité, 27 févr. 2007), la Cour de cassation envoie donc un message clair, auquel la prochaine majorité parlementaire pourra difficilement rester sourde. Si les « ex-époux » ont fait part de leur intention de saisir la Cour européenne des droits de l'homme, il est peu probable que celle-ci condamnera la France pour son refus d'admettre le mariage entre deux personnes du même sexe. Il reviendra donc bien, en définitive, au législateur de se prononcer sur cette question qui, au-delà de son aspect juridique, révèle des enjeux de société importants et une dimension politique certaine. Auteur : I. Gallmeister Recueil Dalloz 2007 p. 1389 Civ. 1ière, 13 mars 2007 n° 05-16.627 (n° 511 FP-P+B+R+I) Selon la loi française, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme.Ce principe n'est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui n'a pas en France de force obligatoire. LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Bordeaux, 19 avril 2005), que, malgré l'opposition notifiée le 27 mai 2004 par le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bordeaux, le maire de la commune de Bègles, en sa qualité d'officier d'état civil, a procédé, le 5 juin2004, au mariage de MM. X... et Y... et l'a transcrit sur les registres de l'état civil ; que cet acte a été annulé, avec mention en marge des actes de naissance des intéressés ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : -Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action du ministère public, alors, selon le moyen : 1°) qu'en vertu de l'article 184 du code civil, tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162 et 163, peut être attaqué par le ministère public ; qu'aucun de ces textes ne pose comme critère de validité du mariage la différence de sexe des époux ; qu'en déclarant recevable l'action du ministère public, la cour d'appel a violé l'article 184du code civil ; 2°) qu'en dehors des cas spécifiés par la loi, le ministère public ne peut agir que pour la défense de l'ordre public à l'occasion des faits qui portent atteinte à celui-ci ; qu'en déclarant recevable l'action du ministère public, sans dire en quoi les faits qui lui étaient soumis, non contraires aux articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162 et 163 du code civil, avaient porté atteinte à l'ordre public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 423 du nouveau code de procédure civile ;Mais attendu qu'aux termes de l'article 423 du nouveau code de procédure civile, le ministère public peut agir pour la défense de l'ordre public à l'occasion des faits qui portent atteinte à celui-ci ; que la célébration du mariage au mépris de l'opposition du ministère public ouvre à celui-ci une action en contestation de sa validité ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;Sur le second moyen, pris en ses cinq branches : -Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt d'avoir annulé l'acte de mariage dressé le 5 juin 2004, avec transcription en marge de cet acte et de leur acte de naissance, alors, selon le moyen : 1°) qu'en retenant que la différence de sexe constitue en droit interne français une condition de l'existence du mariage, cependant que cette condition est étrangère aux articles 75 et 144 du code civil, que le premier de ces textes n'impose pas de formule sacramentelle à l'échange des consentements des époux faisant référence expressément aux termes « mari et femme », la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 2°) qu'il y a atteinte grave à la vie privée garantie par l'article 8 de la Convention lorsque le droit interne est incompatible avec un aspect important de l'identité personnelle du requérant ; que le droit pour chaque individu d'établir les détails de son identité d'être humain est protégé, y compris le droit pour chacun, indépendamment de son sexe et de son orientation sexuelle, d'avoir libre choix et libre accès au mariage ; qu'en excluant les couples de même sexe de l'institution du mariage et en annulant l'acte de mariage dressé le 5 juin 2004, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°) que par l'article 12 de la Convention se trouve garanti le droit fondamental de se marier et de fonder une famille ; que le second aspect n'est pas une condition du premier, et l'incapacité pour un couple de concevoir ou d'élever un enfant ne saurait en soi passer pour le priver du droit visé par la première branche de la disposition en

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cause ; qu'en excluant les couples de même sexe, que la nature n'a pas créés potentiellement féconds, de l'institution du mariage, cependant que cette réalité biologique ne saurait en soi passer pour priver ces couples du droit de se marier, la cour d'appel a violé les articles 12 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°) alors que si l'article 12 de la Convention vise expressément le droit pour un homme et une femme de se marier, ces termes n'impliquent pas obligatoirement que les époux soient de sexe différent, sous peine de priver les homosexuels, en toutes circonstances, du droit de se marier ; qu'en excluant les couples de même sexe de l'institution du mariage, et en annulant l'acte de mariage dressé le 5 juin 2004, la cour d'appel a violé les articles 12 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 5°) que le libellé de l'article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'écarte délibérément de celui de l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme en ce qu'il garantit le droit de se marier sans référence à l'homme et à la femme ; qu'en retenant que les couples de même sexe ne seraient pas concernés par l'institution du mariage, et en annulant l'acte de mariage dressé le 5 juin 2004, la cour d'appel a violé l'article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;Mais attendu que, selon la loi française, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme ; que ce principe n'est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui n'a pas en France de force obligatoire ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches Par ces motifs, rejette le pourvoi [...]. Droit de la famille n° 9, Septembre 2004, comm. 138 Pour ou contre le mariage homosexuel ? Ce n'est pas au maire à lever l'opposition ! Commentaire par Virginie LARRIBAU-TERNEYRE Il n'appartient pas à l'officier de l'état civil et maire d'apprécier l'opposition à mariage entre deux personnes de même sexe signifiée par le procureur de la République, à l'égard de laquelle le Code civil institue une procédure de mainlevée ouverte aux seuls candidats au mariage. TA Bordeaux, 9 juill. 2004 : Juris-Data n° 2004-244363 Sur les conclusions à fin d'annulation : Considérant que par arrêté du 15 juin 2004, le ministre de l'Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales a suspendu M. Noël Mamère de ses fonctions de maire de Bègles pour une durée d'un mois au motif qu'en célébrant un mariage entre des personnes d'un même sexe malgré l'opposition qui lui avait été signifiée par le procureur de la République, le requérant a manqué volontairement aux obligations prévues par

l'article 68 du Code civil et qu'il a entendu donner le plus grand retentissement à cette violation de la loi par un agent de l'État dans l'exercice de ses fonctions, conférant ainsi à la faute commise une particulière gravité ; En ce qui concerne la légalité externe de l'acte attaqué : Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-16 du Code général des collectivités territoriales : « Le maire et les adjoints, après avoir été entendus ou invités à fournir des explications écrites sur les faits qui leur sont reprochés, peuvent être suspendus par arrêté ministériel motivé pour une durée qui n'excède pas un mois (...) » ; Considérant que, par lettre du 5 juin 2004 notifiée le jour même, le préfet de la Gironde a invité M. Mamère à fournir ses explications écrites sur les faits qui lui étaient reprochés avant le 12 juin suivant et l'a averti que ces faits pouvaient amener le ministre de l'Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales à le suspendre de ses fonctions de maire pour une durée d'un mois conformément aux dispositions de l'article L. 2122-16 précitées ; que dans les circonstances de l'espèce, le délai ainsi accordé à l'intéressé pour présenter des observations qu'il a, d'ailleurs, effectivement produites, doit être regardé comme suffisant ; Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne confère aux maires et aux adjoints le droit d'obtenir communication des pièces de l'enquête à laquelle il peut avoir été procédé sur les faits relevés à leur charge ; que par suite, la circonstance que M. Mamère ait eu communication de son « dossier administratif » - lequel se réduisait à deux pièces déjà connues du requérant et, partant, non nécessaires à la préparation de sa défense - le 14 juin 2004, soit postérieurement à l'expiration du délai assigné pour présenter ses observations écrites est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la procédure ; Considérant, enfin, que si M. Mamère fait valoir que l'arrêté attaqué et sa lettre d'accompagnement ne comportaient pas la mention des voies et délais de recours praticables, cette circonstance qui ne saurait avoir d'incidence que sur la recevabilité du recours contentieux contre l'acte est, en revanche, sans influence sur sa légalité ; En ce qui concerne la légalité interne : Considérant que l'arrêté attaqué a été pris sur le fondement de dispositions législatives, codifiées sous l'article L. 2122-16 du Code général des collectivités territoriales, dont il n'appartient pas au tribunal d'apprécier la constitutionnalité ; que par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté contreviendrait à des principes constitutionnels et notamment au principe de libre administration des collectivités territoriales posé à l'article 72 de la Constitution, doit être, en tout état de cause, écarté ; Considérant qu'aux termes de l'article 68 du Code civil : « En cas d'opposition, l'officier de l'état civil

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ne pourra célébrer le mariage avant qu'on lui en ait remis la mainlevée, sous peine de 4,5 € d'amende et de tous dommages-intérêts » ; que le droit de suspension que le ministre de l'Intérieur tient des dispositions précitées de l'article L. 2122-16 du Code général des collectivités territoriales peut être exercé à l'encontre d'un maire, quelle que soit la qualité en laquelle celui-ci a commis les actes qui lui sont reprochés, y compris celle d'officier de l'état civil et indépendamment des poursuites pénales dont, par ailleurs, l'intéressé peut faire l'objet ; que par suite, le moyen tiré par M. Mamère de l'erreur de droit qu'aurait commise le ministre de l'Intérieur en sanctionnant un manquement qui ne pouvait être apprécié que par l'autorité judiciaire et ne l'exposait à d'autre sanction qu'à l'amende pénale prévue à l'article 68 du Code civil, doit être écarté ; Considérant que M. Mamère ne peut utilement invoquer une rupture d'égalité de traitement vis-à-vis des conseillers municipaux, lesquels sont placés dans une situation juridique différente des maires et de leurs adjoints ; Considérant qu'il n'appartenait pas davantage à M. Mamère, officier de l'état civil, maire de la commune de Bègles, qu'il ne revient au juge administratif d'apprécier le bien-fondé de l'opposition à mariage signifiée par le procureur de la République, acte à l'égard duquel le Code civil institue une procédure exclusive de mainlevée ouverte aux seuls candidats au mariage ; que par suite, les moyens tirés de ce que l'opposition qui lui a été signifiée l'aurait été en méconnaissance de dispositions légales ou de normes supérieures à la loi, doivent être écartés comme radicalement inopérants ; Considérant que la transgression par M. Mamère de l'opposition à mariage formée par le procureur de la République constitue un motif suffisant pour fonder la sanction prise, abstraction faite de la publicité donnée à cette transgression, invoquée seulement par le ministre de l'Intérieur comme une circonstance aggravante ; qu'eu égard à l'ensemble des données de l'affaire, la sanction de suspension d'un mois prononcée par le ministre n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant l'arrêté attaqué, le ministre de l'Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales ait usé des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 2122-16 du Code général des collectivités territoriales dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés ; qu'ainsi, le moyen tiré du détournement de pouvoir qu'aurait commis le ministre doit être écarté ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Mamère et la commune de Bègles ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté ministériel du 15 juin 2004 ; Sur l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamné à payer à M. Mamère et à la commune de Bègles les sommes qu'ils demandent sur ce fondement ; (...) Note : On savait bien que le pacs ne suffirait pas à désarmer ceux qui revendiquent d'être des couples comme les autres car il n'est qu'un mariage au rabais. Mariage parce qu'il reconnaît la notion de couple dans sa dimension affective, matérielle (solidarité ménagère, organisation patrimoniale et reconnaissance d'une sorte de « communauté ») mais aussi charnelle (par la référence aux empêchements à mariage). Succédané de mariage, parce que l'organisation est incomplète, parce qu'elle ne va pas au bout de la logique du mariage, ni dans les obligations ni dans les droits, et par-dessus tout dans l'idéologie. Parce que dans le pacs, la loi ne reconnaît que le couple et pas la famille, parce qu'elle ne reconnaît que le contrat, soit des volontés privées et non le statut qui marque la valeur de l'institution du mariage. Faut-il aller donc jusqu'au mariage homosexuel pour satisfaire la revendication de ces couples ? Pour ou contre le mariage homosexuel : le débat est lancé (V. déjà F. Dekeuwer-Défossez : RJPF mai 2004, p. 5) depuis l'annonce par le maire de Bègles, M. Noël Mamère de sa décision de célébrer un mariage homosexuel et il y a fort à parier que les projets d'amélioration du pacs, sur lequel une évaluation est en cours à la demande du Premier ministre ne suffiront pas à le clore. L'actualité a donc été confrontée à ce mariage-provocation célébré par un élu décidément avant-gardiste et militant, ayant gardé de son passé de journaliste le goût des premières pages et des gros titres. Suspendu de ses fonctions pendant un mois par le ministre de l'Intérieur pour avoir célébré un mariage entre personnes de même sexe au mépris de l'opposition à mariage signifiée par le procureur de la République, il avait formé un recours en référé devant le juge des référés du Tribunal de Bordeaux pour obtenir la suspension de l'exécution de cette sanction, en même temps qu'un recours au fond. Après que le recours en référé ait été rejeté par le tribunal administratif puis, le 7 juillet, par le Conseil d'État, considérant en substance que la suspension n'avait pas un caractère d'urgence (CE, 7 juill. 2004, M. Noël Mamère, n° 268974), le Tribunal administratif de Bordeaux, sans grande difficulté, rejette son recours au fond. Pour donner tort au maire de Bègles, le tribunal n'aura pas eu à entrer dans le débat de fond sur la légalité du mariage homosexuel. Le maire a commis une illégalité justifiant la sanction prononcée, en célébrant le mariage homosexuel, non pas parce que ce mariage lui-même est illégal mais parce qu'il ne pouvait passer outre l'opposition à mariage du procureur de la République : il ne lui appartient pas d'apprécier le

