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SLAVES

Tome 3

Révélation

Amheliie

SLAVES

TOME 3

Révélation

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ISBN : 978-1-326-19596-0

© 2015 Amheliie

Tous droits réservés, y compris droits de reproduction totale ou partielle, sous toutes ses formes.

Copyright Couverture :

© stryjek - Fotolia.com

© jovannig - Fotolia.com

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PROLOGUEPremier Millénaire, Année…

« J’écris aujourd’hui, avec le sentiment que demain tout sera différent. J’ai un mauvais pressentiment,quelque chose au fond

de moi qui me dit « fais attention ». Seulement, je n’arrive pas à trouver ce qui me préoccupe tant.Rien n’a changé ici, tout est

sous tension, et les cris des désaccords entre mâles ne cessent de résonner dans la maison. Ils ne sontjamais d’accord sur rien.

(…)

Dying est le plus grand de nos problèmes, ces derniers temps, il veut maîtriser Dead et Deceasecomme il maîtrise Died, mais

les deux n’ont pas l’âme faible qu’a cet aîné. Dead pousse son petit frère toujours plus haut. Il luiapprend à penser par lui-

même et à suivre ses propres idées sans qu’elles soient dictées par un autre, ce qui rentre en conflitavec les convictions de

notre aîné à tous. Le benjamin mâle qui ose lui tenir tête, il ne le supporte pas. Déjà, Dead n’hésitaitpas à contredire notre

géniteur, il en a payé le prix, à plusieurs reprises. Contredire en plus Dying, c’est de la folie. Jem’inquiète pour lui. Dead est

bien trop différent. Il est comme moi, attaché à cette Race inférieure qui nous apportera un jour lasolution. Il est réfléchi,

intelligent et patient, mais il passe sa vie à tout remettre en cause, toutes les décisions, notre avenir,notre quête, il pense trop.

Les plans qui ont été mis en place ne lui conviennent jamais, les siècles passent et il ne change pas.Je ne le blâme pas.

Heureusement qu’il est présent, mais son tempérament et sa façon de penser vont le mettre en dangervis-à-vis de Dying et de

la destinée qui nous est réservée. Je partage ses dires, je suis en accord avec ses pensées, mais j’aipeur des prochains mois.

Son avenir est tellement incertain. Je sais que Dying n’hésiterait pas à le tuer pour avoir la

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tranquillité et ne pas entendre une

voix s’élever lorsque nous parlons de la prophétie, ou une personne qui s’interpose avec les désirsdu favori. J’espère que

Père ne le laissera pas faire. J’espère qu’il sait ce qu’est l’amour, et que la perte de l’un de sesenfants le touchera ne serait-ce

qu’un peu. Decease n’arrête pas de me dire que je suis sotte de penser cela, qu’il est ce qu’il est, quemême les siècles qui ont

passés et notre présence dans son existence, ne le changeront pas. Alors, j’espère qu’il tientsuffisamment à nous pour ne pas

nous perdre. L’espoir ne meurt jamais…

Dying essaie depuis des mois de prendre la « tête » de notre fratrie, il pense être supérieur parcequ’il est l’aîné, le plus vieux

et le plus fort, mais c’est faux. Mon frère n’est autre qu’un individu sans âme, froid comme la pierreet démoniaque au plus

haut point. Il est la fierté de notre père, c’est sa copie conforme. Pourtant, quand mon regard croiseson visage, je me dis que

l’enfant qui l’emplit de fierté n’a pas cessé de jouer les insolents durant notre adolescence et en apayé le prix en coups et en

cicatrices. Père a réussi à créer un soldat parfait, à son image, un qui n’aura qu’un seul but dans savie : la prophétie. Dying est

capable de tout, je le sais, et il m’effraie. Lorsque je le vois dans les rues des villes que nousarpentons la nuit, si sanguinaire

et sans compassion envers les autres, cela m’effraie. Sa présence au quotidien m’effraie, et je crainsqu’un jour, la folie de

l’enseignement qu’il a reçu ne le dépasse. Que se passera-t-il lorsque ce moment-là arrivera ? Quedeviendra Dying si sa folie

et son égoïsme l’emportent sur sa raison ? Mais la question qui trotte le plus dans ma tête est biencelle de savoir si mon frère

a déjà eu une conscience. Elle seule, pourrait lui donner une chance de rester dans le droit chemin. »

Premier Millénaire, Année Inconnue

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« Mon mauvais pressentiment s’est révélé être une prémonition. Je savais qu’un événement marquantallait se produire, mais

pas comme celui qui vient de se passer sous mes yeux. Je ne pensais pas qu’un tel acte ait pu êtrecommis et par l’une de nos

mains. Dying les a tués ; tous. Il n’en reste plus aucun. Le charme blanc s’est volatilisé dans un bainde sang rouge vif qui a

taché nos vêtements. Le mal, toujours le mal. Dying prouve une fois de plus qu’il n’est qu’une bêtesanguinaire qui n’a aucun

scrupule pour arriver à ses fins. Dead et moi en avons parlé l’autre soir ; en plus de son inquiétude, ilest très en colère. Je me

demande à quoi il pense. Il est certain que les choses vont empirer et qu’il faut que Dying soit ramenéauprès de notre père,

car, si jamais il tombe sur la prophétie et pas un de nous, qui sait ce qui se produira !

L’équilibre ayant été rompu, notre balance entre le bien et le mal souffre ce soir. Elle souffre d’unmanque de bonté et se noie

dans un océan de sang.

Ils n’avaient rien fait pour mériter un tel châtiment. L’acte qu’a commis mon frère n’est qu’uneabomination, un sacrilège qui

aura des conséquences malheureuses. Dying s’est vengé après tant de temps. Je pensais que cettehistoire-là était enterrée.

Aujourd’hui, j’ai la certitude que notre avenir se dirige vers un fossé sombre et périlleux. Si Dyingreste en vie, j’ai bien peur

que le chaos ne tarde à venir. Ce monde, tel que nous le connaissons, ne devrait pas mettre trop detemps à basculer dans

l’obscurité, et lorsque ce jour-là arrivera, il n’en sortira jamais. »

Chapitre 1

C’est un cauchemar

C’est un cauchemar.

Je dévisage l’immense vampire en face de moi. Ce regard rouge me glace le sang ; je n’arrivevraiment pas à m’écarter. Je

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reste figée. Pourtant, je sais ce qui va se produire d’ici peu de temps si je ne bouge pas. Je ne veuxpas avoir à revivre cela.

Cette « expérience » avec Louis m’a détruite ; j’ai mis des mois à me reconstruire. Ce n’était pas lapériode la plus joyeuse de

ma vie, je ne veux pas y revenir.

Le vampire s’approche et s’arrête devant moi. Tout mon corps tremble ; rien ne cache la peur que jeressens à cet instant. Je

pensais avoir réussi à dépasser, moi l’humaine, la peur du mâle puissant et dangereux, et qu’àprésent, j’arriverais à contrôler

mon esprit face à une situation comme celle-ci. J’ai eu bien tort, les vampires qui me sont inconnusme terrifient toujours.

— J’adore sentir ta crainte, j’ai adoré la sentir lorsque je suis venu te rendre visite, la nuit.

C’est une confirmation, je n’ai jamais été en sécurité chez moi. Je savais que ces rêves-là n’en étaientpas ; ils étaient

beaucoup trop réels. Ses mains charnues sur ma peau m’ont laissé des tas de marques.

Mon cœur rate un battement lorsque ses doigts viennent caresser ma joue. Un profond dégoûtm’envahit, tout comme la peur. Il

n’a rien de masculin ni de séduisant comme son frère ici présent. On dirait une bête qui a perdu sonhumanité, et nous n’avons

échangé que quelques mots. Mais son comportement m’indique clairement à qui j’ai affaire. Toutcomme mon intuition me dit

de partir d’ici sur-le-champ.

— Dying, ne commence pas à vouloir faire durer les choses. Nous devons partir avant qu’ils ne serendent compte de

quelque chose…, commence Died avant d’être interrompu.

Le vampire en question se met à grogner ; il rompt le contact sur ma peau et lève une main vers sonfrère pour le faire taire. Ce

geste me surprend ; je n’ai jamais vu Dead se comporter, ainsi avec Decease, il y a toujours eubeaucoup de respect entre

l’aîné et le benjamin. À ma grande surprise, le vampire l’écoute et se mure dans le silence en levant

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ses yeux violets au ciel,

mais il ne lui répond pas, il lui obéit. Les vampires mâles ne sont pas des « soumis » d’ordinaire, cequi m’étonne. Died reste

assis, là, à dévisager la scène qui se passe devant lui. J’ai l’impression que me terroriser le satisfait.

— Ne me presse pas, Died ! J’attends ce moment depuis toujours, je tiens à savourer notre chèreprophétie encore un peu.

La faire paniquer parce qu’elle sait comment cette soirée va se finir, ça me fait bander comme tun’imagines même pas.

Dying s’assoit sur le rebord du canapé. Cette scène est surréaliste, et je me désole de ne pas réussir àbouger. Il a raison. Je

sais ce qui va se produire si je ne bouge pas. Son jean ouvert me l’indique clairement. J’y jette uncoup d’œil, et vois une

érection naissante. La nausée me gagne.

Bon sang, c’est vraiment un cauchemar !

Je sursaute – première réaction depuis qu’il est si proche – lorsqu’il se met à caresser mon bras. Sapaume remonte vers mon

épaule, il tire sur la chaîne en or, là où se trouve mon alliance. Je me raidis un peu plus lorsqu’ildescend vers le décolleté de

mon haut. Ses doigts viennent presser l’un de mes seins, et ce geste engendre comme un déclic enmoi. Une sorte de déjà vu,

qui me fait mal à l’âme.

Je dois sortir de cette transe immobile qui me rend faible.

La voix d’outre-tombe de Dying me fait revenir à une réalité qui risque de tourner au cauchemar danspeu de temps si je

persiste à écouter mes peurs.

— Alors c’est toi, la prophétie… montre-moi tes yeux encore.

— Non.

J’arrive à parler !

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Entendre le son de ma voix me redonne un peu confiance, même si ce n’est qu’un mot, c’est déjà undébut. Je ne compte pas me

laisser avoir si facilement, si jamais ils doivent l’emporter, je sais que même perdante, j’aurai lecourage de leur tenir tête.

Dying continue de me toucher là où ses mains n’ont pas leur place. Je serre les dents lorsqu’il mepince le sein. Je me demande

ce qu’il cherche en faisant cela.

Il veut m’effrayer comme il l’a fait durant les nuits où il me regardait dormir. Il y arrive. Mon corpsrépond à sa présence en se

figeant. Il n’a pas à faire cela.

Je ferme les yeux sans vraiment m’en rendre compte, et une série d’images venant du passéreviennent me hanter. Elles défilent

vite, prennent possession de moi, me rappelant cette période sombre qui m’a détruite en partie. Cesgestes intimes qui n’ont

pas lieu d’être avec un inconnu, ces intentions qui ne devraient même pas venir à l’esprit dequelqu’un de sain…

Dying s’arrête, sa main reste près de ma gorge. Je me doute qu’il pourrait me tuer d’un seul coup. Jeme concentre pour ne pas

trembler et ouvrir les yeux. Je dois lui montrer qu’il ne m’effraie pas, je dois faire en sorte de ledissuader… C’est peine

perdue, mais c’est mieux que rien. J’ignore comment faire pour me sortir de cette situation. Je veuxseulement que cela

s’arrête.

Où est Dead, bon sang ? Pourquoi ne sent-il pas ma détresse ?

J’entends un rire.

— Elle parle, c’est magnifique ! (D’un geste brusque, Dying s’empare de mon menton, il tourne matête pour qu’elle lui

fasse face) Allez ! Montre-moi tes yeux, et je tenterai de me montrer doux lorsque je te baiserai.

— Non.

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J’entends un grognement insatisfait. Je ne pense pas que le contredire soit la meilleure chose àfaire… La gifle que je prends

en retour de mon insolence me le confirme.

— Je ne sais pas si tu l’as remarqué, Faith, mais je ne suis pas du genre patient comme ton petit mari(il se met à rire) Dead

marié, avec toi surtout, toi qu’il déteste tant ! Bon sang, jamais je n’aurais cru que ce jourarriverait… Mais ce n’est pas le

sujet du jour. Je t’ai demandé de me montrer tes yeux, alors obéis !

Par réflexe, je frotte ma joue. Elle me lance sous l’impact du coup ; j’avais oublié à quel point lesvampires avaient de la

force.

La colère surmonte la peur en moi ; elle explose comme un boulet de canon. Toutes ces vérités ; cequi risque de m’arriver, la

présence de ces deux vampires, tout cela mélangé me fait craquer, et j’explose. Je fais face auvampire ; ses yeux rouges dans

les miens, je me répète qu’il ne me fait pas peur pour m’inciter à poursuivre.

Oublie qu’il porte dans le regard la mort, que ces mêmes yeux t’indiquent la vérité ; oublie laressemblance qu’il a avec

l’homme que tu aimes derrière ses cicatrices ; pense seulement à toi.

Si Dead n’arrive pas, je dois me défendre et me protéger toute seule, et il n’y a qu’avec ma voix queje puisse le faire.

— Vous n’aurez rien de moi. Vous ne me toucherez pas. Frappez-moi autant de fois que vous levoudrez, ce ne sera pas la

première fois qu’un vampire décide de lever la main sur moi.

— Je sais tout ça, Louis hante encore tes rêves, ma belle. Je n’arrive pas à croire qu’il t’ait baisé luiaussi. En vérité, t’es

une femme plutôt légère, si je me fie à ton pedigree. Mais sache que, justement, tu n’as pas le choix,de plus, je n’ai aucun

ordre à recevoir d’une putain d’esclave.

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L’esclave.

Ce mot me fait mal. Je me suis tellement battue ces derniers mois pour ne plus être vue comme telle.Mais certaines cicatrices

sont fragiles et dans ces circonstances-là, c’est un bon moyen de me déstabiliser.

— Et vous comptez faire quoi ? je rétorque, la voix tremblante. M’emmener avec vous et me réduireà l’état d’esclave ?

Dying m’interrompt sans gêne. Ce vampire me rend mal à l’aise. Ce regard, cette attitude, il est monpire cauchemar. Je me

convaincs au fond de moi de me montrer forte pour ne pas succomber et subir à nouveau. Cetteépoque est finie.

— C’est ce que tu es. Qu’est-ce que tu crois ? Ce n’est pas parce mon frère t’a épousée, que tu esdevenue quelqu’un. Ta

vie est basée sur ce que tu dois accomplir, tu es l’esclave de ta propre destinée. (Il me saisitfortement le bras, et me pousse à

me lever du canapé) Allonge-toi.

— Non !

— Mauvaise réponse.

Brusquement, il me pousse, et me jette sur le sol. Ma tête vient cogner contre le rebord de la tablebasse, et me sonne lorsque

mon corps atterrit sur le parterre froid. Je vois trouble, et une autre douleur en plus de la gifle naîtdans ma boîte crânienne.

Cela me lance.

Mon corps réagit vite en sentant le poids d’un autre sur le sien, le poids d’un corps d’homme. Il nereconnaît pas Dead, et me

fait me rappeler que la dernière fois qu’il a senti cela, c’était avec Louis. Le déclic se produit, etmalgré la douleur de la

chute, je me débats. Je refuse d’être à nouveau une victime.

Dying se presse contre moi. Le dégoût m’envahit lorsque je le sens, ici, entre mes cuisses dur etterriblement dangereux.

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Les larmes me montent aux yeux. Ce n’est pas le moment, je ne dois pas pleurer, mais la paniqueprend le dessus. Je me débats

à nouveau, je ne perds pas espoir.

Le souffle chaud du vampire vient caresser ma joue, alors qu’il tente d’une main de me retirer monjean. Je remue sous lui, lui

rendant la tâche plus difficile. Il est hors de question qu’il me touche, il l’a déjà suffisamment fait.

— J’ai lu dans tes souvenirs que mon frère t’a baisé ici même. Prête pour recommencer ? Mais sacheque je ne suis pas un

amant aussi passionné que lui. Serre les dents, beauté, ce sera un peu comme quand le petit copain deDead te l’a mis,

douloureux, et saignant…

En bruit de fond, j’entends un grognement, suivi d’un coup de poing sur la table. J’en déduis quel’autre visiteur n’a pas l’air

content du déroulement des choses. À mon avis, il est plus réfléchi que la bête qui tente de se frayerun chemin entre mes

cuisses.

— T’es pénible, Dying ! On n’a pas que ça à foutre !

— Ta gueule, Died ! Si j’ai envie de la baiser avant de l’emmener avec moi, je le fais.

Sa main parvient à déboutonner mon jean, un cri de désespoir m’échappe, des larmes aussi. Je lui tireles cheveux, me débats

sous lui, mais rien n’y fait, il ne démord pas de son idée, il est plus fort que moi.

Je sens quelque chose en moi se briser lorsqu’un bruit, semblable à celui d’un tissu déchiré résonne.Mon jean, il vient de

déchirer mon jean… et la panique l’emporte sur le reste. Tout me revient, mes peurs, et ce que j’avaisréussi à combattre. Je

me revois des mois auparavant, dans cette même position, un pieu brûlant près de mon intimité.

J’en deviens idiote, lorsque je me mets à appeler mon amant, celui dont je viens d’apprendre laterrible vérité. Sauf qu’à cet

instant, je n’y pense pas, je pense seulement à l’homme que j’aime et qui m’a promis la protection.

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— DEAD ! MON DIEU, DEAD !

Dying se met à rire.

— Vas-y, crie, j’aime encore plus.

Sa main tente de venir se frayer un chemin vers mon intimité. La nausée me tord le ventre lorsqu’ilarrive à caresser ce qui fait

de moi une femme. C’est le geste de trop, il ne le recommencera pas une deuxième fois.

Je ne réfléchis pas lorsque je tente une dernière fois de le repousser. Je fais exactement comme je faislorsque je me retrouve à

l’abri des regards dans notre chambre, lors d’une étreinte plus qu’intime, sexuelle et passionnée.Mais ce que je m’apprête à

faire sera douloureux pour lui.

Je prends un peu d’élan, oublie ma tête douloureuse, et viens mordre l’oreille du vampire, fort, dequoi faire crier le plus

courageux des hommes.

Et ça marche.

Dying se met à hurler comme une fillette. Il perd son attention, et arrête de me toucher. Je profite dece court laps de temps

pour me tirer d’en dessous de ce corps puissant, et de ramper vers l’autre bout de la pièce. Il faut queje me lève, mais mes

jambes tremblent tellement que je crains de ne pas pouvoir tenir dessus.

J’espère avoir assez de temps pour m’enfermer quelque part. Je me leurre, je le sais bien, mais je nedois pas perdre espoir et

le laisser gagner aussi vite.

— Salope, tu vas me le payer cher.

Dying est déjà debout. Je le vois marcher derrière moi. Un cri de douleur s’échappe de mes lèvreslorsqu’il vient défouler sa

rage. Le vampire m’envoie un coup de pied mal placé dans le ventre. J’ai déjà connu ça, mais cettesensation-là, celle de la

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maltraitance, elle ne m’avait pas manqué.

— Où tu vas comme ça ? Tu crois que c’est en te traînant comme une vulgaire merde que les chosesvont s’arranger ?

Détrompe-toi, la prochaine fois que je te choppe, je te prendrai si fort que tu regretteras de m’avoircherché.

C’est hors de question .

Figé dans mon obstination à ne pas revivre ce que j’ai vécu, je continue de ramper sur le sol, monventre me fait mal, mais

j’ignore la douleur, je veux seulement échapper aux prédictions que m’a clairement expliquées levampire. Je ne veux pas me

faire violer, je ne veux pas être kidnappée pour servir de poule pondeuse. Je veux juste me mettre ensécurité.

Dying revient à la charge, mais cette fois-ci, j’arrive à prévoir le choc, je le frappe avec toute laforce que m’offre

l’adrénaline pour lui faire manquer son coup et le déstabiliser. J’y parviens et j’arrive à me lever,mes jambes me font mal.

J’entends à nouveau les pas de Dying. Il a l’air en colère, très en colère, et je sais que je n’ai pasintérêt à me rater si je veux

avoir une chance de survivre. Je me mets à courir dans le couloir qui mène aux chambres, je devraisplutôt tenter l’ascenseur,

mais je ne réfléchis pas à cet instant.

Lorsque je franchis la porte de ma chambre, j’entends des voix familières derrière moi, deshurlements et des objets qui

semblent se fracasser contre le sol, je ne vois rien, j’entends juste et heureusement. Je ne pense qu’àm’enfermer dans ma

chambre, y rester longtemps et oublier tout le reste. Je n’ose imaginer ce qui se passe à l’extérieur dela pièce ni ce qui va se

produire dans les prochaines minutes.

Est-ce Dead qui est rentré ? Pourquoi franchit-il seulement maintenant la porte et pas avant ?Pourquoi a-t-il mis autant de

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temps à venir ? Comment vont les autres, et comment s’est finie cette attaque de la Résistance ? Cespremières questions me

parviennent à l’esprit d’un bond. Mais surtout une en particulier : est-ce que je vais survivre à cettesoirée sans en avoir des

séquelles ? J’en doute.

***

— Faith ?

Je tremble comme une feuille, derrière la porte de ma chambre. Je fixe le vide, la peur me dévorantentièrement. Je reconnais

la voix, mais elle ne m’inspire plus assez confiance pour que je laisse l’accès à cette pièce. Je mesens étrangement en sécurité

ici. Pourtant, la chambre ou la salle de bains auraient été le même refuge : inutile face à un vampirequi veut entrer.

Mon corps est sous les effets de l’adrénaline, il ne me fait plus mal. Je sens juste le froid sur mescuisses, dû au fait que mon

jean ait été déchiré, mais rien d’autre.

Je suis bloquée.

— Mon Ange, laisse-moi, entrer… parle-moi, dis-moi quelque chose qui me confirmera que tu vasbien.

C’est Dead.

J’ignore depuis combien de temps il est derrière cette porte, depuis combien de temps il est entrépour jouer les preux

chevaliers et faire fuir ses deux psychopathes de frères, le temps s’est arrêté à mon isolement.J’ignore ce qui s’est produit à

l’extérieur…

Si je vais bien ? Il se moque de moi ? J’ai failli me faire violer, je viens d’apprendre la vérité… Jedois être en état de choc

pour rester figée ainsi, prostrée, l’esprit dans le vide, la sensation d’être dans un cauchemar sans fin.

Le temps passe sans que je ne m’en rende compte. J’ai l’impression que quelques secondes se sont

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écoulées entre le son de la

voix de mon amant et le bruit de quelqu’un qui frappe à la porte. Un raclement de gorge m’indiqueque la personne qui tente de

me parler est à cran.

— C’est Decease… est-ce que je peux entrer ?

Je secoue la tête, avant de me rappeler qu’il ne peut pas me voir. Je suis en colère après lui, maismoins que contre Dead.

Decease a toujours été franc. Il m’a toujours dit que je n’avais pas à savoir. Si à l’époque, sesréactions m’ont paru égoïstes, à

présent, je comprends. Il devait se douter que jamais je n’arriverais à encaisser. Et il ne me connaîtseulement que depuis

quelques mois ! Mais l’homme que j’aime, lui, partage ma vie depuis plus de temps, il me connaît, ilsavait que je n’étais pas

de taille à le supporter. Je réalise que notre « marché » était de la pure folie, que nous foncions droitdans un mur, droit vers

l’échec et cet instant où tous les masques tombent dans un fracas d’anéantissement.

Je pense que Decease abandonne l’idée d’entrer lorsqu’il comprend que je ne lui répondrai pas. Jene pourrai pas de toute

façon ; j’ai l’impression d’avoir perdu la faculté de parler.

J’attends de me réveiller, mais les mots de ma précédente conversation résonnent en moi comme unécho dans la montagne, et

forment de tristes constatations :

Dead n’est pas l’homme que je pensais connaître.

Il n’a jamais été un humain.

C’est un vampire, le fils de la Mort, elle-même.

Il a toujours su la vérité à mon sujet, me l’a cachée, m’a dupée, et a certainement fait de notre histoireun ramassis de

mensonges et d’inventions. Il ne m’aime peut-être même pas.

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Et moi dans tout cela ? Je l’aime ! J’avais confiance en lui, en ce que nous tentions de construire.J’avais foi en la vérité ; je

pensais qu’il était quelqu’un de juste. Jamais je n’aurais cru que derrière le masque se cachait unindividu sombre, aux secrets

malveillants. Je repense à toutes nos discussions, à tout ce qu’il m’a dit, à celle qui m’a poussée àl’épouser, celle qui nous a

réconciliés, toutes celles qui leur sont semblables. À chaque fois, il me regardait dans les yeux, et ilsavait. Il savait qui j’étais

pour lui, ce que je serais si jamais il parvenait à ses fins. Notre relation est basée sur un mensonge ;notre vie n’est qu’un

mensonge ; je remets tout en cause, tout en doute, bon sang ! Comment Dead a-t-il pu me cacher toutcela ? Et au diable son

maudit vœu de silence. On ne se tait pas quand on sait que la femme que l’on dit « aimer » est en faitune sorte de poule

pondeuse qui sauvera l’humanité. Il n’avait pas le droit de se terrer dans le silence. Comment a-t-ilfait pour faire comme si de

rien n’était ? Un haut-le-cœur me prend. Chaque fois que l’on faisait l’amour, l’idée ne le traversait-elle pas ? Il a joué avec le

destin, en caressant de près la limite. Maintenant, je comprends ; des tas de choses me viennent àl’esprit, des tas de réponses

à mes questions.

Je sens des larmes glisser le long de mes joues ; je pleure et je ne m’en rends même pas compte, tantj’ai l’esprit perturbé.

J’aimerais affronter la nouvelle avec plus de dignité, mais cela fait incroyablement mal lorsqu’on serend compte que tout ce

en quoi l’on croyait s’effondre comme un château de cartes. Si en plus je rajoute ce qui vient de seproduire, c’en est trop à

supporter d’un seul coup.

Mon corps est secoué de spasmes. Mes bras encerclent ma poitrine ; je tente de m’accrocher àquelque chose pour ne pas

sombrer. Mais j’ai si mal, terriblement mal. Decease avait raison, certaines vérités ne sont pas

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bonnes à entendre, celle-ci en

fait partie.

À nouveau, j’entends du bruit derrière la porte, des pas qui s’arrêtent et un coup contre le bois.

— Faith ? C’est Trent, laisse-moi entrer.

Trenton.

Sa voix me fait sortir de mes pensées. Elle ne calme pas ma crise de sanglots, mais elle arrive déjà àme faire quitter le néant

dans lequel j’étais en train de me fourrer.

— Je…

Ma voix ressemble à un déchet que l’on jette à la mer. Elle est fade, sans autre émotion que la peine.À m’entendre, personne

n’arriverait à croire que je ne pleure pas. Les larmes résonnent au son de ma voix.

Je me sens incapable de bouger de derrière la porte ; je me sens lourde, comme si mon corps pesaitdes tonnes. J’aimerais

bouger pour laisser mon ami entrer et me serrer dans ses bras, parce qu’à cet instant, j’en aurais bienbesoin.

— Il n’y a pas Dead, ni Decease derrière la porte, seulement moi. Laisse-moi entrer où je défoncecette porte, je veux

savoir comment tu vas, insiste Trent.

Je sens le bruit d’un verrou. Suis-je bête, rien ne résiste à un vampire. Où avais-je la tête lorsque jesuis venue me réfugier

ici ? Sans m’en rendre compte, je me décale pour laisser entrer le vampire. La lumière du couloirpasse à travers

l’entrebâillement. Je vois des jambes face à moi, suivi du visage familier de Trenton. Il ne sourit pas.Non, il est inquiet, et je

vois du sang séché sur sa peau. Que s’est-il passé là-bas ?

Le mâle me regarde sans dire un mot ; je ne vois pas dans son expression de l’agacement en mevoyant dans cet état, non, il est

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compatissant, et me le montre. Il ne fait aucun commentaire d’effroi sur ma tenue ; pourtant, je devinequ’il est en train

d’imaginer que le pire est arrivé.

Bon sang, comment va réagir Dead s’il me voit ainsi ? Il va devenir fou et ce n’est pas le moment, jene supporterai pas de le

voir comme ça. Car s’il craque, je ne sais pas comment je vais réussir à gérer les choses. J’ai besoinqu’il se taise parce que

je lui en veux, terriblement.

Doucement, il me relève du sol et me prend dans ses bras ; je m’accroche à ses épaules, et continuede pleurer. Je sais que cela

ne résout rien, les problèmes sont plus qu’omniprésents, mais pour l’instant, c’est tout ce dont je suiscapable.

Les bras réconfortants de Trenton ne me lâchent pas, et je l’en remercie.

— Ça va maintenant, tu es en sécurité.

J’aimerais le croire sur parole, mais j’ai du mal. J’étais censée être en sécurité chez moi, dans monappartement. Dead était

censé être la meilleure alarme anti-intrus, et rien de tout cela n’est vrai, puisque ce soir, je me suisfait agresser. Les minutes

passent ; je ne sais pas combien de temps je reste debout, inerte, à pleurer comme une gamine. Je nepense pas avoir autant

versé de larmes depuis un bon moment. Les pleurs laissent place au hoquet lorsque j’entends desbruits de pas. Je me raidis

instantanément en les reconnaissant. Je ne suis pas prête à cela. Je n’ai même pas besoin de meretourner pour avoir la

confirmation que c’est bien mon amant qui se trouve à nos côtés.

— Dead, laisse-nous, lâche Trenton, elle a besoin d’être seule…

— Non, c’est ma femme, Trent. Je veux savoir comment elle va. Laisse-nous, s’il te plaît.

Je sens l’hésitation chez mon collègue et ami. Je m’écarte de l’étreinte rassurante de Trent, et faisface aux deux vampires dans

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la pièce. Ma vue est un peu trouble, mais si je me concentre, je les vois. Tous deux vêtus de leurscostumes ; ils sont tachés de

sang, mais j’ignore qui a été blessé. Dead a retiré sa veste, et sa chemise dépasse de son pantalon.Ses yeux ont le reflet de

l’inquiétude, mais il n’hésite pas à massacrer du regard Trenton, qui s’interpose entre nous. Cedernier a l’air épuisé de la

situation. J’espère qu’il n’est rien arrivé à Ripley.

Mon ami pose une main amicale sur mon épaule, ce qui attire mon attention.

— Est-ce que tu veux que je reste ?

Je jette un coup d’œil vers Dead ; il est inquiet et ne le cache pas ; ses yeux sont figés sur ma tenue ;les plus sombres pensées

doivent occuper son esprit. Et malgré tout ce qui vient de se passer, il reste mon compagnon, et ilmérite d’avoir des

explications sur ce qui s’est passé ce soir, avec ses frères. Il mérite de savoir ce que je pense, et cequi va se passer… Je le

mérite moi aussi, et je pense qu’en lui tendant la perche, il parlera. Mais que Dead ne pense pasqu’en acceptant d’avoir un

tête-à-tête, j’ai tout oublié. Je lui laisse seulement une chance de tirer tout cela au clair, je lui laissela possibilité de dire

quelque chose pour me convaincre que je ne vais pas devenir folle. Parce qu’à cet instant, je me sensà deux doigts de sombrer

dans la folie.

Je secoue la tête pour répondre à Trenton ; les mots me manquent d’un côté, de l’autre, je crainsqu’ils n’entendent la détresse

dans ma voix.

— Sûre ?

— Trenton, putain, je ne vais pas la violer. Je ne suis pas mes frères et toi, tu n’as pas à me donnerdes ordres vis-à-vis de

ma femme !

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Les deux vampires commencent à hausser le ton, ce n’est pas le moment pour ça. Je m’apprête à lesinterrompre lorsque

Trenton, soupire, et passe une main nerveuse dans ses cheveux. Quelle soirée de merde, quelle vie demerde !

C’est un cauchemar.

— Je ne te donne pas d’ordres, Dead, tu sais très bien ce que je pense de tout ça, tu sais très bien quesi je fais ce que je

suis en train de faire avec Faith, c’est qu’elle en a besoin. Ta femme a besoin d’une épaule, merde !Et je suis aussi son ami en

plus d’être le tien, alors laisse-moi être présent pour elle, deux minutes. Parce que si je ne le fais pas,qui va le faire ? Qui ta

femme arrivera-t-elle encore à supporter, ce soir ? Parce que nous sommes tous plus ou moins liés àce qui s’est produit, toi en

tête de liste.

Trenton n’a pas tort et Dead le comprend, je le vois au regard rempli de détresse qu’il me lance. Sesyeux sur moi me font

l’effet d’une balle en plein cœur. La douleur de la trahison revient, et j’en ai le souffle coupé lorsqueje réponds.

— Laisse-nous… mais reste dans l’appart, Trent.

Le vampire fait quelques pas vers la sortie.

— Je vais rejoindre les autres dans le salon, je suis à côté si jamais… tu as besoin. Tu m’appelles.

Je hoche la tête. Trent jette un œil à Dead, comme s’il lui disait de garder son calme, avant des’éclipser, nous laissant seuls

dans notre chambre.

Je ne regarde pas Dead, je n’y arrive pas, mais je sens ses yeux sur moi, cette tension née entre nous,comme à nos débuts. J’ai

l’impression d’avoir fait un bond en arrière de plusieurs mois ; j’ai l’impression d’avoir tout perdu.Tout me semble si

soudainement inconnu, cette chambre que je partage avec lui, ces nombreux moments d’intimité etd’amour que nous avons

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partagés en sont un exemple.

— J’ai craint le pire lorsque j’ai compris ce qui se passait.

Le murmure de Dead résonne comme un boulet de canon dans la pièce qui me fait sursauter. Jel’entends s’approcher, mais

rapidement, je m’éloigne de quelques pas. Non, je ne supporterai pas de le sentir me prendre dansses bras après ce soir.

Après ce que j’ai appris, après ce qui s’est passé. Dead est ce qui me fait le plus mal à présent, il mefait mal comme il ne m’a

jamais fait souffrir auparavant. Rien que d’y penser, j’en ai les larmes aux yeux à nouveau. Ce n’estpas le moment de craquer,

pourtant.

J’inspire, frotte mes yeux du revers de la main. Je dois lui parler, je dois dire quelque chose, on nepeut pas rester face à face

dans ce silence.

Des décisions doivent être prises maintenant même si elles ne sont que temporaires… mais d’abord,il doit comprendre ce que

je traverse à cet instant. Je dois penser à moi, à mon bien-être, à faire en sorte de ne pas sombrerdans la folie.

— Je n’en peux plus, je n’en peux plus de cette vie, je murmure, le ton rauque.

Je me tourne vers Dead sans m’en rendre compte. Il n’a pas bougé depuis que je me suis éloignée, ilrespecte la distance que

j’ai mise entre nous.

— … c’était l’événement de trop, je reprends. C’est le maximum que je puisse supporter… et je saisque c’est le début

d’un tas d’emmerdes, de choses et de situations encore plus insupportables les unes que les autres…bon sang, je…

Mon corps tout entier tremble, les mots sortent sans réfléchir, c’est mon cœur de femme amoureuse etblessée qui parle.

— … je ne suis pas aussi forte que je le pensais, je ne peux pas y faire face. Je ne pourrai plusjamais voir les choses

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comme elles l’ont été… je ne peux pas, Dead, je dois…

— Est-ce que tu me quittes ? C’est ça que tu tentes de me dire désespérément ? Faith…

Je me fige en voyant son regard bleu. J’y note la peur mêlée à l’inquiétude et à la colère. Ses crocssont sortis, je dévisage

Dead, qui m’était encore si familier hier, mais qui aujourd’hui, me semble si inconnu. Je ne connaisplus l’homme en face de

moi. Je me rends compte que le seul qui a été franc avec moi depuis le départ, c’est l’un des deuxfous qui ont tenté de me

violer dans mon appartement. Bon sang, je tremble encore ! La peur passe dans toutes mes veines, jela sens s’ancrer. J’ai bien

cru que j’allais y passer ; j’ai encore la sensation de ses mains sur mon corps, sa prise râpeuse qui adû me laisser des

marques. Je ne dormirai plus comme avant, à présent. Toute ma vie vient d’être bouleversée par cetteputain de bombe. Je

savais qu’elle tomberait, je me doutais que je savais finalement… et c’est douloureux. La douleurque je ressens dans ma

poitrine me fait l’effet d’un poignard qu’on enfonce un peu plus chaque minute. La déception etl’inquiétude comblent le reste.

Je regarde Dead. Il attend une réponse ; je sais qu’il tente de lire en moi pour savoir ce que je pense,mais tout est bloqué,

blindé par des tas d’informations plus choquantes et renversantes, les unes que les autres.

J’inspire, le cœur lourd, et d’une voix tremblante, je réponds.

— Oui, je te quitte. Après ce soir, toi et moi, c’est fini.

Chapitre 2

C’est fini.

Dead me regarde sans dire un mot. À vrai dire, j’ignore exactement depuis combien de temps la pièceest plongée dans le

silence. C’est pesant ; la chambre dégage une impression étrange ; un mélange de colère, de détresseet de tristesse. Nous nous

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dévisageons sans bouger, les yeux dans les yeux, et ce regard bleu me blesse profondément, tant parce que j’y lis, que parce

que l’individu à qui ils appartiennent, est à présent un inconnu.

Les mots ont franchi la barrière de mes lèvres et je ne regrette pas de les avoir dits. Je les pense, jesuis arrivée à la limite du

supportable, et ce soir, c’était trop. C’était l’événement de trop, les secrets de trop, la véritéinsupportable… Quand je le vois,

j’ai les phrases de ce maudit bouquin qu’a emmagasinées mon esprit ; elles défilent toutes, merappelant ce que ma conscience

de femme amoureuse a délibérément voulu « cacher ».

Connard.

Dead finit par détourner les yeux. Il fixe le vide, les poings serrés. Il brise le silence.

— Tu veux me quitter…, répète le vampire d’une voix calme.

Il tente de cacher son inquiétude, mais je la vois. Il ne se comporte pas comme à son habitudelorsqu’il va bien. Mais

justement, ça ne va pas bien, on ne va pas bien, rien ne va. Notre vie vient de nous exploser en pleineface et elle nous hurle

« bien fait pour vos gueules les amis, quand on joue avec le feu, on finit par se brûler ! ». On s’estbrûlés. Dead, en me cachant

cette vérité, et moi, en croyant bêtement que son secret ne pourrait pas nous briser. Je me sens stupideen plus d’être

terriblement blessée. Stupide de n’avoir rien compris, de l’aimer lui, qui, à présent, est la pirecréature que le monde n’ait

jamais portée. Louis n’est rien, Campbell n’est rien, Dead est tout. Et ma poitrine hurle de désespoirà cet instant, tant la

douleur de cette vérité me fait mal et tant la réalité n’était pas digne de mes pires cauchemars. J’aimeune invention du mal,

j’aime le mal incarné qui vit sur Terre depuis des siècles et qui n’a cessé d’exister pour rependre sonvenin.

Seigneur, c’est affreux !

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Je sens les larmes me monter aux yeux, mais la colère les devance rapidement.

— Oui, je sais tout, Dead. Bon sang, je sais tout et…

— Mon Ange…

— NE M’APPELLE PLUS JAMAIS COMME ÇA ! TAIS-TOI !

Je lui fais signe de se taire. Il tente de m’interrompre à nouveau, mais je cris de plus belle. Je ne veuxpas l’entendre me

parler, le son de sa voix me fait si mal à cet instant.

— NE DIS PLUS RIEN ! je répète.

— Faith, il faut qu’on en parle, tu ne peux pas…

Mais Dead ne lâche pas le morceau comme ça, il ne se taira pas, je le connais, enfin, je pense leconnaître.

Je le foudroie du regard, prenant soin d’y mettre tout ce que je ressens. Bien sûr que je peux partir, jene peux pas rester.

Comment le pourrais-je ?

Je dévisage un homme debout face à moi, l’homme qui me tient dans ses bras chaque nuit, celui avecqui je vis, celui qui m’a

fait changer, il est celui que j’aime, bon sang ! Et pourquoi ai-je aussi mal en le regardant ? Je mesens trahie comme jamais

personne ne m’a trahie, mais pourquoi ? Pourquoi il m’a-t-il fait cela, bon sang ?

Pourquoi ?

Mon corps tout entier se met à trembler, sous la rage et la peine, ce mix me noie les yeux, et je medemande comment je vais

être après cette conversation.

— Qu’on en parle ? je réponds, tremblante. Tu as perdu ce droit-là, Dead, tu l’as perdu quand deuxfous sont rentrés chez

nous ! Quand tes deux autres frères ont pris le soin de tout me déballer avant de tenter de me violer !Il m’a touchée, bon sang !

Il m’a touchée là où toi seul peux me toucher et…

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Des images du regard rouge me reviennent à l’esprit. Ses mains sur mon corps, et sa voix. Ellerésonne encore en moi, comme

un avertissement qui ne disparaîtra jamais. Et son autre dingue de frère tranquillement assis sur lecanapé, à me sourire, toutes

dents dehors, pendant qu’il prenait un plaisir fou à me déballer la vérité. Il n’en avait rien à faire deson satané vœu de

silence ! Il m’a tout envoyé, en pleine figure, comme un boulet de canon. Il était le boulet, et j’étais lacible. Ils ont réussi leur

coup, je suis touchée et complètement brisée.

— Je suis désolé qu’ils t’aient touchée ! se défend Dead d’une voix sincère. Faith, ils n’avaient pasle droit, je suis

d’accord, ils n’auraient pas dû faire ce qu’ils ont fait, mais…

— J’en ai assez, là, c’est vraiment trop ! je l’interromps, ce que je viens d’apprendre, de vivre,c’est… je ne pourrais pas

le supporter, non, c’est trop dur ! Je ne peux pas rester, je ne veux même pas t’entendre, ça non plus,je ne le supporterai pas,

laisse-moi, Dead ! Laisse-moi m’éloigner de toi vite avant que tu ne me fasses davantage de mal…

Je refoule vite tout cela, et sans réfléchir, je marche en direction du dressing de la chambre. Je passedevant Dead en courant,

comme si j’avais peur qu’il me saute dessus ; à vrai dire, je suis complètement retournée, c’est plusfort que moi, mon esprit

dicte à mon corps de me protéger de ce qui me fait mal et Dead me fait mal.

Rapidement, j’ouvre toutes les portes, mes gestes sont saccadés, je ne remarque pas que je suis enpleine crise de panique.

Mais je le sens. Je sens que la peur s’ancre en moi, la tristesse et la douleur de la trahison, toutremonte et tout me fait mal.

Je tremble tellement que je fais glisser une rangée entière de chemises pliées sur le sol ; le sac que jetentais de prendre

manque de me tomber dessus.

Je sursaute lorsque je sens une main prendre la mienne pour me sortir de cet état léthargique.

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— Bordel, Faith, calme-toi ! Laisse-moi te parler !

La voix dure de mon amant m’arrête net. Je me fige, fixant le vide quelques instants, avant de réaliserque c’est bien sa main

qui encercle mes doigts, ce geste qu’il faisait tout le temps. Je ferme les yeux, je sens des larmess’échapper, elles viennent

brûler mes joues. Je n’ai jamais ressenti pareille douleur qu’à cet instant.

— Je veux partir d’ici, je ne peux pas rester avec toi, pas maintenant, pas après… c’est…

— Tu n’as pas le droit de fuir sans que je ne t’aie donné des explications.

Son souffle chaud vient caresser mon cou, je me raidis. Je lui serre la main avec force, je ne veux pascraquer, pas maintenant,

sinon, je suis fichue. Je reste silencieuse quelques instants, le temps de calmer cette vague passagèred’émotions.

Lorsque je me sens prête à lui répondre, je prie pour que ma voix ne trahisse pas les larmes quioccupent mes yeux.

— Je ne sais même plus qui j’ai en face de moi… qui est l’homme à qui je parle. Tout vient des’effondrer, tout ce que je

croyais. Qui es-tu, Dead ? Bon sang, qui es-tu ?

Je sens bien que ma question le blesse parce qu’il lâche ma main et recule. Je ne sens plus saprésence dans mon dos.

— Je pourrais te répondre si tu me laissais m’expliquer.

Aie, comme le son de sa voix arrive encore à me faire mal.

— Je ne veux plus de ta vérité, je ne la supporterai pas, ce soir.

Non, je suis blindée.

— Pourtant, tu vas m’écouter, parce que je ne te laisserai pas partir sans que tu saches. Car, si je telaisse partir ce soir,

jamais tu ne reviendras. Tu fuiras, Faith, et ce sera fini pour de bon. Je ne veux pas que tu fuies, je neveux pas que tu me

quittes, alors si m’écouter, ne serait-ce qu’une dernière fois, me permettrait de ne pas perdre lafemme que j’aime, laisse-moi

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m’expliquer ! Laisse-moi juste t’expliquer…

Le silence s’installe dans la petite pièce. Je dévisage les piles de vêtements, pendant que lui meregarde. Je sens cette tension,

c’est affreux. Cette nuit est affreuse. Dead ne dit rien, mais sa présence m’indique bien qu’il nelâchera pas l’affaire.

C’était ce que je voulais, après tout… la part de notre stupide marché.

— D’accord. Après, je m’en vais, je finis par lâcher.

Je me tourne pour lui faire face. Dead me fait signe de le suivre dans notre chambre. J’ignore cettelueur dans ses yeux, sa

façon qu’il a de me regarder, j’ignore tout ce qui m’entoure, sinon, je vais craquer.

— Pas ici, suis-moi, allons nous asseoir.

Je ne dis rien, je le suis. Chacun de mes pas résonne comme un bruit de tambour de guerre. C’est «drôle », comme j’avais

souhaité ce moment, il y a des mois. Désormais, je ne veux plus. Je déteste ce moment, je déteste ceque Dead va me dire et

que je sais déjà, je le déteste, lui, je lui en veux de me retrouver aussi perdue.

Je regarde Dead s’asseoir sur notre lit. Ce dernier est impeccable, on dirait qu’il nous appelle àfroisser ses draps. Je le fixe

un instant, il me rappelle tant de choses, tous ces moments de joie, de plaisir partagé et d’intimité.Tout cela est fini, ces

souvenirs ne sont plus que douleur.

Je m’assois à ses côtés, prenant soin de mettre un peu de distance entre nous, je soupire, mes mainstremblent encore, et

j’attends. Je fixe le parquet. Il est tellement plus apaisant que l’homme qui se trouve près de moi.

Il faut que je parle…

— Tu t’autorises seulement à m’en parler parce que tes frères l’ont fait avant toi ? je demande.

J’entends le soupir de Dead. Je n’arrive pas à comprendre dans quel état il est. Est-il en colère ?Triste ? À vrai dire, même

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s’il m’envoyait des signaux, je ne les verrais plus, je suis brouillée.

— Le vœu de silence qui m’en empêchait a été rompu par Died. Il n’y a plus de marché, plus depacte, plus rien, répond

Dead. Et tu mérites d’entendre la vérité et l’histoire de ma bouche. Ma version surtout… alors oui, cesoir, si je te parle

librement, c’est parce qu’on l’a déjà fait et ça me désole.

Moi aussi, cela me désole de savoir que deux inconnus ont fait le « boulot » qui lui revenait de droit.Cela me désole de voir

qu’eux n’ont pas eu de scrupules à rompre leurs vœux de silence et pas lui, l’homme que j’aime.

— Très bien ! Je t’écoute, je lance au bout d’un moment.

— Demande-moi ce que tu veux savoir.

Je manque de rire nerveusement. C’est vraiment drôle. Comme j’aurais aimé entendre cette question,il y a des mois de cela.

Pourtant, je ne réfléchis pas, je parle. De toute façon, je ne pense plus être apte à penser normalementpour ce soir, j’ai trop de

choses à l’esprit.

— Comment as-tu su que c’était moi ?

— Je l’ai vu.

Dead me répond du tac au tac. C’est blessant de voir qu’il a les réponses toutes prêtes.

— Comment l’as-tu vu ? je poursuis.

Dead me montre, d’un geste de la main, mon visage.

— Dans tes yeux, j’ai vu en toi ce que tu étais, ton âme, ton cœur. Tout passe par les yeux, tout passedans tes yeux.

— Mes yeux sont comme ceux de n’importe quel humain, je renchéris, un peu sèchement.

Je vais m’énerver encore. À vrai dire, j’ai l’impression d’être un yoyo constant. Un coup la peine,puis la colère, suivi des

larmes et du chagrin. On rembobine le tout et on recommence. Voilà comment je suis ce soir, unecassette qu’on enclenche,

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qu’on laisse se visionner avant de la rembobiner pour qu’à nouveau, elle passe sur grand écran,exposant ses images. J’expose

mes sentiments aux yeux de Dead comme une cassette, et il est le spectateur de ce film.

J’entends le bruit familier de ses doigts dans ses cheveux. Il me répond.

— Eh bien… pour toi oui, pour moi, mes frères, et les vampires que nous avons transformés nous-mêmes, dans tes yeux,

nous voyons… le symbole que j’ai tatoué sur l’aine.

Ce fameux tatouage …

Instinctivement, je frotte mes yeux, je ne sens rien…

— Donc, lorsque nous nous sommes rencontrés la première fois…

— J’ai tout de suite compris qui tu étais.

— Louis aussi ? D’après tes frères, ils m’ont dit…

Dead m’interrompt encore, cela m’agace. J’ignore s’il lit dans mes pensées ou s’il est juste nerveuxde cette conversation

froide et tendue.

— J’ai transformé Louis. Il a la capacité de te « voir ». Il a tout de suite vu qui tu étais, c’est pour çaqu’il t’a prise pour

esclave. Enfin, je présume.

— Il m’a achetée pour toi ? je demande la voix tremblante, car si cette vérité en était une, elle meblesserait.

J’entends Dead grogner, puis le frottement de ses mains sur son pantalon. Oui, pas de doute, il est trèsnerveux et ma question

l’a mis en colère. Je manque de rire. Lui en colère, bon sang, il n’y a que moi qui aie ce droit, ce soir!

— Bordel, non, Faith ! Il m’avait dit qu’il avait une nouvelle compagne, mais pas que tu étais laprophétie. Je ne l’ai su

qu’en te voyant.

— Pourquoi ne te l’a-t-il pas dit, alors ?

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— Parce qu’il a jugé que je n’étais pas en mesure de t’avoir dans ma vie à cette époque. Nousdevions faire le coup d’État

lors du dîner du quinzième anniversaire. Il pensait que je devais avoir autre chose à faire que dem’occuper du rôle de ma vie.

Louis me connaît très bien, et avec le recul, si d’abord j’ai été en colère contre lui de m’avoir cachétout ça, j’ai compris qu’il

voulait me protéger de cet engagement qui a engendré mon existence.

Je hoche la tête. De toute façon, à cet instant, je me tape de Louis. Seule la raison du pourquoi et ducomment tout a commencé,

m’intéresse.

Une petite voix au fond de moi me dit « sans Louis, jamais tu n’en serais là ». Je la chasserapidement, ce n’est pas le moment.

Je me racle la gorge, et lui pose, à nouveau, une autre question, bête, mais j’ai besoin de l’entendreaussi de sa bouche.

— Tu es bien l’un des fils de cette bible ?

— Oui, tout est vrai, tout ce que tu y as lu, toute l’histoire, le pourquoi du comment, ce qui arrivedans ce livre, c’est la

vérité.

Un crac résonne au creux de ma poitrine. Je me rends compte que j’espérais encore qu’il me dise quec’était faux.

Bon sang, c’est incroyable comme je m’accroche encore à lui.

— C’est vrai que tu as une sœur ?

— Oui.

— Elle n’est pas mentionnée dans la bible, je souligne.

— Non, effectivement.

— Pourquoi ?

— Parce que c’était une femme. Les femmes n’étaient que des objets à l’époque ; elles étaient sansimportance. Ma sœur

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n’est pas le problème actuellement.

Non, c’est vrai. Notre problème, c’est son mensonge, ce qu’il m’a caché. Le silence revient. Cettetension entre nous prend de

plus en plus de place, elle est oppressante, douloureuse, et c’est la pire chose que je pense avoirconnue.

Une boule se forme dans ma gorge. Je tente de me concentrer sur autre chose, alors je me remets à luiparler.

— Tu n’as donc jamais été humain ?

C’est stupide de le lui demander, mais c’est comme si inconsciemment, j’avais besoin d’entendre lavérité de sa bouche. J’ai

dû être maso dans une autre vie, parce que plus il me répète ce que je sais déjà, plus j’ai mal. Etmalgré la douleur, je ne cesse

de demander.

— Non, jamais. Je ne l’ai jamais été. Je suis né vampire, j’ai grandi en étant un vampire, je resterai àjamais figé avec le

corps d’un homme de trente ans. Je serai toujours un vampire, mais j’ai connu l’enfance,l’adolescence, mais ça… c’était il y a

bien longtemps.

— Tu as eu une mère ?

— J’ai eu une mère, il y a bien longtemps.

L’espace d’une fraction de seconde, je me demande à quoi, elle pouvait ressembler pour mettre aumonde, un homme aussi

beau.

— Elle est morte ? je poursuis.

— Elle l’est.

— Et ton père ?

— Mon père ? Ouais, lui est toujours là, ne t’en fais pas.

Je note le sarcasme.

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— C’est la Mort ? C’est lui ton père ?

Encore une question stupide, mais c’est tellement… surréaliste de savoir qu’il y a une part chez lui,de ce personnage si

mythique. La Mort est le père de mon amant, c’est… je n’en sais rien, je dois être sous le choc encorede cette nouvelle.

— Oui. Mon père est la Mort. Certains l’appellent Satan, d’autres le Diable ou Lucifer, La Faucheuseaussi. Mais il est

celui qui s’occupe d’un monde plus maléfique que cette terre, un monde où règne la mort, l’obscurité,les ténèbres. Mon père

est ce grand personnage connu et redouté par les humains, mon père est un taré imbu de sa personnequi a engendré des fils

dans l’unique but de…

— Je sais, j’ai lu ton histoire. J’ai lu tout ce que l’on t’a fait, ce que toi-même tu as fait. Maintenantque je sais que c’est

toi, je sais tout. Et la vérité n’est pas bonne à entendre. Non, absolument pas.

— Je sais que tu sais maintenant, reprend Dead, je pense que Died s’est fait un plaisir de te raconter.Mais je pensais que tu

l’aurais compris bien plus tôt, je ne pensais pas que face à la réalité, tu sombrerais dans le déni…

Je le coupe à mon tour.

— L’amour rend aveugle, Dead, je t’aimais… j’avais confiance en toi, en tes paroles, je pensais teconnaître. Je savais que

tu n’étais pas comme tous les autres vampires… j’apprends juste aujourd’hui qu’en plus d’être unvampire, tu es l’un des

premiers, tu es l’un de ceux qui ont fait que cette terre soit surpeuplée de suceurs de sang. Ma plusgrande peur vient de se

réaliser, l’homme que j’aime est en réalité tout ce que je déteste.

Je sens la main de Dead sur ma cuisse. Je me raidis, je ne le regarde toujours pas depuis que je mesuis assise à ses côtés. Ma

poitrine se gonfle. J’aimerais lui dire de ne pas me toucher. Cela me fait mal de le sentir comme ça.

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— Faith… regarde-moi, regarde-moi dans les yeux et tu verras qu’il n’y a rien de mal en moi, je nesuis pas Died, je ne

suis pas Dying, Decease ne l’est pas non plus. Je n’ai pas joué de rôle avec toi, je t’aime, il n’y a pasde rôles à jouer

lorsqu’on aime.

— Ce n’est pas ce que dit ton frère…

Je ne me rends pas compte tout de suite que j’ai tourné la tête pour y lire la vérité dans ses yeux.

— C’était il y a bien longtemps.

Dead croise mon regard, il doit voir que je ne le crois pas. Je détourne vite les yeux, ils metrahissent, et la réaction de mon

mari me le confirme.

— Faith, je t’aime ! Regarde-moi, bon sang ! Regarde à quel point ça me fait mal ce qui est en trainde se passer ! Tu

m’échappes un peu plus à chaque mot ! Je te perds et c’est douloureux.

J’éclate de rire, ce qui nous surprend tous les deux. Lui trouve que c’est douloureux ? C’est vraimenttrop fort comme

remarque venant de sa part !

— Tu n’as pas le droit de souffrir, ce n’est pas à toi à qui on a menti…

Dead me coupe la parole, et explose à son tour. C’en est fini de ne plus le regarder.

— ARRÊTE ! ARRÊTE DE CROIRE QU’IL N’Y A QUE TOI QUI DÉGUSTES, À CET INSTANT !MERDE, TU N’ES PAS LA SEULE À SOUFFRIR, CE

SOIR ! OUI, JE T’AI MENTI, MAIS TENTE DE COMPRENDRE POURQUOI JE L’AI FAIT !

Moi aussi, je me mets à hurler, tant ce qu’il me dit est pathétique. Il ne sait rien ! Il m’énerve !

— TU SOUFFRES ? COMMENT TU PEUX DIRE QUE TU SOUFFRES ALORS QUE C’EST TOILE FAUTIF DANS TOUT ÇA ! TU NE SOUFFRES PAS,

DEAD ! PARCE QUE LA PERSONNE QUE TU ES NE PEUT PAS AIMER QUELQU’UN ! PASAPRÈS CE QUE J’AI LU ! TU NE SAIS PAS CE QUE C’EST

QU’AIMER ! TU N’AS JAMAIS ÉTÉ HUMAIN POUR RESSENTIR L’AMOUR ! TON

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ÉDUCATION NE T’A PAS MONTRÉ CE QUE C’ÉTAIT QU’AIMER !

MOI, JE T’AIME ! MOI, JE SAIS CE QUE ÇA FAIT D’AIMER ! PARCE QU’À CET INSTANT,J’AI TELLEMENT MAL QUE JE VOUDRAIS EN CREVER !

C’EST ÇA AIMER QUELQU’UN ! C’EST LORSQUE CELUI-CI NOUS BRISE QUE LADOULEUR EST INSUPPORTABLE QU’ON SAIT CE QUE C’EST

QU’AIMER ! OÙ EST TA DOULEUR, BORDEL ?! TU N’AS RIEN ! TU NE RESSENS RIEN ! TUNE MONTRES RIEN ! TU M’AS MENTI, MERDE ! OÙ TU

AS APPRIS QU’ON MENTAIT À LA PERSONNE QU’ON AIME !? OÙ !?

Sans véritablement m’en rendre compte, je me mets à le frapper. Mes mains le tapent n’importe où, jedois certainement le

gifler, mais qu’importe, j’ai mal ! Ses mots me font mal, son incompréhension surtout. Je suis figéedans ma colère. Je lui en

veux tellement d’avoir tout gâché. J’étais si bien avec lui ! Certes, tout n’était pas parfait, mais c’étaitnous. C’était lui et moi.

Dead tente de me prendre dans ses bras, mais je me débats. Non, je ne veux pas être contre lui, jeveux lui faire mal.

— CALME-TOI ! JE T’EN PRIE !

Le vampire arrive à saisir mes mains, il les serre dans les siennes. Je me retrouve face à lui, mesyeux empreints de larmes

face aux siens remplis de détresse.

— Faith…

J’ignore sa voix, je veux tout lui déballer, tout ce que je ressens à cet instant, et si je ne crie plus, jen’y mets pas les formes.

— Tu m’as menti, Dead, c’est tout ce que je retiens ce soir. Cela fait un an qu’on vit ensemble, un anque tu es mon monde,

un an que tu me touches, que tu me serres dans tes bras en me disant que tu m’aimes, bon sang ! PLUSD’UN AN ! Comment

faisais-tu pour me regarder droit dans les yeux alors que tu savais ?

Dead me lâche, le soupir qui sort de sa bouche m’explique clairement à quel point c’est pesant.

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— J’ai fait un choix, Faith. Bordel, tu ne t’es pas vue lorsque nous nous sommes rencontrés ! Tun’étais plus une femme, tu

n’étais que l’ombre de toi-même ! Je ne voulais pas t’achever plus que Louis ne l’avait fait ! Imagine-toi deux secondes à cette

époque, rappelle-toi comment c’était ! Comment tu l’aurais vécu si je t’avais dit : (Dead prend un airsupérieur en faisant des

guillemets avec ses doigts) « Sinon Faith, tu sais que tu n’es pas celle que tu penses. Tu es, certes,une femme et une humaine,

mais le destin a décidé de te désigner toi pour accomplir une prophétie aussi vieille que le temps. Sijamais tu tombes

enceinte, tu la réaliseras ». (Mon compagnon reprend une voix normale) Sérieusement, et tu le saisaussi bien que moi, tu te

serais enfuie, jamais tu ne m’aurais laissé ma chance. J’ai fait le choix de te redonner goût à la vie,en prenant le risque de te

cacher ce que tu étais. Je t’aime et j’ai voulu te protéger de quelque chose que tu n’aurais jamais pusupporter à l’époque où

nous nous sommes rencontrés.

— Et après, Dead ? Ces derniers mois, tu m’as laissé aller à ma guise, à fouiner dans ton passé,pourquoi ? Et ne sors pas

la même excuse que lors de tes dernières explications…

— Parce qu’à ce moment-là, reprend le vampire, j’ignorais que ce putain de pays était trufféd’espions russes. Ça allait

bien toi et moi à cette époque, et je pensais que c’était le bon moment pour que tu saches. Alors, jet’ai laissé faire, parce que

moi-même, je ne pouvais pas te le dire. J’ai jugé qu’il était temps que tu apprennes la vérité par toi-même, pour qu’ensuite, on

puisse en parler, entre adultes, calmement. Jamais, je n’ai souhaité que tu l’apprennes de la sorte.J’en suis désolé.

Le silence revient. Je sais qu’il a sans doute bien fait, qu’il pensait bien faire. Mais je le vis commeune trahison, je refuse de

comprendre son avis, ce qu’il pense. Je ne retiens qu’une chose : son mensonge. Il me hante, ce soir.

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Je recommence à trembler, ma voix prend une tonalité proche de celle que l’on prend lorsque l’ons’apprête à fondre en

larmes.

— Je pense que je t’ai pardonné un peu trop vite la première fois, j’ai fait moi aussi un choix stupide,une erreur…

— Faith… murmure Dead.

— Je pense que… je ne réalisais pas dans quoi je me fourrais avec toi… et ça depuis le début denotre histoire, tu étais

trop parfait, tu…

— Faith…

J’aimerais lui dire de ne pas me regarder ainsi, c’est encore plus douloureux. Tout est douloureux.

— Je pense que j’aurais déjà dû partir la première fois, après ton coup d’État. J’aurais dû m’en aller.

Je soupire, refoulant un sanglot.

— Qu’est-ce qui m’a pris de rester avec toi, même après les quelques explications que tu m’asdonnées ?! J’aurais dû

comprendre ce jour-là, qu’un secret qui ne pouvait pas être révélé ne devait pas être connu, mêmevenant de moi. Je n’aurais

jamais dû t’aimer, j’aurais dû te détester comme Louis. Je savais que je devais, mais c’estimpossible. Je t’aime et c’est bien

ça le problème. J’aimerais cesser de t’aimer, maintenant surtout, parce que j’ai mal, et je voudraisque ça s’arrête. Ça rendrait

les choses tellement plus faciles. J’aurais dû m’en aller…

— Non, tu as fait ce qu’il fallait.

— J’ai fait ce qu’il fallait ? je le reprends. Tu m’expliques ce que j’ai fait durant ces derniers mois ?On a conclu un

stupide marché qui nous a menés droit dans le mur. On s’est voilé la face, Dead, tu m’as voilé la face!

— Tu étais dans le déni, Faith, tu avais déjà tout compris, et tu as refusé de voir la vérité ! Tu auraisdû comprendre avec le

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tatouage qui j’étais ! Seulement, ça te faisait bien trop flipper. C’est peut-être moi qui me suis trompéen fin de compte…

Je l’interromps. Je refuse de croire que c’est de ma faute. Et qu’il ose me le dire que c’est en partiede la mienne, me blesse un

peu plus. J’essuie mes yeux, refusant de pleurer comme une idiote.

— La vérité ? Mais comment… (Je retiens à nouveau un sanglot.) comment… voulais tu quej’accepte que l’homme que

j’aimais était en vérité un être complètement démoniaque, tu es… tu ne sais même pas ce que c’estd’être humain… tu… pire,

c’est à cause de toi qu’on en est là, toi et tes frères ! Vous avez répandu votre poison, et ça depuis dessiècles. Te rends-tu

compte de ce que j’ai appris ? Tu t’en rends réellement compte ? Tu n’es rien de ce que j’imaginais.Tu es…

— Un vampire, Faith, oui, je suis un vampire, un des premiers, mon père est la Mort, je n’ai jamaisété humain, je suis né

vampire. Je suis l’un des cinq uniques vampires qui ne soient pas de nature mélangés. Je n’ai jamaissu ce que c’était d’être

malade. Je ne connais pas la peur de la mort, j’ai grandi avec elle. Oui, je suis ce que tu n’auraisjamais pu t’imaginer… mais

ce ne sont que des origines. Ce que je suis réellement, tu le sais. On ne devient pas quelqu’un ennaissant, nos actes font de

nous une personne… Faith, qu’est-ce que je dois te dire…

Rien, plus rien. Je ne pourrai plus rien entendre. Je ne le crois plus, je ne crois plus en rien, jeconstate juste que tout part en

fumée, et plus nous parlons, plus ça brûle et ça fait mal.

Il a tout gâché .

— Toute notre histoire repose sur un mensonge. Est-ce que tu as tout fait pour que je tombeamoureuse de toi ?

Ma voix n’est que sanglot à présent, je n’arrive plus à chasser ces larmes, je ne contrôle plus lesréactions de mon corps qui

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dit : assez, tu n’en peux plus !

Je n’en peux plus.

— C’est un coup bas cette accusation…

— Réponds-moi ! je crie en larmes.

Sa réaction est immédiate, ce qui pourrait me confirmer sa sincérité…

— Je n’ai jamais voulu que tu tombes amoureuse de moi, j’ai simplement voulu te mettre en sécuritéquand je t’ai

rencontrée, et quand je t’ai forcée à venir vivre avec moi. Je ne m’étais pas préparé à tomberamoureux de toi, je ne

m’attendais pas à ce que la haine que j’éprouvais à ton égard lorsque je n’étais qu’un gosse setransforme en amour. Ensuite,

j’ai réalisé que je prenais le risque de tout foutre en l’air sachant ce qui se cachait derrière notrerencontre. Oui, si tu n’avais

pas été la prophétie, je ne pense pas que je t’aurais mordue sans raison pour te mettre en sécurité…

Dead m’attire contre lui. Je tente de résister à son étreinte, mais je finis par craquer, je n’ai plus laforce de résister, je n’y

arrive plus. Le vampire me serre fort, et je me transforme en un torrent de larmes. J’ai mal… si mal,et ses mots sont une

brûlure au fond de mon âme. Dead ne s’arrête pas de parler, sa voix reste empreinte d’une profondedétresse. Il a beau être un

vampire respecté, le Président des États-Unis, néanmoins, lorsqu’il n’y a que lui et moi, lorsque leshistoires ne concernent

que nous, il n’est autre que mon égal, un « homme » qui aime une femme, et qui… je pense, a dessentiments envers elle.

À vrai dire, je ne suis plus sûre de rien du tout, je parle, je pense encore comme la femme que j’étaiset qui connaissait encore

son compagnon. Aujourd’hui, l’inconnu qui me tient contre son torse, je ne sais rien de lui, tout estencore trop flou.

— … mais je sais que je serais tombé quand même amoureux de toi en apprenant à te connaître,parce que même si tu

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penses le contraire, c’est toi que j’aime, toi et seulement toi. Pas parce que tu es ce que j’ai toujourscherché. Non, tu es la

femme qui m’a chaviré le cœur avec ton caractère, ta façon d’être, et qu’importe si tu portes dans lesyeux le signe de la Mort,

je t’aime pour tout le reste, pour toi, et uniquement toi, sans ton destin, sans cet esclavage forcé quit’est prédestiné. Je t’aime

d’un amour qui est… je t’aime plus que ma propre vie, Faith, je la donnerais pour toi. Bon sang,crois-moi… crois-moi quand

je te dis que je t’aime pour toi et pas pour ce que ta vie apporterait à l’humanité. Laisse-moisupporter le poids de ton chagrin,

n’affronte pas ça toute seule… j’ai beau être un vampire de plusieurs milliers d’années, je ne suisrien sans toi, c’est toi ma

force… (Sa voix devient un murmure) Ne me quitte pas.

Ses derniers mots ont l’air de sortir droit de son cœur. Je ressens toute la peine qu’il a au fond de lui,à cet instant, le

désespoir de voir que la triste réalité se produit aussi de son côté. Je pleure un long moment, contrelui, contre cet homme qui

n’a jamais été humain et qui m’a trahie. Nate avait raison, Dead ne pouvait que me faire du mal. Est-ce que mon ancien

meilleur ami savait ce qu’il me cachait ? Je ne le saurai jamais.

Et les autres, je devine que tout le monde savait, et étrangement, mis à part Decease, je ne leur enveux pas. Je ne peux pas en

vouloir à Trenton, ni même à Senan ou Deryck, mais aux membres de ma famille si. Parce qu’ils sonttout pour moi.

Je finis par m’arrêter de pleurer. Dead continue de me serrer contre lui. J’ai l’impression qu’on nepourra jamais réparer les

blessures de ce soir. À cet instant, je ne vois pas de solution. Je lui en veux tellement.

Je m’écarte, essuie mes yeux du revers de la main. Je vois le vampire un peu flou. Ma voix est encorerauque lorsque je lui

parle.

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— Je ne peux pas, Dead… je dois m’en aller.

Dead ferme les yeux quelques instants, et malgré tout ce que je ressens, au fond de moi, j’ai mal de levoir ainsi.

— Tu m’as fait te promettre de tout faire pour ne pas que tu fuies…

— C’était avant que je sache… Écoute, je suis trop perdue pour réfléchir, j’ai besoin d’encaisser toutça… sans toi. Ne me

retiens pas.

— Je…

Dead a l’air de se résigner. Il se tait en me dévisageant, sans rien dire. Il adopte l’expression qui mefait comprendre qu’il

réfléchit. Je sais à quoi il pense ; il pèse le pour et le contre ; il lutte intérieurement contre tous sessentiments ; il fait comme

moi, il lutte contre les dégâts qu’a causés la bombe de l’arrivée dans nos vies de ses deux frères. Illutte contre son instinct de

vampire « amoureux » de me retenir. Dead découvre à l’instant même ce qu’est de souffrir de la pertede quelqu’un… ses yeux

bleus, si vivants prennent une lueur de profonde tristesse lorsqu’il capitule.

— D’accord, je ne te retiens pas pour cette fois.

— Dead…

— Tu vas me briser le cœur en franchissant cette porte, Faith… mais ce soir, je n’ai plus les motspour te retenir.

Sa déclaration me touche directement au cœur.

— Ne me dis pas ça, c’est assez dur comme ça…

— Tu voudrais que je te dise, pars et ne reviens jamais ? C’est impossible, alors, pars…

Dead détourne le regard. Il se lève du lit, et marche en direction des fenêtres de la chambre. Il fourreses mains dans ses

poches, il le fait rarement, ce qui marque à quel point la situation le touche.

— C’est peut-être mieux comme ça en fin de compte, lâche le vampire.

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Je ferme les yeux en inspirant profondément. Je n’insiste pas plus. Je pars en direction du dressing. Jeme change. Il faut que

j’enlève ce maudit jean. Une fois vêtue autrement, je fais mes valises, j’embarque le minimum pourquelques jours. Je passe

dans la salle de bains. J’ai mis mon esprit en mode off. Je ne pense à rien quand je reviens dans lachambre, le cœur lourd, un

sac de voyage dans les mains.

Je quitte l’homme que j’aime et c’est affreux, même si rester serait pire.

— Tu vas chez Trenton ?

Dead ne se retourne même pas lorsqu’il me demande où je vais. Il reste debout, statique devant lafenêtre. Et même si je lui en

veux, si je suis en colère, et si je pense le détester à cet instant, la femme amoureuse en moi sent sadouleur, elle sent à quel

point il est dévasté de voir quelle tournure prend cette situation, mais surtout, elle sent le chagrin queDead ressent alors que je

m’apprête à franchir cette porte, sans lui donner ne serait-ce qu’un peu d’espoir concernant notreavenir en commun.

Je serre les sangles de mon sac de voyage, en lui répondant.

— Oui, je vais aller chez lui, je pense… j’ai… enfin j’imaginais toujours débarquer chez Deceaseaprès une dispute avec

toi, mais je n’ai pas envie de voir ton frère non plus.

— Je comprends.

— Je suis désolé que ça se termine comme ça, Dead…

— Ce n’est pas fini, toi et moi, ça ne sera jamais fini.

Il me dit cela comme s’il me faisait une promesse. Une douloureuse promesse…

— Je t’ai blessé…

Dead m’interrompt.

— Oui, j’ai mal, et oui, je pense qu’on est quitte. Tu as mal parce que je t’ai menti sur mon « secret »,

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et j’ai mal parce que

tu t’en vas. Je suis fou de rage que tu t’en ailles, fou de rage de ce qui s’est produit, ce soir… Tu tetrompes Faith, là, je sens

bien ce que ça fait, j’ai beau ne pas avoir été humain comme tu dis, ton départ me fait souffrir plusque tu ne le penses.

À mon tour, je manque de mots. Je note sa colère. Il est blessé lui aussi, et je ne l’ai jamais vu danscet état auparavant. Je le

regarde prostré quelques instants encore, avant de me résigner à mon tour. Je sors de la chambre,d’un pas lourd, et tremblant.

Je me dirige vers le salon. Je découvre les vampires qui font partie de ma vie depuis plusieurs mois,Decease près d’une

fenêtre, il fume, il a l’air d’avoir usé de ses poings et de ses crocs. Je remarque du sang sur son t-shirt, et ses bras. Il me

regarde, et je me concentre sur Louis assis sur le canapé. Trenton se lève en me voyant. Ripley n’estpas là. J’espère qu’il n’a

rien. Deryck n’est pas présent, il doit certainement être rentré voir si Queen va bien. Il manque Senanaussi. Tous finissent par

me dévisager. Je sais ce qu’ils voient : une femme, les yeux rougis et un sac de voyage dans lesmains, même un débile

comprendrait la situation.

Je ne cherche même pas à comprendre comment ils ont fait dégager les deux « méchants » frères.Trenton m’expliquera

demain. Ce soir, je ne veux plus d’explications, je veux juste m’éloigner de tout cela.

— Faith ? me demande Trent.

Je croise à nouveau le regard bleu inquiet de Decease, il a sa pipe à la bouche, il la fumenerveusement. Mon cœur se serre

aussi, il ne m’a pas autant trahi que son frère, mais il me l’a caché aussi. Je vois qu’il s’en veut, maisc’est trop tôt pour lui

parler, ou ne serait-ce que pour envisager le pardon. Je me tourne vers Trent qui prend mon sac.

— Est-ce que je peux venir chez toi ? je demande à mon ami.

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— Bien sûr.

— Hors de question !

Je me tourne vers Decease qui marche vers nous, visiblement en colère.

— Oh, ta gueule, gamin ! lance Trenton en le foudroyant du regard.

Decease gonfle la poitrine, lui aussi soudainement très énervé, je ne l’ai jamais vu ainsi. Il estnerveux, et son regard bleu

ressemble à deux mitraillettes. Déjà que Trent lui tape sur les nerfs, je n’imagine pas comment celapourrait finir.

Je tente de m’interposer, mais mon beau frère renchérit de plus belle.

— Qu’est-ce que t’as dit ? Trenton, je ne déconne pas ! On n’est pas dans l’un de nos jeux à la conhabituels. Faith ne doit

pas aller avec n’importe qui…

— STOP !

Tout le monde se tourne vers Louis. Je suis aussi surprise que les autres de le voir intervenir. Il fermesa veste en se levant. Je

note que lui aussi s’est battu, ils se sont tous battus, et sont tachés de sang.

— Faith n’ira pas chez toi, Decease, tu vis quasiment chez les putes. Ton immeuble est biensympathique, mais il n’est pas

aussi bien sécurisé que les nôtres. Alors, c’est hors de question…

— C’est ma belle sœur, putain ! Si moi, je ne sais pas la protéger de mes propres frangins alors quile pourrait…

Louis l’interrompt d’une voix dure. Cela faisait longtemps que je ne l’avais pas entendu crier.

— PERSONNE ! MÊME TON FRÈRE N’A PAS PU PROTÉGER SA FEMME ! ILS SONTENTRÉS CHEZ EUX ! ALORS, T’ARRÊTES TES CONNERIES,

MERDE !

Louis se tourne vers moi. Il se calme plus rapidement à présent qu’il y a un an. Avant, ses yeux vertsgardaient l’emprunt de sa

colère longtemps. Maintenant, il lui faut quelques secondes pour s’apaiser. La thérapie lui a plutôt

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très bien réussi, enfin du

moins pour les petits conflits.

— Je présume que tu ne voudras pas venir chez moi, Faith ? Parce que sinon, j’ai ce qu’il faut…

Je sais bien qu’il a tout l’attirail de sécurité dernier cri. Je me sens soudainement gênée. Trenton medevance avant que je n’aie

le temps de répondre.

— Elle va chez moi, je viens d’emménager, personne ne sait où j’habite, elle sera en sécurité. Nousverrons demain ce que

nous ferons.

J’avais oublié qu’il m’avait dit qu’il avait déménagé dans un quartier plus « chic » de la ville pour serapprocher du QG. Les

vampires se jettent des regards entre eux. Un silence de plomb s’abat, ils réfléchissent tous. PuisDecease se met à soupirer.

J’entends des mots que je ne comprends pas. Il jure, et revient au français.

— Demain, je serai à la première heure chez toi Trenton, lâche durement Decease en le pointant dudoigt. S’il arrive

quelque chose à ma belle-sœur, je te bute. Compris ?

Trenton pose une main sur mes épaules pour m’inciter à marcher en direction de la sortie. Je l’écoute,et me dirige vers

l’ascenseur. Trent marche à reculons, pour faire face à Decease dans le salon. Je sens que cetteconversation entre les deux

vampires va mal se finir.

— Crois-moi, je ne lui ferai rien, et certainement rien de pire que ce que vous lui avez fait Dead ettoi en lui cachant la

vérité.

Je m’arrête devant l’ascenseur et jette un regard à Decease, qui explose pour de bon.

— Bordel, je vais buter ce type ! (Louis vient retenir mon beau-frère qui fait tomber sa pipe). Tu saistrès bien pourquoi je

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n’étais pas d’accord pour lui dire la vérité !

— Et moi, je n’étais pas d’accord pour la lui cacher ! reprend Trenton, regarde où nous en sommes !(Mon ami lève les

mains en signe de défense après avoir appuyé sur le bouton de l’ascenseur qui s’ouvre) La discussionest close pour ce soir.

Trenton me presse dans l’ascenseur. Il ne perd pas une minute. Les portes se referment et le calmenous envahit. C’est là que je

réalise vraiment. Je viens de quitter mon compagnon, et je sais tout, absolument tout. À partir de cesoir, plus rien ne sera

comme avant, et cela me fait mal.

Chapitre 3

Mise au point

Lorsque Trenton ouvre la porte de son appartement, le poids des événements de cette soirée s’abatsur moi de plein fouet. Je

réalise à présent ce qui s’est passé en entrant dans un lieu qui n’est pas chez moi, dans un décor quine m’est pas familier. Je

suis vraiment partie. J’ai quitté mon compagnon parce qu’on a atteint un point de non-retour, la gouttede trop qui a fait

déborder mon vase de tolérance.