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bien fondé de l'opposition à mariage (I). Il n'est pas interdit, cependant, de s'interroger ici sur ce bien fondé. Or, de lege lata, comment soutenir raisonnablement et sans mauvaise foi que le mariage homosexuel pourrait être conforme à la loi (II) ? Même si, de lege ferenda, on peut se demander s'il existe des obstacles irréductibles, aujourd'hui, à l'admission d'un tel mariage (III). 1. L'OFFICIER D'ÉTAT CIVIL N'EST PAS JUGE DU BIEN FONDÉ DE L'OPPOSITION À MARIAGE FORMÉE PAR LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE Ni le maire, ni le tribunal administratif comme le rappelle ce dernier, n'ont à apprécier le bien fondé de l'opposition à mariage, acte à l'égard duquel le Code civil institue en effet une procédure particulière de mainlevée, ouverte au seul candidat au mariage (C. civ., art. 177). La solution ne fait pas de doute. Seul le tribunal de grande instance est compétent pour apprécier le bien fondé de l'opposition à mariage car il est aussi seul compétent pour apprécier les conditions de validité du mariage et garantir le principe de la liberté du mariage. Or, en passant outre l'opposition et en célébrant le mariage, le maire s'arroge le pouvoir d'effectuer ce contrôle. L'officier d'état civil pourrait éventuellement contrôler la régularité formelle de l'opposition, et passer outre une opposition irrégulière car, en effet, pour être valable elle doit comporter un certain nombre de mentions, dont l'indication des motifs et des textes qui la fondent. Dans le silence des textes et parce que la loi originaire du 20 septembre 1792 autorisait en cas d'irrégularité formelle l'officier d'état civil à passer outre et à célébrer le mariage, la solution est concevable pour la doctrine bien qu'il n'y ait pas de réponse jurisprudentielle précise sur ce point. Mais, au-delà de la vérification formelle, il ne saurait juger du motif (il ne peut pas faire état de sa connaissance personnelle de la situation : CA Douai, 28 déc. 1908 : DP 1909, jurispr. p. 102), ni de la pertinence du texte visé et l'opposition régulière en la forme l'oblige à surseoir au mariage jusqu'au jugement du Tribunal (lui-même tenu de statuer dans les 10 jours de la demande de mainlevée). Selon l'article 68 du Code civil, l'officier d'état civil, en cas d'opposition, ne peut célébrer le mariage avant qu'on lui en ait remis la mainlevée sous peine d'amende et de dommages-intérêts. La règle est claire, et assortie d'une sanction. C'est précisément ce que faisait valoir le maire, soutenant qu'il ne s'exposait, au pire, qu'aux sanctions de l'article 68 et que seules les juridictions civiles étaient compétentes pour apprécier son manquement. Pour le tribunal administratif, cet argument ne tient pas : l'article L. 2122-16 du Code général des collectivités territoriales qui s'applique au maire quelle que soit la qualité en laquelle il intervient : exécutif de la commune ou agent de l'État (officier d'état civil) permettait de prononcer la sanction administrative de la suspension, sans avoir besoin

de s'immiscer dans ce qui relève du contrôle du seul juge judiciaire (soit le bien ou le mal fondé de l'opposition) et sans préjudice d'autres sanctions, civile (responsabilité pour faute personnelle et dommages-intérêts) ou pénale (amende, relevant de la compétence des juridictions répressives, V. IGEC, n° 344 à 346), concernant l'officier d'état civil. C'est donc à un cumul de sanctions que s'expose le maire, officier d'état civil lorsqu'il passe outre une opposition à mariage en prétendant pouvoir apprécier son mal fondé. On notera que les pouvoirs de l'officier d'état civil, sont tout aussi limités lorsqu'il s'agit, à l'inverse, de s'opposer à la célébration du mariage. Lorsqu'il saisit le procureur sur le fondement de l'article 175-2 du Code civil, au motif qu'il existe, selon lui, des indices sérieux faisant présumer que le mariage envisagé est fictif et que celui-ci ne prononce pas le sursis à célébration ou ne forme pas opposition dans les 15 jours, il n'a pas davantage le pouvoir de continuer à surseoir au mariage et s'il le fait, il commet une voie de fait, justifiant la compétence des juridictions judiciaires et du juge des référés (Dr. famille 2004, comm. 46, note V. Larribau-Terneyre. - J.-J. Lemouland : D. 2003, p. 1937. - J. Hauser : RTD civ. 2003, p. 481). La seule difficulté, en l'espèce pourrait venir de ce que le ministère public n'a pas un droit d'opposition général. Alors en effet, qu'à l'origine, le droit d'opposition à mariage ne lui était pas expressément reconnu, de sorte qu'il fallait invoquer l'article 423 du Nouveau Code de procédure civile, l'autorisant à agir de façon générale « pour la défense de l'ordre public à l'occasion de faits qui portent atteinte à celui-ci », à l'inverse, aujourd'hui, l'article 175-1 du Code civil lui reconnaît un droit d'opposition « pour les cas où il pourrait demander la nullité de l'union » et ces cas sont limitativement prévus par les articles 144 (condition d'âge), 146 (de consentement), 146-1 (imposant la présence du français à son mariage, même contracté à l'étranger), 147 (bigamie), 161, 162, 163 (empêchements à mariage). L'hypothèse de l'identité des sexes n'y figure pas expressément... d'où le débat. Mais soit que l'on invoque l'article 144 soit, plus largement que l'on revienne au droit commun et que l'on invoque l'article 423, en toute hypothèse, l'officier d'état civil n'a pas à contester le texte visé. Seules les juridictions judiciaires pourront se prononcer, sur la pertinence du fondement. Ce qui nous amène précisément à nous interroger sur ce fondement et sur le bien fondé de l'opposition. 2. LE MARIAGE HOMOSEXUEL EST ILLÉGAL DE LEGE LATA Il a fallu la loi de 1999 pour introduire le concubinage homosexuel. Il faudra bien une loi pour admettre le mariage homosexuel ! Mais laissons d'abord la parole à Demolombe à propos du mariage : « L'orateur du gouvernement a défini le mariage : la société de l'homme et de la femme

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qui s'unissent pour perpétuer leur espèce, pour s'aider par des secours mutuels à porter le poids de la vie, et pour partager leur commune destinée. » (Portalis) « On ne saurait exprimer en des termes plus nobles et plus vrais le double but du mariage : la procréation des enfants, la conservation de la race humaine, et cette communauté indivisible d'existence qui fait l'honneur et la moralité de l'union conjugale. Trois sortes d'intérêts recommandaient cette institution à la plus sérieuse sollicitude du législateur : 1° l'intérêt général de la société : le mariage est la source des famille ; or la société elle-même n'est que la réunion de toutes les familles ; le mariage est donc véritablement la base de tout ordre social (...) ». (Cours de code napoléon, Demolombe titre cinquième, du mariage). Tout est dit : en faisant de la procréation le premier but du mariage et de la constitution de la famille la base de l'ordre social il est clair que le Code civil, qui ne conçoit évidemment que la procréation naturelle ne peut envisager le mariage que comme l'union d'un homme et d'une femme. Cette évidence est telle qu'il n'est même pas besoin d'inscrire la condition de différence de sexe de façon explicite, autrement que dans l'article 144 au frontispice des qualités et conditions requises pour contracter mariage sous la formule : « l'homme avant dix huit ans révolus, la femme avant quinze ans révolus ne peuvent contracter mariage ». Tout le statut du mariage s'organise autour de cette évidence du couple hétérosexuel qui a vocation à fonder une famille, (même si l'impuissance ou la stérilité ne sont pas des causes de nullité du mariage, alors que l'ancien droit considérait l'impuissance comme un empêchement dirimant et le droit canonique aussi) d'une part, mais aussi d'un couple où s'affirme la supériorité de l'homme sur la femme (puissance maritale et puissance paternelle, femme incapable, femme tenue de suivre le mari en tout lieu où il choisira d'aller, femme dépendante économiquement). Et si l'évolution législative a consacré l'égalité des sexes dans le mariage, elle n'a pas encore consacré l'identité des sexes. Le principe de la différence de sexe en mariage est donc implicitement contenu dans le Code civil de façon encore plus sûre que le principe de l'indisponibilité du corps humain ou encore celui de l'indisponibilité de l'état de la personne, qui interdit le changement de sexe, sauf en cas de transsexualisme avéré sous la pression de la Cour européenne des droits de l'homme. La jurisprudence française, bien qu'elle n'ait pas encore été directement confrontée à cette question du mariage homosexuel, confirme, par les solutions adoptées à propos du mariage du transsexuel, que le mariage entre personnes de sexe identique est prohibé : si le mariage du transsexuel est possible, c'est seulement parce que la mention du changement de sexe est inscrite à l'état civil de sorte que, juridiquement les époux sont bien de

sexe différent, même si leur sexe biologique est identique (TGI Paris, 13 déc. 1983 et CA Paris, 17 févr. 1984 : D. 1984, p. 350, note M.-L. Rassat ; RTD civ. 1985, p. 135, obs. J. Rubellin-Devichi). Jusqu'à présent, la Cour européenne des droits de l'homme ne semble pas vouloir condamner les États qui exigent une différence de sexe entre les futurs époux. Elle a considéré en effet que l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme visait le mariage traditionnel entre deux personnes de sexe biologique opposé et qu'à partir de là, les différences de législations entre les États étaient tolérables. Toutefois, elle a ensuite décidé qu'en subordonnant le mariage à la considération du sexe de naissance et non modifié et donc, en ne permettant pas la reconnaissance juridique de la nouvelle identité sexuelle, le droit anglais portait une atteinte substantielle au droit de se marier (CEDH, 11 juill. 2002, Goodwin c/ Royaume-Uni : Dr. famille 2002, comm. 133, note A. Gouttenoire-Cornut ; AJ famille 2002, n° 12, p. 413, note F. Granet ; RJPF nov. 2002, p. 14 note A. Leborgne). La Cour de justice des communautés européennes, au prix d'un raisonnement complexe destiné à faire entrer la question dans le champ de sa compétence et en se fondant sur l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins, s'est d'ailleurs également prononcée en faveur du mariage du transsexuel pour donner accès à celui-ci à une pension de réversion (CJCE, 7 janv. 2004, aff. n° C-117/01, K. B. c/ Royaume Uni : Dr. famille 2004, comm. 62, note A. Gouttenoire). Mais il s'agit du mariage du transsexuel, c'est-à-dire de celui qui, précisément, affirme la certitude de sa différence de sexe par rapport à son partenaire, malgré l'identité biologique des sexes. Et la Cour européenne ne sanctionne en définitive que le fait de refuser de prendre en compte la nouvelle identité sexuelle ; elle ne remet pas en cause la condition de différence de sexe et réserve ainsi le cas du mariage homosexuel. En l'état du droit positif, donc, le mariage homosexuel est illégal en droit français et la Cour européenne n'a pas condamné cette situation. La seule question qui peut se poser n'est donc pas celle de la légalité du mariage homosexuel ou de sa conformité à des normes supérieures à la loi, mais celle de savoir si le principe de la différence de sexe est désuet, obsolète et s'il doit disparaître. Il appartiendrait alors au seul législateur, à l'issue d'un débat démocratique de rendre légal le mariage homosexuel. Les obstacles sont-ils irréductibles ? 3. LE MARIAGE HOMOSEXUEL DE LEGE FERENDA : DES OBSTACLES IRRÉDUCTIBLES ? Si l'on devait admettre le mariage des homosexuels, de deux choses l'une : ou bien les homosexuels seraient intégrés par l'institution du mariage, ou bien c'est l'institution du mariage qui serait désintégrée.