J’avance dans l’entrée, Trenton referme la porte et allume les lumières. Si je m’attendais à débarquerdans un appartement

sentant encore la peinture, et peu meublé, ce que je vois m’aurait presque valu une remarque taquineà mon partenaire sur le

fait qu’il sait visiblement aménager et que sa décoration chaleureuse, bien que très masculine, dansdes tons « sanguins » est

une réussite.

Malheureusement, je n’ai pas le goût à plaisanter. Pas ce soir. Pas cette nuit alors que tout a explosédans ma vie.

— Voilà, on est arrivé dans mon nouveau chez moi !

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Trenton, mon sac à la main, me contourne pour me faire face. Il me sourit gentiment. Lui non plusn’est pas au mieux de sa

forme. Je le vois poser ma valise dans le couloir d’un coup, comme si atteindre le lieu qu’il s’étaitdonné pour mission

d’atteindre paraissait trop insupportable pour ses blessures. Un léger signe de douleur marque sonvisage, Trent ne se détourne

pas assez vite pour que je ne le voie pas. Il a mal, et un événement de la soirée auquel j’ai échappéme revient la seconde

d’après : l’attaque de la Résistance.

Je sors de mon état de coma l’espace de quelques instants. Je reprends mon rôle d’amie, soucieuseenvers ce compagnon qui

m’est cher et qui a été blessé.

— Trent ? Tu as mal ? je demande d’une petite voix.

Le vampire me tourne le dos, comme s’il ne voulait pas m’effrayer. Je le vois poser une main sur sonépaule. Il a mal, il ne

pourra pas me dire le contraire. Je pose à mon tour une main amicale sur son épaule pour attirer sonattention. Le vampire

sursaute légèrement en sentant mon contact.

— Trent…

— Faith, ça va, t’en fais pas.

Ta tentative de me rassurer vient d’échouer, mon pauvre ! Ta voix te trahit !

— Non, tu ne vas pas bien. Dis-moi ce que je peux faire pour t’aider… montre-moi.

— Tu n’as pas à panser mes plaies.

— Si, mon rôle est de t’aider.

— Le mien est de te protéger…

— Justement, comment vas-tu faire si tu agonises sur ton plancher.

Ma réflexion fait immédiatement retourner Trenton. Il m’accorde un regard : « tu te fous de ma gueule? » Oui j’ai exagéré un

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peu en disant qu’il va agoniser. C’est un vampire ! Un bobo, bien que douloureux, reste un bobo poureux.

Je fronce les sourcils en voyant que ses crocs sont sortis. Je ne sais pas ce qu’il a, mais ce doit êtredouloureux… très

douloureux. Je me surprends de ma réaction, une réaction qui me fait comprendre à quel point je mesuis bien acclimatée à ma

condition de femme vivant entourée de vampires. Je commence à connaître leur réaction.

— Tu veux une poche de sang ?

Je dévisage Trenton d’un œil mauvais, lui interdisant de me dire non. S’il ne veut pas que je letouche, je peux au moins aller

lui en chercher. En buvant du sang, ses blessures guériront, peut-être même plus vite que si jem’amusais à les lui panser.

Trenton serre les dents sous une vague de douleur. C’est incroyable comme le corps des vampiresarrive encore à réagir

comme le nôtre. Sitôt l’adrénaline redescendue, la tension redevenue normale, tous les maux et lesdouleurs qui vont avec font

leur apparition et de façon plutôt méchante.

— Ce ne serait pas de refus. (Trenton m’indique d’un coup de tête, la pièce au bout) dans le frigo,prend-moi s’en trois s’te

plaît.

Je hoche la tête, et sans m’étaler davantage, je me dirige vers la cuisine. Elle est comme chez moi,grande, bien équipée et

moderne. Je trouve immédiatement le frigidaire, l’ouvre et constate que Trenton mange autant chez luique pendant ses heures

de travail. Je ne mets pas longtemps à trouver les poches de sang, elles sont comme pour Dead, dansles bacs en bas. J’en

saisis trois et je ferme le frigo. Je m’apprête à rejoindre Trenton lorsqu’une évidence me parvient.

— Froids ou chaud ? je crie pour que Trent m’entende.

— Froid ! Je n’ai pas la patience d’attendre, et je déteste avoir mal !

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Je souris, réaction qui me surprend étant donné les circonstances. Je reconnais mon bras droit. Jereviens sur mes pas, et passe

devant la pièce qui sert de salon. Trenton est assis sur son grand canapé… non, il est vautré dessus.Un pincement au cœur me

gagne lorsque je constate qu’il a vraiment mal pour afficher une tête pareille.

Lorsque j’entre dans le salon, Trent ouvre les yeux. Il se redresse pour me faire un peu de place ; jem’assois à ses côtés sur le

grand canapé noir en cuir, et lui tends une première poche.

— Merci.

Trenton saisit la poche, il perce l’embout au bout du plastique, et se met à boire vite. Je regarde lapoche se vider vitesse

grand V. Trent en avait vraiment besoin visiblement.

Lorsqu’il a terminé de boire, j’ai l’impression que la douleur s’est estompée. Il a arrêté de se tenirl’épaule, son visage est un

poil plus détendu.

Il se met même à me parler lorsqu’il perce la deuxième.

— Ces sales fils de putes de la Résistance, ce sont de vrais coriaces.

— Ils sont entraînés ! dis-je d’une voix morne.

— On a vu, t’en fais pas ! Je me demande même comment ils ont réussi à avoir leurs armes ; jen’arrive toujours pas à

croire qu’on n’a pas soupçonné ça. Voilà ce qui arrive quand on est trop bon avec eux, on devientfaibles et cons, et les

humains en profitent.

Un pincement au cœur me gagne parce que moi, je savais que la Résistance existait, mais je n’ai riendit. Aurais-je dû ? Je

l’ignore, et ce n’est pas le moment.

Trenton se tait immédiatement en constatant qu’il a parlé de ce sujet avec froideur devant unehumaine. Il me jette un regard

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désolé. J’esquisse un sourire pour lui dire qu’il n’y a pas de mal, je comprends qu’il soit en colèrecontre eux.

Un silence calme envahit la pièce. Je regarde Trent se soigner. Je préfère me concentrer sur celaplutôt que sur mes pensées…

et puisqu’elles reviennent sans cesse dans ce silence, je décide de le rompre.

— Qu’est-ce qui s’est passé après mon départ ?

Trent termine sa dernière poche qu’il pose par terre. Il se cale à nouveau contre le dossier du canapéavant de me répondre.

— Les agents de sécurité ont tenté de faire dégager la foule, ils ont plutôt bien réussi, il y a eu… peude pertes

apparemment entre les civils, humains et vampires. Pendant ce temps… ton beauf protégeait son frèrequi tentait de se battre

avec des humains. Pour faire court, que ce soit moi, ou Senan et Louis, on a tous tenté d’éliminer lamenace le plus vite

possible.

Trenton passe une main dans ses cheveux, il soupire.

— Bordel, personne ne s’attendait à ça ! On s’est fait avoir comme des cons et ça aurait pu mal finir.Il y a des blessés bien

sûr ; personne n’est sorti indemne, et…

— Ripley va bien ? je demande subitement.

— Oui, ce con… putain, il a été amoché un peu lui aussi, mais ça va. Faut dire qu’il a moinsd’expérience en terme de

combat que nous.

J’ai du mal à les imaginer ces hommes politiques, sachant se battre comme des soldats. Pourtant, ilssont « vieux », ils ont vécu

et savent se battre. Je les vois plutôt comme des savants, donnant des ordres, pas en individusagissants.

— Bref, il y aura des représailles et des punitions, en termes d’exemple. Mais ce soir, le sujets’arrête là. C’était une soirée

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de merde sur tous les tableaux.

Trent se tait quelques instants avant de se tourner vers moi. Il pose son bras sur le dossier derrièremoi.

— Ça va ?

Je dévisage mon ami. Il n’a pas ce regard bleu qui m’a fait m’effondrer, mais il a cette lueurd’empathie qui me va droit au

cœur. Je ferme les yeux pour ne pas avoir à faire couler d’autres larmes, je n’ai pas le droit depleurer ni d’être faible, surtout

dans ma situation. Je dois me montrer forte… mais je n’y arrive pas.

— Hé, Faith…

Et voilà, je me mets à pleurer comme une âme en peine. Les larmes coulent toutes seules,incontrôlables, je pleure.

— Je… je suis désolée… je ne… j’aimerais…

— Viens, t’as le droit de craquer.

Trenton vient me coller à lui. Je me retrouve contre son torse. Je sanglote. Je me trouve ridicule, maisje n’arrive pas à m’en

empêcher. Tout retombe, je comprends tout, je comprends que rien ne sera plus comme avant, que j’aiquitté Dead, qu’on a

failli me violer à nouveau, que ma vie, ce que je pensais être, n’était pas la vérité. Tout vient dechanger, et cela fait mal !

Je ne sais pas combien de temps je reste ainsi contre le vampire, à soulager ma peine. Au bout d’unmoment, ma voix devient

audible malgré les pleurs et je me mets à lui parler entre deux sanglots.

— Je viens de quitter l’homme que j’aimais. Bon sang, Trenton, je deviens quoi à présent ? Deadétait mon monde, ma

raison de me lever le matin, il était ma moitié, l’homme qui partageait ma vie, il m’a… Seigneur, jeme rends compte que tout

tournait autour de lui ! Comment je vais faire pour vivre avec tout ce gâchis ? Comment je vais vivresans lui… regarde

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comme je suis pathétique ! Je pleure parce que j’ai perdu mon mari alors que je devrais pleurerd’avoir failli me faire violer,

d’être une sorte de prophète qui rependra une nouvelle ère en donnant la vie, et je pleure parce quej’ai quitté mon mari

menteur et cachottier. Où est la logique, Trent ? Pourquoi je n’ai pas peur de demain en ce quiconcerne mon avenir, alors que

celui que j’ai en commun avec Dead me terrifie ?

— Faith… je ne sais pas quoi te dire pour soulager ta peine.

— Je ne t’en veux pas, Trent, moi-même, je ne sais pas ce que je dois en penser.

Je me redresse pour voir le visage de mon ami. Il a l’air triste pour moi.

— Mais je peux te donner mon avis, reprend Trent. Comme toujours… je peux te dire que tu esperdue, et que c’est, à mes

yeux, une réaction des plus normales. Tu as appris une vérité douloureuse qui bouleverseraitn’importe qui, davantage lorsque

cette vérité concerne la personne que tu aimes. Tu aimes Dead, mais il t’a fait du mal, et c’est normalque tu lui en veuilles,

que tu sois perdue. Dans votre situation, oui, Dead était la part la plus importante de ta vie, mais tavie ne se résume pas à un

homme, tu es Faith. Tu n’es pas la femme de Dead Creaving. Aux yeux de tous, tu es toi-même. Tu esquelqu’un. Alors oui, ton

monde est complètement remis en question à cet instant, tout ce que tu as connu et mis en place à sescôtés pendant ces derniers

dix-huit mois est remis en question.

Il est idiot de me dire ça ! Les larmes me reviennent à cause de ces mots. Je tente de m’écarter de luilorsqu’il voit que je suis

sur le point de m’effondrer à nouveau.

— Faith, tu as le droit de pleurer ! Ce n’est pas un crime d’être malheureuse parce qu’on se sépare dela personne qu’on

aime. Ce n’est pas interdit d’éprouver de l’incompréhension, et ce n’est pas non plus aberrant que tufasses une fixette sur

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Dead plutôt que sur ta « destinée ». Parce qu’au fond, ce qui te fait le plus mal et ce que tu n’arrivespas à accepter, ce n’est

pas tellement d’avoir appris ce que tu as su ce soir, mais c’est plutôt ce que ton mari t’a caché qui tefait souffrir.

— C’était tellement important, Trent ! Tellement… c’est une bombe qui m’est tombée dessus.

— Je sais, Dead a fait un choix difficile. Il aurait sans doute dû te l’apprendre lui-même, mais commetu as dû le

comprendre, c’est compliqué.

— Il n’y a rien de simple avec lui, bon sang !

— Tu as épousé Dead Creaving, pas le marchand du coin.

Le vampire me fait signe de venir contre lui, je ne refuse pas, je crois que j’ai besoin d’un peu deréconfort. Je reste contre lui,

un moment, le temps de me calmer comme il faut, enfin du moins, je pense.

— Trent ? je lance dans notre silence.

— Quoi ?

Je soupire, et avoue ce que j’ai sur le cœur.

— Je me sens… complètement perdue. Si j’essaie de penser à demain… j’ai peur, véritablementpeur. J’aimerais savoir

quoi faire, comment réagir, comment être suffisamment forte pour affronter tout ça… j’aimeraistrouver ce courage, mais j’ai

l’impression qu’il m’a quittée lorsque j’ai franchi les portes de mon appartement. J’ai l’impressiond’avoir laissé une part de

moi-même dans ma chambre, auprès de celui qui m’a juré fidélité. (Je me mets à chuchoter) Je croisque j’aimerais qu’on

vienne me dire quoi faire.

Mon bras droit, monsieur j’ai réponse à tout, me prouve une fois de plus son talent :

— Tu n’as pas besoin qu’on te dise quoi faire, tu as simplement besoin d’aide, de soutien pouraffronter les prochains

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événements. Il faut que tu te poses, que tu réfléchisses à ce que tu veux faire, il te faut du temps. Tu asbesoin de peser le pour

et le contre dans ton couple, ainsi que dans les informations que tu as reçues. Mais, quel que soit tonchoix, tu devras apporter

des changements dans ta vie, c’est inévitable. Et quoi que tu choisisses, tes amis seront auprès de toi.

— Et demain ?

— Demain, nous commencerons à envisager cet avenir, Faith. Comme tu l’as malheureusement apprisce soir, tu n’es pas

n’importe qui dans notre monde, et maintenant que tu sais, tout est différent. Il est important que tusois en sécurité, surtout si

les Russes sont de retour… On prendra des décisions tous ensemble, pour toi.

Trenton embrasse affectueusement le haut de mon crâne.

— Et si je te montrais ta chambre ? Je pense qu’il est tard et qu’il serait temps qu’on dorme toi etmoi.

Il change radicalement de sujet, et je pense que c’est préférable, je dois faire une tête étrange pourqu’il poursuive en prenant

un air prudent :

— Je suis lourd, non ?

Je lui souris timidement. Non, il n’est pas lourd, seulement… il me fait pense à quelqu’un.

— Non, ce n’est pas ça… Seulement, c’est la première fois que je te vois aussi « protecteur ». On estamis, mais

d’habitude, tu es celui qui me charrie. C’est…

— Decease qui occupe ce rôle, termine Trenton.

Instantanément, les larmes me reviennent, je me sens tellement idiote de ne pas réussir à couper lesvannes. J’aimerais

tellement être un roc. Au lieu de cela, je m’effondre. Je tente de me sortir de l’étreinte du vampire,mais je n’y parviens pas. Je

suis en colère après moi, maintenant.

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— Soulage-toi Faith, ne te retiens pas. Ce soir, tu as le droit de craquer. Ce soir, personne ne tejugera, et certainement pas

moi.

— Je ne…

Je n’arrive pas à aligner deux mots audibles.

Pitoyable !

— Je suis là, t’es pas toute seule, et ça va aller.

Trenton me serre contre lui. Cette étreinte m’est douloureuse et réconfortante à la fois, tant parce queje n’ai jamais pleuré

devant personne sauf devant mon amant, que parce que ses bras me rappellent ceux de celui qui m’afait de la peine. Et même

si je suis encore tiraillée entre la douleur et le besoin de réconfort, je reste contre mon ami. Il n’estpas tout blanc lui non plus

dans cette histoire, mais il reste Trenton ; il m’a toujours soutenue, il a cru en moi, c’est quelqu’un dedroit et juste, peut-être

ignorant sur certains points, mais qui est là, à cet instant. Je le vois comme une bouée de sauvetage àlaquelle je dois

m’accrocher à cet instant pour ne pas sombrer. Il est simplement l’oreille et l’ami dont j’ai besoinpour me consoler. Alors, je

reste blottie contre son torse meurtri par les coups reçus lors d’un affrontement dont les causes mesont encore floues. Je reste

blottie contre lui, à déverser cette peine qui ne peut pas rester davantage au fond de moi. Je medévoile comme je ne me suis

jamais dévoilée avec lui, et j’avouerais qu’à cet instant, j’aurais aimé être un vampire comme lui,pour ne pas avoir à vivre et

ressentir ce que je vis et ressens comme une humaine, avec les sentiments d’une femme amoureuse…et humaine.

***

Le matin est arrivé plus vite que prévu, la nuit a été courte. J’ai à peine eu le temps de poser ma têtesur l’oreiller que Trenton

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est venu frapper à ma porte pour me réveiller. J’ai mal dormi ; rien de surprenant. Comment aurais-jepu dormir l’esprit au

calme sachant que ma vie venait de prendre un tournant important, et pas forcément le plus plaisant ?

Je fixe sans vraiment regarder le paysage dehors. Il ne doit pas être loin de sept heures du matin ; laville dehors se réveille

tout juste ; le temps accompagne mon humeur : il fait gris, il pleut. C’est la tempête.

Comme dans mon cœur.

Je resserre ma prise autour de ma tasse fumante ; j’ai vraiment du mal à émerger. J’ai le sentimentdésagréable qu’il me

manque quelque chose. J’ai eu le même ressenti cette nuit, dans un lit que je ne connaissais pas. J’ail’habitude de dormir sans

Dead. Avec le poste qu’il occupe, il s’en va souvent, mais c’était différent. À présent, j’ai cette bouleau fond de moi qui me

dit que ce ne seront pas quelques nuits par-ci par-là que je devrais passer seule, mais toutes.

Sans vraiment m’en rendre compte, je joue avec l’anneau qui pend à mon cou. J’ignore ce que je vaisfaire. J’ai l’impression

d’avoir déjà pris une décision définitive en quittant Dead, mais ce n’est peut-être que temporaire.Une fois nos nerfs – les

miens – calmés, nous arriverons sans doute à discuter et à envisager de repartir sur de nouvellesbases.

Je soupire ; je n’en sais rien, à vrai dire. Il n’y a que des si dans mon esprit, des suppositions, maisrien de bien concret. Cela

me tue littéralement de devoir vivre à nouveau dans ce trouble, cette incertitude, et ce danger. Loin dela sécurité que je

pensais sûre auprès de mon amant. Tout est remis en question. Tout va changer, et pourtant, des tas dechoses me paraissent

plus clairs à présent. Les secrets de Dead, et notre rencontre, notre histoire commune. Je sais, jeconnais presque tout, mais

malgré cela, j’ai l’impression d’avoir découvert des étrangers. Dead et Decease vont devoirm’expliquer certaines choses,

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être plus précis sur ce qu’on m’a révélé, et étrangement, je ne suis pas pressée de savoir.

Je chasse rapidement ces idées-là. Les autres ne vont pas tarder à arriver, et j’aimerais ne pas avoir àcraquer comme hier

soir. J’ai mis un moment à me calmer.

Derrière moi, j’entends Trenton aller et venir dans le couloir. Il est au téléphone avec Ripley sansdoute. C’est impressionnant

de voir une personne telle que Trent, aussi inquiet pour une autre. Je ne dis pas qu’il est froid commeLouis, il est seulement un

peu en retrait avec les individus qui ne l’intéressent pas. Au boulot, peu lui importe de savoir qu’ilpeut blesser quelqu’un. Il

ne materne personne. Cela lui est égal que ses collègues ou les gens qui bossent pour lui l’apprécientou pas. Il fait ce qu’il

doit faire, et le reste, il s’en moque. Et même avec son caractère, les gens l’apprécient. Cependant,dès qu’il s’agit de ses

proches, Trenton est différent, surtout avec Ripley. Leur relation surprend tout le monde. D’ailleurs,si Trent ne disait pas qu’il

préfère les hommes, on le penserait hétéro. Il n’a de vue sur personne ; il est peu expressif quand ils’agit de ses sentiments

personnels. Bien sûr, il sait dire qu’il est avec quelqu’un, qu’il est bien avec Ripley. Il s’engage,mais je l’ai rarement vu se

montrer « câlin » comme j’ai pu le faire avec Dead, ou Queen avec Deryck. Les hommes – ou dumoins Trent – ont l’air plus

réservé. Parfois, on pourrait presque croire que Trent se fout de Ripley, qu’il n’est qu’une « pausebaise ». Mais lorsque je

l’entends parler de lui, comme maintenant ou comme hier soir, je comprends qu’il l’aime et qu’il estplus attaché au « petit

assistant » qu’il n’y paraît.

Je me tourne vers le couloir lorsqu’un bruit de sonnette résonne dans l’appartement. J’ai eu un rapideaperçu de l’appartement

de Trent, hier soir : c’est assez grand, sans être dans l’excessif, c’est comme chez moi. Il y a troischambres, deux salles de

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bains, un salon séparé d’une salle à manger et de la cuisine. Un bureau, avec une immensebibliothèque, et un couloir. Trent

n’est pas un adepte des magazines de décoration, mais il sait se débrouiller. Chez lui c’estaccueillant, on se sent bien. Ce n’est

pas comme chez Louis, où l’on a l’impression d’entrer à Versailles.

Des échos de voix me parviennent. Je pose mon café sur la table basse du salon et me lève endirection de l’entrée pour

« accueillir » les autres. Je n’ai pas à faire beaucoup de pas pour trouver Trenton, en tenuedécontractée – il n’a pas mis de

costume aujourd’hui, ainsi que mon beau-frère, Louis, Senan, Deryck… et Drac ? La surprise megagne en voyant le français.

Je ne m’attendais absolument pas à le voir ce matin. Instantanément, je me mets à rougir. Si les autresont l’habitude de me voir

habillée comme un dimanche matin, ce n’est pas le cas du français.

Qu’est-ce qu’il fabrique ici ? Alors qu’on était censés… discuter de mon « cas » en « famille ». Jecherche du coin de l’œil

derrière les masses imposantes de ces vampires, le mien, mais je ne le vois pas.

Lorsque la cavalerie se rend compte de ma présence, Decease arrête de marmonner avec Trenton.Son visage jusqu’à présent

durci se détend ; il me sourit. Mais ce n’est pas comme d’habitude.

— Salut, lance mon beau-frère à mon égard. Désolé, on est… en retard.

J’aurais ri dans d’autres circonstances, mais je n’ai pas le cœur à cela. Je dévisage les vampires quirentrent un à un dans

l’appartement. J’ai l’impression d’aller au tribunal, comme un accusé que l’on va juger. Bien que jene sois pas condamnée

pour un crime, on va quand même décider de mon sort pour les prochaines semaines.

Lorsque Trenton ferme la porte, je comprends que personne d’autre ne viendra se joindre à nous. Unequestion me brûle les

lèvres, et mon bras droit me devance.

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— Dead ne vient pas ?

Decease quitte des yeux Trenton et vient poser son regard bleu nuit sur moi. Il esquisse un souriretriste avant de répondre

d’une voix lourde.

— Non, il ne viendra pas, mais il m’a donné ses instructions.

Une partie de moi est soulagée de ne pas avoir à croiser mon compagnon, ce matin, mais une autre estbrisée de voir qu’il est

trop en colère, ou mal, pour venir. Il a peut-être bien fait, peut-être que je n’aurais pas supporté deme retrouver si près de lui,

dans une même pièce que lui, peu de temps après notre dernière conversation. Le seul fait de penser àDead me serre le cœur.

C’est douloureux. Le voir aurait été difficile, savoir qu’on se serait à peine regardés, qu’il ne seraitpas venu m’embrasser

comme il le faisait lorsqu’on se retrouvait, après une longue absence, ou simplement le matin en seréveillant me blesse

terriblement. Non, je pense que je n’aurais pas su rester forte et impassible face à sa douleur, et auxraisons qui nous ont

poussés à nous séparer… non, je me trompe, je l’ai quitté. Nous ne l’avons pas fait d’un communaccord, je l’ai quitté parce

qu’il m’a caché un lourd secret. Nous nous sommes blessés l’un l’autre, et se revoir seulement aprèsquelques heures de

séparation aurait été de la torture pure et simple. Dead a bien fait, comme toujours ! Sauf lorsque celame concerne moi ou son

passé, il sait prendre les bonnes décisions… parfois.

Je ne dis rien. De toute façon, il n’y aurait rien à dire. Je n’ai même pas besoin de demander pourquoiil n’est pas venu, je

connais la réponse. Pas besoin de se faire plus de mal.

Trenton nous accompagne dans sa salle à manger. Ce n’est pas une réunion officielle, tout le mondeest en tenue décontractée,

comme si chacun de nous venait de sortir du lit – ce qui n’est pas totalement faux.

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Nous nous installons tous les sept autour de la longue table. Je suis entre Decease et Trenton. En facede moi, Drac. Il me salue

gentiment. Je crois que c’est la première personne qui me sourit franchement, et sans que j’aie àcroiser dans son regard une

lueur de douleur ou de tristesse.

Louis est à côté du français, suivi de Senan et de Deryck. Un silence de plomb règne dans le salon. Lebruit de la pluie qui

cogne contre les vitres nous sert de divertissement. Je suis stressée à l’idée de les entendre parler. Jesais que je vais être un

des sujets principaux, et je ne suis pas sûre que cela me plaise.

Louis rompt le silence en premier. Il commence à expliquer à quoi va servir cette réunion. J’écouted’une oreille, distraite par

mes pensées et la sensation de manque qui m’envahit. C’est la voix de mon bras droit qui me ramèneen direct.

— Qu’allons-nous donc faire ces prochaines semaines ? précise Trenton.

Drac en face de moi, les mains croisées, soupire, mais pas d’agacement de devoir expliquer leschoses, seulement de lassitude

face à la situation.

— D’après Dead, le gouvernement va se concentrer sur l’éradication des Rebelles, et la créationd’un réseau de sécurité

pour empêcher à nouveau ce genre de rassemblement. Nous avons connu ça, nous aussi en France, etnous allons coopérer avec

vous, autant que possible. Les Humains s’habitueront au nouveau système que votre gouvernement esten train d’installer. Les

émeutes, et les crises de rébellion cesseront toutes seules d’ici quelques mois. Ce qui s’est produithier était un accident. Mais

heureusement, les pertes ne sont pas importantes, ni excessivement tragiques, ce qui vous évitera uneréaction du peuple. Enfin,

en résumé, lundi, vous verrez ça à votre QG ; je serai présent à titre de consultant, et allié.

Trenton, Deryck, et Louis rebondissent tels de bons hommes politiques sur cette nouvelle. Les quatre

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avec Drac échangent des

idées, des vulgarités sortent de leur bouche, des événements de la veille, de leur agression,reviennent. J’entends dire que des

« représailles » doivent avoir lieu, qu’on ne peut pas laisser passer cela. Je me sens mal à l’aise,c’est la première fois que je

les vois ainsi… si énervés.

Heureusement, Louis coupe court à cet élan de pensée vampirique.

— Voilà pour les dernières nouvelles concernant l’attaque d’hier, maintenant (Louis se tourne versmoi) concernant le

retour fracassant des aînés de Dead et Decease… pff, je ne vous le cache pas c’est le bordel. On nesait pas vraiment ce qu’ils

veulent…

— Moi, je sais.

Tous les regards se tournent vers moi. Je ne me suis pas exprimée depuis qu’ils sont arrivés. Et jesuis moi aussi surprise de

voir que j’ai réussi à parler. Je me sens mal à l’aise soudainement. Je me maudis d’avoir ouvert labouche. J’aurais espéré que

Louis dise ce que je ne me sens pas prête à dire.

— On t’écoute, Faith, lance calmement Deryck.

Je serre les poings sous la table, j’ai les mains qui tremblent. J’arrive pourtant à trouver les mots etle courage de leur raconter

un résumé de mon entrevue avec les aînés Creaving.

— Ils m’ont tout raconté sur la prophétie, sur ce que j’étais, qui ils étaient et qui étaient…

Dead et Decease.

Je ferme les yeux alors que des images de la veille me reviennent en mémoire. Le corps massif duDying sur le mien. Et leurs

mots… bon sang !

Je refoule vite cette douleur qui naît au creux de ma poitrine, et reprend rapidement le contrôle de

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mes émotions.

— Ils ont fait une référence aux conséquences de mon existence et à quoi je servais. Ils ont émisvouloir…

Bon sang, je ne peux pas dire cela à voix haute ! Je ne suis pas du genre timide, mais là… Je n’ensais rien, voir six paires

d’yeux me regarder avec empressement me stresse. Je plaisante souvent avec Decease ou mêmeTrenton en matière de sexe,

mais parler de choses intimes… cela s’arrête à mon mari.

Je baisse les yeux et murmure d’une voix à peine audible la fin de ma phrase.

— Ils m’ont dit qu’ils voulaient que je porte l’enfant de l’un d’entre eux, et pas celui de Dead. Ilsveulent visiblement que

la prophétie se réalise maintenant qu’ils savent que je suis en vie.

Un long silence s’installe dans la salle à manger, je me sens… humiliée, comme si ma vie intime etsecrète était étalée sur la

place publique. Voilà, je me sens à nu, sans protection. Une peur supplémentaire s’installe.

— C’est bien ce que Dead pensait, lâche Louis en soupirant.

Je vois qu’ils ont eu une « réunion » hier soir avec mon compagnon pour être au courant… ou pourfaire un premier topo, à

vrai dire, je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est qu’ils savent tous.

— Bordel, mais qu’est-ce qu’on fait ?

Senan qui était resté muet jusqu’à présent, hausse d’un ton, il ne se mêle généralement pas à nosconversations lorsqu’elles

prennent un tournant politique, mais là… j’ignore si sa réaction est due à ce qui se passe dans sa vieactuellement, ou s’il

déteste l’injustice. Je penche plutôt sur le sujet personnel : la femme qu’il aime est tombée enceintecontre son gré, et il ne sait

pas si l’enfant est de lui ou pas. Il a de quoi être nerveux.

— Senan, calme-toi, on ne va pas se mettre à gueuler, sinon, on ne trouvera pas de solution.

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La voix calme de Deryck semble mettre mal à l’aise Senan, qui dès que son ami pose le regard surlui, détourne les yeux et se

referme instantanément. J’ignore si Deryck se rend compte que sa relation fraternelle avec Senan achangé. Le vampire ne se

comporte plus de la même façon.

— Decease ?

Mon beau-frère qui s’était figé sur moi, les yeux dans le vide et perdu dans ses pensées, détourne leregard pour faire face à

Deryck qui l’a sorti de sa rêverie.

— Oui ?

— Vous avez discuté de ce qui se produirait si jamais… nous en arrivions là ? poursuit le mari demon amie.

Le jeune vampire se met à soupirer. Il passe frénétiquement sa main dans ses boucles noires. Stressé,et visiblement plus qu’à

cran. J’ignore ce qui s’est passé la veille, après mon départ, entre les deux frères, mais ils ont dûparler. Beaucoup parler, et

envisager notre avenir à tous, ainsi que les conséquences que la bombe qu’ont balancée leurs aînésallait engendrer.

Plusieurs minutes passent pendant lesquelles Decease pense. Lorsqu’il rompt le silence qu’il ainstallé, sa voix me fait froid

dans le dos.

— Dead a décidé que si nous en arrivions là… si jamais nos frères tentaient de venir s’en prendre àFaith comme ils l’ont

fait…

Mon beau-frère se tourne vers moi. Je me fige quand sa main se pose sur la mienne. Il la serre avecforce, et je m’attends au

pire.

— On va entamer des pourparlers avec eux, mais en attendant, Faith doit rester loin de nous deuxpour ne pas attiser l’envie

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et la jalousie. Senan, tu vas prendre ma place, tu veilleras sur Faith, et Trenton… Dead veut qu’ellereste chez toi. Dès demain,

on viendra t’installer le niveau de sécurité suffisant pour héberger la compagne d’un Président. Uncorps de surveillance va

rester en bas de l’immeuble.

— Decease, tu…

Mon beau-frère me coupe la parole, sachant très bien ce que je veux dire.

— Oui, je suis bien en train de dire que nous devons nous éloigner quelque temps. Pour te mettre ensécurité, et pour régler

tout ceci.

Je lâche sa main, et la colère éclate en moi. Il ne manquait plus que ça ! Ils ont pris leur décision enfin de compte !

— Vous me mettez à l’écart plutôt !

— Non, Faith, on te protège, et crois-moi, mieux vaut que tu sois loin de nous à présent, parce quenos frères ne sont pas

n’importe qui, et s’ils s’apprêtent à faire ce que nous pensons, il est préférable que tu n’aies plus nide mari, ni de beau-frère,

et que tu sois seule, entourée de tous les autres plutôt que de nous.

— J’ai mon mot à dire malgré tout !

Voilà, chacun de nous hausse le ton. Sans prendre le temps de comprendre ce qui se passe. Deceasem’attrape dans ses bras,

d’un pas rapide, il me traîne hors de la pièce pour nous donner un peu d’intimité. Il ferme la porte dela salle à manger et me

fait entrer dans le salon. Lorsqu’il me dépose sur le sol, je vois la colère mélangée à l’inquiétudedans le regard qu’il me

porte. Je comprends que ce qu’il s’apprête à me dire ne va pas être facile à entendre.

— Très bien, dis-moi ! Qu’est-ce que tu envisages ? Tu veux rester avec Dead ? Tu veux retournerchez toi maintenant ? Tu

veux affronter ça avec nous ? Près de nous ? Tu veux avoir à côtoyer nos deux aînés ? C’est ça que tu

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veux ? Tu veux leur

donner la meilleure occasion de t’enlever à nous ? C’est ça que tu veux ? Retourner auprès de monfrère alors que plus rien ne

va entre vous ? Vous êtes tous les deux tiraillés entre vos besoins, vos remords, et votre colère, Deadne sera jamais apte à

veiller sur toi comme il va falloir le faire si Dying débarque ! Même moi je n’aurais pas la force desupporter mon frère et toi.

Faith… ce n’est plus une simple question de sécurité toute bête, c’est l’avenir de notre race, tonavenir. Tu as envie qu’ils

viennent te chercher ? Tu sais ce qui se passera si jamais ils te chopent ?

Je tente de sortir de la pièce, je n’aime pas le ton de sa voix, méchant et autoritaire. Je sais qu’il lefait exprès, mais cela fait

mal. Je déteste être prise pour une gamine. Il ne comprend pas que j’ai besoin de contrôler quelquechose dans toute cette

merde !

Decease me retient par le bras.

— Faith, réponds-moi ! Tu sais ce qui se passera ? Bordel, est-ce que tu comprends…

— Oui, j’ai eu un petit aperçu, figure-toi ! Mais tu ne peux pas…

— Ils te violeront, Faith ! Ils te mettront enceinte, encore et encore, tu accoucheras de fils et de filles,et ça jusqu’à ce que

ton corps ne le supporte plus ! Ça durera des années, Faith ! Et tu n’auras aucune échappatoire à ça !Ils monteront une armée

d’êtres mi-humains mi-vampires. Tu comprends que si nous avons pris cette décision avec Dead,c’est parce que nous

t’aimons ! Merde, je t’aime comme une sœur ! Dead t’aime plus que tout malgré ce que tu penses !Aucun de nous, et je parle

aussi au nom de l’assemblée autour de cette table, ne voulons que tu termines ainsi. Je refuse que çase passe ainsi. Si nous

t’écartons, c’est pour te protéger.

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Je dévisage Decease. Je ressens en moi un tel désespoir, j’ai l’impression que tout nous échappe,totalement tout. Et quand je

vois la panique dans les yeux de mon beau-frère, j’ai peur, et la peur prend le dessus sur la colère.Parce que les Creaving,

eux, ne connaissent pas la peur.

Decease soupire en voyant que je ne hurlerai pas. Ses mots ont eu l’effet d’un coup de massue surmoi. Il reprend plus

calmement.

— C’est seulement temporaire, Faith, et puis, de toi à moi, on sait très bien qu’après ce que tu asappris, tu vas avoir besoin

de temps pour avaler tout ça, pour nous pardonner, et envisager un avenir au sein de notre famille. Tues en colère à cet instant

parce que je t’ai à nouveau balancé des choses qui ne te plaisent pas, ça fait beaucoup pour vingt-quatre heures, mais dans un

moment, tu comprendras que c’est pour ton bien.

— Je déteste savoir que je ne peux décider de ma vie comme je l’entends ! Tu n’imagines même pasce que je ressens à cet

instant.

Ma voix est calme, tout a l’air calme. Et pourtant, c’est le grand foutoir. Je sais que lui dire ce que jeressens ne changera rien,

mais je ne peux pas le garder pour moi.

— Non, je ne sais pas, mais je peux comprendre… et sache qu’un jour, tu pourras décider de tadestinée et de ton avenir…

mais pas aujourd’hui. J’aimerais… Dead aimerait que tu sois en sécurité. On aimerait te garderauprès de nous, pas comme

une propriété, mais parce que tu es un membre de notre famille, et qu’on protège ce qui est de notresang.

Ses mots me sont tellement familiers.

— Avoue que tes mots sont ceux de ton frère. Ce discours ne te ressemble pas.

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Decease n’essaie même pas de discuter.

— Il y a mes mots… et effectivement, il y a les siens. Mais Faith, ce que je viens de t’apprendre,nous avons pris cette

décision à deux, pour ton bien… Je suis désolé de te faire de la peine.

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— J’aimerais que ça s’arrête, tu vois. J’aimerais cesser d’être blessée, et d’avoir mal. J’aimerais neplus avoir à vivre la

trahison par ma propre famille… et surtout j’aimerais vivre une vie calme, Decease… je ne veux riende tout ça.

Les larmes me montent aux yeux. Bon sang, c’est dégueulasse d’avoir à vivre cela, j’ai vraiment unkarma de merde.

J’évite du regard mon beau-frère pour ne pas craquer.

— Je sais. Mais Faith, ce n’est pas de notre faute, si le destin, la « vie », a décidé que ce serait toi…notre prophétie.

— Je sais, Decease… mais… quand je te vois, j’ai l’impression de voir un des bourreaux de madouleur à cet instant, un

des individus qui vient de foutre en l’air ma vie, ce que j’avais tenté de me créer… je suiscomplètement perdue entre la

colère, la peine, et j’en passe. Alors oui, c’est peut-être mieux qu’on ne se voie plus pendant unmoment, ton frère, toi et moi…

mais ne tente pas de me comprendre quand tu ne sais pas ce que ça fait d’être mise à l’écart. C’est mavie, et je n’ai plus aucun

droit sur elle.

Je m’essuie rapidement le coin des yeux ; je ne veux pas pleurer, j’en ai assez de pleurer. Je ferme lesyeux et pense à

n’importe quoi.

Quelques minutes passent, j’arrive à me calmer, et à continuer.

— Tu vois, Decease, quand j’ai commencé ma relation avec ton frère, quand j’ai suffisamment euconfiance en lui, et quand

j’ai accepté de me laisser « emporter » par les sentiments que j’avais pour lui… il m’a promis deuxchoses : de m’aimer, et de

faire en sorte que jamais plus je n’aie à vivre avec un statut d’esclave.

— Faith, ne dis pas ça, je t’en prie…

— Désolée, mais aujourd’hui, j’ai l’impression qu’en plus d’être l’esclave de ma propre destinée, jesuis l’esclave des

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deux personnes que j’aime le plus, et tu vois, je crois que ça aussi, après la trahison de ton frère enme cachant tout ça, c’est

l’une des choses qui me fait le plus mal. J’ai mal de devoir être à nouveau ce que ce monde me ditd’être : une esclave. Je me

sens esclave et ça… ça, tu ne peux pas comprendre.

Je me fige lorsque je sens le pouce du vampire qui se tient en face de moi, essuyer une larme quis’était frayé un chemin le long

de ma joue. Ce geste tendre me brise le cœur, parce que je sais qu’à présent, ce sera un des derniersque j’échangerai avec

mon beau-frère, mon ami, mon confident. Un des derniers avant je ne sais combien de temps. Et mêmesi je lui en veux, même

si à mes yeux, pour l’instant, il est l’un des coupables de mon chagrin, il reste Decease. Le vampirese rapproche de moi, il me

serre dans ses bras. Étrangement, je ne le repousse pas, il dépose un baiser sur le haut de mon crâne,ce geste protecteur qui

réconforte. Il l’a fait un nombre incalculable de fois lorsque je n’étais pas bien, énervée après unejournée de travail, ou une

dispute.

— Je suis désolé…, murmure-t-il.

Moi aussi, je suis désolée, terriblement désolée que rien ne soit simple. Terriblement désolée d’avoirmal, et d’être ce que je

suis. Oui, il n’y a que la déception qui nous habite en ce moment… et pour longtemps, j’en ai bienpeur.

Chapitre 4

Le temps qui passe…

Deux mois plus tard.

Je suis mal à l’aise, très mal à l’aise dans cette pièce, entourée de ces individus que je côtoiequasiment tous les jours.

Certains sont des amis, d’autres de simples connaissances, je n’ai pas à me sentir mal pourtant, aprèstout, j’ai ma place ici,

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autant que les autres… mais c’est justement parce que je l’ai, à cet instant précis, que je ne me senspas bien.

C’est affreux de le sentir si près alors qu’on ne s’est pas vus depuis deux mois ; on s’est évités, l’uncomme l’autre. On a passé

un arrangement silencieux, une sorte d’accord qu’on n’a pas eu à passer face à face. J’ai organisémon emploi du temps, de

façon à ne pas avoir à le croiser constamment, il a fait pareil. Et même si c’était ce qu’il fallait, c’enest tout de même

douloureux. On passait notre temps ensemble avant que la vérité n’éclate. Maintenant, nous nesommes plus qu’un couple en

froid, traversant une passe des plus difficile, qui n’offre que peu de possibilités d’arrangement ; lepardon, ou la fin.

J’ai passé ces huit dernières semaines à me poser cette question, à réfléchir sur ce que j’avaisconstruit dans l’ignorance, et ce

que je pourrais perdre si jamais je décidais que c’était insurmontable et impardonnable ce qui s’étaitproduit. J’ai des tonnes

de pour et de contre pour les deux versions. Mais, je n’arrive à me décider pour aucune.

La seule chose dont je suis bien sûre, ce sont les sentiments qui sont ancrés en moi. Il y a toujours del’amour, c’est ainsi, mais

il y a aussi cette colère mélangée à une tristesse des plus possédante, rien qu’en y pensant, mapoitrine se serre. Il n’y a rien de

pire, que de se sentir trahie par la personne qu’on aime le plus au monde. Dead m’a trahie, c’est unfait, il m’a menti, et m’a

caché la vérité sur quelque chose, qui à mes yeux, ne méritait pas d’être gardée au silence.

Je suis perdue, totalement perdue, et plus les semaines avancent, plus j’ai l’impression que faire monchoix va s’avérer

douloureux dans n’importe quel cas.

J’ai emménagé chez Trenton. On vit en « collocation ». C’est « drôle » comme situation. Je nepensais jamais connaître cela.

Avant d’entrer dans le monde des vampires en tant qu’esclave, je vivais avec mes deux meilleursamis, dans un taudis

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d’humains. Certes, c’était de la collocation, mais plutôt de la survie en réalité. Avec Trenton, c’estdifférent ; la relation qu’on

s’est établie ressemble vraiment à celle des films ou séries TV qui passent très souvent sur le câble.C’est étrange de vivre des

événements de la vie de tous les jours, autres qu’avec son… mari. Des tas de choses me sontidentiques, mais pourtant, bien

différentes. J’ai une chambre à moi, une salle de bains, mais un lit froid, et vide. J’ai dû rapidementperdre certaines de mes

habitudes de femme en couple, pour les remplacer par celle d’une femme seule vivant avec un hommequi n’est pas le sien.

Bien sûr, il y a eu quelques moments embarrassants, que ce soit pour Trenton, ou pour moi. J’ai eudroit à je ne sais combien

de direct live, de deux vampires passionnés par leur étreinte sur le canapé du salon, ou d’un Trentontotalement à poil se

baladant dans son appartement, le journal à la main. Je ne suis pas une femme pudique. Jusqu’àprésent, j’avais le même

spécimen auprès de moi, mais j’ai trouvé bizarre de voir un homme nu autre que Dead. Cela a renduma situation encore plus

réelle.

Trent est incroyablement patient, il me laisse faire mes choix, seule. Bien qu’il sache me donner sonavis, il tente de ne pas me

l’imposer, que ce soit sur le plan personnel ou sur le professionnel. Je n’ai déjà pas pu dire ma façonde penser en ce qui

concerne l’escadron qui nous suit à longueur de journée. Mon bras droit et moi, c’était largementsuffisant à mes yeux.

Mon amant et son frère, aussi, ont fait des choix pour moi, qui ne me plaisent toujours pas. Toutcomme Dead, je n’ai quasiment

pas revu Decease en huit semaines. Je sais qu’il passait voir les agents de sécurité en bas de monnouveau chez moi, tous les

trois jours pour avoir de mes nouvelles, et qu’il « communique » avec Trenton pour savoir commentje vais. Sinon, rien de

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plus. Les deux frères ont tenu leur promesse en ce qui concerne la distance que nous devons nousimposer. Et ils ont raison,

enfin du moins Decease. C’est plus que nécessaire, même si c’est dur.

La preuve, je suis assise pour la première fois depuis la nuit où j’ai quitté mon compagnon, dans lamême pièce que lui, et je

n’ai pas su dire un mot. Je n’ai pas réussi à porter mon regard sur ses beaux yeux bleus, ceux que jeconnais tant, mais qui vont

me faire un mal de chien si jamais, ils croisent les miens. Ma poitrine me fait mal lorsque j’entends leson de sa voix, lorsque

je vois ce détachement qu’il porte à ses affaires, au sujet qui nous a tous réunis. J’entends, à défaut dene plus sentir, les

profondes émotions qui l’habitent, celles que j’ai causées en partie, et cela me fait mal aussi, trèsmal.

Voir à quel point ces semaines ont affecté mon amant m’angoisse. Je n’ai jamais vu Dead ainsi ; je nel’ai jamais vu aussi froid

envers son poste. C’est la première fois que je le vois depuis deux mois, mais j’ai eu des échos, carRipley s’est fait un plaisir

de m’informer… de son « état » quand il passait voir son compagnon.

Il a géré l’histoire de la Rébellion avec une froideur que je ne lui connaissais pas, il ne s’est pasmontré cruel comme l’aurait

fait son prédécesseur, mais il n’a pas été clément. Une des prisons de la nation est désormais rempliede rebelles, pour une

peine de vingt ans, et je sais que Nate, est dedans, je l’ai appris par un rapport. Le porteur de cetteliste s’était trompé de

bureau, je ne me suis pas gênée pour regarder. J’ai eu un pincement au cœur. Certes, ce qu’il a fait vaà l’encontre des lois,

mais le passé qui nous unit me fait ressentir de la peine. Je n’ai rien dit à personne, j’ai gardé ça pourmoi. À quoi bon, jeter

de l’huile sur le feu en disant que je savais ? Que je connaissais certains noms. Je n’ose même pasimaginer la réaction de

certains. Alors, je me tais. Surtout, que la plupart des prisonniers ne ressortiront jamais. La sanction

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a été des plus sévères, et

encore, avec Trent, à ma plus grande surprise, nous avons réussi à éviter le peloton d’exécution pourvingt rebelles, tirés au

hasard, c’est le nombre exact de vampires tués lors de leur émeute. Donnant-donnant, m’avait sortiecomme excuse Sheeran le

Secrétaire du Département de la justice. J’ai espéré au plus profond de moi que Dead calme la colèreimmense qui l’a envahi

depuis que ses deux frères aînés ont décidé de faire leur retour dans la vie publique, en plus d’avoirenvahi son pays

d’espions, qui ont marchandé pendant un an, avec les rebelles humains pour faire leur coup de force.

En huit semaines, notre gouvernement a dû faire face aux conséquences de son humiliation lors dudiscours de l’Alliance avec

les Français, sans oublier, la vague de problème qu’a engendré, le retour du continent Russe-Asiatique. Une véritable bombe

dans la société. J’ai encore le souvenir pénible des émeutes, et des mouvements de foules dans laville. On peut dire que les

deux aînés Creaving savent soigner leur entrée, j’ai eu l’occasion d’avoir une démonstration enprivée plutôt « non

conventionnel ». En public, je dois reconnaître qu’ils sont tout aussi doués que n’importe quelpolitique bien équilibré. On

remarque vite que ce sont des hommes de pouvoir, de « scène » et qui savent tenir un peuple d’unclaquement de doigts. Ils

dégagent de la peur et de l’autorité de chaque parcelle de leurs peaux, et leurs regards diaboliques enterroriseraient plus d’un.

Dying et Died Creaving ont fait leur come-back de la façon la plus moderne possible, et fracassante :par vidéo.

Ils ont fait une vidéo, dans le genre propagande, où ils résumaient ces dix dernières années passéesdans l’oubli auprès des

Américains. La rancœur qu’ils avaient eue face à ce rejet. Nous avons eu droit à des images trèscaricaturées de leur situation

actuelle. La réalité est tout autre d’après les échos de Decease qui a dû se rendre en Russie, il y a

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quelques mois. La dictature

sanguinaire de leur aîné fait un massacre. Les humains souffraient plus que les humains américains, ily a un an et demi.

Dying a fait un discours digne d’une pièce dramatique. Il parlait d’avenir, d’un avenir sombre pourles ennemis de sa nation,

qu’il comptait se venger des dommages qu’ils avaient subis, son frère, sa nation, et lui par la mêmeoccasion. Que leur retour

ne serait pas sans conséquence. Une série de menaces, mélangées à de nombreuses suggestions ontfini la vidéo. Dix minutes

de mots ont suffi à créer des tensions au sein de nos proches, du gouvernement. J’ai encore enmémoire, le jour où la vidéo est

apparue sur les chaînes TV et Internet. C’était il y a six semaines exactement. J’étais encore aubureau avec Trenton, et le

hurlement de rage sortant du bureau du Président m’a fait comprendre l’étendue de la situation : siDead s’emportait, c’était

que la situation était grave. Et la nôtre l’est. Du moins, ce que j’en sais en extérieur. J’ignore ce qu’ilen est intimement,

puisque je ne fais plus partie de l’intimité des deux vampires ; j’ignore où en est « mon affaire »,moi, leur « prophétie »,

l’objet qu’ils convoitent. Je sais seulement que je suis ultra surveillée. C’est tout. Les menaces denotre rencontre n’ont pas eu

de suite, ou du moins, je ne suis pas au courant, et cela me tue.

Cela m’attriste en plus de m’énerver, de savoir que je n’ai pas le droit de savoir, d’être au courant,d’en savoir plus. J’ignore

encore beaucoup de choses, il manque tellement de réponses aux questions que je me pose. J’ail’impression de ne plus me

connaître moi-même, suis-je quelqu’un de différent ? Je sais que je ne dois pas enfanter d’unCreaving, sinon, une nouvelle

race verrait le jour. OK. Et, c’est tout ?

Je me rends compte que j’ai les mains qui tremblent ; je serre le stylo que je tente de tenir droit entremes doigts ; j’ai à peine

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écouté les débats. À vrai dire, j’ignore où en sont les hommes du pouvoir ; je n’écoutais pas ; j’étaisbien trop dispersée avec

mes pensées, entre celles qui me font réfléchir et celles que j’évite. La fatigue n’arrange rien non plus; je dors très mal, peu.

Je croule sous le travail pour ne pas penser à mon couple, à ce qui me fait mal. C’est top commesolution. Complètement

stupide. Senan n’arrête pas de me le dire.

Le vampire remplace Decease, et même si c’est totalement différent de la complicité que j’avais avecmon beau-frère, je

l’apprécie de plus en plus, et peut-être qu’un jour, nous serons amis. Je ne prétends pas êtrequelqu’un de formidable et

d’amical, loin de là, seulement… Senan est quelqu’un de si froid en apparence, mais si l’on grattecette couche, on se rend

compte qu’on aurait pu passer à côté de quelqu’un d’exceptionnel. On parle beaucoup, de tout, derien. Senan a un passé très

mystérieux. Il reste très vague à ce sujet, et cela m’intrigue. Mais surtout, il peut me parler de ce quile touche le plus : Queen.

Notre amie se porte très bien. Son ventre s’arrondit à vue d’œil. Elle porte la maternité à merveille.Attendre un enfant lui va

comme un gant. Elle semble heureuse, à l’aise dans ses baskets, mais complètement à côté de laplaque concernant la réalité.

Elle semble oublier l’épée de Damoclès qui est au-dessus de sa tête ; son erreur passée avec son «meilleur ami ». Cet enfant

qui n’est peut-être pas celui de son mari. Chaque fois qu’on se voit, le vendredi midi pour déjeuner etqu’on en parle, la

discussion finit en dispute, elle ne veut pas en parler, et encore moins en parler à Senan. Quant àDeryck, elle ne veut pas le

perdre. Je ne lui demande pas de lui dire qu’elle l’a trompé, si elle peut vivre avec cela, tant mieuxpour elle ; mais elle doit

penser aux conséquences de ses actes. Ils ne sont pas deux dans l’histoire, mais trois, trois personnesqui risquent de souffrir,

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dont une qui souffrira forcément à la fin de cette grossesse quand la vérité éclatera. Senan est luiaussi dans le déni ; il espère

que si l’enfant est de lui, Queen quittera Deryck. J’ai beau lui répéter que non, il est persuadé que si.Et cela me fait mal pour

lui, car il n’y aura aucune fin heureuse pour lui. Si l’enfant est de Deryck, il devra dire adieu à unfutur qu’il s’imagine, et si

l’enfant est de lui, il va devoir vivre avec le fait que la vérité va exploser, mais surtout, il devravivre en voyant son enfant

élevé par un autre. Et pour un vampire, c’est ce qui doit y avoir de pire. La chair de sa chair aimantun autre… bon sang !

J’ignore où cette histoire va nous mener ; rien n’est rassurant, surtout quand on sait, que quoiqu’il sepasse, il n’y aura pas un

happy end pour tout le monde.

— Tu es certain que, le tirage n’a pas été truqué Dead ?

La voix du colonel Warner, secrétaire de la Défense, me fait sortir de mes pensées. Je ne le connaispas, c’est même la

première fois que nos chemins se croisent en bientôt deux ans. Je sais qu’il était situé dansl’Amérique profonde, la partie la

plus déserte et pauvre du pays. Il réglait les problèmes là-bas. Dead n’a jamais été très bavard à sonsujet, comme sur ses

« bras droits » qui œuvrent dans le secret, pour de lourdes tâches qu’il ne me serait peut-être pas bonde connaître. Je sais

seulement que c’est un vampire d’un certain âge : physiquement, la cinquantaine humaine ; il a lecrâne rasé, et une barbe

blanche. Sa tenue de militaire fait un contraste étonnant avec tous les autres hommes présents danscette pièce et qui sont vêtus

d’un costume. Il dégage ce que tout militaire sait dégager : l’autorité, l’ordre, et le sérieux. La ridequi traverse sont front me

fait penser qu’il ne doit pas souvent se détendre. J’ai appris qu’il avait mené l’arrestation desRebelles, et avait fait plusieurs

actions à travers le pays pour tenter de trouver d’autres groupes comme celui de New York. C’est un

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homme « très efficace »,

d’après Trenton. En attendant, il ne donne pas l’impression d’être aimable, et je ne compte pas allervers lui et lui parler.

Un silence étonnant s’abat dans la salle de réunion. Tous les regards se tournent vers Dead, le miencompris, à ma plus grande

surprise.

Mon compagnon soupire, secoue la tête tout en terminant de prendre une note. Il est envahi par lapaperasse. Il respire le

stress, l’anxiété et l’incertitude, tout cela mêlé à deux mois de tensions, de colère et de pressions. Sile cocktail doit exploser,

je n’ose imaginer les dégâts. Dead tendu, ce n’est pas bon à voir ni à supporter. Je ne pensais pas letrouver ainsi, en le voyant.

Je ne pensais pas le voir du tout à vrai dire. Mais la tentation a été plus forte que tout.

Lorsque le vampire lève les yeux de ses notes, son regard bleu me transperce. J’ignore du mieux queje peux, les sentiments

qui naissent en moi à cet instant, être présente est déjà dur.

— Certain, c’est Drac et Bastide qui ont tirés au sort, devant témoins, humains compris. C’estimpossible de tricher.

Dead vient s’adosser au dossier de sa chaise. Ses bras se croisent, et ses yeux commencent à aller etvenir autour de la table.

Dès que je sens son attention sur moi, je détourne le regard et commence une contemplation malsainesur Trenton, qui est

absorbé par la réunion. Je ne l’ai jamais vu si calme… ni en face de moi. D’habitude, lorsquej’assiste à ce genre de réunion –

ce qui est très rare, j’évite tant que je peux – je suis entre lui et Glenda, secrétaire du LDT1 au seindu gouvernement, et

lorsqu’elle est à Los Angeles pour affaires, elle est remplacée par le discret Keaton, secrétaire duDépartement du Commerce

et du Travail, une fonction, que j’ai du mal à saisir parfois.

Je finis par jeter des coups d’œil furtifs aux autres membres de la pièce. Ils prennent tous des notes

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activement, même si

personne n’a parlé.

— Ça tombe plutôt mal ce tirage ! Étant donné que les tensions avec les Rebelles viennent à peine dese calmer, faire venir

les dix autres chefs de ce Nouveau Monde chez nous, c’est un pari risqué.

En voilà une, qui aurait mieux fait de se taire et de faire durer le silence.

Je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel en entendant Sage Kane, l’une des deux secrétairesdu Département de la

Sécurité intérieure du pays. Elle me tape sur le système avec sa voix enjôleuse, ce petit ton doux etsensuel. Elle se croit sur un

terrain de chasse. Fraîchement nommée depuis la catastrophe qu’a provoquée son prédécesseur dansl’histoire de l’attaque des

rebelles, elle a tendance à se croire plus supérieure que les autres.

C’est une très belle femme vampire ; grande, blonde, la peau blanche et des yeux marroncharbonneux. Elle a un sourire de

magazine, et le corps qui va avec. Si elle était humaine, je dirais qu’on pourrait lui casser un os rienqu’en la bousculant. Elle

est… franchement détestable.

Non, je ne suis pas jalouse, simplement, certaines choses ne se font pas.

Comme courir après un homme déjà prit.

Oui, Ripley a laissé échapper une information qui ne m’a pas plu, mais alors absolument pas. Un soiralors qu’on dînait tous

les trois, Ripley racontait sa journée, une journée qu’il avait passée à faire de la paperasse pour lesdeux nouveaux secrétaires

du département de la Sécurité, Sage et Cooper – un vampire charmant, et séducteur – Il a confié sonénervement dû aux allées

et venues de la jeune femme dans le bureau de son patron. Et ce, régulièrement. Si Trenton a tenté deminimiser les choses en

disant que c’était purement pour le boulot, mon côté femme amoureuse a eu du mal à gérer cette

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information. Je ne pense pas

que Dead soit infidèle, non. J’en suis même sûre, mais savoir qu’une autre lui tourne autour et agiteses crocs sous lui

m’énerve profondément.

Une raison de plus pour être à cran.

— Je suis d’accord avec Sage, n’est-ce pas risqué de tenter d’autres Rebelles à intervenir ?...

Warner interrompt le vampire très sûr de lui, et qui ne sait dire qu’amen à sa coéquipière. La voix dumilitaire est sans appel,

dure. Il me ferait presque sursauter.

— Cooper, je vous rappelle que mes hommes, comparés aux vôtres qui se sont sublimement plantéslors de la précédente

Attaque, sont sur le coup. Si deux autres groupes ont été repérés au sein de notre patrie, ils sontactivement surveillés. Et

croyez-moi, ils ne sont pas en mesure de faire ce que le premier a fait. Le pays est tranquille en cequi concerne les attaques

intérieures.

— Je rejoins Warner. En ce qui concerne l’intérieur du pays, les tensions se sont calmées, la routineva pouvoir reprendre

son cours dans la plupart du pays. Pour ce qui est de l’extérieur, il n’y a que les Russes qui nousinquiètent. Si d’après nos

dernières informations, les « espions » étrangers à notre sol sont repartis, le retour de la puissanceRusse-Asiatique peut nous

rendre nerveux, renchérit Deryck.

— Elle nous rend déjà nerveux, souligne Louis, d’une voix froide, et menaçante.

La voix de mon ancien « maître » me fait froid dans le dos, tant ses mots veulent tout dire. Je sais quetout le monde est au

courant de mon Histoire. Mais personne ne fait un commentaire en ma présence, même ceux que jeconnais très bien. Je suis

certaine que c’est une des nouvelles directives de notre cher Président. Ce n’est cependant pas un

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gros changement pour eux,

ils se sont tus pendant plus d’un an.

J’apprécie ce détachement malgré tout, j’aurais eu du mal à supporter des regards en coin.

— Elle n’a pas à nous rendre nerveux, intervient Dead, sur le même ton, elle n’a pas non plus à nousrendre tendus face à

l’annonce de notre organisation, du G9.

Le G9, ou le rassemblement annuel des dictateurs, et présidents vampires du Nouveau Monde.D’après ce que j’ai compris,

c’est une grande réunion qui dure tout un week-end. Les chefs d’État font un bilan annuel de leursnouvelles lois et directives,

et un résumé de ce qu’ils ont fait au cours de cette année. C’est un moyen de se « comparer » les unsaux autres, de voir et de

discuter des alliances, mais aussi des tensions entre des dirigeants rivaux. C’est un jour férié et defête dans le pays qui

organise le rassemblement du G9, chaque nation passe devant une foule, et devant les télévisions dumonde entier. Avant

d’entrer au gouvernement, je n’avais jamais entendu parler de cet événement. J’ai très vite comprispourquoi, Campbell ne

voulait pas l’organiser. Il a été tiré au sort pourtant, mais cela ne l’a pas empêché de décliner l’offre.Je pense qu’à l’époque,

cela arrangeait tout le monde ; personne ne voulait venir dans un pays ressemblant à la pire dictatureque le monde des humains

n’ait jamais connue. Alors pour la première fois, en quinze ans, seize plus tôt, les États-Unis vontaccueillir cette réunion.

Malheureusement, je pense qu’on aurait bien aimé décliner étant donné les circonstances actuelles,mais visiblement, on ne le

fera pas.

— Nous allons le faire alors ? demande Glenda en fronçant les sourcils.

— Avons-nous le choix ? Non. Et puis, cela nous permettra de voir où en sont notre Alliance avec lesFrançais et la récente

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déclaration de vengeance de la part des dirigeants russes.

Il n’emploie jamais, le terme, mes frères.

— Dead…, commence Louis.

Mon vampire se tourne vers son ami. Il lui administre un regard qui veut dire : très bien je t’écoute,même si ça ne va pas me

plaire.

— De toute façon, quand Deryck est pour quelque chose, toi, tu ne l’es pas, alors, exprime le fond deta pensée, Louis.

Louis ne se démonte pas face à l’humeur de chien de Dead. Il note quelque chose avant des’exprimer.

— Dying et Died ont une idée derrière la tête. Leur retour, pour les raisons que nous connaissonstous, cache quelque chose

d’autre. Les inviter lors du G9, avec toute cette incertitude, ce n’est pas une bonne idée selon moi. Ilspréparent quelque chose.

Leur démarche est bien trop… étrange, pour être sans arrière-pensées.

— Nous verrons lors de leur venue. On ne peut rien faire s’ils ont une idée derrière la tête. Et nous nepouvons pas les

mettre de côté lors du G9. Nous devons faire comme si la vidéo n’avait pas eu lieu et tenter de faireprofil bas devant la

population. Il faut qu’on entame des pourparlers avec eux. Peut-être devrions-nous le faire enprésence d’Alliés, des points

forts et neutres. Et puis ce n’est pas un putain de rassemblement qui les fera changer d’avis si jamaisils ont une idée derrière

la tête. Il y a certaines choses qu’on ne peut éviter malgré la prévention.

Je ferme les yeux en entendant ces derniers mots. Je sais qu’il ne les a pas dits par hasard.Heureusement, je ne le regardais

pas à cet instant. Y voir tout ce que j’aurais pu y lire m’aurait brisé un peu plus.

— Je suis d’accord avec Dead, s’ils sont dans une optique, rien ne pourra les faire changer d’avis.Nous allons juste nous

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préparer au cas où.

Le sourire que Sage administre à mon compagnon me rend folle. Évidemment qu’elle est d’accord,elle est toujours d’accord

avec Dead.

— C’est ton choix, termine Louis.

— Ouais, et même si je l’avais, je choisirais quand même de faire ce rassemblement. On doit montreraux autres de quoi

nous sommes capables. L’Amérique est une surpuissance. Elle n’a pas peur d’un pauvre messagevidéo. Les dirigeants russes

veulent créer la panique, mais ils ne réussiront pas. Ils ne me font pas peur, et ils devraient ne pasvous faire peur. C’est ainsi,

c’est comme ça.

Dead soupire bruyamment. Je reconnais le bruit du froissement de sa chemise dans ses cheveux, signequ’il passe sa main

dedans. Je sens la lassitude face aux conséquences du retour de ses frères. Il en a assez, et je ne peuxque tenter de le

comprendre. Je pourrais le comprendre, totalement, si j’en savais plus…

— Ils sont juste revenus au grand jour, ils n’ont pas inventé l’eau chaude. Notre principaleoccupation à partir

d’aujourd’hui, c’est ce G9 en plus de nos occupations habituelles. En ce qui concerne les rebelles, etles Russes, ceux qui

savent quoi faire continueront de faire ce qui doit être fait, nous n’avons plus à nous étaler sur le sujettant que ce n’est pas

nécessaire.

Autour de moi, tout le monde prend note. Je devrais faire pareil, mais j’en suis incapable.Déconnectée de la réalité, il n’y a

que ce son rauque, sa voix, qui a toute mon attention.

Ne pense à rien d’autre, juste à l’instant présent, et à ses mots.

— Dans une semaine, je me rendrai à Washington pour l’ouverture du cinquième pôle de santé

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humaine. Les Français seront

présents aussi. Nous aurons l’occasion de discuter du G9.

Tout le monde hoche la tête. Ils notent attentivement les directives du Président.

— … voilà en ce qui concerne les dernières actualités. Merci à ceux qui se sont déplacés.

Figée sur Trenton qui prenait ses notes, je comprends à peine que la réunion est finie. Le bruit desgrincements des chaises me

fait sortir de mon état de statue mal à l’aise. C’est le moment de sortir vite, de prendre la fuite commeune lâche et d’aller

m’effondrer à cause de toute cette pression, cette tension, et la douleur qu’une telle proximité aengendrées chez moi. C’est

trop douloureux de le voir dans cet état.

Je rassemble aussi vite que possible mon porte-document, je n’ai rien noté. Les vampires autour demoi vont plus vite. La

moitié a déjà quitté la pièce lorsque je remets ma chaise en place et que je marche en direction de laporte. Je remarque que

Deryck parle avec Dead, et que Trenton se fait aborder par Cooper et Sage la garce. Lorsque j’arriveà la hauteur de mon bras

droit, elle me sourit, et tout le monde se tourne vers moi.

— Faith, je suis ravie de t’avoir vue, aujourd’hui. Trenton est bien sympathique, mais les espritsféminins manquaient un

peu à ces réunions. N’est-ce pas ?

Elle lance un clin d’œil « complice » à mon bras droit, tout en lui administrant une tape amicale àl’épaule. Trenton lui sourit

en retour, et je me retiens de lever les yeux au ciel. Vive l’amitié ! Et même si Trent est gay, face àune belle femme, il rentre

dans son jeu. Dommage que Ripley ne soit pas là ! Il se serait abstenu.

— J’ai trouvé regrettable que nous n’ayons pas eu ton avis, Faith, souligne Cooper en medévisageant.

En voilà un qui n’a pas loupé le fait que je n’ai pas ouvert la bouche durant la réunion. Je souris

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faussement à Cooper, et

prends un air neutre en répondant :

— Ce qui devait être dit, a été dit, pas besoin de brasser de l’air en répétant.

Cooper et Sage échangent un regard complice que je décide d’ignorer. Elle se met à rire avant derenchérir.

— J’aime beaucoup ton humour. Trenton ne doit pas s’ennuyer avec toi.

— Non, je ne m’ennuie pas, affirme mon bras droit.

— Nous devrions déjeuner tous les quatre, un de ces jours. Après tout, nous sommes les deuxdépartements dirigés par un

binôme, nous pourrions… nous rapprocher. N’est-ce pas une bonne idée ?

Non, absolument pas. Ton sourire, tu devrais te le mettre où je pense, ta tactique pour faire copineavec moi ne marche pas.

J’ai envie de t’assommer avec mon porte-document, et j’ai encore moins envie de déjeuner avec toipour nous « rapprocher ».

Trenton à côté de moi se met à rire. Je comprends qu’il a lu dans mes pensées. Heureusement monbras droit sait se ressaisir, il

répond à ma place.

— Nous organiserons ça un de ces quatre, d’accord ? Navré de vous esquiver, mais nous avons dutravail, Faith et moi…

— Nous aussi, renchérit Coop, viens Sage.

Il passe un bras protecteur autour de la taille de la vampire.

— On se tient au courant, Trenton.

— Avec plaisir.

La garce quitte enfin la pièce, et me laisse seule avec Trenton. Lorsqu’il se tourne vers moi, pour mefaire face, il perd vite son

sourire idiot.

— Pourquoi cette tête, miss voyeuse ?

Je lève les yeux au ciel en entendant ce stupide surnom. Je le dois à mes nombreuses apparitions

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alors qu’il était… très

impliqué avec Ripley.

Je prends un ton caricatural en lui répondant.

— Oh, avec plaisir, Sage. Non, je ne m’ennuie pas. Oh ! Je suis aussi stupide qu’elle lorsque je luiparle, et je prends un

ton mièvre qui fait pitié, je m’appelle…

Trenton se met à rire. Nous commençons à nous diriger vers la sortie.

— Ouais, tu ne l’aimes toujours pas.

Comment le pourrais-je ?!

— Toi, par contre…

— C’est une collègue, tu es la seule femme qui soit mon amie, je te rassure.

Oh, mais il se trompe, je ne suis pas jalouse, je la trouve juste pathétique. Je m’apprête à renchérirlorsqu’une voix

m’interpelle.

— Faith.

Je m’arrête de marcher en me figeant. Trent aussi, je me retourne, hésitante, la boule au ventre, face àDead qui referme la

veste de son costume.

Ne le regarde pas dans les yeux, c’est déjà assez dur comme ça.

Une tension s’empare des lieux, me mettant mal à l’aise, je n’avais pas envisagé la possibilité queDead veuille me parler.

— Faith ?

— Tu peux y aller, Trent, Faith te rejoint dans quelques minutes.

Ni de ma femme, ou ma compagne, juste Faith, cela fait deux mois qu’il ne me prénomme pas ainsilorsqu’il parle de moi à

quelqu’un.

Je vois Trent hésiter. Il a très bien remarqué l’humeur de chien de son ami, et une pointe d’inquiétude

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doit l’envahir. Un

échange de regards silencieux entre les deux hommes me fait penser qu’ils doivent communiquergrâce aux dons qu’ils ont en

commun. Il n’y a rien de mieux pour se sentir à l’écart.

— Faith, je serai dans notre bureau. À plus tard.

Sans perdre une seconde de plus, Trenton s’éclipse aussi vite qu’il a parlé. Il referme la portederrière lui, nous laissant seuls.

Coupés de tous, sans l’ombre d’une oreille ou d’une présence indésirable.

Que dire ? Que faire à cet instant ? Je suis perplexe.

J’entends les bruits de pas sur le parquet, puis l’odeur familière qui m’a manqué ces deux derniersmois. Cette présence qui

dégage un je ne sais quoi, qui m’a toujours rassurée, émerveillée, rendue heureuse, me rend triste, etperdue aujourd’hui.

— Comment tu vas ?

Sans m’en rendre compte, je souris à cette simple question. Je m’attendais à tout, sauf à cela. À un «comment tu vas ». Je

voyais plus un « alors, on fait quoi maintenant ? » étant donné l’humeur de chien qu’il se trimballe.

Si seulement j’étais dupe, et que je ne comprenais pas que derrière cette froideur, se cache de ladouleur.

— Je vais comme ça doit aller étant donné les circonstances, je réponds.

— Je vois…

— Et toi ? Je renchéris, avant qu’il ne pose une autre question.

J’entends un soupir venant de sa part, je ne le regarde toujours pas. Je sais qu’il s’est appuyé sur latable. Il m’observe par

contre. Si moi je n’ose pas, je sens son regard. Il me serre le cœur tant je sens la distance qui s’estinstallée entre nous.

— Je vais comme un mari doit aller lorsque sa femme l’a quitté, qu’elle habite avec un ami, que plusrien ne va dans son

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couple, et que des tas de choses ont fait que la situation actuelle est telle qu’elle est… (Dead marqueune pause avant de

reprendre) Tu me manques, Faith.

Tout ce qu’il ne fallait pas dire.

Je ferme les yeux en sentant les larmes monter. Oh non, je ne dois pas craquer, j’ai suffisammentpleuré ainsi, je refuse de le

faire devant lui. Pourtant, la douleur est là, quand je l’entends me dire que ça ne va pas, que je luimanque.

À moi aussi, il me manque. Moi non plus, je ne vais pas bien, mais non, je ne peux pas. C’est troprécent, trop sensible… trop

de choses.

Je sursaute lorsque Dead vient saisir ma main dans la sienne. Il la serre avec force pour attirer monattention, et ça marche. Je

croise enfin ce regard bleu qui m’effraie tant.

C’est le coup de grâce d’y voir ce qu’il y ressent. Il s’en veut, mais pas seulement, c’est un mélangede regrets, de peine, et de

tas d’autres sentiments.

Dead n’a pas changé, et pourtant, j’ai l’impression qu’il a pris dix ans dans les yeux, dans sa façond’être, de respirer.

Il est toujours aussi beau par contre, et je suis toujours la femme qui est tombée amoureuse de lui,même si elle est cachée sous

une armure.

— Tu me manques, répète le vampire d’une voix calme.

Toi aussi, tu me manques énormément.

Sa main dans la mienne, il caresse de son pouce le dos de ma main. Ce contact si familier merappelle ce qu’on n’est plus en

ce moment. Et cela me fait mal.

— Je voulais m’excuser de t’avoir mise à l’écart, même si c’était pour ton bien…

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— Tu n’as pas à le faire, tu n’as pas à t’excuser, cette… séparation, c’est ce qu’il fallait, je le coupe.

— Tu as réfléchi ? me demande le vampire.

À nous, reste en suspens.

Je hausse les épaules, je ne lui cacherai pas la vérité. D’une voix triste, je lui réponds :

— Je n’ai… pas eu tellement le temps de penser, Dead, je me suis consolée dans le travail et ladistraction. Penser à toi…

à ce que j’ai appris, ça m’effraie, ça me fait mal.

Dead hoche la tête, il ferme les yeux, inspire, comme s’il chassait quelque chose en lui.

— Dead, c’est difficile en ce moment, je reprends.

— Je sais, je le vis, je le comprends.

Sa main serre à nouveau la mienne.

Tu me déchires le cœur, ai-je envie de lui dire, mais rien ne sort de mes lèvres, seul ce regard remplide tristesse. J’aurais

envie de le prendre dans mes bras, de le serrer contre moi, et de lui dire que ça va aller, que ce n’estqu’une mauvaise passe et

qu’on surmontera cela comme on a tout surmonté. Mais quand j’envisage de le faire, une petite voixau fond de moi se fait un

malin plaisir de me rappeler ce qu’il m’a fait : il m’a menti et trahie. C’est lui l’objet de mon «malheur », de la révélation,

c’est à cause de lui que je suis celle que je suis. Et même s’il ne m’a pas désignée pour être « saprophétie », je suis la bonne

personne, La Femme.

— Je suis désolée de te faire souffrir, Dead…

— Comme moi je le suis de te rendre malheureuse, je suis désolé pour tout ce que tu vis, tu ressens.Je suis désolé, voilà

tout. Je ne peux rien te dire d’autre si ce n’est ça, et ce n’est pas suffisant.

Je lâche sa main. La mienne tremble. Je suis envahie par le désespoir et la certitude que se parleraujourd’hui, c’était une

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mauvaise idée. On se fait plus de mal que de bien, je le vois, je le sens. Il est mal, et je ne dois pasêtre mieux. Il y a ce

manque qu’on s’est créé de l’un et de l’autre qui vient se mettre au milieu du désordre qui prend déjàbeaucoup de place.

Même l’écho de ma voix sonne avec un désespoir immense.

— Comprends-moi, je devais partir, je dois être loin de toi… bon sang, Dead, si tu pouvais sentir ceque je ressens à cet

instant, t’avoir si près, me souvenir de ce que c’était, notre complicité, notre proximité… j’aimeraiste prendre dans mes bras,

être si proche de toi que j’arriverais à te faire mal. Mais ce qui s’est produit me bloque, je suistendue, mal à l’aise en face de

toi. Je me retiens de pleurer parce que j’ai en face de moi, l’homme que j’aimais, et que je ne peuxrien faire, tout m’empêche

d’avancer vers toi. J’ai eu tellement mal, Dead, tellement, ces deux derniers mois ont été…

— Extrêmement difficile à vivre, je sais.

C’est au tour de Dead de détourner le regard. J’aimerais lui demander comment une personne commelui peut être aussi

affectée, par ces derniers événements. Comment un homme comme lui, qui paraît insurmontable,inaccessible et fort puisse être

autant touché. Je connais la réponse, je sais que c’est l’amour, mais… le changement est tellementincroyable à croire !

— Dead, ne te referme pas, ne deviens pas froid comme tu l’as été, ces derniers temps… tes prochesne reconnaissent plus

le Président que tu étais. Nos problèmes personnels ne doivent pas…

— Nos problèmes personnels sont justement liés à ceux qui ne le sont pas. Tout est lié, Faith. Tout. Tune sais pas non plus

comment je vis tout ça. Tu ne sais rien, personne ne sait rien. On ne sait plus rien l’un de l’autre,bordel !

Dead se tourne vers moi, la colère l’a envahi, mais le désespoir de la situation aussi.

— J’ai mes torts dans nos problèmes, mais je suis certain que rester comme on fait n’arrangera rien.

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Je t’aime, c’est un fait,

je ne sais plus vivre sans toi. Je ne peux pas être comme avant, quand tu n’es pas là. Tu ne sais pas ceque ça me fait de me

réveiller chaque matin et de me retrouver sans personne à mes côtés. Tu ne sais pas ce que c’estd’être entouré de gens, mais

de se sentir seul. Je me sens seul sans toi, Faith, j’attends désespérément que tu viennes vers moi,pour parler, pour commencer

à faire un pas pour qu’on avance. Je ne peux pas croire que toi et moi, c’est fini. Je n’arrive pas à lecroire quand on me dit

que je t’ai sans doute perdue. Et pourtant, tu ne reviens pas, tu m’évites, tu m’en veux. Je ne demandepas le pardon, je te veux

juste toi… Maintenant, je te comprends, quand tu me disais que tu ne voyais pas l’évidence parce quetu m’aimais… je

comprends. Je ne vois sans doute pas l’évidence que j’ai totalement merdé, et que mes erreurs nepeuvent pas être réparées.

— Dead…

— Donne-moi un signe, un mot, qui me fasse comprendre que je n’espère pas inutilement. Je vaisdevenir dingue, tu ne sais

pas ce que c’est d’être un vampire comme je suis et de vivre ce genre de sentiments, c’est…indescriptible tant c’est possessif.

Je le vois. Je vois à quel point cela l’affecte, et cela me surprend. Pourtant, je reste comme uneidiote, debout devant lui, sans

savoir quoi faire.

— Tu m’aimes pour moi, ou pour la prophétie ? Ce qui te manque, c’est moi, ou c’est…

Dead me coupe la parole.