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Il existe en effet deux façons concevables d'ouvrir le mariage aux homosexuels : -soit en admettant le droit des homosexuels à fonder une famille, qu'ils recourent à l'adoption (il faudrait là encore changer la loi) ou à la procréation assistée (ce qui créerait en l'état actuel des techniques médicales une discrimination entre les couples d'hommes et de femmes homosexuels...). Le mariage serait alors le même pour tous, à la fois moyen de reconnaissance sociale et creuset de la famille et d'un réseau de relations personnelles et patrimoniales qui n'auraient pas à être sensiblement modifiées. Les homosexuels seraient alors intégrés par le mariage-institution ; -soit on refuse le droit des homosexuels à avoir des enfants, ce qui ne leur ferme pas pour autant la voie du mariage. La procréation n'est plus aujourd'hui la première des finalités du mariage et la Cour européenne a dissocié le mariage de la procréation. Mais comment justifier alors la discrimination entre ceux qui auraient le droit à l'enfant et ceux qui ne l'auraient pas si ce n'est en créant deux mariages : l'un pour les couples homosexuels et l'autre pour les couples hétérosexuels, ou en opérant un gigantesque retour en arrière et en interdisant la procréation artificielle, voire même l'adoption, le critère redevenant celui de l'aptitude naturelle à procréer ? Ou bien encore, il faudrait transformer le mariage en une simple union personnelle et patrimoniale entre deux personnes, à finalité de reconnaissance sociale et dissocier le droit à fonder une famille du droit au mariage. Est-ce bien réaliste ? Outre que ce n'est évidemment pas ce que veulent les couples homosexuels, qui revendiqueront le droit à l'enfant dans le cadre du droit au mariage, et qui recherchent effectivement un mariage au sens traditionnel, l'institution du mariage pour ne pas être dénaturée se trouverait proprement désintégrée. Dès lors, seule la première solution parait concevable : ouvrir au couple homosexuel le mariage tel qu'il existe actuellement. Est-on prêt cependant en France à accepter ce bouleversement fondamental alors que le Conseil d'État continue à refuser l'agrément à l'adoption au candidat homosexuel ? Ne faudrait-il pas d'abord commencer par là et considérer qu'il vaut peut-être mieux pour un enfant grandir dans l'amour et l'affection sincères de deux personnes et la sécurité matérielle (et de ce point de vue là, le risque de l'adoption n'est pas moindre parce que les adoptants sont de sexe différent), que dans des familles d'accueil ou des institutions ? Pour l'heure, le mariage célébré par le maire de Bègles au mépris de l'opposition n'est pas nul de ce seul fait (CA Paris, 20 juin 1995 : Juris-Data n° 1995-022256). Il restait encore à l'autorité judiciaire le soin de décider s'il devrait être annulé. C'est chose faite. À l'heure où ses lignes sont sous presse, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a annulé le mariage considéré (26 juillet 2004) sur

le fondement de l'article 144 du Code civil. La décision a été frappée d'appel. Le débat ne fait que commencer. Recueil Dalloz 2006 p. 1253 Le droit français et les mariages homosexuels étrangers Hugues Fulchiron, Doyen de la Faculté de droit, Université Jean Moulin Lyon 3, directeur du Centre de droit de la famille Après les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne et le Canada ont ouvert le mariage aux personnes de même sexe. Si le droit français maintient l'interdit, se pose cependant la question de la réception en France des mariages homosexuels célébrés à l'étranger. Il convient tout d'abord de se demander si de telles unions peuvent être qualifiées de mariage au sens du droit français. Ne correspondent-elles pas plutôt à une sorte de partenariat enregistré ? Si l'on admet la qualification de mariage, reste à savoir quels effets elles produiront en France, ce qui suppose que l'on examine d'abord leur validité au regard des lois applicables, et, surtout, que l'on s'interroge sur la réaction de l'ordre public français en matière internationale. La question est d'autant plus délicate que toute réponse doit prendre en compte l'impact des droits fondamentaux et de la jurisprudence de la Cour européenne, mais aussi l'influence du droit communautaire et de la jurisprudence de la CJCE. Avec le recul du temps, la multiplication des couples de personnes de même sexe en Occident apparaîtra sans doute comme un des phénomènes marquants de la fin du XXe et du début du XXIe siècle. Non que des couples homosexuels n'aient pas existé par le passé (1) ; mais la réprobation sociale qui entourait l'homosexualité et, parfois, la répression pénale qui la frappait les rendaient exceptionnels et commandaient qu'ils fussent socialement et, surtout, juridiquement invisibles. La tolérance manifestée par les sociétés occidentales contemporaines a conduit à l'abolition des sanctions pénales même si cette disparition est récente (2) et que la Cour européenne des droits de l'homme a dû peser de tout son poids pour vaincre les dernières résistances (3). Au-delà de la liberté et de l'égalité reconnues aux homosexuels en tant qu'individus, certains Etats ont estimé juste et nécessaire de construire des statuts pour les couples de même sexe. Il est vrai que la revendication se faisait d'autant plus forte qu'elle s'appuyait sur la dynamique des droits fondamentaux. Dans un premier temps, il ne fut question que de créer pour les couples de même sexe un statut légal qui leur ouvrirait un certain nombre de droits civils, sociaux et fiscaux. Parti des pays scandinaves, le mouvement s'est peu à peu étendu en Europe, en Amérique du Nord et en Australie. A vrai dire, les règles mises en place sont très diverses : véritable statut plus ou moins copié sur le mariage ou simple

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cadre largement offert aux volontés individuelles, partenariat ouvert à tous les couples ou réservé aux couples homosexuels, etc. (4). Toutes ces institutions se rejoignaient cependant sur un point essentiel : elles étaient construites à côté du mariage, conçu comme l'union légalement consacrée de l'homme et de la femme. Bientôt apparut cependant une nouvelle revendication : l'ouverture du mariage lui-même aux couples homosexuels. Une telle mesure est parfois présentée comme l'aboutissement logique et nécessaire d'une évolution naturelle : de même que le partenariat est accessible à tous les couples, homo et hétérosexuels, de même le mariage doit être possible pour tous. Le respect des libertés individuelles, le refus des discriminations, l'égalité entre les couples l'exigeraient. Le premier pays à briser le consensus fut, on le sait, les Pays-Bas (5), suivi par la Belgique (6), par l'Espagne (7) et par le Canada (8), alors que le débat fait rage aux Etats-Unis. A l'évidence, cette ouverture pose de délicats problèmes de droit international privé, tant il est vrai que, dans un monde où les personnes circulent, vivent et meurent en pays étranger avec leurs droits, leurs biens et leurs statuts, la reconnaissance de telles unions dans un pays donné ne peut qu'avoir des répercussions dans les autres pays. D'autant que certains pays entendent assurer le rayonnement de leurs choix nationaux grâce à des règles de droit international privé particulièrement souples. Ainsi, le législateur néerlandais ouvre-t-il toutes grandes les portes du mariage homosexuel aux étrangers : pour que le mariage soit valablement célébré aux Pays-Bas, il suffit que l'un des époux soit hollandais ou réside habituellement aux Pays-Bas. Peu importe qu'un tel mariage soit interdit par la loi nationale de l'un(e)... ou des deux époux(ses) : dès lors que l'un des intéressés est de nationalité néerlandaise ou qu'il réside aux Pays-Bas, les conditions de validité du mariage sont régies par la loi néerlandaise (9). Franchissant un pas de plus, le nouveau droit international privé belge érige plus ou moins l'admission du mariage homosexuel en principe d'ordre public : la loi nationale étrangère est écartée si elle prohibe le mariage homosexuel alors que l'un des intéressés a la nationalité d'un Etat ou a sa résidence habituelle sur le territoire d'un Etat dont le droit permet un tel mariage (10). Deux Français(es) résidant en Belgique pourront donc se marier sur le territoire belge (11). Reste à savoir quels effets produiront de telles unions en France. Pour répondre à la question, il convient de bien distinguer les deux étapes du raisonnement de droit international privé : le temps de la qualification précède nécessairement (I) celui d'une éventuelle reconnaissance (II). I - Qualification d'une union homosexuelle célébrée à l'étranger

Une union célébrée en Espagne, en Belgique ou aux Pays Bas, en tant que mariage entre deux personnes de même sexe, entre-t-elle dans la catégorie mariage au sens du droit international privé français ? Il est traditionnellement admis que les catégories du droit interne doivent être élargies en droit international privé pour recevoir les institutions étrangères qui ne lui correspondent pas vraiment (A). Mais, dans le cas du mariage homosexuel, s'agit-il seulement d'un élargissement ? La nature même du mariage n'est-elle pas en cause, ce qui interdirait toute qualification matrimoniale (B) ? A - Elargissement de la catégorie française de mariage aux unions homosexuelles ? Il est de tradition en droit international privé d'élargir les catégories du for pour y faire entrer des institutions étrangères que le droit interne ne connaît pas ou dont les formes et les modalités diffèrent. Ainsi, la catégorie mariage est-elle traditionnellement ouverte à la polygamie, alors même que le droit interne prohibe une telle union. La tentation est grande de suivre le même raisonnement à propos du mariage homosexuel. Mais, dans le cas du mariage polygamique, nul ne doute qu'il s'agit bien d'un mariage : seule est en cause la pluralité de liens qui tranche avec le caractère monogamique du mariage français. Il n'en va pas de même d'une union entre deux personnes de même sexe. Il ne s'agit plus d'un simple élargissement des catégories du droit interne pour y faire entrer telle ou telle modalité particulière du mariage : la nature même du mariage est en cause. Admettre de recevoir en tant que mariage une union homosexuelle, c'est admettre que le mariage puisse ne plus être par essence l'union de l'homme et de la femme consacrée par la loi. Le mariage ne serait plus qu'une forme juridiquement organisée de vie en couple (un peu plus complète, un peu plus protectrice, un peu plus exigeante ?), une forme parmi d'autres (12), qui, dès lors, pourrait être ouverte aux couples de sexe différent comme aux couples de même sexe. Au-delà de la catégorie « mariage » du droit international privé français, c'est donc la définition même du mariage en droit français qui serait indirectement transformée. Renversant la perspective traditionnelle qui veut que les catégories du droit international privé ne soient, sous réserve de quelques adaptations, que la projection sur le plan international des institutions du droit interne, la catégorie mariage du droit interne serait indirectement mais radicalement modifiée sous l'action du droit international privé. Si l'on s'en tient à la définition française du mariage, reste à savoir comment analyser l'union homosexuelle contractée à l'étranger. B - Inexistence du mariage homosexuel étranger et requalification en partenariat ? Reprenant une analyse développée jadis à propos d'unions qui auraient été célébrées « accidentellement

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» entre personnes de même sexe, on s'est demandé si de tels « mariages » ne seraient pas inexistants aux yeux du droit français (13). Dès lors en effet que manque un élément essentiel à l'union matrimoniale, élément naturel (la différence de sexe), élément volontaire (absence totale de volonté) ou élément formel (absence complète de célébration), on a prétendu que le mariage ne serait pas nul mais inexistant. Il n'aurait donc pas à être annulé ; à aucun moment il ne pourrait produire d'effet. La théorie de l'inexistence n'a jamais été expressément consacrée en droit français, ne serait-ce que parce que celle des nullités semblait suffisante. Mais, dans une hypothèse inconnue jusqu'ici, où manque une donnée qui entre dans la définition même du mariage, la théorie de l'inexistence retrouverait tout son intérêt (14). Transposée dans l'ordre international, cette analyse conduirait à refuser à l'union homosexuelle la qualification de mariage au sens du droit français. Elle ne pourrait donc être accueillie en tant que tel enFrance. Pour autant, cette union ne serait pas nécessairement privée de tout effet. De fait, s'il n'y a pas mariage more gallico, il y a union de deux personnes contractée selon certaines formes et à laquelle le droit étranger attache un certain nombre de conséquences. Or, il est une catégorie du droit français qui peut accueillir une telle réalité juridique : celle des partenariats enregistrés. Le « mariage » homosexuel étranger pourrait donc être « requalifié » en partenariat. Une fois requalifiée, l'institution devrait être soumise aux règles de rattachement correspondant à la catégorie qui lui est assignée par le droit international privé français. S'agissant d'un partenariat, on appliquerait, si l'on suit

une doctrine semble-t-il majoritaire (15), la loi du lieu où l'union a trouvé sa source : le «mariage » étranger produirait donc les effets attachés à un partenariat enregistré étranger. Certes, la solution n'est pas dépourvue d'ambiguïté : la loi étrangère sera appliquée plus ou moins contre elle-même et, par définition, il n'y a pas eu d'enregistrement (16). Elle présente cependant l'avantage de maintenir l'institution sous l'empire de la loi étrangère, qui correspond sans doute mieux aux attentes des parties qu'une loi dont ils ignorent, lorsqu'ils se « marient », qu'elle est susceptible de s'appliquer un jour. Resterait bien sûr à apprécier le jeu de l'ordre public (17). Une autre solution, moins rigoureuse il est vrai, consisterait à requalifier le « mariage » étranger ou partenariat « à la française », i.e. en PACS : l'union contractée à l'étranger produirait donc en France les effets d'un PACS français. Le principe d'une requalification peut s'appuyer sur des exemples étrangers : ainsi l'article 45 de la loi DIP suisse affirme-t-il qu' « un mariage valablement célébré à l'étranger entre personnes de même sexe est reconnu en Suisse en tant que partenariat enregistré »