— Je t’arrête tout de suite, Faith, je t’aime pour toi. Ne crois pas que… non, c’est toi que j’aime. Pasce truc que tu as du

mal à comprendre.

— Comment je peux être certaine que ce soit bien ça ?

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— Tu dois le sentir, c’est comme ça.

Nous nous dévisageons un moment, puis Dead juge qu’il est temps de changer de sujet, il me révèleen partie, la raison de cette

entrevue.

— Je voulais te demander de m’accompagner pour l’ouverture du centre à Washington, les Françaisvoulaient te voir, et…

je voulais que tu viennes aussi, égoïstement. Personne mis à part notre entourage ne sait pour notreséparation. Je n’ai rien dit

avant d’en parler avec toi.

Je dévisage le vampire, j’apprécie qu’il n’ait rien dit. Je réfléchis quelques instants. Si je ne vienspas, Dead saura à quoi s’en

tenir. Je reculerai davantage. Il devra sans doute expliquer la raison de mon absence, et personne nesera dupe. Notre

complicité en faisait jalouser plus d’un. Et dire aux autres que nous sommes pour l’instant séparésrendrait les choses encore

plus vraies, et cela, j’ai du mal à l’accepter. Inconsciemment, je ne veux pas.

— Je t’accompagnerai, je finis par répondre, après plusieurs minutes de silence.

Dead fronce les sourcils, sans doute surpris de ma réponse.

— Tu es certaine ? Tu sais… qu’une fois là-bas, nous devrons faire comme si de rien n’était.

— Je sais. Je ne veux pas qu’on sache que ça ne va pas entre nous.

Dead me dévisage. Je sais qu’il tente de voir en moi si quelque chose me perturbe. Si je suis sincère,et sûre de moi. Je le suis.

Je fais un petit pas.

— D’accord, je t’informerai des détails de cette sortie, lâche le vampire.

— Merci… je…

J’hésite à m’en aller. Je sais qu’il le faut, pourtant. J’ai besoin aussi de calmer cette douleur en moi,mais malgré tout, je reste.

J’aime me faire mal on dirait !

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La voix de Dead me ramène à la réalité.

— Faith ?

— Oui ?

Je regarde le vampire droit dans les yeux. Je note une part d’hésitation. Avant que je n’aie le tempsde dire quoi que ce soit,

Dead se redresse. En deux enjambées, il se retrouve contre moi. Il ne me touche pas, il se contentejuste d’approcher son

visage au mien. Ses lèvres viennent chercher les miennes, elles se posent brusquement sur ma bouche,voulant un contact à tout

prix. Je suis surprise. Les conséquences de cet acte nous feront mal. Un souvenir amer de notrecomplicité, l’espace d’un bref

instant, pour revenir sur terre et se rendre compte à nouveau que rien ne va.

Pourtant, je n’arrive pas à rester impassible. C’est de la folie, et je ne peux que lui rendre ce baiser.Ma bouche remue contre

la sienne, et c’est comme avant, avec un goût de désespoir en plus. Mais la douleur et la tendresse ysont toujours. Ses lèvres

m’avaient manqué.

Bien trop vite, Dead rompt ce contact chaleureux. Il ne s’écarte pas, il reste haletant, son front vientpeser contre le mien, il

murmure :

— Je n’aurais pas dû, c’est encore plus difficile à présent.

— Ça l’est, je réponds sur le même ton.

— Désolé.

— Non, ne t’excuse pas. Même si ça fait mal… j’en avais besoin.

Je croise à nouveau ses yeux bleus, et c’est trop pour mon seuil de tolérance. Je dois partir, etévacuer tout ce que je ressens.

Je m’écarte de lui, lui offre un maigre sourire, et marche en direction de la porte. Une fois arrivéedevant, ma main sur la

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poignée, je me retourne.

Ce n’est pas fini, je ne lui ai pas répondu.

— Dead ?

— Oui ?

Le vampire me regardait sortir.

— Ne crois pas que je ne t’aime plus… je t’aime plus que ma propre vie, je t’aime comme je n’aijamais aimé personne, et

ça malgré tout. Le pire dans cette histoire c’est que même si une part de moi peut te haïr, je continuede t’aimer. Alors si

apprendre que je suis ta prophétie, la raison de ta venue sur terre, de tout ceci, ne me fait pas cesserde t’aimer, rien ne le

pourra. Et je sais qu’un jour, dans je ne sais combien de temps, je comprendrai pourquoi tu as faittout ça. Je comprendrai et je

reviendrai, mais aujourd’hui… c’est trop dur, trop tôt. Je ne comprends pas, je suis seulementsubmergée par une tonne de

sentiments. Je ne sais pas comment les gérer, eux, et ces informations.

Dead me regarde, figé, il encaisse mes mots. J’ignore si ce que je viens de dire l’aide ou pas.J’aurais peut-être mieux fait de

me taire.

— Rien ne me garantit que tu comprennes un jour.

Bon sang, l’évidence fait mal !

— Non… rien ne le garantit, je réponds d’une voix tremblante.

— Rien ne me garantit que tu me reviennes un jour non plus, poursuit Dead, sur le même ton.

— Non… rien. Le temps, Dead, pour l’instant il n’y a rien d’autre. Désolé.

— Moi aussi, je suis désolé.

Sans un mot, j’ouvre la porte, et sors de la salle de réunion, le cœur lourd. Une question ne cesse detourner dans mon esprit, et

si même avec le temps, je n’arrivais pas à comprendre ? Devrais-je vivre sans lui, pour toujours ?

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Dans cette situation ? La

douleur n’est pas un avenir qui me branche.

***

Je rentre chez « moi », plus tôt que prévu. Trenton m’a dit qu’il passait la nuit chez Ripley pourm’éviter un live gay étant

donné que j’étais du genre « à aimer regarder ». La sécurité en bas de l’immeuble servira de garde ducorps. Senan doit même

passer… et s’il ne passe pas, je ne m’en plaindrai pas, j’ai besoin d’être seule. De me retrouver, defaire le tri après la

discussion que j’ai eue avec Dead.

Il m’a manqué, certes, mais la douleur et ses amis m’accompagnent toujours. C’est tôt, mais c’esttellement incertain. J’ignore

où tout ceci va nous mener et cela m’effraie, tout ce désespoir, cette crainte, cela ne nous ressemblepas ! Je ne nous reconnais

plus !

Je soupire ; je ferme la porte à clé ; j’allume le couloir ; mes gestes sont routiniers ; je pose mesaffaires sur la commode à

l’entrée, et pars en direction du salon pour m’abrutir devant la télévision une dizaine de minutes.

Lorsque j’arrive devant le salon, une étrange sensation m’envahit, comme si… je n’étais pas seule, cequi est stupide. Mais

pourtant, elle est là. Méfiante, j’allume la lumière pour éclairer la pièce, et ma sensation me saute auxyeux.

— Bonsoir, bel Ange.

Je me fige, le cœur battant. Je ne connais pas cette voix ni l’homme qui s’apprête à me faire face etqui dévisage la vue de

Manhattan, mais tout ce que je sais, c’est qu’il ne m’est pas inconnu… même s’il s’annonçait dans seslettres comme tel. Je

sais qui il est, ses simples mots ont résonné en moi comme une évidence.

C’est lui, mon correspondant, c’est lui qui se tient en face de moi, prêt à sortir de l’anonymat… de

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l’inconnu.

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1 : LDT = Département du Logement, du Développement et des Transports

Chapitre 5

Rencontre avec l’Inconnu

Immobile à l’entrée du salon, je dévisage l’étranger en face de moi. J’attends je ne sais quoi, mais jereste là sans broncher. La

dernière fois que j’ai eu une visite inattendue, j’ai reçu la pire bombe qu’on pouvait apprendre, etj’ai failli me faire violer.

Autant dire que je suis une traumatisée des visites inopportunes, surtout quand un homme aux alluresdes plus malveillantes se

trouve en face de moi. Il tient dans sa main une sorte de lourde cape noire, et il émane de lui quelquechose d’ancien, d’usé. Je

continue mon analyse silencieuse, à défaut de hurler « à l’aide ! ». Je contemple le prochain spécimenque le destin m’envoie

sur ma route.

Physiquement, il a l’allure d’un homme de plus cinquante ans, des cheveux noirs légèrementgrisonnants, un bouc qui durcit son

visage. Il est vêtu simplement, mais avec assez de classe. Une veste en cuir noir, un pantalon noir, etune chemise noire. Cet

homme ne connaît pas non plus les couleurs. Je remarque qu’il tient dans son autre main, une sorte decanne, on dirait une

réplique d’une fourche, mais la « lame » n’a pas l’air tranchant.

Je dois reconnaître que mon invité me laisse perplexe. Il ne se dégage pas ce que l’on peut ressentirlorsque l’on est entouré

d’un vampire. Je ne sens pas cette chaleur particulière qui leur est propre. Ce sentiment au fond devous, que vous avez appris

à enfouir, qui vous dit que vous êtes en présence d’un prédateur. D’un individu, qui n’est pas commevous. Non, je sens

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plutôt… le froid.

Cet homme dégage de la froideur, que ce soit à cause de son regard gris, ou de sa prestance. Il ne merassure nullement. Même

si une autre part de moi ressent de l’apaisement en sa présence. Une sorte de calme intérieur. Il medonne la sensation

d’apaiser les maux en moi, tout ce qui me ronge, me fait du chagrin. Je ne sens plus tellement le poidsqui s’était formé au

creux de ma poitrine depuis deux mois.

L’inconnu me dévisage tout autant. Après plusieurs minutes de silence, à nous regarder mutuellement,il finit par me sourire,

mais j’ignore ce que je dois en déduire. Les deux malades qui sont entrés chez moi, les deux frères demon compagnon, me

souriaient tout autant. Ils avaient un regard malsain, un sourire diabolique… un peu comme lapersonne qui se tient en face de

moi. Mais c’est à nouveau… bien différent. Je ne saurais que dire, tant je me sens perplexe.

Qu’est-ce qu’il me veut ? Pourquoi venir ce soir, alors qu’il aurait pu se montrer le jour même de ce« rendez-vous » qu’il

m’avait donné par lettre, lorsque j’étais voilée par les sentiments que je portais à mon amant devampire.

Mais il n’est pas venu, et puis, je l’ai rangé dans un coin de ma tête, entouré de toutes ces nouvellesinformations. Je les ai

noyées, préférant ne pas y penser. Je sais que je vais devenir folle si jamais je les laisse prendrepossession de mon esprit.

J’ai trop de choses à penser, et si peu de courage pour les affronter. Je suis faible face à la réalité,elle m’effraie tellement que

je la range dans un coin, en attendant mieux, en attendant que quelqu’un me secoue pour me dire qu’ilest temps. Que je dois y

faire face parce que je n’ai plus le choix. Je crois que c’est cela ; j’attends que quelqu’un vienne medire qu’il est trop tard

pour réfléchir à quoi que ce soit, et que je suis obligée de…

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Je ne me reconnais plus du tout.

L’inconnu me sort de mes pensées lorsqu’il fait un pas vers moi. Instinctivement, je me fige. Tout moncorps se crispe, il se

prépare à recevoir un coup, un geste que je ne devrais pas avoir à supporter.

Voyant ma réaction, l’homme s’immobilise, et fait résonner son étrange voix, celle venue d’outre-tombe, cet écho.

— Je ne compte pas te faire de mal, aujourd’hui.

Aujourd’hui, il a bien dit qu’il ne me ferait pas de mal aujourd’hui ? Est-ce qu’il insinue que demainje risque d’avoir la gorge

tranchée ?

Je fronce les sourcils en croisant le regard du visiteur. Je note que l’homme en question a les yeuxqui… changent de

couleurs ? C’est incroyable, et je pense même rêver. Pourtant, je le fixe, et le gris laisse place aubleu.

Putain, à qui ai-je encore affaire ?!

— Comment êtes-vous entré ? je finis par demander.

Mon Inconnu lève les yeux au ciel en soupirant, comme si j’avais dit la pire des insultes leconcernant. Comme s’il était trop

bien pour ce genre de question.

L’individu me répond avec une lassitude dans la voix, il me fait comprendre qu’il est bien au-dessusde tout.

Encore un qui possède un ego surdimensionné.

— Pitié, ne m’insulte pas. Ce ne sont pas dix vampires armés, et gros comme des taureaux qui vontm’effrayer, moi.

L’homme s’avance un peu plus, son visage s’éclaire lorsqu’il passe sous la lumière pour poser sonlourd manteau sur le

canapé. Je le dévisage sans honte. Il a un air de déjà-vu. Ce visage me rappelle quelqu’un d’autre.Ses traits sont plus marqués,

plus anciens, davantage démoniaques. Il exulte le danger, la crainte. Et ce regard bleu qui croise le

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mien pour me sourire me

fait tout de suite comprendre.

Oh non, c’est loin d’être un inconnu.

— Mais vous n’en avez pas marre de débarquer tous chez moi ? Là, comme ça, d’entrer dans ma viesans prévenir, c’est

une manie des hommes Creaving ou quoi ? Vous entrez chez les gens comme ça ? Sans vous présenterà l’avance ? Ce n’est pas

parce que vous êtes je ne sais qui qu’il faut se croire tout permis ! Vous n’avez pas à débarquer ainsi,et répandre votre venin !

L’étranger recommence son manège à lever les yeux au ciel. Je crois que je dois l’amuser. Il s’assoitsur le canapé, croise ses

jambes tout en jouant avec l’espèce de canne qu’il tient dans sa paume. Il me répond d’un ton las,mais… amusé de mon excès

de colère.

— Je ne suis pas un Creaving.

Ah bon ? Et moi, je suis la reine d’Angleterre.

Je décide de faire comme lui, de prendre cet air hautain, celui qui montre à l’autre que ses réactionsagacent. Si quelques mois

auparavant, rencontrer la personne qui m’a aidée dans ma quête de la vérité aurait été une « joie »,aujourd’hui, je déteste cette

rencontre plus qu’autre chose, car l’individu qui se tient en face de moi m’a dupée, il s’est servi demoi, et m’a gratifiée d’une

aide censurée.

— Oh, très bien, Monsieur l’Inconnu, présentez-vous ! Puisque vous n’êtes pas un énième frangin demon compagnon…

Il me coupe la parole, sans même me jeter un regard.

— Compagnon que tu as quitté, mais de cela nous en reparlerons…

—… Qui êtes-vous, alors ?

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L’homme assis sur mon canapé s’arrête de jouer avec sa canne. Il lève sa tête dans ma direction. Sonregard n’est plus gris, il

est marron à présent, mais j’y sens la noirceur derrière. Il perd toute trace d’amusement, et laisseplace à un sérieux presque

inquiétant.

Je sens tout mon être se raidir, mes mains tremblent toujours, et mon cœur bat vite.

— Tu m’as reconnu, Faith.

Sa voix est étrangement calme.

— Oui, j’ai bien compris que c’était vous mon correspondant, mais ça ne me donne pas de réponsesur votre identité…

Un courant d’air froid vient caresser ma peau. Les yeux rivés sur mon visiteur, je sens la pièce serefroidir, elle devient

angoissante, terrifiante. Je me sens comme ensorcelée, tant par la peur que par l’apaisement. Mais cefroid n’a le goût que

d’une chose surtout : l’étrange sentiment de fin.

L’individu se lève du canapé, son regard se plonge dans le mien et vire au rouge sang. Sa voix arepris cet écho lointain.

— Je suis le souffle froid qui vient caresser le visage de chaque individu vivant lorsque ce dernierbascule dans les abîmes

que nous offre la fin d’une vie. Je suis le regard mal à l’aise que l’on porte sur l’avenir. Je suis ladernière personne que l’on

croise lorsque tout s’arrête, je suis la dernière présence, le dernier soutien, les derniers mots. Jepartage tout ce qui est en

rapport avec le néant. La noirceur de mon être ne me permet pas de posséder une âme, j’ai traverséles siècles, répandu des

maladies, je me suis délecté devant l’anéantissement de l’Homme. Et j’ai aimé faire partie de leurchute. Tu ne vois toujours

pas qui je suis ?

Un fou, un homme qui est rentré chez moi, qui m’effraie. J’ai peur, je ne le cache pas. J’aimeraiscesser d’avoir peur, mais il

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me rappelle cette visite à l’appartement, ce soir-là, où j’ai tout appris et que ma vie a basculé danscette merde noire qu’est la

vérité.

Je passe une main dans mes cheveux, et sans m’en rendre compte, je recule d’un pas, comme si unmètre de plus allait

m’éloigner de ce danger vivant.

— J’ai une tête à jouer aux devinettes, ce soir ? je murmure, la voix tremblante.

L’inconnu se met à rire, mais non pas parce que la situation lui paraît drôle. Je pense que moncomportement l’amuse, tout

autant qu’il l’énerve.

La façon dont il me répond me fait me raidir contre l’embrasure de la porte du salon, tant sonchangement d’expression me

surprend.

— J’ai une tête à perdre mon temps, ce soir ? Je te pensais plus maligne, Faith, avec beaucoup plusde jugeote et aimant

bien sûr les défis. Tu as aimé le marché que tu as passé avec ton mari si je ne me trompe ?

Quel culot ! Je n’ai pas eu le choix ! C’est bien trop facile de m’envoyer cette remarque en pleinefigure, j’ignorais ce qu’il me

cachait, jamais je n’aurais pensé à CETTE bombe !

Je le pointe du doigt et un sentiment amer m’envahit.

— Je pense en payer suffisamment le prix aujourd’hui, non ? je rétorque d’une voix sèche, maistoujours maladroite.

— Tu n’es pas la seule à en payer le prix, tu es égoïste. Tu ne vois que toi.

Je rêve ! C’est moi, l’égoïste ? Une égoïste aurait déjà foutu le camp quelque part. Je ne serais pasrestée et pourtant, je suis

toujours là ! Dans ce monde où tout part en vrille !

Je prends mon courage à deux mains, et romps les derniers mètres qui nous séparent, l’inconnu etmoi. Je viens me planter

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devant cet homme qui mesure au moins trois têtes de plus que moi. J’en ai assez d’être la pauvrehumaine qui se terrorise en

voyant des vampires mâles qui tentent de s’imposer avec leur force de caractère et leur croc ! J’en aima claque qu’on se

permette de venir juger ma vie, mes choix.

— Qui est l’égoïste dans toute cette histoire ? L’espèce de connard qui a décrété que cette prophétieallait exister, ou la

pauvre conne sur qui c’est tombé ! Je me le demande !

L’espèce de chose en face de moi, qui n’est ni un vampire ni un humain, ou alors un vampire avec desyeux bioniques, me

regarde de haut. Il tente de m’intimider. Je puise en moi énormément de courage pour ne pas craquer,parce que je n’ai aucun

doute sur les capacités de celui qui se tient à mes côtés. Je suis certaine qu’en un seul mouvement, ilpourrait écourter ma vie

de quelques années.

— Tu sais qui je suis, Faith ?!

Cela sonne comme une menace.

— Non ! Qui êtes-vous ! Présentez-vous ! C’est la moindre des choses ! Mais, bordel, vous n’êtespas humain, vous êtes…

— L’espèce de connard qui a décrété que cette prophétie allait exister. Je suis la Mort, Faith (il metend une main) enchanté

d’être un égoïste et de rencontrer la pauvre conne sur qui c’est tombé.

Je recule d’un pas sans véritablement m’en rendre compte. L’homme qui vient de révéler son identitéme tend toujours sa main.

Je suis la Mort. Bon sang ! Impossible !

— Ce n’est pas drôle, je lâche, surprise.

— Non, ça ne l’est pas. Rien n’est drôle nous concernant. Je ne note pas une seule part d’amusementdans ce qui nous relit.

— Vous ne pouvez pas être celui que vous prétendez être… Qu’est-ce que vous viendriez faire ici ?

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Me rencontrer ?

Maintenant ? Tout a été dit, je sais tout. Pourquoi avoir attendu tant de temps ? Si vous êtes celui quevous prétendez être, soit

vous seriez venu avant, soit vous seriez resté dans votre coin à attendre que les choses se passentsans intervenir.

La « Mort » se frotte la barbe. Il me dévisage d’un air songeur, comme si ma soudaine réponse lelaissait perplexe. Il

s’attendait à quoi ? Que je le regarde, ébahie, le corps tremblant ? Si ce dernier est bien celui qu’ilprétend être, il n’aurait

jamais cette tête-là. L’homme du récit de la bible n’avait pas un caractère à avoir une apparenceaussi… banale. Pourtant, une

part de moi me dit qu’il ne ment pas. Ce qu’il dégage n’a rien d’humain. Ses yeux ne sont pashumains, il n’a même pas les

crocs d’un vampire, ou du moins, je ne les ai pas vus. Non, il fait froid dans le dos.

La « Mort » commence à me sourire, mais pas en signe de joie, non, elle se délecte de voir que jecommence à comprendre par

moi-même.

— Pourquoi je mentirais ? Pourquoi je te dirais que je suis quelqu’un qu’en réalité, je ne suis pas ?Pourquoi ressens-tu tout

ça, Faith ? Ce malaise et cette peur qui te rongent de l’intérieur ? Parce que ton âme me reconnaît.Elle sait qui je suis, elle sait

ce que je pourrais faire de toi. Tu prétends que je mens, mais tu ne veux pas savoir ce que ça fait decontrarier quelqu’un

comme moi.

Je ne réponds rien, je le contourne et pars m’asseoir sur l’un des fauteuils du salon. J’en ai assezd’apprendre des choses qui

ont l’air plus insurmontables les unes que les autres. Dead, nous, moi, et la vérité qu’est monexistence. Et maintenant cela, le

débarquement du paternel Creaving, la Mort, elle-même.

C’est beaucoup trop.

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— Alors, c’était vous, les lettres, la bible… le contact de Louis ? Vous êtes ce père immonde, cettepersonne sans cœur qui

a condamné ses fils à une quête complètement folle ? C’est vous qui êtes le responsable de tout ceci ?

J’entends des pas derrière moi, et une silhouette vient me faire face. La pièce est calme, tout a l’aircalme en apparence, mais

la réalité l’est beaucoup moins.

Je sursaute en le voyant s’accroupir devant moi, ses yeux me laissent perplexe.

— Oui, c’est moi. C’est moi qui ai tenté de t’aider, j’ai fait un choix. Il était temps que tu saches.

— Vous n’êtes pas venu lors de la pleine lune qui a suivi votre dernière lettre.

— Les choses avaient changé.

— Effectivement, les choses ont changé.

Je soupire ; je suis fatiguée. Je me demande ce que cette nouvelle apparition va entraîner dans mavie. Qu’est-ce que son

arrivée va nous apporter encore comme malheur ? Est-ce que Dead et Decease savent que leur… «Père » est là ?

— Comment on vous appelle ? Je veux dire… La Mort, c’est…

— J’ai beaucoup de noms, mais ma fille m’appelait Mortem. C’est du latin. Les autres continuent dem’appeler « la Mort »,

ou par d’innombrables prénoms qui proviennent de leur culture et croyance. Tu as le choix.

Je jette un œil sur l’individu assis devant moi. C’est la première fois qu’il me parle de cette fille,cette sœur que je n’ai jamais

vue. Je me demande où elle est, et pourquoi personne ne semble vouloir parler d’elle.

Le silence prend possession du temps. J’ai l’esprit perdu, entre ma longue journée, mon entrevueavec Dead et cette rencontre,

ce soir. C’est, à nouveau, beaucoup à avaler.

Mortem se redresse ; il fait quelques pas dans le salon, avant d’éclater de rire. Je le regarde,interloquée. Je ne vois pas ce

qu’il y a de drôle.

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— Je dois avouer que la situation est particulièrement amusante.

— Il n’y a rien d’amusant, je lâche, sidérée.

— Bien sûr que si, tout est amusant. Crois-moi, pour qu’un individu tel que moi arrive à te dire qu’ils’amuse, c’est que la

situation, s’avère être, grave. Je n’ai pas senti mon cœur vibrer autant depuis plus de deuxmillénaires. Même les grandes

époques de famine, de peste, de génocide, avec tous ces morts, ne m’ont pas fait vibrer. C’était…d’un fade.

— Il n’y a rien de fade face à des individus qui en exterminent d’autres.

Les mots de l’individu me serrent la poitrine tant cela manque de compassion et d’humanité.

— Oh si ! Crois-moi ! Dans le temps, bien avant que tout ceci n’apparaisse, les croisades, la guerrede Cent Ans, c’était

très divertissant. Des centaines de milliers de morts, du sang, de l’agonie, de la souffrance. Très, trèsdivertissant. Mais depuis

que tu es apparue, depuis que j’ai appris que mon fils t’avait trouvée, Faith, tu m’as sortie de maroutine mortellement

ennuyeuse. Tu m’as fait vibrer, tant je commençais à croire que je m’étais jeté dans ce fleuve pourrien.

J’aimerais lui dire que je le remercie de s’être autant sacrifié pour moi, mais je n’arrive pas à avoirde la compassion pour

cette personne qui n’en a pas.

—… mais tu m’as énervé, bon sang ! Tu ne sais que hurler quand tu as peur. Mon fils doit vraimentt’aimer pour te

supporter. J’aurais préféré que tu sois une idiote qui écarte les cuisses et qui dise oui à tout ce qu’onlui demande.

J’étouffe un rire, c’est la meilleure celle-là. Je suis agaçante visiblement ! Je détache mes cheveuxbruns et passe mes mains

dedans. J’ai une furieuse envie de tout envoyer valser.

— Malheureusement pour vous, je ne suis pas une idiote, c’est bien dommage pour votre « quête » durenouveau.

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— Je ne vois pas ça comme quelque chose qui m’empêchera de faire aboutir cette prophétie. Elledoit aboutir, elle doit

exister, et elle existera, même s’il me faut un siècle pour te convaincre. Tu n’as pas le choix, enréalité.

J’aimerais que quelqu’un de compatissant entende ce qu’il vient de me dire. J’aimerais vraimentavoir un jour une

conversation avec quelqu’un qui puisse être un minimum humain. Mais c’est théoriquementimpossible, je parle avec la Mort.

La gentillesse, la compassion et la diplomatie, il ne connaît pas.

— Vous êtes une famille de cinglés, autant par vos personnalités que par vos noms. Aucun d’entrevous n’a un semblant de

normalité, ou même d’humanité. Vous ne vous rendez même pas compte de ce que vous me demandez.

— Je ne sais pas ce que c’est l’humanité. Je suis la Mort, pas le Bon Dieu. N’attends pas de moiquelque chose que je n’ai

pas. Et je n’allais pas appeler mes fils, Jean, Pierre, Jésus II, Simon et Marie. Mes fils devaient avoirde la prestance, à

commencer par les prénoms. Reconnais que Dying, Died, Dead, Decease, Deaths, ça marque l’esprit.Beaucoup de choses

marquent l’esprit.

Oui, mort, mourir, décès et j’en passe, ça ne pouvait que marquer l’esprit. Tout comme leur froideurenvers l’humanité.

Mortem se frotte les mains, il me fait sursauter. Je le vois regarder sa montre.

— Bien, j’étais venu faire ta connaissance avant que tout ceci ne dégénère. Je pense que j’en ai assezdit pour l’instant,

mais nous aurons l’occasion d’en parler plus tard. Je dois y aller, j’ai un autre rendez-vous quim’attend…

— Vous avez dit…

Je suis restée sur le mot « dégénère ».

— J’ai dit que ta vie allait dégénérer, tu as très bien entendu. C’est pour cela que je suis présent, queje sors de mon

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« trou ». Je ne vais pas pouvoir laisser le libre arbitre décider de l’avenir.

— Vous allez…

Il m’interrompt à nouveau.

— Je vais t’aider, Faith, à comprendre ce que mes fils t’ont appris. Ce qu’eux-mêmes ont appris.Nous allons parler, je vais

te montrer la raison de tout ceci. Et lorsque tu auras compris pourquoi ta présence et ta vie sonttellement importantes, tout

comme ton devoir. Tu comprendras ton mari, et tu reviendras.

Il est tellement sûr de lui. La différence est que je ne suis pas ses fils. Je suis quelqu’und’imprévisible. Même moi, je ne sais

pas comment je vais réagir à l’avance.

— Je ne ferai pas d’enfants, n’insistez pas, cette prophétie ne verra jamais le jour.

Mortem se remet à soupirer. Je l’agace autant qu’il m’agace, moi.

— Je ne parle pas de copuler pour l’instant, je te parle de pardon, de compréhension. Tu réaliserasque la colère qui te

ronge à cet instant n’est qu’éphémère, et que l’homme que tu aimes t’aime plus que tu ne le crois. Tucomprendras ses gestes, et

ses choix… Et tu l’aimeras, crois-moi. Quand tu réaliseras ce qu’il a accompli pour t’avoir à sescôtés, tout ce qu’il a sacrifié,

tu lui pardonneras le choix qu’il a fait en te cachant la vérité. Je vais revenir, Faith. Notre rencontren’est que le début d’une

étroite collaboration. Je ne suis pas sorti de mon antre pour rien, sois-en bien sûre.

— Je ne serai pas votre larbin, je lâche agacée.

— Tu l’es déjà d’une certaine façon. Sans moi, ta vie ne serait pas telle qu’elle est comme tu l’as dit.

— Oui, effectivement, c’est vous le coupable, c’est vous qui avez sorti cette stupide prophétie ! Je nesauverai pas le

monde, soyez-en certain. Je n’y crois pas…

Sans comprendre, mon invité me saute dessus. Il se déplace tellement vite que je n’ai pas le temps de

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comprendre ce qui

m’arrive. Je me retrouve plaquée contre le dossier du canapé, le visage aux yeux changeants face aumien.

— Tu n’y crois pas ou… cette possibilité t’effraie, Faith ?

— Ne me sautez pas dessus comme ça !

— Pourquoi ?

— Vous me faites peur.

La Mort, M., ou l’inconnu se met à rire. Son rire est diabolique, malsain. Comme les méchants dansles films d’animation. Ce

rire lointain qui vous glace le sang. J’ai un aperçu en live. Je sais ce que cela fait d’avoir un vraiméchant en face de soi,

puisque j’en ai un, et le pire de tous.

Il se redresse, et marche en direction du canapé où sont ses affaires. Il dégage tellement d’assurance.C’est incroyable de

savoir qui j’ai sous les yeux, tant c’est effrayant aussi.

— La peur est quelque chose qui appartient aux vivants. Tant que tu as peur, c’est que tu vis, Faith, ethabitue-toi à la

ressentir cette peur. Parce que mes fils ne sont pas tous comme Dead et Decease. J’ai mis au mondede véritables fous sans

pitié. Si tu penses avoir en face de toi la pire abomination, prépare-toi à découvrir ce quel’abomination arrive à engendrer. Et

dis-toi que si j’interviens dans ta vie, c’est que l’heure est grave.

— Grave ?

Je le vois prendre ses affaires, avant de se retourner vers moi.

— Sache que je ne me suis pas jeté qu’une seule fois dans cette source pour y savoir l’avenir. Je saisce qui va se produire

prochainement. Je te l’ai dit, si je suis là, c’est pour que les choses se passent au mieux… dans lepire.

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Il déploie sa lourde cape sur les épaules, et là, plus de doute, avec ce regard noir, et l’allure deFaucheuse, je ne peux le nier.

Il est bien la Mort.

Cette dernière tire sur sa « canne » et une fourche apparaît, comme par… Magie ?, ou est-ce un effetd’optique ? Je l’ignore.

Mon Inconnu, déguisement revêtu, se tourne à nouveau vers moi. Il me fait le plus diabolique dessourires avant de me saluer :

— À bientôt, Faith, je serai de retour très vite et nous parlerons… de toi. Ravi de t’avoir enfinrencontrée, Bel Ange.

Je ne comprends pas ce qui se déroule sous mes yeux l’instant d’après, mais il disparaît. Comme s’iln’avait jamais existé. Un

battement de cils, et il n’est plus là.

La peur m’envahit, comment peut-on faire cela ? Comment peut-on apparaître et disparaître ainsi…Je soupire, c’est bien vrai,

je n’ai pas rêvé. Le père de mon amant se trouvait juste devant moi, il m’a parlé…

Sans réfléchir, je cours dans le couloir, attrape mon sac et récupère mon téléphone. Je ne peux pasrester seule, pas après cette

visite, j’ai besoin de réconfort, d’aide, de soutien.

Je cherche le numéro de la personne que je veux joindre, je ne réfléchis pas plus longtemps. J’appuiesur le bouton vert, et

colle l’appareil à mon oreille, dans l’attente que mon interlocuteur décroche.

— Allô ?

— C’est moi.

Silence à l’autre bout du fil. J’entends une forte respiration, suivi par une pluie de questions avec enéchos un voile

d’inquiétude très présent.

— Faith ? Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce qu’il t’est arrivé quelque chose ?

Je ferme les yeux, et l’image de la Mort me revient en mémoire, ce sourire diabolique, ces yeux, etces mots. Bon sang !

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Je ne sais pas comment l’appréhender, j’ignore comment je vais gérer cette apparition, je ne sais pasquoi faire tout

simplement.

J’inspire, et me lance :

— J’ai besoin de toi, Decease. Il faut que tu viennes, maintenant.

Chapitre 6

Beau-frère

Je sursaute lorsque j’entends la sonnerie de la porte d’entrée. Je me lève du canapé, le corps encoretremblant. J’ai

l’impression d’avoir du mal à faire descendre le stress qui m’a gagnée. Je n’ai pas cessé de scrutercette pièce comme si

quelqu’un allait apparaître à nouveau.

J’ai téléphoné à Decease, il y a vingt minutes, je suis même étonnée qu’il soit arrivé si vite. Monbeau-frère est un homme

d’action, il agit vite.

Je retire le verrou de la porte, tourne les clés dans la serrure, et ouvre au vampire qui tire une tête desix pieds de long. Dès

qu’il entre, il m’attire contre lui, et me serre dans ses bras, un geste protecteur que j’avais presqueoublié.

— Merde, Faith, ça va ?

La voix du vampire est remplie d’inquiétude. Je croise le regard bleu nuit du frère de mon amant ensortant de son étreinte. Il

m’examine de la tête au pied comme pour trouver ce qui n’irait pas. Il le trouve. Je suis sans doutetrès pâle et un

peu choquée de cette rencontre absolument pas agréable.

— On peut dire ça… je crois que je suis un peu choquée, je réponds.

Decease fronce les sourcils et d’un geste de la main, il ferme la porte derrière lui.

— Attends, je ne suis pas sûr de comprendre, non, d’ailleurs, je ne comprends rien du tout, tu ne m’as

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pas dit ce qui s’est

passé.

Tu ne m’as pas laissé le temps de t’expliquer.

Dès que j’ai demandé au vampire de venir, il m’a raccroché au nez en me disant qu’il faisait au plusvite. Decease est un

homme d’action, il agit avant de réfléchir, et une fois sur le terrain, il évalue les dégâts. Il n’est pascomme Dead à penser

avant de faire, à tout analyser. Decease est un « homme » ordinaire qui n’écoute que son instinct.

Je ne lui ai pas dit encore que si je l’avais appelé, c’était parce que j’avais besoin de quelqu’un quipuisse comprendre et me

rassurer que je serais tranquille pour la soirée.

Mon beau-frère me demande de le rejoindre dans le salon. Je le suis. Il retire son blouson en cuir etle pose au sol. Je

remarque qu’il ne change toujours pas son look : simple, passe-partout, masculin. Decease toutcomme Senan, ferait presque

« tâche » en civil, comparé à toutes leurs connaissances qui ne savent pas mettre autre chose que descostumes hors de prix. Je

le regarde s’installer confortablement sur l’un des deux canapés ; il réajuste les coussins à côté delui, et me fait signe de venir.

Je ne perds pas mon temps, et viens m’installer à côté du vampire. Sa présence m’apporte un peu decalme.

— Très bien, maintenant que je suis sûr que tu ne tomberas pas dans les pommes, tu peux m’expliquerpourquoi je reçois un

appel complètement paniqué de ma belle-sœur ?

J’inspire. J’ai encore les mains qui tremblent. Bon sang, je ne suis pas de marbre face à de tellessituations ! J’ai beau essayer

d’être forte, je ne suis pas insensible. Je regarde droit dans les yeux mon beau-frère ; je me demandes’il se doute de ce que je

m’apprête à lui dire. Une autre nouvelle qui risque de ne pas l’enchanter.

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— J’ai rencontré ton père, Decease, je lâche d’un coup, sans préavis.

Le vampire perd toute expression ; il se fige l’espace de plusieurs secondes, comme s’il tentaitd’encaisser ce que je viens de

lui apprendre. Son esprit semble en train de fonctionner à cent mille à l’heure, comme s’il cherchait àenvisager des dizaines

de scénarios. Qu’est-ce que cette nouvelle va avoir comme conséquence sur tout le reste ?

Lorsque Decease arrive à se ressaisir, il ferme les yeux en soupirant.

— Oh, bordel, c’est la merde, manquait plus que lui !

La réaction de Decease me fait froid dans le dos. Je commence à réaliser que l’arrivée du père desCreaving, doit avoir

beaucoup plus de conséquences que je ne peux imaginer. Je sais que Dead et Decease sont en pleinephase de réflexion. Ils

tentent de prévoir ce que leurs frères vont faire. Gérer, déjà, ce problème préoccupe leur esprit,devoir en rajouter un autre…

je ne sais pas ce qui va se passer.

Decease se tourne brusquement vers moi. Je sens la panique envahir le vampire ; c’est un mélangeentre profonde inquiétude et

agacement. Il s’énerve, et Decease ne s’énerve presque jamais.

— Il ne t’a pas touchée ?

— Non, Decease, mais…

— Qu’est-ce qu’il veut, putain ? Qu’est-ce qu’il t’a dit ?

Les yeux bleus du vampire sont comme deux grenades prêtes à exploser. A son arrivée, il m’avait untant soit peu calmée, mais

le voir réagir ainsi m’angoisse. Je réponds d’une voix tremblante, tout en essayant de me souvenirdes mots de son père.

— Il veut que la prophétie se réalise… il m’a dit qu’il allait revenir… et qu’il allait me fairecomprendre certaines choses.

Il m’a dit aussi que tout allait dégénérer. Il ne veut plus laisser le libre arbitre se faire sans réagir…Il veut me faire

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« comprendre » ce que toi et tes frères vous avez compris… pour lui, nous allons collaborer…Decease, ton père m’a

vraiment foutu la trouille.

— Putain, c’est pas vrai ! Il débarque toujours quand il ne faut pas !

Le vampire se frotte le visage ; il doit réfléchir à ce qu’il doit faire. Je me demande ce qu’il peut bienfaire ! C’est de la Mort

dont on parle, de quelqu’un qui vous regarde et vous glace le sang ; il fait ce qu’il veut visiblement,et apparaît comme par

magie ! Qu’est-ce que tu veux faire contre cela ! Il sait qu’il peut tout avoir ! Et d’après ce que j’ai lude lui, il n’est pas du

genre conciliant ou négociateur.

— Il faut que je prévienne Dead, Faith.

Je sais, et j’ai la désagréable sensation que le prévenir va engendrer d’autres problèmes et mettre dela distance entre nous.

Mon beau-frère sort alors son téléphone portable. Tout en le déverrouillant et en composant lenuméro de mon compagnon, il

continue de me poser des questions.

— Il ne t’a rien dit d’autre ? Quand il reviendrait ? Sur ce qui allait dégénérer dans nos vies ? Est-cequ’il a fait référence

à… un fleuve ?

— Oui. Il m’a dit qu’il ne s’était pas jeté dedans qu’une seule fois.

Il aurait dû s’y noyer même.

J’entends Decease soupirer. J’ai comme l’impression que tout cela l’agace et plus je lui en dis, plusce qu’il apprend l’énerve.

— Quel connard ! Il a une longueur d’avance.

— Quoi ?

— Mon père sait ce qui va se passer. Quoi qu’on décide, il sait ce qui va se produire.

— L’avenir est incertain, Decease, je lance pour tenter de me rassurer.

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C’est bien l’une des seules choses dont je suis sûre, rien ne peut être prévu, et tout peut-être changé,il suffit de faire des choix

différents.

Decease enclenche le haut-parleur. La sonnerie défile, dans l’attente que son frère décroche.

— Détrompe-toi, si mon père sort de sa tanière pour intervenir, c’est qu’il sait, que quoi qu’il sepasse, qu’importe la

décision que l’on prendra, la fin sera la même… Merde ! Dead ne répond pas !

Le vampire a l’air agacé de cette situation. À vrai dire, qui ne le serait pas ? D’un côté, je suis plutôtsoulagée que Dead n’ait

pas décroché.

Je tousse pour tenter de faire passer cette boule née au creux de ma gorge.

— La Mort, il m’a dit qu’il avait un autre… rendez-vous aussi.

Decease jure.

— Faith, il faut que je rejoigne Dead… (je le regarde, observer autour de lui) Attends… mais où estce con de politicien ?

Et Senan, bordel !

Tout de suite, il s’attaque à Trenton ! Je soupire à mon tour. Ce n’est la faute de personne ce qui s’estproduit. La Mort voulait

venir, elle est venue, point.

— Trenton n’est pas à l’appartement, ce soir. Et je n’ai pas eu le temps d’appeler Senan.

Je n’en avais pas envie, non plus. Le vampire a lui aussi des problèmes plus importants à gérer. Desproblèmes que peu de

personnes connaissent. Il a besoin de se retrouver.

— Justement, son job c’était de veiller sur toi ! renchérit Decease visiblement en colère.

À savoir si c’est contre lui-même, ou les autres.

Je le dévisage, en affichant un air semblable à un « non, mais tu déconnes ?! », c’est l’hôpital qui sefout de la charité. C’était

SON rôle à lui de veiller sur moi. Et c’est LUI et SON frère qui ont décidé d’abandonner leur tâche

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pendant un moment. Trenton,

Senan et tous les autres font du mieux qu’ils peuvent.

— Non ! Ça, c’était le tien, Decease, je lance d’une voix dure.

— Faith, on ne va pas recommencer ! Trenton a décidé qu’il assurait ta sécurité en attendant que leschoses se calment et il

va chez son copain pour sortir sa queue. Il ne peut pas le faire chez lui ?

— Justement, on est chez lui, Decease. Je suis chez lui, et malheureusement, j’ai pris un peu de sonespace.

Je soupire. Cette situation n’est facile pour personne, et chacun tente de faire au mieux pours’adapter.

— De toute façon, la sécurité en bas de l’immeuble a plus amusé ton paternel qu’autre chose. Mêmedans un bunker, il

aurait pu rentrer, je renchéris à mon tour, pour tenter de lui faire comprendre que ce n’est pas enjetant la pierre sur le vampire

politicien, que les choses s’arrangeront.

Decease se frotte les mains. Je le vois rarement perdre son calme comme ce soir.

— Exact ! finit-il par admettre.

Parfait !

Maintenant, je vais me faire un plaisir de lui dire le fond de ma pensée :

— Vous auriez pu me prévenir que je risquais de le voir débarquer dans mon salon ! Merde, j’ai eu latrouille de ma vie en

le voyant !

Decease affiche un sourire amusé, comme s’il tentait d’imaginer la tête que j’ai pu avoir en voyantson père.

— Il n’est pas du genre très rassurant. On ne pouvait pas se douter qu’après vingt ans, il reviendrait !Avant ça, cela faisait

soixante-cinq ans que je ne l’avais pas recroisé. On n’est pas du genre famille, Faith.

J’avais cru comprendre qu’entre le Père, ses aînés, et ses deux plus jeunes fils, l’amour n’était pas ce

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qui les unissait, et ils ne

risqueraient pas de se retrouver autour d’une table pour Thanksgiving.

— C’est la Mort, Decease ! Il n’a rien de rassurant du tout ! Merde, tu es le fils de la Mort ! Si je lesavais depuis un

moment, si je l’ai compris lorsque tes frères ont débarqué, je viens seulement de réaliser que c’estbien la vérité.

— Crois-moi, ce n’est pas un cadeau.

Non, je me doute que ce n’en est pas un. De ce que j’en ai lu, la Mort donne l’impression d’êtrequelqu’un de purement

détestable. Il a martyrisé ses fils, l’enfer, n’était pas seulement le nom de l’endroit où ils vivaient. Illes a condamnés à une

quête qui aurait pu durer des centaines d’années encore. Leur destin était déjà tracé dès leurnaissance. Ils n’étaient pas voués

à vivre sans l’attente de mon arrivée. Cet « homme » a fait des choix dans son propre intérêt, sesouciant sans doute peu, voire

absolument pas du bien-être de ses enfants qui, bien que vampires, restent des individus.

— Qu’est-ce qu’on fait, à présent ? je demande.

— Qu’est-ce qu’on va faire nous, à présent, Faith ? Ni Dead ni moi ne te mêlerons à ça.

— C’est moi que ton père est venu voir, pas toi.

Je tente de lui tenir tête.

— Écoute, je ne peux rien décider seul. Est-ce qu’on pourra en reparler lorsque j’aurais vu Dead ?

Je souffle, agacée de savoir qu’une autre décision sera prise sans tenir compte de mon avis.

— OK ! je lâche sans enthousiasme.

— Désolé, répond Decease, d’une voix triste.

Je commence à m’y faire, j’aurais bien envie de lui dire. Mais à quoi bon s’énerver et crier ? J’auraisbeau le faire, tout

restera pareil. Je n’ai pas le choix de ma vie pour l’instant. J’aurais beau me battre, Dead et Deceaseauront toujours le dernier

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mot. Et en ce moment, avec tout ce qui s’est passé, je n’ai ni la force ni le courage pour tenter de mefaire entendre. Tout me

dépasse.

— Pourquoi tu m’as appelé, moi, Faith ? Ce n’est pas que je ne suis pas heureux d’avoir ma belle-sœur à moi durant

quelques heures, mais… je me demande pourquoi tu m’as voulu, moi, à tes côtés pour te rassureralors que Dead aurait été le

plus approprié.

— J’ai…

J’hésite, comme si ce n’était pas le bon moment de parler de cela. Mais ma conscience de femmeayant besoin de se confier

reprend vite le dessus.

— J’ai parlé avec ton frère aujourd’hui, et la discussion m’a plutôt chamboulée. Je n’avais sansdoute pas le courage de le

voir. Merde, regarde-moi, on dirait une pauvre conne.

Je me sens vraiment comme une idiote, incapable de me ressaisir, d’affronter les événements aveccourage et dignité. J’ai

l’impression d’avoir atteint mon quota. À un moment où j’aurais besoin de me reconnaître, moi, jechange pour devenir

quelqu’un de différent.

Où est la femme forte d’il y a un an et demi ? Celle qui avait tenu tête à Louis ? Je la cherche en cemoment.

— Je comprends ! Et non, tu n’es pas une pauvre conne, tu es juste dépassée, ce qui est normal.

— C’est dur, tu sais. Ton frère me manque, j’ai envie d’être avec lui, mais dès que je le vois, j’aicette douleur que je

n’arrive pas à faire cesser.

— Tu sais qu’il souffre autant que toi de cette situation.

J’ai eu un désagréable aperçu, cette après-midi. J’ai encore cette vision sous les yeux, cette visiondouloureuse.

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Bon sang ! Ce que cela fait mal d’aimer quelqu’un qui nous a trahis, de le vouloir encore, mais de nepas réussir à lui

pardonner.

— Je sais… mais j’ai l’impression que plus on avance dans le temps, plus on recule ton frère et moi.Plus il me parle et

tente de m’expliquer, plus je me sens trahie. J’aimerais tellement arrêter d’avoir mal, je voudrais êtretellement blindée que

rien d’autre ne pourrait venir me faire souffrir davantage… je crois qu’en fait, j’aurais aimé que lavérité soit différente.

Parce que tout aurait été plus simple, mais ce monde, celui que je découvre un peu plus chaque jour,n’est pas simple ; bien au

contraire, c’est un sac de nœuds qui ne cesse de s’emmêler lorsque l’on en défait un.

— Je pense que je te dois aussi des explications, non ? lance Decease.

— Tu n’es pas obligé de m’en parler, tu sais.

— Je sais, mais… je pense qu’il faut que tu saches certaines choses… si jamais… enfin… je saisque tu m’en veux, Faith,

mais je ne peux pas laisser notre relation telle quelle sans tenter de réparer mes erreurs et…

— Tu as raison, je ne veux pas non plus que notre relation reste telle qu’elle est à présent.

Un pas après l’autre. D’abord, Decease, ensuite Dead… non ? Écouter, c’est déjà commencer àaccepter, non ?

— Ce n’est pas un secret si on déteste autant notre père, poursuit le vampire. Ce n’est pas compliquénon plus de

comprendre pourquoi. Les actes qu’il a pu commettre lors de notre enfance nous ont influencés dansnotre passé… Faith, ce

que tu dois comprendre, c’est qu’en gardant le silence sur ton existence, à nos yeux, c’était pour teprotéger de ce cauchemar.

Ce secret renferme des siècles de souffrances, de douleurs et d’histoires qu’on aurait aimé oublier.On a dû faire des sacrifices

pour te protéger toi, bien avant que tu ne naisses. Que ce soit Dead, moi…

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— Ta sœur aussi ? je le coupe.

Je me rends immédiatement compte que j’ai fait une erreur en posant cette question lorsque je vois laréaction du vampire. Il se

fige comme quand on apprend une nouvelle qui bouleverse, ou que l’on pense à un souvenir qui faitmal. Qui nous blesse même

après des années, comme lorsque l’on touche un point sensible.

Sa voix tremble et je sens l’émotion dans celle-ci.

— Oui, ma sœur… Deaths, mais elle était…

— Était ?

Decease inspire et je m’en veux d’avoir posé ma question. Je n’aurais pas dû. Je ne sais pas encorepourquoi, ni quel rôle a

joué cette sœur dans cette fratrie, mais pour que Decease soit aussi touché, ce n’est pas sans raison.

— Elle est morte, lâche le vampire.

Je me fige à mon tour. Ma poitrine se serre, et je me sens comme une idiote. Je devrais me taire,parfois.

— Oh… je suis désolée… Dead ne m’a rien dit, ton père lorsqu’il l’a mentionnée non plus… je….

Le vampire s’explique, avant que je ne me fouette davantage.

— Dead ne parle jamais d’elle, il ne parle jamais de toute façon. Il ne dit rien, et on voit ce que çadonne, et mon père s’en

foutait. Tu sais que c’est de sa faute ? Si Dead est si secret, s’il est… comme il est.

— Pourquoi il ne m’a rien dit ? Quand tu as débarqué dans nos vies, il aurait pu…

— C’est comme ça. Deaths est un sujet sensible, c’est l’un de ses points faibles… de nos pointsfaibles. Elle était notre

petite sœur, la dernière, le bébé de notre fratrie, la seule fille. À chacun son « rôle ». Dead la couvaitcomme une mère avec

son petit. Dying et Died la frappaient, et je m’interposais ; je n’arrêtais pas de la taquiner. (Deceasepasse une main dans ses

cheveux courts) Elle était belle, elle nous ressemblait énormément, mais avec des traits bien plus

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féminins. Et son sourire, mon

Dieu, son sourire ! Il était renversant. Elle aurait conquis le monde, et séduit les hommes seulementen souriant. On aurait

déclenché une guerre digne de celle de Troie, j’en suis persuadé. (Le vampire rit nerveusement. Dessouvenirs lui reviennent

en mémoire sans doute à cet instant. Il me jette un coup d’œil et perd tout sourire). Parfois quand je tevois faire, ou que je

t’entends parler, tu me fais penser à elle. Vous avez un caractère très proche… C’est elle la bible, tusais ?

Je dévisage le vampire, tout en me remémorant ma lecture. Cette écriture si soignée, cette impressionde vécu… je ne suis

même pas surprise de l’apprendre en fin compte.

— C’est donc ta sœur qui l’a écrite ? je demande, histoire d’être bien sûre d’avoir compris.

— Oui, bien sûr, elle a mis les formes pour qu’on ne la reconnaisse pas, mais c’est elle.

J’hésite à poser une question qui me brûle les lèvres, mais elle m’échappe plus vite que je ne l’auraiscru.

—… Qui est-ce qui l’a…

Decease m’interrompt brusquement.

— Dying l’a tuée. Un jour, on s’est battus, mes frères et moi vis-à-vis de la prophétie. On devaitprendre une décision qui

aurait un tournant décisif. Dying n’a pas supporté qu’elle s’interpose, qu’elle donne son avis ce jour-là… Il l’a égorgée vive

sous nos yeux, alors qu’on avait juré qu’il ne la toucherait pas. (Decease se tait quelques instants)Suite à ça, on a décidé de se

séparer pour de bon. La quête n’avançait plus de toute façon, et avec Dead, on avait besoin de fairele deuil. C’est un de nos

serviteurs qui a écrit les dernières pages de la partie qui raconte « l’événement » qui nous a séparés,mais la Bible c’était elle,

c’était son idée. Tu vois, Faith, ma sœur a été tuée parce qu’elle donnait son avis, par son proprefrère. Et rien que pour elle,

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et parce que je tiens à toi, comme je tenais à elle, je ne veux pas qu’il t’arrive malheur. Mon père estun danger, mes frères

davantage. On a fait des choix avec Dead que tu as sans doute du mal à comprendre maintenant, maisavec le recul, tu arriveras

à y voir plus clair. Derrière la douleur et ce sentiment de trahison, tu comprendras tout ce qu’on afait, même si au départ,

c’était plus par principe et conviction, que par amour. Tu as le droit de nous en vouloir… mais tu asle devoir de tenter de nous

comprendre, comme on a tenté de se mettre à ta place.

Je dévisage le vampire longuement. Sa confession me touche, son avis aussi. Je sais qu’il est sincère.J’apprécie, et c’est ce

qu’il faut. Je sais qu’avec mon caractère, il m’est impossible de tourner la page.

— Merci.

Mon beau-frère saisit l’une de mes mains, il vient la porter à ses lèvres. Je souris, gênée, commechaque fois qu’il le fait.

Decease est comme son frère lorsqu’il s’agit d’apporter un peu de tendresse et de preuve d’affection.Et retrouver mon ami,

même l’espace de quelques heures, me réconforte. J’ai un grand manque en moi. Il me manque,presque autant que mon amant

me manque. Bien qu’à mes yeux, je n’aie pas les mêmes reproches à faire aux deux, je pense quej’arriverais plus facilement à

pardonner à Decease qu’à Dead.

— Faith, quand tout ceci sera terminé , je te promets qu’on se mettra autour d’une table, Dead, toi etmoi, et qu’on répondra

à toutes les questions que tu veux. Tout ce qui mérite plus d’explications. Tu sais déjà un tas dechoses, mais peut-être que

certains points méritent plus de détails.

Je le remercie de sa proposition. Je ne manquerai pas de l’accepter. Je suis persuadée qu’uneconversation telle que celle qu’il

me propose serait plus que nécessaire et bénéfique.

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Le silence s’installe dans le salon. Je suis calmée depuis qu’il est là.

— Decease ? je demande pour rompre le silence.

— Oui ?

— Est-ce que tu veux bien rester ici cette nuit ?

Le vampire sourit à pleines dents, laissant apparaître ses crocs pointus. Ce sourire diabolique n’arien de tel chez Decease. Il

est simplement chaleureux et réconfortant. J’ai envie qu’il reste ; je ne me sens pas capable de restertoute seule, ce soir. Je

vais penser à Dead, et sans doute déprimer. La soirée sera une catastrophe prévisible, mais elle lesera sans doute moins en

présence d’un Creaving. Je n’ai pas passé autant de temps avec mon ancien garde du corps depuisqu’ils ont décidé avec son

frère de me mettre de côté « pour mon bien ». Ma demande doit sans doute transgresser auxconditions qu’on avait fixées deux

mois auparavant, et je m’en fiche, j’ai besoin de cela.

Decease tend le bras au sol, et récupère son blouson en cuir. Il en sort sa pochette à tabac, celle quicontient sa pipe. Et comme

s’il était chez lui, il tend ses jambes pour les poser sur la table basse en verre de Trenton.

Il reste.

— J’espère que les canapés de Trenton sont plus confortables que ceux de chez toi.

Je souris à mon tour.

— Ils le sont, ne t’en fais pas.

Chapitre 7

Rapprochement

Je me demande ce qui m’a pris de lui dire oui. Je sais que ce projet me tenait à cœur. Ouvrir uncentre d’accueil hospitalier

pour les humains est une étape importante dans l’avancement du pays. Surtout dans la région duDistrict de Columbia, l’une des

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plus défavorisées des États-Unis. On oublie vite que c’est là que tout a commencé. Le coup d’État deCampbell, les premières

luttes entre humains et vampires. Les rues ont souffert, il y a eu des dégâts considérables. Et en quinzeans, ce qui est resté a eu

le temps de se dégrader un peu plus. On a travaillé avec Trenton, Gallorgue le Secrétaire de la Santé,et Deryck, sur un gros

projet de réaménagement du pays pour améliorer les conditions de vie des humains. Je suis persuadéeque si leur vie change et

redevient un peu comme avant le renversement, beaucoup de choses vont se modifier dans le pays, encommençant par cette

haine que certains éprouvent envers les vampires. Elle ne disparaîtra jamais, c’est certain, mais ellecommencera à s’apaiser.

Je soupire en sortant de l’immeuble de Trenton. J’ai vraiment changé. Je le vois sur certains points.Moi, l’anarchiste, la petite

humaine rebelle qui détestait tous ceux qui possédaient des crocs, il m’arrive de vouloir une ententeentre les deux races, et

j’en ai même épousé un ! Nate avait raison sur un point, j’ai changé. Comme quoi n’importe qui peutmûrir.

Je me fige en voyant le « cortège » en face de moi. La rue a visiblement été fermée, elle est déserte,et quatre bonshommes en

costume et lunettes noires me dévisagent. Je remarque qu’il y a plusieurs voitures de police, ainsi quedeux berlines noires, en

plus de l’officielle du Président.

Voilà comment être mal à l’aise en moins d’un quart de seconde.

Je salue rapidement les gardes dont je ne connais pas les noms et pars presque en courant me réfugierdans la voiture que je

reconnais. J’ouvre la portière, et y entre sans vraiment réfléchir. Lorsque le claquement résonne etque mes fesses touchent la

banquette en cuir, je réalise avoir en face de moi, un vampire toujours aussi beau, et surpris de mevoir débarquer ainsi.

Nous nous regardons, perplexes quelques secondes avant que je ne rompe le silence bêtement.

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— Salut ! je lance rapidement.

— Salut !…

Dead me regarde intensément, se demandant comment il doit réagir à mon empressement.Empressement dû à la foule de gens

dehors que je ne connais pas et qui me mettent mal à l’aise. Le vampire, une fois décidé, se déplacesur la banquette en cuir. Sa

main se pose sur ma cuisse, et son visage s’approche du mien. Je me raidis un peu. Je sais ce qu’il vafaire et… j’en ai envie.

Parce que cela me manque.

Dead vient poser sa bouche contre la mienne, brusquement. Comme un baiser qu’on tente de voler nesachant pas la réaction

quelle va être de l’autre.

Ses lèvres remuent contre les miennes à la recherche d’une réponse, et je la donne. Je l’embrasse àmon tour, car malgré tout

ce qui se passe, malgré les sentiments, il reste mon mari et j’ai ce besoin de contact. J’ai besoin de cecontact de velours, de sa

langue taquinant la mienne, et des frissons qu’un baiser engendre. Cette bouche râpeuse et masculinequi m’embrasse

m’emballe le cœur. Dead devient plus doux. Ses lèvres caressent les miennes une dernière fois, avantde s’écarter bien trop

vite à mon goût. Mais il reste proche. Son visage à quelques centimètres du mien. Ce visage terriblequi me ferait fondre,

quelle que soit la situation.

— Je ne m’excuserai pas, cette fois-ci, lâche-t-il.

Moi non plus.

Je dévisage mon mari qui tente de se reprendre. Je sens cette tension entre nous, ce puissant désir quinous habite et que nous

refoulons depuis deux mois. La proximité soudaine et prolongée ne va pas nous aider, cela ne va fairequ’empirer. Si avant, il

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me suffisait de franchir une porte pour m’éloigner de lui, à cet instant, sauf me jeter sur la route, rienne pourra m’empêcher

d’être avec le vampire.

Et avouons-le, ce n’est pas une solution.

Je déglutis avec difficulté au fur et à mesure que l’atmosphère se gorge de tensions. Ses yeux dans lesmiens, ce n’est pas une

bonne idée. Tout y passe, tout y est lisible. Et son désir alimente le mien.

Bon sang, je le veux, maintenant !

— Faith…, soupire Dead.

Je ne comprends pas ce qui se passe en moi. J’aimerais le repousser et m’éloigner. Mais je ne peuxpas, je le dévore du regard

en me rappelant ce qu’autrefois, cela faisait.

À cet instant, je pense seulement à nous, et à toutes ces fois où il n’y a eu que nous. Mon entrejambecommence à chauffer. Je

sens le feu naître en moi, si vite, si imprévisible que je n’ai pas le temps de contrôler ce désir.

Comme Dead.

— Ne me demande pas de rester impassible quand tu me regardes ainsi !

Ni une ni deux, Dead craque, et j’aurais beau faire n’importe quoi, mon corps prend le pas sur monesprit, et laisse faire le

vampire.

Dead m’attire contre lui, de telle sorte que je me retrouve à califourchon sur ses genoux, son torsepuissant contre ma poitrine.

Mes jambes s’écartent d’elles-mêmes, et un gémissement s’échappe de mes lèvres lorsque la partiela plus dure de son corps

vient se frotter contre le tissu de ma culotte.

Bon sang, ça va mal finir.

Les mains du vampire viennent se poser sur ma taille, me pressant davantage contre ce pieu. Sabouche dévore la mienne, avec

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empressement, sans douceur, juste la frénésie du manque. Mes doigts viennent se perdre dans sescheveux que je tire pour

réclamer plus. Mon corps veut davantage que ses lèvres, plus que cette caresse interdite entre lescuisses, il le veut, lui, en

entier. Là où ce feu naît au creux de mon ventre.

La langue de Dead vient chercher la mienne. Nous nous embrassons avec ardeur, avec ce besoind’avoir l’autre. Je me serre

contre lui, dans ses bras comme pour me rassurer que tout est encore comme avant. Ses mains seposent sur mes hanches. L’une

d’elles vient se perdre entre mes cuisses. Je gémis contre ses lèvres lorsque ses doigts viennentcaresser mon intimité, d’abord

à travers le tissu humide, puis dessous. Je me contorsionne pour retirer le sous-vêtement et l’envoyerà l’autre bout de

l’habitacle. Dead glisse ses doigts à l’intérieur de mon corps. Il n’est pas doux, ce qui m’excite etm’enflamme un peu plus.

Mon bassin remue de lui-même sur sa main. Je m’empale sur lui, voulant le sentir davantage. Cettecaresse me fait un bien fou,

elle amplifie le désir en moi et le sentir là, ce serait presque interdit étant donner l’état de notrerelation.

Je me rends compte que je mords ma lèvre jusqu’au sang pour m’empêcher de gémir sans retenuelorsqu’il passe son pouce sur

mon clitoris gonflé et sensible. Là, ce n’est plus possible.

Je m’écarte du vampire pour croiser son regard bleu nuit. J’y vois de la passion, et un terrible désirqu’il ne comprend pas non

plus.

On se veut seulement.

Je soulève mes hanches pour avoir accès à son pantalon. Avec une rapidité et une agilité que je ne meconnaissais pas, j’arrive

à défaire sa ceinture, baisser la fermeture éclair, et sortir son érection de son boxer.

Je me sens brûler de l’intérieur en le voyant, si homme, et ce manque qui me dévore m’empêche de

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rester impassible. Je le

veux en moi, qu’il comble ce vide béant, à défaut de combler celui créé par la douleur etl’éloignement. Je veux le sentir

proche comme nous l’avons toujours été, en sécurité, car il n’y a que là que je l’ai toujours été.Lorsqu’il n’y avait que lui et

moi et nos deux corps n’en formant plus qu’un.

Dead semble me comprendre. Il est dans le même état que moi. Le mâle m’attire à nouveau à lui.D’une main, il place sa queue

tendue contre l’entrée de mon corps, et sans douceur, il s’enfonce en moi profondément d’un seulcoup.

Un long gémissement s’échappe de mes lèvres, tant la sensation d’être possédée m’avait manqué.J’avais oublié ce que c’était

d’être avec Dead, de savoir ce qu’était être comblée. Le vampire reprend mes lèvres comme pourm’empêcher d’être

bruyante, et il commence à onduler des hanches, m’encourageant à faire de même. Je suis lemouvement, et m’empale sur ce

membre dur, qui glisse en moi avec aisance, me caressant de l’intérieur et m’apportant cesoulagement.

La chaleur me gagne, et cette brûlure entre les cuisses me rappelle ce que c’est que faire l’amour et yprendre un plaisir fou.

Même si c’est rapide, et même si cela n’a rien de doux.

Dead impatient, tout aussi tendu que moi, accélère ses va-et-vient. Il me prend avec force, comme ensigne de désespoir de ne

pas m’avoir autrement.

Cette rudesse ne met pas longtemps à me faire succomber. J’éclate en mille morceaux, lorsque sonsexe s’enfonce en moi avec

plus de puissance, prise par un orgasme violent que je ne pensais pas connaître à cet instant. Il m’aeue par surprise. Même la

bouche de mon amant contre la mienne n’étouffe pas mon cri.

Je me sens comme coupée en deux, en flottaison, loin de la réalité, dans le plaisir d’avoir Dead en

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moi, soulageant ce feu qui

me faisait mal.

Même perdue dans l’ivresse de la jouissance, je sens le vampire sortir du cocon chaud de mon corps.Comme s’il s’interdisait

de faire, ce qu’il a toujours fait, se répandre en moi pour me « marquer ». Bien qu’affalée sur lui, lesouffle court, je le vois

tendre la main, attraper ce qui ressemble à un mouchoir de poche rouge. Il en porte parfois dans sapoche de costume, pour se

donner « un style » que je ne comprends pas.

J’ai à peine le temps de réaliser ce qui se passe que je sens un souffle dans mon cou, suivi de lacaresse chaude de ses lèvres

embrassant ma peau, et cette pointe de douleur exquise qui nous propulse à nouveau dans lajouissance, mon vampire boit à ma

veine tout en se déversant dans sa main, le tissu entre nous.

Je ne comprends pas sur le moment ce que ce geste signifie. Il a toujours fini en moi, toujours. Cethomme est le meilleur

contraceptif qu’une femme peut avoir, il sait quand vous faire l’amour, ou pas. Un sympathiquepouvoir vampirique détecteur

d’ovulation. Et aujourd’hui ? Je sais que ce n’est pas cela… Non, à vrai dire, je ne sais pas s’ilcraint qu’en sachant ce que je

sais, je pense qu’il tente de faire ce qu’il a toujours évité. Ou seulement, il nous juge trop éloignéspour faire cela.

Je suis perdue, et ce geste m’a troublée, mais il ne m’attriste pas autant qu’il le devrait, étant donnéque je suis tremblante de

plaisir des conséquences de ses crocs dans ma veine.

J’ignore, comme toujours, combien de temps après Dead s’arrête de boire à ma carotide. Il lèche lesentailles, et soupire de

satisfaction. La voiture est calme, seules nos respirations l’animent.

La voix de mon amant me fait sursauter.

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— Je te manque, Faith, plus que tu ne crois.

Je reprends mon souffle, ma tête appuyée contre le front en sueur du vampire. Dead me serre contrelui avec force ; ses bras

semblent ne pas vouloir quitter mes hanches. Les miens sont agrippés à son cou. Je tente decomprendre comment nous sommes

arrivés à cela. À se désirer tellement fort, à se vouloir avec tellement de force, de douleur, quel’habitacle d’une voiture, et la

présence d’individus ne nous empêchent pas de faire l’amour.

J’ai comme la sensation que le retour sur la planète Terre avec ses galères va être douloureux.

— Reviens-moi, renchérit le vampire sur un ton semblable au précédent.

— Dead…, je soupire.

— Regarde-nous, j’ai ton sang en moi, je te sens, je sens ce qu’il y a ici.

Dead vient déposer ses lèvres sur mon sein gauche. À travers le tissu de ma robe, je sais qu’il ressenttout ce qui se passe en

moi, à cet instant. Même les sentiments que j’ai tenté d’enfouir au plus profond de moi. Il n’y a plusde secrets entre nous

lorsque mon sang se mélange au sien.

— Il y a de l’amour, Faith, derrière toute cette colère. Je sais que tu m’aimes, je le sens. Tu aurasbeau tenter de refouler

tout ça, ça restera. C’est ancré en toi, comme tu l’es en moi. On ne peut pas se renier.

— Oui, mais ça fait mal, Dead.

Je sens sa prise autour de ma taille se resserrer, et l’atmosphère de l’habitacle est remplied’électricité statique. Le calme ne

va pas durer.

— Bon sang, mon ange, j’aimerais que tout soit plus simple. J’aimerais arrêter de te faire mal, maisnotre vie est ainsi, on

ne peut pas la changer. Et ne crois pas que je vais laisser ces dernières semaines se reproduire, pasavec ce qui risque de se

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passer. Je t’ai laissé du temps… mais ne m’en demande pas plus avec le retour de mon père.

— J’ai besoin de temps, Dead ! je poursuis, entêtée.

— Et moi, j’ai besoin de toi, comme toi tu as besoin de moi. Notre force, on l’obtient ensemble, passéparément ! lance le

vampire, à cran.

Je soupire en m’écartant de lui. Je me sens stupide. Dès qu’il commence à me parler de nosproblèmes, je les fuis. Il se tue à

l’effort pour tenter de trouver une solution, et moi, je ne fais qu’éviter le problème par peur desouffrir encore.

Pourtant, je souffre. Je n’ose pas le reconnaître, mais notre séparation me fait un mal de chien. Lapreuve en direct ! Si au fond

de moi, je lui en voulais terriblement comme j’aime le faire croire, inconsciemment, jamais je ne lelaisserais me toucher.

Jamais je n’aurais succombé aux dictats de mon corps. Le père de mon amant a peut-être raison. Peut-être suis-je égoïste dans

cette histoire de ne voir que moi et ce que l’on m’a fait. Mais je suis moi, et… je suis sans douteaveuglée par ma colère

comme je l’ai été avec mon amour.

Je m’éloigne de Dead pour aller me réfugier à l’autre bout de la banquette, le corps encore alanguipar notre étreinte. Je

cherche du regard mes sous-vêtements. Je repère ma culotte aux pieds de mon amant et Dead me latend lorsque mes yeux

dérivent sans le vouloir vers lui. Je pense mourir de honte à cet instant, pourtant, c’est un geste tout àfait banal lorsque l’on est

en couple. Combien de fois, lui ai-je tendu son pantalon ! Je ne devrais pas me sentir mal à l’aise. Ona fait l’amour un nombre

incalculable de fois. Mon corps est comme le sien, un terrain loin d’être inconnu.

Mais, c’est différent, aujourd’hui. Faire l’amour avec lui, cet après-midi a un goût amer de non-ditset d’empressement. Cela

ne nous ressemble pas de sauter l’un sur l’autre comme on l’a fait, avec autant de désespoir et

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d’incertitude. Mais cela me

prouve que non. Je ne peux pas me passer de lui, je suis comme aimantée à son être, et l’éloignementcrée un manque que je ne

contrôle pas et qui dépasse mes sentiments. Il y a ce besoin de l’autre qui grandit un peu plus àchaque instant, et pas seulement

un besoin de sexe, mais ce besoin d’avoir sa moitié près de soi pour vivre.

Je ferme les yeux en sentant cette tension entre nous, différente de celle qui nous a fait basculer del’autre côté de la bonne

conduite. Dead est en colère, contre moi et contre lui. Et ses mots résonnent presque comme unemenace ; et je comprends qu’il

soit à bout.

— Je vais récupérer ma femme, Faith, et ça, même ta colère ne m’en empêchera pas. Je l’emmerde tacolère, comme

j’emmerde ce sentiment de trahison chez toi. Tout ça nous fait souffrir et ça, tu vois, je ne peux pas lesupporter davantage. Je

ne peux pas rester impuissant face à l’injustice ; et ce que tu ressens, ce qui te dépasse, c’est del’injustice.

Dead se tait quelques instants. Il passe une main dans ses cheveux noirs.

— C’est injuste d’être séparé de toi alors que je ne voulais que te protéger, reprend le vampire. Jevais te reconquérir,

Faith, et s’il faut que je livre bataille contre tes sentiments, ne t’attends pas à me voir perdant ; plusmaintenant, pas en sachant

que tu m’aimes encore.

Mon cœur se serre, partagé entre la peur, la colère de ce qui s’est passé, et le manque. Seigneur, je nepensais pas que je

pouvais être aussi partagée. Je l’ai toujours été lorsqu’il s’agissait de Dead. Je l’ai aimé dès lespremiers instants, contre mes

pensées, parce que c’est lui, un vampire, et l’histoire le prouve, il pourra me cacher et me fairen’importe quoi, je l’aimerai

toujours, même si nous nous séparons un temps, même si ce temps durera des mois… des années.

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L’amour est là, et je

découvre son ampleur un peu plus au fil du temps.

Je n’ai jamais aimé comme j’aime Dead Creaving, c’est un fait.

Je saisis ma culotte et ses doigts frôlent les miens, me faisant ouvrir les yeux. Son regard bleu nuitque j’aime tant me fige en

voyant ce que j’y lis. Dead est sérieux. Et ses mots résonnent en moi comme une menace à la colèreque je ressens pour lui.

Lorsqu’il est décidé, il l’est, et il ne revient jamais en arrière. Qu’importe si je ne suis pas prête.Quand il veut quelque chose,

il l’a.

Il veut me retrouver moi, et je sais qu’il y parviendra. Seulement, Dead a une montagne à franchiravant, et le connaissant, je

sais qu’il n’en a pas peur.

L’amour nous rend fous.

***

Deux heures plus tard, nous arrivons à Washington, l’ancienne capitale des États-Unis lorsquel’Amérique était encore dirigée

par des hommes. Je ne distingue pas l’extérieur à travers les vitres teintées de la voiture. L’après-midi est pourtant claire, mais

Dead comble mes lacunes. Il me raconte dans quelle instabilité est cette région, avec plus de détailsque je n’en avais lorsque

j’ai décidé avec Trenton d’implanter ici un centre d’accueil. Parler de tout et de rien après ce quis’est produit entre nous me

détend et m’aide à passer à autre chose. Je ne reste pas fixée sur l’étreinte que nous avons eue. Deadfait pareil que moi, il fait

comme si de rien n’était, comme si nous n’avions pas fait l’amour, comme si tout était encore normalentre nous. J’ai

l’impression d’avoir fait un bond de plusieurs mois en arrière, lorsque nous parlions de tout et derien, devant un plat de pâtes

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ou assis sur le canapé devant un café.

Sauf que tout est différent.

Le silence m’habite depuis que Dead a reçu un coup de fil de Louis. Je sais qu’il nous reste peu detemps avant d’arriver, et je

tente d’imaginer comment cela va se passer. J’ai déjà eu une inauguration à faire, et elle s’est très malterminée. J’espère

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pouvoir en connaître une un jour, sans avoir à me faire expédier chez moi, parce que des humains ontdécidé de tenter

d’assassiner tous les membres du gouvernement.

Je sais que les Français sont présents aujourd’hui, car ils nous « offrent » des médecins humains etvampires pour s’occuper du

centre. Le terme offert ne m’a pas plu ; il ne m’a jamais plu de toute façon dès qu’on commence àparler des humains comme si

l’on parlait d’objets qu’on peut troquer.

Dead raccroche en soupirant et passe sa main dans ses cheveux noirs. Assis côte à côte, à unedistance plutôt raisonnable,

aucun de nous ne veut rompre ce silence pesant.

Je le dévisage du coin de l’œil. Il a l’air perdu dans ses pensées. Je remarque que la chaîne en orautour de son cou d’où pend

son alliance, dépasse un peu du col de sa chemise. Il ne l’a pas enlevée, tout comme moi. Mêmeséparés, même en faisant « un

break », je n’ai pas réussi à la retirer.

J’aimerais savoir ce qu’il pense à cet instant.

— On fait quoi, Dead ? je questionne.

Ma voix résonne avant que je ne me rende compte que je désirais parler. Le vampire se tourne versmoi. Il me regarde, sans

doute surpris par ma question.

— Pour aujourd’hui ? Ou pour le après aujourd’hui ? demande-t-il d’une voix rauque.

— Pour aujourd’hui, déjà.

Oui, parce que si nous avons parlé de la pluie, du beau temps, de Washington, des Français, et ducentre, le sujet « nous » et la

petite comédie que nous allons jouer nous les avons soigneusement évités.

Dead se redresse sur son siège, et commence à m’expliquer :

— Dès qu’on va arriver, on va aller rejoindre les Français dans le bâtiment qui va nous accueillir,

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c’est comme la Maison-

Blanche, en… moins blanche et plus petite. C’est là-bas qu’il y a Sheeran, mon secrétaire de laJustice. Il y a établi son QG.

On va se rendre ensuite au centre où je ferai un discours et on présentera les lieux à des journalisteset des représentants élus

humains pour leur expliquer le fonctionnement. Ensuite, nous rentrerons chez Sheeran et nouspasserons le restant de la journée

avec les Français pour parler des différentes affaires en cours et préparer la venue des Chefs d’Étatpour le G9.

Je souris en coin. Il maîtrise tellement son sujet, il est tellement sûr de lui quand il parle politique,qu’on se demanderait

pourquoi il m’a demandé de l’accompagner compte tenu de la situation dans laquelle nous sommes.Dead est un merveilleux

Président.

— Tu avais besoin de moi pour tout ça ? je demande, souriante. Je n’ai aucune idée de ce qu’est leG9, et à cause de notre

situation, peut-être vaudrait-il mieux que je ne sois pas au courant de certaines choses…

Dead m’interrompt.

— Tu es la Secrétaire du Département des humains et tu viens, en plus de ton statut de « PremièreDame », en tant que telle.

Évidemment que j’avais besoin de toi. Dois-je te rappeler que c’est le résultat de ton travail avecTrenton, ce second centre ?

Les humains seront ravis de pouvoir voir qui est l’instigatrice de ce changement dans le pays.Washington est l’une des villes,

et Columbia, une région, des plus touchées par le renversement, et en terme de haine, même celle desNew Yorkais paraît fade

comparé à celle des survivants là-bas. Ils nous détestent… Alors voir que les choses bougent grâce àune humaine, dans un

gouvernement vampire, ça nous est bénéfique à tous. Je ne remettrai jamais en doute tes capacités entant que femme dans notre

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milieu parce que tes idées et tes projets nous permettent d’avancer. Donc oui, tu devais venir. Et puisconcernant le G9, les

épouses de Présidents doivent y participer.

Je manque de m’étouffer en entendant ses dernières paroles. J’espère qu’il plaisante, et que je seraiprésente à cette réunion,

seulement si on a besoin de mon avis en tant que Secrétaire de mon Département. Notre dernièrerencontre avec les Femmes du

pouvoir avait été des plus tendues.

— Attends ! Ne me dis pas que je vais me retrouver à nouveau avec ces femmes ?

Dis-moi non !

Dead se frotte les cheveux avec un regard particulier. Quand il fait cela, c’est rarement pourm’annoncer une nouvelle

plaisante. L’expression soudainement gênée du vampire confirme ce que je pensais.

— J’ai bien peur que oui, répond Dead.

— Dead, dis-moi que tu plaisantes !

— Non.

Je soupire, en serrant les poings ; je sens la contrariété me gagner. Quelle nouvelle géniale !

— Tu ne me l’avais pas dit ! je lance d’un ton accusateur.

— Tu ne m’as jamais posé de questions sur le G9.

— À part maintenant, quand en ai-je eu le temps ?

Ma voix est empreinte de lassitude et d’agacement. Rien ne peut se passer comme prévu.