(18). Il n'est cependant pas certain qu'il l'emporte en France. La réponse apportée par le garde des Sceaux à une question relative aux effets en France d'un mariage homosexuel célébré à l'étranger n'évoque même pas le problème (19). Après une affirmation liminaire selon laquelle « au sein de l'Union européenne le droit du mariage reste entièrement régipar les lois nationales », il n'est plus question que de règles de rattachements. Le problème de qualification est résolu sans être posé : apparemment il s'agirait bien d'un mariage puisque les rattachements évoqués sont ceux du mariage : article 310 du code civil pour le divorce, convention de La Haye (?) pour les régimes matrimoniaux (20), etc. Si la qualification de mariage s'imposait, resterait à savoir quels effets produirait en France une telle union. II - Effets en France d'un mariage homosexuel célébré à l'étranger Si l'on acceptait de faire entrer dans la catégorie « mariage » l'union entre deux personnes de même sexe célébrée à l'étranger, encore faudrait-il que ledit « mariage » ait été valablement contracté quant à la forme et surtout quant au fond. Encore faudrait-il également apprécier la réaction de l'ordre public français en matière internationale face à une telle union. A - Validité du mariage homosexuel célébré à l'étranger Conformément aux règles françaises de droit international privé, les conditions de forme du mariage sont soumises à la loi du lieu de célébration, qui par définition admet le mariage homosexuel ; les conditions de fond sont, elles, régies par la loi nationale des époux : loi nationale commune ou loi nationale de chacun des époux. La différence de sexe intéressant le lien matrimonial lui-même, il y aura lieu, dans cette dernière hypothèse, à application cumulative des lois nationales. On vérifiera donc l'absence d'empêchement dans les deux lois. Quid si la loi nationale d'un des époux n'admet pas le mariage entre personnes de même sexe, mais que, en vertu des règles de droit international privé édictées par l'Etat du pays de célébration, le mariage peut cependant être valablement contracté sur son territoire ? Soit, par exemple, un mariage célébré à Amsterdam entre un Français et un Néerlandais ou un mariage contracté entre deux Italiens résidant habituellement en Belgique. L'union a certes été valablement célébrée au regard des règles de droit international privé néerlandais et belge (21), mais elle ne pourra produire effet en France : en droit international privé français, seules sont compétentes les lois nationales des intéressés ; or, l'une d'elles interdit le mariage entre personnes de même sexe. La question est plus délicate en cas de double nationalité. Deux situations peuvent se présenter. En cas de concurrence de la nationalité française et d'une nationalité étrangère, la solution semblait jusque-là s'imposer : sauf circonstances particulières, les

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autorités françaises tenaient compte de la seule nationalité française. Le mariage serait donc privé de tout effet en France. Le célèbre et contesté arrêt Garcia Avello (22) de la Cour de justice des Communautés européennes, rendu le 3 octobre 2003, bouscule les certitudes. On sait en effet que, dans cette décision rendue en matière de nom de famille, la CJCE a semblé affirmer au nom des articles 12 CE (principe de non-discrimination fondée sur la nationalité) et 17 CE (citoyenneté européenne) que les autorités d'un Etat membre ne pouvaient priver un de leurs nationaux des droits dont il était titulaire en vertu de la loi d'un autre Etat membre dont il possède la nationalité. On pourrait en conclure que les autorités françaises ne peuvent priver un double national hispano-français ou belgo-français des droits qui lui sont ouverts par la loi espagnole ou par la loi belge. Et, comme l'arrêt Garcia Avello ne se réfère pas à la nationalité effective (en l'espèce, la situation présentait les liens les plus étroits avec la Belgique puisque l'enfant concerné était né et vivait en Belgique), on peut se demander si l'issue d'un tel conflit n'est pas laissée aux volontés individuelles, ce qui ouvrirait la porte à la reconnaissance du mariage homosexuel en France. En cas de concurrence de deux nationalités étrangères, l'impact de l'arrêt Garcia Avello pourrait être tout aussi ravageur. Soit un double national germano-belge qui se marie en Belgique avec un ressortissant belge. Le mariage est valable au regard du droit belge. Appelé à apprécier la validité du mariage, les autorités françaises feront-elles prévaloir la nationalité belge ? En principe, s'il y a conflit entre deux nationalités étrangères, la nationalité effectivedevrait l'emporter. Si la nationalité belge apparaît comme la nationalité effective, il conviendrait de conclure à la validité du mariage. Si la nationalité allemande l'emporte, le mariage devrait être considéré comme nul au regard du droit français. Dans cette hypothèse, cependant, ne pourrait-on prétendre, au vu de la jurisprudence Garcia Avello, que le conjoint germano-belge est en droit d'imposer aux autorités françaises le respect des droits que lui ouvre la loi belge ? Une fois franchi l'obstacle des lois applicables, se pose cependant la question de la conformité d'une telle union à l'ordre public français en matière international. B - Réaction de l'ordre public français en matière internationale face au mariage homosexuel célébré à l'étranger La question peut être abordée de deux façons. L'une, traditionnelle, repose sur la théorie classique de l'effet atténué de l'ordre public français en matière internationale. L'autre, qui semble avoir les faveurs de la jurisprudence et du législateur contemporains, conduit à raisonner en termes de proximité. Selon une approche classique, il convient de distinguer la création d'une situation en France et

l'accueil en France d'une situation valablement créée à l'étranger. Dans le premier cas, l'ordre public français en matière internationale réagit pleinement : le mariage homosexuel ne pourra être valablement célébré en France. Mais, face à une situation valablement créée à l'étranger, en conformité avec les lois compétentes et sans esprit de fraude, la réaction de l'ordre public sera « atténuée » : seront refusés les seuls effets qui heurtent par trop les principes

fondamentaux du for (23). Ainsi est-il traditionnellement admis que, si l'on ne peut célébrer en France une union polygamique, un tel mariage, s'il a été valablement célébré à l'étranger, peut produire

certains effets en France (24). Certes, le mari ne pourrait pas invoquer le respect de l'obligation de vie commune ; mais, s'il décède, ses épouses viendront à la succession en tant que conjoints survivants. Il appartient au juge d'apprécier au cas par cas, selon l'effet revendiqué. Appliqué au mariage homosexuel, ce raisonnement conduirait à distinguer entre les effets recherchés : ceux qui ne heurtent pas directement l'ordre public se produiront ; les autres seront refusés. Cette position, largement partagée en doctrine (25), a reçu l'onction d'une réponse ministérielle (26). Elle mérite cependant d'être discutée (27). Tout d'abord, il convient d'en souligner les difficultés de mise en oeuvre. Comment en effet faire le tri entre les « bons » et les « mauvais » effets ? Sans doute laisserait-on se produire les conséquences du mariage en matière de succession (ne faut-il pas protéger le concubin survivant ?) ou de régimes matrimoniaux (n'est-il pas équitable que les époux partagent, sauf volonté contraire, les fruits d'une vie commune ?) ; quant à l'obligation solidaire pour les dettes de la vie commune, elle protège les tiers autant que les époux ; elle a d'ailleurs été transposée dans le PACS). Et quidpour les droits sociaux et le droit fiscal : en quoi, dira-t-on, y a-t-il atteinte à l'ordre public alors qu'il n'est question que d'équité et de solidarité ? Resteraient les obligations personnelles : fidélité, secours, assistance. Mais on ne manquera pas de faire observer qu'il est étonnant de prohiber les seuls effets qui donnent à l'union une dimension qui ne soit pas purement matérielle. Raisonner en termes d'effet atténué risque en fait de conduire à s'enfermer, paradoxalement, dans le tout ou rien. Ou bien on considère que la situation est en elle-même choquante au regard des principes fondamentaux du droit français ; dans ce cas, la situation ne saurait produire aucun effet. Ou bien, tout en prétendant mesurer chaque effet à l'aune de l'ordre public français en matière internationale, on laisse produire à l'union tous ses effets, tant il est vrai qu'on ne voit guère ceux qui pourraient en être refusés. La théorie de l'effet atténué risque de n'être

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qu'un chaste voile jeté sur une réception générale du mariage homosexuel. Selon une approche plus contemporaine, la réaction de l'ordre public varie en fonction de l'intensité des liens que la situation en cause présente avec l'ordre juridique français : plus ces liens seront étroits, plus la réaction de l'ordre public sera rigoureuse (28). La jurisprudence française a fait plusieurs applications de cet « ordre public de proximité ». Ainsi, a-t-elle affirmé que la loi étrangère qui prohibe l'établissement d'une filiation hors mariage est contraire à l'ordre public français en matière internationale, dès lors que son application aurait pour effet de priver un enfant français ou résidant habituellement en France du droit d'établir sa filiation (29). Plus récemment, la Cour de cassation a fait usage de l'ordre public de proximité pour faire barrage aux répudiations musulmanes prononcées à l'étranger (30). Appliquée au mariage homosexuel, cette jurisprudence conduirait à refuser de laisser produire effet à une telle union en France dès lors que la situation présente des liens étroits avec l'ordre juridique français. Ainsi, si l'un des époux, double national, a la nationalité française, son mariage, fût-il valable par transposition de la jurisprudence Garcia Avello (préc.), pourrait ne pas produire d'effet en France. Mais faudrait-il en décider de même si les deux époux ou l'un d'eux résident habituellement en France ? On saisit alors les limites du raisonnement. Soit deux Belges qui résident habituellement en France et se marient en Belgique ; refusera-t-on de laisser produire effet à leur union en raison des liens étroits que la situation entretient avec la France ? Vivant en France, les intéressés doivent-ils se conformer aux principes qui gouvernent l'ordre juridique français ? A nouveau, le risque est grand de s'enfermer dans un tout ou rien... dont le tout a de fortes chances de sortir vainqueur. Surtout, il n'est pas certain que le résultat recherché soit atteint. De fait, refuser de laisser produire effet à un mariage entre personnes de même sexe valablement célébré à l'étranger ne pourrait-il être considéré comme contraire au droit au respect de la vie privée et au principe de non-discrimination à raison de l'orientation sexuelle ? Certes, la Cour européenne s'est gardée jusqu'à ce jour de se prononcer directement ou indirectement en faveur du mariage homosexuel. On a même pu dire qu'elle mettait en avant une conception assez traditionnelle du mariage (31), y compris dans les hypothèses les plus controversées, celles du mariage d'un transsexuel. Dans le célèbre arrêt Goodwin c/ Royaume-Uni (32), la Cour s'est déclarée en faveur d'un tel mariage au motif notamment qu'il ne faut pas se contenter de données biologiques pour caractériser le sexe de la personne. Mais c'est dire que la différence de sexe

reste une condition essentielle du mariage. Encore faut-il souligner que, dans une curieuse excroissance de son raisonnement, la Cour fait également référence à l'article 9 de la Charte européenne des droits fondamentaux dont elle souligne qu'elle reconnaît le droit de se marier en excluant « la référence à l'homme et la femme » (33). Certains affirmeront sans doute que refuser de reconnaître une situation valablement créée à l'étranger, en conformité avec les principes directement ou indirectement posés par la Convention européenne des droits de l'homme, ses protocoles additionnels ou tel ou tel autre texte de référence, constitue une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle puisque, selon les pays, les intéressés seront ou non reconnus comme époux. On répondra que, au regard de l'Etat de référence, les couples de même type sont traités de la même façon. Au demeurant, traiter différemment les couples de même sexe et les couples de sexes différents ne manque pas de justifications objectives et raisonnables, ce, que l'union soit née dans le pays en cause ou dans un autre Etat (34). De même, le refus du mariage homosexuel étranger risque fort de se heurter aux principes du droit communautaire. Certes, il n'est pas question d'imposer aux Etats membres le mariage homosexuel. D'autant que, sur cette question, la CJCE a opté elle aussi pour une conception « traditionnelle » du mariage (35). On sait cependant que l'article 9 de la Charte de Nice ne pose pas l'exigence d'une différence de sexe. Or, le silence observé sur ce point n'a rien de fortuit : les rédacteurs de la Charte ont souhaité laisser libres les Etats. La multiplication des Etats qui inscrivent dans leur loi le mariage homosexuel ne remet pas en cause la liberté des autres Etats de le refuser, mais elle fragilise les raisonnements fondés sur le consensus ou la conception « communément admise » dans les Etats membres. Surtout, elle pose crûment la question de la réception dans les autres Etats membres des unions homosexuelles valablement célébrées dans un Etat membre. Dans un espace de libre circulation des hommes et des biens, où règnent liberté, sécurité et prévisibilité, ne pourrait-on prétendre que le fait de ne pas traiter comme des époux deux Néerlandais(es) ou deux Espagnols(es) qui se sont valablement mariés dans leur pays, conformément à leur loi nationale, et qui s'installent en France ou en Allemagne, y vivent, y travaillent, y acquièrent des biens, s'y séparent ou y meurent, déçoit leurs attentes légitimes, fait obstacle à leur liberté de circulation (la prohibition du mariage homosexuel constituerait-elle une entrave au bon fonctionnement du marché intérieur ?), ou constitue une inégalité de traitement prohibée dans l'espace communautaire ? De plus, qui peut prédire la position qu'adopterait la CJCE si elle était saisie d'une demande d'interprétation du terme « lien matrimonial » au sens du règlement Bruxelles 2 bis relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des

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décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. Si le juge français saisi d'une demande de divorce par un couple homosexuel était contraint, par une interprétation extensive du règlement, de statuer sur la demande en divorce d'un couple homosexuel, sans pouvoir opposer son ordre public international, le mariage homosexuel rentrerait bon gré mal gré, et fût-ce en l'espèce pour disparaître, dans l'ordre juridique du for. Or, faire entrer le mariage homosexuel dans les systèmes juridiques nationaux par les voies indirectes du droit international privé n'est qu'une façon de les « acclimater » et d'agir par contrecoup sur le droit interne. Certes, contrairement à ce que d'aucuns aimeraient laisser croire, la contagion du modèle le plus libéral n'est pas une fatalité (36) : il appartient à chaque Etat de définir les bases de son ordre public familial, dans le respect des droits fondamentaux et du droit communautaire. Encore faut-il se garder d'une utilisation abusive des droits fondamentaux (37) et, plus encore peut-être, d'une transposition pure et simple au droit des personnes et de la famille de principes communautaires conçus pour des questions d'une tout autre nature. Le problème de la réception ou du rejet des mariages homosexuels étrangers paraît donc pour le moins complexe. Le pire serait certainement de le traiter en oubliant de poser les questions de fond. D'autant que les difficultés renaîtront, irréductibles, lorsque le juriste qui avait cru échapper aux interrogations suscitées par le mariage entre personnes de même sexe se trouvera confronté à la question de l'homoparentalité (38).

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II. LES EFFETS DU MARIAGE A – Les rapports personnels Cass. civ. 1ère 08 juin 1999, n° 97-15520 Attendu que l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 30 janvier 1997) a, sur la demande du ministère public, annulé le mariage de M. Alain Richefeu, de nationalité française, et de Mlle Saadia El Ghalmi, de nationalité marocaine, célébré le 27 avril 1993, au motif qu'il n'a été célébré que pour permettre la régularisation de la situation administrative de la femme, en l'absence de toute intention matrimoniale ; Sur le premier moyen : Attendu que les intéressés font grief à cet arrêt d'avoir ainsi statué, alors que, selon le moyen, en déniant toute validité à l'union litigieuse pour l'unique raison que l'absence de cohabitation aurait été révélatrice d'un défaut d'intention matrimoniale, sans relever d'autres éléments de nature à établir la volonté délibérée des époux de se soustraire aux conséquences légales du mariage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 108, 146 et 215 du Code civil ; Mais attendu qu'il ressort de ces textes que si les époux peuvent avoir temporairement des domiciles distincts, notamment pour des raisons professionnelles, l'intention matrimoniale implique la volonté d'une communauté de vie ; qu'après avoir relevé que, postérieurement au mariage, Saadia El Ghalmi ne vivait pas avec son mari, mais avec un tiers, la cour d'appel en a souverainement déduit que l'intention matrimoniale faisait défaut ; que le moyen n'est donc pas fondé PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne les demandeurs aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des demandeurs Cass. Civ. 1ère 16 juill. 1986, n° 85-11720 Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, en fixant la contribution de M. Kleinmann aux charges du mariage, omis de préciser la nature et l'importance des dépenses incombant à celui-ci et évalué ladite contribution à partir de ses revenus sans en déduire les impôts qui les frappent, alors que, aux termes de l'article 214 du Code civil, les époux doivent contribuer aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que les facultés de chacun d'eux sont déterminées en fonction de ses ressources et des dépenses lui incombant ; Mais attendu qu'en indiquant que c'est en fonction des ressources et des dépenses de chacune des parties qu'elle a fixé la contribution aux charges du mariage de M. Kleinmann, la Cour d'appel a implicitement mais nécessairement examiné la nature et l'importance des dépenses de ce dernier, et tenu compte des impôts qu'il supportait pour apprécier ses revenus ; que, par suite, le premier moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen : Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir violé par fausse application les dispositions de l'article 208 du Code civil en indexant la contribution de M. Kleinmann aux charges du mariage au profit de son épouse sur l'indice INSEE des prix à la consommation, alors que, selon le pourvoi, ladite contribution n'a pas un caractère alimentaire ; Mais attendu que, si la contribution aux charges du mariage est distincte, par son fondement et par son but, de l'obligation alimentaire, elle n'en doit pas moins être regardée comme une dette d'aliments au sens de l'article 79-3 alinéa 1er de l'ordonnance n°58-1374 du 30 décembre 1958 ; que le montant de la contribution en cause pouvait donc être indexé sur l'indice des prix à la consommation ; que le second moyen ne peut donc être accueilli ; PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI D. 2005, Chron.23, par L. Antonini- Cochin. - Etre ou ne pas être... fidèle, telle est aujourd'hui l'une des questions qui anime le droit du couple. La fidélité a en effet longtemps été considérée comme l'essence du mariage. Il suffit simplement pour en attester d'énoncer le « sacro-saint » article 212 du code civil, dont la rédaction est inchangée depuis 1804, aux termes duquel : « les époux se doivent mutuellement fidélité... » (1). L'existence même d'une telle obligation entre époux n' a donc jamais suscité de difficultés particulières, à la différence certes de son application (2). Mais le mariage n'est plus désormais la seule forme d'union reconnue par le droit. Le concubinage (3) et le pacte civil de solidarité (4) constituent des alternatives légales à l'institution matrimoniale, répondant ainsi à l'évolution des moeurs et de la société. 2 - Dès lors, dans un tel contexte de pluralisme juridique, il peut être opportun de s'interroger sur la place actuelle de la fidélité au sein du couple. Or, force est de constater que l'obligation de fidélité tend aujourd'hui à s'affaiblir dans le mariage (I), pour émerger avec vigueur, là où on l'attendait pas, à savoir dans le PACS (II). Tel est donc ce que l'on pourrait appeler le paradoxe de la fidélité.

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I - L'affaiblissement de l'obligation de fidélité dans le mariage 3 - Conçue à l'origine comme une obligation d'ordre public, partie intégrante du régime primaire applicable à tous les époux, l'obligation de fidélité tend aujourd'hui à s'essouffler puisqu'elle est non seulement moins contraignante, devenant alors une obligation « supplétive de volonté » (A), mais aussi moins sanctionnée en cas de non-respect (B). A - Une obligation « supplétive de volonté » 4 - L'exigence de fidélité, édictée par l'article 212 du code civil, perd en effet en pratique de sa force obligatoire entre les époux puisqu'ils peuvent désormais s'en délier par le biais de pactes de liberté. Certes de tels accords sont en principe nuls et inefficaces en raison du caractère d'ordre public du devoir de fidélité. Autrement dit, un tel pacte ne saurait être opposé à l'époux qui entend le dénoncer et exige à nouveau « l'exclusivité » si l'on peut dire (5). Toutefois la jurisprudence leur reconnaît un certain effet puisqu'elle considère que, pour le temps passé où il a été exécuté, il n'est pas interdit aux juges d'en tenir compte pour priver le cas échéant l'adultère de tout caractère injurieux. 5 - Deux décisions sont particulièrement significatives. - Tout d'abord, une décision du JAF de Lille qui a été largement commentée et qu'il convient simplement de rappeler (6). En l'espèce, le magistrat a homologué et donc validé une convention temporaire, dans un divorce sur requête conjointe, dans laquelle les époux se dispensaient mutuellement du devoir de fidélité pendant l'instance en divorce. - Enfin, plus récemment, la Cour d'appel de Grenoble (7) a retenu l'adultère commis par un époux, séparé de fait, pour prononcer le divorce à ses torts exclusifs considérant que la convention de séparation amiable conclue entre les époux ne comprenait aucune stipulation les dispensant de leur obligation de fidélité. De cette façon, la juridiction du fond admet a contrario la possibilité pour les conjoints d'une dérogation conventionnelle à une telle obligation ou tout au moins son effet dans une procédure de divorce. Ainsi, au regard de ces décisions, on assiste véritablement à une contractualisation du mariage et spécialement de l'obligation de fidélité (8). Certains auteurs n'hésitent d'ailleurs pas à parler de mariage à effets conventionnellement limités (9). Or cette notion n'est pas nouvelle. En effet, n'a-t-elle pas déjà été utilisée à propos des mariages simulés (10) ? Cette analogie laisse à penser... Privé de toute force obligatoire, le devoir de fidélité est dès lors moins sanctionné en cas de non-respect. B - Une obligation moins sanctionnée 6 - L'essoufflement de l'obligation de fidélité ne se matérialise pas uniquement par sa contractualisation. A cela s'ajoute en réalité un allégement voire parfois une disparition des sanctions encourues tant par l'époux infidèle (1) que par le complice de l'adultère (2). 1 - A l'égard de l'époux infidèle 7 - En la matière, l'évolution essentielle a en fait été opérée par la loi du 11 juillet 1975 portant réforme du droit du divorce. Elle s'est traduite de deux manières. D'une part, l'adultère a été dépénalisé. En effet, jusqu'alors, faut-il le rappeler, il constituait un délit inégalement sanctionné selon qu'il était commis par la femme ou le mari (11). Mais, d'autre part, l'adultère a cessé d'être une cause péremptoire de divorce, liant le juge (12). Désormais, en droit positif, le manquement à l'obligation de fidélité s'analyse en une simple faute civile susceptible de deux sanctions. Elle constitue, tout d'abord, une cause facultative de divorce laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond (13). La loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce n'a, semble-t-il, opéré aucune modification sur ce point (14). Le nouvel article 242 du code civil n'est pas novateur et rien ne laisse supposer que l'adultère ne constitue plus « une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage » qui rende intolérable le maintien de la vie commune au sens du nouveau texte (15). En outre, elle peut être le fondement d'une action en responsabilité civile aux fins de réparation du préjudice subi, intentée parallèlement à une instance en divorce ou non (16). L'atténuation des sanctions de l'infidélité à l'encontre de l'époux fautif est donc incontestable. Mais une telle libéralisation ne touche pas uniquement l'époux infidèle, elle se répercute inévitablement sur le complice de l'adultère. 2 - A l'égard du complice de l'adultère 8 - Les sanctions qui étaient à l'origine encourues par l'amant ou la maîtresse ont progressivement disparu. En premier lieu, une relation adultérine ne constitue plus un obstacle à l'obtention de dommages et intérêts en faveur du complice de l'adultère en cas de décès accidentel de l'époux infidèle (17). En second lieu, il est désormais acquis que les donations consenties à un(e) concubin(e) adultérin(e) sont valables (18). Enfin, l'entretien d'une relation avec une personne mariée n'est plus une faute susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur. Par deux arrêts (19), la Cour de cassation revient sur une solution classique qui considérait que l'adultère engage la responsabilité civile de ceux qui le commettent envers l'époux trompé, même en l'absence d'intention dolosive caractérisée (20). Toutefois, l'immunité civile de l'amant ou de la maîtresse n'est pas absolue puisque la Cour a réservé l'hypothèse d'une faute caractérisée constituée par une attitude créant le scandale, une intention de nuire spécifiquement au conjoint ou encore des manoeuvres visant à détourner l'époux. Ainsi toutes ces solutions jurisprudentielles paraissent bien traduire un essoufflement du devoir de fidélité à l'égard des tiers, à l'instar des époux. 9 - L'affaiblissement de cette obligation matrimoniale ne fait désormais aucun doute. Les raisons sont sans doute multiples (21). Certains sont d'ailleurs favorables à une obligation générale de bonne foi entre époux, marquant alors