Mais Dead, habitué de mes réactions, bien que je m’étonne moi-même de ne pas être montée sur mesgrands chevaux, sait

comment me parler.

C’est étrange que nous n’arrivions pas à surmonter la révélation du secret de sa prophétie avecaisance. D’habitude, Monsieur

Patience sait user de ses talents…

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— Faith, à la différence de l’autre fois, vous ne serez pas entre vous, d’accord ? Et puis notre paysest celui qui reçoit. Tu

dirigeras cette réunion, tu imposeras tes sujets. Si tu n’as pas envie de parler de blablas de bonnesfemmes, mais d’affaires, tu

feras comme tu voudras. D’autant que je ne risque pas de te laisser seule avec les tarés dugouvernement russe dans les

parages. Senan ou Decease seront constamment à tes côtés. Je prendrai du temps pour t’expliquer toutça, d’accord ?

J’étouffe un rire. Mon esprit traduit ce « je prendrai du temps pour t’expliquer » par, tu prendras unrendez-vous avec ma

secrétaire étant donné que je n’aurai pas l’occasion de le faire en dehors de notre QG.

Je suis en colère contre moi. Dès qu’une conséquence de notre séparation me revient en pleine figure,je m’énerve d’être aussi

indécise et partagée.

Dead ne s’arrête pas à mon silence pour poursuivre. Il est tellement habitué à ce que je ne lui répondepas.

Je sursaute en sentant sa main prenant la mienne, et serrant ses doigts aux miens. Je lève les yeux verslui, et y lis une grande

franchise.

— Faith, ça ne va pas entre nous, je le sais, mais ça ne doit pas affecter notre devoir. Quand tu asvoulu t’engager dans la

cause des humains au sein du gouvernement, c’était très courageux de ta part, et tu as prisl’engagement d’être ma compagne

dans notre monde. Quand on est à ma place, ça signifie faire comme moi. Même sans m’épouser…Bon, nous l’avons fait, mais

aux yeux des autres, nous vivons encore dans le péché. (Dead sourit) Tu aurais dû assumer ce rôleparce que tu es à mes côtés.

Tu fais ça bien, du mieux que tu peux… tu as de l’humanité, et ça change tout.

Nous nous dévisageons plusieurs minutes, sans rien dire. Je sais qu’il tente de forcer mon esprit pourpouvoir y lire, mais

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malheureusement pour lui, j’ai appris avec Trenton à bloquer tout cela. La cohabitation virait aucomique toutes les deux

minutes.

— Donc, reprend Dead, on va parler de ça. Charlotte Drac et Marjorie Bastide seront présentes. Ça,tu le savais ?

— Oui, je m’en doutais.

— Tu pourras voir avec elles certains détails.

Je me mets à rire de bon cœur, rien qu’en imaginant cette conversation, entre madame cul-pincé, sacopine madame Leçon de

morale, et moi, madame grande-gueule. Mis à part se taper dessus à la fin de cette « rencontre »,discuter sera sans doute

difficile.

— Tu te rends compte que je me jette dans la gueule du loup ? Je ne pensais pas avoir tant de chosesà prévoir pour

aujourd’hui.

Ce n’est pas un reproche pour une fois.

— Tu te débrouilleras comme une chef, Faith ; et puis, il n’y aura pas de décision à prendreaujourd’hui, seulement de

l’information à donner.

— D’accord. Et nous devrons faire…

— Comme d’habitude. Comme si de rien n’était.

Je perds mon sourire, je savais que nous allions devoir faire cela ; il me l’avait dit lorsqu’il m’avaitlaissé le choix de venir

ou pas. Mais… je n’en sais rien ! Au fond, j’espérais que nous n’aurions pas tant besoin de jouer lacomédie. Parce que même

si nous parlons, il y a cette tension palpable entre nous.

— Tu es bien meilleur comédien que moi, mais vu le programme de la journée, ça ne devrait pas êtredifficile de faire

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comme si de rien n’était.

Dead me jette un regard assassin qui veut tout dire. Je lui en jette un désolé.

— C’est ton choix, Faith, je te rappelle. Je t’ai proposé de ne pas venir, et d’expliquer à nos alliéspourquoi tu n’étais pas

là, et pourquoi je tirais une tête de dix pieds de long !

Oui, j’ai choisi, mais j’ai le droit de dire que ce choix est difficile malgré tout !

— Pitié, Dead, tu les as vues ? Mis à part Drac, les autres sont des sangsues de la pire espèce, encommençant par ces

femmes. Elles ne se seraient pas gênées pour faire frotti-frotta avec toi…

— Dis donc, on défend son territoire.

— … et pour donner leur avis… (je fronce les sourcils) quoi ? Tu as dit…

Dead sourit pour la première fois en dix minutes de conversation, plutôt tendue. Sa main qui serrait lamienne vient me

caresser la joue.

— Rien ! Je faisais une constatation à voix haute.

Le regard tendre qu’il me jette ressemble à celui de mon arrivée dans la voiture et je ne veux pas merisquer de m’engager à

nouveau sur cette pente glissante.

— Et pour notre demain ? je reprends de plus belle. J’ai eu deux heures pour réfléchir suite à tesmots. On est dans le flou

le plus total, et je ne veux pas que ma vie ressemble à ça. Se marier devait nous apporter de lastabilité… Si tu veux que je

commence à envisager de te pardonner…

— Mais tu es partie ! me coupe Dead. Reviens et l’avenir sera moins incertain. Ça nous donneraitune chance d’en avoir un.

Note que tu es aussi douée que moi, pour changer de sujet.

J’ignore sa réflexion.

— Tu es pénible, Dead. Je t’ai dit que je n’étais pas prête. Revenir vers toi comme avant, ce serait…

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douloureux parce que

ce qui s’est passé dans cette voiture recommencera, et j’ai besoin d’avoir les idées claires. Écoute…concernant ton père… je

ne sais pas ce que Decease t’a dit…

— Il n’a pas eu à le faire.

Je fronce les sourcils. Nous évitions d’aborder ce sujet-là depuis que nous étions ensemble. Pourtant,nous allons devoir en

parler. L’arrivée de son père va engendrer beaucoup de problèmes d’après ce que j’ai pucomprendre, et même séparés, nous

restons les principaux concernés.

— Mon père est venu me rendre visite aussi, continue Dead. Je sais ce qu’il t’a dit.

C’était donc Dead, son « second rendez-vous ».

— Et moi je peux savoir ce qu’il t’a dit ?

— Faith…

— Tu vois, ce n’est pas juste.

Dead soupire, agacé. Mais non, il doit comprendre que ce n’est pas juste d’être toujours celui qui nesait que la moitié des

choses. On n’a quasiment pas eu l’occasion de parler de ce « spécimen » puisqu’on a passé deuxmois à s’éviter, et que j’avais

décidé d’enfermer ces soucis dans une boîte, bien rangés. Mais maintenant que le spécimendébarque…

Dead craque.

— Il m’a dit la même chose qu’à toi. Qu’il n’était pas sorti de sa tanière pour rien. Mais comparé àd’autres fois, je n’étais

pas sur la liste de ceux qui connaîtront le pourquoi. Mon père m’a dit que j’ai joué avec le feu, queles décisions qu’on prenait

avec Decease allaient à l’encontre de ce que nous étions. Le reste… c’est compliqué…

Le vampire me regarde avec sérieux. Ce sérieux que je retrouve chez lui, seulement lorsqu’il a à me

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dire quelque chose de

grave.

— Faith, tu ne sais vraiment pas qui est mon paternel. Tu n’imagines même pas ce dont il est capablede faire pour arriver à

ses fins… Tu dis que tu ne me connais plus, mais crois-moi, connaître mon père est la dernière choseà faire. On oublie trop

souvent qu’il est ce qu’il est. La Mort n’a pas de conscience, mon ange. Il n’agit que pour lui. Il atoujours agi seulement pour

lui. Il a donné vie à des enfants dans l’unique but de créer une race qui lui ressemble. Il s’encontrefout de la sauvegarde de

l’humanité, de l’équilibre. Il veut juste savoir qu’il est l’instigateur de tout ça.

Mais son discours n’arrive pas à me convaincre.

— Je suis prête à prendre le risque, moi, de savoir ce que ton père me veut. Comme tu dis, je ne leconnais pas.

Dead serre les poings en me foudroyant des yeux. Je sens la colère naître chez lui.

— Mais merde, Faith ! C’est un danger public ! Pire que mes frères ! Tant qu’il ne t’envoyait que deslettres et cette putain

de bible, OK ! Ça allait, mais maintenant ! Decease m’a dit dans quel état il t’avait retrouvée quandtu l’as appelé.

Je sens une part de reproche. Il aurait sans doute aimé que je l’appelle, lui.

— Tu me faisais peur aussi, Dead. Au départ, tu m’effrayais. Et ton père… je commence petit à petità comprendre la soi-

disant « importance » que j’ai à vos yeux.

— Je ne suis pas d’accord pour prendre le risque, moi. Je ne veux pas qu’il t’approche !

Je devrais être touchée de voir autant de possessivité chez mon amant, mais mis à part l’agacement etl’incompréhension, je ne

ressens rien d’autre. On est vraiment déchirés lui et moi, et plus on avance plus j’ai l’impression queles problèmes qui

apparaissent sont là pour nous éloigner encore plus.

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— Je ne te laisse pas le choix, Dead. Tu ne l’as pas, je ne l’ai pas non plus. C’est à ton père dedécider !

— Bordel ! Finalement, je commence presque à croire que si tu refuses de revenir vers moi, c’estpour pouvoir décider

toute seule des choix que tu veux faire te concernant, en te foutant royalement des conséquences !

Aurait-il vu juste ?

— Je doute que la Mort décide de me zigouiller si près de son but ! Après tout, il devrait te féliciter.J’ai réussi à tomber

amoureuse de l’un de ses fils ; je me suis unie à lui ; il ne manque plus qu’à me mettre en cloque pourque le tour soit joué.

Le sarcasme nous habite tous les deux. Je suis certaine qu’on ferait un malheur dans une émission surles problèmes de

couples.

— Crois-moi, ça n’arrivera pas, me répond Dead, sèchement.

— Oh, ça oui ! Ça n’arrivera pas ! Là-dessus, on est d’accord.

La voiture s’arrête brusquement, et j’ai envie de maudire le ciel qu’on ait à s’arrêter de parlermaintenant.

Dead réajuste sa veste de costume. N’importe qui nous voyant à cet instant comprendrait que nousvenons de nous disputer.

— Faith, nous rediscuterons plus tard de tout ceci.

— J’y compte bien.

— Je ne compte pas laisser mon père t’approcher.

Je soupire en prenant mon sac à main.

— Je ne pourrai pas l’éviter. Il m’a aidé, Dead, au moment où tout le monde s’est tu. Il me sert sur unplateau d’argent ce

que je veux savoir. Ne me demande pas de refuser. En dix minutes, il m’en a plus dit et offert que toien deux ans.

Les crocs du vampire sortent. Je l’ai touché à un point sensible, mais c’est la vérité. Mort ou pasMort, son père m’a aidé.

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— L’aide de mon père n’est jamais gratuite.

— Je saurai me défendre. Je sais contrarier son fils, je saurai me débrouiller face à lui.

— Et ensuite ?

— Je pense que cela me permettra d’ouvrir les yeux et de savoir si j’ai envie d’une vie comme ça.D’être avec toi.

Je me fige en comprenant ce que je viens de dire, et sur quel ton je l’ai fait. Froid et détaché.Immédiatement, je m’en veux,

mais je reprends les rênes trop tard pour m’excuser.

— J’encaisse, Faith, à un point que tu ne peux imaginer.

— Je suis désolé de te faire du mal en disant ça…

— Ce ne sont pas les mots qui me blessent, Faith, ce sont tes actes. Je suis un vampire, Faith, j’ai desréactions d’instinct

que tu ne peux pas comprendre.

Je suis une femme amoureuse et trahie ! Ça, non plus, tu ne peux pas le comprendre, ai-je bienenvie de lui dire.

— Je te l’ai dit, je veux récupérer ma femme, et ton caractère ne m’empêchera pas de le faire.

— Si tu veux me retrouver, laisse-moi faire…

— Monsieur ?

Nous nous tournons vers le conducteur de la voiture. Il a baissé la vitre de séparation entre lui etnous. J’ai déjà vu Jack. C’est

un humain d’une cinquantaine d’années, fiable, et sympathique, qui brille par sa discrétion. L’humainest vêtu d’un costume

simple, rasé de près. Il me sourit en me voyant.

— Oui, Jack ?

— Nous sommes arrivés, les gardes du corps aussi. Ils ont sécurisé la zone, et vous attendent àl’intérieur.

— Merci.

Dead me tend une main, pour m’inciter à le suivre, j’hésite.

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— On peut y aller ?

Ai-je le choix ?

Je prends une expression détachée en hochant la tête. Ma main rejoint la sienne. Il ouvre la portière.Un petit vent nous

accueille. Dead m’aide à sortir de la voiture ; je suis un peu engourdie d’être restée assise.

Je réajuste à mon tour ma robe. Mes yeux scrutent tout ce que je vois. La grande bâtisse, la cour danslaquelle notre chauffeur

s’est garé, et… Aldéric Drac qui nous attend sur la moitié des marches qui mènent à l’entrée pournous accueillir.

Le vampire français est vêtu d’un costume bordeaux sombre, et affiche un sourire chaleureux. Sesyeux noisette remplis d’âmes

et ses cheveux bruns me sont désormais familier. Dead et moi marchons vers lui, mon compagnon,près de moi comme à son

habitude.

— Dead Creaving et sa charmante compagne bientôt épouse, espérons-le !

Drac me lance un clin d’œil complice, il sait tout de cette « mascarade » ; il sait que nous jouons unjeu avec Dead. J’apprécie

que cet homme nous simplifie la tâche. Les deux hommes se serrent la main lorsqu’on arrive à sahauteur.

— J’y travaille, Aldéric.

— Travailles-y plus avant qu’un autre ne décide de la prendre pour femme !

Drac se tourne vers moi, toujours avec son grand sourire de séducteur. Il sait mettre les gens à l’aise.

— Comment vas-tu, Faith ?

Je serre sa main, et il la porte à ses lèvres. Vraiment, remplis de classe ces Français !

— Bien, et toi ? je réponds du mieux que je peux en essayant d’être convaincante

— Aussi.

— Sheeran n’est pas là ? demande Dead.

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Drac recule d’un pas et montre de la main la maison. J’ai cru comprendre que c’était le QG de lajustice.

— Il croule sous le travail, et il a l’air d’aimer ça, j’aimerais que mon ministre de la Justice travailleautant que ton

secrétaire, Dead. Il passera vous saluer dans la journée.

— Sheeran est un cas rare, confirme Dead, je savoure les bienfaits de l’avoir à mes côtés.

— Tu as une équipe remarquable qui t’entoure, constate Drac.

— Merci.

— Dead Creaving, toujours à l’heure !

Une voix masculine que je ne connais pas.

Je détourne le regard derrière Drac. Un homme d’une trentaine d’années, blond avec des reflets roux,grand et barbu, se joint à

nous. Il dégage beaucoup d’assurance, mais aussi de la froideur. Ses yeux marron sont ténébreux etn’apportent pas le même

sentiment que Drac.

Dead esquisse un sourire, et Drac se retourne.

— Mon Ange, je te présente, Henry Bastide, le deuxième Chef d’État du Gouvernement Français.Henry, ma compagne,

Faith, secrétaire du Département Humain.

Le vampire me tend une main que je saisis.

— Un poste intéressant ! Enchanté de vous rencontrer.

— De même.

Le regard qu’il me jette reste très froid. OK, lui, il est comme sa femme !

— Très bien, allons-y ? renchérit-il. Nous aurons le temps de discuter plus amplement lors du dîner.Les dames nous

attendent déjà, impatientes dans le hall de la Maison pour que nous sortions tous ensemble. Charlotteétait ravie de te revoir,

Faith.

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Je souris poliment, mais au fond de moi, j’aimerais lui répondre que la joie est loin d’être partagée.Je déteste ces femmes.

Dead passe un bras protecteur autour de ma taille, et nous montons les marches de l’escalier extérieurpour entrer dans la

bâtisse blanche qui ressemble étrangement à l’ancienne Maison-Blanche en plus réduite. La nuit estclaire et nous permet de

bien distinguer les choses surtout avec les projecteurs qui éclairent les alentours. Vu le calme quinous entoure, je comprends

que nous sommes arrivés par l’entrée de derrière.

Les trois hommes politiques parlent de tout et de rien jusqu’à ce que nous débouchions dans un grandhall, riche en décoration,

luxueux, où un soudain sentiment d’angoisse me prend lorsque j’aperçois les deux rapaces en tenueimpeccable, qui discutent

quelques mètres devant nous.

Dead resserre sa prise autour de ma taille. Je sens son souffle près de mon oreille. Le problème denotre étreinte dans la

voiture, c’est qu’il va savoir, ces prochaines heures, tout ce qui se passe en moi, tout ce que j’essaiede lui cacher.

— Ça va aller, Faith.

Son murmure me ferait presque sursauter. Nous nous arrêtons devant Marjorie Bastide et CharlotteDrac, qui nous accueillent

tous sourires. Elles informent leurs époux d’un sujet que je n’arrive pas à comprendre étant donnéqu’elles emploient du

français.

Je ferme les yeux et appuie ma tête contre l’épaule du vampire. C’est plus dur que je ne pensais defaire comme s’il ne se

passait rien de décisif dans notre vie. Je lui réponds sur le même ton calme, et presque silencieux :

— Heureusement que c’est pour toi, sinon, jamais je ne ferai tout ça.

Chapitre 8

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Conversation à la Française

Je ne me souviens plus de la dernière journée, où tout s’est passé comme prévu, où le programmeétabli n’a pas connu de

perturbation.

J’ai trouvé étrange de reprendre mon rôle auprès de Dead d’un seul coup, après avoir passé deuxmois à n’être seulement que

la Secrétaire du Département des Humains, mais les vieilles habitudes reviennent vite. Surtout lesnôtres.

J’aurais presque pu oublier que huit semaines nous séparaient, qu’une tonne de révélations, mêlant latrahison et la déception,

nous avait éloignés et mis dans une situation incertaine. Non, j’ai juste vu l’homme que Dead atoujours été, passionné pour le

poste qu’il occupe, avec à nouveau, cette petite étincelle qui lui est propre. J’avais oublié ce quec’était de l’entendre faire un

discours, et pendant qu’il le faisait, je me suis rappelé toutes ces fois où nous étions à l’appartement,dans le salon, ou lorsque

l’un de nous était sous la douche, pendant qu’il le répétait pour avoir mon avis. Comme si DeadCreaving avait besoin de mon

avis pour s’en sortir ! Tout ce qu’entreprend ce vampire, il le réussit. Il a redressé un pays après uncoup d’État, et quinze ans

de souffrance en une année. Il apporte le souffle de paix à toute une nation qui n’a jamais cessé debrûler. Ce vampire est un

génie, et je l’ai à nouveau réalisé lorsque je l’entendais parler, que la foule d’humains et de vampiresmêlés, comme formant

une seule et même race, l’écoutait dans un silence de mort. Ma colère m’a tellement induite en erreur,comme mon amour

lorsque je tentais d’apprendre la vérité ! Je ne suis pas comme Dead à réussir à faire la part deschoses. Je réfléchis avec ma

conscience d’humaine. J’ai de l’espoir en chacun de nous, et cette notion, c’est l’homme qui m’apassé la bague au doigt qui

me l’a inculquée. Je n’avais aucune empathie pour les vampires avant lui, je ne voyais en eux que les

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monstres, et il a su me

démontrer le contraire. Alors comment ai-je réussi à en arriver au stade d’être terriblement en colèreet blessée contre lui ?

Je me le demande. Je ne pense qu’à cela : pourquoi je n’arrive pas à gérer cet ensembled’informations qui sont venues

perturber notre vie ? Je sais, pourtant, que j’aurais bien fini par voir la réalité en face, que nous enserions venus à nous

asseoir l’un en face de l’autre, comme Died Creaving l’a fait. Je l’aurais su… mais différemment.Avec les mots de mon

amant.

Je lui en veux peut-être d’être lui sur ce point. J’en veux sans doute à Dead d’être aussi fidèle à sesconvictions.

Voilà, j’ai passé mon après-midi à méditer sur le sujet pendant que tout autour de moi, les événementsse déroulaient. Je n’ai

pas réussi à faire abstraction de mes problèmes avec mon compagnon. Être près de lui, retrouver sesgestes de complicité,

faire comme si de rien n’était, c’est juste déstabilisant, en plus d’être bouleversant. Ses regards encoin, discrets, qu’il me

lance lorsque personne ne nous voit, ceux qui veulent tant dire ! Pas besoin de mots lorsqu’on aime etqu’on est lié à

quelqu’un, on peut se comprendre sans.

Et plus la journée passe, plus j’ai envie de lui dire en hurlant que c’est de sa faute si nous en sommeslà. Je suis fatiguée

d’avoir mal et de devoir peser le pour et le contre. Mais hurler ne résoudra pas nos problèmes. Desjournées comme celle que

nous passons, oui, en attendant une grande discussion. Mais, il faut préparer ce moment. Si Deadpense que je ne devrais pas

côtoyer son père, je pense le contraire. Je ne vois que cette solution pour arriver à lui pardonnerd’avoir « mal agi » pour me

mettre à l’abri d’une triste vérité : le fait que je sois une prophétie millénaire. Pour pardonner, il fautcomprendre, et je ne peux

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comprendre qu’auprès du principal concerné : celui qui a décidé qu’elle allait exister.

Si nous arrivons à sortir de cette impasse aujourd’hui – et j’en suis certaine – je resterai avec Deadpour le temps dont nous

disposerons.

Même si j’avais l’esprit ailleurs, les raisons de mon déplacement avec Dead à Washington sont plusde l’ordre professionnel

que privé. Le centre d’accueil va connaître de beaux jours, et une nombreuse fréquentation. LesFrançais, qui ont déjà ouvert

plusieurs de ces centres, ont pu aider Dead à expliquer en quoi tout ceci allait consister. Une ailepour la santé, avec un

nombre considérable de médecins, une autre pour l’administration, ou encore une aile qui servirapour faire des achats

alimentaires. Le bâtiment est composé de plusieurs secteurs qui vont permettre le développement desconditions de vie des

humains.

Après une visite avec des journalistes et des délégués humains, Dead a fait un discours à l’extérieur.Il a fait état de la situation

concernant le pays, et la venue des représentants dans un mois. L’information a filtré comme un virussur la toile. Il a évoqué

aussi l’émeute à New York. J’ai dû supporter, pendant tout le discours, la présence de MesdamesCharlotte Drac et Marjorie

Bastide. Elles n’ont pas changé depuis notre dernière rencontre. Toujours aussi… sèches etsuperficielles. Leur dernière lubie

en date est d’avoir un enfant. Elles n’ont pas cessé d’en parler, ce qui ne m’a pas permis de fairefixette sur autre chose que ce

fameux « sujet » : les bébés. Bon sang ! Depuis que je sais ce qu’est la véritable motivation de laprophétie, j’ai passé ces

deux derniers mois à attendre mes règles, par peur.

Alors, entendre parler d’enfant durant une partie de l’après-midi, cela m’a attristée, car ce « sujet »est un sujet tabou dans

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mon entourage, c’est un gros problème, une épée de Damoclès. Un sujet que je n’ai toujours pasabordé franchement avec mon

amant. Il y a tant de choses que nous n’avons pas abordées en profondeur…

Donc, mon après-midi s’est résumé à répondre aux « questions » de mes « amies » premières damesque j’ai sans doute à

nouveau déçues en répondant que je ne voulais toujours pas me marier, et que je n’étais pas prête àvouloir être mère. Elles

sont d’une inutilité ! Jamais je ne pourrai m’entendre avec elles sur le long terme, si je reprends maplace auprès de Dead

autrement qu’en jouant la comédie. Il faut dire que nous sommes plutôt doués, personne ne peut sedouter que nous rencontrons

une période difficile.

Sheeran s’est joint à nous durant l’inauguration. Il a échangé quelques mots en tête à tête avec Dead,sans doute pour le mettre

au courant de l’avancement des projets. Ce vampire est « impressionnant » tant il est du genrebourreau de travail. Il n’a pas de

compagne, pas d’enfants d’après Trenton. Il est seul avec son Département et ses talents de politicienet n’est bien que

lorsqu’il est devant une tonne de paperasses et de problèmes. La vie en communauté, c’est seulementpour son travail ; pour le

reste, la solitude lui convient mieux.

C’est un élément essentiel pour Dead. Je ne doute pas de ses capacités ; il nous montre qu’il est trèsdoué dans son domaine. Et

s’il nous a à peine accueillis à notre arrivée, dans son QG, il est tout aussi vite reparti travailler,s’excusant de ne pas être

présent pour le dîner en petit comité au sein de sa propre « bâtisse ».

Le dîner s’est passé sans les regards indiscrets des gardes du corps que je ne connaissais pas, ouseulement de vue, et des

journalistes. Seulement nos trois couples, Senan m’a manqué aujourd’hui.

Alors, les bonnes habitudes bien protocolaires sont allées se ranger au placard. Je me serais presque

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crue chez nous, lors d’un

dimanche matin où nous faisions un brunch en compagnie de nos amis.

La conversation au départ était basée sur leur passé commun, à Dead et aux quatre Français. J’ai puapprendre de la bouche

d’autrui, un passé plutôt amusant concernant mon amant lors de sa période « années folles » à la courfrançaise. Le duo qu’il

formait avec Louis méritait le coup d’œil, ainsi que toutes les péripéties que l’on m’a racontées. Jeconnaissais son passé

d’homme aimant les femmes, mais raconté par Aldéric Drac, c’est tout autre chose.

Je crois que j’apprécie ce vampire, de plus en plus. Il est droit, juste, rempli de bonne volonté,tellement humain alors qu’il

n’en a plus l’âge. Je comprends que la France se porte aussi bien avec lui à la tête du gouvernement.Cet homme est en

constante remise en question, voulant toujours le meilleur. Il est l’un des rares à m’avoir parlé dans lajournée, comme si nous

nous connaissions depuis des années. Il a mis de côté ce qu’il savait de moi, et s’est intéressé à mesprojets. J’ignorais qu’il

les suivait. Je pense même pouvoir prendre sur moi régulièrement pour assister à ces rencontres entrepays alliés, pour

partager un moment d’échange avec le vampire. C’est un conteur hors pair ; il a presque réussi à mepassionner autant que

Dead. La façon dont il raconte ce qu’il a fait pour mener son pays au sommet – pays qui fut lepremier, renversé par les

vampires, à atteindre l’égalité – m’a impressionnée. Drac est fier, et il a de quoi.

En revanche, je ne connaissais pas Henry Bastide personnellement, mais il est complètement différentde son bras droit. Il ne

me donne pas envie de creuser derrière ce regard étrange, celui qui vous fixe en essayant de trouverce qui vous fera chuter. Il

n’a pas la même façon de s’exprimer qu’Aldéric Drac, il est plus XXIe siècle, plus rentre-dedans, etmoins sympathique ; il est

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froid, et très macho. Un mâle qui me fait penser sous quelques traits, à Louis. Je sais d’avance quenous n’allons pas nous

entendre.

Après avoir parlé de plusieurs siècles que je n’ai connus que dans les manuels d’histoire vient le tourde la politique, et des

échanges entre Présidents, sur le fonctionnement d’un pays. Humour et taquineries ont été à l’honneur.Puis la politique

étrangère et le lynchage sur les Africains et les deux autres têtes qui dirigent l’Europe.

Au dessert, ces « dames » Charlotte Drac et Marjorie Bastide ont décidé de nous quitter en prétextantque les discutions

d’hommes politiques les agaçaient. À ma grande surprise, Charlotte Drac m’a proposé de les joindre.J’ai décliné, ne sachant

pas à quoi m’attendre et refusant de quitter l’étreinte que Dead m’offrait, son bras passé autour demes épaules, sa chaise

collée à la mienne, jalousant du regard les deux autres couples qui restaient côte à côte sans mêmes’accorder une preuve

d’affection.

Le plus « drôle » dans cette histoire, c’est que je n’ai pas besoin de me forcer pour faire comme si derien n’était. Et malgré

les événements, c’est la première fois en deux mois que je me sens en sécurité, auprès de l’hommequi m’a blessée.

Je sais être contradictoire.

La voix d’Aldéric me fait sortir de mes pensées. Sans doute est-ce le mot « Russes » qui m’ainterpellée ?

— Les Russes ne donnent pas de signe de vie, concernant nos accords de paix.

— Les Russes ne sont pas sortis de leur trou pour faire la paix selon moi, renchérit Bastide, enfinissant d’un trait son verre

de vin.

Mon amant soupire. Son bras se resserre, sans doute sans le vouloir, autour de mes épaules. Jedeviens très attentive, le sujet

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m’intéresse. Et même si je ne parle pas beaucoup, j’écoute. Je profite tant qu’ils parlent.

— Je rejoins Henry. Ils ne se montreront pas pour signer un accord de paix. Ils ont piraté mon réseauinformatique pour

balancer une vidéo annonçant leur grand retour. Ils veulent quelque chose.

En plus de ma femme, reste en suspens.

Je vois Drac me jeter un coup d’œil désolé. Je hausse les épaules. Je commence à m’habituer au faitque je dois faire partie

d’une querelle entre frères, beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, où la vengeance, la rancœur, etle deuil se mélangent,

pour le peu que j’en sais.

Drac s’appuie sur le dossier de sa chaise. Ses longs doigts fins et masculins, dont celui qui porte sonanneau de mariage,

jouent avec une queue de cerise. Il réfléchit quelques instants avant de reprendre la parole.

— Tu devrais saisir le Tribunal, Dead, par rapport à ce que les Russes ont fait.

Je fronce les sourcils, pensant avoir mal entendu.

Dead soupire à nouveau. Je sais que le sujet l’agace profondément, plus qu’il ne le voudrait, et pourune autre raison que la

mienne. Mais les véritables raisons, je ne les connaîtrai pas. Elles restent encore mystérieuses.

— Je sais, mais j’attends de voir si je dois déposer une requête ou si j’attends un peu pour en poserdeux en même temps. À

mon avis, ils vont m’en faire une autre.

Pas une fois, Dead n’emploie le terme, « mes frères » lorsqu’il parle de Dying et Died. C’est dire àquel point les mâles se

portent dans leur cœur.

Henry Bastide se met à rire. Ce vampire a un humour spécial. On dirait que tout passe au-dessus deson intérêt.

J’en profite pour sortir de mon silence et poser une question, sourire aux lèvres, avec autantd’innocence que je peux

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transmettre dans des mots.

— Le Tribunal ?

Les trois hommes autour de la table sortent d’une espèce d’ambiance habituelle et vieille comme lemonde. Drac se met à

sourire, visiblement ravi que je participe à leur conversation. Bastide me regarde, interloqué de voirque j’ai une langue. Je

lève les yeux en direction de Dead, ses yeux bleus me dévisagent avec plaisir. Il aime parfois que jem’intéresse à certaines

choses… je souris, je me noierai toujours autant dans ce regard pénétrant, et je me surprends àapprocher mon visage pour lui

voler un baiser.

Première preuve d’affection, venant de mon propre chef ! Je note la surprise chez Dead, etheureusement Drac reprend le fil de

notre conversation.

— Tu n’as pas parlé à ta femme de ce qu’était le Tribunal ?

Dead se tourne vers son ami. La main de mon amant vient chercher la mienne, et comme toujours,sans réfléchir, mes doigts se

nouent aux siens.

Mon corps me trahit à nouveau, et je peine à lui en vouloir.

— Non, je n’ai pas eu l’occasion de lui parler de ça, répond Dead.

— Je comprends, ce n’est pas un sujet qu’on aimerait aborder entre deux galipettes et un dîner. C’estplutôt chiant, et

compliqué à expliquer. Et puis, on en parle rarement lorsque les choses vont bien, poursuit lefrançais.

Drac fait un signe à Dead, celui qui veut dire « je peux lui expliquer ? ». Mon amant se contente dehocher la tête. Pourquoi

interrompre le français alors qu’il a l’air d’être un aussi bon orateur que mon conjoint quand cedernier se décide à parler.

Aldéric tousse, comme lorsqu’il fait un discours, et ce geste me fait sourire.

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— Le Tribunal, c’est la seule autorité que nous pouvons « craindre » nous, les êtres « supérieurs »,les vampires. Le

Tribunal est un groupe composé de cinq personnes. Quatre membres de Race différente, aussi âgésque la création de notre

Race, deux femmes, deux hommes…

— Le Cinquième est un chien ? je demande en souriant.

Aldéric se met à rire, Dead aussi. Seul Bastide lève les yeux au ciel. Ce vampire est agaçant !

— Le Cinquième est inconnu, Faith. Sa voix permet de trancher si les quatre n’arrivent pas à semettre d’accord, mais

personne ne sait qui c’est. Et c’est sans doute mieux.

— Et de quelle Race nous parlons ? Je demande.

— Loup-garou, Spectres, et Démon, je suis certain qu’au QG, dans la grande bibliothèque, tu aurasde quoi te renseigner.

Je souris, je n’y manquerais pas.

— Ils devraient se mettre d’accord sur quoi ? je questionne à nouveau.

Je sens une tension s’emparer de l’atmosphère autour de la table. Aurais-je touché un point faible ?

Drac s’apprête à me répondre, mais je me suis bien rendu compte qu’il touchait un sujet sensible.

— Mon Ange, contrairement à ce que tu crois, les vampires ne sont pas libres de leur propre choix.Bien que les Têtes

pensantes de ce monde fassent ce qu’elles veulent, avant de faire ce que bon leur semble, il leur fautune « autorisation ».

Je ne pensais pas avoir l’explication de mon amant de vampire.

— Attends, tu es en train de dire…

— Le Tribunal empêche qu’on se tape dessus les uns sur les autres. Nous sommes des vampires, nel’oublions pas. Nous

aimons le pouvoir, la conquête. Les plus âgés d’entre nous ont connu les siècles des découvertes.Nous taper dessus pour

prendre le continent de l’autre, c’est bien l’une des rares choses qui nous fassent encore vibrer.

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— Tu oublies les cuisses de ta femme, Aldéric.

Nos trois regards se tournent vers Bastide qui décide enfin de nous rejoindre dans la conversation.Les trois hommes se

mettent à rire, partageant un moment de complicité que seul un membre du sexe opposé peutcomprendre.

Drac tape l’épaule de son bras droit avec quelques bonnes claques.

— Mon pauvre Henry, les cuisses de ma femme ne me font plus vibrer comme il y a trois cents ans.Tu ne vas pas me dire

que celles de la tienne t’excitent toujours autant.

Bastide hoche la tête en affichant un air décontracté pour la première fois de la soirée d’ailleurs.

— Quand je la prends par-derrière, oui. Comme ça, je n’ai pas à la voir ni à faire semblant del’écouter pendant qu’on

baise.

Drac lève sa main et vient taper dans celle de son bras droit. Henry se tourne ensuite vers nous etaffiche un air moqueur.

— Je crois que le seul qui prend son pied avec sa femme, c’est bien Dead.

Bastide me jette un coup d’œil. Je lève les yeux au ciel. Je vis depuis bientôt deux ans avec unecommunauté de mâles

vampires qui, bien que portant un costume, savent parler comme des charretiers en petit comité.

— Je n’ai pas à me plaindre, renchérit Dead, habitué à ce genre de remarque.

— Mec, c’est parce que tu l’aimes, ta femme ! On en rediscutera dans cinquante ans, quand elle tebassinera pour la mettre

enceinte et avoir des vierges à boire plutôt que ta propre carotide.

Instinctivement, je me fige, et Dead aussi. Le sujet « enfant » nous fait vraiment perdre notre sangfroid, tant les conséquences

seraient dramatiques.

Je serre la main de mon amant, en priant pour qu’il parle à ma place.

Dead, comme à son habitude, maître de ses sentiments, trouve de quoi renchérir.

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— J’aime ma femme, et je l’ai épousée parce que je l’aimais, « mec ». T’as épousé la tienne et tul’as transformée

seulement parce qu’elle te suçait bien et qu’à l’époque, l’avoir comme épouse te permettait d’avoirune place importante dans

la société.

Bastide dévisage mon vampire, je comprends qu’il sait aussi pour notre union secrète, mais il ne lerelève pas, son verre de

Whisky à la main, abasourdi que Dead ait pu lui sortir cela, de cette manière. J’ai commel’impression que ces deux-là

s’apprécient parce que Drac apprécie Dead. Je m’attends à devoir affronter une série de rentre-dedans, très vampiriques et

machos au plus haut point, sur la façon d’aimer sa femme ou pas… mais le français me surprend.

— Exact, « mec ». Décidément, tu me le ressortiras sans cesse !

— Tu ne me branchais pas sur ma femme.

Le français termine son verre d’alcool d’un trait, en lançant un clin d’œil à Dead.

— T’avais pas de femme encore, t’avais que des histoires sans lendemain. Dead, le serial-baiseur, ceconnard en a fait

jouir plus d’une pendant qu’on suppliait la nôtre de bien vouloir nous laisser la baiser sans lui fairede gosses. Dans une autre

vie, j’aurais aimé être gay…

J’interromps le vampire sans réfléchir. Ses remarques « m’amusent », sa façon de parler de la familleen public, prônant

l’égalité, et l’augmentation de la population humaine, alors qu’en privé, ça a l’air d’être un drame.

— Pour des hommes d’engagements, vouloir fonder une famille n’a pas l’air de vous tenter.

Bastide me foudroie du regard. Je crois qu’il n’aime pas qu’on le contredise.

— Faith, tu as vu comment est Charlotte ? Ou même Marjorie ? Est-ce que tu aurais envie de faire unenfant avec elles ?

Je souris. Ma bonne compassion me tuera un jour.

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— Elles changeraient peut-être, non ?

Drac et Bastide se mettent à rire, et je les comprends. Je suis certaine que RIEN ne pourra fairechanger ces glaçons.

— Non, Charlotte n’a pas changé en trois cents ans. Elle ne changera plus. Je préfère me préserverd’une descendance

élevée par ma femme.

— T’as qu’à saisir le Tribunal, plaisante Dead.

Le Tribunal ! C’était notre sujet de conversation avant que les femmes et le sexe ne viennent altérerles explications du

français.

Drac le remarque aussi. Le vampire dénoue sa cravate, tout en parlant.

— Voilà un sujet qui était intéressant, le Tribunal. On en était où ?

— Tu me racontais que le Tribunal vous empêchait de vous taper dessus, lance Dead.

— Exact ! C’est un parti neutre. Ils forment une sorte de justice. Ils rendent des jugements lorsque dessituations deviennent

compliquées pour les vampires qui dirigent par exemple. On ne peut pas prendre de très grandesdécisions sans leur avis.

— Le Changement a été validé par ce Tribunal, je présume ?

Question sans doute stupide.

Visiblement pas pour le français qui a une réponse à cette question plutôt détaillée.

— Oui, tout comme notre place aux gouvernements. Pourquoi ç’aurait été nous et pas un autre ? Ons’est proposé en tant que

leader, personne d’autre ne l’a fait. On a eu leur accord. On fait appel à ces « juges » lorsque lesévénements nous échappent.

— Et vous respectez leur jugement, je renchéris.

— Oui. Tout le monde sans exception. Ils sont la sagesse. Ils réparent les conflits que les dirigeants etchefs rencontrent lors

d’injustices ou autre. Si demain, les Russes veulent attaquer ton pays, ils n’en ont pas le droit, et

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Dead peut faire intervenir le

Tribunal pour conclure un marché. Vu qu’on n’est plus en démocratie, on établit avec eux notresuccession si jamais nous

devions disparaître. Ils sont présents pour les grandes décisions.

— Je vois…

— Mais crois-moi, on n’a pas toujours ce que l’on veut avec eux. Ils savent te faire « payer » leursbons services, tu n’as

rien sans rien.

Comme tout dans la vie lorsqu’il s’agit de marchander avec des vampires. Je ne cache pas masurprise devant cette révélation.

Mais que Dead m’ait caché cela ne me met pas en colère. Je comprends, et je suis plus intriguéequ’autre chose. Mon côté

humain rebelle jouirait de voir les vampires obéir au doigt et à l’œil à une « force » supérieure.

Une question vient à l’esprit.

— Donc si ce Tribunal accorde un jugement ou une « validation », qu’est-ce qu’ils ont fait lorsqueCampbell a pété un

câble ?

Les trois vampires se raidissent. Et Dead décide d’intervenir.

— Le Tribunal rend un jugement. Tant qu’une requête n’a pas été déposée, ils ne font rien. Lorsqu’il ya eu le renversement,

tout est allé si vite que le Tribunal n’a pas cherché. Ils ont dit oui à toutes les têtes du gouvernement.Par contre, lorsque j’ai

fait mon coup d’État, j’ai reçu une lettre de leur part me soutenant dans ma démarche. Ce qu’onpourrait traduire par un « vous

avez bien agi, le pieu dans le cœur, ce n’est pas pour aujourd’hui ». Ils sont réputés pour être…froids.

Je hoche la tête, cernant un peu plus ces individus qui n’agissent que si on les sonne. Pratique lajustice vampire !

— Et pourquoi n’avoir pas agi après ?

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Bastide se fait un malin plaisir de me répondre.

— On n’a rien dit à Campbell parce qu’au tout début, il était d’accord avec nous. Après, c’étaitchacun ses affaires.

Je m’apprête à lui rentrer dans le lard, lorsque Dead, qui devait sans doute sentir mon énervement,vient mettre un terme à la

conversation. Il embrasse ma tempe, serre ma main.

— Voilà, mon Ange, tu as un autre aperçu de notre monde.

Je massacre du regard le français qui me sourit un peu trop faussement.

— Je trouve cet aperçu très intrigant.

Tout comme certains de tes alliés.

***

— Merci pour cette journée, Faith.

Je m’arrête au milieu des marches qui mènent à l’entrée de mon appartement, et fais face à Dead. Il ales mains dans les poches

de son pantalon de costume. Il dégage un air très détendu, malgré sa veste noire et sa cravate.

Il est tard. Nous sommes partis après le dîner, prétextant le travail du lendemain pour ne pas rester. Jepense que passer la nuit

dans le même lit après cette journée aurait été un peu trop brutal pour tous les deux. Deux mois deséparation, le manque… et

être aussi proches ? Beaucoup trop douloureux, et ingérable.

Je souris à mon amant, un peu fatiguée.

— Ne me remercie pas.

Je passe ma main sur sa joue bientôt râpeuse, en le regardant avec les yeux d’une femme qui, malgrétout, souffre du manque de

la personne qu’elle aime. J’ai apprécié cette journée, beaucoup plus que je ne l’aurais pensé.

— Ça m’a fait plaisir de passer plusieurs heures à tes côtés, comme avant. Ça me fait réaliser ce queje n’ai plus en étant

séparée de toi.

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Je suis sincère, et j’avais le besoin de lui dire.

Je remarque que ma confession ne laisse pas Dead indifférent. Sa voix est rauque lorsqu’il merépond.

— Mais tout ça, tu peux l’avoir encore.

— Oui… donne-moi du temps.

Regarde l’effort que je fais en disant cela ! Je passe du « je veux t’éviter », à « oui, donne-moi dutemps ».

Dead monte une marche. On se croirait dans les films romantiques où le héros dit au revoir à sacompagne en faisant une

grande déclaration. Heureusement Jack, le chauffeur, est payé à l’heure. Avec nous, il vaut mieux nepas être pressé.

— Je t’en donne à une seule condition. Ne me rejette pas si je tente de venir vers toi.

— Si nous passons des journées comme celle-ci…

— … et évite mon père.

— Dead…

Le vampire vient passer un bras autour de ma taille. Son corps se rapprochant un peu plus du mien.

— Évite mon père tant que je n’ai pas cerné ce qu’il veut…

— Il veut que je revienne vers toi. Le reste, je te l’ai dit.

— J’aimerais que tu reviennes vers moi, pour d’autres raisons que les siennes.

Dead monte une marche de plus sur l’escalier. Il serait à une hauteur parfaite pour voler un baiser. Jesens son souffle contre

mon visage, et ma poitrine se serre.

C’est dur de t’avoir si près, sans t’avoir pour de bon.

Le murmure du vampire résonne à mes oreilles comme une douce mélodie.

— Ne crois pas que je n’aime pas la femme pleine d’assurance et d’indépendance que tu es en trainde devenir. J’aimais

déjà la femme au caractère bien trempé. Tu changes, mon Ange, et c’est bien ! Seulement, je ne

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voudrais pas que tu aies à

regretter tes choix. Je ne veux pas que tu commettes d’erreur.

— On grandit et on avance en en faisant.

Mon père le disait souvent.

— Si tu as besoin de quoi que ce soit, renchérit mon compagnon.

— J’ai Trenton.

Dead ignore ma remarque. Je pense qu’il le fait exprès pour ne pas s’énerver. Je suis entêtée, et leshabitudes que j’ai prises

en deux mois ont du mal à passer.

— Je serai au QG.

Sa réponse m’interpelle.

— Tu n’es pas à la maison ? je demande.

— Non, je suis au QG depuis deux mois. Je n’habite plus à l’appartement.

— Pourquoi ?

Dead soupire.

— Parce que je préfère les murs impersonnels du QG à ceux de chez nous en sachant que tu n’es paslà. C’est trop calme.

Oh…

Normal, il n’y a plus les cris d’une hystérique réclamant sans cesse la vérité. Je refoule cette penséeainsi que la culpabilité et

la douleur qui reviennent puissance dix.

Le silence s’installe entre nous. Je ne sais que répondre à cela…

— Rentre bien, alors.

Misérable.

— Toi aussi… On se verra peut-être demain lors du compte rendu.

— Sans doute… Peut-être pourrait-on se voir pour parler de ce que tu veux que j’intègre dans ma

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réunion avec les femmes

vampires.

Dead hoche la tête. La situation est pathétique.

— Passe me voir dans mon bureau quand tu veux.

— D’accord.

Dead vient embrasser ma bouche dans un baiser rapide, qui me surprend. J’ai l’impression qu’on afait un bond en arrière de

plusieurs mois, quand au début de notre relation nous nous découvrions et que l’intimité n’existait pasentre nous.

— C’était tellement plus simple de tenter de t’avoir lorsque je ne devais pas réparer les dégâtscausés par ma propre faute.

— On n’a jamais fait les choses simplement, Dead.

Mon vampire sourit de bon cœur. Ses crocs dépassant de ses lèvres, et j’aime le voir sourire aussifranchement. Il dégage une

vision prédatrice, mais terriblement sexy.

— À bientôt.

— À bientôt… mon Ange.

Sans réfléchir, et parce que ses yeux bleus ne m’ont pas quittée du regard, je romps les dernierscentimètres entre nous. Mes

lèvres viennent s’écraser contre les siennes dans un vrai baiser d’au revoir. Comme ceux que je luidonnais lorsqu’il partait en

voyage d’affaires. J’aimerais lui faire comprendre ce que j’ai du mal à dire à présent.

Les bras puissants du vampire m’entourent, et sa langue vient se mêler à la mienne et je lâche prise.Nous nous embrassons

tard dans la nuit, sur le pas de la porte d’un immeuble, et je lèverai les yeux au ciel demain, en yrepensant, tant c’est cliché.

Mais, c’est un petit pas. J’accepte qu’on discute de cette grande réunion, en l’embrassant et en tentantde lui faire comprendre

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ce que je ressens au fond de moi. Et sans doute que rien n’est perdu.

Chapitre 9

Souvenirs et SMS

Trois semaines plus tard.

— Tu n’es pas toute nue ? Je ne risque pas de griller mes rétines en voyant ce que je ne devrais pasvoir ? Bien que ce ne

soit pas la première fois qu’une femme nue croise ma route !

Je fais un bond en entendant cette voix sortie des ténèbres, sombre, et peu rassurante, mais qui nem’est pas inconnue. J’arrête

de me sécher les cheveux ; mon regard vient fixer le miroir face à moi, et qui reflète une présencevêtue de noir, d’un

personnage dont je n’attendais pas la visite. Ce sourire malicieux et ce regard de pervers me fontréaliser que je suis toujours

habillée d’une simple serviette de bain et que mes cheveux noirs gouttent encore. Je n’aime pas être àmoitié nue devant un

homme qui n’est pas le mien ; mes réactions ont tendance à être exagérées. Je sens déjà la colère et lapeur me gagner.

— Non, mais je rêve ! Qu’est-ce que vous fabriquez, là ?! On n’entre pas dans la salle de bain desgens comme ça !

Sans réfléchir, j’attrape la première chose que j’ai sous la main, et lance le tube de crème hydratantesur l’intrus. Le père de

mon amant se met à rire. Il gratte de sa main gauche son bouc noir bien taillé ; ses yeux me lorgnenttoujours d’une expression

que je n’aimerais pas définir.

— J’espère que tu ne souhaites pas me faire partir en tentant de m’assommer à coup de produit debeauté ! La Mort ne

craint rien et encore moins les produits chimiques.

Je serre ma serviette contre mon corps, comme si le minuscule bout de tissu bleu marine allait cacherma semi-nudité.

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Je pointe du doigt la porte, histoire de renforcer mon désir de lui faire comprendre qu’il n’a rien àfaire ici.

— Sortez de cette salle de bain, bon sang !

— Je préférerais voir à quoi ressemble ma prophétie plus en détail, surtout si un jour, tu donnes lavie à un de mes

descendants…

Je soupire, plutôt que de hurler. J’ai compris en l’espace de deux mois que crier n’arrangerait pasmes problèmes tout comme

les éviter, mais ceux-là, je préfère encore les ranger dans une boîte sous mon lit et m’en occuper plustard. Je refuse de penser

à ma destinée, mais visiblement pas mon invité qui aimerait bien que je prenne le temps de m’ypencher bien que je le

soupçonne d’avoir des ambitions qui ne me plairaient pas si je les découvrais. Je préfère meconcentrer sur mon travail, sujet

que je maîtrise et qui ne me fait pas dévier vers des horizons que je ne maîtrise pas, et quim’effraient. J’ai déjà bien assez à

penser avec Dead. Le problème, c’est que même si je ne veux pas en parler, j’ai besoin, au fond demoi, d’en discuter, de

savoir. Et je sais que j’obtiendrai mes réponses auprès du père de mon amant seulement… j’aimeraisavoir toutes les cartes en

mains, et être certaine que je ne regretterai pas mes choix.

Faith, tu rêves trop quand tu as peur !

Mon rythme cardiaque s’accélère lorsque je vois mon intrus faire un pas vers moi. Je suis seule àl’appartement, ce soir, et je

commence à croire que la Mort fait exprès de me rendre visite en sachant que nous ne serons pasdérangés. La vie est vraiment

mal faite, et j’ai la poisse.

— Éloignez-vous, immédiatement…

— Sinon ?

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Sinon…

Je dévisage La Mort. Son regard changeant me transperce comme s’il tentait d’analyser ce qui seproduit en moi. Il me donne

l’impression de vouloir capter mes sentiments, ce que je ressens. Et je ne le cache pas, j’ai peur. Detoute façon, le fameux

Mortem sait vous mettre à l’aise, ou il vous donne envie de fuir. Mais ce regard et cette expressionme rappellent très bien

Louis, et le regard qu’il avait lorsqu’il venait se faufiler dans ma chambre la nuit pour abuser de moncorps. Si Dead a réussi à

panser ces plaies, les cicatrices demeurent et j’en ai les séquelles, comme celle de ne pas supporterle regard d’un autre

homme sur ma nudité.

La Mort esquisse un sourire. Je crois qu’il vient de comprendre quelque chose, et je sais très bienquoi. Monsieur a sans doute

dû déduire que mes réactions étaient dues à un traumatisme. Il se contente de venir poser le tube decrème qu’il a ramassé sur

le meuble à l’entrée de la salle de bains qui donne dans ma chambre. Elle est simple, remplie d’unmobilier noir dans une déco

made in vampire.

— Bon, habille-toi, rejoins-moi dans ce qui te sert de chambre.

Je reste statique, et me rends compte que je serrais de ma main libre le rebord du lavabo. Je pousseun profond soupir de

soulagement lorsque je le vois franchir la porte. Il se retourne vers moi lorsqu’il n’entend pas derépartie venant de ma part.

— Bel Ange, je n’ai pas que ça à faire, alors dépêche-toi. Être la Mort ne vous permet pas d’avoir unemploi du temps

flexible, et j’ai dû décaler plusieurs rendez-vous pour passer te voir au sujet de notre affaire.

— Nous n’avons pas d’affaire ! Je réplique sèchement, agacée des réactions qu’il provoque en moi.

Mortem soupire à son tour. Je sais que je l’agace aussi. La Mort toujours vêtue de sa grande caperessemble aux stéréotypes

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qu’on lui attribue. Il fait peur, mais dégage toujours cette sensation de paix.

Il plie son espèce de canne tout en me répondant.

— Si ! Nous devons te convaincre que ton mari t’aime pour toi, pour que tu puisses retourner auprèsde lui, et éviter de

déclencher certaines choses qui ne seraient pas bonnes pour la suite de la prophétie.

Cet homme est bouché ! Je ne sais pas en quelle langue je vais devoir lui dire qu’il est hors dequestion que sa prophétie se

réalise. Si je pardonne à Dead pour sa trahison et que je décide d’affronter ce boulet de canon qu’estcette révélation, je ne

risque pas de tomber enceinte pour que tout un autre merdier apparaisse.

Sans s’attarder davantage, Mortem passe la porte, la referme soigneusement, avec autant dediscrétion que lorsqu’il l’avait

ouverte pour m’épier.

Je soupire en me regardant dans le reflet du miroir. J’ai une tête à faire peur. Je suis fatiguée de cestrois dernières semaines.

Le travail va m’épuiser jusqu’à la moelle, et c’est là que je vois la différence avec les vampires.Eux, ils sont toujours en

forme, même avec des journées de quarante-huit heures.

Je m’attache les cheveux et renonce à me les sécher. Je m’habille rapidement en pensant à ces troissemaines. J’ai vu

régulièrement Dead en tête à tête pour organiser le G9 et mon rassemblement. J’ai apprécié deretrouver cette complicité, et

j’ai aimé sa façon de faire comme lorsqu’on venait d’emménager ensemble. Il me l’a dit : je vais tereconquérir. Et il le fait

plutôt bien… seulement le travail gâche un peu tout cela.

J’ai hâte que ce cirque se termine ! C’est bien trop tendu au QG.

Je finis d’enfiler mon t-shirt et sors de la salle de bains pour être accueillie par la froideur et lapénombre de la chambre, à

peine éclairée par une lampe de chevet. Mortem est allongé sur mon lit ; rideaux tirés, tout est lugubre

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avec lui.

— Pourquoi a-t-il fallu que tu sois brune ! J’aurais tellement aimé avoir une belle fille rousse ! Leroux c’est flamboyant

comme les flammes de l’enfer… le brun…

Je serre les poings. Cet individu est détestable au plus haut point.

— Vous êtes venu me faire des remarques sur mon physique ? je réponds sèchement.

Il faut dire que vêtue d’un bas de pyjama gris et d’un large t-shirt noir pour dormir, je suis loind’avoir la classe. Mais je suis

fatiguée, et je me fiche de l’avis de l’intrus.

— Non ! Ton style est plutôt sympathique pour ton temps, même si tu as tendance à préférer les jeansaux robes et vêtements

plus habillés pour ton travail. Je te confie mon mécontentement vis-à-vis de tes cheveux.

— Et après, ce sera mon tour de taille ? Parce que si vous voulez, on peut lister tous mes défautsmaintenant, on gagnera du

temps, les prochaines fois.

— Je n’ai pas à donner mon avis à ce sujet.

— Vous le faites bien pour mes cheveux !

— Je fais ce que je veux, Faith.

Ça, je l’avais compris.

Je lui fais signe de se lever de mon lit (Monsieur s’était mis à l’aise pendant que je m’habillais) etpars m’asseoir sur ce

dernier, regrettant de devoir faire la causette. Je suis d’ailleurs peu aimable en lui demandant ce qu’ilfabrique ici.

— Qu’est-ce que vous fabriquez ici, à cette heure-ci ? Je ne sais pas si ça se voit ou pas, mais jecomptais me coucher !

Vous vous ennuyez peut-être avec vos âmes et vos morts, mais moi, j’ai un travail et il vaudrait mieuxque je sois en forme !

Mortem, qui est allé s’asseoir sur le fauteuil près de mon lit, croise les jambes. Le voir en jeans me

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perturbe.

— Studieuse et avec du caractère ! Il m’arrive parfois d’aimer des femmes comme toi.

— Étonnamment, j’ai de plus en plus de mal avec les… individus comme vous.

— Ma pauvre enfant, tu t’ennuierais tellement avec un homme qui n’a pas cent mille péripéties à tefaire vivre.

Là-dessus, je ne peux pas le nier, « Mortem » a raison. Je crois qu’au fond, si Dead était un homme serésumant à manger-

boulot-dodo, je m’ennuierais. Je sais très bien que la vie palpitante de mon mari me passionne. Quece soit celle que je n’ai

pas vécue, ou celle que je vis à ses côtés dans ce monde politique. Seulement, ce sont tous ses secretsqu’il me cache, qui me

bouffe de l’intérieur, tant les conséquences de ses choix sont lourdes à porter.

— C’est… tout à fait vrai ce que vous dites.

— Je ne raconte jamais d’idioties.

Et allez ! Ça y va pour les chevilles !

— Et c’est pour cela que je suis venu te montrer mes souvenirs.

— Je ne suis pas certaine d’apprécier.

L’assurance qu’il dégage m’agace. Il se permet de se comporter comme étant quelqu’un de supérieurà moi – bien qu’il le soit

– tout cela parce qu’il a plus de cartes en main que moi.

La vie peut être incroyablement injuste.

— Ne t’en fais pas, je me suis préparé, je ne te montrerai que le nécessaire. Et je pense que voir ceque tu n’arrives pas à

croire, te permettra de comprendre, et cela nous fera gagner du temps.

— À vous entendre, on penserait qu’il va se passer une catastrophe d’ici peu…

— Il va s’en passer une et j’aimerais juste que cela soit à notre avantage.

Au vôtre, plutôt ! ai-je envie de lui dire.

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Je tente de cacher mon angoisse face à son commentaire. Il m’a lâché cela comme on dit un bonjour àun inconnu. La Mort n’a

pas de tact. Je sais qu’il sent ma réticence vis-à-vis de sa proposition. Je ne l’ai fait que rarement etc’était avec Dead ; j’avais

confiance en lui.

Mais Mortem ne se dégonfle pas, il me sort argument après argument.

Il fait un sans-faute à chaque fois, et je commence à croire qu’il lit en moi comme dans un livreouvert.

— Tu veux que je te dise, Faith, si tu es comme ça, malheureuse, aigrie, chiante et remplie deremords, c’est parce que tu es

rongée par la culpabilité et l’incertitude. Au diable la trahison, les mensonges ! Ton vrai problème,c’est de savoir si le

vampire qui t’a passé la bague au doigt et t’a donné son sang t’aime vraiment pour toi et pas pour ceque tu es. Tu pourras dire

tout ce que tu veux, je sais que c’est ça.

Mortem ne me laisse pas finir. Dès que j’essaie de renchérir, il lève le doigt pour me faire taire.

— Je sais être sympathique, Faith, malgré ce que tu as lu, ce que tu peux penser de moi, ou ce qu’on apu te dire…

— Vous faites seulement ça dans votre propre intérêt. Et même si c’est ce dont j’ai besoin, c’estfranchement dégueulasse.

— Certes, mais tu as besoin qu’on te montre la réalité, qu’on t’affirme que Dead n’a pas menti. Et sicela peut paraître

stupide, c’est stupide. Je sais que c’est seulement lorsque tu sauras ça, que tu pourras avancer etpardonner à mon fils. Sa

force, malheureusement pour moi, c’est toi. Alors, tu vas te bouger, ma chère, tu vas me donner tesmains et tu vas regarder.

— Oh non, vous rêvez, vous n’allez certainement pas vous allonger à côté de moi pour faire votretruc bizarre !

La Mort pousse un long soupire. Il ne me cache pas son mécontentement. Je le regarde se lever ets’accroupir face à moi. Il

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tend ses mains vers les miennes posées sur mes genoux.

— Ne résiste pas, ferme les yeux et laisse-moi te montrer.

— Je sais comment…

Je ne termine pas ma phrase. Une série d’images envahit mon esprit. Au début, c’est assez flou etsombre. La pièce que je vois

est simplement éclairée par des torches et des flambeaux. Une sorte de table en bois, avec autour,trois individus ; tous aux

cheveux longs noirs comme l’ébène ; deux hommes, dont un plus jeune, et une jeune femme. Je n’aipas besoin de réfléchir à

savoir qui est qui. J’ai en face de moi, Dead, Decease et leur magnifique petite sœur de presque lemême âge que mon beau-

frère. Elle est souriante, bien que je sente des tensions à cet instant. Elle serre la main de moncompagnon, et lui parle dans une

langue je ne connais pas.

— Elle lui dit de ne pas s’en faire, qu’il est normal de douter dans leur position, et que la quête estcompliquée.

J’apprécie d’avoir les sous-titres. La langue à l’air très ancienne. Sans doute est-ce la même quecelle écrite dans l’exemplaire

de la Bible chez le prêtre fou…

Je sursaute en croisant dans ce flash black un individu ressemblant au fameux prêtre, mais il n’a pasde capuche qui cache son

visage. Je vois l’horreur qu’on a tenté de me cacher. Le non-humain dépose une jarre sur la table ets’éclipse rapidement,

laissant un bout de la fratrie seule.

— Ce sont des âmes damnées. Elles sont à mon service. L’aspect squelettique qu’ont ces « prêtres »comme tu le dis, ce

sont les âmes sous un état physique. Le prêtre que tu as rencontré était le serviteur de ma fille. Unpauvre fou…

Les images continuent. Je vois mon amant très énervé. Je le sens, à vrai dire, en plus de découvrir unpassé que je n’ai jamais

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connu. J’ai l’impression d’entrer en eux, et de ressentir tout ce qu’ils ont vécu sur le moment. Dead selève de la table. Je

remarque la tenue très « ancienne » par rapport à ses costumes de marques. Je n’arrive pas à mesituer dans le temps. Mais

voir mon amant en tunique, les cheveux longs, et un bout de son tatouage sur son bras me feraitpresque succomber à ce

personnage si mâle.

Il commence à faire de grands gestes tout en parlant vite.

— Dead dit qu’il déteste cette vie de misère où ils doivent attendre quelque chose dont ils ignorenttout, et quelles seront

les conséquences avec Died et Dying. Il hait le fait de devoir sacrifier quelqu’un à une telleresponsabilité. Il trouve mon geste

déplacé, égoïste d’avoir voulu qu’une nouvelle Race s’enclenche.

Decease jette un œil à sa petite sœur. Voir mon beau-frère comme mon compagnon me trouble. Laressemblance est encore

plus frappante. Il se met à taper du poing sur la table, ce qui a l’air d’agacer Dead. Je ressens sacolère, son agacement. Le

vampire est à bout, et je ressens bien cette haine, surtout lorsqu’il répond à son frère.

— Dead répond à la remarque de Decease. Ce dernier lui dit qu’ils ont un devoir. Et ton marirétorque en disant que le seul

devoir qu’ils aient à faire pour la prophétie, c’est de la traquer et l’éliminer pour empêcher qu’ellene tombe entre de

mauvaises mains.

Je ressens la rage et une terrible envie de meurtre qui me glace le sang. Je comprends alors laremarque de Dying, lorsqu’il

m’a dit que Dead voulait ma mort à une époque. Effectivement, je viens d’avoir le direct, et même sije n’ai pas la traduction

mot à mot, je sais que Mortem ne me ment pas, je ressens tout.

Une série de flashs back vient m’aider à comprendre pourquoi j’ai vu ce souvenir précis. Les tueriessanglantes de Dying, les

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viols des femmes, les souvenirs de bagarre entre Dead et son aîné. Ses sentiments de haine et decolère envers son frère.

L’inquiétude. La peur que tout ceci génère. Les longues années qui passent et qui renforcentl’animosité. Je vois mon amant

devenir un homme au fort tempérament, qui finit plongé aux côtés de son frère dans une eau sombreaprès avoir contredit la

Mort vis-à-vis d’une opinion concernant l’avenir de la prophétie. Je me sens resserrer la prise demes mains, face à la douleur

que je ressens. Dead a autant souffert que lorsqu’un humain se brûle la main.

Je vois la fratrie changer de siècle, de lieu, de vie. J’arrive dans un siècle que je situerais vers la finde l’Antiquité, après des

années de bagarre et de blessures, de sacrifices vis-à-vis du comportement de Dying. Une grandecompétition a commencé

entre les deux frères, mais surtout, je sens Dead rongé par l’inquiétude et l’envie de mettre un terme àtout ceci. J’arrive même

à penser que la seule personne qui l’apaisait un peu était la présence féminine de sa sœur.

Puis, les flash-back m’amènent à un souvenir des plus violents. Une dispute un soir près d’uncampement. Dead et Dying

hurlent. Mortem ne me traduit plus rien depuis un moment ; je dois me contenter des images et duressenti. Je sens mon amant

bien décidé. C’est alors que Deaths, simple spectatrice, décide de s’interposer entre les deuxhommes. La scène se déroule

sous mes yeux avec une telle rapidité, que j’en ai le souffle coupé. Dying dit quelque chose à Dead enlui souriant sadiquement

avant d’attraper sa sœur. Il l’attire contre lui d’un mouvement fluide et, avant que les deux benjaminsne bougent, il tranche la

gorge de la jeune femme. Le sang envahit mon esprit, et la terrible douleur de la perte d’un être aimé.Je ressens le chagrin, le

besoin de vengeance et la haine envers moi, la prophétie, sans qui rien ne serait arrivé, et envers sonaîné. Dead aurait pu

devenir fou à cet instant, je le sens.

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Les images du corps sans vie de la belle femme vampire s’estompent pour laisser place à uneséparation des plus tendues.

Dead et Decease d’un côté, les deux autres, d’un autre.

— Dying dit à son frère que tout se joue entre eux deux à présent, et que le premier à trouver laProphétie sera le gagnant.

Dead lui répond sèchement qu’il ne touchera plus jamais à une femme de valeur comme leur sœur etpour cela, il jure de faire

en sorte que tu ne représentes plus une menace lorsqu’il te trouvera. C’est à ce jour que le vœu desilence a été prononcé.

J’écoute les commentaires de la Mort avec attention, mémorisant chaque image, tentant de lescomprendre. Je vois les siècles

après la séparation, Dead et Decease, la peine, la joie. Le fort sentiment de complicité qui les unittous les deux me fait chaud

au cœur.

— Il s’était juré de te tuer lorsqu’il te trouverait et pourtant…

Les images qui me parviennent sont celles de notre rencontre, le choc de Dead lorsqu’il mereconnaît… je vois pour la

première fois, le symbole dans mes yeux, le même sigle que sur la Bible et sur le torse de monvampire. Je sens le désespoir,

l’euphorie, et la colère chez mon amant alors qu’il me sourit naturellement. Si j’avais sentil’assurance et la conviction jusqu’à

présent, maintenant je sens le trouble et l’incertitude chez Dead alors qu’il me croise dans ce couloir,lorsque j’ai tenté de fuir

de chez Louis. Je sens que je l’attire, que je le trouble… et puis vient le moment où il se enfin décideà me mordre. Je

comprends qu’il l’a fait dans l’unique but de me protéger de Louis, de moi-même et de la possibilitéque Dying découvre que

j’existe. Je vois une conversation avec Decease par téléphone. Je me demande encore où était monbeau-frère et comment

Dead a fait pour être si loin de son frère. Les deux sont complices. Ils ont besoin l’un de l’autre dansdes moments difficiles.

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Je revois la scène dans les toilettes du gala. Il m’a mordue. Il est fier de lui, mais dans le doute leplus total.

Les flash-back s’accélèrent, tout comme les sentiments au fur et à mesure des semaines tandis quenous commençons à nous

connaître. Ce besoin de protection qui naît en lui, et qui repousse celui de la vengeance et de lapromesse qu’il s’était faite.

Puis vient le moment où il comprend que c’est plus qu’un besoin de protection, lorsqu’il m’emmènedans notre chalet à Aspen.

Je serre les paupières et sens une boule dans ma poitrine au fur et à mesure que ses sentiments meparviennent. C’est fort,

possessif, incompréhensible pour moi étant humaine. Mais il m’aime comme un vampire aime. C’estindescriptible, mais c’est

sincère, vrai, et je comprends que c’est pour moi qu’il m’aime, pour ce sale caractère qui m’estpropre. Ma complexité, mes

blessures, nos grands moments de joie, nos disputes et nos réconciliations… mais surtout notrecomplicité.

À présent, mis à part l’amour, l’inquiétude, et ce besoin de me protéger envers et contre tout, je neressens plus la moindre

animosité envers ma destinée. Il a peur pour moi, simplement.

Les flash-back cessent, Mortem lâche mon esprit et mes mains. Je réintègre la réalité, essoufflée etfatiguée.

— Ce n’était pas seulement vos souvenirs…, je murmure.

J’ai les yeux encore fermés, fatiguée.

— Non, en vérité, tout ce que tu as vu, je les ai volés à mon fils.

Je me fige, il est gonflé !

— Et Dead le sait ? je demande.

Un rire masculin et moqueur me fait ouvrir les yeux. Mortem se redresse. Il est resté accroupi duranttout le long de ce

« voyage ».

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— Pourquoi j’aurais dû lui demander, sérieusement ? Je fais ce que je veux.

— Ç’aurait été la moindre politesse de demander.

— Je ne demande jamais. Ne te plains pas, tu as eu ce que tu voulais.

— Sans doute, mais…

J’ai soudainement la tête qui tourne vraiment alors que j’essaie de me lever. Très vite, je renonce ettente de m’asseoir, mais je

pense que je penche plus vers l’avant qu’autre chose.

Deux grands bras me retiennent et m’aident à m’asseoir.

— Ce n’est rien, c’est le contrecoup de ce que nous avons fait. Voyager dans les souvenirs dequelqu’un, ressentir des

émotions qui ne nous sont pas propres est une expérience très fatigante.

— Je n’ai pas besoin d’aide pour m’allonger !

La Mort ne m’écoute pas. Il vient, remet en place mes oreillers et d’un geste habile qui m’insupporte,il m’allonge sur le

matelas, telle une pauvre âme blessée. J’ai horreur de paraître faible.

J’adresse au père de mon amant un regard assassin qu’il ignore. Il montre bien que la situationl’amuse. Pas moi.

Je penserais presque somnoler, comme si j’avais une baisse de tension. Je me sens très fatiguée. Mesyeux se ferment tous

seuls. C’est pire qu’un somnifère, ce truc ; cette expérience renversante nous shoot l’esprit. J’ail’impression d’être

déconnectée…

— Dors, Bel Ange…

Le murmure presque inaudible me réveille soudainement. Je me redresse d’un bond, et manque de mecogner la tête contre

celle du fameux Mortem. Je lui adresse un regard noir rempli de lassitude. Mon doigt le pointe,autoritaire. Je ne compte pas le

laisser agir à sa guise comme il l’entend.

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— Ah, stop ! Le seul qui ait le droit de m’appeler mon Ange, c’est mon mari.

La Mort se met à rire. Il me sourit tout en levant les yeux au ciel. Il me donne l’impression que maremarque l’indiffère comme

à son habitude, et je sens qu’il va savoir me rentrer dedans pour avoir le dernier mot.

— Tu n’es plus avec ton mari.

— Figurez-vous qu’on tente de remonter la pente !

Bien, Faith ! Tu lui réponds du tac au tac !

Je serre le drap noir en satin, le père de mon amant me met toujours mal à l’aise. Il sait vous fairerire l’espace d’un instant,

vous passionner un autre, pour finir par vous glacer le sang, lorsqu’il jette ce regard noir assassin quiinsinue tellement de

choses indescriptibles. L’ambiance qu’il dégage est plus que morbide, mais pourtant apaisante. On nesait jamais sur quel pied

danser avec lui. De plus, ce personnage a l’air d’avoir un sacré caractère, et aime avoir le derniermot.

— Ah bon ? Qu’est-ce que tu fabriques chez le meilleur ami gay, dans ce cas ?

Je fais la moue, vexée de voir que « Papa Vampire » arrive toujours à renchérir sans se creuser lesméninges. Il m’agace ! Et

j’ai tendance à vite perdre patience avec lui.

— Je suis difficile, j’ai besoin de temps. Cela fait deux mois qu’on ne s’était pas vus ! Excusez-moisi je dois faire face à

l’annonce d’un tel choc, comme le fait que je sois une « prophétie », que mon mari m’ait menti, et queje doute de ses

sentiments…

Mortem n’hésite pas à m’interrompre, ce qui m’énerve un peu plus.

— Concernant ceci, je pense que notre rencontre d’aujourd’hui t’a éclairée un peu, je me trompe ? Tuas toutes les cartes en

main pour comprendre pourquoi il a agi ainsi. Tu as été en colère, maintenant, il faut passer à autrechose.

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— Effectivement, mais comme dit un vieux dicton, la nuit porte conseil, alors… laissez-moi la nuitpour réfléchir à ce que

je viens de voir.

— Faisons un pari, Bel Ange.

— Non.

— Faisons un pari, quand même.

Mortem claque des doigts. Une sorte de fumée noire apparaît près de sa main ainsi qu’un carnet noiren cuir, apparu comme

par magie, et un stylo, ressemblant à un Mont-Blanc, ceux que Dead utilise pour signer ses papiers. Jeme frotte les yeux pour

être certaine d’avoir bien vu. Oui ! Il vient de faire apparaître quelque chose, je ne suis pas folle. J’aila Mort, la Faucheuse en

face de moi, difficile de faire plus surréaliste !

— Je parie qu’avant tes prochaines règles, tu seras retournée dans les bras de mon fils.

— Vous êtes répugnant, je l’interromps.

— Je me fixe à ton odorat, ma chère.

— Fixez-vous au calendrier lunaire plutôt !

Mortem lève à nouveau les yeux au ciel. Ses yeux passent au vert.

— Disons que, dans une semaine, je parie que tu auras pardonné à mon fils… (Je le vois noterquelque chose dans son

calepin. Il lève ensuite ses yeux violets vers moi) et toi ? Qu’en dis-tu ?

Je soupire et glisse une mèche rebelle de mes cheveux derrière mon oreille. J’ai envie de dormir, pasde l’écouter me dire des

bêtises.

— Je dis que les choses doivent se faire dans leur temps.

— Ce que tu es ennuyeuse, Faith ! Je me demande ce qui doit t’amuser si ce n’est le joujou que monfils possède !

Je le regarde, outrée qu’il pense que je ne sais m’amuser que dans le sexe. Je ne suis pas ainsi, je

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suis seulement difficile.

— J’avais parié avec un des derniers Anges qu’Alexandre le Grand décimerait une autre contrée toutentière avant de se

faire tuer lui-même…

— Un des derniers Anges ?

— Oui, les Anges de la Bible, Faith. Il y en avait autant que mes fils, et ma fille. Cinq anges déchus,beaux comme des

dieux, respirant la bonté (je remarque la grimace de dégoût que la Mort me fait), tous blonds aux yeuxbleu clair. Bref, des

poupées Barbie, stupides et prônant le bien et le respect de son prochain. Lorsque tout a commencé àtourner au vinaigre, peu

de temps avant que mes fils ne se séparent, Dying les a tous tués. Un par un. Plus d’Anges, plus deconcurrence ! Je crois que

c’est la seule fois où j’ai été fier de mon aîné.

Sa façon de voir la fierté me répugne. Je ne manque pas de le lui faire comprendre en pointant dudoigt un événement qui

touche son aîné.

— Vous l’avez été autant lorsqu’il a tué votre propre fille ? Vous l’êtes autant quand vous voyez vospropres enfants se

déchirer ? Je ne les ai pas vus ensemble, je ne les connais que séparément, mais vos fils se portentune haine immense, pour

des centaines de raisons que j’ignore.

Je vois que la Mort serre la mâchoire, aurais-je touché un point sensible ?

Même pas.

— Deaths était une victime collatérale de la quête pour la prophétie. Une femme pense trop, unefemme n’apporte que des

ennuis. Lorsque je te vois avec mon fils, cela ne fait que confirmer ma théorie. Deaths aurait fini parmourir de toute façon, et

je ne peux pas me sentir malheureux de l’avoir perdue, puisque j’ignore ce qu’est la peine, la

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douleur, et le chagrin, je ne

connais pas tout ceci. Je connais seulement les bienfaits que ces ressentis me font éprouver : duplaisir et du bien-être. Plus les

gens souffrent, plus je me porte bien. Les sentiments douloureux me sont aussi équivalents qu’unorgasme, ou une bonne bouffe.

Pourquoi je serais triste de savoir que ma fille est à mes côtés dans mon royaume ? Et évidemmentque je suis fier du chaos qui

règne. Quant à mes fils, je laisse court au libre arbitre, je ne m’en mêle jamais… mis à partmaintenant. Mais à présent, tout est

différent.

Je suis abasourdie par un tel discours. Dead a raison ! Son père est un monstre sans cœur qui n’estmême pas touché par la

mort de sa seule fille. Je reste sans voix. Je ne sais que répondre à cela. J’aimerais pourtant, mais jen’y arrive pas, tant je suis

surprise.

— Vas-tu retourner vivre auprès de ton mari ? renchérit La Mort.

Lui ne perd pas le nord, par contre.

— J’ai besoin de la nuit pour me décider.

— Tu n’as plus le temps de réfléchir…

— Oh, si !

Il m’interrompt avec son air « De toute façon, je sais tout et pas toi ». Debout face à moi, il n’est pasrassurant.

— Non, parce que dans trois jours, lors de votre petite réunion, tout le monde va devoir faire unchoix, toi y compris et…

— Alors, pourquoi avoir attendu autant de temps pour venir ?

— Je n’avais pas que toi comme corvées, et puis j’aime les défis, Faith, et l’imprévu et l’incertitude ;j’aime savoir que

tout peut se jouer en une fraction de seconde ; et puis, pourquoi je serais venu avant, sachant commenttu aurais repoussé ce

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moment. J’ai bien compris aussi que votre réunion vous permettait, à Dead comme à toi, de vousoccuper l’esprit et d’ignorer

le manque de l’autre. Maintenant que vous n’avez plus d’excuses pour repousser l’inévitable, vousallez devoir faire face à

votre destinée.

Mortem ressemble à ces gourous de sectes. S’il pense que je vais lui obéir au doigt et à l’œil parcequ’il m’a montré des

choses qui vont m’aider à comprendre Dead il se trompe carrément !

La Mort se penche vers moi, il me glace le sang.

— Tu as trois jours pour savoir si tu veux affronter les prochains événements avec ton mari ou touteseule, en sachant que tu

ne sais rien de ta prophétie de ce qui pourrait se passer… Dead te parlera, Faith, si tu reviens. Seuleou avec celui qui t’aime.

— Vous ne vous rendez pas compte de la position que vous occupez. Vous savez déjà ce qui va seproduire, vous jouez avec

nous, en réalité. Je me trompe ?

La Mort me sourit à pleines dents. Ses yeux passent de violet à rouge sang, ce qui le rend terrifiant.

— Tu as tout compris. Je m’amuse, je ne te le cache pas. Mais même si je sais comment tout ceci vase finir, pour que cela

se produise, il faut que j’intervienne. De plus, savoir que tu… vous me devrez tout, me remplit d’unejoie dont tu ignores

l’ampleur.

— Je ne vous aurais jamais imaginé ainsi.

— Ça tombe bien ! Moi non plus. Je t’avais imaginée plus docile, mais ça, tu le sais déjà.

Mortem remet sa cape et sort de la poche de son pantalon sa canne qu’il déplie.

— Je vous avais imaginé plus aimable, bien que terrifiant. J’espérais qu’un homme qui prend letemps de traduire une bible

aurait un semblant de courtoisie.

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— Je suis la Mort, pas Dead. N’espère pas l’irréalisable avec moi. Tu ne me feras pas changercomme tu as fait changer

mon fils.

Il m’adresse un sourire et une révérence des plus aimables, avant de faire son « tour » de passe-passepour disparaître. Tout se

produit si vite que j’ai du mal à réaliser que la Mort possède des talents qui ne sont pas propres auxvampires.

Je m’effondre contre mes oreillers, et me glisse sous les draps et l’énorme couette en poussant unsoupir, fatiguée. Je fixe le

vide en pensant à ce que j’ai vu.

Le temps semble s’arrêter un moment ; je suis perdue dans mes pensées ; je fais le tri, j’analyse, jetente de tout comprendre, et

mis à part me déclencher un mal de crâne, rien ne vient.

Je tends le bras vers ma table de chevet ; à tâtons j’arrive à trouver mon téléphone portable. Je lesaisis, déverrouille l’écran

tactile où une photo de Dead et de moi apparaît. Elle date de notre « non officiel » voyage de noces.Mon amant a sur cette

photo une expression de jeune homme de trente ans, détendue, sans le poids du pouvoir, desobligations. Il est beau, et

amoureux… et bon sang, ce qu’il me manque ! Sans y réfléchir à deux fois, je clique sur l’applicationde la messagerie, ouvre

la conversation par SMS avec Dead. Mes doigts tapent tous seuls, écoutant mon cœur et pas ma têtequi me dit d’y réfléchir à

deux fois.

Y’en a marre de réfléchir.

Moi, 01h08 : Tu me manques, je t’en prie, attends-moi encore un peu.

Je pose le Smartphone sur ma poitrine, et j’attends. Je sens mon rythme cardiaque s’accélérer,craignant au fond de moi que je

n’aie aucune réponse. Il est tard, mais cela m’étonnerait que Dead dorme déjà. D’après Ripley,pendant que nous dînions tous

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les trois ici avant qu’il ne parte avec Trenton je ne sais où, il m’a confié que Monsieur le Présidentavait quasiment élu son

bureau pour domicile. Davantage depuis que la date butoir de préparation à ce G9, n’arrive. Jecomprends Dead, et ce boulot

monstre qu’il doit avoir ; j’ai eu à peu près le même. Vivement que ce cirque cesse, que ces quelquesjours en compagnie de

ces grands Messieurs passent vite, qu’on puisse se concentrer sur autre chose.

Je sursaute en sentant vibrer mon portable. D’une main tremblante, je viens ouvrir le message de monamant.

Dead, 01h13 : Toi aussi, tu me manques mon Ange… et je t’attends, même si c’est pénible,

inconfortable et douloureux. Je t’attends malgré tout.

J’esquisse un petit sourire. Je reconnais ce côté Monsieur Patience de nos débuts ; je reconnaisl’homme qui m’a attendue sans

sourciller, avec une patience incompréhensible. Dead est et restera à jamais impénétrable sur certainspoints pour moi, et c’est

cette part de mystère que j’aime chez lui, quand elle ne m’effraie pas.

Je tape sans réfléchir une réponse, pensant que mon compagnon doit se demander pourquoi cesoudain SMS.

Moi, 01h15 : J’ai parlé à ton père, ce soir…

La réponse ne met pas longtemps à arriver.

Dead, 01h17 : Je m’en doutais.

Dead, 01h17 : Il ne t’a pas fait de mal ?

Je reconnais bien le côté mâle surprotecteur qui lui est propre. Celui qui me fait tantôt lever les yeuxau ciel avant de me faire

fondre.

Moi, 01h18 : Non, je vais bien… je crois que ton père m’a fait ouvrir les yeux.

Dead, 01h20 : À propos de ?

L’innocence ne te va pas, Monsieur Patience. Je sais très bien qu’il sait déjà ce que je veux dire, mais

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qu’il veut que je le dise

de moi-même.

J’écris un premier SMS que j’efface ; il était trop long, trop rempli de « et », et de « ton père », et demots que je n’ai pas à

employer si je ne veux pas gâcher ce moment. Je me contente d’une réponse brève.

Moi, 01h25 : Nous.

Dead, 01h27 : Je dois en déduire que sa visite n’a pas été inutile.

Moi, 01h29 : Non, pas le moins du monde.

Moi, 01h30 : Il m’a aidée à comprendre ce que je n’arrivais plus à voir avec tout ce qu’il y avait

autour de nous, tous ces éléments nuisibles qui me font douter.

Moi, 01h33 : Il m’a montré ce que tu avais au fond de toi…

Je regrette déjà ma dernière phrase ; je ne sais pas si avouer que son père lui a « volé » ses souvenirsva lui plaire. J’ai cru

comprendre qu’une sévère animosité existait entre le paternel et le fils rebelle.

Plusieurs minutes passent. Je me demande ce que va me répondre Dead. Mes yeux se ferment tousseuls. Cette expérience

« temporelle » dans le passé et les sentiments de mon amant m’a épuisée tellement que je pensem’endormir un peu avant de

sursauter en sentant le vibreur.

Dead, 01h35 : Mes souvenirs ? Mes… sentiments ?

Dead, 01h40 : Mon Ange ?

Je n’avais pas entendu son premier message.

Moi, 01h45 : Oui…

Moi, 01h45 : …fâché ?

Dead, 01h46 : Est-ce que cela t’a aidé ?

J’hésite un instant avant de répondre. C’est étrange de se dire, qu’en trois mois de réflexion, il m’a

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fallu une seule visite pour

réussir à ouvrir les yeux. Mais Mortem a fait fort. Si je m’attendais à de longs débats, des cris et dessoupirs, je vois qu’il

s’est penché sur la manière de me faire comprendre sans perdre de temps, et il a trouvé. La Mort aréussi à me cerner plus vite

que je ne l’aurais cru.

Moi, 01h49 : Oui, je pense que cela va me permettre de réfléchir… j’ai tout vu, Dead… et jevoudrais

qu’on en parle lorsque toi et moi, on pourra se voir.

Dead, 01h52 : On parlera, je te le promets.

Dead, 01h52 : Mais quand ?

Moi, 01h53 : Bientôt.

Aie, aie, aie ! Je fixe l’écran éclairé qui m’indique que les minutes passent. Je n’obtiens pas deréponse et je sens que je vais

recevoir un roman qui sera dépourvu de sympathie. Je pense que j’aurais dû davantage m’expliquer.

Je m’apprête à renvoyer un SMS lorsque mon portable vibre.

Dead, 01h58 : Mon lit est froid. Ma chambre est silencieuse, mon « appartement » est mort. Je

n’aime pas ça. Je suis seul, et je n’aime pas ça non plus, et je suis en colère après toi, après moi! Je

suis franchement agacé par cette situation ! Tu voulais de la stabilité, il y a quelques mois, jeveux de

la sécurité ! Je veux être certain de ne plus jamais avoir à vivre ce genre de situations. Je suisun

vampire, Faith. Je ne sais pas gérer tous ces sentiments. C’est beaucoup trop compliqué pour

moi avec toutes mes responsabilités ! Pourquoi il t’est plus simple de m’envoyer un SMS enpleine

nuit, plutôt que de venir ? Pourquoi ne viens-tu pas, Faith ? Qu’est-ce qui t’empêche de revenirvers

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moi, maintenant, vu que tu sais ce que je ressens ?

Un point pour moi, j’aurais dû davantage m’expliquer. Mais Dead n’a pas tort. Pourquoi n’ai-je paspris mes clés de voiture ?

Ou bien j’aurais pu faire travailler un des sbires en bas de chez Trenton, pour qu’il m’emmène voirmon mari… Je pense que

j’avais peur de la réaction de Dead et que le SMS m’a paru plus simple. Il ne sentirait pas monstress, ma peur et ma tristesse

d’avoir à vivre tout cela.

Je réponds sans difficulté ; les mots glissent tous seuls. C’est étrange comme ce soir tout a l’air plussimple.

Moi, 01h59 : Le fouillis dans ma tête… et puis aussi la dernière ligne droite pour la réunion duG9.

Dead, 02h03 : Au diable cette putain de réunion, je veux retrouver ma femme. Ne trouve pas

d’excuses, s’il te plaît !

Je n’ai pas besoin de l’avoir en face de moi pour comprendre qu’il est énervé.

Moi, 02h05 : Laisse-moi cette nuit… passons ce G9 et… je reviendrai, Dead. Mais ne mêlonspas

politique et amour. Pas dans notre cas, pas avec tout ce qui nous entoure. Si je reviens, ce serapour

ne plus partir. Mais revenir alors que nous avons cet événement stressant dans nos vies n’estpas

bon.

Je ne cherche pas à me trouver des excuses. Je nous connais tout simplement. Je connais les réactionsque nous avons après

une sévère dispute. Nous avons besoin de passer beaucoup de temps seul à seul. En intimité. Etmalheureusement, la visite de

Mortem, son petit show révélateur, n’est pas tombée au meilleur moment dans notre planningpolitique. Dead est stressé par

cette réunion, et je ne veux pas rendre les choses compliquées. Ce qui va se passer dans trois jours

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est très important pour la

suite des événements. Je ne reviendrai pas sur ma décision de toute façon, je le sais déjà.

Dead, 02h08 : Comment tu peux en être certaine maintenant ? Tu as douté pendant trois mois,

Faith ! Je ne veux plus de faux espoirs. J’ai passé ces trois dernières semaines avec toi à faireen

sorte de te reconquérir… je te l’ai dit, toi et moi, ce ne sera jamais fini.

Non, ça ne sera jamais fini. Et Dieu merci, je commence à être reconnaissante du geste de Mortem.Comprendre m’éclaire sur

mes sentiments, et sur les actes de mon vampire. Au fond, il a bien agi, et j’ai eu mon temps decolère.

Je réponds rapidement :

Moi, 02h14 : Je le sens, je sais que c’est le bon moment. C’est flou, je ne suis pas sûre d’un tasde

choses et tu m’as bien appris à me fier à mon instinct lorsqu’il s’agissait de nous… Fais-moi

confiance.

Dead, 02h17 : Je t’aime.

C’est une réponse brève, simple, mais qui veut tout dire. Dead ne s’éternise pas avec un longdiscours, et ces trois mots

résument tout ; pas besoin de plus pour le comprendre.

Et pour la première fois depuis trois mois, je n’ai pas cette boule au cœur lorsque je tape sur monportable ces huit lettres,

elles viennent naturellement, parce que c’est ce que je ressens.

Moi, 02h20 : Moi aussi, je t’aime.

Dead, 02h22 : Bonne nuit, mon Ange.

Dead, 02h22 : Et ça ira, j’ai confiance en toi.

Moi, 02h24 : Bonne nuit à toi aussi… Monsieur Patience.

Je me glisse dans mes draps, le portable toujours en main, espérant un autre message. J’ai peur

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d’avoir cette sensation de

solitude naître, ce soir.

J’en suis certaine, la visite de la Mort m’aura permis de comprendre beaucoup de choses, surtoutcelles sur mon amant, mais

en comprenant, j’ai cette solitude qui me pèse.

Je n’ai jamais aimé être seule depuis que je suis avec Dead. Ces trois mois n’ont été qu’un prétexte,une planque pour ma peur.

Comme je l’espérais, je reçois un ultime SMS.

Dead, 02h30 : Ce stupide surnom me manquait. À demain peut-être, si nous avons l’occasion denous

croiser avant l’arrivée de nos « invités ». Sinon… à dans deux jours. J’ai laissé des directivessur ton

bureau en quittant l’aile du QG. Tu les trouveras demain. Je t’embrasse… (Ton mari impatient,en

colère, frustré, en manque de tout, triste, agacé, et fichu d’avoir à t’aimer, Madame l’indécise,qui

me rendra fou un de ces jours.)

Je relis deux fois le message, puis une fois encore notre conversation nocturne avant de quitter monportable et de régler le

réveil pour huit heures moins le quart. J’éteins la lampe de chevet ; la chambre se retrouve plongéedans un noir sombre. Je ne

vois rien, et j’attends silencieusement que ma vue s’habitue à cette ambiance.

Depuis trois mois bientôt, j’ai cette affreuse sensation de solitude. Si jusqu’à présent, je l’avaisprofondément enfouie, ce soir,

c’est différent. Tout cogite en moi. Je pense à tout ce que j’ai vu et ressenti ; à l’homme qui m’attendet qui est aussi seul que

moi.

On s’aime comme ça, avec la passion d’un amour rempli de difficultés, de différences et d’obstacles.On s’aime autant que les

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opposés qui s’attirent, et malgré les blessures, les soi-disant trahisons, tout a toujours un sens, uneraison. Il n’y a rien sans

rien entre Dead et moi.

Je ferme les yeux pour empêcher de pleurer. Les images de ce que j’ai vu un peu plus tôt dans lasoirée reviennent me hanter.

Dead a dû traverser tellement d’événements. Il a dû faire des choix, d’énormes sacrifices. Il m’ahaïe, détestée, parce que ma

future existence et ma protection ont fait tuer sa petite sœur ; et malgré tout cela, il voulait encorem’empêcher d’avoir à vivre

cette triste destinée. Mais surtout l’injustice qu’il l’a habité en comprenant que j’étais celle qu’ilcherchait depuis toujours, me

fait réaliser que le vampire avec qui je suis unie est l’être le plus incroyable que j’ai rencontré.

Je ne devrais pas être en colère contre lui. Il devrait me détester moi plutôt pour toutes ces années,ces siècles à vivre dans

l’ombre de mon existence… au lieu de cela, il m’aime. Plus que je ne l’aurais imaginé, davantageque je ne le ressentais

lorsque nous étions en communion.

Rapidement, je sèche du revers de la main mes larmes ; j’ai la sensation d’avoir gravement merdé enpartant, et pourtant, une

petite voix me dit que j’ai bien fait. Maintenant j’ai compris ; maintenant je n’ai plus de doutes. Àprésent, je suis remplie de

certitudes.

Je n’ai pas à enfouir ma destinée dans une boîte parce qu’elle m’effraie en pensant que personnen’arrivera à me comprendre.

C’est faux ! Mon meilleur allié est l’homme que j’ai quitté.

Voir et comprendre, avec ses propres ressentis, sa propre vision des choses, qu’il m’aime pour moiet pas pour un « idéal » ou

un avenir, me confirme qu’en amour, on peut tout pardonner, on peut tout surmonter. Et effectivement,si à cet instant, ma

poitrine se serre et que mes larmes coulent, c’est parce que j’ai mal à présent de ne plus être auprès

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de lui.

Je tente d’ignorer le vide à mes côtés en comblant ce manque, en me disant que demain seradifférent… très différent.

Chapitre 10

Avant le G9

— Tu as eu des nouvelles de Queen, récemment ? me demande Senan, d’une voix trop aiguë pourparaître normale.

J’arrête de réécrire ma fiche de programme, la seconde d’après. Je coince mon stylo dans l’élastiquede ma pochette rouge, et

lève la tête en direction de mon conducteur, les sourcils froncés, l’air surpris. Senan doit sentir monregard puisqu’il me jette

un coup d’œil. Je suis surprise d’une telle demande, surtout aujourd’hui. À vrai dire, je pensais qu’ilne voudrait plus en parler

depuis la dernière fois. Parler de Queen lui fait beaucoup de mal, plus qu’il ne voudrait le croire.Mais son expression le

trahit. Il était amoureux, il a été blessé, il va perdre beaucoup plus qu’une amourette de quinze ans.Son avenir affectif se joue,

ces prochains mois. Le vampire est partagé entre moult sentiments qui lui sont incompréhensiblescomme pour moi ou ses

amis. Mais d’après ce que je sais, seulement Dead et moi savons, je ne sais pas si Senan s‘est confiéà Decease…

Après la surprise d’avoir entendu une telle question, je secoue la tête pour me ressaisir sous leregard assassin de mon garde

du corps. Je me penche pour ranger ma pochette dans mon sac de travail, avant de lui répondre.

— Non, je soupire. Elle est très discrète depuis la révolte des Rebelles. On s’est vu quelques fois,mais à chaque rendez-

vous, on entrait en désaccord, on a fini par ne plus se voir.

Je tâche de ne pas lui faire trop de reproches. Elle vit aussi une période difficile, bien qu’elle essaiede se construire une bulle

qui risque d’éclater d’ici quatre mois. La naissance de ce bébé mystère va venir tout bouleverser au

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sein de notre grande

famille et je crains le pire. Il ne se passera peut-être rien, et Senan sera soit soulagé d’un point etenvahi d’une profonde

tristesse, soit il sombrera dans la folie de perdre deux êtres chers, en plus de l’un de ses meilleursamis.

La chair de poule m’envahit. Je n’aimerais vraiment pas être à sa place. Dead non plus, mais je tented’être toujours là pour

lui. Il en parle quand il en a envie, et je sens que, cet après-midi sur la route pour nous rendre au QGet accueillir les

représentants du monde entier pour la rencontre du G9, Senan a besoin de parler, parce que toutenotre famille sera présente,

Queen compris, et que mine de rien, il en a gros sur le cœur.

— C’est depuis que je suis devenu ton garde du corps, c’est ça ? reprend Senan.

Je lui souris timidement. Il n’a pas à s’en vouloir de quoi que ce soit si Queen et moi, nous noussommes un peu éloignées. Elle

a sa grossesse, j’ai mes problèmes avec Dead qui m’ont dévorée. Je n’étais pas de taille à gérer ceuxdes autres, ces trois

derniers mois. Mais maintenant que tout commence à s’arranger petit à petit, et ça, grâce à unepersonne dont j’étais certaine

qu’elle allait provoquer la peste chez moi : la Mort.

— Je pense que ça y joue…, je commence hésitante. Mais elle filtre aussi mes appels, tu sais. J’ail’impression qu’elle

veut s’enfermer dans une bulle, à l’abri de ce qui s’est passé. J’ai communiqué avec elle une ou deuxfois par SMS durant ces

dernières semaines, mais avec ce qui s’est passé dans ma vie personnelle et dans le boulot, je n’avaispas le cœur à tenter de

comprendre une amie qui n’a pas envie d’être comprise. Je comprends que ça ne soit pas facile pourelle, mais elle n’est pas

seule dans l’histoire, elle ne devrait pas agir ainsi. Je ne peux pas la forcer à quoi que ce soit, si elledécide de faire des choix

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complètement… stupides.

Senan laisse danser ses mains sur le volant de sa Jeep Compass. On dirait que conduire le renddavantage bavard. Je ne dirais

pas qu’il soit très causant avec moi, mais il a été forcé de l’ouvrir, parce dès que je suis stressée ouque je pense trop, je parle.

C’est plus fort que moi. Mais ce petit défaut a permis à Senan de s’ouvrir un peu plus. S’il avaittendance à m’effrayer avec

ses cheveux noirs un peu longs, attachés dans une petite queue de cheval, sa veste en cuir, ses jeansnoirs, ses yeux rouges sang

et cette sensation de froideur qui se dégage à ses côtés, lorsqu’on creuse le personnage, on découvrequelqu’un d’investi, un

poil sensible et qui ne le reconnaîtra jamais, mais aussi quelqu’un de droit, de fidèle, et prêt à aiderles autres en cas de

besoin. Tellement habitué à protéger les autres qu’en privé, il a du mal à retirer sa coquille d’hommefroid.

Ne voyant aucune réaction de la part du vampire aux yeux rouges, je continue et finis par répondre àsa véritable question

puisque j’en ai la réponse.

— Mais Deryck s’est chargé de combler mes lacunes l’autre jour, au détour d’une conversation. Ilm’a dit que Queen allait

bien. Elle a dû arrêter un peu ses allées et venues pour son travail ; sa grossesse la fatigue, ce qui estnormal, mais elle a l’air

épanouie et heureuse. Est-ce que ma réponse te va ?

Le silence envahit l’habitacle alors que nous sortons de la ville. Il est près de onze heures. Les routessont dégagées et les gens

sont chez eux ou dans des lieux publics pour suivre l’événement. Ce n’est pas seulement unerencontre politique qui va se

dérouler ces trois prochains jours, c’est aussi un moment de fête où les vampires les plus influents etles plus « célèbres » dans

le monde se retrouvent. C’est l’occasion de se montrer, d’avoir un long débat public entrereprésentants devant des millions de

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personnes. Comme un show TV.

Trenton a toujours détesté cela. Il trouve que les affaires d’État n’ont pas à être mises sur la placepublique, et que ce genre

d’événement doit être seulement réservé à l’industrie du cinéma et de la musique vampirique, où lesvraies « stars » peuvent

faire leur vrai show. Allons-nous faire notre show ? Je l’ignore. À vrai dire, avant d’arriver dans lavie de Dead, et que ce

dernier ne prenne le pouvoir, j’ignorais tout ce qui se passait au sein d’un gouvernement.

Je reviens au moment présent. En entendant Senan jurer, je pense qu’il vient de comprendre ce que jelui ai dit.

— Elle est totalement à côté de la plaque, soupire Senan.

— Je sais, mais que veux-tu, c’est son moyen d’oublier ce qui s’est produit.

Le vampire se met à rire ironiquement. J’ignore pourquoi, mais je sens qu’il va s’énerver.

— On ne peut pas oublier ce qui s’est produit… on aurait pu si…

S’il n’y avait pas d’enfant.

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Senan serre la mâchoire à défaut de taper quelqu’un. Je ne fais aucune remarque sur ses réactions. Ilse renfermerait si je lui

disais quoi que ce soit à propos de cela. Pourtant, il a le droit d’exprimer ce qu’il a enfoui en lui.Merde, j’adore Queen,

j’adore Deryck, mais j’éprouve une tendresse pour Senan que j’ai du mal à comprendre, peut-êtreparce que je suis attirée par

les âmes aussi meurtries que la mienne.

— On n’est plus seulement trois à présent dans l’histoire, conclut le vampire, lassé.

Ses mains se crispent sur le volant. Je viens poser l’une des miennes sur son épaule. Cela me faitvraiment de la peine de le

voir dans cette situation. Je trouve Queen très égoïste de le mettre à l’écart.

— Tu comptes faire quoi, Sen ? j’ose demander. Tu n’arrêtes pas d’y penser. Tu dois bien…

Mon garde du corps me coupe la parole en inspirant, comme s’il voulait refouler quelque chose quine lui plaît pas.

— Franchement, je n’en sais rien. Si cet enfant est de moi… je ne peux pas envisager ma réaction àl’avance. Nos instincts

de vampires sont bien trop imprévisibles. Surtout lorsqu’il s’agit de la chair de sa chair…

Je jette un coup d’œil à la route. Le vampire est obligé de s’arrêter. Un policier face à nous faittraverser un groupe de

passants. L’homme a l’air très en colère de devoir le faire. Apparemment, les rues devaient êtrefermées, il y a deux heures.

Senan en profite pour se tourner vers moi. Ses yeux rouges ont l’emprunt d’une expression de colère,celle de l’injustice, celle

qui nous fait mal.

— J’aimerais en parler avec Queen, mais depuis qu’on a passé cette fameuse nuit ensemble, ellem’évite. Je n’ai pas pu

l’approcher entre son départ précipité en France et son retour où elle s’est enfermée chez elle enprétextant qu’elle voulait

retrouver son mari, et ensuite cette bombe qu’est l’annonce de sa grossesse. Merde, j’étais un desprincipaux concernés ! Elle

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aurait pu… Je ne dis pas que je méritais qu’elle prenne le temps de m’annoncer les choses commeelle a dû le faire avec

Deryck, mais je méritais de l’apprendre par sa voix, avec son ressenti, en tête à tête… Après tout,j’ai une chance sur deux que

cet enfant soit le mien…

Senan se met à rire nerveusement.

— Parfois, je me dis que j’aimerais que cette nuit n’ait jamais existé. Ce serait tellement plus simple! Et puis des fois, je

me dis que ce qui s’est produit ne s’est pas passé pour rien. Et souvent quand je suis seul chez moi, jen’arrête pas de me

convaincre que cet enfant ne peut pas être le mien. Une fois, une seule et unique fois, alors qu’ellepartage son lit avec Deryck

depuis des années… pourquoi aurais-je une « chance » d’être le père ? Pourquoi on me ferait payerl’erreur d’avoir voulu

l’aimer une seule fois ? Une seule, sur des centaines de milliers de fois qu’il l’a aimée, lui ! Pourquoi?

Senan me dévisage comme s’il attendait une réponse de ma part, mais comme les fois précédentes, jen’en ai aucune.

— Il suffit d’une fois…

Le vampire tente de sourire. Le policier nous fait signe de reprendre la route, nous ne sommes plustrès loin du QG.

— Je sais, c’est ce que je me dis, la seconde d’après.

— Et comment tu envisagerais les choses si…

— J’aurais intérêt à fuir. Deryck me tuerait si jamais l’enfant que sa femme attend est de moi. J’auraistrahi un de mes

meilleurs amis… c’est dégueulasse !

— C’est une erreur, Sen ! je tente de le convaincre.

— C’est dégueulasse de baiser avec la femme de son meilleur pote. Encore plus de la mettre peut-être enceinte. La trahison

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est pire !... Si seulement je savais ce que Queen veut !

Le silence retombe dans la voiture, et je commence à croire qu’en parler est une mauvaise idée. Jenous regarde avancer dans

la nuit éclairée d’une douce journée chargée, vers le QG qui apparaît un peu au loin. Il fait clairaujourd’hui.

Senan ne dit plus rien, je fais pareil. Je pense qu’il a besoin de se calmer avant d’arriver devant toutle monde. Reprendre sa

figure impassible ne devrait pas être difficile pour lui. Senan est à l’aise avec la froideur, et lesmasques. Il va avoir besoin

d’isolement aussi, ce qui n’est pas près d’arriver aujourd’hui. Aujourd’hui, cela va être la panique, lafoule, les gens, les

inconnus, et les célébrités. Des vampires de partout et une distribution de sourires en pagaille. Je suistendue. Même si je tente

de ne pas le montrer, je le suis. J’en ai souvent parlé avec Dead et mon amant a pris soin dem’expliquer plusieurs fois en

détail comment tout ceci allait se dérouler, qu’en règle générale, j’allais toujours être accompagnéede lui, de Decease ou de

Senan. Mais malgré sa voix réconfortante, savoir que je vais devoir serrer la main des deuxbourreaux que sont ses frères, me

répugne et me donne envie de fondre en larmes. Ils savent que rien ne va, ils savent tout, tout ce quenous tentons de cacher aux

autres pour nous préserver. Et j’ai peur qu’un de mes regards me trahisse. Je ne sais pas jouer lacomédie comme Dead. De

plus, rien n’est officiellement arrangé entre nous. Un rien pourrait tout remettre en question, et j’en aiassez de me battre contre

mes sentiments, mes remords et une colère qui tente de trouver toutes les excuses pour prendre ledessus sur tout.

Nous finissons par arriver dans l’enceinte du QG après avoir passé un nombre important de barragesde contrôle. Senan coupe

le contact de sa voiture, se détache et me fait face. Je fais pareil. Le clic de ma ceinture résonne enmême temps que sa voix.

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— Bref, c’est la merde.

Je me libère de la ceinture de sécurité.

— Je suis désolée, Sen. Nous n’aurions pas dû en parler.

— Non ! C’est moi ! J’aurais dû fermer ma gueule. Passons, s’il te plaît. Aujourd’hui, ce n’est pas lejour. Va retrouver ton

mari plutôt, je te rejoins dans deux minutes.

— Tu es sûr que tu ne veux pas que je reste un peu avec toi ?

— Non, je veux être seul. C’est mon seul moment de la journée. Navré, Faith, je ne suis toujours pasDecease. J’ai des tas

d’emmerdes et je suis trop égoïste pour ne pas me les garder pour moi.

Après, il veut faire croire aux autres que tout va bien ! Il ne va pas bien malheureusement ! La mainsur la portière, j’hésite à

sortir. Je tente de réfléchir aux meilleurs arguments qui pourraient lui remonter le moral pour cesprochaines heures, mais rien

ne vient. Je suis à court d’idées, l’esprit occupé à ce qui va se passer d’ici une heure ou deux.

— Sauf que les amis sont faits pour quand on ne va pas bien. Ce n’est pas égoïste de vouloir parlerde ses problèmes à

quelqu’un, c’est… humain. Enfin vampirique pour ton cas. Mais je t’en prie, ne te renferme pas, Sen,tu mérites de l’attention.

N’hésite pas si tu as besoin.

J’ouvre la porte de la voiture et sors de cette dernière en prenant mes affaires. Cela m’attriste delaisser le vampire seul, face

à ses sentiments.

Alors que je m’apprête à claquer la portière, Senan me coupe dans mon élan.

— Je ne sais pas remercier, Faith… enfin j’ai du mal.

— Tu viens de le faire.

Je claque la portière, en faisant un dernier signe à Senan, avant de passer mon sac à bandoulièreautour de l’épaule. Je le

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laisserai à un assistant pendant le temps de présentation. En attendant, je le porte sur moi. Les bruitsde mes pas résonnent dans

le gravier et je maudis ce rassemblement idiot qui m’a poussée à devoir sortir tirée à quatre épingles.J’ai mis une robe bleu

turquoise, ajustée sur le corps. Mes cheveux bruns tombent en cascades sur mes épaules et mon dos etje porte des talons

aiguilles. Une horreur pour marcher ! Soi-disant, d’après Trenton, c’est mieux dit celui qui met deschaussures en cuir verni

toute l’année, préférant des Converses lorsqu’il est chez lui !

J’arrive devant la porte où deux « gardes » me saluent. Tout le monde me connaît ici, et même au boutd’un an, j’ai du mal à

m’y faire.

Je salue en retour, timidement, les deux hommes qui m’ouvrent la porte. Tout de suite, mes yeuxdoivent rapidement s’habituer

à la forte luminosité du hall richement décoré. Même si c’est le jour dehors et que la nuit estétrangement claire, le choc est

toujours rude pour mes yeux. Quand on s’habitue à vivre avec des écolos de l’électricité parmégarde, on finit par s’habituer à

peu de luminosité.

Je remarque que tout le monde est sur son trente-et-un. Le couloir est rempli de fleurs et les objetsofficiels ont été sortis. À

l’accueil, les secrétaires ont sorti l’uniforme bleu marine. Je souris poliment à ce couple de crocs quim’insupportent. Ces

deux femmes se mêlent de tout, et aiment bien perdre les dossiers.

Tout le monde m’ignore et c’est sans doute mieux. Je passe incognito ici. Maintenant, tout le mondesait qui je suis, ce que je

fais. Parfois dès que je croise un collègue, on me salue, mais on ne vient pas me parler. Non, pas àmoi, je reste l’humaine.

S’ils ont besoin de traiter avec le Département des Humains, ils prennent d’abord rendez-vous avecTrenton. Je ne m’en plains

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plus, pas ces derniers temps.

Je monte le grand escalier, regrettant à nouveau mes maudites chaussures. Arrivée en haut, je prendssur la gauche et longe le

couloir aux bureaux, une longue série de portes avec une inscription dessus. Le décor a relativementchangé depuis l’arrivée

de Dead au gouvernement. Fini les fioritures, place à la clarté ! Les sols ont conservé des tapis, maismoins voyants. Les murs

ont gardé certains tableaux ; on a enlevé le surplus et ils sont aménagés sobrement. On respire.

Je croise en chemin plusieurs secrétaires, assistants, chargés en communication, et même Sage etCooper. Heureusement, ils

ont l’air plus pressé que moi. Même le général Warner se contente juste d’un relevé de képi avant dedisparaître à pas rapides

de vampires.

J’arrive au bout devant la porte ouverte du grand bureau de Dead. À ma droite, les deux bureaux deses assistants. Ripley, le

jeune vampire blond, compagnon de Trent, me salue d’un signe de la main, il est au téléphone. Et lapétasse de secrétaire est

absente, j’en suis ravie. Mais nous y voilà. Trois jours ont passé depuis notre conversation par SMS ;j’ai à peine entrevu

Dead ; nous nous sommes croisés comme prévu et je suis partagée entre la joie de le revoir etl’angoisse de ne pas savoir quoi

faire.

Je ferme les yeux, inspire, pose mon sac rempli de paperasses à côté du bureau de Ripley, et entredans l’immense bureau de

Président.

L’endroit, lui aussi, a changé. Il ressemble davantage au bureau ovale de la Maison-Blanche, sousKennedy. Dead a la classe et

l’élégance, chose que n’avait pas son prédécesseur qui aimait le luxe et l’excentricité. La cheminéeest allumée, il ne fait pas

encore froid. C’est sans doute pour apprécier l’odeur du feu et le bruit. Dead est de dos, penché sur

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un papier. J’ignore s’il

m’a entendu entrer, mais c’est bien l’une des rares fois où je le trouve seul ici. Je remarque que sonbureau est impeccablement

rangé ; il n’y a plus les montagnes de papiers qui traînaient un peu de partout. Dead n’est pas réputépour son minimalisme

lorsqu’il s’agit de ranger les papiers : plus il s’étale, plus il y voit clair.

Je pense surtout qu’il est stressé. Le QG va recevoir demain un dîner, et tous les yeux de sesdirigeants seront tournés sur cette

demeure « noire ». Heureusement, ils dorment en ville dans un hôtel et pas ici. Seuls les Français ontété invités au QG.

J’hésite à m’approcher de lui. Je dérange, peut-être. Dead en profite pour se retourner au moment oùje m’apprêtais à quitter la

pièce. Il me sourit. Un sourire sincère qui éclaire ses yeux bleu nuit, et je ne résiste pas, je rougis unpeu tout en lui souriant à

mon tour.

Parfois, il m’arrive d’être un peu stupide, surtout dans ces moments-là, où quoi que m’ait fait DeadCreaving, un regard de ses

yeux et je deviens guimauve même si cela ne va pas entre nous, surtout lorsque c’est sur le point des’arranger.

J’ai encore des raisons de lui en vouloir un petit peu, pour ses mensonges, mais maintenant j’aicompris pourquoi il avait fait

cela, et quels étaient ses sentiments à mon égard, ce qu’il pensait, et ressentait. Je ne peux plus êtreséparée de lui. Je n’ai plus

de raisons, plus de doutes, et plus d’envie. J’ai eu la meilleure preuve qu’il m’aimait pour moi et paspour la prophétie : ses

souvenirs. Et à cet instant, n’importe quel souvenir ne vaut pas le regard intense qui reflète tout ce quinous lie, c’est la

meilleure preuve.

Je fais les derniers pas qui nous séparent pour me rapprocher de lui. J’ai la boule au ventre, mais jesuis soulagée de le voir

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enfin, surtout avec la perspective de cette abominable journée. Le vampire s’assoit sur le rebord deson bureau.

— Bonjour, mon Ange.

Sa voix est rauque, et ses yeux commencent à descendre le long de mon corps scrutant ma tenue. Ilaime le bleu turquoise, mais

surtout le noir sur moi. Dommage, aujourd’hui, je n’aurai pas de couleurs sombres dignes d’unenterrement. Même si j’aime le

noir, à côté des Françaises, il paraît que je fais pâle.

— Bonjour.

Dead vient passer un de ses bras autour de ma taille pour m’attirer contre lui. Ce geste ne mesurprend pas tellement, le plus

tactile de nous deux, c’est lui.

Son visage se rapproche du mien, et rapidement, il pose un dur baiser sur mes lèvres pour me saluercomme un mari salue sa

femme, mais version Dead Creaving. Ce court baiser a pour effet de me faire monter le rouge auxjoues, surtout lorsque sa

bouche taquine la mienne avant de mettre fin à ce contact plaisant bien trop rapidement.

— Comment tu vas ?

Je me rends compte que je ferme les yeux lorsque mon amant me parle d’une voix mélodieuse.

— Bien… et toi ? je répond en les ouvrant.

— Stressé.

— Toi… stressé ?

— Oui, moi stressé. Ça m’arrive, tu sais, surtout lorsqu’on voit notre liste d’invités…

Dead me repousse gentiment, en déposant sa bouche contre la mienne dans un baiser chaste. Jem’écarte de lui pour le laisser

contourner son bureau. Je le regarde déambuler dans la pièce, analysant son comportement. Je suis unpeu mal à l’aise, alors je

m’accroche, à n’importe quoi qui me ferait penser à autre chose que notre conversation et ce qui va

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s’en suivre.

Dead est effectivement stressé, il affiche un sourire incertain, presque faux. Je remarque que soncostume ne fait pas partie de

ceux qu’il met lorsqu’il y a un événement important. J’en déduis qu’il va devoir se changer… Et c’estce qu’il fait.

Mon vampire marche en direction de la petite porte derrière son bureau, celle qui lui sert deportemanteau, et de débarras

vestimentaire. Je le vois sortir un nouveau costume dans une housse. Il se tourne vers moi.

— Je dois me changer.

Je souris timidement. Oui, nous sommes bizarres, et pas très à l’aise, ce qui est puéril. Mais il y atellement de non-dits entre

nous. Vivement qu’on ait du temps pour tous les deux. Il y en a assez de cette situation.

Dead me dévisage. Je dois ressembler à une idiote, debout à le regarder. L’idée même de le revoir àmoitié nu me plaît. C’est

sans doute mon côté femme amoureuse. Je finis par hocher la tête, et pars fermer la porte pour éviterque tout l’étage n’assiste

au strip-tease de Monsieur le Président.

Lorsque je retourne à ma place, Dead a déjà changé de pantalon.

— Dead, pour aujourd’hui…

Je commence, mais je ne finis pas lorsqu’il ôte sa chemise, dévoilant son torse parsemé de tatouages,ses muscles parfaitement

dessinés et cette chaîne en or d’où pend son alliance. Je pense m’arrêter de respirer une demi-fraction de seconde devant ce

spectacle. La virilité et le mâle à l’état pur se dressent devant moi. Mon imagination commence à mejouer des tours, mes

souvenirs aussi, ils reviennent en masse d’un seul coup. Ce fameux torse écrasant ma poitrine lorsd’une étreinte passionnée.

Ce même torse s’écrasant contre mon dos, et ma langue traçant chaque contour de ses muscles. Jesens le rouge me monter aux

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joues, ainsi que le désir entre mes cuisses. Ce n’est pas le moment, absolument pas, mais croiser ceregard bleu et ce corps si

tentant… Les deux combinés mettent à rude épreuve mon self-control. On ne peut pas se sauter dessuscomme des lapins, pas

maintenant. Mais l’envie n’est pas loin. J’ai besoin de lui, et la dernière fois n’était pas suffisante.Elle était pressée,

irréfléchie. Il me manque et je le désire, autant que je l’aime, même si tout a été confus.

— Bon sang, mon Ange ! Arrête de penser si fort !

Je sors de mes pensées en entendant la voix voilée par le désir du vampire. Il a remarqué que je leregardais comme une

affamée.

Je suis ridicule, mais j’assume.

— Tu n’as qu’à ne pas lire dans mes pensées.

Dead se met à rire, je finis par faire pareil tant la situation est stupide, mais drôle. S’aimer et sedésirer, et n’avoir pas le

temps de se retrouver.

Il termine d’enfiler sa chemise noire tout en s’approchant de moi. Dead ne la boutonne pas, bon sang,c’est pire ! Il le fait

exprès !

Le vampire vient caresser mon bras dénudé, augmentant un peu plus la tension dans le bureau. Cettecaresse m’attire des

frissons.

— Dors avec moi, cette nuit.

— Dead…, je souris.

— Le premier jour du G9, nous n’en aurons pas pour longtemps après le dîner, il serait plus simple etplus sage que tu

dormes avec moi au QG.

J’éclate de rire. Monsieur Patience ne fait pas preuve d’une grande clarté.

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Je pose mes mains sur ce torse musclé. Le vampire inspire sous le contact de mes mains, ses crocssortent davantage, et je

savoure de le voir aussi tendu que moi. Mais ne tentons pas le Diable. Je réajuste sa chemise etcommence à la boutonner.

— Plus simple et plus sage ? Plus simple oui, plus sage, non.

— D’accord, plus simple…

— C’est une bonne idée, tu penses ?

Je lève mes yeux vers lui pour voir sa réaction. Mes doigts sont toujours sur sa chemise que jetermine de fermer.

— Ce serait déjà un bon début suite à ta nuit de réflexion, non ? On pourrait… en parler.

— Il nous faudrait plus qu’une nuit pour parler de tout ça.

— C’est juste.

— Mais si nous ne commençons pas…

J’attrape dans sa main sa cravate bleue, celle qui fait ressortir ses yeux. Cette pointe de couleur vientcasser le côté sombre du

costume totalement noir. Je la passe autour de son cou, noue le nœud, et le remonte jusqu’en haut. Àforce d’aimer le

déshabiller, j’ai tout autant apprécié faire le contraire.

Trenton dit que je joue à la poupée avec Dead. Moi, j’y vois un moment de complicité.

— Alors, c’est oui. Oui, je reste avec toi ce soir, je termine.

Mes mains restent sur son torse, et Dead vient poser les siennes sur chacune des mes joues. Son frontvient se poser contre le

mien.

— Dire qu’il y a trois mois, je ne pouvais même plus te regarder…

— Tu as de la chance que tu me manques.

Le vampire s’écarte pour voir ma réaction,

— Seulement ça ?

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La moue qu’il prend me fait rire, rougir et, non ! Ce n’est pas seulement parce qu’il me manque que jeveux que nous nous

retrouvions.

— Et d’autres choses…

J’entends des murmures derrière nous, je me tourne. Decease et Senan sont entrés dans la pièce encatimini au fond du bureau.

Ils tentent de discuter de tout et de rien, faisant comme s’ils ne nous regardaient pas, mais leurssourires trahissent leur

curiosité à notre égard. Cela fait un moment que personne ne nous avait vus aussi proches.

—… Nous en parlerons plus tard, d’accord ? Je n’oublie pas notre conversation téléphonique.

— Moi, non plus, ne t’en fais pas.

Il se tourne vers son frère et son garde du corps, tout en ajustant sa cravate.

— Vous aimez vivre dangereusement, les gars : entrer sans frapper lorsqu’une porte est fermée. Queme vaut ce plaisir ? On

n’avait pas dit dans une demi-heure ?

Decease se met à soupirer, montrant son stress. Il tire de la poche de sa veste en cuir sa pochette pouren sortir sa pipe qu’il

prépare pour fumer et calmer ses nerfs. Senan à ses côtés, commence à bougonner. Il a horreur quandDecease « l’enfume ».

Dead finit de s’habiller pendant que son frère lui répond :

— La demi-heure est presque passée, et le reste de la cavalerie vous attend déjà. On doit être à dix-sept heures à l’est de

Central Park pour que tu accueilles nos « copains ».

Je sens l’humour derrière le « nos copains ». Je sais que Decease ne parle pas de nos amis lesFrançais, mais plutôt de leurs

frères, présents sur le sol américain pendant les trois prochains jours. Leur arrivée a déclenchél’agacement et l’inquiétude

chez tout le monde ; même les Français sont tendus. Personne ne sait ce qu’ils préparent ou pas, cequ’ils comptent faire, étant

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donné que c’est leur première vraie sortie en public en tant que chefs d’État.

Dead termine de se changer. Nous discutons deux minutes, avant de descendre dans le hall pourrejoindre ceux qui nous

attendent déjà pour partir à Central Park.

Lorsque nous arrivons en haut de l’escalier, j’aperçois quelqu’un que je connais.

— Queen !

Mon amie, habillée dans une superbe robe noire qui met en valeur son ventre arrondi ne cache plusrien de sa situation. Elle

attaque son cinquième mois de grossesse, et cet « état » lui va comme un gant. Elle estresplendissante. Queen lève les yeux

vers moi lorsqu’elle entend ma voix. Dès qu’elle comprend que c’est bien moi qui l’appelle, elle sefige, regarde autour de

ceux qui m’accompagnent et pique un fard en voyant Senan. Elle se penche vers son mari, et luimurmure quelque chose à

l’oreille avant de filer en direction des toilettes du rez-de-chaussée.

Ça ne se passera pas comme ça !

Alors que je marche au bras de Dead, nous arrivons en bas de l’escalier. Dans le hall, je m’excuseauprès de mon mari et lui

dis que je reviens d’ici peu de temps. Je n’ai pas besoin de m’expliquer clairement, il sait tout ce quise passe entre Queen et

Senan, cette « grande » histoire qui fait couler beaucoup d’encre.

Je marche jusqu’à la porte des toilettes, ravie de constater qu’elle est ouverte. J’entre, et refermederrière moi rapidement.

Lorsque je me retourne, j’ai le droit à un face à face avec Queen. Elle est appuyée contre les lavabos,l’air désolé, ses yeux

rougis. Elle se retient de pleurer.

— Faith…

Même la voix de la belle blonde la trahit. Queen est triste, désespérée de la situation. Elle a beaufaire comme si de rien

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n’était, face à moi qui sais, elle ne peut pas jouer la comédie et c’est dur. Pourtant, je ne la jugeraipas.

Je m’approche d’elle, et opte pour la même position qu’elle, les fesses contre le marbre, dos augrand miroir.

— Tu m’évites, Queen, je souligne.

Mon amie ferme les yeux en soupirant. Elle sourit, mais ce sourire n’est pas franc, il est agacé. Queenessuie ses yeux à l’aide

de ses mains, se retenant toujours de pleurer. Lorsqu’elle me fait face, le regard qu’elle m’offre meblesse.

— Comment je pourrais rester avec toi, continuer d’avoir une relation normale, alors que c’est Senanton garde du corps ?!

Je ne peux pas le voir, donc, je ne peux pas te voir toi…

Queen hésite, sa lèvre tremble, et la fin de sa phrase ressemble plus à un murmure.

— Je ne peux pas, je veux oublier Senan.

J’encaisse les mots de Queen, soulagée que Senan n’ait pas à entendre cela. Elle a le droit d’êtremalheureuse.

— Et si tu mets au monde son enfant ? Tu ne pourras pas l’oublier !

— Peut-être, mais en attendant, je veux tenter de racheter mes fautes auprès de mon mari. Faith, tu esmon amie, et

j’apprécie ce que tu fais pour Senan, mais j’ai besoin de m’éloigner le temps qu’il reste auprès detoi.

— Je comprends ta démarche à ce sujet, mais je ne te cache pas que je ne comprends pas les autres.

Queen se met à rire nerveusement. Visiblement, elle ne partage pas la même vision que moi.

— Comment tu pourrais comprendre ? Je te signale que tu as quitté ton mari parce qu’il t’avait menti! Tu es enceinte ?

Dans ma position ? As-tu trompé l’homme à qui tu as juré fidélité ? Est-ce que tu as dû lui dire que tuétais enceinte tout en

ayant le doute de savoir de qui était ce bébé ? As-tu vécu tout ça, Faith ? Non ! Alors, tu ne peux pascomprendre et tu n’as pas

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à le faire.

Le silence retombe, mélangé à la tension. Je pense que ce qui devait être dit est dit.

— Navrée d’avoir voulu me comporter comme une amie, Queen, je soupire.

— J’aimerais que mon amie me rende ce seul service : qu’elle éloigne de moi celui qui risque demettre ma vie en l’air. Je

ne veux pas que Senan m’approche ! S’il te plaît, je n’en aurai pas la force.

Sans que j’aie le temps de le prévoir, mon amie vient se blottir dans mes bras, et éclate en sanglots.Mon cœur se serre tant !

Je comprends l’étendue de sa peine. C’est la même que pour Senan. Ils souffrent tous les deux desdégâts qu’a causés une

erreur de conduite. Une seule qui peut avoir tellement de conséquences. Je la serre contre moi, laréconfortant comme je le

peux, car malheureusement, il n’y a pas de solution à son problème avant que ce dernier ne leurexplose en pleine figure.

Queen et Senan seront fixés dans quatre mois. Quatre mois de doute et d’incertitude sur leur avenir.

***

Le moment tant redouté se présente « enfin » à nous.

Les Français nous ont rejoints au QG. J’ai été incroyablement surprise d’apprécier la compagnie deMarjorie Bastide, et de

Charlotte Drac. Elles étaient plutôt sympathiques et tout aussi tendues que moi. Seulement, j’ignore laraison. J’ai cru entendre

Madame Henry Bastide dire que les Russes et Ninel la mettaient mal à l’aise. Comme je lacomprends ! Les aînés Creaving

m’ont foutu les jetons. Ils sont froids, grands, impressionnants. Ils ont des yeux très expressifs –comme chez tous les Creaving

–, mais avec de la folie qui effraie.

Les Russes sont arrivés en dernier, en retard par rapport au planning, et visiblement, personne n’étaitravi de les voir

débarquer et sortir de leur tanière russe.

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Jusqu’à présent, l’après-midi s’était bien passé avec l’arrivée des autres dirigeants Européens, puis,des Africains et des

Australiens, et nos voisins les Canadiens et les représentants de l’Amérique du Sud. J’ai revu devieilles connaissances. Les

femmes n’étaient toujours pas ravies de me revoir. Je crois que je les dérange, mais je ne chercheplus de raisons. J’ai d’autres

choses à penser. J’ai tenu mon rôle de compagne auprès de Dead, écouté parler les dirigeants un parun. On a fait un premier

échange pour ce G9 plutôt agréable. Tant qu’il n’y a pas d’élément perturbateur…

Maintenant, l’ambiance est tout à fait différente. Froide et tendue. Les dirigeants sont dans leur coin ;ils discutent des

nouveaux arrivants qui n’ont même pas pris la peine de les saluer. Ils se sont directement approchésde nous. C’est drôle le

rôle que doit avoir un hôte : écouter, planifier les prochains jours, et supporter les pires individus decette Terre comme les

Russes.

Ils sont une dizaine. Comme chaque Président l’a fait, ils ont amené leur corps de gouvernement. Jereconnais les deux aînés ;

ils sont vêtus de la même façon, en gris. Une femme les accompagne, une grande blonde, habillée trèsluxueusement. Les autres

ressemblent à des croque-morts, livides et inexpressifs.

Dead et moi nous nous jetons un coup d’œil. Senan et Decease, ainsi que d’autres membres de lasécurité ne s’éloignent pas

trop. À une demi-heure du début du meeting télévisé, arriver en retard, ce n’est pas professionnel dutout. Heureusement le QG

a tout planifié pour que Dead, en tant que Président, puisse seulement s’occuper de son rôle et pas dureste.

Died, le vampire aux yeux violets se présente devant nous.

— Dead.

— Died.

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Pas un mot de plus, juste une poignée de main. Le mâle ne cherche même pas à me saluer, et je nem’en offusque pas.

Il s’écarte pour rejoindre sa femme. On peut dire qu’il est rapide, concret, et qu’il ne s’étale pas. Jele regarde faire cependant.

Sa présence me met mal à l’aise.

Les yeux violets de l’aîné influençable me lorgnent enfin, comme on regarde un plat de viande. Avecenvie. Tout cela devant

les yeux de son épouse, peu charmante. Elle me salue d’un signe de tête, et prend un air dégoûté. Je lavois murmurer quelque

chose à l’oreille de son époux. Ses crocs pointus sortent de sa bouche lorsque son mari lui répond.J’ignore ce qu’ils se disent,

mais cela n’a pas l’air d’enchanter Madame.

J’arrête ma contemplation des deux spécimens qui semblent sortir d’un asile de dingues, lorsqu’unegrande stature au costume

gris se présente face à Dead et à moi. Dès que je lève le regard pour savoir qui est ce personnage,mon cœur s’arrête de battre

devant ces yeux rouges sang et ces cicatrices qui abîment ce visage.

— Oh, mon petit frère ! Président organisateur du G9.

— Dying…

La voix de Dead se fait menaçante. Visiblement, l’autre a décidé de le chercher. Les deux mâles seserrent la main, plus par

obligation et pour faire bonne figure, que par envie. Ils se haïssent. Un seul regard sur eux, etn’importe qui le comprendrait.

Je sens sur nous une dizaine d’yeux indiscrets. Tout le monde observe la scène, tout le mondeattendait ce moment. La première

confrontation publique entre les dirigeants ennemis et frères.

Dying relâche la main de mon compagnon, et l’angoisse me monte sachant que c’est à moi qu’il vadevoir me dire « bonjour ».

Je tente de mettre de côté ma peur de l’individu, mais sa présence me met mal à l’aise, même si Deadest à côté de moi. De

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plus, le sentir s’énerver n’arrange rien.

Dying tend une main vers moi, mais Dead attrape discrètement le bras de son frère qu’il empoignefortement.

— Tu ne t’approches pas de ma femme ! Compris ?

Le Russe sourit, tous crocs dehors. Il semble apprécier de voir son frère à cran.

— Je vais saluer ta charmante compagne, Dead.

— Même pas en rêve. Tu ne la touches pas après ce que tu lui as fait.

Le vampire défiguré hausse un sourcil, ce qui pourrait ressembler à une réflexion telle que « tu teprends pour qui à me donner

des ordres ? ». Ce mâle semble sûr que rien ne peut l’atteindre. Il a l’air joueur, et je commence àcroire que s’il est arrivé en

retard, s’il cherche son adversaire, c’est pour le pousser à bout et se délecter de l’explosion de labombe qu’il aura engendrée

chez Dead.

— Ce serait suspicieux si tout le monde salue ta petite salope et pas nous, non ? Déjà que tout lemonde sait que nous avons

des différends, as-tu envie de rendre ce moment encore plus divertissant ?

— Tu me menaces devant une dizaine de personnes ? Tu n’as vraiment aucun honneur sauf à foutre lamerde.

Je sens les regards des spectateurs des loges, de nos proches. Les conversations cessent ; tout lemonde nous écoute, ce qui fait

monter d’un cran la tension.

— Je m’en moque, reprend Dying. Je compte bien prouver que Dead Creaving n’est pas celui quetout le monde pense qu’il

est.

Dying braque ses yeux rouges vers moi, il me tend sa main, avec au majeur une chevalière.

— Mademoiselle Wilkins.

J’hésite à lui tendre la mienne. Je ne me sens pas très bien, j’ai des images de notre dernière

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rencontre en tête. J’essaie de les

chasser, mais elles sont bien présentes, et m’empêchent de lui faire fermer son clapet. Je suis commetétanisée par la peur et

l’inquiétude que je ressens autour de moi.

Dying le perçoit.

— Normalement, lorsque l’on tend sa main pour saluer quelqu’un… (il vient saisir la mienne avecforce et je sursaute)

c’est pour faire de même.

Dead le repousse violemment.

— Arrête ton cirque, Dying, ne me force pas à t’en mettre une !

Le vampire se met à rire.

— T’es bien trop rempli de principes pour m’en coller une dix minutes avant que le show necommence. Les apparences

avant tout avec toi…

— C’est mal me connaître. Tu ne sais pas de quoi je suis capable pour protéger ce qui est à moi.

— Oh, mais tu penses sincèrement qu’à mes yeux, la petite humaine est à toi ? (Dying se met àmurmurer) Ce n’est pas

parce que tu lui fourres ta queue et que tu lui as secrètement juré fidélité pour des siècles qu’elle est àtoi. Tu ne l’as même pas

revendiquée publiquement. Elle n’est pas ta femme, c’est seulement une putain d’esclave…

Dead chope son frère par les pans de sa veste de costume. Il dégage une puissante colère et, même sicela fait un mois que

nous ne nous sommes pas échangé nos sangs, je sens sa rage. Il est à deux doigts de craquer.

— Ferme ta gueule !

— C’est que monsieur le président s’énerve…

Dying n’a pas le temps de finir sa phrase que Dead lui décoche son droit en pleine face.

— DEAD ! j’entends en bruit de fond.

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Mon amant relâche son frère qui chancelle en riant.

— Mon pauvre, tu n’aurais pas dû faire ça…

Dying réajuste sa veste de costume grise, il frotte le bouc qu’il s’est laissé pousser et qui accentueson air sombre. Died reste

en retrait, un sourire sadique sur le visage, se délectant du spectacle. Son expression, et ce qu’ildégage font autant froid dans

le dos. Sa femme à ses côtés observe la scène, elle aussi ravie de cette prise de bec entre les deuxfrères. J’ai la boule au

ventre. Tout est subitement instable. Je me demande comment cette journée va finir. Ma main mebrûle, comme si serrer sa

poigne avait brûlé ma peau. Je sens mon corps raide ; mon cœur bat fort ; je crois sentir la peurm’envahir.

Je sursaute en sentant une main sur mon épaule. Je me retourne et découvre Decease auprès de moi, levisage défait.

Drac apparaît au même moment. Un silence de mort règne dans le hall d’accès à la scène. Tout lemonde nous regarde et je

déteste cela.

Cette journée va mal se terminer, je le sens.

— Messieurs ! Bon sang ! Ressaisissez-vous ! Ce n’est pas le moment de se taper dessus !

Drac vient se mettre entre les deux Creaving. Dead foudroie du regard son frère et revient vers moi.Voyant que les deux

vampires ne se taperont pas dessus, les Français se dispersent. Les autres dirigeants reprennent leursconversations avec leurs

bras droits. Louis, et Deryck viennent vers nous. Nos membres du QG tentent de calmer le vampire.Dead est vraiment en

colère. Il n’arrive pas à décrisper son visage, et le bras qu’il a passé autour de ma taille me serreavec force.

Les quelques minutes qui nous séparent du début du « show » ou plutôt du meeting, à plusieurs voix,s’écoulent rapidement. La

voix de l’animateur de la soirée résonne déjà. Et les derniers rappels sont donnés aux dirigeants des

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Pays. Ce soir, c’est certes

un compte rendu de l’année, des projets à venir, et un échange entre chefs et spectateurs. Mais, c’estaussi un combat de coqs

en profondeur pour savoir lequel arrive à mettre à plat tous les autres. Une fierté de vampires malplacée, et dangereuse en

terme de relation. Trenton m’a raconté qu’à l’époque, lorsque les vampires étaient encore dansl’ombre, les « dirigeants » de

communauté s’entretuaient à cause de ces réunions qui tournaient au vinaigre si un mot ou une phrasene passaient pas.

Je reste un peu en retrait, perdue dans mes pensées et avec la sensation que quelque chose va mal seterminer et que demain ne

sera pas comme nous l’avons prévu. Je n’arrive pas à expliquer pourquoi je ressens cela. Je le senscomme un chasseur traque

sa proie.

Dead envoie bouler Deryck et Louis, signe qu’il est vraiment hors de lui et excédé. Il prend sesfiches, les fourre dans la poche

de son costume au moment où les premiers noms des dirigeants sont prononcés au micro pour êtreappelés sur scène. Le chef

vampire d’Afrique, suivi de celui de l’Océanie.

Mon amant se tourne vers moi.

— Ça va aller, ne t’inquiète pas. Reste avec Decease et Senan.

Je lui souris en tentant de cacher mon inquiétude vis-à-vis de cette soirée qui commence très mal.

— Je sais… s’il te plaît, ne déclenche pas de bagarres pour moi. C’est stupide… et dangereux.

Ses frères ont l’air de deux grands malades. Nous ne savons pas ce qu’ils ont prévu. Mieux vaudraitne pas les inciter à

commettre quelque chose qui aurait de nombreuses répercussions.

Dead serre la mâchoire. Ses yeux bleu nuit sont chargés de colère ; ses crocs sont plus longs qued’habitude et sa voix est dure.

— Ne me demande pas de ne pas te défendre ! (le vampire vient planter un dur baiser sur mes lèvres)

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On se voit tout à

l’heure. Essaie… de ne pas trop t’approcher des Russes.

— Je ne comptais pas leur taper la conversation.

Dead hoche la tête et se tourne vers son frère.

— Tu veilles sur elle ?

— Comme toujours, frangin.

Le Président des États-Unis de sortie et en public foudroie son frère du regard. Effectivement, mieuxvaut que ce meeting se

passe vite, qu’il puisse se retirer et se calmer. J’ignore si c’est une bonne idée de rester avec lui cesoir, ou si justement, ce

serait un moyen de le calmer. Je lui fais signe de relâcher la pression, mais cela ne semble pasmarcher. À croire que, lui

aussi, sent ce qui tourne dans l’air, les problèmes.

Le nom de Drac et de Bastide sont scandés par le présentateur. Les Français nous font signe avantd’entrer. Heureusement, ils

sont là pour apaiser tout cela.

Puis vient le tour des Russes et celui de Dead, le dernier à entrer sur scène puisqu’il est le Présidentorganisateur. La tension

est à son comble dans le hall des coulisses.

Et j’ignore si mon amant est stupide lorsqu’il menace son aîné :

— Tiens-toi correctement pendant le meeting, pauvre tâche. Ne tente pas de créer un conflitinternational, car tu le

regretterais amèrement.

Dying et Died s’avancent à leur tour vers l’entrée de la scène. Dead et nous derrière eux. Avantd’entrer, l’aîné se tourne vers

nous et, toujours provocateur, lance :

— Je sens que l’on va bien s’amuser, aujourd’hui.

Le regard froid qu’il me lance et ce sourire diabolique me glacent le sang. Une chose est sûre : les

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mots du vampire ne sont

pas à prendre à la légère, je le sens. Il est sérieux. Dying Creaving prépare quelque chose depotentiellement dangereux. Reste

à savoir quels seront les dégâts de ses projets.

Chapitre 11

C’est la merde…

Je stresse. D’ailleurs, mes ongles en subissent les conséquences. Je regarde cette scène, et les grandsécrans installés en face

pour que la foule présente sur les pelouses de central Park puisse voir ses « célébrités », ainsi que lemonde entier. Les

chaînes TV diffusent en direct le meeting. Des millions de gens vont voir cet événement. J’ai eu letemps de voir

l’enregistrement d’il y a sept ans. Le meeting se passait au Canada, c’était très sympathique.Beaucoup d’humour, une

possibilité de discuter avec les chefs via une série de questions, ainsi que de nombreux débats surcertains thèmes.

Malheureusement, vu l’ambiance qui règne depuis l’arrivée des Russes, je ne suis pas certaine que lemeeting soit aussi

plaisant cette année. Il a un goût d’inquiétude et de tension. Reste à voir si le peuple va se rendrecompte de l’état de nerfs des

dirigeants sur scène.

Les onze dirigeants des neuf nations vampiriques sont assis sur de grands canapés. Des pupitresréservés aux discours sont

placés à droite et à gauche et un écran est accroché derrière. Le présentateur Ernest Allen, le symbolemême de la télévision

américaine, après Oprah Winfrey, est assis sur un tabouret, à côté du pupitre. Il rappelle avec humouret enthousiasme en quoi

consiste le meeting.

Pour tenter de calmer mes nerfs, je me refais le planning de cette rencontre. Allen va présenter lemeeting ainsi que les

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membres présents. On expliquera les thèmes de cette année, choisis par le pays qui reçoit, puis lescomptes rendus concernant

chaque pays en rapport avec les thèmes annoncés. Ensuite, place au débat pour finir sur les questionssélectionnées au hasard

dans le répertoire constitué depuis un mois.

Le meeting sera fini et nous irons tous dîner au QG avant de nous retrouver demain, pour des réunionsmoins publiques, dont la

mienne…

— Madame Dead Creaving.

Je sors de mes pensées dans un sursaut. Je remarque que je suis restée seule, prostrée à côté de laporte d’accès. Tous les

autres membres restants en coulisse sont allés se mettre à l’autre bout de l’espace privé, derrière lagrande vitre qui sert de

faux fond à la scène. Je me tourne en entendant cette voix féminine que je ne connais pas et qui oseme définir comme étant la

chose de quelqu’un, sans aucune personnalité.

Ça commence mal déjà !

Mon rythme cardiaque s’accélère, mais j’ignore si c’est de malaise ou de colère…

— Ninel Creaving, lance la femme vampire en souriant à pleines dents, une main tendue pour mesaluer.

Je dévisage la femme du frère de Dead. C’est une grande blonde à la peau pâle. Ses yeux grisbrillants ont comme Dying, un

nombre d’âmes importantes. Cette femme est une tueuse qui n’a visiblement pas de respect pour lavie humaine. Ses yeux sont

le reflet de son tableau de chasse. Elle est vêtue d’une robe grise qui ne passe pas inaperçue, et lafourrure qu’elle porte autour

des épaules, nous renvoie en pleine figure d’où elle vient.

Par respect, j’accepte sa main pour la saluer, tout en regardant autour de moi pour chercher Senan ouDecease. Mais je ne

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trouve aucun des deux mâles.

Bordel, je vais devoir me la farcir…

— Seulement Faith Wilkins, je reprends, pour le plaisir de la contredire.

Ninel Creaving est une femme avec beaucoup de manières. En seulement deux minutes, je l’aicompris.

Elle lève les yeux au ciel tout en faisant un geste de la main et en soupirant vulgairement.

— Oh non, ne me faites pas à moi ce petit mensonge, je sais que vous êtes mariés…

Ninel tente un clin d’œil complice qui me laisse perplexe. Je ne sais pas sur quel pied danser avecelle, je sais seulement

qu’elle m’agace. Trenton pense que je ne suis pas objective, que je la détestais déjà depuis que j’aisu qu’elle existait, ce dont

il n’a pas tout à fait tort, mais maintenant que je la « connais », cela confirme ce que je pensais : lesRusses sont détestables.

Cette dernière, se penche pour me murmurer un :

— Mes Félicitations !

— Je ne sais pas si je dois vous remercier.

Ma voix est froide, et si Trenton m’entendait, il rirait en disant que je m’exprime comme lorsque jedois sympathiser avec

Sage de la sécurité ou les secrétaires qui s’approchent un peu trop près de « monsieur le président ».

— Je ne suis pas avare de remerciements.

Le sourire faux qu’elle affiche me démange les mains.

Comme si de rien n’était, je la vois sortir de sa pochette un fume-cigarette, l’espèce de bâton que lesfemmes avaient dans les

années 30, et une cigarette. Je manque d’éclater de rire en la voyant faire. C’est fou comme lesvampires peuvent être ancrés à

de très vieilles habitudes ! Decease fume la pipe comme un grand-père alors qu’il a l’apparence d’unhomme d’une vingtaine

d’années. Elle allume sa cigarette. Qu’elle ne rêve pas trop, l’humaine a du caractère.

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— Que puis-je pour vous, Ninel ?

Essaie d’être aimable, ne va pas mettre de l’huile sur le feu, Faith !

— Je voulais faire votre connaissance. Je connais déjà mes consœurs, et avant d’aller leur rendre unepetite visite amicale

pour parler du bon vieux temps qui nous unit depuis des années, je souhaitais faire connaissance de lapetite nouvelle.

Ninel tire sur sa cigarette. Elle a des gestes très maniérés. La voir fumer ressemble à une mauvaiseimitation d’Audrey

Hepburn avec son tabac.

Je remets en place une de mes mèches brunes rebelles. Un sourire naît sur mon visage en apercevantles vampires de mon

cercle privé derrière Ninel.

— J’ai été ravie d’avoir fait votre connaissance, Ninel. Permettez-moi d’aller voir le début dumeeting…

La femme vampire me barre la route lorsque je tente de rejoindre les autres, tout en gardant un airinnocent là où se cache une

malice effrayante. Son regard ne la trompe pas.

— Et lequel des deux Creaving s’invite le plus souvent dans votre lit ?

— Je vous demande pardon ! je réponds, surprise.

Madame Died Creaving se met à rire stupidement. J’ignore si elle se donne un genre, mais elle a l’aird’une grande blonde

idiote qui ne fait que rire.

— Oh, très chère, vous n’allez pas me faire croire que vous ne chevauchez pas ces deux mâles…

Je lui coupe la parole sèchement, en la pointant du doigt. Hors de question qu’elle se permette defaire sa grande dame en me

prenant pour ce que je ne suis pas.

— Je ne « chevauche » pas ces deux mâles. Je suis avec Dead et non Decease. Je n’ai qu’un seulcompagnon, un seul

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partenaire, et c’est suffisamment compliqué ainsi.

— Vous n’allez pas me faire croire ça ! J’ai entendu dire que les Américaines étaient de vraies…

Je ne laisse pas le temps à cette poupée Barbie blonde de finir. Je hausse le ton, je commence àpenser que la raison de la

venue des Russes à New York a pour but de nous pousser à bout.

— Écoutez-moi bien, nous ne sommes pas toutes des femmes légères, très chère ! Vous baisez sansdoute avec les deux, moi

pas. Vous avez une vision des choses vraiment malsaine…

— Dying est un amant remarquable, tu le sauras par toi-même d’ici peu de temps…

La femme vampire tire sur sa cigarette, toujours en riant. Je l’amuse, elle me prend pour undivertissement, moi pas.

— … et je crois que nous en avons fini ! je termine.

Bien décidée à arrêter ce petit manège, je tente de la contourner, mais Ninel m’attrape le brasfermement pour me retenir. Elle

ne rit plus.

— Ninel !

Je lève les yeux vers la voix froide qui a interrompu cette conversation. Decease se tient face à nous,ses yeux bleus

massacrant du regard la femme vampire. Mon garde du corps vêtu de cuir ferait presque tache dans ledécor si huppé.

Immédiatement, Ninel me lâche et tente une diversion en essayant de prendre le jeune Creaving dansses bras.

— Oh, mon beau-frère Decease, comment vas-tu depuis notre dernière rencontre d’il y a quelquesmois ?

Decease l’arrête d’un geste de la main, et vient se poster entre elle et moi.

— Bien ! Depuis que je ne vous vois plus. Quel dommage que tu te sois libérée.

Ce qui est sûr c’est que lorsque le vampire a une chose à vous dire, il n’y va pas par quatre chemins.

— Je voulais connaître ma belle-sœur, puisque tu ne nous fais pas la joie de te trouver une femme,

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Decease.

Qu’est-ce que je disais ? Ils sont venus nous pousser à bout.

— Pour en avoir une comme toi, je préfère rester seul.

Mon beau-frère passe un bras dans mon dos.

— Trenton veut te parler, Faith. Allons-y !

Je ne me fais pas prier, hoche la tête et marche en direction de l’espace d’observation, le vampire surmes pas, avec une

approche protectrice, comme s’il craignait qu’on me saute dessus. Ce n’est qu’une femme écerveléeet stupide. Elle ne me fait

pas peur, elle m’agace !

— Tu ne l’éloigneras pas longtemps de nous !

— Crois-moi, on s’en sort à merveille avec Dead !

— Plus pour longtemps ! répond Ninel assez fort pour que nous entendions.

Je me crispe en entendant cela.

Decease m’entraîne vers la foule et nous fait une place en première ligne, juste devant la vitre, dansl’espace qui est réservé

aux membres du QG américain. Louis, Trenton, Senan, et Sheeran qui a quitté son bureau deWashington pour la journée,

regardent avec attention ce qui se passe sur scène. Ils se tournent vers nous lorsque nous arrivons. Jene vois pas Deryck ni

Queen. À mon avis, mon amie a suivi son mari dans les négociations avec les autres ministres despays présents. Deryck a un

travail important en tant que Secrétaire d’État aujourd’hui.

— Cette femme est tarée, conclut Decease en soupirant.

Louis, les bras croisés, tourne la tête en direction de Ninel Creaving qui rejoint ses sbires à son posted’observation.

— Détestable aussi.

— Aussi dingue que les deux qui l’accompagnent, poursuit Trenton.

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Sheeran, comme à son habitude, ne parle pas. Cet homme se contente du minimum syndical. Louiscomble mes lacunes lorsque

je lui demande où ils en sont sur scène. J’apprends que le premier point de la Réunion et bientôt lesecond ont déjà été vus.

Lorsque le troisième « acte » commence, Allen tire au sort l’ordre des représentants qui vont passerpour leur compte rendu

personnel. Je me crispe, de plus en plus inquiète, lorsque la Russie est tirée en seconde place.

Je me penche vers Trenton, hypnotisée par les paroles du Chef d’État italien Galluci, premier tiré ausort.

— … Trenton, je ne sens pas les prochains événements…

— Moi non plus ! L’air pue l’hypocrisie et la merde à plein nez. Quelque chose va nous tomberdessus.

Je suis surprise d’entendre parler Louis. Il n’y a que Trenton pour avoir un tel discours, à moins quele Français soit de

mauvaise humeur. Ce qui serait très inquiétant. Louis va mieux d’après les échos que j’ai eus deJacob lorsque je le croise au

QG. Il a bien changé depuis notre rencontre, et il sait contrôler son caractère. De plus, le vampiren’est pas le genre à

s’inquiéter pour un rien. S’il l’est, c’est pour une bonne raison.

— On va prier pour que tout se passe bien ! lâche Trenton, peu confiant lui aussi.

Senan hoche la tête, comme s’il avait compris un message codé.

— Je vais prévenir Sage et Cooper de renforcer la sécurité au niveau de la foule, et sur les routes desortie en cas

d’urgence. Sait-on jamais, si nous devons vite déguerpir.

Decease et les autres membres du gouvernement acquiescent. Il y a déjà énormément de personnespour assurer la sécurité de

la rencontre, que ce soit le corps militaire de l’armée vampire, ou des policiers. Les Français nousont même envoyé plusieurs

de leur branche militaire pour assurer les accès à la ville durant le séjour. Il va y avoir beaucoup de

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contrôles. Aucun

événement majeur comme la dernière fois ne pourra se produire.

J’écoute d’une oreille distraite le discours dans un anglais difficile à comprendre étant donnél’origine italienne de l’orateur.

Mais le peu que je saisis me paraît intéressant. À mon avis, le dirigeant est aussi en étroitecollaboration avec les Français.

Mon stress commence à agacer les vampires qui sont avec moi. Mon pied tape le sol ; je ne cesse desoupirer et mes mains

tremblent. J’ai un très mauvais pressentiment.

Un mauvais présage qui se confirme lorsque l’Italien termine son discours. Le regard de Dead qu’onaffiche sur le grand écran

n’arrive pas à cacher son inquiétude, malgré le sourire et ses applaudissements lorsque son aîné selève en saluant le public

qui se calme subitement.

Tout le monde n’est pas dupe. Tout le monde sait que le retour à la vie publique des Russes n’est pasanodin, et tout le monde

attend ce moment. Sans grande surprise, ce n’est pas Died qui se lève, mais Dying. Le visage défigurépar les cicatrices ne

semble choquer personne, alors qu’il m’avait terrifié lors de notre première rencontre. Dying et Diedsont des dirigeants

célèbres pour leur barbarie, leurs secrets, mais aussi leur histoire concernant la Russie qui reste laplus trouble de ces dix-sept

dernières années.

Je ne suis pas la seule à me crisper en regardant le vampire aux yeux rouges s’avancer vers lepupitre. Il n’a pas de feuille de

discours, et je prie pour qu’il les sorte, un compte rendu sans notes, c’est suspect…

Le Russe prend son temps, et un silence pesant s’empare de la scène et de la foule.

— Bonsoir, vampires, humains, Américains, ou étrangers à cette nation ! Comme l’a annoncé ce cherMonsieur Allen, je

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suis l’un des deux chefs du continent asiatique, Dying Creaving.

Le vampire marque une pause. Sa voix est sûre, ténébreuse, inquiétante, et peu rassurante. On diraitque, comme son père, elle

sort d’outre-tombe. Ses cheveux noirs et ce regard sanglant n’arrangent rien à son apparence degueule cassée.

Il réajuste le micro, mais c’est plus pour le côté scénique d’un discours.

— Je suis présent aujourd’hui au quinzième meeting du Groupe des neuf nations vampiriques. Et c’està mon tour de

prendre la parole.

Je me rends compte que je retenais ma respiration. Je souffle en le voyant sortir des feuilles de notes.Peut-être me suis-je

trompée…

Connerie ! Ce vampire pue l’embrouille !

— Mais avant de commencer un compte rendu sur mon pays qui durant dix ans s’est retiré de la viepublique, je tenais à

dire quelques mots de remerciements envers notre hôte.

Dying montre de la main son frère qui le regarde avec froideur, les bras croisés sur sa poitrine. Monvampire n’est pas dupe

non plus. Personne ne l’est.

— Dead Creaving est un homme bon…

— Bordel, ça commence mal.

Je me tourne vers Louis, visiblement encore plus à cran que moi. Cette réflexion venue de n’importequi d’autre ne m’aurait

pas liquéfiée sur place. Mon rythme cardiaque s’accélère et je regarde le mâle en espérant davantagequ’un simple « ça

commence mal ».

— Louis, arrête ! lance Decease.

Louis foudroie du regard mon beau-frère, comme pour lui rappeler ce dont il ne veut pas se souvenir.

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Le grand blond passe une

main nerveuse dans ses cheveux courts, et les yeux verts de ce dernier brillent de colère.

— Tu connais ton frère ! Tu sais que toute sa sympathie a un prix.

— Justement, je le connais ! Et je…

— Espérons qu’il veuille juste faire bonne figure, coupe Sheeran le vampire aux lunettes, pourcalmer les forts caractères.

Je remercie d’un geste de la tête le Secrétaire de la Justice pour sa première intervention depuis quenous sommes face à cette

vitre.

Je me concentre à nouveau sur ce discours, qui m’angoisse de plus en plus. Je dois reconnaître queDying parle à une foule

aussi bien que son frère.

— C’est un Président, un Chef d’État compétent, qui a réussi là où son prédécesseur avait échoué. Eneffet, il a réussi à

relever un pays en deux ans. (Dying lève deux de ses doigts en faisant une pause) Deux ans de travailacharné, vingt-quatre

mois pour faire ce que Campbell n’avait pas réussi à faire en quinze ans : souder un pays, en faireune vraie nation dirigée par

des vampires, avec un Président juste, et qui n’a jamais cessé de prouver sa loyauté enversl’Amérique et les humains qui

l’habitent.

Dying se tourne vers son frère assis sur son fauteuil, sa main gauche sur le cœur, comme lorsqu’ons’apprête à dire quelque

chose de touchant. Ce n’est que du cinéma, Dying n’a pas de cœur, et il aurait dû faire acteur.

— Mais Dead Creaving n’est pas seulement cela. Dead Creaving incarne pour nous, les chefs d’État,un exemple à suivre.

Un bel exemple…

Et puis, c’est là que tout se joue, que tout bascule comme nous l’avons prévu…

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Le vampire se met à rire, et j’ignore si c’est pour donner de l’émotion à son discours qui puel’hypocrisie, ou si c’est une

diversion. Il finit par se calmer et révéler la face cachée de son jeu.

— Voyez-vous, le début de mon discours aurait pu tout à fait ressembler à ce que je viens de dire.Mais le vrai, le sincère,

est celui qui commence maintenant.

Dying prend un air glacial. Je vois son visage sur le grand écran. Il se tourne vers les chefs d’Étatassis, et pointe du doigt

Dead. Ses yeux rouges le fusillent du regard.

La machine est lancée, prête à exploser.

— Le vampire qui est assis et que je montre du doigt n’est pas l’individu que vous pensez qu’il est. Ilest temps que les

masques tombent, et je vais me faire une joie de le faire moi-même. Je m’adresse à toi, cherAméricain, pauvre imbécile que tu

es de penser que le vampire qui t’a sauvé des griffes du dictateur Campbell est un homme bon. Cetteidée n’est que mensonge.

Celui qui vous gouverne est un monstre de la même envergure. Dead Creaving, le soi-disant « héros »n’est en réalité, qu’un

pion. Votre « héros », celui qui vous a tellement défendus durant des années en créant une associationpour votre sauvegarde,

savait depuis toujours que le Changement allait se produire, et il n’a rien fait pour l’en empêcher !

Autour de moi, les gens qui ignoraient cela, c’est-à-dire les individus, non haut placés, expriment leurstupeur. Je ferme les

yeux en soupirant. C’est un cauchemar, un qui ne fait que commencer :

— Votre si bon Président Creaving, celui qui durant quinze ans a laissé produire les massacres dansvotre pays n’a été

qu’un lâche incapable d’assumer ses responsabilités, car, il faut que vous sachiez que les États-Unisauraient dû être à sa

charge dès le départ. Seulement, c’est un faible.