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la contractualisation du mariage (22). Pour autant, toute idée de fidélité dans le couple n'a pas totalement disparu puisque, et ce paradoxalement, une telle exigence semble émerger dans le cadre du PACS. II - L'émergence de l'obligation de fidélité dans le PACS 10 - A côté du couple marié coexiste aujourd'hui le couple non marié qui peut lui-même revêtir deux formes : le concubinage et le pacte civil de solidarité. Or, si toute notion de fidélité est absente de l'union libre, comme son nom semble l'indiquer, la jurisprudence a, en revanche, admis une obligation de fidélité entre les partenaires (A) dont le manquement est sévèrement sanctionné juridiquement (B). A - La reconnaissance d'une obligation personnelle entre partenaires 11 - Etant conçu à l'origine essentiellement comme un contrat d'ordre patrimonial (obligation d'entraide mutuelle et matérielle, indivision... (23) ), le PACS n'était pas en principe censé engendrer d'effet personnel entre les partenaires. Pourtant, c'est en respectant parfaitement les termes de la loi et de la décision du Conseil constitutionnel (24) que le président du Tribunal de grande instance de Lille a reconnu, dans son ordonnance du 5 juin 2002, l'existence d'un devoir de fidélité au tout au moins de loyauté entre les partenaires (25). En l'espèce, rappelons-le, se sachant trompé, un partenaire saisit le magistrat pour demander la désignation d'un huissier de justice aux fins de constater l'infidélité de son compagnon. Or, pour faire droit à sa demande, le président de la juridiction se fonde sur un raisonnement juridique à la fois prévisible et irréprochable. Tout d'abord, en s'appuyant sur l'article 515-1 du code civil, définissant le pacte « comme un contrat ayant pour objet d'organiser la vie commune de deux personnes de même sexe ou de sexe différent », et sur la décision du Conseil constitutionnel, considérant la notion de vie commune comme incluant une vraie vie de couple, il en déduit que l'obligation de communauté de vie comprend non seulement une communauté de toit mais aussi une communauté de lit. Enfin, faisant cette fois application du droit des contrats et spécialement de l'article 1134 du code civil, il estime que, comme tout contrat, le PACS doit être exécuté de bonne foi. Dès lors, l'exécution de bonne foi du devoir de communauté de vie suppose de sanctionner toute forme d'infidélité entre les partenaires. Le syllogisme juridique est implacable. 12 - Cette décision, pour l'instant isolée, fait donc émerger une obligation de fidélité entre les partenaires qu'ils soient homosexuels (comme cela était le cas en l'espèce) ou hétérosexuels ; obligation qui ne fait que traduire l'exigence de loyauté entre les parties contractantes. Cependant elle se voit reconnue une portée particulière puisqu'elle est a priori d'ordre public au même titre que l'obligation de communauté dont elle découle. En d'autres termes, il ne serait donc pas possible d'y déroger... d'où la différence avec le mariage. Ainsi reconnue et dotée d'une force contraignante certaine, l'obligation de fidélité entre partenaires pourra donc être sanctionnée en cas de non-respect. B - Les sanctions encourues 13 - Outre la rupture du pacte à l'initiative du partenaire bafoué (26), deux sanctions spécifiques sont en fait envisageables en cas de violation de l'obligation de fidélité : la résiliation du PACS et l'octroi de dommages et intérêts. 14 - En effet, conformément à la décision précitée, l'infidélité peut être sanctionnée par la résiliation du pacte aux torts exclusifs du partenaire fautif. Une telle sanction n'a rien d'exceptionnel puisqu'il s'agit de la sanction classique prévue en droit des contrats en cas d'inexécution par l'une des parties des ses obligations contractuelles. Le PACS étant conçu comme un contrat sui generis, il est logique d'admettre sa résiliation en cas de manquement à l'obligation de fidélité ou de loyauté selon le terme choisi. Toutefois, il convient de préciser que cette action judiciaire longue relève de la compétence du tribunal de grande instance et son succès est certes subordonné à la preuve de l'adultère. Il appartiendra donc au partenaire trompé de rapporter la preuve et le cas échéant de demander la désignation d'un huissier de justice. Le constat d'adultère va renaître ici après avoir perdu tout ou partie de son intérêt pratique dans le mariage. 15 - Mais la résiliation n'est sans doute pas la seule sanction envisageable. Le droit commun de la responsabilité civile peut également être invoqué. Certes, il s'agira ici d'une responsabilité contractuelle permettant ainsi au partenaire victime d'obtenir des dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi (27). 16 - L'obligation de fidélité est donc, et ce de façon paradoxale, au coeur du couple. Certes affaiblie dans le mariage, elle semble au contraire se réserver un bel avenir en matière de PACS. Ainsi, aujourd'hui, dans un contexte où le débat sur l'avenir du mariage fait rage, et notamment son ouverture aux homosexuels, il peut être intéressant de constater que le mariage, institution souvent décriée, tend à devenir plus « libéral » et donc peut-être plus attractif que le PACS, tout au moins en ce qui concerne la fidélité (28) ? Quel retournement de situation… (1) Il convient toutefois de noter que le législateur n' a pas cru bon de définir la notion même de fidélité. Ce sont finalement la jurisprudence et la doctrine qui ont retenu une définition mais de l'infidélité. Celle-ci, faut-il le rappeler, est généralement entendue comme l'entretien avec un tiers d'une relation amoureuse (A. Bénabent, Droit civil, La famille, Litec, 10e éd., 2001, n° 158), soit physique (adultère), soit morale (une attitude intime avec un tiers peut être ressentie comme une injure par le conjoint) ou intellectuelle (CA Paris 13 févr. 1986, Gaz. Pal. 1986, 1, p. 216, note J.-G. M. : en l'espèce, la femme a été reconnue coupable d'infidélité du fait de relations ambiguës qu'elle entretenait avec un évêque). (2) Sur l'obligation de fidélité dans le mariage, V. en général : A. Bénabent, op. cit., n° 158 s.; J. Carbonnier, Droit civil, t. 2, La famille, Thémis, PUF, 16e éd., 1993, n° 58 ; G. Cornu, Droit civil, La famille, Domat, Droit privé, Montchrestien, 7e éd., 2001, n° 29 s.; P. Courbe, Droit de la famille, Armand Colin, 2e éd., 2001, n° 158 s. (3) Art. 515-8 c. civ. : « Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». V. sur le concubinage, A. Bénabent, op. cit., n° 520 s. ; P. Courbe, op. cit., n° 583 s. ; Droit de la famille, Dalloz Action, 2001/2002, n° 1042 à 1165.

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(4) Art. 515-1 et s. c. civ. Sur le PACS, cf. notamment Dalloz Action, (5) Cass. 2e civ. 15 avr. 1970, Bull. civ. II, n° 120.(6) TGI Lille, JAF, 26 nov. 1999, D. 2000, Jur. p. 254, note Labbée ; RT(7) CA Grenoble 3 mai 2000, Dr. famille, mars 2001, n° 28.(8) Cf., déjà en ce sens C. Philippe, Quel avenir pour la fidélité ?, Dr. famille 2003, p. 17.(9) V. M. T. Calais-Auloy, Pour un mariage à effets conventionnellemariage conclu sans obligation de fidélité... (10) V. C.-I. Foulon-Piganiol, Le mariage à effets conventionnellement limités, D. 1965, Chron. p. 9.(11) Ainsi le mari n'était punissable que d'une peine d'amende et seulement s'il entretenait sa maîtresse au domicile conjugal. En revanche, l'épouse, beaucoup moins bien lotie, était dans tous les cas punissable d'une peine d'emprisonnement qui atteignait d'ailleurtelle inégalité était alors expliquée par l'atteinte à l'état des enfants qu'emportait l'adultère de la femme.(12) Une seule cause péremptoire de divorce a été maintenue en 1975: « la condamnation à une peine afflictive et infamante »,termes de l'article 243 du code civil, à l'une des peines « prévues par l'article 13126 mai 2004 réformant le divorce a toutefois abrogé ce texte.(13) Art. 242 c. civ. : « Le divorce peut être demandé par un époux pour des faits imputables à l'autre lorsque ces faits constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune ». Le juge peurejeter la demande en divorce s'il estime que l'adultère commis par l'un s'explique et s'excuse par le comportement de l'autre ((14) JO 27 mai, p. 9319 ; D. 2004, Lég. p. 1565. Le texte est entré en vigueur le 1er janvier 2005.(15) En effet, l'article 242 nouveau prévoit que « le divorce peut être demandé lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commun(16) Art. 1382 c. civ. (17) La jurisprudence est acquise. Pour un exemple, cf. Cass. crim. 19 juin 1975, D. 1975, Jur. p. 679, note Tunc.(18) Cass. 1re civ. 3 févr. 1999, D. 1999, Jur. p. 267, rapport Savatier, note LangladeLemouland, et Chron. p. 351, par C. Larroumet ; RTD civ. 1999, p. 364 et 817, obs. Hauser, et p. 892, obs. Patarin ; JCP 1999Billiau et Loiseau ; 16 mai 2000, Dr. famille 2000, n° 102,n'est pas contraire aux bonnes moeurs la cause de la libéralité dont l'auteur entend maintenir la relation adultère qu'il ent; 29 janv. 2002, Dr. famille 2002, n° 64, note Lécuyer ; Cass. ass. plén. 29 oct. 2004, D. 2004, Jur. p. 3175, note D. Vigneau.(19) Cass. 1re civ. 4 mai 2000, RTD civ. 2000, p. 810, obs. Hauser ; JCP 2000, II, 10356, note Garé ; 5 juill. 2001, D. 2002,Delebecque ; RTD civ. 2001, p. 856, obs. Hauser, et p. 893, obs. Jourdain ; JCP 2002, II, 10139, note Houtcieff ; AJ Famille (20) Cf. en ce sens, A. Bénabent, op. cit., n° 159 ; G. Cornu, 25 juin 1980, Gaz. Pal. 1980, 2. Somm. p. 484. (21) Pour une tentative d'explication de ce phénomène, V. M. Villafamille, Droit et patrimoine 2000, n° 85 p. 88 s. L'obligation de fidélité entre époux a perdu de sa force contraignante en raison d'une remise encause de ses fondements classiques tant sociologique (évolution des mentalités) que biologique (égalité des filiations).(22) C. Philippe, op. cit., Dr. famille 2003, p. 17 s.(23) Art. 515-1 c. civ. et suivants. (24) Cons. const. 9 nov. 1999, déc. 99-419 DC, JO 16 nov. ; D. 2000, Somm. p. 424Fages, et p. 870, obs. Revet. (25) D. 2003, Jur. p. 515, note Labbée ; RTD civ. 2003, p. 870, obs. Hauser ; Dr. famille 2003, n° 57, note B. Beignier ; S. Valort-il naissance à un devoir de fidélité ?, RJPF 2003, p. 22.(26) Art. 515-7 c. civ. (27) L'action pourrait d'ailleurs être exercée isolément en dehors de toute résiliation du pacte.(28) La même remarque pourrait d'ailleurs être appliquée à l'obligation de communauté de vie qui elle aussi connaît de nombreen matière matrimoniale (art. 108 c. civ.) alors qu'elle est le coeur même du PACS (art. 515 B– LES RAPPORTS PECUNIAIRES Civ. 3ème 31 mai 2006, n° 04-16920 Sur le moyen unique : Vu l'article 1751 du code civil ; Attendu que le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial,de deux époux est, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire, et même si le bail a été conclu avant le mariage, réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 mai 2004), que Mme X... a fait délivrer à Mme Y..., sa locataire, deux commandements de payer visant la clause résolutoire insérée au bail que celleassigné la bailleresse aux fins de faire déclarer ces commandements nuls et subsidiairement d'obtenir des délais de paiement et la suspension des effets de la clause ; que M. Y..., époux de Mme Y..., est intervenu volontairement à l'instance pour se prévaloir de sa qualité de cotitulaire du bail et soulever l'inopposabilité à son endroit des commandements qui ne lui avaient pas été personnellement notifiés ; Attendu que pour dénier à M. Y... tout droit au bail sur le local, l'arrêt retient que M. Y... a résidé dans les lieux loués jusqu'en 1983, date à laquelle il a été hospitalisé jusqu'en 1987, que s'il justifie de son souhait d'exécuter des travaux d'aménagement en raison de son handicap lourd, il ne peut valablement imputer aux bailleurs une prétendue impossibilité d'effectuer les travaux nécessaires à son état ayant fait obstacle à une communauté de vie avec son épouse, que l'ensemble des courriers et documents produits adressés à M. Y... portent mention d'une adresse distincte de celle des lieux loués, plus de dix ans après son hospitaliQu'en statuant ainsi, tout en relevant que le logement donné à bail à Mme Y... avait servi effectivement à l'habitation des deux époux et alors que les époux demeurent cotitulaires du bail jusqu'à la transcription du jugement de divorce

1 et s. c. civ. Sur le PACS, cf. notamment Dalloz Action, op. cit.(5) Cass. 2e civ. 15 avr. 1970, Bull. civ. II, n° 120. (6) TGI Lille, JAF, 26 nov. 1999, D. 2000, Jur. p. 254, note Labbée ; RTD civ. 2000, p. 296(7) CA Grenoble 3 mai 2000, Dr. famille, mars 2001, n° 28. (8) Cf., déjà en ce sens C. Philippe, Quel avenir pour la fidélité ?, Dr. famille 2003, p. 17.