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Dying tape du doigt le bois du pupitre pour donner plus de conviction à ses propos. C’est le maillonde la chaîne qu’on aurait

dû briser lorsque l’occasion se présentait

Je craque, incapable d’en entendre plus. Ma colère explose, mêlée à l’horreur de voir celui qui m’atout donné et qui tente de

donner une vie meilleure à chacun d’entre nous, se faire littéralement démonter devant des millionsde personnes est vraiment

la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

— POURQUOI PERSONNE NE L’ARRÊTE ! je hurle dans les coulisses.

Je regarde les hommes autour de moi pour voir leurs réactions et jamais je ne me serais attendue à lesvoir défaits, stupéfaits

par ce qui est en train de se dérouler. Je secoue Louis qui est… choqué.

— LOUIS !

— Bordel de merde… oh, bordel…, murmure le vampire en secouant la tête, ses yeux ne quittant pasla scène.

J’ignore ce qui se passe dans le cerveau du mâle, mais je n’aimerais pas y être.

— Arrête ça !

Personne ne bouge. Je soupire, et m’apprête à me diriger vers l’accès de la scène, lorsque Trentonme saisit fermement le bras.

— On ne peut pas l’arrêter, Faith, ce serait encore pire !

Je fronce les sourcils, perplexe. Les autres autour de moi chuchotent, nous dévisagent, et pour ceuxqui savent, ils baissent la

tête en soupirant.

Je dévisage mon ami, et je me sens soudainement impuissante. Je ne comprends plus rien…

— Mais il… si on ne l’arrête pas… il…

— Ce ne sont que de simples accusations, on ne peut pas débouler sur la scène et l’arracher aupupitre. Il ne fait que

l’accuser. Rien n’est irréparable dans ce qu’il vient de dire, et Dead va vite retourner la situation en

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parlant…

— On ne peut pas l’interrompre ? je répète outrée.

Sheeran se tourne vers moi. Tout en retirant ses lunettes, il me répond.

— Non, c’est une clause lors d’un meeting comme celui-ci. Qu’importe ce qui se dit, chacun a ledroit à son temps de

parole… ce serait… illégal.

— Attend, vous déconnez ?

Je vois Trent, Louis et Sheeran secouer la tête. Mon beau-frère ne bronche pas, il reste prostré devantce qui se passe. Il est à

l’écoute du moindre mot, mais son corps le trahit. Ses poings sont serrés, il est fou de rage.

— Non, reprend Sheeran, c’est une loi qui est passée concernant ce rassemblement, il y a dix ans. Lescinq premiers

meetings s’étaient très mal déroulés. Les chefs d’État s’étaient crêpé le chignon, coupant la paroleaux autres. Alors, on a

instauré cette loi.

Je me retourne pour voir ce massacre qui se poursuit en direct, scandalisée d’être dans ce monde etd’avoir à connaître des

individus tels que le vampire faisant son éloge.

— … Vous n’êtes pas censés savoir que les Creaving sont une heureuse famille. (Dying se met à rireniaisement) Excusez-

moi, je tentais de rendre ce moment amusant… Je disais donc que les Creaving sont une famille trèspuissante au sein de la

Race vampirique. En effet, trois des quatre membres de cette dernière gouvernent un continent. Celanous met dans des

positions très confortables, mais les Creaving ne sont pas simplement composés de quatre membres,les Creaving sont

beaucoup plus exceptionnels que cela.

Dying se tourne vers Dead. Le temps semble s’arrêter sur cette fraction de seconde où tout vabasculer pour de bon dans ce

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point de non-retour qu’est la vérité.

— … mon frère, mémorise ce jour où l’humanité entière va savoir que nous sommes les Créateursd’un tel carnage.

La stupéfaction noie la foule et les personnes présentes. Un grand « Oh » général. Je ferme les yeux,totalement, totalement

impuissante à ce « carnage ».

— Ça, par contre…

Je me liquéfie à présent, autant que les autres. Dying a frappé fort, tellement fort que tout le monde estentré en état de

léthargie, figé par ses révélations, dans l’attente de savoir ce qu’il servira en direct pour fairedéchoir son frère.

Dying, avec un sourire qui défigure le visage, continue de poursuivre sa Révélation.

— En effet, mes très chers camarades vampires et le bétail humain, apprenez aujourd’hui que lespremiers vampires ne sont

pas un mythe. Vous avez face à vous, trois des tous premiers-nés vampires, trois des premiers qui ontpropagé notre race en

transformant des humains pour créer l’armée que nous sommes actuellement. J’ai plus de trois milleans. J’ai toujours connu

cette Terre, tout comme votre Président. Dead Creaving est l’un des responsables du massacre del’humanité, de vos proches,

durant les quinze premières années du règne de Campbell, et depuis deux ans, il vous ment sur cequ’il est ! Apprenez son

passé aujourd’hui, apprenez qu’il cache de terribles secrets, que je ne vais pas hésiter à vous révélerdurant mon temps de

parole.

Dying met tout son cœur à ce cauchemar, faisant sa plus belle déclaration, exerçant son plus beaurôle. On dirait qu’il est

passionné par son sujet et qu’il prend un malin plaisir à détruire en un claquement de doigts tout ceque son frère a tenté de

bâtir et de protéger.

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— … maintenant que vous savez à qui vous avez affaire et qui est véritablement votre président,laissez-moi vous

apprendre qu’en plus d’être un très bon menteur et un manipulateur, c’est aussi un homme à secrets.Dead Creaving a tout

comme n’importe quel Président, Dictateur, ou Chef, une femme qui comble ses nuits et réchauffe sesdraps.

Je note l’ironie qu’il emploie. Ses grands gestes de comédien rendent son discours « vivant ». Onaurait presque pu rire dans

d’autres circonstances…

Au fond de moi, j’espère que tout ceci va s’arrêter, que l’alarme des vingt minutes va sonner. Maisnon, rien ne sonne.

Seulement cette certitude en moi qui me dit que ce cauchemar n’est pas fini.

— Une charmante humaine, reprend le Russe, symbole d’espoir, de renouveau, de chance pourl’humanité et le peuple que

votre cher Président tente de construire. Faith Wilkins, est une parfaite secrétaire du département desHumains. Elle occupe un

poste favorable, une place qui vous permet, à vous, humains, d’espérer que l’égalité soit possible.Puisqu’une putain, esclave

de sang et de sexe peut faire chavirer le cœur d’un homme puissant et obtenir une promotion au seindu gouvernement, sans

rien en retour, seulement la chance d’être Faith Wilkins, une humaine à l’histoire troublante quiaccède au gouvernement en

ayant vécu le calvaire.

Il se moque de moi, et la réaction est immédiate, que ce soit sur scène de la part de Dead qui boue del’intérieur et dont les

crocs sortent, ou à mes côtés de la part de mon beau-frère, qui frappe violemment la vitre, sans larompre. Trenton n’arrête pas

de jurer, et dans des langues que je ne connais pas.

— Détrompez-vous, très chers, Faith Wilkins… oh, pardon ! Faith Wilkins CREAVING, car oui,votre Président vous a privé

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d’une cérémonie touchante et sincère, d’une union médiatisée. Parce qu’en effet, Dead Creaving estmarié à sa putain

d’esclave, celle qui porte sa marque. Une putain qu’il nommerait Secrétaire du Département del’Humain si elle acceptait de

l’épouser. Et elle a accepté ! Hum, c’est touchant ! Et ils vous ont menti simplement pour qu’elleconserve son statut de

symbole et d’espoir ! Oh, que les apparences sont trompeuses ! Mais, je n’en ai pas fini à ce sujet,j’ai gardé le meilleur pour

la fin.

Je me tourne vers Decease. Mon beau-frère est pâle. Un vampire pâle, seigneur ! Et il y a de quoi êtrepâle ! Même moi je dois

l’être ! De plus, je me sens profondément trahie quand je vois ma vie privée étalée sur la placepublique.

C’est un véritable cauchemar.

— Decease…, je murmure, la voix rauque.

Mon beau-frère me jette un regard désolé.

— Non, il ne peut pas le faire… on va… on va… il va se taire…

Mon corps se met à trembler. Je sais qu’il va parler, il va terminer son cinéma avec le coup de grâce: la prophétie.

— Dead Creaving protégeait sa femme jusqu’à peu de temps d’un lourd secret. Un secret qui pourraittout faire basculer.

Oublier l’horreur du changement. Ce que je m’apprête à vous révéler est bien plus terrible...

Dying marque une pause, une longue pause, qui semble durer une éternité. Une pause qui va fairebasculer l’avenir de

l’humanité à tout jamais. Je jette un œil à la caméra rivée sur Dead. Le vampire tente tant bien quemal de cacher son désarroi,

mais c’est ainsi, et personne ne peut empêcher Dying de balancer la bombe et tout cela à cause d’unestupide loi. Ce salaud l’a

fait exprès, depuis le départ.

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— Sachez que les vampires ont été créés dans un seul et unique but : fonder une nouvelle raced’individus. Si des sangs

mêlés existent, ce n’est pas de cette race-là dont je veux vous parler. Ces bâtards qui n’appartiennentà personne sont inutiles.

Mais le mélange de sang dont je vais vous parler est bien plus intéressant. Faith Wilkins, fraîchementdénommée Creaving, est

l’incarnation vivante de la raison de notre venue au monde, nous, les vampires. C’est une prophétie,une mère. La femme qui

doit porter le premier être de sang-mêlé d’un premier vampire. (Dying sourit à nouveau) Je pense quevous commencez à

comprendre, mais pour ceux dont l’évidence paraît floue, je vais l’expliquer clairement : la femmequi se tient aux côtés de

votre Président est une bombe à retardement. Elle mettra au monde des enfants uniques, issus d’unenouvelle race d’individus,

la race du renouveau, celle qui mettrait fin aux horreurs de ce monde, en commençant par exterminerle maillon faible de la

chaîne, les humains. Cela prendra des siècles, mais le processus commencera avec cette premièrenaissance et ne pourra pas

être arrêté. Votre Président n’avait même pas pris la peine d’en informer sa compagne, et soyons desindividus modernes, tout

le monde sait qu’un couple marié consomme avec plaisir la chair de son compagnon.

Le Russe pointe le doigt dans ma direction, le fond de la scène, là où se trouvent les vitres cachées.Et j’ai soudainement

l’impression que des millions de regards sont tournés vers moi. Je me sens mal. L’impuissance medévore le corps, et me fait

monter les larmes aux yeux. C’est injuste et répugnant ce qu’il fait.

— Faith Wilkins va vous exterminer… Vous avez le droit de vous sentir trahis, vampires, humains,humains surtout, qu’une

telle mascarade ait lieu sous vos yeux. C’était tellement beau l’Amérique depuis deux ans… mais tantde beauté ne pouvait

cacher que de la noirceur, et la voilà !

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Dying met toute la conviction qu’il peut dans ses dernières paroles. Cette journée est pire qu’un filmd’horreur. L’humour noir

et l’ironie n’auront plus le même goût à mes yeux après ce soir, si demain il y a.

— À vous de choisir : la vie, ou une mort lente… douloureuse, et assurée. Mais comment faire cechoix ? Choisissez de

vivre et de vous débarrasser de ce qui vous encombre ! Donnez à la Russie l’élément qui vousconduira à votre perte et nous

ferons ce qu’il faudra pour que l’humanité et les vampires ne soient pas doublés par une saletéd’humaine destinée !

Un bras réconfortant, celui de mon beau-frère, vient enserrer mes épaules. Ce soutien-là ne me suffitplus. C’est trop tard, le

venin est répandu. J’entends déjà derrière moi des exclamations de haine.

Si je pensais que Dying en avait fini avec les coups de massue, le dernier nous achève tous.

— Oh, mais… c’est ce que j’aurais pu dire si j’étais Dead Creaving ! Je vous aurais rassurés ! Maisje ne suis pas votre

Président ! Je suis Dying Creaving, Premier Vampire, et ne pensez pas que je suis compatissant avecvous… je désire

seulement être le maître de ces investigations. Et j’ai les moyens d’y parvenir, car en ce jour, jerévèle officiellement que la

Russie déclare la Guerre aux États-Unis d’Amérique. Et si vous voulez éviter que votre pays nesombre dans le chaos, atomisé

par des bombes, livrez-moi l’humaine et je vous épargnerai pour les cent ans à venir. Je donnesoixante jours à l’Amérique

pour me donner sa réponse, sinon, le sang coulera et vos terres connaîtront la douleur.

Sans rajouter un mot de plus, Dying embrasse le ciel d’un geste de la main et quitte l’estrade sousl’œil médusé de la foule,

mettant fin brutalement au meeting et renversant le calme et la confiance de tout un pays.

***

— C’est un acte de trahison, Creaving ! hurle le dirigeant australien.

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Wallis entre derrière Dying qui affiche un air supérieur, visiblement ravi de son discours et desravages qu’il vient de

provoquer. Il méprise tout ce qui l’entoure, faisant comme s’il n’y avait personne autour de lui. Levampire aux yeux rouges va

rejoindre son attroupement de Russes et Ninel.

— Répondez, misérable !

Dying Creaving snobe tout le monde. Son frère aussi. Les deux se contentent de sourire et de parleren Russe.

— La Russie ne sera jamais en accord avec les Américains, souligne Died en rejoignant sa femmequi affiche un sourire

comblé.

Le meeting ne pouvant pas continuer avec ces révélations, tout le monde reçoit l’ordre de quittercentral Park, les dirigeants

surtout, afin de prévenir les futurs actes de rébellion et les manifestations et s’en protéger. Je voisdéjà un remake beaucoup

plus flippant que le renversement du pouvoir par Dead.

Les Français que j’arrive à voir même avec les deux grands corps de Decease et Senan entrent dansla conversation. Je ne

pensais pas que les Chefs iraient défendre Dead… à moins de déjà tout savoir.

— Comment osez-vous venir répandre votre venin lors d’un événement international neutre ! hurleBastide.

Je cherche du regard Dead, mais ne le vois pas. Il y a tellement de gardes pour protéger, qu’une foules’est créée. C’est sa voix

remplie de haine qui calme le jeu.

— Dying, tu es allé beaucoup trop loin !

Un mouvement de foule s’opère vite, et Dead arrive à la hauteur de son aîné, qui lui, se délecte duspectacle. Je tente de

repousser Senan et Decease, mais les deux m’en empêchent.

— Tu oses ? Tu oses réclamer un individu ! (Dead arrête son frère) TU N’AURAS PAS MA

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FEMME, CONNARD !

Dying rit. Chose à ne surtout pas faire.

— Alors c’est le peuple qui l’aura.

Dead ne se contrôle pas plus qu’avant d’entrer sur scène. Sa main vient s’écraser contre la joue deson frère. Il le tient

fermement pour que ce dernier encaisse bien le coup. Les gens autour de nous ne savent plus oùdonner de la tête. C’est la

panique totale. Un véritable cauchemar. La foule derrière la porte d’accès hurle son mécontentement.Ceux qui sont présents

dans les coulisses deviennent de plus en plus tendus. La stupeur va laisser place à la colère dans peude temps et il faut que

nous soyons loin de tout ceci.

— Sale raclure, tu me paieras ce jour ! Ça ne va pas se passer comme ça. Tu as sans doute gagnécette bataille avec ton

petit numéro, mais tu ne gagneras pas les prochaines. Je t’en fais la promesse !

Dead frappe à nouveau son frère, avant que Trenton et Louis n’interviennent. Ils tirent vers l’arrièrele Président, lui intimant

de se calmer. Mais Dead n’écoute pas, il reste figé sur son frère.

— Dégagez-moi ça de mon pays ! Les Russes sont désormais des ennemis de la nation. Le premierespion que je vois sur

mon sol, je le fais tuer sur le champ. Quant à toi, je ne peux pas te tuer, mais ça ne se passera pascomme tu le souhaites !

— C’est ce que je veux, Dead. Et je veux du sang, et encore mieux, je veux le tien.

— Ne souhaite pas voir du sang couler ou ce sera le tien ! Je trouverai un moyen.

Dying s’essuie le nez. Du sang a coulé suite aux coups. Mais cela ne décourage pas le vampire,toujours aussi provocateur.

— J’arriverai à baiser ta femme, et plus vite que tu ne le penses, lorsque ta chère petite Amérique neressemblera plus à

rien, que ton peuple se soulèvera. J’ai allumé le feu, Dead, et tu ne pourras pas t’en sortir cette fois-

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ci. Ton sourire et tes beaux

yeux ne te sauveront pas. La descente aux enfers commence maintenant, Dead…

La tension dans l’espace réservé aux coulisses devient plus sombre, cela va mal finir…

— DEAD !

Mes bras sont passés autour de la taille du vampire. Mon geste s’est produit si vite, que j’ai peine àréaliser que je me suis

jetée sur lui, quittant les bras solides des deux gardes du corps, enserrant son corps tiède pour leretenir. Ce dernier bout

littéralement de l’intérieur. Il est hors de lui, et la rage qu’il ressent entre dans mon corps. Il a mal dese sentir trahi. Il ne

supporte pas qu’on ait révélé ce pour quoi il s’est toujours battu, en commençant par leurs secrets, etnos secrets à nous, notre

intimité déballée sur la place publique. Nous ne nous sommes jamais affichés. Nos affaires privéessont toujours restées

privées, en commençant par notre mariage. Et même si je ne le sens plus comme je devrais leressentir lorsque nos sangs ne

font plus qu’un, je comprends à son comportement qu’il est blessé, tout comme je le suis. J’auraisaimé que tout ceci reste

entre nous, cela est déjà compliqué à gérer.

Je le serre contre moi de toutes mes forces, tentant de l’apaiser par ma présence, mais le vampire estplus puissant et tente de

sortir de mon étreinte pour aller massacrer son frère. J’arrive par je ne sais quel miracle à luimurmurer à l’oreille :

— S’il te plaît, mon amour, arrête ! Ne lui donne pas ce plaisir, je t’en prie…

La fin de ma phrase meurt dans un gémissement. Je n’ai pas envie de le voir se battre avec cemonstre, j’ai déjà donné avec

Louis. Voir Dead agir comme un sauvage avec des instincts bestiaux n’est pas une vision supportablece soir, même si je sais

que c’est une réaction normale chez lui. Il protège les personnes qui lui sont chères, contre le danger.

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Dead se raidit, puisant en lui la force de ne pas succomber aux éclats de rire provocateurs de sonaîné qui est conduit vers la

sortie, entouré d’une dizaine d’agents de sécurité. Comme à leur habitude, Ninel et Died ne pipentpas un mot. Ils se contentent

de suivre les délires d’un fou.

Les mains de Dead viennent se poser sur les miennes. Lorsque ce contact est établi, je sursaute, touten comprenant que le

vampire a réussi à obtenir un certain contrôle.

Je m’écarte de lui tout en restant assez proche pour le retenir au cas où ce serait une ruse, mais Deadsemble gérer la situation.

— On s’en va ! Dégagez-moi ça ! ordonne Dead à des gens de la sécurité qui ressemblent aux Men inblack.

Mon amant se tourne vers Senan. Le vampire est raide comme un piquet. Ses yeux rouges merappellent ceux du fou qui vient

de déclarer la guerre à notre pays. Dead s’apprête à demander quelque chose à mon garde du corpsactuel, mais ce dernier le

devance :

— Rentre au QG, Dead, je m’occupe de coordonner la foule et je vais voir le Général pour qu’ongère la crise. Ce n’est

plus ton job.

— Je viens aussi, c’est le mien.

Les deux frères Creaving s’affrontent du regard. Dead est tout aussi inquiet pour moi que pour sonpetit frère. C’est ainsi. C’est

comme ça entre eux. Leur lien est tellement fort ! Ce n’est pas la relation malsaine que Dyingentretient avec Died. Et même si

mon compagnon ne veut pas que son frère aille s’occuper de la sécurité dans la ville et coordonnercelle dans le pays, il le

laissera faire. Il tient seulement à montrer à son frère qu’il a intérêt à ce qu’il ne lui arrive rien.N’importe quel Creaving et

membre du gouvernement va devenir une cible.

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— Tenez-moi au courant !

Senan et Decease hochent la tête et se mettent à courir pour traverser le couloir. Ils disparaissent dansla foule de gens qu’on

évacue. Je reste figée quelques instants.

Dead se tourne vers moi et me sort de ma stupeur. Je vois dans ses yeux l’inquiétude, mais la vraie,celle qui vous dévore de

l’intérieur. Et j’ai vraiment peur parce qu’à cet instant, il n’est pas simplement question d’unevulgaire dispute entre nous sur

un avenir commun, mais il est question d’un avenir tout entier, où le danger va rôder de partout. Levampire saisit ma main, et

en escorte avec les autres membres du gouvernement qui ne sont pas encore partis, nous quittons leslieux du crime.

Chapitre 12

Toi contre moi, toi en moi.

Dead pousse la porte de l’appartement qu’il occupe au QG depuis notre séparation. Je me senstotalement épuisée, comme si

un poids d’une centaine de kilos venait de me tomber dessus. À mon avis, je suis sous le choc et il y ade quoi.

J’entre dans la pièce qui sert de salon ; mes yeux scrutent ce qui m’entoure. Tout a vraiment changéici depuis que Dead occupe

le siège de la Présidence. Le petit appartement ressemble à celui de chez nous, dans des tons gris quimettent à l’aise.

Un sourire désespéré se fige sur mes lèvres. Comment pourrais-je être à l’aise aujourd’hui, avec cequi vient de nous tomber

dessus ? C’est pire que tout, le discours de son frère. C’est dix fois pire que les mensonges de Dead,sa pseudo trahison et tout

ce que je pouvais lui reprocher durant ces trois derniers mois. Le vampire qui m’a passé la bague audoigt est aussi à cran. Il

retire sa veste de costume et sa cravate qu’il pose sur le dossier de l’un des canapés du salon. Je mesens fatiguée et Dead,

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sans doute par habitude, n’a pas pris la peine d’allumer la lumière. Je regarde la ville à travers lesgrandes vitres. De là, on ne

pourrait pas se douter qu’émeutes, et tentatives de soulèvement sont en train de se produire. Toutparaît figé, dans le calme,

alors que c’est le contraire.

— Tu veux manger quelque chose ?

Je sursaute en sentant les mains du mâle sur mes épaules. Je me retourne pour lui faire face. Il tentede masquer son inquiétude,

mais à moi, il ne me l’a fait pas, je le connais mieux que personne.

— Non, je n’ai pas faim. Je veux seulement aller me coucher, je réponds simplement.

Dead hoche la tête. Il saisit ma main et m’entraîne jusqu’à la chambre à coucher de l’appartement.Heureusement pour lui, j’ai

pris l’habitude d’y voir dans la pénombre, je ne me cogne plus dans tous les coins de meubles.

Le vampire ouvre la porte. Je connais la pièce par cœur ; si elle n’a pas changé, il devrait y avoir ungrand lit trois places au

centre, avec des draps de satin noir et une dizaine d’oreillers, deux petites tables de nuit sculptéesdans du bois très ancien.

Une télévision écran plat, accrochée sur le mur à gauche, et sur la droite, une porte donnant sur undressing et la salle de bains.

Je retire mes chaussures, Dead fait pareil, et dans un calme troublant, nous nous asseyons tous lesdeux sur le bord du lit. Je le

regarde, mais lui semble ailleurs, perdu dans ses pensées, et je n’ose pas imaginer lesquelles. Seul unvampire peut supporter

ce flot d’informations et de décisions à prendre sans devenir fou. Je m’inquiète à cet instant pourl’homme que j’aime. Je pose

ma main sur son genou, et romps le silence.

— Je ne veux plus être sans toi.

Dead se tourne vers moi, et le désespoir que je lis dans ses yeux me brise le cœur. Il est désemparé,en colère. J’ai mal pour

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lui de savoir qu’il a été trahi et que son propre frère le déteste autant. Il s’est vengé de quelque choseque j’ignore, ou que je

n’arrive pas à comprendre. C’est affreux ce qui vient de se produire. Dying vient sans doute dedétruire presque deux ans de

travail pour faire sortir de l’eau ce pays.

— Je ne partirai plus, je renchéris ne voyant aucune réaction de sa part.

Je me rapproche de lui et Dead finit par passer un bras autour de mes hanches pour me serrer contrelui. À cet instant, je ne

pense même pas à moi, je ne pense pas au fait que ma vie est sans doute fichue, que je risque demourir, et qu’une haine

profonde est en train de naître à mon égard. Je pense seulement à lui.

— Je sais que ça peut paraître stupide, je poursuis, et préférable que je reste à tes côtés, étant donnéla situation, pourquoi

je voudrais partir maintenant que tout un pays voudra sans doute ma mort… mais ce n’est pas laraison.

— Je sais…

Je pose mon doigt sur sa bouche pour le faire taire. Sa voix est remplie de douleur. Je me doute bienque même s’il hait son

frère, se savoir trahi c’est pire que tout, surtout en ayant sacrifié toute sa vie pour ce secret qu’ilpartageait. Je ne quitte pas un

instant son regard. Je veux qu’il y lise toute la sincérité de mes excuses.

— Non, tu ne sais pas. Tu ne sais pas à quel point je t’aime. Dead, tu ne sais pas, et même en ayant ledoute, tu as continué

de me défendre, de me protéger, de protéger ce secret… tu souffrais, je t’ai fait du mal en partant, etmalgré ça, tu m’as

défendue, tu m’as protégée de tes frères, et oui, je ne veux plus avoir à être sans toi… c’est à moi dete demander pardon.

Monsieur Patience ferme les yeux. Je le vois inspirer plusieurs fois. Je pense qu’il tente de se calmeret je commence à me

demander si c’est le bon moment pour lui demander pardon. Pourtant, je n’arrive pas à me taire, j’ai

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besoin que cela sorte. Je

veux qu’il sache que je veux être à ses côtés pour affronter tout cela.

— Je suis désolée, Dead, désolée que tu sois en train de perdre tout ce que tu as construit par mafaute. Par convoitise. Je

suis désolée d’être partie, d’avoir eu peur, et de t’en avoir voulu. J’ai eu tout faux sur toute la ligne.Pardonne-moi de n’avoir

pas cru en toi comme j’aurais dû. Nous n’en serions sans doute pas là si nous avions affronté leschoses ensemble, et pas

chacun de son côté. Ton père m’avait dit que quelque chose se préparait, mais je n’aurais jamais cruque…

— Je n’en doute pas, il aime dire aux autres ce qu’ils ne peuvent pas savoir.

— Dead, je suis vraiment navrée…, je termine en baissant les yeux.

Le silence retombe dans la chambre. Je me sens mal, terriblement mal. Mais ce n’est rien comparé àl’anarchie qui doit régner

au cœur du vampire.

Dead soupire, comme lorsqu’on baisse les bras. Il m’embrasse la joue tout en me parlant :

— Non, mon Ange, c’est moi qui suis désolé. Je suis désolé pour la vie que tu vas avoir… parcequ’à cet instant, je ne sais

pas quoi faire pour nous sortir de ce merdier. Pardonne-moi pour n’avoir pas accompli jusqu’au boutla promesse que je t’ai

faite, celle de te protéger.

— Tu vas trouver, Dead, tu es… toi.

Sans prévention, le vampire explose. Il se lève d’un bond, sa colère part d’un seul coup, mesurprenant :

— J’ai été un faible ! Bordel, je ne sais pas ce que c’est la faiblesse, et ma connerie de politicienainsi que mon passé

m’ont rendu faible !

Je me raidis, et tente de garder mon calme et de trouver les mots qu’il faut pour l’apaiser.

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— Je pense que j’ai ma part de responsabilité dans tout cela…

— Non, je te rassure, tu n’y es pour rien ! Ce n’est pas ta faute, tu n’as pas choisi d’être celle que tues. C’est ce connard de

destin qui te met en danger, aujourd’hui ! C’est à cause de lui que je ne sais pas quoi faire pour temettre en sécurité à cet

instant !

Dead hurle, mais je sais que sa colère ne m’est pas destinée. Il a besoin d’évacuer. Et je pense quecela ne va pas s’arranger,

car si je comprends bien, c’est bien son amour pour moi qui le rend si nerveux.

— Tu veux que je te confie quelque chose ? finit-il par ajouter.

— Quoi donc ? je demande.

— Le pouvoir nous apporte la faiblesse…

— Laquelle ?

Dead se montre du doigt tout en me répondant :

— Celle de l’ego. Notre ego de dirigeant nous a poussés à voter une loi sur la parole d’un Président,simplement pour notre

fierté de ne pas être interrompus, seulement pour cela, et regarde où nous en sommes…

Mon compagnon vient se rasseoir à mes côtés et je me blottis contre lui. Peut-être ma présence va-t-elle commencer à le faire

souffler un peu, je l’espère.

— Qu’est-ce que tu risquais en intervenant ? je questionne timidement.

— À me jeter dans la gueule du loup ! Que voulais-tu que je fasse ? Mettre un terme à tout ça n’auraitfait qu’empirer les

choses. Dying m’a mis devant le fait accompli.

— Pourquoi… tu ne l’as pas tué ?

Je me redresse en le sentant se tendre. L’expression de son visage n’indique rien de bon.

— Je ne peux pas le tuer…, lâche Dead d’un ton amer.

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— Dead, il vient de te déclarer la guerre !

Le mâle se met à rire nerveusement, et j’ignore pourquoi, mais je sens que ce que je vais apprendrene va pas me plaire.

— Mon Ange, tu ne comprends pas ce que j’entends par « je ne peux pas le tuer ».

— Non, je ne comprends pas, désolée…

Mon compagnon semble se murer dans le silence. Un long silence pendant lequel je le regarde sebattre avec ses secrets, et un

passé douloureux. Il saisit ma main qu’il serre fort, mais ne m’accorde pas le plaisir de ses yeuxbleus, lorsqu’il m’avoue la

vérité :

— On ne peut pas s’entretuer.

C’est presque un murmure.

— Bien sûr que si. Ton frère n’a pas hésité à tuer… ta sœur…

— Justement, depuis que Dying a…

Dead tourne la tête un peu plus, comme s’il refusait que je lise la douleur en lui. Il préfère fixer le solplutôt que mes yeux, et

dire à voix haute que sa sœur n’est plus en vie.

— … notre père n’a pas voulu prendre le risque que l’on détruise ce qu’il avait mis des années àconstruire, alors, il a fait

en sorte qu’aucun Creaving n’ait à mourir.

Je me fige. Je ne suis pas certaine d’avoir tout compris.

— Tu es immortel en tant que vampire, non ? Sauf si on te…

Dead se tourne vers moi. Mon cœur se brise une nouvelle fois en voyant l’émotion dans son regardbleu nuit, brillant d’âmes.

— C’est là où je veux en venir, Faith. Il n’y a pas de « si » dans notre cas. Je ne peux pas mourir.Quoi qu’il se passe, je ne

pourrai pas mourir. Il nous a rendus invincibles. Il en a bavé, mais il a réussi à protéger sesprogénitures. Je ne pourrai pas

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tuer mon frère, et mon frère ne pourra jamais me tuer, ni lui ni aucune autre personne.

Je le prends dans mes bras et Dead nous fait basculer sur le lit. Je suis sous le choc de ce que jeviens d’apprendre et j’ai

envie de pleurer devant cette injustice. Nous restons un moment l’un contre l’autre, tentant de nousapporter du réconfort.

— C’est fini les fuites, Faith, reprend Dead, fini les disputes inutiles, fini les mensonges. Ces troisderniers mois et ce soir

doivent nous servir de leçon pour l’avenir. Je ne veux plus à avoir à vivre ça… (Il se tait quelquesinstants, et je sais qu’il va

tenter une note d’humour) On aurait dû demander au prêtre qui nous a mariés de nous donner le moded’emploi pour s’en

sortir. On aurait sans doute évité de nous faire autant de mal.

— On apprend de ses erreurs… Tu m’as manqué, Dead.

— Toi aussi, énormément. Je suis vraiment désolé que notre réconciliation se passe maintenant queplus rien ne va autour

de nous.

Je me redresse pour voir son visage. Un sourire sincère bien que rempli de tristesse vient illuminermon visage. On se

réconcilie, c’est le plus important.

— Elle se passe, c’est déjà ça. C’est même sans doute mieux, maintenant que rien ne va.

Dead hoche la tête. Sa main libre, celle qui n’est pas dans mon dos, vient torturer ses cheveux noirs.Le vampire commence à

m’avouer ses craintes :

— Je ne sais pas comment on va faire, Faith, pour la suite. Je ne sais pas quels seront les dégâtsirréversibles qu’a

engendrés le discours de Dying. Je suis profondément en colère. J’ai la rage, une rage que je pensaisne plus connaître. C’est

un trop-plein d’émotions que je n’arrive pas à gérer. Je sais que ta présence contre moi devraitm’aider, mais ça persiste. Mes

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instincts les plus primaires et sauvages, ce qu’il y a de pire chez un vampire, sont en train deressortir, et ça m’inquiète de

savoir que si jamais j’explose, je ne serai plus apte à me contrôler et à prendre des décisionsrationnelles.

— Je pense qu’il est temps pour tout le monde de clore cette journée.

— J’attends des nouvelles de Decease, et Senan. Je vais rester avec toi un moment, le temps que tut’endormes, et je vais

aller…

Nous sursautons lorsqu’un bruit semblable à un martèlement de porte résonne. Nous nous redressons,et Dead regarde vers la

porte d’entrée qu’on peut voir depuis la chambre.

L’instant d’après, sans qu’aucun de nous n’ait dit quoi que ce soit, la porte s’ouvre et un visagefamilier apparaît. Je souris,

soulagée de voir mon beau-frère apparaître. J’aurais dû me douter que ce serait le seul à oser venirnous déranger à cette

heure.

— Je peux ?

Decease nous cherche rapidement dans l’appartement. Ses yeux nous trouvent directement. Dead selève et son frère nous

rejoint en quelques pas. Je dévisage rapidement Decease. Il a l’air épuisé, mais intact. Il ne sent pasle sang, non plus.

Bonne nouvelle.

— Je vais prendre une douche, je vous laisse seuls, j’annonce.

Je m’apprête à me diriger vers la porte qui mène au dressing et à la salle de bains, quand la voix demon beau-frère m’arrête

dans mon élan. Je lui fais face. Dead est toujours assis sur le lit et nous dévisage tour à tour. Je meretiens de soupirer. Cette

situation pesante m’agace, et ce n’est que le début des tensions.

— Tu peux rester, Faith, si tu le souhaites. Je ne disais pas ça pour te faire quitter la pièce…

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Je secoue la tête pour signifier mon refus. Je n’ai pas envie de rester et entendre des informations quime blesseraient

davantage. De plus, la tête qu’affiche le garde du corps en dit long sur l’état de la ville et du Pays.

— Non, c’est bon, ne t’en fais pas, j’ai eu ma dose de mauvaises nouvelles pour la journée.

Je fais un sourire compatissant au vampire qui a l’air épuisé, et pars en direction de la salle de bains.J’entrebâille la porte, et

tends l’oreille pour tenter de savoir ce que Decease apporte comme nouvelle à son frère. Je sais qu’ilne tentera pas

d’enjoliver les choses s’il pense qu’il n’est qu’en tête à tête avec Dead.

— Alors ?

La voix de mon amant est dominée par l’inquiétude. J’entends des bruits de pas. Mon cœur bat à toutrompre dans l’attente de

mauvaises nouvelles que j’imagine déjà.

— Ça va mal, Dead ! J’ai vu Sage, Coop et le Général. Les trois viennent de partir dans tout le paysorganiser les

mouvements antiémeutes. Si pour l’instant c’est tendu dans les autres parties du pays, en ville c’est lechaos. Les humains ont

mis à feu et à sang leurs quartiers, et celui des vampires est devenu un vrai…

Je claque la porte pour ne plus rien entendre. Je m’appuie contre elle, et me laisse glisser contre lebois sculpté. Le dressing

est dans le noir complet et le calme apparent semble me faire du bien. Tout est chaos à l’extérieur.Nous avons eu du mal à

rentrer au QG. Les routes et les mouvements de foules avaient déjà commencé. Les chambres del’aile privée de la Maison

« Noire », comme les humains aiment à appeler le QG, sont occupées par nos invités. Je suissoulagée de ne plus avoir à faire

de « public relations », du moins jusqu’à demain. Je pense avoir eu mon lot de regards en coin. Je nesuis pas certaine de

vraiment réaliser l’enjeu de nos avenirs. J’ai plutôt l’impression d’être dans un cauchemar et je tardeà me réveiller. J’ai du

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mal à croire que ce que j’ai appris, il y a à peine trois mois, tout le monde le sait, désormais. Moi quim’étais arrangée pour

oublier mes « conditions » de femme « prophétie », je vais devoir assumer ce rôle qui m’effraie. Sije pensais que l’avenir

était déjà incertain, aujourd’hui, je ne suis sûre que d’une chose : l’avenir est plus que sombredésormais.

Je sens que la conversation tant attendue autour d’une table entre Dead, Decease et moi, va arriverplus tôt que prévu, et dans

d’autres circonstances.

Je soupire en me relevant. Ce soir, je vais ranger une dernière fois tous ces problèmes dans une case,et souffler avant de

devenir folle et de craquer sous la pression.

Je trouve l’interrupteur qui allume le dressing noir. Je connais un peu cet appartement. Je sais qu’ilappartenait à Campbell, et

si j’ai toujours refusé d’y vivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre, j’y ai quand même passé desnuits lorsque l’on travaillait

tard.

Je suis surprise de voir le nombre de costumes et d’affaires. Je ne pensais pas que Dead avait étéaussi radical lorsqu’il a

décidé d’emménager ici après mon départ. Toutes ses affaires y sont. Mon cœur se serre à cettepensée. Je suis soulagée qu’au

moins, nous nous sommes réconciliés. Il était temps, pour le bien de tout le monde.

Je mets quelques minutes à trouver un grand t-shirt et un boxer. Il n’y a pas d’affaires de femmes ici,mais je m’adapte. Une

voix au coin de ma tête me dit que je ne garderai peut-être pas longtemps mes vêtements.

Une fois armée d’habits de rechange, je passe dans la salle de bains. C’est la seule partie de cetappartement que Dead n’a pas

changée. Il faut dire qu’elle est magnifique, toute en marbre rouge à rayures blanches avec deslavabos sculptés à l’ancienne

dans de la pierre. Je reconnais le goût des belles choses de l’ancien Dictateur.

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Je pose mes vêtements sur le plan de travail. Mon reflet dans le miroir suscite du dégoût. Je n’ai pasenvie de voir l’image

qu’il renvoie. Je sens assez le désespoir en moi pour ne pas avoir besoin de le lire à travers monreflet.

Je cherche de quoi me démaquiller avant de me souvenir que je suis dans une garçonnière d’hommemarié ne vivant plus avec

sa femme.

Je retire ma robe et mes sous-vêtements ne tardent pas à rejoindre le sol. J’ouvre le robinet d’eau dela douche pour me

concentrer là-dessus plutôt que sur les milliers de pensées qui me hantent. Je me brosse les dentsrapidement avant de finir

sous la douche. L’eau chaude me fait un bien fou. Je traîne un moment dessous, savourantl’apaisement que provoque cette

chaleur, alors que tout est froid et tendu à l’extérieur. Je me lave les cheveux, prenant quelquesminutes de solitude

supplémentaires. Je m’assoupis sans doute un peu ce qui manque de me faire glisser sous la douche.Je réalise alors qu’il faut

que j’en sorte.

À contrecœur, je coupe l’arrivée d’eau chaude, et sors de la cabine. Le froid de la pièce sur ma peaumouillée me fait

grelotter. Je saisis une serviette noire pendue à un radiateur mural et me sèche en vitesse. L’épongechaude me réchauffe un

peu. Je termine de m’habiller et sors de la salle de bains, le cœur lourd. Je me demande maintenantdans quel état je vais

retrouver le vampire qui m’attend de l’autre côté de la porte.

Je m’arrête. Le stress s’empare de moi. Quelle situation déplorable pour se réconcilier et tirer untrait sur ces trois mois

douloureux ! Je suis prise par un profond remords. Je m’en veux pour ce qui s’est passé, pour mafuite, loin de lui. J’ai été

incroyablement stupide de penser que je pourrais régler certaines choses, seule. Je me suis trompée,sauf à comprendre que

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j’étais incapable de vivre sans l’homme que j’aimais. J’ai refusé le reste.

Je prends mon courage à deux mains, et ouvre cette porte. Je m’arrête net en découvrant ce que meréserve la chambre plongée

dans le noir, seulement éclairée par la lumière de la lune, et de la ville au loin.

Dead n’a pas bougé du lit. Il est allongé, ses mains couvrent son visage. Il est désemparé, en colère,Dead ressent tellement de

sentiments à la fois, que la tension de la pièce est indescriptible. La seule chose dont je suis sûre,c’est qu’il va mal.

Je m’appuie contre le chambranle de la porte, je brise le silence sans vraiment m’en rendre compte.

— Decease est parti ?

Dead relève la tête en entendant ma voix. Je souris en voyant le désastre de ses cheveux. Il a dû ypasser ses mains un nombre

incalculable de fois. Il ne m’avait pas entendu arriver, trop pris par ses pensées. Je le remarque lalueur de surprise de ses

yeux.

— Oui, me répond-il d’une voix fade.

— Alors, les nouvelles sont plutôt… comment ?

Le vampire ne me regarde pas droit dans les yeux et comme j’aimerais qu’il le fasse à cet instant.Non, il a les yeux braqués

sur mes jambes dénudées, et sur le t-shirt noir deux fois trop grand pour moi, que je lui ai empruntépour dormir. Il a ce regard

empreint par le désir, celui viscéral, ce besoin presque animal qui reste enfoui en lui la plupart dutemps. Ce soir, c’est

différent, et je sais très bien que Dead sera incapable de résister à l’appel de ses sentiments.

— Mal, finit par lâcher mon amant sur un ton amer.

Dead se lève d’un pas lent et assuré. Il s’approche de moi comme un félin l’aurait fait pour venir à larencontre de sa proie. Je

le regarde faire. Il se dégage de lui un sentiment trouble. Le vampire s’arrête à ma hauteur.

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— Mais je n’ai pas envie d’en parler, conclut-il.

Oh…

— D’accord, je réponds simplement.

Je n’insiste pas plus. Je comprends qu’il n’ait pas envie de parler à nouveau des mauvaises nouvellesque son frère a dû lui

apporter, et dont je me doute. Le pays va mal, et personne ne peut blâmer les milliers d’Américainsqui se sentent trahis. J’ai

été à leur place il n’y a pas très longtemps.

Je souris timidement à Dead et décide d’aller me coucher. La journée a été longue, la soiréedavantage, et j’ignore ce que nous

réserve demain. Je ne veux pas brusquer Dead. Il est déjà suffisamment à cran. Je passe devant levampire pour accéder à

l’autre côté du lit, mais Dead me surprend en m’attrapant le bras. Il m’attire à lui brusquement. Je meretrouve plaquée contre

son torse. Mes yeux se lèvent vers les siens. Le bleu brille sous l’effet du désir.

— J’ai juste envie de toi, murmure le vampire en approchant son visage du mien.

Ses lèvres viennent embrasser ma joue. Elles dérivent jusqu’à mon cou qu’il embrasse chastement,laissant son souffle

caresser ma peau, et ses dents marquer ma gorge. Mes bras passent autour de son cou. Des frissonsme parcourent. Je vois très

bien où il veut en venir.

— Je veux retrouver ma femme, retrouver son corps, lui montrer à quel point elle m’a manqué, et larassurer autrement

qu’avec des mots qui n’ont plus aucun impact à cet instant. Je veux te prendre et te marquer siprofondément que la marque

mettra plusieurs jours à s’estomper.

Ses mains descendent le long de mes hanches, pour passer sur mes fesses et me plaquer contre sonmembre dur. Je ferme les

yeux. Sa bouche continue de taquiner mon cou. Mon ventre commence à me brûler sous le désir qui

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est en train de naître. J’ai

envie de lui, de le sentir me posséder, et m’apporter ce réconfort qu’aucun mot ne pourrait remplacer.Je veux oublier cette

journée.

— Seigneur, oui !

Sa langue lèche, à présent, ma peau. Je soupire.

— Fais-moi l’amour, Dead, je murmure, j’ai besoin de croire pendant un moment qu’il y a au moinsune chose où tout va

bien.

Ma main caresse sa joue râpeuse. Mon front vient s’appuyer contre le sien. Le vampire m’étreintcontre lui d’une manière

réconfortante presque brutale. J’ai besoin de sa présence, plus que tout ce soir pour affronter demain.

— Ça va aller entre toi et moi, maintenant, chuchote mon compagnon.

Dead détache d’une main les boutons de sa chemise. Il retire les trois premiers d’un geste adroit.

— À deux, on est plus fort que tout. On va surmonter tout ça, ensemble. Pas séparément comme tu levoulais. C’est cliché

ce que je vais dire, mais…

Je termine de défaire les boutons de sa chemise. Mes doigts font glisser le tissu noir le long de sesépaules dessinées à la

perfection. Le vêtement tombe au sol.

— C’est notre amour, notre force, je le coupe, il est instable, incompréhensible, douloureux, maispassionnel et sincère,

puissant. Je t’aime, Dead Creaving, fils de la Mort, et frère de deux fous. Je t’aime même si tu n’asjamais été humain, même si

tu fais des erreurs et qu’en tant que mari, tu fais énormément de faux pas en pensant faire bien. Jet’aime malgré tout ça.

Dead et moi échangeons un long regard, un de ceux qui veulent tout dire. Je lui laisse libre accès à matête. Je veux qu’il y lise

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à quel point je suis désolée, et combien je l’aime, lui. Je résiste à l’envie de m’effondrer. Je pourraispleurer. Je suis fatiguée

et désespérée, mais cela ne résoudrait rien.

— Je me dis que si tout ceci c’est pour nous tester, je pense qu’on a réussi. Parce que… malgré tout,malgré les mensonges,

les cachotteries, les trahisons, le manque et la souffrance, je t’aime encore.

Je souris dans le vide, et Dead essuie une larme au coin de mes yeux que je n’ai pas réussi à retenir.J’avais pourtant baissé la

tête pour faire mine de regarder son tatouage. Je ne veux pas qu’il me voie pleurer. Mais c’est Deadet je ne peux rien lui

cacher.

— Mon Ange…

— C’est même pire que ça…, je le coupe encore, je suis dingue de toi. Quand je te vois, c’est…

Je caresse à nouveau sa joue, marquant une pause.

— C’est indescriptible ce que je ressens. C’est tellement fort. Et cela ne fait que se renforcer au fildu temps, surtout

lorsque l’on n’est pas ensemble. Tu me manques, et c’est douloureux. Je me rends compte que mêmesi je voulais cesser de

t’aimer, ce serait impossible. C’est ancré en moi, comme ça… (Ma main libre caresse les contoursfaits à l’encre noire) C’est

ma destinée de t’aimer.

Je lève les yeux vers lui. Il ne me laisse pas le temps de dire ou de faire quoi que ce soit d’autre et sabouche s’écrase contre

la mienne avec force et passion. Mes doigts viennent se perdre dans ses cheveux que je tire. Seslèvres m’embrassent avec

ardeur. Un désir puissant grandit au creux de mon ventre. Le besoin de l’autre explose après plusieursmois d’éloignement.

Mon cerveau se connecte à l’homme qui me tient fermement contre lui.

Dead s’écarte. Ses mains descendent le long de mon buste et viennent saisir les pans du t-shirt

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sombre qui me couvre encore.

D’un geste souple, il me le retire. Un frisson me parcoure lorsque l’air ambiant de la chambrecaresse ma peau nue. Les joues

rouges apparaissent sur mon visage sous le regard ténébreux du vampire. Ses crocs s’allongent. Jetends les mains pour défaire

son pantalon de costume. La ceinture tombe d’abord puis elle est suivie du bas. Je le fais glisser lelong de ses jambes.

Agenouillée, mes lèvres se retrouvent à la hauteur de son boxer, déformé par sa queue. Un sourirevient animer mon visage. Je

termine de le débarrasser de son pantalon et je sens sur moi le regard sombre de Dead. Mes mainsremontent le long de ses

cuisses, s’approchant un peu plus de l’objet de ma convoitise. J’agrippe l’élastique de son boxer, etle fais rejoindre la pile de

vêtements au sol. Je lève les yeux pour croiser le bleu de ceux de mon compagnon. Il me dévisageavec envie, mais aussi avec

impatience, sans self-control.

— Ne joue pas avec moi, ce soir, mon Ange, je suis un paquet de nerfs et…

Oui, mais moi, j’en ai envie. J’ai envie d’apaiser cette tension en lui, que son esprit se concentre surautre chose que tous les

ennuis qui nous attendent, demain. Je suis comme shootée par la tension sexuelle de la pièce, monbesoin de l’avoir lui, et de

retrouver ce lien qui nous est propre, l’alchimie de nos deux corps et des étreintes que nouspartageons. J’ai un besoin viscéral

d’oublier ces dernières semaines. Je ne veux penser à rien d’autre qu’à lui.

— Bordel, c’était exactement ce que je voulais dire !

Mes lèvres glissent le long de son sexe. J’engloutis son membre d’un coup, sans prendre le temps, etle suce au même rythme

que ma main le caresse. Je laisse glisser mes doigts, ils montent et descendent à fréquence régulière.Ma langue vient taquiner

le bout de son sexe. Elle s’y attarde titillant ce point sensible. J’entends un gémissement rauque

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venant du mâle qui

m’appartient, et qui vient se répercuter entre mes cuisses, m’excitant un peu plus. Je poursuis monmanège un petit moment,

allant de plus en plus vite, savourant la sensation d’avoir ce pieu chaud dans ma bouche. Je sens levampire perdre pied. Sa

main vient s’enfouir dans mes cheveux bruns. Sa respiration se fait de plus en plus forte. Ma languerevient à la charge, et

Dead m’écarte brusquement. Il me relève et me fait basculer sur le lit, m’emprisonnant entre soncorps et le matelas.

D’un geste de la main, il m’écarte les cuisses, et vient se nicher entre elles. Un gémissements’échappe de moi lorsqu’il vient

frotter son érection à mon sexe moite de désir.

La tension dans la chambre est plus palpable. Je remue sous lui pour le sentir davantage.

— Tu ne me laisses jamais finir…, je lui reproche en souriant.

Le souffle chaud du vampire vient chatouiller mon cou. Dead reprend son calme. Il ne dit rien et secontente d’embrasser mon

cou, mon épaule qu’il mordille. Il trace un chemin humide avec sa langue jusqu’à mon sein gauchequ’il prend entre ses lèvres

pour le sucer. Un hoquet de surprise retentit. Son autre main vient caresser l’autre sein avant dedériver plus bas. Ses doigts

glissent le long de mon ventre, jusqu’à atteindre l’élastique du boxer que je lui ai emprunté. Je sens lepoids de son corps se

reporter sur la gauche et, sans comprendre comment il y arrive, il déchire le sous-vêtement memettant totalement nue.

— Je préfère jouir en toi, répond le vampire, je préfère largement sentir ton sexe se refermer autourdu mien plutôt que tes

lèvres.

Ses doigts remontent le long de ma jambe, et s’approchent de mon intimité brûlante. Dead joue avecmon téton avec ses dents,

m’envoyant des décharges électriques entre mes cuisses. Je m’apprête à lui demander de me toucher

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lorsqu’il exauce mon

souhait.

Un soupir de plaisir se fait entendre lorsqu’il me pénètre de deux doigts. Son pouce vient caressermon clitoris tout en remuant

en moi. La chaleur m’irradie. Les vagues de plaisir que je ressens m’excitent un peu plus. Je veuxdavantage que ses doigts qui

remuent en moi, je veux plus que ce toucher là qui m’enflamme. Ma respiration est la seule preuve denotre présence dans la

chambre, avec la voix rauque de Dead :

— Et puis, j’aime ce regard que tu as lorsque je suis enfoui en toi.

Le vampire retire ses doigts, et vient se replacer entre mes jambes. Je le regarde, je sens cettetension, cette impatience et mon

amant me soulage enfin, lorsqu’il pénètre d’un coup, me possédant enfin. Ma réaction ne se fait pastarder, mon visage est figé

par le plaisir. Ma vue se brouille, c’est si intense.

— Voilà, celui-là.

Ses hanches remuent une nouvelle fois en moi. Je m’agrippe à ses épaules laissant mon corpsaccepter le sexe de mon

compagnon. Ce dernier se souvient très bien de cet envahissement jouissif. Cette sensationd’envahissement, d’être

complètement possédé, d’appartenir à l’autre sans en douter. L’avoir en moi, c’est partager et seprouver par la meilleure des

façons, ce qu’on ressent, en y mêlant plaisir et amour.

Dead commence à me marteler avec vigueur et rapidité, créant une friction enivrante, brulante quim’enflamme. Je m’accroche

à lui pour m’adapter à ses coups de reins possessifs.

— Et tes mains qui griffent mon dos parce que tu veux plus. Elle me manquait ces mains qui voulaienttoujours plus, mais

dont la demande ne franchissait jamais tes lèvres.

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Sa voix est comme son sexe. Un pas de plus vers le plaisir ! Je savoure ses sons comme je savoure lasensation de l’avoir en

moi, me possédant.

Dead ne se retient pas. Il me fait l’amour avec passion et empressement. Sans ménagement nidouceur, et j’aime ça. Sa cadence

s’accélère, me projetant loin. Je suis totalement à sa merci.

— Bon sang, Faith, je ne devrais pas te faire l’amour ainsi. Je devrais y aller doucement, comme jel’ai toujours fait,

prendre le temps de te savourer, et sans doute je ne devrais même pas te prendre sans me protégerétant donné les

circonstances, mais pas ce soir. Pas cette nuit. Je ne peux pas être raisonnable.

— Alors, ne le sois pas.

Je ne m’inquiète pas, ou du moins, je ne suis pas en état de m’inquiéter. Même si le vampire est àcran, prêt à exploser du

surplus de ressentiment, il sait où se situe le danger, il me connaît, et sait repérer à mon odeurlorsqu’il est préférable de ne

pas me toucher. Et jamais, il ne nous mettrait davantage en difficulté, compte tenu les circonstances.Je lui fais confiance, et

c’est bien pour cela que je ne pense qu’aux sensations que je ressens à cet instant. Ce manque, cevide à satisfaire, à présent

comblé, et le plaisir exquis de sentir le sexe de mon amant glisser contre les parois du mien me fontperdre la tête. Cette

brûlure familière me revient au fur et à mesure des coups de reins du vampire. Je me sens gagnée parl’apaisement, et le

réconfort qu’une étreinte peut apporter.

Je me blottis davantage contre le vampire. Il n’y a rien de tendre, c’est passionnel, un besoin urgentde trouver l’autre.

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Les prémices du plaisir naissent à l’intérieur de moi, là où Dead me caresse. Je sens sous mes mains,les muscles du vampire

se durcir. Instinctivement, je romps notre baiser, et dégage mon cou pour le lui offrir. La bouche dumâle vient se poser sur ma

carotide. Il vient chercher chacune de mes mains et les fait passer au-dessus de ma tête. Nos doigtss’entrelacent, et son corps

musclé pèse sur le mien. Je me sens emprisonnée, mais en sécurité. La langue du vampire lèche mapeau, retardant le moment

de l’orgasme. La brûlure de la rencontre de nos deux sexes s’intensifie. Ma respiration s’accélère,j’ai la tête qui tourne. Tout

semble se figer autour de nous, le temps, surtout. La voix de Dead résonne dans le calme étrange dela pièce, un calme bercé

par la passion et l’amour que partagent deux êtres. Le chuchotement qui provient de ses lèvrestermine le supplice.

— Mais surtout, ce que j’aime le plus, c’est ce moment où je crée ce lien entre toi et moi. Ce momentoù nous ne formons

plus qu’un.

Dead termine ses mots en me mordant profondément. La douleur dure plus longtemps que d’ordinaire,mais elle est très vite

remplacée par un plaisir intense, accentué lorsqu’il remue en moi une dernière fois, avec force. Jejouis autour de lui, un cri

rauque et rempli d’émotion résonne dans la pièce. Dead se déverse en moi tout en continuant de boireà ma veine. Je semble

perdre le fil du temps, un pied dans la réalité, un autre dans une autre dimension.

Le vampire scelle sa morsure un long moment après m’avoir mordu, il s’effondre sur moi aussihaletant et humide de sueur que

je le suis. Je l’encercle de mes bras et mes lèvres viennent embrasser sa tempe. Je suis bercée par unbien-être que je ne

pensais plus connaître avant longtemps. Une larme glisse le long de ma joue. Une larme de joie dansce monde qui explose.

Qu’importe ce qui se passera demain, je suis sûre d’une chose : ce sera sans doute difficile et

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douloureux à traverser, mais

nous sommes ensemble, et cette nuit est notre échappatoire au lendemain qui sera sombre. Être tousles deux, c’est tout ce qui

compte. Le reste viendra après.

Chapitre 13

Prisonnière

Bonjour, mon Ange…

(Ma femme, je peux maintenant, non ?)

Je plaisante, c’était sans doute maladroit de ma part compte tenu des circonstances, mais je pensequ’un

peu d’humour ne nous fera pas de mal.

Ne sois pas en colère de te retrouver toute seule dans ce grand lit (en passant, il est soudainementmoins

froid et petit lorsque tu t’y trouves, et cette nuit, je tiens à le faire remarquer, c’est toi qui as pristout le

drap !), j’ai dû m’absenter pour affaires, j’en aurais sans doute pour la journée, et je rentrerai

certainement très tard. Je dois aller voir le Général, et tes amis, Sage et Cooper…

Je soupire en lisant la dernière phrase. J’ignore si le vampire était aveugle, mais je DÉTESTE Sage.Si Cooper passe encore,

elle, je la hais. Ses airs de madame parfaite m’agacent. Elle se croit tout permis parce qu’elle estbelle, mais la beauté ne fait

pas tout. Je sais bien, elle a des qualités, elle maîtrise son job, mais c’est physique. Soncomportement ne me revient pas.

Davantage lorsqu’elle se trouve auprès de Dead. Elle le dévisage avec envie, comme une affamée quicroquerait dedans. Il

suffit que j’y pense et une bouffée de haine m’envahit.

Je me mets à sourire, stupide de mes réactions et contente de voir que celui qui partage mon existenceme connaît si bien.

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Et puisque je suis ton mari et que je te connais mieux que quiconque, je sais que tu soupires en les

maudissant, rien ne m’échappe. Tu ne les aimes pas, et c’en est même amusant. Un jour, jecomprendrai

pourquoi, bien que pour Sage, il ne m’est pas difficile de savoir ce qui te gêne chez elle.

Ne t’inquiète pas pour ce qui s’est passé, hier soir. Si la ville va mal, les alentours de la MaisonNoire

sont sécurisés. Si tu passes ta tête par la fenêtre, tu verras un certain nombre de gardes. Ne passepas ta

journée à te faire un sang d’encre. Personne ne peut arriver jusqu’à toi, et Dying est reparti enRussie…

Mon père serait peut-être le seul à venir te déranger, mais cela me surprendrait. Il a toujours aiméles

conflits, et il doit déjà se délecter de celui-là.

Je suis en ville avec les Français. Drac et moi allons aller à Miami, le « berceau » de notresécurité, pour

voir le Général qui nous dira où les émeutes et les révoltes en sont. Je rentrerai tard, donc, nem’attends

pas. Repose-toi. J’ai compris que tu n’avais pas bien dormi (et pas seulement parce que j’étais lefautif)

Senan reste aujourd’hui. Si le QG te semble vide, ne t’inquiète pas, tout le monde est en ville, oudans son

Département. Les Secrétaires ne seront pas là, non plus. Queen reste ici, ainsi que Charlotte Dracet

Marjorie Bastide. Tu n’es pas obligée de jouer les maîtresses de maison. La Gouvernante secharge déjà

de ses tâches au moment où je t’écris ce mot.

Désolé de ne pas t’avoir réveillée en partant, je n’ai pas eu le cœur à le faire… j’aurais aimérester. C’est

loin d’être le genre de retrouvailles que j’espérais.

Tant pis, je t’ai toi, c’est le principal.

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J’ignore si mon portable passera.

Je pense à toi.

Je t’aime,

Dead.

Je repose la lettre sur le meuble à l’entrée de l’appartement, je viens à peine de la voir. Il est treizeheures de l’après-midi, et

je viens à peine de me réveiller). J’ai un mal de crâne abominable et une boule au ventre, unsentiment de mal-être et

d’inquiétude qui ne me quitte pas. Je sens que cette journée va être très désagréable. Ne pas savoirexactement ce qui va se

passer m’inquiète.

J’ai eu un moment de frayeur lorsque je me suis levée, et que je me suis retrouvée seule. Je medoutais que Dead ne serait pas

là, mais j’ai été surprise.

Je descends le pull qui me va deux fois trop grand, j’ai froid. La chambre est silencieuse, et sombre.Il pleut dehors. Je regarde

la grande pièce. C’est dommage que Queen et moi soyons en froid. J’aurais aimé passer la journéeavec elle dans d’autres

circonstances.

Ai-je réellement envie de voir du monde ? Je ne pense pas.

Je note que sur le canapé, il y a un sac avec mes affaires. Je ne sais pas qui est passé chez moi, maison m’a pris le nécessaire

pour tenir quelques jours. J’apprécie le geste. Je fronce les sourcils en trouvant une autre feuilleécrite à la main, accrochée à

un gros pavé.

Ça, c’est du boulot.

Je m’approche de la table basse et saisis le contenu pour le lire.

Hey Partenaire,

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Je ne vais pas pouvoir travailler ce sujet aujourd’hui (voir les documents joints) (il paraît qu’uncertain

Frère CREAVING a répandu son venin). Je dois me rendre avec ton « MARI » (ça y est, les garcesde

Françaises vont pouvoir se taire. Savoure ta victoire !) à Miami et rédiger une lettre ouverte pourcesser le

feu en tant qu’un des Secrétaires du Département des Humains. Je te l’enverrai pour avoir ton feuvert. Et

non, je ne cherche pas à t’occuper, parce que non, ton « MARI » ne m’a pas dit que tu n’allais pasêtre

bien aujourd’hui (sérieusement, tu as un vamp en or, il te connaît mieux que ton bras droit ! Jeserais

presque jaloux d’avoir perdu ma coloc) Repose-toi, bourre-toi le crâne de chiffres et de lettres en

attendant notre retour. Fais chier Senan, mais ne pense pas à nous. Tu dois garder la tête haute,parce

que si tu commences à penser SEULE à tout ça, tu nous feras un remake de ces trois derniers mois.

PS : Je ne suis pas entré dans votre appart’, c’est Dead qui va déposer cette lettre.

PS2 ; la Gouvernante a fait un gâteau aux fruits secs, il est divin (non, je ne fais pas référence àton

rapport avec la nourriture lorsque tu touches le fond ;) )

Courage pour cette journée qui risque d’être silencieuse !

TRENT

J’examine le dossier intitulé « École et enfants humains ». Un léger sourire naît sur mes lèvres. Jedécouvre enfin ce qu’il

préparait. Un nouveau projet de loi, et compte tenu de la taille du dossier, à mon avis, j’ai largementde quoi m’abrutir et

oublier que je vais être toute seule.

Je saisis le sac qui contient mes affaires et me dirige vers la salle de bains pour prendre une douchepuis je me rendrai à la

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bibliothèque pour me renseigner davantage… sans oublier de faire un détour par la cuisine.

***

— C’est peut-être mon enfant !

— Non, c’est celui de Deryck !

— T’es pas croyable, Queen ! Bordel, tu ne réalises pas ce que tu dis !

Je fronce les sourcils en entendant ces voix qui ne me sont pas inconnues et qui proviennent de l’autrebout du couloir, celui

qui mène aux chambres des invités, à la bibliothèque, à deux salons et à d’autres pièces inutiles à mesyeux.

Je finis de manger ma part de gâteau. J’ai eu la « chance » de ne croiser personne. Je m’arrête àhauteur de la porte de la

bibliothèque entrouverte par laquelle passe de la lumière. Je ne distingue personne, mais j’entendstoute la conversation. Cela

va tellement vite que je n’ai pas le temps de réfléchir si oui ou non, je dois entendre ce qui se dit. Jereste statique.

— Je veux oublier ce qui s’est passé, Senan, tu le comprends, ça ? Je ne veux pas que ce bébé soit detoi !

Queen.

La voix de mon amie est brouillée par la colère et la peine. Elle en veut à Senan, cela se sent.

— J’espère vraiment que cet enfant sera de ton mari Queen, parce que sinon, tu lui feras payer toutesa vie ton erreur.

— Ce serait tellement injuste ! Je risque de tout perdre, Sen !

Un rire jaune masculin résonne. Je crois que Senan ne va pas tarder à exploser. Je me demande ce quil’a motivé à parler,

aujourd’hui… peut-être est-ce l’absence de Deryck ? Ou bien l’occasion qui s’est présentée d’untête-à-tête avec celle qu’il

évite depuis bientôt cinq mois. En tout cas, le vampire s’exprime, il ne retient plus rien :

— Nos choix ne sont jamais sans conséquence ! Merde, je…

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Senan se tait. J’entends une profonde respiration comme si le vampire ne s’autorisait pas à craquer.

— … c’est moi qui ai tout à perdre. Je t’ai perdue, toi, je perdrai peut-être cet enfant s’il est demoi… Qui est le plus à

plaindre, Queen ? Toi qui vas avoir une poupée et qui as un mari raide dingue de toi, ou moi, lepauvre connard qui a sauté sur

sa meilleure amie et qui se retrouve seul ? Je t’aimais ! Tu te rends compte de ça ? Je t’aimais, Queen! Te faire l’amour a été

une des plus belles nuits de ma vie, l’un de mes plus beaux souvenirs… que tu n’as pas hésité à foutreen l’air.

La voix de Senan résonne comme une menace :

— Ne t’attends pas à ce que je te laisse faire si cet enfant est de moi ! Je ne serai pas un lâche ! OK ?Ce n’est pas parce

que je ne sais pas prendre soin de moi et que j’ai une vie de dingue que je ne ferai pas ce qu’il fautpour mon sang. Qu’importe

que ça foute en l’air ton couple bien trop parfait ! Même si Deryck est comme mon frère. Le sang estce qu’il y a de plus

important.

— Je ne te laisserai pas faire, Senan ! crie Queen.

— C’est ce qu’on verra ! renchérit le mâle sur le même ton.

Queen se remet à pleurer. Ses sanglots sont sincères. Elle souffre différemment de cette situation.

— On a fait une erreur, Senan, on n’aurait jamais dû, je n’aurais pas dû te laisser penser que jepouvais t’aimer, je…

— Ne te cherche pas d’excuses, l’interrompt le garde du corps. Tu m’aimais, Queen, sans doutedifféremment de Deryck,

mais tu m’aimais. Plus de dix ans à se connaître, ça laisse des traces. Je ne suis pas n’importe quipour toi, tu l’as toujours su !

C’était à moi de t’aimer, c’était à moi de t’avoir, c’était moi qui étais présent pour toi quand çan’allait pas. Moi qui te

réconfortais et partageais tes joies et tes peines. Ton mari n’a été là qu’au début ! Il a toujours refuséde te faire un enfant, il…

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il t’a fait souffrir, et aujourd’hui, c’est toi qui me fais du mal. Tu aurais dû venir me voir en personnepour m’annoncer que tu

étais enceinte ! Tu m’as éjecté ! J’ai été… blessé à l’âme d’apprendre comme tout le monde que tuallais être mère ! Nous

sommes quatre dans cette histoire… seulement, tu m’as oublié volontairement, et pour ça, je t’enveux.

— Je suis désolé, Sen…

Senan ne la laisse pas finir.

— Non, c’est moi qui suis désolé de t’avoir aimé ! Désolé de t’avoir peut être mise enceinte, désoléd’être trop faible face

à toi… (Le vampire semble marquer une pause) Je comprends ton mari, Queen. Je comprends qu’il tepasse tout, l’amour nous

rend stupides. Tu avais raison ! Se parler était une erreur, parce qu’à cet instant, je n’ai qu’une envie,c’est de faire en sorte

que tu sois aussi mal que moi je le suis.

Je ferme les yeux et m’écarte de cette porte entrebâillée. N’importe qui aurait pu entendre cetteconversation, et

« heureusement » pour eux, c’est tombé sur moi. Je ne dirai rien, Dead et moi gardons précieusementce secret. J’ai beaucoup

de peine en cet instant pour Senan, et je m’en veux, même si je pense qu’il fallait qu’ils aient cetteconversation. Je sais que

j’ai poussé Senan à l’avoir, à avoir cet affrontement. Je m’en veux d’être, en quelque sorte, àl’origine de ce rejet de mon

amie. Queen est vraiment différente de celle que j’ai connue. L’erreur la pousse à devenir quelqu’und’autre, une femme que je

ne reconnais pas. Une femme qui balance des horreurs à son meilleur ami, l’homme qui ne l’a jamaisabandonnée.

J’essuie du revers de la main mes yeux. Je ne devrais pas être aussi touchée par cette histoire, maisc’est plus fort que moi.

Voir chez un vampire ce profond désir humain, celui de la responsabilité envers la chair de sa chair,et ce, même avant d’en

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avoir le cœur net me bouleverse. Senan me bouleverse malgré son air froid. Je pense qu’il fera untrès bon père le jour où il

aura des enfants, et j’espère que ce jour-là, il aura trouvé une femme qu’il aimera autant qu’il aimeQueen.

Je renonce à aller chercher mon bouquin sur les droits des enfants et l’institution de l’école. Mesrecherches peuvent attendre,

je ne suis pas apte à affronter les deux regards meurtris de mes amis et encore moins leurssouffrances. Je refoule déjà les

miennes et mes peurs, c’est suffisant pour aujourd’hui.

Je referme la porte pour que personne n’entende et remonte d’un pas rapide aux appartements quinous sont réservés. Je suis de

mauvaise humeur. Ce que j’ai entendu vient de faire disparaître le peu d’envie que j’avais de fairequelque chose.

Cette journée n’aurait jamais dû exister, car même si j’ignore tout, au fond de moi, je sens bien querien ne va. Les couloirs du

QG sont quasiment déserts. Je sais que l’aile privée l’est tout le temps. Seuls la Gouvernante, leMajordome et deux ou trois

humains y habitent pour travailler, mais l’aile publique, celle où se trouve mon bureau, estsilencieuse pour une période de

crise, preuve que tout le monde travaille activement. C’est vraiment inquiétant.

Non, cette journée n’aurait pas dû exister, comme celle d’hier. Tout ceci n’est qu’un cirque, unemascarade affolante, qui fait

naître en moi un puissant sentiment d’inquiétude. Alors, j’ignore si c’est la fatigue, le manque deréconfort qui me fait penser

cela, mais si je ne trouve pas rapidement une occupation, je vais finir le corps tremblant au fond demon lit, et je refuse.

Malheureusement, on ne contrôle pas toujours ses sentiments… Senan en est la preuve.

***

La télévision abrutit les gens, c’est une certitude. À cet instant, je suis sans doute le meilleurexemple. J’ai sur mes genoux un

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dossier sur l’école pour les enfants humains ainsi que le budget que cela impliquerait de les remettreen état d’étudier, mais

mes yeux sont rivés sur les aventures de Samantha de Sex and the City avec les hommes.

Je me demande pourquoi je regarde la rediffusion de la saison 1. Ce soir surtout, je n’ai pas besoind’une raison de plus pour

déprimer. Ce qui s’est passé la veille devrait me suffire pour avoir le moral à zéro, mais j’ai desacrés bons souvenirs qui me

reviennent en mémoire. Je passais mes samedis soirs auprès de ma mère à regarder épisode aprèsépisode, en mangeant un tas

de cochonneries. C’était notre moment entre filles. Et revoir New York à une époque « normale » mefait du bien. Ne pas voir

de quartiers qui séparent les Races, revoir le soleil, les cycles normaux de la vie, des existences, loindu cirque qui règne

depuis bientôt dix-sept ans.

Je sursaute en entendant le verrou de la porte. Mon dossier glisse le long de mes jambes ets’éparpille au sol. Génial ! Je

devais avoir envie de faire du rangement à quatre pattes à cette heure.

Je soupire, et m’agenouille pour sauver le peu d’ordre parmi les papiers, lorsque j’entends derrièremoi, un rire masculin

amusé que je reconnais sans grande difficulté.

— Tu n’imagines même pas ce que les lunettes, le chignon, et toi à quatre pattes ont comme effet surmoi.

Je m’arrête de ramasser les documents et me retourne pour dévisager le vampire. Debout, en costumebleu foncé, les bras

croisés, il affiche un air enthousiaste. Oh je ne doute pas que je renvoie une image très malinterprétée par la gent masculine,

mais je suis en pyjama, mes cheveux bruns sont tenus par un chignon fait à la va-vite. Je n’ai riend’une ménagère sexy,

seulement d’une femme fatiguée par sa journée qui fait des gaffes à deux heures du matin.

Je termine rapidement de ranger les feuilles dans la pochette que je pose sur la table basse avant de

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me redresser pour

embrasser rapidement le vampire qui m’observe toujours de ses grands yeux bleus.

— Oh, j’imagine très bien ! je conclus en m’écartant de ses lèvres.

Je pars m’installer sur le canapé deux places, celui en face de la télévision, dos à l’entrée. Deadretire sa veste de costume, et

me rejoint avec un soupir de satisfaction. Il m’attire contre lui. Je le sens crispé et inquiet, même s’iltente de me sourire et de

faire comme si de rien n’était : il a eu une dure journée, et j’espère qu’il va m’en parler.

Je me sens apaisée à ses côtés, surtout après la journée morose et solitaire que j’ai eue. J’ai besoinde décompresser et

d’oublier tout ce qui s’est tramé dans ma tête.

Ses larges mains viennent se poser sur mes jambes que j’ai étalées sur lui. Je remarque que mesvieilles habitudes sont

revenues très vite sans même me poser la question. Je crois qu’au fond de moi, Dead me manquaiténormément, et même si je

ne le montre pas tellement, le retrouver me fait un bien fou.

Ses mains dérivent un peu plus haut, et l’une vient se perdre sur mes fesses. Le mâle affiche unsourire, crocs dehors.

Terrain glissant.

— En fait, tu tentais d’inciter mon esprit mal placé à…

J’envoie un coup de poing dans son épaule. Il va partir sur des horizons qui vont me faire rougircomme un coquelicot, mais

son côté taquin de ce soir me confirme clairement qu’il n’est pas si bien qu’il tente de le faire croire.

— Arrête de te moquer de moi ! Je travaillais.

— En regardant la télévision ? C’est très studieux, Madame Creaving.

Je le foudroie du regard. Il aime bien remarquer mes petits défauts. Moi au moins, je regarde autrechose que la chaîne des

informations en continu et je ne bois pas mon poids en café en une journée. Je sais surtout qu’il adore

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m’appeler ainsi, juste

pour voir la ride de contrariété se former sur mon front.

— Je vais t’appeler Monsieur Wilkins, je renchéris. Je suis persuadée que tu vas aimer êtreémasculé…

— Ce que tu me couperais te manquerait plus à toi.

Je souris, un peu gênée. Pas faux !

— Tu ne dors pas ? demande le vampire en regardant sa montre de luxe qu’il détache et pose sur latable basse.

Je secoue la tête. Non ! Je refusais de m’endormir par crainte d’avoir à me réveiller en sursaut par uncauchemar ou par lui qui

rentrait de sa journée. Je ne cacherai pas que m’endormir dans cette immense chambre me faitpaniquer. Une part de moi ne

doit pas se sentir en sécurité ; j’ai à peine osé franchir la porte de l’appartement pour me rendre à labibliothèque alors le

reste… je suis contente que Dead soit rentré.

— Non, je n’y arrivais pas, je pense que…. hé, mais qu’est-ce que tu fabriques ?

Je passe ma main autour de mon cou. J’ai senti ma chaîne avec mon alliance glisser. Je me tournevers le vampire, et le vois

retirer la bague. Je fronce les sourcils me demandant ce qu’il compte faire. Dead fourre dans lapoche de son pantalon la

chaîne en or et revient vers moi. Sa main saisit la mienne, la gauche, et délicatement, il passel’anneau autour de mon

annulaire. J’ignore pourquoi ce geste me surprend autant qu’il me touche, mais je sens une boulenaître au fond de ma gorge.

— Je ne vois plus de raison de le cacher, à présent, conclut Dead.

— Tu es…

— Sûr ? Rien qu’aujourd’hui, on m’a félicité une dizaine de fois, du moins ceux qui l’ignoraient etqui me parlent encore.

Faith, on est mariés maintenant. Tu as fait tes preuves. Je t’aime, je veux te protéger. Une bague, ce

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n’est rien.

Je baisse le regard sur ma main dans la sienne. Ma bague est soudainement plus imposante qu’autourde mon cou, mais elle est

magnifique. En or blanc incrusté de petits diamants bleu sombre. C’est un bijou aussi beau que lesyeux de celui qui me l’a

offert.

— Ça me fait chier qu’on ait à prendre cette décision maintenant que ça va mal. J’aurais aimé faireles choses

différemment…

Je tire sur sa cravate dénouée pour l’attirer à moi. Dead se penche brusquement. Je souris et ne cachepas la satisfaction

féminine du geste. J’embrasse furtivement ses lèvres et détache sa chaîne pour faire pareil.

Je récupère l’imposant anneau en platine, celui qui le rendait si sexy lorsqu’il était nu. Dorénavant, ill’aura comme tous les

maris, autour du doigt, visible par toutes les garces qui tenteraient quoi que ce soit. Finalement, il sepourrait que j’y prenne

goût.

Dead en profite pour poser sa bouche sur la mienne et m’embrasser avec envie. Ses lèvres cherchentles miennes. Il les

caresse, prenant soin de les savourer sans empressement, juste le plaisir d’avoir l’autre.

Le souffle court, je m’écarte de lui. Nous restons proches. J’aime ces étreintes remplies de tendresse! C’est réconfortant.

— Madame et Monsieur Creaving, on aurait pu faire la une des tabloïds, murmure le vampire.

— Je pense que nous la faisons déjà ! je renchéris avec amusement.

À cet instant, nous perdons toute expression de taquinerie. La réalité n’est jamais très loin et ellevient de nous revenir en

pleine face, violemment. J’aurais presque oublié la veille et tout ce qui s’en est suivi. C’estd’ailleurs ce que j’ai fait durant

toute la journée. Par crainte sans doute, je me suis enfermée dans le travail et dans la grande

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discussion qu’ont eue Senan et

Queen. Elle m’a brisé le cœur. Senan surtout.

Dead retire complètement sa cravate qu’il jette brusquement sur la table basse. J’ai l’impression quele paquet de nerfs qu’il

est vient de remonter à la surface. L’expression de son visage se durcit, je vais enfin savoir ce quis’est passé aujourd’hui.

— On ne parle que de ça…, soupire le vampire.

Dead passe sa main dans ses cheveux noirs, il ne me regarde plus. Je suis désolée pour lui, et le voirsi mal me fait beaucoup

de peine. Dead n’est pas le genre à baisser les bras, il affronte tout, surmonte tout, mais ce soir, j’aiplutôt l’impression qu’il

est à bout.

— Les journaux, la presse, les gens… c’est dans toutes les conversations. Si certains individusm’insultent et me

dévisagent, d’autres me fuient, effrayés par le personnage que je représente à présent « un PremierVampire », l’un des

créateurs de la Race qui domine. C’est le bordel à l’extérieur, dans la ville surtout. Le quartier deshumains a été mis à feu et à

sang, ils se sont entretués, et ont tenté d’accéder aux parties réservées aux vampires. Les flics font dumieux qu’ils peuvent

pour stopper ces mouvements de révolte. Je ne veux pas qu’ils en arrivent à les tuer. Je ne veux pasressembler à mes frères ou

à Campbell. Je n’ai jamais voulu autant de colère et de haine. C’est pour ça que le secret devaitrester… secret, pour éviter

d’effrayer les gens. Et c’est ce qui se passe. Les gens ont peur. Je ne suis pas censé inspirer la peur,je suis censé être celui en

qui on a confiance, et j’ai trahi cette confiance.

Mon compagnon se tourne vers moi et je le regarde, mais je ne sais pas quoi lui dire. J’ai la sensationqu’aucun de mes mots

ne pourra le réconforter. Je me contente de l’écouter.

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— Je suis dégoûté, mon Ange, termine le vampire, dégoûté de voir s’effondrer ce que je tente deconstruire. Dégoûté de

voir la haine que Dying a insufflée.

— Qu’est-ce que tu comptes faire ? je demande d’une petite voix.

Dead soupire, mais ne semble pas convaincu.

— Protéger ce pays de l’autodestruction, te protéger, toi… Tu es devenue l’ennemie numéro un, celleà abattre, à livrer

pour avoir la paix. Je devrais intervenir et faire un discours, mais c’est trop tôt. J’ai vu les mecsavant de monter, et je pense

que Louis a raison. Je vais attendre que les forces de l’ordre aient calmé la foule, que les tensionssoient un peu descendues, et

je parlerai, je m’expliquerai, j’expliquerai tout. En attendant…

Je sens que la suite ne va pas me plaire.

— Je crains, mon ange, que tu sois obligée de rester au QG, conclut-il.

Qu’est-ce que je disais ? Je sentais venir l’embrouille, mais je comprends. C’est même primordial etce serait suicidaire de

tenter de sortir de cette maison. Malgré tout, je veux être certaine d’avoir bien saisi.

— Sans sortir ? je questionne.

— Sans sortir, répète Dead.

J’inspire en faisant les gros yeux. La situation doit sans doute être pire que je ne le pense.

— Waouh… c’est à ce point ?

— Oui. Tu ne ferais pas long feu dehors, et ça, même avec dix gardes du corps. Je ne veux pas qu’ilt’arrive quelque chose

et je me doute qu’on va se disputer et avoir une longue conversation que j’aimerais éviter. Alors, jete le demande gentiment…

— Oui, ça me contrarie de devoir rester cloîtrée et, d’accord, je le ferai parce que c’est comme ça.Le temps que tu trouves

un moyen de calmer tout ceci…

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Je me tais quelques instants lorsqu’une idée me frappe l’esprit.

— Et ton père ? Peut-être qu’il pourrait…

Dead ne me laisse même pas finir. Il se raidit et prend une voix glaciale, signe que sa décision à cesujet est déjà prise et qu’on

ne le fera pas changer d’avis.

— Non, je ne demanderai pas l’aide de mon père. Les seules fois où Monsieur est intervenu, je mesuis retrouvé tatoué,

plongé dans une eau empoisonnée, et incapable de tuer mes frères. Je ne veux pas qu’il vienneagrandir le feu qui est en train

de consumer le monde. La Guerre n’a pas véritablement éclaté, mais cela ne saurait tarder. L’avoirdans nos pattes, ce serait

créer d’autres problèmes, et je refuse.

— Tu sais qu’il compte mettre son grain de sel ?

— Oh oui ! Je sais. Ne t’en fais pas ! S’il venait te rendre visite, il n’hésiterait pas à faire un détourpour me casser les

couilles.

C’est étrange pour moi de le voir se livrer si facilement, alors qu’avant, c’était une vraie guerre qu’ilfallait faire pour en

savoir plus sur lui. Maintenant, il me parle librement, comme je l’ai toujours voulu. Il a compris queje suis blindée à présent,

que plus rien ne pourra m’étonner. Et je suis impatiente de le découvrir, d’apprendre chaque morceaude sa longue vie.

— Tu ne t’es jamais entendu avec ? je demande, doucement, comme si je craignais qu’il ne meréponde pas.

Dead se tourne vers moi et me sourit franchement. Je pense qu’il a dû percevoir mes pensées.

— Jamais ! me répond-il, mon père n’est pas comme le tien. Tes parents étaient aimants, Faith, lesmiens… Ma mère était

une pute, une humaine « accro » au sang de mon père. Il ne l’aimait pas. Il voyait en elle et en leurunion, des gènes puissants.

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— J’ai tellement de mal à t’imaginer enfant, Dead.

Je caresse son visage avec tendresse. Mon doigt passe sur le contour de son visage. J’aime me perdredans ce regard bleu, il

m’hypnotise.

— J’avais les cheveux comme Decease, noirs, bouclés, en plus longs. J’étais insolent ; toujours àcontredire tout le monde ;

je voulais voir la vie telle qu’elle était. Je n’étais pas un cadeau. Je ne sais pas ce que sont lesdémonstrations d’affection

d’une mère. J’ignore encore plus ce que c’est que l’esprit de famille. J’en ai une idée, mais… c’estcomme si elle s’était

arrêtée à Decease, et Deaths.

— Pourtant, tu es un compagnon attentionné, même si tu es une catastrophe en tant que mari et je te lepardonne parce qu’en

ayant côtoyé ton père, je me doute que tu n’as pas pu prendre exemple sur lui…

Dead se met à rire.

— Disons que j’ai eu environ deux millénaires de démonstration d’affection dans d’autres brasféminins.

Je le foudroie du regard, vexée. Je tente pourtant de ne pas le montrer. Je n’ai pas à être jalouse dessiècles d’existence du

vampire. Ce serait stupide, je n’étais même pas née. J’ai accepté depuis longtemps que j’aimais un «vieux » qui avait vécu les

nombreux événements de ce monde et c’est ce qui me passionne chez lui. De plus, je suis loin d’êtreidiote. Dead n’a pas été

un moine durant tout ce temps, et malgré tout cela, c’est bien parce que je l’aime que j’ai unpincement au cœur lorsque je

l’imagine avec d’autres.

Dead éclate de rire en voyant ma réaction figée. J’essaie de retirer de mon visage cette expression dela femme qui sort les

crocs, mais j’avoue avoir du mal.

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— Je préfère les tiens, mon Ange.

Il se penche pour embrasser ma tempe. Raté, Creaving, une pointe de vexation est née en moi.

— J’ai du mal aussi à me faire à l’idée que tu n’aies jamais été marié. Tu as dû en briser des cœurs !je souligne.

— J’en ai brisé beaucoup, mais à l’époque, si c’était mal vu de vivre sans une femme et de couriraprès celle des autres, je

ne pensais qu’à la « compétition » qu’on s’était lancée, Dying et moi, pour trouver la prophétie. Jepense que je ne voulais pas

m’attacher à une femme que j’aurais perdue un jour ou l’autre.

— Tu n’as jamais transformé de femmes ?

Le vampire marque une pause comme s’il cherchait à se rappeler plus de deux millénairesd’existence.

— Jamais. Je n’étais pas dingue au point de m’en coltiner une à vie ! Cela aurait été un véritableproblème. Transformer la

personne que tu aimes c’est… c’est lui prendre sa vie. La faire devenir quelqu’un que tu n’auraissans doute pas aimé devenir,

tout ça pour quoi ? Pour la garder auprès de soi ? C’est égoïste. La mort va avec la vie. On naît, ongrandit, on vit, on enfante

et on meurt pour redevenir poussière. Priver quelqu’un de ce cycle est égoïste. Si la nature a fait leshumains ainsi, c’est pour

une bonne raison. J’ai transformé des gars sur des champs de bataille, des amis pour X raisons, maisjamais de femmes.

Transformer une femme aurait fait d’elle… ma femme d’une certaine manière, et si je devaisrencontrer la prophétie, être uni

aurait posé problème à tout le monde…

Houla ! Le regard en coin auquel j’ai droit me fait comprendre que je vais devoir encaisser une autretaquinerie.

— … et puis, j’ai dû deviner que tu n’allais pas être prêteuse.

— Tu ne l’es pas non plus ! je poursuis.

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— Aucun vampire n’est prêteur lorsqu’il est lié. On ne donne pas son cœur et sa raison de vivre à unautre.

Le silence retombe. Il n’y a que les voix qui émanent du poste de télévision. Sex and the City est finidepuis un moment et un

film comique, mi-parodie, lui a succédé : des idiots qui font un genre de road trip pour l’enterrementde vie de garçon d’un de

leurs potes.

— J’ai peur, je murmure contre son torse.

J’ignore pourquoi je le dis maintenant ; peut-être parce que je suis en train de somnoler. Mespaupières tombent et menacent de

me plonger dans le sommeil. J’ai peur de m’endormir, mais pas seulement. Je pense que mon corpsatteint un seuil de

tolérance. Je suis sur le point de craquer. La fatigue aidant, tout va exploser. J’ai peur pour un nombreincalculable de choses,

j’ai peur de moi, de mon avenir, de la bombe à retardement que je suis. Je suis épuisée et vulnérablepour mon cerveau en

ébullition qui n’hésite pas à me rappeler ce que je tente désespérément d’oublier.

Dead me serre contre lui. Je sais qu’il sait ce qui se trame en moi. Il ne me harcelle pas de questionsni ne me force à affronter

tout, tout de suite. Je lui en suis reconnaissante.

— Je sais, je le sens. C’est normal que tu sois effrayée compte tenu de la situation…

J’interromps le vampire en me redressant pour lui faire face.

— Non, ce n’est pas tellement ça, c’est plutôt… j’ai peur de ce que je deviens. J’ai voulu mettre dansune boîte ce que

j’avais appris. Renier mes responsabilités dans toute cette histoire de prophétie, parce que ça me faitflipper d’avoir à

assumer. J’ignore ce qui change, j’ignore si je suis une véritable bombe à retardement, si je suistoujours la même personne…

(ma voix s’enroue) qu’est-ce que ça change maintenant que je sais que je suis ta prophétie ? J’ai peurde me perdre.

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L’émotion qu’exprime ma voix est telle que les yeux bleus de Dead se mettent à briller intensément. Ilne dit rien tout de suite,

comme s’il cherchait ses mots avec soin :

— Rien ne change, lance-t-il, tu es toujours toi, il ne t’a pas poussé deux cornes, ni quoi que ce soit.La différence à

présent, c’est que tu penses avoir changé parce qu’on t’a appris que tu n’étais pas celle que tu pensaisêtre. Mais tu es toujours

Faith, tu as toujours un sale caractère, tu aimes et tu détestes les mêmes personnes, tes habitudes n’ontpas tellement changé.

Seulement ton quotidien…

— Qu’est-ce qui se passerait si jamais… admettons… si jamais…

Je soupire, avant de me mettre à rire nerveusement. C’est amusant parfois, comme je peux éprouverde la gêne à lui parler de

certains sujets. Je ne devrais pas pourtant, c’est mon compagnon, celui avec qui je partage tout.

Dead esquisse un léger sourire, mais c’est plus pour me rassurer, moi. Ce n’est pas amusant notresujet de conversation, il est

même très sérieux, et c’est la première fois qu’on en parle si ouvertement lui et moi.

— Je ne te cacherai pas, mon Ange, que j’ai tenté moi aussi de ne pas y penser à cette « possibilité ».Je t’aime, je ne te le

cache pas, mais au fond de moi, je suis plutôt soulagé que tu ne veuilles pas avoir d’enfants.

Dead marque une pause. Je ne le reconnais pas ce soir. Il est confus, dans le doute et je comprendsque Dying a gagné une

grande bataille : celle où il a réussi à déstabiliser son frère. Je me serre contre le vampire, cela metouche vraiment de le voir

si hésitant.

— Mais si jamais cela devait arriver, reprend le vampire, si jamais tu devais tomber enceinte, ceserait… la merde totale

pour nous. Mon père y verrait sa récompense après des siècles d’attente et de sacrifices. Il aura cettedescendance parfaite qui

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formera une Race unique, mélangeant le bien et le mal. Un enfant d’un être immortel et d’une humainepure.

J’éclate de rire.

— J’étais loin d’être « pure » en te rencontrant.

Dead se met à plaisanter aussi, ce qui détend l’atmosphère, mais qu’en apparence.

— Effectivement, tu n’as rien à voir avec les légendes de vierges stupides sacrifiées au sang pur.

Mon compagnon inspire. Ses doigts continuent de caresser mon épaule, mon dos.

— « Les yeux sont le miroir de l’âme », c’est ce qui te convient le mieux. Ton âme et la personne quetu es, même si tu

penses le contraire, sont jugées pures… si un enfant devait naître, ce serait un bouleversement dansnos vies, et pour

l’humanité tout entière surtout maintenant que tout le monde sait. Si ce secret était resté seulemententre nous, l’enfant n’aurait

pas eu à porter sur ses épaules le poids d’une destinée. Il y aurait sans doute eu des rivalités entremes frères et moi pour

l’avoir. Je n’ai pas été très droit dans notre lutte, Faith. Je t’aime, c’est un fait, j’ai toujours voulut’épouser depuis notre

rencontre. Je l’ai fait, nous sommes unis selon nos rites. C’est irréversible. Je pensais te mettre àl’abri de mes frères, je l’ai

fait pendant un temps. Si un enfant devait naître, ce serait le déclenchement d’une guerre. Pas commecelle stupide qui vient

d’éclater. Ce serait une véritable guerre entre vampires pour obtenir ce pouvoir et l’enfant serait unearme. Puissante par ses

origines, incontrôlable entre de mauvaises mains… toujours à un fil de basculer d’un côté ou d’unautre…

Dead embrasse le haut de mon crâne, un geste tendre qui cache beaucoup d’inquiétude.

— … Un enfant doit être accueilli dans la sécurité, dans un monde qui l’acceptera, sans qu’il soitscruté dans les moindres

détails. Il doit pouvoir grandir convenablement, dans un cadre où tout va bien. Ce n’est pas notre cas,nous sommes entourés

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de fous. J’ai beaucoup pensé à ça ces dernières semaines ; j’ai fait beaucoup d’erreurs ; j’ai jouéavec le feu. Alors selon moi,

tous ces critères ne nous permettent pas d’accueillir un bébé. Encore moins étant donné tes gènes etles miens, ce n’est pas une

vie.

Je suis troublé par ce que Dead vient de m’expliquer. Son ressenti cache de profondes blessures ; tantde sacrifices ont dû être

faits pour leur prophétie, tant de morts et de souffrance. Le vampire a donné sa vie pour que jamaiselle ne se réalise. Je n’ose

imaginer comment il a dû vivre le fait de m’aimer moi, celle qu’il avait cherchée durant des sièclesdans le but de mettre un

terme à tout ceci. Jouer avec le feu, jouer comme nous le faisons, c’est dangereux, mais tellementinévitable.

— Je suis d’accord, je finis par lâcher à mon tour, avec tout ce que tu penses.

Dead ne répond rien, il se contente de hocher la tête et de reporter son attention sur le film. Je fais demême et je tombe peu à

peu dans un état semi-comateux. Je résiste au sommeil qui me tend les bras, comme je tente derefouler la boule d’angoisse ;

j’ai réussi toute la journée à l’éviter, j’aimerais que cela continue.

— Tu sais… parfois, me dit Dead, j’aurais aimé que tu sois enceinte. Une part égoïste de moi auraitaimé être le seul à

t’avoir de cette façon.

Je ris de bon cœur, sa réflexion me fait sortir de mon état léthargique. Dead est très ouvert d’esprit,mais sa nature et ses

instincts lui font parfois ressentir des besoins dignes de l’âge préhistorique : posséder à tout prix cequi nous appartient.

Les gros yeux qu’il me lance me font comprendre qu’il ne plaisantait pas.

— Moi non, j’étais déjà mal en sachant que tu avais des siècles de pratique à ton actif et moi, avec uncasier blindé de

traumatismes, j’aurais détesté. On est très bien comme ça, je réponds une fois calmée.

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— Avec quelques ajustements après ce bordel, ce sera encore mieux, renchérit-il.

— Je suis d’accord avec vous, Monsieur Patience.

Sa main vient caresser ma joue, elle remonte ensuite vers mes cheveux, et d’un geste délicat, il lesdétache pour faire tomber

mes boucles brunes.

— Tu n’imagines pas le bien que cela me fait de t’avoir auprès de moi. Tu es ma force et j’en avaisbesoin avec tout ce qui

va se passer. Je ne vais pas être un cadeau à vivre pour personne, ces prochaines semaines. Ceshistoires vont remuer

beaucoup de souvenirs.

Nous étions faits pour nous entendre. Deux êtres opposés. Deux forts caractères. Un tas de défauts…Le couple idéal pour faire

des étincelles.

— Tu l’as été un jour ? Un cadeau ? je lui demande en haussant les sourcils. Tu es l’homme le pluscompliqué que je

connaisse.

— Tu ne m’aimerais pas autant si j’étais quelqu’un de simple.

Je me fige en entendant ces mots, avant d’éclairer mon visage d’un sourire sincère. Son père m’a ditexactement les mêmes

mots ; et c’est vrai, c’est lui et son passé si complexe qui m’émeut et me fait l’aimer à ce point. C’estce personnage

passionnant qui pourrait vous faire oublier en un instant qu’il est Président, vampire, pour laisserplace à l’homme, l’amant qui

aime sans condition.

— Pourquoi ce soudain sourire ? demande Dead.

J’hésite à répondre. Je n’ai pas envie qu’il s’énerve à nouveau. Je me ravise. C’est mieux de ne riendire. Je dois garder

certaines choses pour moi. Comme son père qui le connaît, plus qu’il ne le pense. Il lui ressembledans certains de ses mots. Je

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secoue la tête, me ravisant. Je viens me blottir un peu plus dans les bras du vampire, qui semble sedétendre un peu de sa dure

journée. Il tend le bras pour attraper la télécommande lorsque le film se termine. Il est presque troisheures et demie du matin.

Je bâille, fatiguée, mais toujours pas convaincue qu’il faut dormir. Rester allongée dans mon lit, oui !Dormir ? Même pas en

rêve.

— Et pour conclure sur ces belles paroles, et ce film bien merdique, franchement Faith, tu m’ashabitué à mieux

cinématographiquement…

On repart sur de l’humour. C’est bien mieux et plus confortable que les longs silences pesants entredeux explications.

— Pardonne-moi d’aimer regarder des débilités pour me détendre. On ne s’appelle pas tous DeadCreaving, et on ne passe

pas notre temps, greffés à la chaîne des informations en continu ! je le taquine.

Son expression change totalement et ses yeux deviennent luisants de malice. Il a une idée derrière latête. Le sourire qu’il me

donne est animé par ses crocs qui s’allongent et je vois très bien où il veut en venir.

— On veut se détendre comme ça ? demande-t-il, la voix suave.

— Oui, c’est comme ton humour douteux du matin, ça ne nous fait pas de mal.

Je tente de me lever pour nous motiver à aller nous coucher, car demain sera encore une journéedifficile, surtout pour Dead, et

s’il a décidé de ne pas se ménager, c’est mon rôle de l’inciter à le faire. Je suis arrêtée dans mon élanpar un vampire qui

attrape ma main. Je me retourne pour lui faire face.

— Je propose de faire l’amour à ma femme, je suis certain que tu seras détendue après.

— Tu proposes, toi ?

— Non, tu as raison…

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Dead m’attire à lui, me faisant glisser sous lui. Ses hanches viennent se frotter aux miennes et seslèvres retrouvent leur place

au creux de mon cou, terminant sa phrase dans un murmure avec le sourire :

— … je l’exige.

Chapitre 14

Découverte bouleversante

Trois semaines plus tard…

Avec discrétion, j’irai me chercher quelque chose à la cuisine. Je n’aurai qu’à ouvrir le frigo,prendre ce que j’ai à prendre et

remonter aussi vite.

Il est treize heures, c’est la pause du personnel, je ne devrais croiser personne. C’est fini lesapparitions en période de foule.

Je suis devenue un ermite. Enfin, je sors, mais seulement la nuit, lorsque tout le monde est absent, etque seulement reste le

personnel indispensable et de confiance. La journée ? Je travaille cloîtrée dans l’appartement du QG.

C’est loin d’être de gaieté de cœur que je le fais, mais plutôt par nécessité. En l’espace de troissemaines, j’ai failli par deux

fois me prendre un coup de couteau. Dead et les autres ont voulu éviter d’autres tentatives et ontrestreint mes déplacements.

Ils m’enferment dans une prison dorée qui m’exaspère, triant sur le volet les informations, ce que mescollègues et amis du

pouvoir vivent au quotidien depuis que les émeutes n’ont pas cessé. Tout le monde tente de minimiserles choses alors que les

événements sont graves. Une nation tout entière n’a plus confiance en ceux qui l’ont dirigée. Elle apeur, crée la panique. Rien

ne va ! La stabilité qu’on a tenté de créer s’effrite petit à petit. Bien qu’on note que les états del’Ouest commencent petit à

petit à retrouver un semblant de paix, ceux de l’Est, près de la Capitale, de New York, s’enflammentpour un rien.

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On se croirait dans un film d’horreur, tiré d’un très mauvais scénario catastrophe. C’est notre vie àprésent. La peur,

l’instabilité, la crainte que les dernières cartes tombent avant qu’on ait le temps de remettre lesautres. Les villes sont mises à

feu et à sang ; on ne compte plus les tentatives pour renverser les Départements du Gouvernement unpeu partout dans le Pays.

Les humains ont la Haine, la vraie, celle qui fait peur. Ils ont peur, et je les comprends. Moi-même,j’ai connu durant des

années cette peur du changement, de l’incertain, des conséquences des mensonges engendrés par lesvampires qui nous

dirigeaient. Moi aussi, j’ai évolué, grandi avec ce sentiment qui nous dévore et nous pousse àcommettre des actes stupides.

Moi aussi, j’ai vécu durant plusieurs mois dans le flou total d’un avenir. Je sais ce qu’ils ressentent,mais calmer la petite voix

intérieure qui nous guide bêtement et une foule tout entière composée de centaines de milliers depersonnes, c’est une autre

affaire.

Si, depuis une semaine environ les tensions semblent s’être calmées loin de la Capitale, les émeutessont moins régulières,

mais toujours présentes. Il faut que les Russes alimentent cette rage en rappelant que le délaiéloignant le début d’une guerre

allait bientôt arriver à échéance. Ils ont largué pas plus tard qu’il y a trois jours, par avion, comme àl’ancienne, des sacs de

prospectus au-dessus des plus grandes villes des États-Unis. Animant la haine à nouveau, juste avantle discours de Dead où il

donnait ses explications. Nous avions réussi à faire dix pas en avant en calmant le jeu, nous venonsd’en faire quinze en

arrière.

Le cœur de New York et les endroits stratégiques ressemblent à de vraies forteresses. On n’accèdepas à certains lieux sans en

être au préalable invité. Les accès aux quartiers d’humains reliés à ceux en commun avec les

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vampires ont été temporairement

interdits. Les forces de police humaines et Vampires ont doublé ; les Français nous ont même envoyéune partie de leur armée !

Une armée vampire, je n’en avais jamais entendu parler. Cela semble logique, après tout.

Nous avons besoin d’aide extérieure et les alliés servent à cela. Dead doit tout recommencermaintenant, il doit espérer que la

foule s’épuise et se calme, que les Russes cessent leurs mascarades pour tenter de faire un discourspour s’expliquer. Comme

il dit « il y a un moment à toute chose », pour l’instant, il n’y en a pas eu. C’est un long travail quis’annonce encore.

Le seul point positif dans tout ceci, dans toute cette horreur et ce monde qui part complètement enl’air, c’est bien ma relation

avec Dead. Il aura fallu que nous soyons au point de tout perdre pour que nos liens se resserrent, quenous prenions de la

maturité tous les deux, en tant que couple. Nous parlons beaucoup, peut-être trop. Dès qu’il rentre,j’essaie de ne pas le

harceler de questions, car malgré mes fonctions, je suis sa principale échappatoire. Lorsqu’il n’y aque lui et moi, égoïstement,

ce qui reste autour de nous se met en pause. Nous en avons besoin pour ne pas sombrer dans la folie.J’ai besoin d’avoir Dead,

comme il a besoin de souffler l’espace de quelques heures. Maintenant, j’en suis certaine, je finiraima vie avec Dead

Creaving. Qu’importe les épreuves. Ce que nous avons traversé et ce que nous traverserons ne peutpas être pire. Bien sûr, il

reste la prophétie. Ce lien qui nous unit, et qui m’unit à ses frères ne mourra jamais, mais j’aiconfiance en moi, en Dead et

cela ne pourra pas arriver, tomber enceinte est impossible. Sinon, avec toute l’inattention et nosproblèmes, nous aurions déjà

commis un faux pas.

La Mort l’attend avec impatience, il est même venu me rendre une petite visite importune pas plustard qu’il y a cinq jours

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avec le sourire béat d’un individu qui pense avoir toutes les cartes en main parce qu’il connaîtl’avenir de chacun, mais un

individu qui ne peut pas faire face au destin et aux choix des autres. Pourtant, son beau discours auraitpu mettre mal à l’aise et

faire douter n’importe qui ! Il a utilisé de grandes phrases pour dire que tout était déjà en train de sejouer, qu’il n’y avait plus

rien à faire, et que le mécanisme de guerre s’était enclenché. J’avais bien envie de lui dire que nousétions aux premières loges

de tout ça. Pas besoin d’un conteur.

Mais le père de mon amant est quelqu’un de très borné. S’il n’a pas hésité à me faire remarquer qu’ilne s’était pas trompé sur

nos retrouvailles, il est persuadé que le reste suivra. J’aurais aimé que Dead soit présent lors de cettepetite visite, mais j’ai

comme la sensation que Mortem aime les rencontres en tête à tête. Je n’ai pas encore eu la « chance »d’un live Père-Fils.

Mais surtout, je pense avoir plus mûri en quatre mois qu’en vingt-sept ans de vie. J’ai cessé dem’énerver comme une petite

fille à chaque obstacle, à chaque difficulté. Crier et évacuer sa douleur et sa peur ne résout rien. J’aisimplement cessé de

vivre avec un passé pour me concentrer sur un présent qui en valait la peine.

Silencieusement, et après avoir inspecté tous les couloirs qui mènent à la cuisine principale de laMaison, je longe celui qui y

débouche.

Dead et les autres sont à Washington et iront à Dallas pour tenter de calmer tout cela. Je vais resterseule durant quelques

jours. Mais cela ne me dérange plus tellement. En revanche, j’aimerais sortir et ça, ce n’est paspossible.

Lorsque j’arrive dans la grande cuisine, que je n’allume qu’en partie pour éviter d’être repérée, celuxe tapageur que je n’aime

pas me saute au visage.

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La pièce est immense. Deux plans de travail occupent le centre de la pièce avec quelques tabourets,un autre plan de travail

formant un L le long du mur, avec deux frigos, des étagères et de l’électroménager à faire pleurer lesplus grands restaurants du

monde. Je ne me sens pas chez moi entourée de ce marbre blanc et noir.

J’attache mes cheveux bruns en un vulgaire chignon. Mes lunettes sur le nez que je quitte rarementétant donné ce que je fais

toute la journée, je marche en direction d’un premier frigo pour voir ce qu’il contient.

Lorsque je l’ouvre, une odeur de paella espagnole s’en échappe, me mettant l’eau à la bouche.J’ignore qui est le cuisinier ; je

ne le connais pas personnellement, mais si c’est aussi bon qu’à l’odeur, cela promet.

Je m’apprête à sortir le plat, lorsqu’une voix surgie de nulle part et m’interrompt dans mon élan :

— Madame Creaving !

Grillée.

Je sursaute et manque de lâcher le plat qui reste finalement dans le frigidaire. Je me retourne pourfaire face à l’individu qui

est entré dans la pièce.

— Euh… bonjour, je…

Je dois devenir rouge. J’observe la femme qui se dirige vers moi, les bras chargés de sac de courses.Elle a l’air plus petite

que moi, un mètre cinquante à tout casser. Elle ne porte pas l’uniforme du personnel, mais une tenuenoire plus élégante qui

épouse ses rondeurs. Ses cheveux aussi sombres que ceux de Dead sont attachés en chignon. Sa peauest cuivrée. Je note

l’absence de vague significative de la présence d’âmes dans ses yeux en amande. Elle est humaine, etje pense qu’elle est

d’origine amérindienne. La femme marche jusqu’au grand plan de travail de la cuisine. Elle pose sessacs et je découvre un

tablier blanc, finement travaillé avec de la dentelle sur les côtés.

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J’ignore comment me comporter en sa présence ; si je dois me méfier, ou bien au contraire, paraîtredétendue, comme si de

rien n’était.

L’humaine me prend de court ; elle s’essuie les mains et me surprend lorsqu’elle me tend la droitepour se présenter.

— Je suis Shri, la Gouvernante au service de la Maison Noire depuis… (Un sourire sincère naît surson visage) son

existence. Nous nous sommes croisées plusieurs fois.

Je la dévisage rapidement. Je me disais bien que ce visage ne m’était pas inconnu. J’ai souvent croisécette femme. Il faut dire

que depuis mon arrivée au QG, j’ai expressément mis des distances avec le personnel humain, pargêne d’être là où je suis. Je

ne connais pas, ou pratiquement pas les individus qui travaillent en dehors du domaine de lapolitique.

J’accepte sa poignée de main, en lui répondant :

— Oui, je me souviens de vous… mais, appelez-moi Faith, Shri.

La Gouvernante semble gênée à son tour, comme embarrassée qu’on lui laisse le choix.

— Je préfère Madame, question de protocole. Je n’ai pas envie d’avoir des ennuis.

— Vous n’en aurez pas, mais faites ce qui vous met le plus à l’aise.

Je n’insiste pas ; je comprends rapidement dans quel état d’esprit elle est. Si elle a travaillé sousl’ordre des sbires de

Campbell, on a dû lui apprendre très vite à respecter leurs stupides règles de l’étiquette. C’est aussiune barrière que certains

humains mettent envers ceux qui ont une position plus « élevée ». Si pour l’instant, elle préfère menommer par un

« Madame », je prendrai sur moi. Dans quelque temps, elle oubliera ses bonnes manières.

— Je peux vous aider ?

— Je… (Je souris, j’ai l’impression d’être une voleuse prise en flagrant délit) Je voulais prendrequelque chose à grignoter

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et continuer mon travail et…

— Vous auriez pu nous appeler, je serais montée vous glisser un plateau…

— Je n’aime pas tellement être assistée.

— C’est mon job de vous aider à faire le vôtre. Appelez-moi la prochaine fois. Vous connaissez lenuméro des parties de la

Maison, non ?

Je hoche la tête, même si je le connais, je ne l’ai jamais utilisé. Si mes parents m’ont fait avec desjambes et des mains, c’est

pour m’en servir. J’ai toujours détesté l’idée d’être servie par d’autres. C’est ce qui me plaît chezmoi, dans notre vrai chez

nous avec Dead, nous vivons comme tout le monde à l’abri des regards indiscrets, faisant les tâchesdu quotidien comme

n’importe qui.

— À moins que vous ayez décidé de nous éviter, non ? renchéris l’Indienne en me lançant un clind’œil.

Je souris, gênée. Cette femme m’impressionne par sa façon de vite comprendre les choses. Je refermele frigo et pars

m’installer sur l’un des tabourets.

— J’évite de croiser du monde, ces derniers temps, je réponds.

— Ah, l’histoire !

Je manque d’éclater de rire en entendant le ton qu’elle emploie, comme si c’était une banale histoire.Je ne suis nullement

vexée, je suis même contente que cela ne dérange pas quelqu’un.

— En quelque sorte, je poursuis d’un ton détaché.

— Et vous comptez enfin emménager ici avec le Président ? Roosevelt et moi-même serions ravisd’avoir du monde

constamment.

Radical comme changement de sujet ! Mais j’apprécie qu’elle le fasse, je n’ai pas tellement envie de

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parler de cette histoire.

Tout le monde en parle suffisamment. Je suis même contente que la Gouvernante ne me dévisage pascomme si j’étais une bête

à abattre.

Je fronce les sourcils, car le prénom qu’elle vient de mentionner ne me dit rien.

— Roosevelt est le Majordome, renchérit Shri pour combler mes lacunes. Un homme aux cheveuxgris, portant lunettes et

tablier.

En réfléchissant, j’arrive à peu près à me situer. J’ai sans doute dû le croiser plusieurs fois.

— Je ne sais pas, j’ai du mal avec le changement. J’aime énormément notre appartement, je m’ysens… plus à l’écart de

tout ceci, je réponds.

Je montre à l’humaine ce qui nous entoure, un geste qui englobe rapidement toute notre vie.

— Besoin d’évasion, ajoute-t-elle.

Cette femme comprend vite. C’est agréable de parler avec quelqu’un qui vous comprend sansdifficulté.

— C’est ça, mettre à la porte ce qui dérange. (Je souris) Je suis quelqu’un de très difficile à vivre etDead l’a rapidement

compris. J’ai besoin, égoïstement qu’il n’y ait que lui et moi. J’aime l’indépendance, et je déteste êtreune assistée.

Shri éclate de rire. Je me demande ce que j’ai pu dire de drôle.

— Notre monde fonctionne ainsi, désormais. Vous êtes la Première Dame et il y a certaines chosesque vous ne pouvez plus

vous permettre.

— Je sais ! C’est bien là le problème. Cette maison est vraiment très belle, pratique, et je passe tousles adjectifs qui la

définissent, mais je ne me sens pas chez moi. Il y a un passé bien trop sombre entre ces murs qui memet mal à l’aise. Je suis

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une enfant de la génération du renversement, j’ai beaucoup de mal avec ce qui relie le passé et leprésent.

— Mes enfants, du moins les plus grands, ont eu du mal aussi, surtout mon fils aîné. Il doit avoir àquelques années près,

votre âge.

L’expression de la Gouvernante s’illumine en parlant de ses enfants. J’aime voir cette lueur dans leregard d’une mère, elle me

rappelle la mienne lorsqu’elle parlait de moi.

— Vous avez combien d’enfants ? je demande pour changer de sujet et parce que cela m’intéresse.

— Quatre. Deux filles et deux garçons. Le dernier a neuf ans.

— C’est beau, je suis contente pour vous.

Une belle grande famille qui va, je l’espère, pouvoir évoluer dans un pays stable avec des règlesjustes. C’est pour ce genre

d’individus tout ce que nous faisons avec Trenton. Et voir que cela n’arrête pas les femmes d’avoirdes enfants, et de le dire

ouvertement, sont des points positifs. C’est que les humains ont désormais confiance en nous.

— Non, c’est moi qui le suis. Il va pouvoir grandir dans un pays différent, sans être traité comme unesclave.

— Vous allez me mettre mal à l’aise…, je lance, embarrassée.

— Pourquoi ? C’est la vérité, tout était très différent depuis que le Département des Humains existe.Dix-huit mois de

réformes et de changements, pour retourner petit à petit à une vie normale, et non à une extrêmeinégalité. Vous avez fait un

travail remarquable, et tout Américain le sait.

Shri me parle tout en ouvrant les placards pour ranger les courses.

— Ils l’oublient vite, mais je ne leur en veux pas.

— Une fois la colère passée, les gens comprendront vos choix, à vous et au Président. Vous avez agipour le bien de tout un

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peuple ; vous nous avez protégés de quelque chose qui nous dépassait. Parfois, il n’est pas bon detout savoir.

— Je suis d’accord.

Un silence s’installe, alors. Je la regarde faire, je lui propose même mon aide, mais elle refuse etpoursuit sur le sujet

« enfants », faisant exprès d’oublier, sans doute, « l’histoire ».

— Et vous, madame, les enfants, cela ne vous tente pas ?

J’éclate de rire. Cela sort du cœur ou c’est nerveux. Ma réaction semble amuser Shri.

— Non, les enfants ne sont pas un désir que nous souhaitons réaliser avec Dead, surtout avec la «prophétie ». (Je mime des

guillemets en prononçant ce mot) Encore plus depuis que tout le monde sait.

— Mais sans ça ? Sans ce… malheur ?

Je souris gentiment à la Gouvernante.

— Je n’ai pas la fibre maternelle, ce qui ferait de moi une très mauvaise mère. Avec tout le respectque j’ai pour vous et le

courage que je vous trouve, ce n’est pas fait pour tout le monde.

Shri semble décidé à me faire part de son avis. Ce que j’accepte avec plaisir.

— Permettez-moi d’en douter. Toutes les femmes ont un instinct maternel. Ce que vous faites pour lesenfants, il n’y a

qu’une femme capable d’être un jour une mère qui peut le faire.

— Si vous le dites.

— Oh, je le dis ! Vous verrez dans quelques années, un an de mariage, ce n’est rien !

Une porte de service s’ouvre, nous coupant dans notre élan de grande discussion. Un homme d’unecinquantaine d’années

entre. Lunettes sur le nez, cheveux grisonnants, il est vêtu comme l’est un Majordome. Il a les braschargés de paquets. Ses

yeux sont… violets.

— Mesdames.

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Shri se retourne au son de la grosse voix et sourit. Elle me présente l’individu d’une voix enjouée.

— C’est Roosevelt, le Majordome.

— Nous avons enfin la chance de vous connaître personnellement, Madame.

L’homme pose les courses à côté de celles de Shri et s’avance vers moi pour me serrer la main. Il aune poigne très ferme.

— Vous êtes un…

Le mâle me sourit à pleines dents, me montrant ses crocs blancs. D’accord, cela explique les yeuxviolets et les âmes que je

distingue mieux à présent.

— Je suis un vampire au service d’autres vampires depuis bien longtemps. Je suis ravi de vousrencontrer.

Les yeux violets du vampire me regardent avec tendresse. Il me fait penser à un grand-père. Il setourne vers sa partenaire pour

l’informer de ce qu’il a fait.

— Shri, j’ai sorti de la voiture ce qui te manquait pour faire les repas du soir.

— Merci à toi ! Tu restes avec nous ? J’allais nous faire quelque chose à grignoter…

Le pauvre Roosevelt n’a pas le temps de répondre, qu’une seconde fois, le bruit d’une autre porte sefait entendre. Je me

tourne vers cette dernière, celle qui donne accès au couloir sur la gauche à l’entrée de la Maison. Jereconnais une voix

masculine familière. Je souris, à moitié surprise et ravie de voir la personne qui débouche dans lacuisine. Un grand brun en

costume couleur saumon, avec une chemise violet foncé.

— … Je meurs de faim !

— Trent ! je lance.

En entendant son prénom, mon ami et dernièrement colocataire se retourne. Son expression s’adouciten me voyant assise sur

l’un des tabourets de la cuisine. Il pose son sac au sol et vient à ma rencontre.

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— Salut, partenaire !

Trenton vient m’enlacer. Ses bras puissants me serrent contre son torse. Je suis contente d’avoir uneprésence masculine qui

m’est familière, même si la solitude ne me dérange pas, voir un ami fait un bien fou.

Mon regard se perd derrière nous. D’autres pas résonnent sur le parquet. Un autre homme, de tailleaussi imposante, arrive

dans la cuisine, un que je n’avais pas vu depuis plusieurs mois.

— Jacob !

Le garde du corps de Louis, ce grand homme noir en costume noir et à la barbe de deux jours quis’éclaircit un peu plus à

chaque fois que nous nous croisons, range dans la poche intérieure de sa veste de costume sa paire delunettes noires et ses

clés.

Trenton s’écarte de moi, et Jacob nous rejoint. Il me tend une main que je serre de bon cœur.

— Faith, quelle agréable surprise !

Le garde du corps se penche et vient déposer un baiser sur le dessus de ma main, me mettant mal àl’aise.

— Je suis ravi de vous croiser, renchérit-il.

— Moi de même.

J’ai eu un peu de ses nouvelles par Louis étant donné que nos relations se sont nettement amélioréesdepuis mon arrivée au

QG. Jacob doit s’occuper d’énormément de choses en plus de son rôle de garde du corps. Louis leconsidère davantage qu’un

simple homme à tout faire. Si le Français n’était pas aussi froid, je suis certaine que les deux hommesse montreraient

davantage l’attachement qu’ils ont l’un pour l’autre. Après tout, Jacob aide beaucoup Louis au sujetde sa thérapie qu’il n’a

pas interrompue. Un jour, nous saurons pourquoi le vampire est ainsi, et ce jour-là, peut-être, je

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comprendrai mieux les

conséquences de ses actes. En attendant, je suis heureuse de voir ces nouveaux venus.

— Comment allez-vous ? demande Jacob en tirant un tabouret.

Trenton s’est assis à ma gauche ; il a sorti son portable et semble rédiger un SMS. À qui ? Jel’ignore. Sans doute à Ripley qui,

lui, est obligé de suivre Dead. Shri et Roosevelt se sont mis à ranger les courses. On dirait qu’ils ontl’habitude d’être de

simples spectateurs de conversations privées et importantes.

Je souris à Jacob. Il a l’air d’aller bien, et je décide de montrer que moi aussi je vais du mieux que jepeux.

— On fait avec ce qu’il y a et ce qui se passe, et vous ?

— Je vais très bien.

Jacob va toujours très bien. Je hoche la tête et me tourne vers mon bras droit. Je lui tape le bras pouravoir son attention.

— Qu’est-ce que vous faites ici ? Tu ne devais pas être avec Dead à Washington ?

Trenton pose son IPhone sur le plan de travail en marbre. Je remarque que Roosevelt vient luidéposer un verre de Whisky.

— Merci Roosevelt ! Effectivement, mais je suis rentré plus tôt pour affaires.

Mon bras droit vide son verre d’un trait. Il est visiblement à cran bien qu’il tente de me faire croirele contraire.

— Cela me concerne aussi ? je questionne.

— Ouais, mais si tu veux, on en discute devant une assiette parce que là, je suis de mauvaise humeuret j’ai faim. Shri ?

Shri se retourne, un couteau dans les mains, s’arrêtant de hacher de la salade verte.

— Ma belle, est-ce que moi aussi je peux avoir quelque chose à me mettre sous la dent, s’il te plaît ?Et fais un truc à

Jacob, il n’osera pas le demander, lui.

La Gouvernante sourit en hochant la tête et Trenton la remercie. Il a l’air de bien la connaître. À vrai

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dire, tout le monde doit

les connaître sauf moi.

— Hé, Faith, tu m’as l’air bien pâle ! constate Trenton en retirant sa veste qu’il pose derrière lui.

— … elle mange ? demande-t-il à Shri. Non parce qu’une fois qu’elle a le nez plongé dans sesdossiers, la miss, elle ne fait

pas autre chose.

— J’allais manger ! je rétorque, et ne commence pas à faire le pénible !

Mon bras droit lève ses bras en signe de défense.

— Ouais, vaudrait mieux que tu te nourrisses. Que tu ne nous aies pas chopé un truc, ce ne serait pasle moment. J’ai besoin

qu’on travaille pas mal. Dead veut qu’à la fin du mois, c’est-à-dire…

Je me fige, nous sommes déjà à la fin du mois ?

— … Dead veut les faire passer en priorité… Faith, tu m’écoutes ?

Tout le monde me jette un coup d’œil. Je secoue la tête pour me reprendre. Ce n’est pas le moment depiquer un fard parce

qu’on vient de réaliser quelque chose de gênant et de non explicable devant tous ces hommes. Je tentede me souvenir des

bribes que m’a confiées Trent, pour renchérir sur sa demande.

— Mais nous sommes le 20 ! Quelques jours pour peaufiner le rapport sur l’école pour les enfants ?Hors de question, ce

sera du travail bâclé.

— Ton mari pense que cela permettrait d’apaiser les tensions. Le trente, il veut faire un discours pourfaire cesser tout ceci,

et il pense que de bonnes nouvelles seraient les bienvenues. Panique pas, c’est juste un projet de loi.Mais l’annonce va sans

doute occuper les esprits. On l’avance seulement de quelques mois. On est prêt.

Je soupire ; je trouve cela vraiment dommage. On va passer à côté de quelque chose. Je n’aime pasavoir à faire du travail

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rapidement, vérifier toutes mes sources. Je ne veux pas commettre d’erreurs et risquer que le projettombe à l’eau et animer un

peu plus la rage des humains. Je voulais que ce projet-là fût accueilli dans un moment où notresociété n’était pas déchirée par

des révélations.

— Et on a jusqu’au vingt-cinq puisque tu ne fais rien de tes journées, Partenaire ! termine Trenton, enaccueillant son

assiette et mettant un terme à la conversation.

Je me fige. Vingt-cinq ! Ce chiffre reste dans mon esprit. Il résonne en moi comme une alarme. Jefronce les sourcils,

n’écoutant plus Trenton qui me charrie. Quelque chose cloche. J’ai comme l’impression d’avoirmanqué un événement. J’avais

un agenda rempli de rendez-vous tout le mois, mais cette date-là sonne comme un rappel. Je réfléchis,éliminant un à un ce qui

me revient en mémoire.

Shri dépose devant moi une assiette que je touche à peine. Je reste perdue dans mes pensées, encompagnie de ce mauvais

pressentiment qui me dit que j’ai commis une erreur de parcours. Que quelque chose va se passer,que je n’aurais pas dû me

négliger à cause du travail. Je tente de me rappeler ce que le vingt-cinq signifiait pour moi le moisdernier, mais rien ne me

vient. Sauf… Mon cœur s’emballe lorsque je comprends.

Je lâche ma fourchette, mais les autres ne semblent pas le remarquer, trop perdus qu’ils sont dansleurs discussions avec

Roosevelt et Shri. Ils parlent du Championnat de Basket qui a été interrompu à cause de la situation.Moi, je reste blême et

sans voix face à ma constatation. J’essaie de me rappeler cette fameuse dernière fois, mais cela neme revient pas. Je ne me

souviens pas d’avoir été dans cette période-là depuis que je suis arrivée. Est-ce le stress qui m’arendu si tête en l’air ? Ou

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est-ce ce dernier qui m’a épargné d’une autre contrainte : mes règles ? Je n’en sais rien, maisj’espère au plus profond de moi

que c’est cela.

Je n’ai pas pu être si stupide !

À la fin du repas, Trenton m’embrasse sur la joue pour me dire au revoir. D’après ce que j’ai réussi àcomprendre, il passe à

notre bureau, récupère ce qu’il a à récupérer et va à l’appartement. Il me laisse un gros dossier, sapartie du projet qu’il a

terminée pour que je l’étudie. Je ne réagis même pas lorsque la pièce devient silencieuse. Rooseveltme salue et prend congé.

Il ne reste plus que Shri et moi. Cette dernière nettoie la cuisine lorsque ma voix résonne. Je suissurprise de l’écho qu’elle a.

Je suis remplie de peur.

— Shri ?

— Oui, Madame ? soupire la Gouvernante en voyant mon assiette, vous n’avez rien mangé !

J’ignore sa remarque, et me contente de la dévisager, complètement paniquée. Je retiens la peur, cellequi est en train de me

consumer. Bon sang, j’espère me tromper.

— Je peux vous demander un service ? je l’interroge.

— Oui, bien sûr, je suis là pour ça.

La gouvernante arrête d’emballer mon sandwich dans du film alimentaire.

— Je vous écoute, renchérit-elle.

J’inspire, ce n’est pas un petit service que je vais lui demander, mais un énorme. Je ferme les yeuxrefoulant les larmes qui me

menacent. J’ai envie de m’effondrer, tellement je me trouve stupide. J’ai peur, vraiment peur de cedont je viens de me rendre

compte. J’arrive à demander à la Gouvernante ce qui me pèse sur le cœur et qui m’a terroriséedepuis le repas. Elle lâche ce

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qu’elle a dans les mains devenant pâle à son tour. Elle perd tout sourire et je pense lui avoircommuniqué mon angoisse.

— Oh, Seigneur…, murmure Shri.

J’éclate en sanglots, en espérant m’être trompée. Je ne sens presque pas les bras de l’humainem’enlacer, seulement cette peur

grandissante qui annonce un autre combat.

Chapitre 15

Insurmontable

Trois jours à vivre dans le doute et l’incertitude. Soixante-douze heures à n’être plus sûre de rien, àprévoir le pire, à redouter

que cela se confirme. Être enfermée dans ma prison dorée n’a pas arrangé les choses, cela n’a faitqu’aggraver la situation. Je

n’ai pas cessé d’y penser, j’étais seule, et mis à part le travail qui ne m’a pas inspirée, je n’avaisaucun moyen d’échapper à la

réalité.

Que devenons-nous lorsque nous sommes sur le point de basculer sur un terrain totalement inconnu etimprévisible ?

Comment gérer ce qui nous semble ingérable ? Comment refouler cette peur grandissante et ce lot deressentiments qui nous

paraissent insurmontables ?

Je l’ignore à cet instant, je pense seulement au fait que notre vie risque de prendre à nouveau unvirage à cent quatre-vingts

degrés parce que nous avons été incapables de nous préoccuper de notre plus grand problème :l’épée de Damoclès qui

menaçait de nous tomber sur la tête. À trop vouloir s’occuper des autres, nous nous sommes négligés.À trop vouloir faire

abstraction du monde et de ses réalités, nous nous sommes enfermés dans une bulle hors du temps.Jouant un peu plus à chaque

fois avec le feu, peut-être avons-nous fini par nous brûler les ailes.

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Est-ce mal d’avoir voulu l’espace de quelques heures oublier nos responsabilités pour ne penser, unpeu, qu’à nous ?

Que va-t-il se passer si jamais nous devons payer maintenant le fruit de notre erreur ? Au fond demoi, j’espère encore me

tromper, j’espère que le stress et les tensions m’ont épargné un problème en plus, et qu’en ce momentmême, je panique pour

rien. J’espère, c’est tout ce qui me reste avant les certitudes.

Assise sur le sol froid de la salle de bain de l’appartement du QG, je regarde le sachet en papiercontenant ce que j’ai

demandé à Shri de me procurer. Mes yeux décortiquent le mot que Dead m’a laissé ce matin. Il aavancé son retour d’une

journée, et il est rentré il y a quelques heures à peine. Je me demande comment j’ai réussi à ne pasl’entendre venir se glisser

contre moi quelques heures, avant de repartir travailler. Et lui, comment a-t-il fait pour ne rien sentirdu stress qui m’animait ?

Nous avons l’esprit trop occupé pour voir ce qui devrait nous sauter aux yeux.

J’ai eu l’esprit trop occupé pour voir que je changeais, que ça n’allait pas. Et le problème ne remontepas à quelques

semaines, il ne remonte pas au coup d’éclat qu’a fait Dying en révélant au monde entier qui j’étaispour eux. Une simple

humaine, mais avec des capacités plus complexes. Cela remonte au moment où j’ai appris ce que l’onme cachait. J’ai tout mis

dans une boîte. Enfiler des lunettes pour me cacher de ce qui me concernait, c’était plus simple…

C’est tellement plus simple de s’occuper des problèmes des autres, leur faire des reproches et tenterde réparer ce qu’il y a à

réparer.

La Mort avait raison, j’aurais dû me préoccuper de moi avant, prendre le temps de comprendrecomment ma destinée me

faisait fonctionner, quels étaient les risques, ce que j’étais réellement, et comment je pouvais fairepour décider de ma vie. Je

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n’en veux même pas à Dead ; j’ai confiance en lui et d’un côté, cela m’arrangeait de lui laisser gérerces choses-là. Mais

désormais, je m’en veux à moi-même.

Je sens les larmes me monter aux yeux lorsque je relis le tendre message de mon compagnon. Il estdans un autre monde, à dix

mille lieues d’imaginer ce qui s’est passé en son absence. Il est tellement investi dans la lutte contreun possible renversement,

qu’il cherche simplement du réconfort et de l’évasion auprès de moi, la seule qu’il sait être ensécurité.

Mais parfois, le danger n’est pas toujours là où l’on croit qu’il est…

J’ignore s’il sera toujours aussi content d’être rentré dans quelques minutes, lorsque j’aurai lecourage de faire ce qui doit être

fait. Si j’arrive à puiser la force nécessaire. C’est tellement plus rassurant finalement de rester dansle flou.

Shri a mis trois jours à sortir du QG en raison des nouvelles émeutes, mais dès qu’elle a pu, elle estrentrée avec ce que je lui

ai demandé. J’ai tout de suite remarqué que ces démarches ne lui étaient pas inconnues ; elle savaitquoi faire.

La Gouvernante indienne ne m’a pas dévisagée ; elle ne m’a pas fuie comme beaucoup d’autresl’auraient fait en sachant ce

que cela pourrait représenter, car tout le monde sait ce qui se joue. Elle m’a simplement consolée, eta plaisanté pour tenter de

me changer les idées avant de me rassurer en me disant que je ne serai pas seule. J’ai un mari quim’aime et qui saura quoi

faire si jamais il s’avère que je suis bien… enceinte.

Je pique un fard. C’est la première fois, depuis que je me suis rendu compte de l’absence de mes «copines », que j’ose enfin

appeler cela par son nom. Mon cœur s’emballe et les larmes tentent à nouveau de se faire un cheminle long de mes joues. Ce

n’est pas le moment de m’effondrer ! Tant que je ne suis pas certaine, je ne peux pas me mettre àpleurer comme une idiote

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irresponsable. Je passerai pour une imbécile paranoïaque si jamais tout est négatif !

Mais qu’est-ce que j’aimerais passer pour une parano !

Je retourne d’un geste de la main le message de mon gentil mari. J’aurais pu foncer vers lui dès quej’ai trouvé le mot, pour lui

confier ce qui me préoccupe depuis trois jours. Il m’aurait sans doute reproché avec véhémence de nepas l’avoir prévenu

avant, mais à quoi bon ? Il a tellement de problèmes à gérer… celui-là, je peux me permettre de lefaire seule.

Si jamais les tests sont positifs, il est à l’autre bout de la maison…

Je secoue la tête. Il est hors de question qu’ils le soient. Prenant mon courage à deux mains, je melève du sol froid en marbre

de la salle de bains, j’attrape le sachet, et pars vérifier que la porte est bien fermée à clé. Elle l’est.

Je ferme les yeux. Mes mains tremblent. J’ai peur, vraiment peur. Cela me semblait tellementirréalisable. Nous étions

tellement loin de ce problème tellement pas fait pour nous !

Arrête de te faire des films, t’auras largement le temps de t’en faire après.

Je devrais écouter ma conscience, elle, au moins, a les idées claires. Je souffle, et pars en directiondes toilettes. Mes gestes

se font avec automatisme comme si mon cerveau s’était déconnecté. Je sors deux tests ; je lis lanotice avec attention : un

sourire c’est oui, un bonhomme qui fait la grimace c’est non ; seulement, dans mon cas, ma tête nesera pas la même pour

chacun des résultats. Je hurlerai de joie si jamais tout est faux, sinon…

Je refoule cette idée aussi vite qu’elle m’est venue, et fais ce que j’ai à faire avec cet objet de vérité,le tout en priant un Bon

Dieu qui n’existe sans doute même pas ou qui est bien trop caché pour m’entendre.

Shri m’a conseillée d’en faire deux, puis deux autres, et le dernier pour être bien sûre. Cinq tests nepeuvent pas tous donner

une analyse différente ! Je l’espère, je ne l’ai jamais fait. Car oui, lorsque j’étais humaine et que

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j’avais des partenaires, enfin

le peu que j’ai connu, je m’en remettais à une boîte de capotes et pas à l’instinct et à l’odeur quichange. Je soupire, ce n’est

pas la peine d’en vouloir à Dead surtout si je n’ai rien à lui reprocher.

Les cinq tests effectués, je les pose délicatement près de moi et me lave les mains ! J’ai mis uneminuterie sur mon portable et

j’attends. Ce sont les deux minutes les plus longues de ma vie.

Pendant que je guette avec crainte la réponse à tous ces mystères, mon imagination, elle, ne s’arrêtepas, condamnant déjà ce

qui m’attend si jamais c’est un sourire qui apparaît. Je n’ai jamais voulu être mère, jamais. Pas dansce monde renversé par les

dictatures vampiriques, pas en étant une humaine, une esclave, une femme qui ne pourra rien offrir àun enfant si ce n’est la

peur. Je ne voulais déjà pas d’une vie dans les bas-fonds de New York, dans l’insécurité, lestensions, le froid, la faim,

l’injustice. Comment aurais-je pu donner la vie à un être qui n’avait pas demandé à venir au monde,seulement par égoïsme ?

Pour une subite envie féminine de l’horloge biologique qui me dirait : « ton dernier ovule descend,fais-toi vite engrosser pour

laisser une trace de toi dans ce monde de merde ».

C’était hors de question ! Alors, sans doute suis-je égoïste de penser cela, de ne pas avoir voulud’enfants dès ma majorité. Et

peut-être vais-je le payer à ma première erreur…

Et même maintenant, même s’il n’y avait pas cette histoire de prophétie, je n’aurais pas voulu d’unenfant. Même si j’aime

Dead, même s’il est un homme stable, sûr, fort, aimant et qui ferait un père extraordinaire se donnantcorps et âme à sa famille,

je n’aurais malgré tout pas voulu qu’un bébé grandisse dans ce monde pourri par le sang et lepouvoir. Tout notre amour

n’aurait pas suffi, toute notre grande famille non plus. Bien que solides, sincères et liés jusqu’à

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l’éternité, ces arguments ne

m’auraient pas fait changer d’avis.

Ma propre mère aimait me dire, lorsqu’étant enfant, je le lui demandais ce que cela représentaitd’être une maman. Elle me

souriait de ses yeux gris, et n’enjolivait pas les choses en me racontant des débilités. Elle a toujoursété franche, elle ne m’a

jamais caché la difficulté que c’est d’être mère. J’avais dix ans et je me souviens de ses mots : « êtremaman, c’est le meilleur

métier du monde, certes, cela ne s’apprend pas, c’est un rôle que l’on apprend sur le tas. »

Si enfant j’avais trouvé son discours magnifique, la femme que je suis veut hurler à ma génitrice quecertes, cela ne s’apprend

pas, mais non, ce n’est peut-être pas le meilleur métier du monde lorsque l’on se sait pertinemmentincapable d’être une mère.

J’en suis incapable, je n’ai rien de maternel, je sais à peine m’en sortir avec un mari, alors avec unenfant…

Je coupe le jet du lavabo, et essuie le coin de mes yeux. Je n’ose même pas me regarder à travers lemiroir, mon reflet me

ferait sans doute peur.

Mon portable ne me laisse pas plus de temps pour cauchemarder. L’alarme sonne, comme le gongd’un tambour qui résonne

lorsqu’on part en guerre. C’est ma guerre contre moi-même que je dois affronter à cet instant. Et j’aipeur. Peur d’un résultat

qui me ferait perdre tous mes moyens, peur de mes réactions. Je suis tellement imprévisible… Maislà, je n’ai pas le choix, je

dois puiser en moi la force d’affronter la réalité.

Je tends une main tremblante vers un premier test ; je le saisis et j’hésite à le retourner. Mon cœur batà tout rompre ; la peur

m’anime et passe dans chacun de mes membres ; je suis à deux doigts de m’effondrer sous le stress.Ce sont les dernières

secondes de doute, celles où tout est encore possible et imaginable… Celle que je dois rompre pour

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me prendre en pleine

figure la réalité.

Je ferme les yeux, inspire, et sans réfléchir ou me poser davantage de questions, je tourne la main etouvre les paupières pour

voir le résultat…

Tout se fige, tout s’arrête. Moi, le temps, ma respiration et mon cœur. Mes yeux restent braqués sur ceque je vois, je suis…

choquée.

Ma main lâche ce que je tenais fermement, faisant disparaître de ma vue l’immonde sourire. Dans unmouvement de panique, je

me jette sur les quatre autres n’hésitant même pas avant de regarder. Je les retourne un par un,découvrant le même résultat à

chaque fois, un smiley souriant.

C’est un cauchemar !

Je ne retiens plus mes larmes. À vrai dire, je ne retiens plus rien, ma peur, la douleur de la réalité quime frappe de plein fouet.

Je me sens totalement impuissante et gagnée par la terreur. Sans réfléchir, comme par instinct, jefourre ces horreurs dans la

poche de mon gilet en laine, je cours en direction de la porte. Je dois sortir, je dois sortir de cecauchemar !

Mes mains tremblent et j’ai du mal à ouvrir le verrou, mais dès que j’y parviens, je sors del’appartement comme une furie. Je

ne cherche pas mon chemin, mes jambes le connaissent, elles me guident là où je veux aller, là où j’aibesoin d’être. Je

traverse les longs couloirs de la Maison Noire, je bouscule même des employés et oublie dem’excuser. Je veux seulement

trouver Dead. Je veux entendre que ce n’est pas vrai, que je me trompe, que cela ne peut pas nousarriver !

J’arrive dans le couloir des bureaux. Celui de mon amant est tout au fond. Le couloir est plutôt calme,et je me fiche de savoir

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pourquoi. J’ignore même les voix des secrétaires qui me parlent, je ne les entends pas. J’ouvreseulement les deux portes d’un

coup, avec violence. Je déboule dans le bureau du Président… qui est en compagnie de tous lessecrétaires et hommes ou

vampires importants de notre pays. J’arrête tout mouvement. Lorsque les discussions cessent, tout lemonde se tourne vers moi.

L’expression sur leur visage est particulière. J’ignore si c’est parce que je tire une tête de six piedsde long ou si c’est parce

que mon jean et mon gros pull, qui n’ont rien de féminin ni d’élégant par rapport au lieu où l’on setrouve, les perturbent, mais

à cet instant, je m’en fiche. Je suis seulement accaparée par les yeux bleu nuit de mon amant qui medévisage avec une

inquiétude des plus voyantes.

— Mon Ange…

Même sa voix ne cache pas sa surprise, et la montée d’adrénaline qu’il a en me voyant. Dead se lèvede son fauteuil. Je

remarque à peine qu’il n’est pas en costume aujourd’hui, comme tous les autres. Le regard qu’il meporte me fait craquer pour

de bon. Je pars m’effondrer dans ses bras, m’accrochant à lui comme à une bouée de sauvetage.J’attends qu’il me sauve de

cette réalité qu’il ignore encore.

Mes sanglots sont les seuls bruits que l’on entend dans le grand bureau, et sans même que Dead n’aità le préciser, la dizaine

de vampires qui se trouvent dans la pièce, s’éclipsent et referment la porte aussi vite que moi lorsquej’ai débarqué et les ai

interrompus. Tout le monde comprend à cet instant que ce n’est pas rien, que c’est grave, compte tenude l’état dans lequel je

suis. Je ne suis pas du genre démonstratif en public, mais là… à cet instant où tout bascule, commentne pourrais-je pas l’être ?

Je veux simplement que l’homme que j’aime m’enlève cette douleur qui est née au creux de mapoitrine, celle qui me fait

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pleurer et qui m’empêche de respirer.

J’ai l’impression de m’étouffer.

Je m’accroche au cou du vampire, pleurant à chaudes larmes contre son torse. Je n’arrive pas àm’écarter de lui. Et même si je

parviens à sentir le trouble chez le vampire, je ne peux pas lui expliquer. Les mots me manquent.

Dead tente de m’asseoir sur le bureau. Il manque de nous faire tomber. Je n’ai pas le souvenir dem’être autant accrochée à

lui, à ce besoin de le sentir près de moi parce que tout va mal. Je me sens tellement impuissante,tellement perdue. La dernière

fois que j’ai dû ressentir un tel désespoir a été chez Louis.

Mon compagnon essaie de se dégager de mes bras ; je dois sans doute l’étouffer, mais je n’arriveplus à penser logiquement.

J’ai mal.

— Faith, qu’est-ce qui se passe ?

Sa voix n’est qu’un murmure comparé à mes sanglots incontrôlables qui résonnent dans le bureau. Jene me reconnais pas.

— Faith ! Bon sang, qu’est-ce qu’il t’arrive ?

Je pleure comme je n’ai jamais pleuré auparavant. J’ai peur, je ne comprends pas ce qui m’arrive.Dead s’énerve, mais pas

contre moi, c’est plutôt contre mon silence. Et c’est la peur qui le rend nerveux.

Voyant que je ne suis pas en état de lui répondre, il se contente de me serrer contre lui, avec force,essayant de calmer cette

crise de larmes qui me bloque la parole.

— Je n’y arriverai pas, Dead… ça, je n’y arriverai pas.

Ma voix n’est qu’une boule déformée par l’angoisse. Ce qui n’arrange rien à la situation.

— De quoi tu parles ? demande mon amant, tendu.

Je m’écarte de son torse, et lève mes yeux dans sa direction. Les miens doivent être rougis par leslarmes ; les siens sont

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empreints de terreur. Je sais qu’il sent que cela ne va vraiment pas, mon comportement le confirme.J’ai reçu une nouvelle ou

j’ai vécu quelque chose qui m’a littéralement bouleversée.

Pourtant, je semble incohérente, comme choquée. Je débite des mots idiots, je lui fais part de mespeurs, tout sort de ma

bouche sans que je puisse le contrôler.

— Je peux faire face à ton passé… à ma destinée, à ce monde qui part complètement en live, maisça…

Dead tente d’avoir mon attention, mais je suis figée, concentrée seulement sur ses yeux, je ne peuxregarder qu’eux.

— Sans toi, sans ta force, jamais je ne vais pouvoir. Je ne suis pas assez forte, et même avec toi, je…

Mes yeux redeviennent humides, ma voix se bloque, je n’arrive pas à le dire. J’aimerais qu’il lise enmoi à cet instant, que je

n’aie pas à lui annoncer…

Dead embrasse le haut de mon front. Je le tiens toujours fermement, comme si j’avais peur qu’il fuie.

— Mon Ange, qu’est-ce qui t’arrive ?

— … C’est un cauchemar… j’aimerais me réveiller. Oh, mon Dieu !

Je m’accroche à ses bras lorsqu’il tente de s’écarter légèrement. La peur m’envoie une boule destress qui me fait paniquer.

Dead le remarque.

— Faith, respire, calme-toi !

Je n’arrive pas à me calmer. J’ai des images affreuses qui défilent devant ma tête : ces sourires surces tests bleus, des images

issues de mon imagination qui me montrent déjà enceinte, avec autour de moi, du sang. La peur et unavenir plus que sombre…

Je craque à nouveau ; je n’arrive pas à lui dire ; cela me semble trop dur. Cela serait trop réel. Alors,Dead tente par lui-même

de trouver, cachant son impatience et refoulant l’angoisse d’avoir vu sa femme en larmes déboulercomme une dingue dans son

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bureau.

— Quelqu’un a tenté de te faire du mal ?

Je secoue la tête. Je ne vois plus rien avec ces deux foutues fontaines que sont devenus mes yeux.

— Mon père ? poursuit mon amant.

— Non… (J’arrive à articuler entre deux sanglots) Non, ce n’est pas ça. C’est…

À nouveau, je me tais. Je ferme les yeux et recommence à pleurer. Je ne suis plus la Faith forte, cellequi peut tout affronter. Je

suis seulement une femme en détresse qui se sent impuissante. Mon vampire, lui aussi, se sentdésarmé, il ne sait pas quoi

faire, et la vision que je dois dégager, la douleur qui s’échappe de mon être et qu’il ressent doit sansdoute l’empêcher de

réfléchir. Il se contente d’attendre, comme un véritable Monsieur Patience. Il attend que je me calme,et j’y parviens après

plusieurs minutes. Les sanglots cessent, mais pas les larmes.

— Je suis enceinte, Dead…, je murmure contre son torse.

J’ignore si c’est audible, si mon compagnon l’a entendu, mais vu sa réaction, je pense que oui. Deadse fige, choqué. Je le

comprends, il pense sans doute avoir mal compris. Je baisse les yeux, je n’ai pas la force d’affronterson regard, mais je le

sens s’accroupir pour me faire face. Sa main vient caresser ma joue pour avoir mon attention.

Pitié, pas de gestes tendres…

— Tu es…

Je hoche la tête pour répondre à la question inachevée du vampire comme si, prononcer le reste allaitrendre les événements

encore plus réels.

Je sens la tension du vampire emplir la pièce. Il pose sa tête contre mes cuisses, inspirant, calmantses nerfs, encaissant le

choc. Ses bras viennent encercler ma taille pour que je sente une prise sur moi.

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Dead reste quelques minutes, accroupi contre moi, dans un silence de mort pesant. Puis, maître de sesémotions, il se redresse.

J’essaie de détourner le regard, mais il va plus vite que moi. Je crains d’y croiser la colère, mais cen’est rien de tout cela,

seulement la peur et l’inquiétude qui habitent bien trop souvent ses yeux, ces derniers temps.

— Bon sang… Faith, tu es certaine ? demande-t-il, à nouveau.

Je sors de la poche de mon gilet les quatre tests de grossesse que je viens de faire. Je les pose sur lebureau.

— J’en ai fait cinq… Tous positifs, et j’ai trois semaines de retard, je murmure doucement.

Mon compagnon jette un œil sur les « preuves » qui n’ont pas changé. Il fronce les sourcils. Une deses mains se pose sur ma

cuisse pour avoir mon attention.

— Tu es certaine pour les trois semaines ?

— Oui !

Je m’en veux immédiatement de crier.

— Qu’est-ce qu’on va faire ? je poursuis sur un ton désespéré, Dead, on ne peut pas…

Mon amant me reprend dans ses bras. À défaut d’avoir les mots qu’il faut, il a les gestes.

— Je ne sais pas, je dois d’abord encaisser cette nouvelle avant de pouvoir réagir. Donne-moi un peude temps, s’il te

plaît.

Je me redresse pour lui faire face. Les yeux remplis de larmes à nouveau, car il n’y a pas trente-sixsolutions. Cet enfant ne

peut pas naître.

— Je ne peux pas le garder, hein ? On ne peut pas faire ça, on… ne doit pas…

Dead secoue la tête et je vois son visage meurtri par la tristesse. Il embrasse mon front avectendresse.

— Non, mon ange… on ne peut pas le garder.

Entendre autant d’émotion dans sa voix me brise le cœur. Je me retiens de craquer à nouveau, prise

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par un élan de panique,

d’un « on doit agir vite ».

— Il ne faut surtout pas que cela se produise. Pas maintenant alors que rien ne va…

— Je sais… Faith, calme-toi, j’en prie, calme-toi.

— Je ne peux pas… je ne peux pas avoir à vivre ça, Dead. Il n’y a que toi qui puisses m’aider. Il n’ya que toi qui puisses

trouver une solution… il n’y a que toi. Toi et toi seul. Je dois être sous le choc…

— Faith, respire, tu vas tomber dans les vapes, sinon.

Il a raison, je ne me sens pas bien. Je dois respirer, calmer mon angoisse… mais c’est dur, dur depenser à autre chose alors

que le problème est bien là, vivant en moi.

Je serre la main du vampire qui m’a reprise contre son torse. J’aimerais me réveiller maintenant…sauf que ce n’est pas un

cauchemar, rien de notre vie n’est un rêve. Tout ce qui s’y passe n’est que la pure vérité…

Je suis enceinte, je porte en moi l’accomplissement d’une prophétie… et je vais craquer à nouveau sije ne pense pas à autre

chose.

— Tout est de ma faute. Je suis désolée, Dead… j’aurais dû faire plus attention, j’aurais dû…

Mon compagnon m’interrompt tout de suite.

— Non, c’est la mienne. Tout est de ma faute.

— Ce n’est pas toi qui es tombée enceinte ! je rétorque en lui faisant face.

Dead passe ses pouces sur mes joues pour essuyer mes larmes. Lorsque je croise son regard, c’estcelui de quelqu’un de

déterminé. Il est décidé.

— C’est tout de même à cause de moi que tu es enceinte… mon ange, ce n’est pas le moment de sejeter la pierre. Il faut

qu’on t’examine. Je dois savoir si tu vas bien.

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Sans rien rajouter de plus, il sort son portable de la poche de son pantalon. Je le regarde composer unnuméro.

— Roosevelt ?... Oui, désolé de vous déranger… j’aurais besoin que vous fassiez évacuer la zonemenant à mon bureau

pour dix minutes… je dois sortir du QG sans que l’on me voie… Non, ne vous inquiétez pas… mercià vous.

Dead raccroche puis il se penche pour embrasser ma joue.

— Mon Ange, on va aller à l’hôpital…

— Pourquoi ? je demande inquiète.

Dead ferme les yeux, il soupire et je n’aimerais pas être à sa place à cet instant. Si ce que je ressensest un boomerang

insupportable, lui… doit avoir la culpabilité qui le ronge.

— Faith, je suis impuissant, là. Je ne peux rien faire d’autre que te conduire à l’hôpital dans unpremier temps. Il faut que je

joigne mon père, ensuite.

— Pourquoi tu veux joindre celui qui nous a mis dans cette situation ?

Son père va nous empêcher de mettre un terme à tout cela… mais est-ce que Dead pense la mêmechose que moi ? Je ne sais

pas, alors une nouvelle boule d’angoisse vient s’ajouter aux autres.

— Parce que je ne sais pas ce qui va t’arriver ! J’ignore comment se passe la suite des événements etsi ce que tu portes ne

va pas faire beaucoup de dégâts. Mon père ne nous a jamais dit comment ça se déroulerait. Il y avaitl’avant et l’après. Je ne

sais pas le pendant.

Le vampire souffle ; il passe une main nerveuse dans ses cheveux et je comprends qu’il s’en veut des’être emporté. Je le

comprends, cette situation n’est pas facile…

— Dead…, je souffle.

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Ses mains viennent tenir mon visage. Il me répond d’une voix très sérieuse.

— Faith, quoi qu’il se passe, je suis avec toi, et on prendra les décisions qu’il y a à prendre pournous éviter tout ça. Je ne

veux pas que tu sois l’esclave d’une destinée, je ne veux pas qu’un enfant ait à vivre cette vie… jedois te protéger.

Nous échangeons un regard inquiet. Je sais qu’il a raison, comme je sais aussi qu’à cet instant, jeserai incapable de prendre

une décision. Tout ce que je sais, c’est que si je dois être pensée une seule fois dans ma vie commeune mère, c’est maintenant.

Une mère doit protéger son enfant… moi je décide de le faire en lui épargnant cette vie.

Chapitre 16

Cet être qui grandissait en moi

J’ignorais que les vampires disposaient d’un centre médical adapté à leurs besoins. J’ignorais encoreplus qu’un vampire

pouvait attraper des maladies, ou souffrir de pathologies. J’ignorais tout ceci avant que Dead nem’emmène à l’hôpital, il y a

quelques heures.

Situé au cœur même de Manhattan, un immeuble privé que je pensais habité par des famillesvampires, est en fait un hôpital

très discret sur cinquante étages, oui, c’est très discret.

Nous sommes sortis plus facilement que je ne l’aurais cru, en catimini, sans garde du corps. Je nesais pas comment Dead a

fait. Sage et Cooper l’ont entouré d’un cercle de gros bras armés qui le suivent partout. Il déborde deressources lorsqu’il le

faut, à moins que ces messieurs veillent sur nous de loin.

J’ai rapidement vu l’état dans lequel est la ville. Si les quartiers chics des parties non communes etappartenant aux vampires

sont restés tels quels, ce que j’ai pu apercevoir au loin des quartiers des humains, c’est toute autrechose. Une fumée noire et

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épaisse disparaît dans le ciel voilé par une nuit d’après-midi, plutôt clair, je n’ose même pasimaginer ce qui s’est produit.

L’enfer doit être préférable à ce chaos qui semble sans fin.

Presque un mois sans sortir de la propriété du QG, et tout semble avoir tellement changé.

Dead n’a pas cessé de passer des coups de fil durant le trajet. Il m’a à peine expliqué les choses. Dèsque nous franchissons la

porte du parking souterrain menant au hall d’accueil, quelqu’un nous attend pour nous amener dans cegrand bureau. De

nombreuses revues et dossiers médicaux ainsi que des objets ayant un rapport avec la santé… et lesbébés remplissent

étagères et armoires. Il y a des tableaux sur l’évolution d’une grossesse « humaine » et de « sang-mêlé ». Mais de loin, je ne

parviens pas à lire les caractéristiques d’un enfant issu d’un vampire, ce qui est sans doutepréférable. Le reste de la

décoration dans des tons jaune sable est plutôt chaleureux et le mobilier de bureau est en boissombre. Le médecin que nous

sommes venus déranger a beaucoup de goût.

Je manque de rire. Je suis tellement nerveuse face à la situation que je fais une fixette sur ladécoration à défaut de regarder

l’homme avec qui je partage ma vie. Dead est assis à mes côtés, le visage tourné, absorbé par la vuesur New York par la

fenêtre. Il est ailleurs, dans ses pensées, à peser le pour et le contre. Étrangement, je me sens vide, jerefuse de penser à ce qui

est en train de se passer. C’est ma façon d’affronter les prochains événements sans m’effondrer.

Mon attention se porte sur la main qui tient fermement la mienne. Dead est vraiment stressé, il serre etdesserre la pression de

ses doigts, tapant du pied au même rythme. J’aimerais qu’il me parle ; ce silence entre nous estpesant. Mais que dire face à

une situation, qui n’a pas sa place dans l’actualité et qui n’aurait jamais dû arriver.

— Tu peux tomber malade ? je demande à Dead.

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Le vampire s’arrête de gesticuler. Il se tourne vers moi. Ses yeux bleu nuit viennent transpercer lesmiens. J’y lis beaucoup

d’inquiétude. Il doit se demander pourquoi je pose cette question. Même moi je suis en train de medemander pourquoi. Elle

m’a traversé l’esprit, et est sortie toute seule.

— Moi non, mais les autres oui, répond Dead avant de retourner à la contemplation du vide.

Je hoche la tête et resserre nos doigts pour avoir son attention.

— Comment se fait-il qu’on ne parle jamais de cet hôpital ? je questionne.

— Tout le monde pense que c’est seulement une maternité, déclare mon compagnon.

Il se penche vers moi et dépose ses lèvres près de ma tempe. Je déteste être dans cette situation, voircelui qui est toujours le

plus fort, être perdu. C’est déstabilisant.

Pourtant, je n’aimerais pas me retrouver à nouveau toute seule. Je suis bien contente que Dead soit là,même s’il réfléchit trop.

Il pense à demain et à cet avenir qui va davantage s’assombrir.

Dès que j’y pense, la réaction est immédiate. Mon cœur s’emballe et une bouffée de stress vient metordre l’estomac.

Heureusement pour moi, une voix très masculine résonne dans le bureau, nous sortant de ce calmepesant.

— Dead Creaving? Dans mon bureau !

Nous nous tournons vers la porte d’entrée. La personne qui vient d’appeler Dead est un homme d’unecinquantaine d’années et

de taille moyenne. Il a les cheveux gris bouclés et porte à ses yeux brillants d’âmes une paire delunettes noires. Il semble

avoir bien profité de la vie tant sa corpulence est plutôt bien entretenue, sans doute par de généreuxplats préparés par une

femme. La blouse blanche, le stéthoscope et le nounours accroché à sa poche me font comprendre quec’est bien cet homme

que nous voulions voir.

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Dead se lève pour saluer le vampire qui sourit à pleines dents, dévoilant ses crocs. J’ignorais queDead connaissait des

médecins… d’une autre époque, avec beaucoup de pratiques.

Les deux mâles s’étreignent fortement. On dirait des retrouvailles, comme s’ils ne s’étaient pas vusdepuis longtemps. Mais

que signifie une séparation lorsqu’on est un vampire immortel ?

— Comment vas-tu ? demande le médecin en s’écartant pour aller s’asseoir à son bureau.

— J’ai besoin de toi, Wyatt.

Le fameux Wyatt le dévisage avec sérieux, comme si entendre une demande d’aide de la part de DeadCreaving tenait du

miracle ou de l’hallucination. À mon avis, Wyatt n’est pas son premier prénom.

Le vampire se fige, s’arrêtant dans son élan. Il reste debout à côté de son fauteuil en cuir.

— Tu es enceint, Dead ? (Les yeux gris du vampire dévient sur moi) Ou est-ce la belle créature quit’accompagne ?

Sa voix est vraiment rauque, comme celle qu’avait mon grand-père, celle qui nous fait comprendreque l’individu auquel on

s’adresse a bien vécu.

Je souris timidement lorsqu’il pose ses yeux sur moi, me dévisageant de la tête aux pieds, comme unscanner. Je n’arrive pas à

savoir ce qu’il pense, s’il voit en moi un danger public ou une simple personne.

— Je suis sûr que c’est cette jeune femme qui a besoin d’aide et non toi.

Dead se rassoit à mes côtés et prend ma main dans la sienne. Wyatt s’assoit aussi, et retire ce qu’il aautour du cou. Il sort une

feuille blanche et un stylo avant de reporter son attention sur nous.

— Bon, qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

Je m’apprête à lui répondre, mais Dead m’interrompt, visiblement très impatient.

— Tu sors un peu de ton hosto, Wyatt ? demande mon amant d’une voix dure, ou ta mémoire devampire plus que centenaire

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te fait défaut ?

Je jette un œil au mâle qui se tient à mes côtés. Qu’est-ce qui lui prend de l’agresser ?

Le docteur arrête d’écrire et vient s’appuyer contre le dossier en cuir.

— Désolé de préférer mon monde rempli de cris et de moments de joie. Le tien est plutôt fade,Monsieur le Président,

répond le vampire en croisant les bras.

Je comprends qu’il y a de la tension entre les deux hommes, mais j’ignore laquelle. Pourquoi cetéchange de regards douteux.

Leurs chaleureuses retrouvailles semblaient révéler une très belle amitié, pourtant maintenant, j’aiplus l’impression que Dead

et Wyatt ne sont pas en accord.

Voyant les gros yeux de mon compagnon, le docteur soupire et redevient plus professionnel.

— Oui, je sais pourquoi tu es là, et je sais qui est ta compagne. Je l’ai très bien compris en posant lesyeux sur elle. J’ai

suivi le petit spectacle de ton frère. Je suis navré pour toi de ce qui est en train de se produire.

Je n’ai pas la sensation qu’il soit navré uniquement pour le coup d’éclat de Dying. Il doit sans doutel’être aussi pour nous, vu

la façon qu’il a de me dévisager. Je déteste voir de la pitié et c’est bien ce que je vois dans le regarddu médecin.

— J’espère pouvoir rapidement calmer tout cela. Mais je ne suis pas venu parler politique, poursuitDead.

— Non, tu m’appelles à l’aide parce que ta femme et prophétie est enceinte.

Je suis surprise, mais pas Dead qui continue :

— Oui, et Wyatt, j’ai besoin de ton aide. Tu es le spécialiste des sang-mêlés, tu en as autant mis aumonde que tu n’en as

transformé depuis mille deux cents ans. De plus, tu connais les enjeux.

Je suis toujours étonné de voir à quel point les vampires ont su évoluer et s’adapter aux changementsdes siècles. Leur façon

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de parler est le premier point qui choque. Certains ont beau avoir plus de cinq cents ans, ils secomportent comme de vrais

individus du XXIe siècle.

— Elle est enceinte de combien ? questionne le médecin.

J’éclate de rire face à cette situation dans laquelle j’ai l’impression d’être seulement un objet, et nonla principale concernée.

Les deux vampires se parlent entre eux et font comme si je n’étais pas là. Il est hors de questiond’accepter cela.

Dead et Wyatt arrêtent de parler et se tournent vers moi. Je lâche la main de mon mari et m’exclame :

— Vous savez, je suis là !

Wyatt m’interrompt avant que je n’aie le temps de finir, et cela m’agace.

— Excusez-moi, j’ai plus souvent l’habitude de traiter avec les maris…

Je ne me gêne pas pour faire de même et je hausse la voix, le montrant à son tour. J’en ai assez qu’ondécide pour moi, assez

que l’on parle de moi comme si je n’étais pas là.

— Malheureusement, il va falloir faire avec moi ! C’est moi qui suis enceinte, et c’est à moi que vousallez avoir à faire.

Ce n’est pas mon mari qui est dans une situation délicate, même s’il a ses responsabilités. Alors, jevous prierais de bien

vouloir me parler aussi et de ne pas faire comme si je n’existais pas. Compris ?

— Elle a du caractère ta compagne, constate le docteur.

— Oui, beaucoup.

Le médecin sourit et note quelque chose sur sa feuille avant de me poser directement les questions.

— Alors, vos dernières règles ?

Je n’ai pas besoin de réfléchir, c’est du tac au tac.

— Plus de trois semaines environ. Cinq tests positifs et un profond sentiment que quelque chose enmoi a changé.

Wyatt note, et se tourne vers Dead.

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— Tu as remarqué une différence dans son odeur, son goût ?

J’aurais pu rougir dans d’autres circonstances à l’évocation de ce que peuvent vouloir dire ces mots,nos brûlantes étreintes

qui nous ont menés jusqu’ici.

— Non ! répond Dead avec détachement.

Wyatt note nos réponses avec rapidité, tout en nous parlant.

— C’est vrai, pardon. Tu n’es pas seulement un vampire, tu es le fils d’un « dieu ». Tout pourrait êtretrès différent avec toi.

Si ça, ce n’est pas du sarcasme !

— Garde ton sarcasme aujourd’hui, Wyatt, je ne suis pas d’humeur.

— Comme tu voudras.

Wyatt se lève de son fauteuil en cuir, il retire ses lunettes pour les nettoyer avant de les remettre.

— Je vais vous examiner pour qu’on en ait le cœur net, ensuite… on devra parler de beaucoup dechoses que vous ne

semblez pas comprendre.

Nous nous levons à notre tour. Wyatt nous indique une salle derrière nous, ouverte, avec une table degynécologie, comme dans

les films. C’est la première fois qu’on va m’examiner de la sorte. On n’approchait pas une sage-femme tant qu’on ne se

retrouvait pas enceinte. Les priorités ne sont pas les mêmes à présent du côté humain, ou du côté desvampires, qui sont rois, et

malheureusement procréatrices. Je suppose qu’une grossesse d’une femme vampire est différente decelle d’une humaine, mais

Wyatt semble avoir préféré se spécialiser pour des femmes dans mon cas. Est-ce que Queen est venuele voir ? Je pense.

Wyatt prépare l’échographie, dos à moi, le temps que je retire mes vêtements et enfile un grand t-shirtblanc remplaçant la

blouse. Je m’installe sur la table. Au moment même où il se retourne, Dead récupère un tabouret au

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coin de la pièce, et vient

s’asseoir à côté de moi sans dire un mot. Je n’aime vraiment pas le voir comme ça.

Wyatt installe un long drap sur mes jambes et me demande de les placer sur des étriers. Ce que jefais. Je suis mal à l’aise, et

scrute le plafond plutôt que ce qui m’entoure. Tout devient plus réel maintenant, ce ne sera pas fictifni incertain. Tout va

prendre un sens à présent, et c’est effrayant.

— Détendez-vous, ça ne fait pas mal, c’est seulement froid.

La phrase qu’il ne faut pas dire ! Je me crispe immédiatement, en maudissant le médecin. Deadembrasse ma main et je serre la

sienne, avec force. J’ai besoin de retrouver sa force à lui, de ne plus lire ce doute qui s’empare delui.

— Ça va aller, mon Ange.

Il se penche pour déposer sa bouche sur la mienne avant de se rasseoir et que le docteur insère enmoi l’échographe. C’est

froid et étrange comme sensation entre mes cuisses.

Nous nous tournons tous les deux vers l’écran qui devient précis en l’espace de quelques instants.Pas de doute, il y a

quelqu’un en moi, je ne suis plus seule.

C’est drôle comme rien n’est comme on le pense. Si je pensais ne jamais connaître ce moment,j’imagine très bien que c’est la

joie qui doit habiter un couple et certainement pas une tension palpable et une inquiétudegrandissante. Ce silence met mal à

l’aise Wyatt aussi, qui préfère parler et nous expliquer ce qu’il voit.

— Alors ici, vous avez l’utérus, ici la poche, le cordon, et le fœtus. Il est plus gros que la moyenne.Les trois premiers

mois, il se développe extrêmement vite. À quelques semaines, il ressemble déjà à un fœtus de deuxmois. La croissance va

s’arrêter vers les trois mois et demi, et reprendra un peu vers le septième mois jusqu’à la naissance.

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La ligne épaisse que je

vous montre du doigt c’est le lien, ce qu’on appelle aussi cordon, il est plus épais que la normale,tout comme le placenta.

C’est une protection que l’embryon de sang-mêlé se crée. Le lien est une artère grâce à laquelle lefœtus se nourrit pour

grandir, mais pour aussi alimenter son côté vampirique. C’est un élément nécessaire à la grossesse.

J’aurais bien aimé lui dire que j’ai suivi les cours à l’école et que n’importe qui sait comment unenfant grandit, qu’il peut

passer sur cette étape-là des explications. Mais j’ignore pourquoi, elles me semblent plus quenécessaires à la suite de cet

entretien. Comme si Wyatt essayait de nous faire comprendre quelque chose.

Je regarde avec attention sur l’écran, ce mélange incompréhensible de noir et de blanc, où l’ondistingue une tache noire au

centre, et comme une petite balle de golf. C’est là que je fais attention au bruit qui résonne.

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— Ah et ça, c’est son cœur qui bat déjà… Vous voudriez peut-être que je coupe le son ?

Je me tourne vers Dead qui ne quitte pas des yeux l’écran. Son regard est indéfinissable, il resserresa main dans la mienne. Il

ne dit rien, il écoute.

— Non, je réponds pour deux, cela ne nous gêne pas.

Wyatt hoche la tête et reprend ses explications tout en pointant l’écran du doigt. J’ai la sensation quece qu’entend Dead ne lui

plaît pas. Est-ce qu’il se retrouve devant un mur qu’il n’arrive pas à surmonter ? Est-ce cela la raisonde son silence ? Ce

présent qu’il ne contrôle plus et qu’il n’arrive pas à gérer ?

Et moi ? J’ignore comment je me sens. Étrange, c’est certain, quand que je vois cet être qui grandit enmoi et que je n’ai pas

désiré. Je suis complètement perdue bien que tout me semble différent maintenant que je comprendscertains points que j’étais

loin d’imaginer. Faire un enfant avec un vampire n’est pas quelque chose d’anodin, c’est sérieux, etcela semble irréversible et

comme quelque chose construit pour durer. Mais dans notre cas, qu’est-ce que cela signifie lorsquedonner la vie ne doit

certainement pas se produire ? Non par égoïsme, et sans parler de la peur, mais à cause desconséquences de la venue au

monde de cet enfant innocent.

Est-ce cela que Wyatt tente de nous faire comprendre ? Que notre erreur est irréversible ? Mon cœurs’emballe à cette pensée.

Mais la voix du médecin ne me laisse pas le temps de cogiter davantage.

— Sinon, d’après ce que je vois, le fœtus est un peu plus en avance que la normale. Il a l’air de biense développer. Je ne

vois rien d’anormal. La grossesse va bien se passer. Cet enfant s’accroche, il est bien déterminé àrester au chaud durant les

prochains mois.

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Le docteur retire délicatement l’échographe interne. Il retire le préservatif et le jette dans la poubelletout en regardant du coin

de l’œil Dead qui n’a aucune réaction.

Le vampire retire ses gants en soupirant. Il passe une main dans ses cheveux grisonnants avant delever les yeux vers mon

amant.

— Dead, à quoi t’attendais-tu ? Tu voulais que je te dise que ça va très mal, que ta femme est endanger de mort ? Non, elle

va bien, ton enfant aussi. Tu n’as pas à t’inquiéter.

Dead a l’air exaspéré de parler à un mur, et là, je comprends le point sur lequel les deux hommes sonten désaccord : le droit à

la vie.

— Et tu sembles ne pas te souvenir de qui je suis. J’ai toutes les raisons de m’inquiéter et je voudraisque tu me dises que

tu vas retirer cette chose du ventre de ma femme.

Je me redresse, tout en prenant soin que le drap ne bouge pas.

— Dead, reprend Wyatt, je connais ta position à ce sujet et tu connais la mienne. Plus de deux milleans d’existence et tu

n’as jamais pris la peine de t’intéresser à la création des sang-mêlés ! Tu ne voyais que lesconséquences de la venue au

monde d’un enfant venant de ta branche familiale !

— Pardonne-moi d’avoir préféré faire autre chose de mon temps !

Je tends la main pour saisir la chemise du vampire et avoir son attention. Il doit se calmer. C’est lapremière fois que je le vois

aussi bouleversé et si peu maître de la situation, car depuis la mort de sa sœur, il s’est fixé commeobjectif que tout ceci ne se

réalise pas.

Il doit s’en vouloir énormément.

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— Mais tu aurais pu au moins essayer de comprendre comment était un sang-mêlé puisque ta proprevenue au monde est

due à ta prophétie et au fait d’enfanter un nouveau membre d’une nouvelle race.

— Si mon compagnon refuse de s’y intéresser, ce n’est pas mon cas…

Wyatt et Dead se tournent vers moi. Le regard bleu qu’on me lance me brise le cœur. Je suis désolée,ai-je envie de lui dire,

désolée d’en être arrivée là.

— Faith, mon Ange…

Même sa voix est dure à entendre.

— Dead, il faut qu’on sache. À moins que tu saches déjà ce qu’il a à nous dire.

— Bien sûr qu’il le sait ! Il n’est pas certain, mais il se doute, renchérit Wyatt.

Je foudroie du regard le médecin. Il s’y prend comme un manche. Ce n’est pas en bousculant Dead eten le forçant à

comprendre que cela va s’améliorer.

— Je n’ai pas envie de savoir, continue mon compagnon, je veux seulement qu’il te l’enlève, tu n’aspas à vivre ça.

Mon vampire tourne la tête brusquement, il gonfle son torse, ferme les yeux, et tente de reprendre lecontrôle. Mais je la sens,

cette rage intérieure qu’il a contre lui-même. Il ne veut pas craquer et je ne pourrai pas lui en vouloirs’il le fait, c’est normal.

Deux mille ans de sacrifices et de pertes pour que tout parte en fumée maintenant.

J’aimerais te serrer contre moi comme tu l’as fait, ce matin. Parce qu’à présent, c’est toi qui asbesoin d’être soulagé.

— Je dois réparer mon erreur…, murmure Dead.

— Dead, on est deux fautifs dans l’histoire.

Il se tourne vers moi, furieux.

— Je suis celui qui a le plus de capacité ! C’était à moi d’être celui qui veillerait à ce que cela net’arrive pas !

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Je comprends que ce n’est pas le moment d’en parler. Dead n’est pas prêt, et je ne le suis pas, nonplus. Je m’épate moi-même

de rester aussi calme. Est-ce le fait de voir le mâle aussi meurtri qui me pousse à être forte pour deuxalors que c’est moi qui

porte un enfant qui va changer le monde ?

— Écoute, je renchéris en caressant son bras, ce n’est pas le moment d’en parler. Écoutons plutôt ceque le docteur a à nous

dire. D’accord ?

— OK.

— Rhabillez-vous, je vous attends à côté, lâche Wyatt en nous laissant.

— Merci.

Je descends de la table de gynéco, et me rhabille en quatrième vitesse. Une fois débarrassée du t-shirtblanc, je me tourne vers

mon vampire qui est de dos, les épaules voûtées, les mains dans les poches. L’homme que je vois enface de moi n’est pas

celui que j’ai l’habitude de voir. Celui-là me brise le cœur par sa détresse.

J’entoure sa taille de mes bras, et me serre contre son dos, ce qui le surprend.

— Dead, j’ai peur, là, quand je te vois réagir comme ça, lorsque je sens qu’il se trame des tas dechoses en toi dont tu

n’oses me faire part pour m’éviter de penser davantage. Ça m’effraie.

Dead se retourne. Il me prend à son tour dans ses bras, me serrant contre son torse. J’ignore ce qui vase passer, mais on doit

se soutenir l’un l’autre.

— Excuse-moi, j’essaie d’encaisser tout ça, murmure-t-il.

Je hoche la tête et l’entraîne vers le bureau où nous reprenons nos places. Nous parlerons de tout celaen intimité. Je le

connais, il va détester devoir déballer ses sentiments sur la place publique, tout comme moi.

— Très bien, on t’écoute, lance Dead.

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Wyatt ne perd pas son temps. Il tourne l’écran de son ordinateur, tout en nous expliquant.

— Un enfant de sang-mêlé est plus fort qu’un fœtus humain. Son sang et son organisme sont en lienétroit, ce qui alimente

ses capacités. Je vous explique : un vampire pour survivre a besoin de sang humain. Et un humainayant des gènes supérieurs à

la normale est plus fort. Mélangez le tout et vous avez une compatibilité extraordinaire, le « Ying etle Yang » qui se

complètent. Un organisme fort, résistant, qui est là pour grandir et naître. Un fœtus comme celui quevous portez est, de plus, le

mélange d’un fils d’une personnalité surnaturelle, et d’une prophétie préparée à l’accueillir. Sonarrivée est inévitable et…

irréversible.

— Vous êtes en train de dire que…, je commence, surprise.

Le médecin prend un air très sérieux, un air qui semble ne rien présager de bon et qui, avec lespremières explications,

confirme ce que je pense.

— Votre enfant veut vivre. Il puise sa force en vous grâce au cordon. Si jamais il vous arrivaitquelque chose, admettons…

un accident ou une grippe et qu’il se sait en danger, en danger de mort, je veux dire, pour survivre, ilse nourrirait de vous.

Dead interrompt son ami.

— Attends, t’es en train de dire que si jamais tu tentes un avortement…

— Ta femme mourra en premier et l’enfant qu’elle porte absorbera toute son énergie jusqu’à ce qu’ilmeurt à son tour, pour

survivre. C’est un mécanisme, c’est ce qui se passe généralement lors d’un avortement par aspiration.Et si je tente de l’ouvrir

et de sectionner le cordon qui relie les deux, ta femme se videra de son sang aussi vite que si on luitranchait la carotide. C’est

plus qu’une source de vitalité pour un fœtus, c’est une artère qui se crée, où passe le sang de la mère.Je tuerais ta femme si

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j’essayais de la séparer de l’enfant.

L’homme qui se tient à mes côtés se lève d’un bond, il tape du poing sur le bureau en bois, hors delui. Je ne l’ai jamais vu

ainsi.

— Je rêve ! À t’entendre, il n’y a aucune solution !

Mais Wyatt semble contrôler la situation, ayant une réponse à tout.

— Si la grossesse est menée à terme, la femme enceinte de vampires se portera à merveille…

— Tant qu’on ne touche pas à l’enfant, je conclus.

— Exactement.

— C’est n’importe quoi ! Comment veux-tu qu’un lien pareil n’affecte pas quelqu’un ! grogne Dead.

Je commence à comprendre beaucoup de choses, et Dead aussi. Comme l’éventuelle possibilitéd’avoir cet enfant est plus que

probable. C’est incroyable comme Mortem a créé une race résistante, capable de s’adapter et defaire en sorte de survivre

quoiqu’il se passe. La nature est vraiment trop bien faite, et Dead et moi sommes devenus lesesclaves de cette très vieille

prophétie qu’il avait tant pris soin d’éloigner de nous.

Mais l’inévitable ne peut pas s’éviter, ou du moins qu’un temps, nous en sommes l’exemple même.

— Je n’ai jamais dit que porter un enfant de sang-mêlé était sans danger, reprend Wyatt.

— Raison de plus pour empêcher ma femme d’avoir un pied dans la tombe !

Le médecin dévisage mon compagnon d’un air supérieur :

— Tu prendrais le risque de lui faire mettre le deuxième en la forçant à avorter ?

Dead pointe du doigt son ami. Je sens un puissant élan de fureur sortir du vampire en entendant cesmots. Il est blessé. Blessé

qu’on l’accuse de me mettre en danger. Il doit le vivre ainsi, alors l’entendre doit lui faire très mal,même s’il ne montre rien

de cela.

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— Je ne forcerai jamais ma femme à faire quoi que ce soit qu’elle n’ait pas envie de faire. Et jet’interdis strictement de

penser cela. (Dead se tait quelques instants) Wyatt, tu ne sais pas ce qui se passera si jamais cetenfant naît. Faith mourra aussi.

Mon compagnon se rassoit, fatigué de la situation. Wyatt semble comprendre que ce n’est plus lemoment de discuter de cela.

— Écoutez, la grossesse vient de débuter, nous avons encore peut-être une chance pour l’opération.Peut-être que le fœtus

n’est pas suffisamment développé pour avoir conscience de ses facultés, et sans doute, il est tropjeune pour pouvoir se servir

du lien avec sa mère, mais réfléchissez-y ! (Il se tourne vers moi) Prendrez-vous le risque de mouriret de faire mourir votre

enfant ? Ce n’est pas un choix aisé, il y a beaucoup de dangers. Je pense qu’il est déjà trop tard.

Il est déjà trop tard, résonne en moi comme une exécution.

— Ce ne sont que des suppositions, lâche méchamment Dead.

Je ne dis rien. Je suis fatiguée moi aussi de cette situation, fatiguée de ne pas comprendre, de voircelui qui partage ma vie

aussi défait et de ne rien pouvoir faire pour l’aider. J’aimerais arrêter de parler pour aujourd’hui.

— Dead, pose-toi la question…, poursuit Wyatt.

— Je ne veux rien savoir, OK ? T’es bien placé pour le savoir, Wyatt. Je ne veux pas de tessuppositions, je veux du

concret !

Le médecin hoche la tête. Il sort de sa poche une photo de l’échographie qu’il a pratiquée et la posesur la table. Je sens que le

médecin joue sa dernière carte et qu’il ne va pas y aller de main morte. Je ne quitte pas du regard laphoto en noir et blanc,

vraiment désolée qu’elle y soit, vraiment navrée que ce petit être ait à vivre cela.

— Dead, si tu veux mon avis, je te le donnerai, mais il ne conviendra pas à ton souhait. Je ne peuxrien te garantir avec

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certitude, je n’ai jamais vu une liaison par le cordon aussi épaisse. Ce qui me laisse penser quel’enfant est déjà bien lié à sa

mère. J’ai bien peur que même si on tente de couper ce lien, tu perdes et ta femme et l’être qu’elleporte. Les fœtus sang-mêlé

se développent très vite les trois premiers mois pour être résistants et prendre des forces les six moissuivants. Si ta femme

avait dû faire une fausse couche, elle l’aurait faite avant, les premiers jours. Trois semaines, c’esttrop tard. Et plus, elle va

évoluer et moins il sera possible que cet enfant meure. Mon avis de médecin te dirait que non, je nepeux rien faire pour ta

femme si ce n’est la suivre jusqu’à la naissance de cet enfant, car si je la touche, si je règle tonproblème, ils mourront tous les

deux.

***

Dead coupe le contact de la voiture. Il se détache et prend appui sur le volant, le front contre le cuirdur. Il fait nuit noire, et

nous sommes rentrés de la ville dans un silence inquiétant. Je n’ai même pas eu la force dem’effondrer, j’avais pourtant envie

de pleurer.

Pleurer sur cette situation qui part en l’air, pleurer sur les injustices qui vont suivre, et sur cettedestinée dont personne ne veut,

et que nous voulions éviter à un être innocent. Je n’ai même pas envie de pleurer sur le fait que je meretrouve enceinte, moi

qui aie toujours catégoriquement renié ma fonction maternelle. Il me semble l’avoir mise de côté etvouloir me soucier

davantage de ceux qui m’entourent et plus particulièrement de celui qui croit être responsable de toutceci : Dead.

— Dead, tu ne dis rien…, je soupire.

Je brise le silence d’une voix douce et calme, attirant l’attention de mon compagnon. Il tourne la têtedans ma direction. Il

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semble plus apaisé maintenant que lorsque nous étions dans le cabinet du médecin.

— Toi non plus, tu ne parles pas… mais tu penses beaucoup.

Ma main vient se poser sur sa nuque que je caresse tendrement. C’est difficile de ne pas penser. Jeviens de comprendre que

j’étais enceinte, que ma vie allait sans doute changer si nous ne pouvons pas prendre de décision.C’est normal de penser.

— Toi aussi, tu penses beaucoup depuis qu’on a quitté ton ami, mais je n’ai pas ta capacité à lire lespensées.

Dead prend ma main et la porte à ses lèvres.

— J’ai l’impression de perdre totalement pied, Faith. J’ai la sensation de ne plus rien contrôler etc’est perturbant pour

quelqu’un comme moi.

C’est sûr que pour quelqu’un comme lui qui contrôle tout, mais qui ne donne nullement l’impressiond’avoir toutes les rennes

en main, perdre cette assurance et voir que ces rennes se brisent, c’est difficile à vivre. C’esttellement naturel chez lui d’être

celui qui prend toutes les décisions, en assumant chacune. Dead est un pilier qui prend à sa chargetellement de problèmes à

conséquences. Alors que je prenais soin d’ignorer ma condition de femme prophétie, lui, l’assumaitpleinement, et cela bien

avant que je me rende compte de tout ce qui se tramait.

Dead croyait qu’il était préparé à affronter un jour les imprévus. Il pensait que jamais il n’allait nousfaire basculer de l’autre

côté du fil. Il était si sûr de lui, si persuadé que ce jour n’arriverait pas, alors aujourd’hui, le choc etl’acceptation sont rudes.

Et je le comprends d’une certaine façon.

— Tu es si calme, mon Ange, renchérit-il.

J’adresse à mon compagnon un léger sourire, marque de mon léger amusement.

— Il le faut bien, il faut que l’un de nous deux le soit.

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— Ce n’est pas ton rôle…

— Ça l’est…

— Je ne te laisserai pas surmonter tout ça. Je dois seulement me reprendre. Demain, après avoirdormi et réfléchi, je saurai

y faire face. Faith, je dois accepter que plusieurs siècles de sacrifices partent en lambeaux, pour uneerreur. Ce n’est pas

simple.

Je sais tout cela, je l’avais deviné. C’était tellement évident, et je ne lui en veux pas.

— Je sais.

— Je suis désolé.

Moi aussi, je le suis. Tellement pour lui, pour nous, et pour l’être qui va bouleverser nos vies à coupsûr. Nous avons besoin

de réfléchir et Dead veut que nous prenions notre temps, mais parfois, il faut se rendre à l’évidence etadmettre que certaines

erreurs doivent être assumées jusqu’au bout. Surtout lorsque la seule échappatoire rime avec la mort.

Comme je comprends Queen à cet instant ! Je m’en veux de mon jugement.

— Comment éviter l’inévitable, Dead ? je lance.

— Vous avez quatre heures.

Un petit rire résonne, c’est la première fois qu’il se détend et je savoure ce moment avec plaisir.

— Je préfère te voir sourire, Faith. Tu tentes de rester impassible, mais ce n’est pas rien ce que nousavons appris

aujourd’hui. C’est tout, ce que tu portes c’est…

— Toi et moi.

Dead ferme les yeux, et c’est cela en fait, c’est cela qui lui fait si mal. C’est de savoir que ce quinormalement devrait nous

unir pour de bon, et être la plus belle preuve d’amour qu’un couple peut s’apporter, se retrouve êtredans notre cas, un danger

planétaire pour toute une race.

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— Je sais, murmure-t-il.

Dead hoche la tête tout en me répondant d’une voix sombre, chargé par l’émotion :

— C’est tellement difficile à prendre comme décision. Aucun chemin n’est simple ; tout se complique; tout a des

conséquences. (Il se tourne vers moi) Tout est risqué lorsqu’il s’agit de toi et de moi. Nous avons étéfous, Faith, fous de nous

aimer, fous d’aimer l’autre, à dix mille lieues de la réalité. Deaths avait raison. L’amour n’est qu’unefolie meurtrière qui vous

met en danger, et nous nous sommes mis en danger. Cela fait deux ans que nous jouons avec le destin,faisant pencher la

balance d’un côté ou d’un autre pour totalement basculer aujourd’hui. Il n’est plus seulement questionde toi et de moi

désormais.

— Comment voulais-tu que nous fassions, Dead ? (Je murmure en essuyant le coin de mes yeux) Je nepouvais pas ne pas

t’aimer, on ne peut pas ne pas t’aimer.

Je ne dois surtout pas pleurer.

— On ne pouvait pas, nous ne pouvions pas ne pas nous aimer, je n’aurais pas pu et toi non plus. Etpuisque nous sommes

faits de chair et de sang, puisque l’inévitable ne peut pas être évité, parce qu’il est impossible d’êtreavec quelqu’un sans le

désirer… nous ne sommes pas à l’abri de faire des erreurs, mon Ange. Nous avons fait une erreur,Faith. Nous n’avons jamais

cessé d’en faire, mais ce n’est pas grave…

Mon mari m’attire contre lui lorsqu’il entend mes sanglots silencieux. Oh, seigneur, ce que je suisstupide !

— C’est dur, Dead, tellement dur à prendre comme décision. Je…

Je n’ai jamais voulu être mère. Ce sentiment était ancré en moi comme ces coquillages quis’accrochent à la roche pour ne

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jamais tomber. Je ne sais pas comment interpréter ce que je ressens ni comment y faire face.

J’ai besoin de temps que je n’ai pas, de conseil que je n’aurai jamais, d’une mère pour m’expliquer.C’est dur.

Dead me serre contre lui. L’étreinte est loin d’être facile dans la voiture, mais qu’importe.

— Je sais, et c’est pour cela qu’on ne la prendra pas ce soir. Tu dois réfléchir, Faith, je ne te force àrien. C’est à toi de

prendre cette décision. Si tu veux mon avis, je te le donnerai, mais ce n’est pas moi qui porte en moiun enfant.

Je porte le tien, j’ai envie de lui dire, mais les mots ne sortent pas.

— Je n’ai pas le temps de réfléchir, Dead… Wyatt a dit que plus il se développera plus celarendrait…

L’avortement inenvisageable.

Déjà qu’il l’est, je sais que ce qu’il nous a dit avant de nous donner son avis, c’était pour nousréconforter un peu. Mais il faut

se rendre à l’évidence…

Mais pourquoi est-ce si dur ? Pourquoi ? Je ne comprends pas, je ne me comprends plus. Je meredresse, et Dead et moi nous

nous dévisageons, nous sommes pris au piège.

— Qu’est-ce qui se passera, après, Dead ?

— On se préoccupera de ça demain, d’accord ? (Il ouvre la portière de la voiture) Rentrons nouscoucher, on parlera de

tout ça à tête reposée. J’ai besoin de réfléchir.

Je sais que cette nuit, Dead ne dormira pas. Je sais aussi que je vais passer une partie de la nuit seuledans notre lit pendant

qu’il partira s’isoler sur une terrasse de la maison, torse nu, un verre et une bouteille de whisky pourréfléchir, pour être seul

quelques heures, dans le calme et loin, très loin de la réalité que je représente à présent. Il ne me ditrien, mais je sais qu’il

fera les choses ainsi. Il le fait toujours. Il le faisait chez nous lorsque le travail et les responsabilités

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commençaient à être

lourds à porter. Je ne lui en voudrais même pas de me laisser dormir seule ce soir. Je comprendsqu’il a besoin de temps et

d’espace, de calme pour réfléchir et encaisser ce que je lui ai appris, aujourd’hui.

Je viens de bouleverser son monde comme il a bouleversé le mien. Et face à cela, tout individu abesoin de temps.

J’ouvre ma portière et descends à mon tour. Le début de soirée est déjà bien entamé, et la températurea nettement chuté. Dead

attend que je ferme mon côté pour verrouiller la voiture. Mes pas résonnent dans le gravier. Jecontourne le véhicule pour me

blottir contre lui, et entrer dans le QG. Le vampire passe un bras protecteur autour de ma taille, il meserre contre lui, et dans

le calme, nous nous dirigeons vers une porte privée qui donne directement dans le couloir qui mène àl’appartement que nous

occupons.

Je sais que nous ne croiserons personne ni que personne ne nous attendra. Dead a pris soin, dans lasalle d’attente, d’envoyer

des SMS durant tout l’après-midi pour « rassurer » tout le monde, même si à mon avis, l’excuse qu’ila trouvée ne va pas

longtemps tenir.

Dead me laisse entrer en premier, avant de refermer la porte à clé. Nous marchons dans un silencepesant dans l’obscurité du

couloir. Je déteste sentir cette tension entre nous, ce mal-être qui gagne peu à peu sa place. Je veuxme réveiller de ce

cauchemar.

Nous arrivons devant la porte de mon appartement que j’ouvre. J’ai besoin de m’isoler moi aussi.J’étouffe. Je me sens

vraiment prise au piège, à nouveau esclave d’une destinée que je ne méritais pas.

Dead me retient. Ses yeux bleus brillent dans le noir. Lui aussi me bouleverse.

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— Je t’aime, dit-il.

Je l’embrasse sur la bouche et entre dans notre appartement. Je n’ai qu’une envie, est de me glissersous l’eau chaude et dormir

dans mon lit. Mais ce que je découvre en allumant la lumière me fait comprendre que je vais devoirremettre cela à plus tard.

— Decease ? je lance, surprise de voir mon beau-frère dans notre appartement à nous attendre.

Le vampire se lève d’un bond du canapé. Il nous dévisage, soulagé de nous revoir. Je n’ai jamais vuDecease aussi inquiet. Il a

l’air complètement chamboulé lui aussi.

Qu’est-ce qui se passe.

— Faith, Dead.

Il prononce nos prénoms comme pour être certain que c’est bien nous.

— Qu’est-ce que tu fais ici ? demande Dead en refermant la porte.

— Nous vous attendions, lance une voix sombre venue de loin.

Je me fige en la reconnaissant, et là je comprends que nous sommes vraiment mal.

— Et je pense que vous avez des tas de choses à nous apprendre, conclut la Mort, en s’approchant denous.

Je sens immédiatement Dead se raidir. Il était déjà chamboulé et inondé par la culpabilité, alors voirson père, le géniteur de

tout ce merdier, ne fait que rajouter de l’huile sur le feu. Un feu qui va nous exploser en pleine figure.Si la Mort s’est déplacée

ce soir, si le visage de mon beau-frère est marqué par l’inquiétude, c’est que quelque chose de gravese passe. Est-ce qu’ils

savent ? Je l’ignore, bien que j’aie des soupçons. Ce dont je suis sûre, même si Dead et moi nesommes plus sûrs de rien, c’est

que celui qui se tient fièrement face à nous a déjà pris sa décision.

Qu’adviendra-t-il de nous ?

Chapitre 17

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Désaccord familial

Un silence pesant vient d’envahir le salon de l’appartement de fonction de la Maison Noire. Nousnous regardons

mutuellement, tour à tour, sans rien dire. Je sens la tension monter, elle n’attend qu’une chose :exploser. Et elle explosera ce

soir, face à Decease, mais surtout, face à la Mort elle-même. Nous ne pouvons pas taire la nouvelleque nous avons apprise.

Je dévisage le père des deux vampires présents. Il me regarde avec un profond sentiment de fierté ; jesais qu’il sait. Il est

venu s’assurer par lui-même qu’il ne se trompait pas, et se délecter du désastre qu’est notre vie àprésent.

Decease décide de rompre le silence. Je suis certaine qu’il doit se demander où nous étions passés. Ila sans doute eu vent de

mon intrusion dans le bureau du Président sans raison. Ceux qui me connaissent savent que je ne suisjamais dans l’excès

lorsque j’agis.

— Qu’est-ce qui se passe ? demande le jeune vampire, en fourrant les mains dans les poches de sonjeans noir.

La Mort retire son lourd manteau et le pose sur la chaise inutile posée à sa droite, juste devant le coinbureau de l’appartement.

Il est toujours vêtu de noir. D’allure très moderne, il fait un cinquantenaire presque séduisant avec sescheveux grisonnants et

sa barbe bien taillée. Il a un sourire comparable au chat d’Alice aux pays des merveilles.

Il dévisage Dead d’un œil malsain, presque satisfait de voir son fils si perturbé. Dead l’est. Il estcomplètement dépassé par la

situation pour le moment. Il n’a pas eu le temps de se poser pour se ressaisir et réfléchir, et la visitede son père ne va pas

arranger les choses.

Mortem sort de sa poche un bâton de bois qu’il déplie d’un tour de main et qu’il transforme en canne.Une canne qui ressemble

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toujours à une fausse. Il s’y appuie attendant celui qui va rompre en premier ce silence pesant.

— Personne ne veut expliquer à notre pauvre Decease qui ne sait jamais rien ? questionne Mortemd’une voix niaise.

Le mâle foudroie son géniteur d’un œil mauvais. Si Dead déteste son père, c’est la même chose pourDecease. Il le toise avec

des missiles dans les yeux. Et ma mémoire ne peut que me rappeler ce qu’ils ont enduré avec cemonstre durant leur enfance, et

bien après encore.

— Dead, mon frère, qu’est-ce qu’il fout ici ? Quand je suis rentré pour vous attendre après avoirappris par l’autre con de

Trenton ce qui s’est produit, je l’ai trouvé dans votre chambre. (Il s’interrompt quelques secondesavant de reprendre) Qu’est-

ce qui t’est arrivé, Faith ?

Je jette un regard en coin à Dead. Il me regarde à son tour. Ses yeux bleu nuit sont remplis de colèreet de bien d’autres

sentiments néfastes. Il est à bout de nerfs.

J’attends qu’il dise quelque chose, mais l’intensité du regard qu’il m’offre me fait comprendre qu’ilme laisse la possibilité

d’annoncer la nouvelle à son frère. Au fond de moi, j’apprécie ce geste, j’apprécie qu’il me laisseenfin faire ce que je veux.

Je m’approche de mon mari et embrasse sa joue avant de fermer les yeux, de prendre une forterespiration, et d’avouer la

vérité à mon beau-frère.

— Je suis enceinte, j’annonce d’une voix qui ne cache pas ma nervosité.

Decease éclate de rire, mais c’est nerveux, enfin du moins je l’espère, comme s’il tentait de nierl’évidence, comme si je

venais de faire une blague parce que cette vérité-là, personne n’est prêt à l’entendre. Personne n’estpréparé à ce qu’elle éclate

étant donné que deux des trois vampires présents veulent éviter que cet événement se produise.Pourtant, il est là ! Je suis bien

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enceinte et, à cause d’une erreur, nous avons réduit à néant les sacrifices des deux frères.

Decease se tait en ne nous voyant pas réagir.

— Ah ! Ce n’est pas une blague ? Parce que si ça l’est, j’aimerais ne pas être le seul à rire.

La voix du vampire est dure et sèche, presque tranchante, comme lorsqu’on n’apprécie pas unenouvelle. Et Decease ne semble

absolument pas apprécier celle-ci.

Comme je le comprends.

— Decease…, je commence.

Il se tourne vers son frère qui vient s’appuyer, les bras tendus, sur le dossier du canapé, marquant àquel point tout ceci le

dépasse. Le regard bleu du jeune vampire s’arrête sur son père qui accueille avec plaisir la réactionde son benjamin. Le mâle

est traversé par différentes émotions : l’amusement, la méfiance, le choc et puis enfin la colèrelorsqu’il revient vers moi,

comme pour avoir la confirmation qu’il se trompe.

Je suis désolée, mon beau-frère, mais non, nous sommes bien dans la réalité. Et non, je ne vais paste dire que tout ceci est

faux. Je ne te mens pas.

Je n’ai même pas besoin de le dire à voix haute. Il le comprend et perd son calme.

— Bon sang ! MERDE, sérieux, Faith ! Dis-moi qu’on est le premier avril ! Dis-moi que tu plaisantes! Dis-moi que je rêve,

en fait !

Je secoue la tête, et Decease passe frénétiquement ses mains dans ses cheveux noirs qui bouclent unpeu. Ils sont toujours

courts, mais un peu plus longs que ceux de Dead qui en plus les dompte avec une solution « magique».

— J’ai bien peur que non…, je réponds en baissant les yeux.

Decease jure dans une langue que je ne comprends pas. Il serre les poings et se tourne vers son frère.

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Dead ne dit rien, il se

redresse et croise les bras. L’inquiétude monopolise son visage. Qu’est-ce qu’il pourrait dire de toutefaçon ? Ce qui est fait

est fait, il nous reste seulement à l’assimiler et à l’annoncer. Mais je comprends leurs réactions, àchacun, après tout ce qu’ils

ont fait pour que ce moment n’arrive jamais. Il a suffi d’une fois, d’une seule, dont je n’arrivetoujours pas à me souvenir. Je

me souviens de ces trois dernières semaines. Chaque fois que Dead venait se perdre en moi, étantdonné son stress et ses

capacités réduites de contrôle et de concentration, sur ses attentions qu’il avait comme celles desurveiller avec minutie mes

règles, il se retirait au moment fatidique. Je ne pourrai pas oublier ce sentiment d’éloignement qui megagnait à chaque fois.

Decease coupe court à mes pensées en se remettant à rire. Un rire noir qui n’annonce rien de bon.

— Putain, je vais te tuer, Dead, pour ne pas avoir mis de capote ce coup-là !

Dead se met à rire à son tour. Je me colle contre lui, passant un bras autour de sa taille pour éviterqu’il ne se rue sur son frère.

Ce n’est pas le moment qu’ils se tapent dessus comme des enfants. Notre famille a besoin de resterunie face aux dangers qui

nous menacent.

— T’es marrant, toi ! T’en mets peut-être ? Non ! Alors, ne viens pas me donner des leçons à ce sujet!

Malheureusement, je ne suis pas sûre que ma présence apaise mon compagnon. Pire, cela semble lerendre davantage nerveux.

Je m’écarte, comprenant qu’il vaut mieux le laisser, ce qui doit se passer se passera, et le retenir neferait sans doute

qu’aggraver la situation.

Je n’ai jamais vu Dead dans cet état. Cette journée me montre ce que j’aurais aimé ne jamaisconnaître.

— Je ne suis pas unie à une putain de prophétie…, commence mon beau-frère.

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Decease se tourne vers moi. Il fait de grands gestes avec ses bras, signe qu’il est vraiment en colère.Je crois que c’est la

première fois que je vois le vampire dans cet état. Il est fou de rage, mais semble descendre dequelques octaves en

s’adressant à moi.

— C’n’est pas toi la putain, Faith, c’est ta destinée.

J’aurais presque pu sourire de l’explication de mon beau-frère. Il a toujours cette délicatesse qui meplaît chez lui. Mais je ne

lui en veux pas de ses mots. Je suis même d’accord avec lui. Cette prophétie est vraiment la reine desgarces. Il fallait que cela

tombe sur moi ! J’ai la poisse !

— Tombe amoureux, mon frère et on verra comment tu géreras tes instincts ! répond Dead d’un tonmauvais.

Je n’interviens pas et la Mort non plus, ce qui m’étonne. Je n’ose pas m’immiscer dans ce règlementde compte qui vient

d’exploser entre les deux Creaving. Je pense qu’ils en ont besoin, et j’aurais préféré qu’il se fasse enprivé, sans leur père.

— Justement ! poursuit Decease, il y a mes instincts et ce truc miraculeux que nous avons quis’appelle notre flair,

monsieur ! Une femme change d’odeur lorsqu’elle devient féconde ! C’est toi qui me l’as appris. Neme fais pas croire qu’en

étant uni à Faith, tu ne l’as pas remarqué ! Merde, Dead ! C’est…

Les mains du vampire commencent à trembler sous l’effet de la colère. Je le vois ouvrir sa veste encuir, il en sort sa pochette,

celle qui contient sa pipe et son tabac. Il est à cran, et il fume généralement beaucoup dans cesmoments-là. Je le vois sortir

l’objet qui parvient à le détendre sous le regard de son frère qui a décidé de se la jouer protecteur.

— Decease, lâche cette putain de pipe ! Tu es à côté de Faith.

Le mâle, la pipe dans la bouche, les doigts dans le paquet de tabac, se fige. Il regarde moncompagnon avec l’air de dire : « tu

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te fous de ma gueule ? ».

— Va te faire foutre ! J’ai besoin de quelque chose pour calmer mes nerfs à défaut de te casser lagueule ! Tu te punis toi-

même et ça se voit rien qu’à ta tête, c’est ce qui te sauve ! Alors, lâche-moi et ne me donne pasd’ordres !

Il termine de remplir de tabac la pipe avant de l’allumer d’un coup sec à l’aide d’une allumette,enflammant le tabac séché

jusqu’à ce que cela lui convienne. Je l’ai vu faire des centaines de fois, et pourtant, je ne m’habituepas à le voir, lui, un jeune

homme d’une vingtaine d’années, ayant des habitudes de vieux grand-père.

— Ne commence pas à jouer les petits cons rebelles…, reprend Dead.

Decease s’apprête à renchérir, mais les deux frères sont interrompus en pleine dispute par lesapplaudissements du plus ancien

de la famille, qui jusqu’à présent, a préféré se taire et se délecter de la colère émanant de ses fils,plutôt qu’agir.

Nous nous tournons tous vers La Mort qui continue de féliciter ses fils en riant. La colère me gagneaussi, ce n’est pas le

moment de rire.

— Je crois bien que c’est à lui que je vais en coller une dans trente secondes s’il ne se tait pas.

Au moins, cela aura permis aux deux vampires de se calmer, et de se liguer contre leur vrai problème: leur père.

Je me mets en retrait lorsque la Mort décide de faire son entrée sur le ring. Je pars m’asseoir sur unechaise près de l’entrée.

Je me sens fatiguée, comme l’avait prédit Wyatt. Soi-disant, une fois que l’humaine comprend qu’elleest enceinte, le fœtus

décide de se manifester pour bien faire comprendre qu’il est là et qu’il est bien décidé à vous épuiserpour ses huit prochains

mois. Mais ce n’est qu’un charmant exemple que le médecin m’a donné. Il y en a d’autres hormis lefait que je vais devenir une

baleine. Sans parler des sautes d’humeur, car porter un sang-mêlé nous bouleverse davantage.

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Encore quelque chose que je ne suis pas prête de voir arriver. Je ne sais même pas si nous allonsgarder cet enfant. Bien que

penser qu’une solution existe soit une mauvaise idée, penser à ce futur ne semble pas être le meilleurnon plus. Elle fait peur.

Je soupire, et entre à nouveau dans la conversation. Les trois hommes sont en plein milieu du salon.Les deux frères en face,

près des canapés. Mortem est près de la télévision, un bras appuyé sur sa canne, l’air serein.

— Tu oserais frapper celui à qui tu dois la vie ? Voyons, Decease, t’es qu’un môme capricieux qui neferait pas de mal à

une mouche. Ne t’humilie pas !

Le ton que la Mort emploie a pour but de pousser à bout celui qui l’entend, et cela fonctionne.Decease fait un pas en avant,

mais il est retenu par son frère qui lui barre la route.

— Tu frappais bien ceux à qui tu dois ta putain de prophétie. Ne me sous-estime pas.

Mortem lève les yeux au ciel. Ce personnage est tout un gag ! Ses propos ne sont que des clichés et ilest plein de tics

énervants. Il donne envie de jouer aux couteaux.

— J’aurais dû m’arrêter à Dead. Cela m’aurait évité d’avoir un second rejeton indiscipliné qui n’estbon qu’à écouter son

frère. Quelle erreur j’ai faite avec toi, Decease. Mais passons ! Ton frère vient de remonter dans monestime en procréant ma

descendance.

— L’erreur t’emmerde profondément ! rétorque Decease.

Dead secoue la tête avant de se passer les mains dans les cheveux, un tic typique de ces mâles. Sesmains le démangent et à

travers notre lien, je sens bien qu’il a du mal à se contrôler. Il a besoin de souffler, mais il ne peutpas. Maintenant, je

comprends pourquoi parler de son père le met dans de puissants états de colère. Dix minutes à sescôtés et je ressens des

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envies de meurtre. Mon vampire ! Celui qui prône l’égalité, la tolérance, et la fin des crimessanguinaires ne rêverait que

d’une chose : massacrer son père qui le mène par le bout du nez depuis toujours. Il n’a jamaissupporté cette emprise que la

Mort pense avoir sur eux. Il n’a jamais supporté les choix et les désirs de son père… Dead n’est pascomme lui et c’est bien là

que se situe le problème.

— Tu sais quoi ? Va te faire foutre et sors de chez moi ! continue Dead en s’approchant de son père.Sans toi, sans ta putain

de prophétie, on n’en serait pas là !

La Mort soupire avec exagération.

— Sans moi, tu n’existerais même pas ! Sans elle (Mortem me montre du doigt) tu ne vivrais pas.

— J’aurais préféré, figure-toi ! Cela m’aurait évité de mettre ma femme enceinte !

— Tu n’avais qu’à pas la toucher, mon fils, si tu ne voulais pas qu’elle enfante.

Je sens monter en moi la haine face à l’individu qui se tient en face de nous, celui qui prend tout avecle sourire, et qui prend

un malin plaisir à nous renvoyer en pleine figure notre erreur. Il est venu répandre son venin,alimenter la braise du feu qui est

né.

C’est un beau salaud !

Dead fait un pas en avant et Decease l’arrête comme son frère l’avait fait pour lui quelques minutesauparavant.

— Decease, retiens-moi bien, avant que je ne lui en colle une…

— On récolte ce que l’on sème, Dead. On ne peut éviter l’inévitable. Ton combat était perdud’avance.

Mortem continue de souffler sur les braises, titillant la blessure infligée par l’annonce de magrossesse et poussant Dead à

bout.

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Je me lève de ma chaise, mais Decease se tourne vers moi et me fait comprendre de ne pas bouger.Comme s’il savait que son

frère n’allait pas tarder à vraiment exploser.

Il y a longtemps de cela, j’ai eu un aperçu. C’était envers Louis et le vampire avait dégusté.

— Sans toute cette merde, on n’en serait pas là ! hurle le mâle, si tu avais fait ce que nous tedemandions de faire, jamais on

n’en serait ici, puisque les Russes ne seraient plus là ! Jamais Faith ne serait enceinte d’une bombe àretardement !

Je fronce les sourcils, ne comprenant pas les paroles de mon compagnon. Qu’entend-il par : « si tuavais fait ce que nous te

demandions de faire, jamais on n’en serait ici » ?

Que s’est-il passé ? Mais surtout, qu’est-ce que la Mort a refusé de faire ?

La réponse ne met pas longtemps à arriver…

— Je n’allais pas tuer mes fils pour ton bon plaisir !

— Il a tué ta fille !

— La mort de Deaths n’était qu’une mort collatérale, elle n’était pas importante.

Immédiatement, je sens un vent froid se répandre dans le salon. Dead et Decease se figent. C’était lecoup de poignard. Je le

sens à travers notre lien avec mon vampire. Il a mal, vraiment mal, comme à chaque fois qu’il parlede ce tragique événement.

Et entendre de la bouche de celui qui leur a donné une petite sœur qu’elle n’était rien, cela doit leurdéchirer le cœur. Si moi

j’ai mal, je n’ose imaginer ce qui se passe au sein des deux mâles.

La Mort profite de ce silence pour poursuivre sur sa lancée des grandes révélations.

— Mais mon fils, ce que tu ne sembles pas comprendre et que tu as omis dans tes calculs, c’est que tues uni à Faith par les

liens du sang, ce qui veut dire que tu avais signé ton arrêt de mort en l’épousant selon nos rites. Tu nel’as pas protégée, tu l’as

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condamnée à réaliser cette prophétie. Parce qu’à ce moment-là, il t’est devenu impossible de résisterà l’appel de son corps.

Et avec ce que tu vis, mon fils, toute cette pression à cause de tes frères, l’annonce de votreexistence… tout cela t’a sans

doute perturbé. Chose que j’attends depuis bien longtemps avec toi, que le puissant Dead s’écrase.

La Mort dit tout ça sur un ton de provocation qui va faire craquer pour de bon mon mari.

— Tu aurais pu arrêter tout ça…, souffle Decease en comprenant.

Au fond de moi, je savais qu’il y avait une part de vengeance personnelle entre le père et le fils.Après tout, Dead a mené la

vie « dure » à son père pendant presque deux mille ans, retardant l’arrivée de la prophétie, sepréparant à l’accueillir pour

empêcher qu’elle se produise ensuite. Mortem n’est pas le genre d’individu à aimer la patienced’après ce que je sais.

Ce dernier fait quelques pas dans le salon, pour se rapprocher de ses fils. Il a une démarche presqueamusée, un sourire fier, il

est tout simplement à vomir.

— J’aurais simplement pu dire à vos frères d’arrêter sous peine de les tuer. Comme tu dis, l’excusequ’ils ont tué ma fille

aurait été très bonne, mais…

Mortem se tourne vers moi. Son regard qui change de couleur me dévisage de la tête au pied.

— Je n’allais pas renoncer à des siècles d’attente pour avoir enfin une descendance. Je n’ai jamaisété si près du but.

— Vous nous avez manipulés ? je murmure, incrédule, mais au fond pas si étonnée.

La Mort hausse les épaules comme si de rien n’était, comme si son geste n’avait pas deconséquences. Ce beau salaud savait

tout, et a fait en sorte de nous mettre sur la voie qu’il désirait.

Pitié, faites qu’il parle et me fasse passer pour une folle.

— Effectivement, depuis le départ. La Bible que je t’ai envoyée, ces passages que j’aivolontairement supprimés pour te

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mettre dans le doute et fragiliser ton couple et pour que mes autres fils viennent te dévoiler la vérité.Tout ça pour vous

déstabiliser, vous rendre vulnérables à vos propres sentiments, à ce lien fort que vous avez créé envous unissant. Plus la

trahison était grande, plus cela créait des sentiments incontrôlables. Il n’y avait plus la place àl’attention et à la résistance. Il a

suffi que je révèle à vos frères qu’ils avaient été doublés pour engendrer une colère noire et créer unconflit planétaire. Ce

n’était qu’une question de temps. En réalité, ils étaient au courant de votre mariage bien avant queleurs espions ne rentrent

pour le leur annoncer. (Mortem montre ce qui nous entoure d’un geste de la main) Tout ceci n’auraitjamais pu arriver sans

élément déclencheur… Votre mariage a été le début.

Je pique un fard, et manque d’intervenir dans ses explications. Non, ce n’est pas cela. S’il y a bienune chose dont je suis sûre,

c’est que m’unir à Dead m’a permis de me protéger, pas de déclencher une chasse à la prophétie.

Il semblerait que j’aie des lacunes malheureusement…

L’expression que doit afficher mon amant fait rire son père et cela me blesse. Mortem sait très bientout ce que Dead a dû faire

pour me protéger de tout cela, et le voir appuyer sur ces points douloureux n’est pas loyal. C’est tropsimple.

Mortem jette un regard noir à son fils :

— Tu pensais vraiment que tu pourrais protéger ta petite humaine de moi, Dead ? Tu l’as sans douteprotégée un temps de

tes frères, mais en le faisant, en essayant de la protéger de ton taré de frère aîné, tu m’as offert madescendance.

Dead parcourt les derniers mètres qui le séparent de son père et le colle contre le mur. Il le faittellement vite que personne n’a

le temps de réagir. Je me lève d’un bond. Decease se jette sur son frère pour le retenir, mais la prisedu vampire et la colère

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l’emportent sur le reste. Dead bouscule même son frère pour qu’il s’écarte.

— Parlons-en de ta descendance ! Tu te rends compte de ce que tu as fait ? (Dead secoue son pèrepar les pans de sa

chemise noire) Tu te rends compte de la destinée que tu vas mettre sur le dos d’un gosse qui n’a riendemandé ?!

Mortem se remet à sourire. On dirait un fou.

— Elle est parfaite cette descendance, elle le sera jusqu’au bout maintenant !

— Non, pas si on interrompt cette grossesse…, coupe Decease en ramassant sa pipe qu’il avait laissétomber au sol.

La Mort part dans un nouveau rire, comme si ce que venait de dire Decease était la pire des débilités.

— Qu’est-ce que tu as fait, bon sang…, renchérit le mâle.

— Vas-y, Père, raconte à ton fils ce que tu as fait pour être certain que cet enfant vive !

Au ton de sa voix et à la tête que Decease affiche l’instant d’après, je comprends que le mâle vient desaisir que ce qui allait

suivre n’allait pas lui plaire.

— Non, je ne veux pas savoir…

Les mots sortent tous seuls, alors que je regarde Mortem droit dans les yeux.

— L’enfant ne peut pas mourir tant que je le porte. Soit je meurs et il meurt avec moi, soit je le gardeet il naît.

Le regard de Decease passe de moi à son père. Il a l’air d’être complètement halluciné.

— Tu l’as rendu immortel par le mélange des gènes ?

La Mort rit à nouveau et Dead lève le poing, mais son père le repousse violemment. Dead manque des’effondrer sur la petite

table du salon. Il est retenu de justesse par son frère.

— Cet enfant, je savais que je devrais l’attendre plusieurs siècles ! Lorsque je me suis jeté dans l’eaudu Styx, quand j’ai

vu cette prophétie, j’ai su très bien comment faire pour que tant d’attente ne soit pas nulle ! Je vous aicréés à mon image,

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faisant en sorte que lorsque l’un de vous féconderait la prophétie, rien ne pourrait fragiliser cetenfant. Je l’ai rendu

indestructible. Il puisera sa force par le sang, et plus il en aura, plus il sera fort. Il va être parfait.

— Tu as toujours su que c’était irrémédiable…, commence Dead, ahuri.

— Et tu ne nous as rien dit…, termine Decease en s’asseyant sur le canapé du salon, défait.

Leur père réajuste le col de sa chemise, avant de reprendre.

— Je n’allais certainement pas prendre le risque que ton frère ou toi vous vous rendiez stériles. Jen’allais pas non plus tout

vous confier. Le peu que vous saviez déjà a permis à ton frère de retarder la venue au monde de cetenfant.

— Arrête ! Ferme-la, bon sang ! tente Dead.

— Je me tais depuis plusieurs siècles, Dead. J’attendais le bon moment pour parler ! rétorque sonpère.

— Tu aurais mieux fait de poursuivre dans cette voie…

Son père lui offre un sourire sadique. Décidément, la situation et la détresse de ses fils n’arriverontpas à lui faire retirer cette

face de smiley.

Je déteste cet homme et encore plus la façon dont il s’adresse à ses fils. J’en ai assez. Je suis épuisée,épuisée d’entendre des

cris, de voir cette injustice.

Il faut que cela s’arrête.

— Pas lorsque je sais la suite. Je sais absolument tout ce qui va se passer ensuite, et tu n’es pas aubout de tes peines, mon

fils. Tout ce que tu tentes de construire et de contrôler va partir en fumée et je vais me réjouir de cemoment lorsque…

— Ça suffit ! je hurle.

Mon cri fait taire tout le monde et trois paires d’yeux qui bouleversent se tournent vers moi. Jem’approche d’eux, en pointant

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du doigt le principal concerné.

— Y’en a marre de vous, de votre comportement ! Je ne vous connais pas depuis bien longtemps,mais le peu que je vois de

vous me fait plaindre vos fils qui ont dû supporter vos caprices depuis la nuit des temps.

— Je suis celui à qui ils doivent la vie ! Ils me doivent absolument tout…

Je l’interromps, car cela aussi, j’en ai plus qu’assez de l’entendre, lui, ce type à l’egosurdimensionné.

— Je dois la vie à mes parents ! Mes parents m’ont désirée, ils m’ont aimée, élevée, ils m’ont donnétout ce dont j’avais

besoin, ils ont…

— Ils t’ont abandonnée ! me coupe la Mort.

Aïe !

Je tique tout de suite et me tais l’espace de quelques secondes, incapable de répondre. Il a touché unpoint faible, un point qui

continue de me faire souffrir depuis seize ans, et qui étrangement aujourd’hui est encore plus sensibleétant donnée la situation

dans laquelle je me trouve.

Je ferme les yeux et inspire. Je ne dois pas me dégonfler et laisser cet imbécile gagner. Il est venumettre le foutoir, je ne vais

pas lui donner ce plaisir.

— Ils n’ont pas eu le choix, je réponds, mais vous, vous l’aviez, ce choix ! Le choix de laisser leschoses se faire et

d’éviter que des individus qui n’ont rien demandé aient à vivre cette vie ! Vous avez fait de vos filsdes esclaves par pur

égoïsme ! Vous m’avez faite esclave d’une destinée qui n’aurait pas dû exister… mais surtout, vousne pensez qu’à vous et pas

à cet enfant qui sera lui aussi, esclave de son propre destin. Ne me forcez pas à prendre une décisionstupide qui anéantirait

plus de deux millénaires d’attente, Mortem, je le menace.

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Mes mots semblent faire tiquer la Mort. Le père de mon amant me dévisage avec froideur,n’appréciant pas ma remarque.

— Tu me menaces ? Tu aimes beaucoup trop la vie, Faith ! Je le sens !

— Vous apprendrez qu’une mère sait se sacrifier pour son enfant si l’acte lui semble juste, jerenchéris d’une voix

tremblante.

— Tu n’en veux même pas de cet enfant.

J’ignore cette phrase, je n’ai pas le temps de me pencher sur ce sujet maintenant. Je dois faire tairecet immonde personnage.

— Peut-être, mais je serai sa mère, je serai la première personne à devoir le protéger, et je ferai toutpour le protéger d’une

destinée tragique ou de malades comme vous et vos fils.

Mon compagnon s’approche de moi, d’un pas méfiant.

— Mon Ange…, murmure Dead totalement désemparé, tentant de savoir si je suis sérieuse ou pas.

Je le regarde avec sérieux, je suis sérieuse, sans doute un peu choquée de ma journée, mais oui, jeserais capable d’en arriver

là.

— Si c’est la seule solution, Dead, je le ferai.

La mort comparée à ce qui peut nous attendre ne m’effraie plus. Je vois plutôt une solution pouréviter tout un carnage. Je ne

suis pas folle, je n’ai pas non plus l’esprit qui divague. Non ! Je sais ce que je dis, je sais ce que jeressens, et cela me semble

plus clair depuis que je viens de le dire à voix haute. Si jamais on n’arrive pas à trouver un moyen deprotéger cet enfant

rapidement en envisageant sa venue au monde, je le ferai, sans aucune hésitation. Destiné ou pas, cetenfant n’a pas à devoir

vivre cette vie à cause d’un faux pas. Parfois, le prix de nos erreurs est lourd à payer.

— Non, hors de question ! renchérit Dead, à nouveau envahi par la haine.

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Une haine que j’ai déclenchée en parlant.

— Je suis d’accord avec mon fils, c’est hors de question, enchaîne Mortem.

J’éclate de rire. C’est nerveux. Il croit vraiment qu’il va m’empêcher de faire ce que je veux ? Je necontrôle déjà pas ma

destinée, j’aimerais pouvoir décider au moins de quelque chose dans ma vie !

— Ah oui ? Et comment comptez-vous m’en empêcher ? je demande sur le ton de la moquerie.

— En saisissant le Tribunal.

Les deux vampires piquent un fard que je ne comprends pas, comme lorsqu’on apprend une nouvellequi choque. Qu’est-ce que

cela signifie au juste ?

— Tu ne ferais pas ça ! lâche amèrement Decease, toujours assis sur le canapé, dégoûté.

Mortem regarde son fils en levant les sourcils, pour marquer sa malice :

— Je vais me gêner peut-être ? Le Tribunal ne sert pas qu’à régler vos conneries politiques. C’estune instance de justice

qui règle absolument tous les problèmes venant des Races existantes. Vampires, spectres, démons,humains… Cet enfant

annonce une nouvelle Race. Une Race que tout le monde attend.

— Tu avais tout prévu, accuse Decease en pointant du doigt son père.

Mortem ne tente même pas de nier, il est tellement fier de ce qui vient de se produire.

— Depuis le départ, mon fils. J’avais envisagé toutes les possibilités.

Ce dernier se frotte les mains, satisfait de cette annonce. Il se tourne pour récupérer sa cape sur lachaise avant de reprendre.

— Si j’étais toi, Dead, je saisirais rapidement le Tribunal avant que je ne le fasse moi ou ton frèrelorsqu’il apprendra

qu’elle est enceinte. Histoire d’être certain que cet enfant reste en ta possession à sa naissance. Parcequ’en plus de la menace

de Guerre que ton frère fait tourner au-dessus de ta tête, il pourrait exiger énormément de dommagespour la duperie dont tu as

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fait preuve à son égard.

— Je n’ai pas d’ordres à recevoir de toi. Je ferai ce que je jugerai bon de faire une fois que la pilulesera passée.

Ça y est ! Monsieur lâche sa bombe et s’en va ! Quel salaud !

Il fait comme si son fils n’avait rien dit et poursuit sur la lancée de ses menaces.

— Écoute-moi et contacte vite le Tribunal, car si un autre le fait, si ton frère ou moi-même le faisons,les conséquences

pourraient être lourdes pour ta chère petite humaine.

D’un geste souple, il enfile sa cape et disparaît en un clignement de cils nous laissant tous les troisfigés dans le salon. La

tension semble se dissiper avec le départ de Mortem, mais pas le stress et la colère, voire le choc…

Cette journée est vraiment affreuse.

Decease marche vers son frère. Dead le regarde faire, s’attendant certainement à recevoir enfin unebonne correction, mais à

ma grande surprise le benjamin étreint son frère, échangeant une accolade fraternelle et trèsmasculine. J’entends des murmures

dans une langue que je ne connais pas. C’est la première fois que je vois ces deux vampires échangerune telle marque

d’affection. Certes, ils sont proches, mais pas démonstratifs.

Lorsqu’ils s’écartent, je pourrais presque sentir l’émotion me gagner. Surtout lorsque mon beau-frères’approche de moi,

laissant seul Dead. Le vampire en a besoin.

— Je suis désolé, Faith.

Decease me serre contre lui, et à nouveau, je sens des larmes glisser le long de mes joues. Notre vievient de basculer

complètement, et c’est dur. C’est tellement dur de l’accepter. Tellement dur d’accepter ce petit êtrequi n’a rien demandé.

Je suis désolée.

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Chapitre 18

Question d’annonces

Soixante jours après la Révélation.

Oh, bon sang !

Comme chaque matin depuis bientôt quatre semaines, depuis que je sais que je suis enceinte, je logependant près d’une

quinzaine de minutes la salle de bains de l’appartement, malade et fatiguée, subissant les méfaitsd’être à présent… enceinte.

J’ai fini par accepter ce qui nous arrivait, mais je n’aurais pas cru que cela fût si difficilephysiquement. De toute façon, nous

n’avons pas le choix. Pleurer et crier n’arrangeront pas les choses. Il est temps de grandir.

Il n’y a pas eu de surprise lorsque nous avons pris rendez-vous chez Wyatt quelques jours après lapremière entrevue. Ce que

nous savions déjà, ou plutôt ce que nous pressentions s’est avéré vrai : impossible d’interromprecette grossesse sans finir

dans un drame. Ni Dead ni moi n’avons été surpris. Nous avons accueilli la nouvelle normalement,comme un problème à

rajouter en bas d’une liste, un problème majeur.

Nous avons longuement échangé avec le médecin sur les changements qui allaient s’opérer en moi dufait de porter un enfant de

sang-mêlé. Mais rien n’est sûr. Comme je suis unie au « top du top » du vampire et à cause du sangpur, ma grossesse sera

différente. Nous découvrirons au fur et à mesure les différences et les ressemblances entre magrossesse et celle des autres.

Comme dit Wyatt, « à chaque femme sa grossesse », et j’ai l’impression d’avoir été gâtée. S’il m’adit qu’un fœtus de sang-

mêlé ne grandissait pas de la même manière qu’un humain, je ne m’attendais pas à cela. D’après lui,l’embryon va se

développer vite les trois premiers mois, quatre au maximum, les périodes seront variables et on lesaura à mon état. L’enfant

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serait presque viable vu que tout serait formé. La période la plus dure c’est celle-ci. Elle paraîtlongue, car elle est surtout

épuisante physiquement. L’enfant absorbe toute l’énergie nécessaire pour grandir et se former. Et lamère ? Elle subit fatigue,

maux de tête, douleurs, baisse de tension, crampes, étourdissements, et j’en passe, la liste est longue.Tout ce que je sais, c’est

que cet heureux événement, oui parce qu’il est heureux malgré tout, va me rendre amorphe bien avantl’heure. J’ai du mal à me

reconnaître. C’est tombé d’un coup comme lorsque j’ai réalisé que j’avais du retard, on ne s’y attendpas et boum.

Heureusement, il y a un côté positif dans tout cela. Pendant les trois mois suivants, l’enfant va semettre dans une sorte

d’hibernation afin de développer son côté « vampire », me laissant un peu de répit pour sortir de monlit et reprendre le cours

de ma vie.

Et les trois derniers mois, cette chose dans mon ventre que je n’arrive pas à nommer – je me sensstupide, étant donné que je

ne me suis pas totalement faite à ce petit bout qui est là, cela me paraît irréel encore – va se «réveiller » et finir de grandir

jusqu’à naître.

Un sang-mêlé n’est pas grand à la naissance, et possède un tas de caractéristiques semblables à cellesdes vampires : des yeux

luisants, mais sans âme, un besoin de sang, et même des pouvoirs psychiques. Je me demande ce quim’attend avec Dead, lui

qui lit dans les pensées…

Je ne sais pas si je suis heureuse. Je n’ai pas eu le temps de l’être à vrai dire, car je passe le plusclair de mon temps dans mon

lit à dormir comme si j’avais couru un marathon. Dead est inquiet bien qu’on ne se voie pasbeaucoup. Il est assez occupé avec

le Pays qui s’est enfin calmé, mais qui a subi beaucoup de tensions. Si j’arrive à me souvenir de ladernière conversation que

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nous avons eue, je crois qu’il prépare en ce moment même son prochain passage à la télévision où iltentera de s’expliquer.

Les réseaux de communication dans les quartiers humains des villes ont subi de nombreusesdégradations qu’il faut réparer et

cela prend du temps.

Je pense qu’on ne remerciera jamais assez Dying pour l’argent qu’il vient de nous faire jeter par lesfenêtres pour reconstruire

tout cela.

Mais je pense que ce n’était pas une si mauvaise idée d’attendre que les choses se calment d’elles-mêmes pour que Dead

s’explique. Les humains en ont eu assez de se battre. La misère a vite refait surface et legouvernement a sauté sur l’occasion

pour leur venir en aide et montrer que non, il n’est pas là pour créer la discorde et l’injustice et queJE ne suis pas un

problème et ceux qui surgissent à cause de moi ne seront réglés qu’après les explications duPrésident. L’inquiétude se

dissipera alors. Je ne sais pas encore ce que va dire Dead, car étant donné ma forme olympique et sesobligations, nous ne

faisons que nous croiser et n’avons pas eu le temps de parler du « sujet » : ce bébé.

Nous n’avons rien dit à personne pour l’instant. Je pense que Dead n’est pas encore prêt. Il veut sansdoute gérer d’abord le

problème qui dure depuis bientôt trois mois et arrêter ce que l’on pourrait appeler une guerre civile.Cela prend du temps. Est-

ce qu’annoncer que je suis enceinte ne raviverait pas la flamme ? Sans doute. À vrai dire, je ne suissûre de rien.

Nous n’en avons même pas parlé à notre entourage, seulement à Decease et à Shri la Gouvernante quime tient compagnie

quand je ne dors pas. Je sens que je vais apprécier sa présence. Cette femme est un cadeau, uneoreille sur laquelle on peut

compter et qui sait tenir un secret. J’aurais aimé avoir Queen à mes côtés pour parler, pour avoir uneamie dans la même

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situation que moi. J’aimerais m’excuser aussi, mais étant donné les raisons de mon absence autravail, placer une femme

enceinte à côté d’une autre femme malade n’est pas une bonne idée. Alors je communique avec mespairs par lettres et mails.

Dead explique la raison de mon absence par un mauvais virus que j’ai dû attraper. Si les vampiressont réputés pour être très

intelligents, face à une maladie touchant uniquement les humains, ils croient dur comme fer ce qu’onleur raconte sans chercher

à aller plus loin. Pour l’instant, cela semble marcher, mais bientôt nous allons devoir leur dire lavérité et il est vrai que je

redoute un peu la réaction de certains.

Je n’ai pas oublié ma promesse et si jamais les choses ne s’arrangent pas, je ferai ce qu’il faut. Enattendant, nous affrontons

jour après jour notre vie qui va changer à nouveau d’ici quelques mois. Dead prépare tout cela, etj’espère pouvoir l’aider dès

qu’il aura réglé cette histoire d’explications qu’il n’aurait jamais dû avoir à donner.

On n’affronte pas l’inévitable, on le combat un certain temps avant d’échouer. C’est ce que nousavons fait. Maintenant, nous

devons faire en sorte que la vie reprenne son cours en y intégrant les nouveautés.

Je tire la chasse d’eau des toilettes et m’effondre à côté, les yeux fermés, la tête contre le mur.J’inspire calmement, attendant

de voir si c’est fini ou si la prochaine nausée survient.

— Faith ?

Je me fige et tends l’oreille pour savoir qui me parle, en me maudissant et en maudissant ce quim’arrive. Je ne suis pas bien.

Certes, je vais mieux qu’hier et beaucoup mieux qu’avant-hier, ce qui me fait penser que je vais peut-être avoir un ou deux

jours de répit, parce que j’en ai déjà plus qu’assez de rendre mon petit déjeuner tous les matins !

J’ouvre les yeux en entendant des pas se rapprocher de la porte de la salle de bains. Je vais devoirfaire preuve de sociabilité.

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Je me lève en m’appuyant contre le mur. Bon sang, je déteste cela ! Être une loque fatiguée. Vivementque cela cesse ! Je peux

supporter les mensonges, le fait que ma vie ne soit absolument pas celle que je prévoyais, je peuxaussi accepter cet enfant, et

les peurs de devenir mère et tout ce que représente cette naissance, mais être réduite à un incubateurnon. Je veux vivre et faire

ce que je veux.

— FAITH ?

Je soupire, en reconnaissant la voix impatiente qui m’appelle : Decease.

Je me dirige vers le lavabo, ouvre l’eau tiède et attrape ma brosse à dents pour faire disparaître toutetrace de mon récent

rendez-vous avec les toilettes.

— Deux secondes, Decease…

Laisse-moi faire disparaître ce goût infâme que j’ai dans la bouche.

— Non, tu n’as pas deux secondes, il faut que je te parle…

Je l’entends s’activer sur la poignée, mais je n’entends pas la fin de sa phrase. Je me brosse les dentsrapidement.

— Si, attends…

— Non, ouvre cette porte ! Faith, c’est sérieux…

Sans que j’aie le temps de dire quoi que ce soit, j’entends le bruit du verrou s’actionner et la portes’ouvrir. Decease entre

sans même être invité. Monsieur, ces derniers temps semble oublier les bonnes manières.

Il s’arrête en me voyant penchée sur le lavabo en train de me rincer la bouche. Je le regarde à traversle miroir. Cette vision

semble attendrir le vampire. Il n’a pas ce regard rempli de reproches qu’il porte à son frère. Pourtant,nous sommes deux dans

l’histoire. Mais j’ai l’impression que mon beau-frère n’arrive pas à m’en vouloir. Il est pluscompatissant.

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— Salut, belle-sœur ! lance-t-il, plus calmement.

— Salut !

— Ça va ? demande Decease en s’approchant de moi. Toujours malade ?

— Fatiguée. Je suis enceinte, pas malade, je rétorque en coupant l’eau.

Le vampire lève les yeux au ciel. Il n’a pas tort, je suis malade. J’ai des symptômes proches de ceuxde la grippe. Mais je ne

veux pas être mise sur le côté parce que je porte désormais un bébé.

— Si tu le dis, mais je trouve que tu as meilleure mine depuis trois jours.

Il s’approche de moi et embrasse mon front. Je suis contente de le voir, bien que Decease n’ait pasaccueilli la nouvelle avec

joie – personne ne l’a bien accueillie d’ailleurs – j’aime sa proximité réconfortante qui me faitpenser qu’avec eux, cela

pourrait bien se passer.

J’ai besoin d’être rassurée ces derniers temps… ce qui me fait penser à la raison de son intrusion.

Je lève la tête dans sa direction pour croiser son regard bleu nuit :

— Tu devais me dire quelque chose, non ?

Immédiatement, le vampire change d’expression. Il passe de la tendresse à l’inquiétude et à la gêne.Decease a l’air

embarrassé.

— Tu ne voudrais pas t’asseoir ?

— Decease ! je commence à menacer sur un ton mauvais.

Mon amant et son frère, bien qu’en colère contre ce qui nous arrive, commencent à prendre demauvaises habitudes : ils me

maternent. Je n’aime pas cela et ils vont devoir s’habituer à me laisser gérer la situation toute seule.Si je suis fatiguée et si je

dors pendant deux semaines ce sera mon problème pas le leur !

Tout en me parlant, le mâle lève les mains en signe de défense avant de se retourner. Il fait cela pourque je ne croise pas

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l’expression de son regard.

Malin !

— Prends un gilet et suis-moi, on va rejoindre les autres en salle de réunion.

Je suis le vampire. Nous sortons de la salle de bains, traversons le dressing et débouchons sur machambre. Je n’ai pas eu le

temps de faire le lit, et encore moins l’envie, mais cela ne dérange pas Decease. Chez lui, c’est unevraie garçonnière où règne

le désordre.

— Pourquoi ? je demande en attrapant mon gilet sur le lit défait.

Decease se retourne, toujours tendu. Il a déboulé dans la chambre avec une certaine impatience puiss’est calmé

progressivement. Il y a cependant quelque chose. Je sens venir les problèmes à plein nez sinon, on nedemanderait pas ma

présence à une simple réunion.

— Tu ne veux toujours pas t’asseoir ? insiste le vampire.

— Non, balance ce que tu as à dire.

— OK ! Decease, hésitant, passe une main tendue dans ses cheveux, je ne sais pas quel est lameilleure façon de le dire ni

même si c’est moi qui dois le faire, merde, je ne suis pas mon frère… mais étant donné que tu n’as nila télévision ni ton

portable…

— Accouche.

Decease devient subitement sérieux, ce qui me confirme que ce qu’il a à me dire n’est pas bon. Je nesais pas pourquoi, mais

depuis qu’il a appris mon « état » il est différent, comme s’il cherchait à me ménager. Dead faitpareil. Les deux ne savent plus

comment me parler et c’est pénible.

Malgré tout, j’espère que ce qu’il va m’apprendre n’est pas une vraie mauvaise nouvelle, le pays n’a

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pas besoin de cela.

Mon beau-frère arrête de faire durer le suspense et se lance d’une voix grave :

— Il y a eu un bombardement, un attentat au QG du département SES1… Il y a beaucoup de victimeset on ne sait pas si

Gallorgue était déjà dans son bureau.

Je dévisage Decease quelques instants pour voir s’il est bien sérieux, et il l’est. Bon sang ! Comme sije venais de me prendre

un coup en pleine figure, je m’assois sur le lit, stupéfaite, alors que les mots du mâle résonnent enmoi. Un attentat ? Une

bombe ? Quelqu’un nous a attaqués ?

Je n’arrive pas à y croire.

— Un attentat ? Bon sang !

Je ne peux pas m’arrêter de penser au nombre de personnes que je connais dans ce Département quitraitait avec nous en ce

moment même pour le droit à l’école des enfants. Il y a tellement d’humains, tellement d’innocentsqui se battent pour remettre

un système droit et équitable pour chacun. Pourquoi eux ? Pourquoi nous ?

Hébétée, je passe une main sur mon visage.

— Oui…

Le vampire ne finit pas sa phrase, ce qui fait « tilt » en moi, comme s’il craignait de dire la suite.Mais à son regard, à cette

lueur d’empathie, je comprends.

— Oh, seigneur, c’est les Russes ?

Les deux mois sont passés ! Bon sang, je n’ai pas vu ces six semaines défiler avec l’annonce de cettegrossesse et les deux

semaines clouée au lit. Comment ai-je pu rater cet ultimatum et comment avons-nous fait pourl’ignorer ? Parce que tout le

monde pensait que c’était du bluff…

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Ils nous ont bombardés !

— J’ai bien peur que oui