Auloy, Pour un mariage à effets conventionnellement limités, RTD civ. 1988, p. 255. L'auteur va d'ailleurs jusqu'à proposer un

Piganiol, Le mariage à effets conventionnellement limités, D. 1965, Chron. p. 9. unissable que d'une peine d'amende et seulement s'il entretenait sa maîtresse au domicile conjugal. En revanche,

l'épouse, beaucoup moins bien lotie, était dans tous les cas punissable d'une peine d'emprisonnement qui atteignait d'ailleurtelle inégalité était alors expliquée par l'atteinte à l'état des enfants qu'emportait l'adultère de la femme. (12) Une seule cause péremptoire de divorce a été maintenue en 1975: « la condamnation à une peine afflictive et infamante »,termes de l'article 243 du code civil, à l'une des peines « prévues par l'article 131-1 du code pénal » : condamnation à une peine criminelle. La loi du 26 mai 2004 réformant le divorce a toutefois abrogé ce texte.

t être demandé par un époux pour des faits imputables à l'autre lorsque ces faits constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune ». Le juge peu

eter la demande en divorce s'il estime que l'adultère commis par l'un s'explique et s'excuse par le comportement de l'autre ((14) JO 27 mai, p. 9319 ; D. 2004, Lég. p. 1565. Le texte est entré en vigueur le 1er janvier 2005.

et, l'article 242 nouveau prévoit que « le divorce peut être demandé lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commun

(17) La jurisprudence est acquise. Pour un exemple, cf. Cass. crim. 19 juin 1975, D. 1975, Jur. p. 679, note Tunc. (18) Cass. 1re civ. 3 févr. 1999, D. 1999, Jur. p. 267, rapport Savatier, note Langlade-O'Sughrue, Somm. p. 307, obs. Grimaldi, Somm. p. 377, obs. Lemouland, et Chron. p. 351, par C. Larroumet ; RTD civ. 1999, p. 364 et 817, obs. Hauser, et p. 892, obs. Patarin ; JCP 1999Billiau et Loiseau ; 16 mai 2000, Dr. famille 2000, n° 102, note Beignier ; Petites affiches, 20 oct. 2000, p. 20, note J. Massip : « Mais attendu que n'est pas contraire aux bonnes moeurs la cause de la libéralité dont l'auteur entend maintenir la relation adultère qu'il ent

2002, Dr. famille 2002, n° 64, note Lécuyer ; Cass. ass. plén. 29 oct. 2004, D. 2004, Jur. p. 3175, note D. Vigneau.(19) Cass. 1re civ. 4 mai 2000, RTD civ. 2000, p. 810, obs. Hauser ; JCP 2000, II, 10356, note Garé ; 5 juill. 2001, D. 2002,Delebecque ; RTD civ. 2001, p. 856, obs. Hauser, et p. 893, obs. Jourdain ; JCP 2002, II, 10139, note Houtcieff ; AJ Famille

, n° 159 ; G. Cornu, op. cit., n° 361 ; CA Grenoble 16 mars 1970, Gaz. Pal. 1970, 2, p. 6 ; TGI Dunkerque

(21) Pour une tentative d'explication de ce phénomène, V. M. Villa-Nys, Réflexion sur le devenir de l'obligation de fidélité dans le droit civil de la rimoine 2000, n° 85 p. 88 s. L'obligation de fidélité entre époux a perdu de sa force contraignante en raison d'une remise en

cause de ses fondements classiques tant sociologique (évolution des mentalités) que biologique (égalité des filiations)., Dr. famille 2003, p. 17 s.

419 DC, JO 16 nov. ; D. 2000, Somm. p. 424 , obs. Garneri ; RTD civ. 2000, p. 109, obs. Mestre et

D. 2003, Jur. p. 515, note Labbée ; RTD civ. 2003, p. 870, obs. Hauser ; Dr. famille 2003, n° 57, note B. Beignier ; S. Valoril naissance à un devoir de fidélité ?, RJPF 2003, p. 22.

urs être exercée isolément en dehors de toute résiliation du pacte.(28) La même remarque pourrait d'ailleurs être appliquée à l'obligation de communauté de vie qui elle aussi connaît de nombre

s qu'elle est le coeur même du PACS (art. 515-1).

Attendu que le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l'habitation de deux époux est, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire, et même si le bail a été conclu avant le mariage, réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux ;

'arrêt attaqué (Versailles, 18 mai 2004), que Mme X... a fait délivrer à Mme Y..., sa locataire, deux commandements de payer visant la clause résolutoire insérée au bail que celle-ci avait seule conclu ; que Mme Y... a

ire déclarer ces commandements nuls et subsidiairement d'obtenir des délais de paiement et la suspension des effets de la clause ; que M. Y..., époux de Mme Y..., est intervenu volontairement à l'instance pour se prévaloir de sa qualité de cotitulaire

bail et soulever l'inopposabilité à son endroit des commandements qui ne lui avaient pas été personnellement

Attendu que pour dénier à M. Y... tout droit au bail sur le local, l'arrêt retient que M. Y... a résidé dans les lieux loués 983, date à laquelle il a été hospitalisé jusqu'en 1987, que s'il justifie de son souhait d'exécuter des travaux

d'aménagement en raison de son handicap lourd, il ne peut valablement imputer aux bailleurs une prétendue nécessaires à son état ayant fait obstacle à une communauté de vie avec son

épouse, que l'ensemble des courriers et documents produits adressés à M. Y... portent mention d'une adresse distincte de celle des lieux loués, plus de dix ans après son hospitalisation ; Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que le logement donné à bail à Mme Y... avait servi effectivement à l'habitation des deux époux et alors que les époux demeurent cotitulaires du bail jusqu'à la transcription du jugement de divorce

21

op. cit., n° 1166 à 1186.

D civ. 2000, p. 296, obs. Hauser.

ment limités, RTD civ. 1988, p. 255. L'auteur va d'ailleurs jusqu'à proposer un

unissable que d'une peine d'amende et seulement s'il entretenait sa maîtresse au domicile conjugal. En revanche, l'épouse, beaucoup moins bien lotie, était dans tous les cas punissable d'une peine d'emprisonnement qui atteignait d'ailleurs son complice. Une

(12) Une seule cause péremptoire de divorce a été maintenue en 1975: « la condamnation à une peine afflictive et infamante », c'est-à-dire, aux 1 du code pénal » : condamnation à une peine criminelle. La loi du

t être demandé par un époux pour des faits imputables à l'autre lorsque ces faits constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune ». Le juge peut ainsi par exemple

eter la demande en divorce s'il estime que l'adultère commis par l'un s'explique et s'excuse par le comportement de l'autre (art. 245, al. 1er).

et, l'article 242 nouveau prévoit que « le divorce peut être demandé lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ». Que de nouveauté...

hrue, Somm. p. 307, obs. Grimaldi, Somm. p. 377, obs. Lemouland, et Chron. p. 351, par C. Larroumet ; RTD civ. 1999, p. 364 et 817, obs. Hauser, et p. 892, obs. Patarin ; JCP 1999, II, 10083, note

note Beignier ; Petites affiches, 20 oct. 2000, p. 20, note J. Massip : « Mais attendu que n'est pas contraire aux bonnes moeurs la cause de la libéralité dont l'auteur entend maintenir la relation adultère qu'il entretient avec sa concubine »

2002, Dr. famille 2002, n° 64, note Lécuyer ; Cass. ass. plén. 29 oct. 2004, D. 2004, Jur. p. 3175, note D. Vigneau. (19) Cass. 1re civ. 4 mai 2000, RTD civ. 2000, p. 810, obs. Hauser ; JCP 2000, II, 10356, note Garé ; 5 juill. 2001, D. 2002, Somm. p. 1318, obs. Delebecque ; RTD civ. 2001, p. 856, obs. Hauser, et p. 893, obs. Jourdain ; JCP 2002, II, 10139, note Houtcieff ; AJ Famille 2001, p. 28.

. Pal. 1970, 2, p. 6 ; TGI Dunkerque

Nys, Réflexion sur le devenir de l'obligation de fidélité dans le droit civil de la rimoine 2000, n° 85 p. 88 s. L'obligation de fidélité entre époux a perdu de sa force contraignante en raison d'une remise en

cause de ses fondements classiques tant sociologique (évolution des mentalités) que biologique (égalité des filiations).

, obs. Garneri ; RTD civ. 2000, p. 109, obs. Mestre et

D. 2003, Jur. p. 515, note Labbée ; RTD civ. 2003, p. 870, obs. Hauser ; Dr. famille 2003, n° 57, note B. Beignier ; S. Valory, Le PACS donne-

urs être exercée isolément en dehors de toute résiliation du pacte. (28) La même remarque pourrait d'ailleurs être appliquée à l'obligation de communauté de vie qui elle aussi connaît de nombreux aménagements

qui sert effectivement à l'habitation de deux époux est, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire, et même si le bail

'arrêt attaqué (Versailles, 18 mai 2004), que Mme X... a fait délivrer à Mme Y..., sa locataire, deux ci avait seule conclu ; que Mme Y... a

ire déclarer ces commandements nuls et subsidiairement d'obtenir des délais de

que M. Y..., époux de Mme Y..., est intervenu volontairement à l'instance pour se prévaloir de sa qualité de cotitulaire bail et soulever l'inopposabilité à son endroit des commandements qui ne lui avaient pas été personnellement

Attendu que pour dénier à M. Y... tout droit au bail sur le local, l'arrêt retient que M. Y... a résidé dans les lieux loués 983, date à laquelle il a été hospitalisé jusqu'en 1987, que s'il justifie de son souhait d'exécuter des travaux

d'aménagement en raison de son handicap lourd, il ne peut valablement imputer aux bailleurs une prétendue nécessaires à son état ayant fait obstacle à une communauté de vie avec son

épouse, que l'ensemble des courriers et documents produits adressés à M. Y... portent mention d'une adresse

Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que le logement donné à bail à Mme Y... avait servi effectivement à l'habitation des deux époux et alors que les époux demeurent cotitulaires du bail jusqu'à la transcription du jugement de divorce

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en marge des registres de l'état civil, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE mais seulement en ce qu'il a débouté M. Y... de ses demandes, constaté l'acquisition de la clause résolutoire, autorisé l'expulsion de Mme Y... et fixé une indemnité d'occupation, l'arrêt rendu le 18 mai 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée Civ. 1ère 17 juin 2003, n° 01-14468 Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il était dirigé contre la société Cofinoga ; Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : Attendu que le 14 mars 1992, Mme X..., épouse séparée de biens de M. Y..., a contracté un prêt envers la société Cofinoga ; qu'en octobre 1997 les époux se sont séparés de fait ; que, le 16 décembre 1998, cette société a obtenu à l'encontre de Mme X... une ordonnance d'injonction de payer le solde de ce crédit ; que Mme X..., soutenant que les dépenses étaient alimentaires et concernaient la famille, a formé opposition à cette ordonnance et a appelé en garantie M. Y... ; Attendu que Mme X... fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de La Ciotat, 5 mai 2000), qui l'a condamnée à payer à la société Cofinoga le solde du crédit, de l'avoir déboutée de sa demande formée contre M. Y... pour qu'il la garantisse de cette condamnation alors, selon le moyen : 1 ) qu'en relevant, pour écarter l'application de l'article 220 du Code civil, qu'aucune clause du contrat de mariage ne mettait à la charge de l'un des époux le remboursement des dettes contractées par l'autre, le tribunal d'instance a violé ledit texte ; 2 ) que le codébiteur solidaire qui a payé dispose, contre l'autre codébiteur, d'un recours pour répéter contre lui sa part et portion ; qu'en décidant le contraire, le tribunal d'instance a violé les articles 1213 et 1214 du Code civil ; Mais attendu, d'abord, que le tribunal d'instance n'a pu méconnaître l'article 220 du code civil qui se borne à énoncer une règle d'obligation solidaire des époux aux dettes ménagères et non de contribution contre eux ; Attendu, ensuite, que la contribution des époux aux dettes ménagères étant réglée par l'article 214 du Code civil à proportion de leurs facultés respectives, le tribunal d'instance, devant lequel l'épouse ne soutenait pas que le contrat de mariage en avait disposé autrement, ni qu'elle avait contribué aux charges du mariage au-delà de ses facultés, n'avait pas à faire application des dispositions des articles 1213 et 1214 du Code civil ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi Civ. 1ère 04 juillet 2006, n° 03-13936 Attendu que, suivant marché de travaux du 15 novembre 1995, Mme X... a commandé à la société Les Demeures du Val la construction, sur un terrain constituant un bien propre de son époux, M. Y..., d'une maison individuelle destinée au logement de la famille pour un prix de 316 309,76 francs ; que les 15 février et 10 avril 1996, elle a commandé la construction d'un mur de clôture et la mise en place d'un égout pour un prix de 33 357,96 francs ; que le 15 juin 1996, elle a réceptionné les travaux et reconnu devoir un solde de 159 668,72 francs qui n'a pas été réglé, les époux Y... ayant ultérieurement engagé une instance en divorce ; que, par assignation du 15 janvier 1999, la société Les Demeures du Val a sollicité la condamnation solidaire des époux Y... au paiement de cette somme et de dommages-intérêts ; Sur le premier moyen : Attendu que la société Les Demeures du Val fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 25 février 2003) de l'avoir déboutée de ses demandes formées à l'encontre de M. Y..., alors, selon le moyen, que la finalité de l'article 220 du code civil est de permettre à chacun des époux de passer seul licitement les contrats ayant pour objet soit "l'entretien du ménage", soit "l'éducation des enfants", à condition qu'il ne s'agisse pas de dépenses manifestement excessives eu égard au train de vie du ménage et à l'utilité ou l'inutilité de l'opération ; que le droit au logement familial sous forme d'une maison d'habitation pour le foyer s'inscrit sinon dans "l'entretien du ménage" du moins dans une meilleure éducation des enfants et d'un épanouissement de la famille ; qu'en l'espèce, le marché de travaux du 15 novembre 1995 et le procès-verbal de leur réception du 15 juin 1996, signés par Mme Y..., avaient trait à la maison devant servir d'habitation à la famille sans que la dépense globale ne présente un caractère excessif compte tenu du train de vie du ménage et de leur incontestable utilité, l'opération ne pouvait donc être assimilée à un acte de constitution d'un patrimoine immobilier, d'autant qu'elle ne s'inscrivait pas dans un achat à tempérament et que l'emprunt auprès du Crédit agricole à hauteur de 240 000 francs pour financer cette construction avait été souscrit par les deux époux ; que l'arrêt a donc violé l'article 220 du code civil ;

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Mais attendu que la conclusion d'un marché de travaux portant sur la construction d'une maison individuelle destinée au logement de la famille, n'a pas pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants et constitue une opération d'investissement, qui n'entre pas dans la catégorie des dépenses ménagères auxquelles l'article 220 du code civil attache la solidarité de plein droit ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen : Attendu que la société Les Demeures du Val fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes formées à l'encontre de M. Y..., alors, selon le moyen : 1 / que le fait constaté par l'arrêt que M. Y... s'était engagé à faire apport du terrain à construire et à souscrire un prêt au Crédit agricole aux fins de financer la construction d'une maison familiale, établissait qu'il avait implicitement mais nécessairement donné mandat à son épouse de souscrire le contrat de construction de cette maison auprès de la société Les Demeures du Val, qui avait établi le dossier auprès de cette banque et dont il avait reconnu la créance à hauteur de 190 000 francs payés sans protestation de sa part par chèques tirés sur sa propre banque ; que l'arrêt a donc violé les articles 1984 et suivants du code civil ; 2 / que dans la mesure où le montant total des travaux avait été calculé au plus juste et constituait un prix de faveur en raison des relations personnelles existant entre le beau-père de M. Y... et le gérant de la société Les Demeures du Val, l'initiative de Mme Y... de commander le marché de travaux et ses compléments relevait à tout le moins de la gestion d'affaires au sens de l'article 1372 du code civil en sorte que l'utilité de ces travaux ayant permis à M. Y... d'habiter dans la maison lui imposait d'en acquitter l'intégralité de leur montant ; que l'arrêt a, par conséquent, violé ce texte ; Attendu, d'abord, que la cour d'appel, ayant constaté que les pièces relatives au contrat de construction ne comportaient que la signature de l'épouse et que la société Les Demeures du Val ne produisait aucun écrit permettant d'établir l'engagement du mari à son égard, a souverainement estimé que celle-ci ne pouvait se prévaloir de l'existence d'un mandat tacite conféré par M. Y... à son épouse ; Attendu, ensuite, qu'il ne résulte ni des conclusions, ni de la décision attaquée, que le moyen tiré de la gestion d'affaires ait été soutenu devant les juges du fond ; D'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait, est irrecevable en sa seconde branche et mal fondé en sa première branche ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi Civ. 1ère 10 mai 2006, n° 03-16593 Donne acte à M. Z... X... du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Y... ; Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches : Vu les articles 220, alinéa 1 et 2, et 1315 du Code civil ; Attendu que Mme Y... a été condamnée par un jugement du tribunal d'instance de Cannes à payer une somme de 18.402,67 francs au titre de soins dentaires, que son employeur, M. Z... X..., a réglée pour son compte ; Attendu que pour débouter M. Z... X... de sa demande de remboursement formée à l'encontre du mari de Mme Y..., l'arrêt énonce que M. Z... X... ne démontre ni la nécessité ni l'urgence des soins reçus par Mme Y... et n'établit pas que leur coût correspondait au train de vie apparemment modeste du ménage Y... ; Qu'en statuant ainsi alors que les soins dentaires dispensés à un époux constituent des dépenses engagées pour l'entretien du ménage et qu'il appartenait à son conjoint, qui entendait écarter la solidarité, d'établir que la dépense était manifestement excessive eu égard au train de vie du ménage et à l'utilité de l'opération, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Z... X... de sa demande de condamnation de M. Y... à lui payer la somme de 18.402,67 F majorée des intérêts de droit à compter de l'assignation, l'arrêt rendu le 11 mars 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties concernées dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée. Civ. 1ère 17 déc. 2002, n° 99-14779 Donne défaut contre Mme X... ; Attendu que Mme Meng X... a signé trois reconnaissances de dettes au profit de M. Y... pour un montant global de 500 000 francs, puis lui a remis en remboursement trois chèques par elle émis sur le compte joint dont elle était cotitulaire avec son mari et deux autres chèques émis sur le compte d'une société gérée par ce dernier; que ces chèques étant revenus impayés, M. Y... a assigné les époux X... en remboursement des sommes qu'il déclarait leur avoir prêtées ; que, tout en confirmant le jugement ayant condamné Mme X..., l'arrêt attaqué a, sur appel incident de M. Y..., prononcé la condamnation solidaire de son mari ; […] Mais, sur le second moyen, pris en sa première branche : Vu l'article 220 du Code civil, ensemble l'article 1202 du même Code ; Attendu que, selon le premier de ces textes, la solidarité légale entre époux, édictée pour les dettes relatives à l'entretien du ménage, n'a pas lieu pour les emprunts, s'ils n'ont été conclus du consentement des deux époux, à

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moins que ces emprunts ne portent que sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante, et que, selon le second, la solidarité conventionnelle doit être expressément stipulée ; Attendu qu'en condamnant M. X... solidairement avec son épouse au remboursement des sommes que celle-ci reconnaissait devoir à M. Y..., sans relever son consentement exprès aux emprunts par elle souscrits et sans rechercher si ceux-ci étaient nécessaires aux besoins de la vie courante du ménage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les trois autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions concernant M. X..., l'arrêt rendu le 12 février 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée. Civ. 1ère 05 nov. 1996, n° 94-14160 Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 18 février 1994) d'avoir nommé un administrateur provisoire du patrimoine immobilier de la communauté conjugale, alors, selon le moyen, d'une part, que l'article 220-1 du Code civil, s'il permet au juge d'interdire à un époux de passer des actes de disposition sur les biens communs ou même sur ses biens propres sans le consentement de l'autre, ne saurait donner au juge le pouvoir de dépouiller le conjoint de la totalité de ses pouvoirs de gestion sur son patrimoine par le biais de la désignation d'un administrateur provisoire ; qu'en confiant à un administrateur provisoire, sur le fondement de l'article 220-1 du Code civil, la gestion du patrimoine des époux, initialement assumée par Mme X..., et en dessaisissant par là même cette dernière de la totalité de ses pouvoirs d'administration sur le patrimoine, la cour d'appel a excédé les pouvoirs qu'elle tenait de l'article 220-1 du Code civil ; et alors, d'autre part, que le juge ne peut prendre une mesure de sauvegarde du patrimoine familial à l'encontre de l'un des époux que s'il constate à la charge de ce dernier un manquement grave à ses devoirs ; qu'un tel manquement est par hypothèse exclu lorsque c'est par suite d'un cas de force majeure que l'époux à l'encontre duquel la procédure est engagée a été contraint de commettre le fait reproché ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir, sans que son époux ne la conteste sur ce point, qu'elle avait été dans l'impossibilité de payer les charges de copropriété en raison de l'insuffisance de liquidités du patrimoine, elle-même due à la décision de son époux de mettre en vente certains immeubles ; qu'en se fondant néanmoins sur le défaut de paiement des charges de copropriété pour retenir un manquement de la part de Mme X..., sans rechercher si un tel manquement était imputable à cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; et alors, enfin, qu'en ne répondant pas aux conclusions de Mme X... selon lesquelles les frais inhérents à la nomination d'un administrateur provisoire obéreraient gravement la situation du patrimoine et rendraient par suite inutile, voire dangereuse la mesure de sauvegarde envisagée, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni des conclusions, ni de l'arrêt, que Mme X... ait soutenu, devant les juges d'appel, les énonciations contenues dans la deuxième branche du moyen ; Attendu, ensuite, que l'alinéa 1er de l'article 220-1 du Code civil permet au juge, si l'un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, de prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts ; qu'il peut, notamment, sur le fondement de ce texte, nommer un administrateur provisoire à l'effet de gérer le patrimoine commun des époux ; que répondant aux conclusions, et dans l'exercice de son pouvoir souverain, la cour d'appel a, d'une part, retenu que l'épouse ne payait pas les charges afférentes aux immeubles communs dont elle assurait la gestion, et par là même admis que ce manquement grave mettait en péril les intérêts de la famille, et, d'autre part, estimé que l'urgence rendait nécessaire la mesure sollicitée par le mari et désigné un administrateur provisoire du patrimoine immobilier de la communauté ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi. Com. 11 mars 2003, n° 00-20866 Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, après avertissement donné aux parties : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 juillet 2000), qu'après avoir demandé à la Banque populaire du Dauphiné et des Alpes du Sud d'ouvrir un compte à son épouse, M. X... a remis à l'établissement de crédit un chèque endossé de 380 000 francs, libellé à l'ordre de Mme X..., représentant la quote-part revenant à celle-ci dans le prix de vente d'un immeuble successoral ; qu'après avoir porté le montant de ce chèque au crédit du compte, la Banque populaire du Dauphiné et des Alpes du Sud a, sur ordre de M. X..., viré l'intégralité de cette somme pour créditer les comptes du fils du couple, depuis lors en liquidation judiciaire ; que Mme X... a reproché à la Banque populaire du Dauphiné et des Alpes du Sud d'avoir exécuté ces ordres de virement alors que son mari n'avait aucune procuration à cette fin et a demandé judiciairement la restitution des fonds ; que la Banque populaire du Dauphiné et des Alpes du Sud s'étant prévalue, pour sa défense, de l'existence d'un mandat tacite au profit de M. X... et ayant contesté avoir commis une faute en encaissant un chèque où figurait une signature d'endos, la cour d'appel a dit que l'article 1424 du Code civil interdisant aux époux de percevoir l'un sans l'autre les fonds provenant de l'aliénation de droits réels immobiliers, il ne pouvait y avoir eu de mandat domestique et que Mme X... n'était pas l'auteur de l'endos ;

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Attendu que la Banque populaire du Dauphiné et des Alpes du Sud fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à Mme X... les sommes que celle-ci réclamait, alors, selon le moyen : 1 / qu'elle était fondée à invoquer sa croyance légitime en l'existence d'un mandat domestique permettant à l'époux d'ouvrir un compte pour Mme X..., de sorte qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1424 du Code civil et, par refus d'application, l'article 1985 du même Code ; 2 / qu'en ne recherchant pas, comme elle y était expressément invitée, si la signature au dos du chèque remis par M. X... était fausse ou falsifiée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 16 du décret-loi du 30 octobre 1935 ; Mais attendu que l'article 221 du Code civil consacrant au profit de chacun des époux la faculté de se faire ouvrir un compte personnel sans le consentement de l'autre et de le faire fonctionner de manière autonome, les règles relatives à la représentation mutuelle des époux dans leurs rapports avec les tiers sont sans application à l'égard du banquier dépositaire, lequel ne doit, aux termes de l'article 1937 du même Code, restituer les fonds déposés qu'à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué pour les recevoir ; que la Banque populaire du Dauphiné et des Alpes du Sud n'ayant jamais prétendu que M. X..., qui n'était pas titulaire du compte, ait eu procuration de son épouse sur celui-ci, et ayant ainsi exécuté les prélèvements litigieux sans vérifier le pouvoir du donneur d'ordre, l'arrêt, qui a condamné l'établissement de crédit à restituer à Mme X... les fonds dont elle avait été indûment dépossédée, se trouve, par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, justifié ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi