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2 Hobo PRINTEMPS 2012 Sommaire 100 JOURS d'images © PANORAMIC © AFP © REUTERS © AP © PRESSE SPORTS © MAXPPP © ABACA © ICON SPORT Printemps 2012 N°1 Qu'il s'arme, comme on arme un bateau, d'images ou de mots, le journalisme est une invitation à la découverte, à la compréhension du monde. Hobo, vagabondage éclairé à travers la planète, témoigne des multiples facettes de l'exercice physique. France Info, qui donne à voir, à chaque instant, l'actualité et la profondeur du sport de compétition, est également le relais de ce qui est devenu ces dernières années un indéniable fait de société. C'est deux-là, média de l'instant pour la radio, ou d'un temps plus distendu pour Hobo, n'en traitent pas moins de la même matière et avec le même œil. Ils étaient par conséquent faits pour se rencontrer et pour s'entendre. Philippe Chaffanjon, Directeur de France Info 80 BELLES DE CONCOURS 112 FIGHTING CHOLITAS 76 une photo, une histoire LE BAISER DE VANCOUVER 130 une vie en images SIR ALEX FERGUSON 176 L'ENVOL DE L'ALBATROS 90 FOOT OF AFRICA 28 UN CRU D'EXCEPTION 4 DU SPORT SOUS LES BALLES 54 LES FASTES DU PALET 154 RIEN QUE DE L'AMOUR

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2 Hobo printemps 2012

sommaire

100joursd'images

© panoramic © aFp © reuters © ap © presse sports © maxppp © abaca © icon sport

printemps 2012 n°1

Qu'il s'arme, comme on arme un bateau, d'images ou de mots, le journalisme est une invitation à la découverte, à la compréhension du monde.

Hobo, vagabondage éclairé à travers la planète, témoigne des multiples facettes de l'exercice physique. France info, qui donne à voir, à chaque instant, l'actualité et la profondeur du sport de compétition, est également le relais de ce qui est devenu ces dernières années un indéniable fait de société. c'est deux-là, média de l'instant pour la radio, ou d'un temps plus distendu pour Hobo, n'en traitent pas moins de la même matière et avec le même œil. ils étaient par conséquent faits pour se rencontrer et pour s'entendre. Philippe Chaffanjon, Directeur de France Info

80Belles

de concours

112FigHting cHolitas

76une photo, une histoire

le Baiser de VancouVer

130une vie en images

sir alex Ferguson

176l'enVol de l'alBatros

90Foot oF aFrica

28un cru

d'exception

4du sport

sous les Balles

54les Fastes du palet

154rien que

de l'amour

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4 Hobo printemps 2012

Des bases arrière de Kaboul aux postes de combat dans les montagnes, les soldats engagés en Afghanistan font aussi du sport. Pratique indispensable pour évacuer la pression quotidienne, générée par une guerre où le danger est partout.

A f g h A n i s t A n

du sportsousles balles

sur la base de tora, dans le district de surobi, l’air est pur et les abords

du poste sécurisés. Deux bonnes raisons pour les soldats

de faire leur jogging à l’extérieur. ils prennent soin de rester collés

au mur d’enceinte. Un tour complet représente environ 2 km.

Pour être prêts à intervenir en dix minutes chrono, ils font toujours du sport en treillis.

by Franck Seguin

Récit de Gaël Couturier

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A F G H A N I S T A N

P A K I S T A N

T U R K M E N I S .

O U Z B E K I S .

I R A N

I N D E

C H I N ET A D J I K I S .

Kaboul

Vallée d’Uzbin

PROVINCEDE KAPISA

Kaboul

BASE DE TORA

BASE DE WARHOUSE

BASE DE KAIA DISTRICT

DE SUROBI

200 km

25 km

6 Hobo printemps 2012

BaSe de tora

Sport à la durel e 18 août 2008, dix

soldats français partis en reconnaissance depuis la fOB* de tora sont tués lors d’une embuscade dans la vallée d’Uzbin, distante d’à peine 15 km.située à l’est de la province de Kaboul, dans le district de surobi, cette zone est aujourd’hui plus calme. Elle devrait d’ailleurs être bientôt transférée à l’armée nationale afghane, que l’armée française forme à être autonome. La base est dominée par une colline baptisée « Mont-saint-Michel ». à son sommet, un fortin construit et occupé par les soldats français la protège. il offre aux occupants de la fOB un confort relatif pour les activités de plein air.

On a pu malheureusement constater, lors des drames du 29 décembre 2011 et 20 janvier 2012, que le danger pouvait venir de l’intérieur.Les hommes y disposent d’une salle de musculation couverte et de quelques installations extérieures rudimentaires. Un terrain de volley a été installé, à l’origine pour répondre aux attentes des Afghans. C’est ici le sport national avec le taekwondo.Pas de soldats féminins à tora, parce que le régiment qui occupe la base, le 152e d’infanterie de Colmar, est un régiment de combat.*fOB : forward Operating Base (Poste avancé). L’effectif de la fOB de tora est d’environ 600 hommes. il est composé uniquement de soldats français et afghans.

trois bouts de métal et quelques blocs de béton ont suffi à construire un espace fitness. Entre les missions de formation pour certains et de combat pour d’autres, il est difficile de trouver le temps de sortir du cadre militaire. Les soldats s’entraînent, entre les missions, tous les trois jours. Depuis le début de l’année 2012 et sur ordre du président de la République nicolas sarkozy, les sorties trop exposées sont réduites au minimum.Ce soldat fait du sport sans treillis, ce qui indique qu’il n’est pas d’astreinte ce jour-là.

stép

han

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1312 Hobo printemps 2012

« On est une équipe professionnelle, on part tous les jours pour la Coupe du monde et on pense qu’on va la gagner »

Lieutenant Pierre

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2928 Hobo printemps 2012

Les Petits As 1999

L’édition 1999 du tournoi de tennis des Petits As, qui rassemble chaque année à Tarbes l’élite du tennis mondial des 12-14 ans, est exceptionnelle. Six des soixante-quatre joueurs présents dans le tableau final sont ou ont été classés dans les dix premiers mondiaux ATP.

un cru d' exception

by Guillaume Herbaut

Rafael Nadal, Espagne, 12 ans

Dinara Safina, Russie, 12 ans

Dudi Sela, Israël, 12 ans

Ashley Harkleroad, USA, 13 ans

Barbora Strycova, République Tchèque, 12 ans

Teimuraz Gabashvili, Russie, 13 ans

Jo-Wilfried Tsonga, France, 13 ans

Nicolás Almagro, Espagne, 13 ans

Marcos Baghdatis, Chypre, 13 ans

Bethanie Mattek, USA, 13 ans

Tomas Berdych, République Tchèque, 13 ans

Kevin Anderson, Afrique du Sud, 12 ans

Richard Gasquet, France, 12 ans

Antoine Tassart, France, 13 ans

Making ofÀ l'époque, Richard Gasquet est déjà une vedette. Il a fait, à l’âge de dix ans, la couverture de Tennis Magazine avec ce titre : « Le champion que la France attend ». En 1999, le jeune prodige a douze ans et donc le droit de s’inscrire pour

la première fois aux Petits As. Guillaume Herbaut, alors jeune photographe, se voit confier par L’Équipe Magazine, la mission de le suivre dans ce gros tournoi. Il raconte : « J’avais la pression. C’était ma première commande pour L’Équipe et je ne voulais

surtout pas décevoir. Je ne connaissais pas bien le tennis et pas du tout ce tournoi et je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait. J’ai d’abord voulu traiter l’aspect humain, mais également insister sur Richard Gasquet, que j’ai suivi pas à pas. J’ai beaucoup travaillé sur les relations

humaines entre ces jeunes. Je me souviens de l’équipe russe, plutôt accueillante et décontractée, de Dudi Sela, un petit marrant. Il est très présent dans le reportage parce qu’il était toujours de bonne humeur et content de me voir arriver. » Quand Guillaume est rentré de

ce reportage, la victoire de Gasquet avait poussé L’Équipe Magazine à un traitement « actu ». Un grand portrait, sept ou huit photos de la nouvelle pépite du tennis français et le sujet était bouclé. Revisiter ce travail aujourd’hui lui donne un nouveau sens.

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3130 Hobo printemps 2012

Même s’il s’agit d’un tournoi individuel, les joueurs restent groupés par délégations. Ils se déplacent et s’entraînent toujours ensemble. L’équipe russe ici au briefing.

Le tournoi commence par une cérémonie d’ouverture.

Ici, les Tchèques avec Tomas Berdych (à gauche ) et Barbora Strycova

(seconde en partant de la droite).

Dinara Safina

Teimuraz Gabashvili

Du 19 au 29 janvier dernier s’est déroulée la trentième édition des Petits As, rendez-vous incontournable du calendrier tennistique des jeunes. Que de chemin parcouru depuis 1982, quand trois joueurs du club de Tarbes, Jacques Dutrey, Jean-Claude Knaebel et Hervé Siméon, décident d’organiser une compétition pour les minimes ouverte aux garçons et aux filles. Ils lui envisagent dès l’origine une vocation internationale. Aujourd’hui, ce sont toujours les deux premiers et l’épouse du second, Claudine Knaebel, qui gèrent les 160 bénévoles et le budget de 850 000 euros. Les tournois préqualificatifs – il y en a 42 en France – ont lieu chaque automne. Les vainqueurs y gagnent le droit d’affronter des joueurs étrangers en janvier, durant les qualifications qui se tiennent la semaine précédant le tournoi. Les huit meilleurs d’entre eux rejoindront l’élite française et internationale de la catégorie dans le tableau final.Combien d’entre eux se feront un nom dans quelques années sur les circuits ATP ou WTA ?Jacqueline Adina Cristian, la Roumaine, et Francis Tiafoe, l'Américain, vainqueurs de l’édition 2012, sont-ils mécaniquement promis au plus bel avenir ? Rien ne le garantit. Depuis l’origine, seuls sept lauréats, chez les

Millésime 1999PAR JEAN-DENIS WALTER

garçons, ont ensuite percé au plus haut niveau. Michael Chang en 1986 étant celui qui a fait décoller le tournoi, selon Jean-Claude Knaebel : « Il était venu avec sa maman, c’était son premier voyage en Europe et, trois ans plus tard, il gagnait Roland-Garros… » Avant lui : Richard Krajicek, en 1985. Après lui : seuls cinq joueurs « connus » ont triomphé : Juan Carlos Ferrero en 1994, Olivier Rochus en 1995, Paul-Henri Mathieu en 1996, Richard Gasquet en 1999, Rafael Nadal en 2000 ; Donald Young, vainqueur en 2003, a seulement commencé à avoir des résultats l’été dernier. Il faudra évidemment attendre un peu pour juger du réel potentiel des vainqueurs les plus récents.

Chez les filles, depuis 1988 et la victoire d’Anke Huber, elles sont aussi sept anciennes gagnantes à avoir percé avec plus ou moins de bonheur : Martina Hingis, victorieuse en 1991 et 1992, Anna Kournikova en 1994, Kim Clijsters en 1997, Bethanie Mattek en 1999, Dinara Safina en 2000 et Timea Bacsinszky, la jeune Lausannoise, qui a réussi le doublé en 2002 et 2003. Cela laisse quand même plus de vingt lauréats, chez les filles comme chez les garçons, qui n’ont pas confirmé.Mais revenons à cette édition 1999 qui est une sorte de contre-exemple. Sur les soixante-quatre joueurs du grand tableau masculin, onze ont fait leur chemin en pro, six ont même été ou sont encore aujourd’hui classés parmi les dix premiers mondiaux, sans compter Gaël Monfils ou Stanislas Wawrinka, éliminés dès les qualifications. Le retour en image sur ce tournoi hors normes est riche d’enseignements. Il y a le plaisir naturel de découvrir des champions d’aujourd’hui à l’âge des héros de la Guerre des boutons, de mesurer – parce que les photos le racontent – leur niveau d’autonomie, d’émancipation. Il y a l’intérêt de constater que ces grands noms se côtoient depuis leur plus jeune âge et que les combats qu’ils se livrent aujourd’hui sont leur quotidien de toujours. Il y a l’émotion de voir transparaître dans leurs expressions et réactions de garnements les hommes et les champions qu’ils sont devenus. Pourquoi ceux-ci ont-ils réussi et les autres non ? Physiologie, psychologie, chance, rencontres… Tellement d’éléments peuvent accélérer ou anéantir un éventuel rendez-vous avec l’histoire. C’était leur destin.

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3332 Hobo printemps 2012

Cinq courts couverts sont réservés aux entraînements. Les terrains

sont en dur (Greenset), identiques à ceux où se déroulent

les matches. Nicolás Almagro battra au premier tour Jo-Wilfried Tsonga, sorti des qualifications. Almagro

sera sèchement battu au tour suivant par le russe Pavlioutchenkov.Nicolás Almagro Jo-Wilfried Tsonga

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3938 Hobo printemps 2012

Rafael Nadal

Quarts de finaleCes images se passent de commentaires. Elles en disent tellement sur Rafael Nadal. Il vient de perdre son match contre Richard Gasquet, il passe de la colère à l’anéantissement. Son ami Nicolás Almagro essaie de lui faire relativiser les choses… Cette rage, cette haine de la défaite qui l’habite déjà expliquent notamment le champion qu’il est devenu.

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5554 Hobo printemps 2012

by Julien Goldstein

les fastes du palet

En Biélorussie, dans l’une des nations les plus pauvres d’Europe,

rien n’est trop beau pour le hockey sur glace, véritable « danseuse »

du Président Alexandre Loukachenko. Fou de ce sport, il l’utilise comme un

instrument de pouvoir avec deux grands objectifs : cultiver la fierté nationale et

valoriser le pays à l’international.

Finale du Tournoi international annuel de Noël. Huit équipes engagées, composées d’anciens pros et d’amateurs encore en activité. Alexandre Loukachenko (photo de gauche, au centre) pose au milieu des vainqueurs. Une victoire programmée. Les responsables de la sécurité parlaient déjà du planning des joueurs biélorusses pour la finale avant même que la demie ne soit jouée.

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5756 Hobo printemps 2012

TOURNOI DE NOËLLe président Loukachenko paye de sa personne et tient sa place dans l’équipe. Il est le seul à porter casque noir et moustaches. L’adversaire ne vient que timidement le contrer et ses partenaires s’évertuent à lui remettre le palet au bon endroit quand il l’égare. Il n’est pas entré en jeu contre la Russie en finale. Le public est nombreux. Des «invitations» ont été envoyées dans toutes les usines, casernes et écoles. Le public est partagé entre dévotion et ironie. Un brouhaha accompagne chacune des montées du président sur la glace. La sono tente de couvrir les rires et les cris que déclenchent ses maladresses. Impossible d’obtenir des chiffres précis sur le coût global de l’événement. Les seules étoiles blanches pendues au plafond ont coûté 90 millions de roubles biélorusses (8 000€).

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8180 Hobo printemps 2012

TAZZIE COLOMB, Metairie (Louisiane, USA), 38 ans.« Le bodybuilding est ce que je fais. J’aime et je déteste à la fois. Je me fais du mal. C’est comme une guerre intérieure. »

MErCEdEs BAZEMOrE, Virginia Beach (Virginie, USA), âge NC.« Le bodybuilding me donne confiance. Il me discipline et me fait me sentir bien et sexy. J’ai le physique que je souhaitais. J’aimerais garder mon sex appeal et ma féminité tout en étant forte et en bonne santé. »

Martin Schoeller se rend à un concours de bodybuilding féminin

par hasard et est immédiatement fasciné par ces physiques hors normes, frappé par l’extrême dissonance entre les visages et les corps. Pendant cinq ans, il écume les compétitions et photographie ces athlètes professionnelles juste avant leur passage sur le podium. Apprêtées, maquillées et ointes, séchées par le régime pour qu’il ne reste que la peau sur le muscle. Pour la majorité d’entre nous, homme ou femme, ces photos provoquent au premier chef une forme de répulsion. Alors qu’à l’évidence ces dames posent devant l’objectif avec la conviction d’être belles.« Nous nous retrouvons tous entraînés dans les mêmes idéaux du bien, du juste, du beau », analyse Martin Schoeller. Pour témoigner, il a choisi de travailler dans son style habituel. Il explique : « Le close up (portrait en studio) est peut-être la forme la plus pure et la plus radicale du portrait. Il crée une confrontation entre

un sujet et la personne qui l’observe. C’est un rapport très profond qu’il est impossible d’obtenir dans la vie de tous les jours. L’impact de ce genre photographique vient du manque d’informations données à l’observateur. Il se doit de lire un visage sans aucun élément extérieur, tel qu’un décor par exemple. Toutes les photos de cette série ont été réalisées avec le même angle, le même éclairage. Le plus difficile dans ce travail a été d’essayer de saisir ce moment infime durant lequel le sujet est inconscient, où il oublie qu’il est photographié, pour faire ressortir la personnalité et l’individualité de chacune de ces femmes. »Martin Schoeller a souhaité créer cette série hors de tout jugement. Même si cette quête de beauté, car c’en est une, peut sembler irrationnelle. Il ne célèbre ni ne condamne, il montre.

hELLE nIELsEn, Copenhague (Danemark), 28 ans.« C’est plus qu’un sport, c’est un mode de vie. J’aime l’entraînement, le régime, la discipline et la persévérance que cela impose. J’utilise le bodybuilding pour sculpter mon corps parce que je trouve le résultat plaisant à l’œil. »

Belles de concoursby Martin Schoeller/Agence A

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8382 Hobo printemps 2012

rOsEMAry jEnnIngs, Miami Beach (Floride, USA), 40 ans.« Je n’arrive pas à trouver les mots pour exprimer ma passion pour ce sport. C’est juste incroyable d’arriver à se construire un physique aussi sculptural. C’est grand. »

ChrIsTInE rOTh, Toronto (Canada), âge NC.« J'essaye de me réaliser à travers le bodybuilding originel, qui consiste à mettre en valeur la symétrie et l'équilibre du corps, tout en préservant ma féminité. »

IrEnE AndErsEn, Vastra Follunda (Suède), 41 ans.« Le bodybuilding est un mode de vie sans lequel je n’existerais pas. »

kIM hArrIs, Newport Beach (Californie, USA), âge NC.« C’est avec le bodybuilding que j’ai découvert le bonheur. J’adore la concentration, la discipline et la motivation qu’il faut avoir pour réussir. Il vous faut du cœur ! Ces principes sont présents dans ma vie aussi. C’est un tel accomplissement personnel. Je considère les personnes qui pratiquent comme faisant partie de ma famille, et les compétitions comme des réunions de cette famille. »

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9190 Hobo printemps 2012

C’est à une promenade,

une flânerie photographique que nous convie

Thomas Hoeffgen.Il nous emmène,

à travers ses arènes de

football, à la rencontre

d’un continent.

Le virus du foot, je l’ai contracté quand je suis venu en 1999 pour un

sujet sur le joueur nigérian Jonathan Akpoborie. Il jouait à l’époque pour le VFB Stuttgart et je travaillais pour l’édition allemande de Playboy. À la dernière minute, le joueur n’est pas venu et je me suis retrouvé seul à Lagos, sa ville d’origine. Pour m’aider et parce qu’il était un peu gêné, il m’a trouvé un chauffeur, un de ses copains qui connaissait bien sa vie, qui pourrait m’emmener dans tous les endroits de foot de son enfance et de sa jeunesse. Pour ne pas rentrer les mains vides, je suis donc parti sur ses traces. C’est comme ça, en me baladant sur les terrains de foot de Lagos qui avaient vu grandir Akpoborie, que tout a commencé.Ce mélange de vrais stades et d’endroits improbables, tout m’a plu. Ainsi, depuis plus de dix ans, chaque fois que je viens en Afrique, je continue cette histoire. »

by Thomas Hoeffgen/Agence A

AbujA, Nigeria, 1999. QueeNsmeAd stAdium, LuzAkA, zambie, 2007.

AfricAfootof

«

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9392 Hobo printemps 2012

LAgos, Nigeria, 1999.

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113112 Hobo printemps 2012

by Daniele Tamagni

FightingCholitas

Très populaires à La Paz, « Les Déesses du ring », comme d’autres troupes du même genre, ne se produisent pas simplement pour le spectacle ou l’argent. Elles mènent un combat de tous les jours pour l’émancipation de la femme bolivienne. Pour s’exprimer, elles ont choisi la lucha libre, le catch local, qui était, avant elles, le domaine réservé des hommes.

Julia, Carmen et Yolanda posent en costumes de combat. La tenue traditionnelle des femmes boliviennes.

Julia et Yolanda à l’entraînement.

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115114 Hobo printemps 2012

De son vrai nom PoLonia ana ChoquE SiLvESTrE, Carmen rosa est une pionnière. Elle est à l’origine, il y a dix ans, de la création de la troupe « Las Diosas del ring » (les déesses du ring).À 41 ans, elle veut pratiquer encore longtemps avant de se consacrer au développement de son sport. Forte du succès des « Déesses du ring », sa troupe qui fait de temps en temps des déplacements en province et même à l’étranger, elle veut surfer sur la considération et les encouragements que leur témoignent aujourd’hui les instances politiques qui, soucieuses de donner une vraie place aux femmes, accompagnent le phénomène. oscar, son mari avec lequel elle a eu deux enfants, est un peu l’agent, le manager, l’entraîneur et l’homme à tout faire de la troupe. Sa fille aînée participe à la conception de la mise en scène. Son fils, Wismar Junior, vingt ans, est déjà un très bon catcheur. « Toute ma famille est derrière moi », lance Carmen, qui précise tout de même que son mari ne voulait pas suivre, au début. Carmen poursuit en évoquant l’origine de la démarche : « avec les autres filles, nous montrons que nous, femmes boliviennes, sommes fortes et pouvons faire beaucoup. » hors du ring, Carmen tient un restaurant familial. il n’offre que deux tables. Elle travaille dans sa propre cuisine, où elle a aménagé un petit comptoir. Elle y sert principalement des plats à emporter.Sur le ring, Carmen et ses acolytes portent les vêtements traditionnels des cholitas, les femmes indiennes indigènes. Elles les achètent dans un atelier de couture d’El alto, leur quartier, situé sur les hauteurs de La Paz. Elle poursuit : « C’est une partie de notre identité et c’est aussi une manière de montrer que vous pouvez faire tout cela sans trahir vos racines. »

Carmen dans son

restaurant.

Chez elle, se préparant

au combat.

Dans l’atelier de couture

qui fabrique les tenues.

Avec son mari Oscar, chez eux.

La patronneCarmen

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130 Hobo printemps 2012

une vieen images

131

une vie en images

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133

une vieen images

132 Hobo printemps 2012

À l’école, ça ne suit pas et, à 16 ans, il est contraint de travailler. Il sera

apprenti outilleur chez Wickman avant de poursuivre chez Remington Rand.leS JeuneS AnnéeS 1941-1960

SAInt JohnStone 1960-1964

« J’étais amoureux de mon institutrice Elizabeth Thomson, comme tous les garçons de la classe. Lorsqu’elle s’est mariée en 1953, il n’était pas question qu’avec mon frère, Martin, on loupe la sortie de l’église. On a pris le ferry pour traverser la Clyde et on a fini en stop. Nous sommes arrivés juste à temps pour être sur la photo. Grâce à elle, je me suis vaguement réconcilié avec l’école. »

« Je suis un fils de Govan, sur les bords de la Clyde, une cité dans la ville de Glasgow. Traiter Govan de quartier est une insulte. C’est ici que mon père travaillait sur les chantiers navals. J’ai été élevé dans le respect de la sueur, mais aussi la crainte de la prison et de l’alcool. J’ai eu la chance d’être entouré par des parents qui se saignaient pour que leurs enfants aient une chance de réussir. »

un essai infructueux avec les Rangers

ne dissuade pas Alex de continuer à jouer

au foot. À govan high (photo du haut)

puis avec harmony Row. Il devient vite la vedette

de govan avant d’être remarqué par Drumchapel

(photo du bas), un des meilleurs

clubs formateurs de l’époque. Il

signe ensuite à Queens Park FC et se rapproche

de son rêve de devenir footballeur

professionnel. l’équipe, pourtant en

Deuxième Division, évolue à hampden

Park, le stade de l’équipe nationale :

« Lorsque j’ai marqué mon premier but, de

la tête, face à Alloa Atletic, j’ai cru que 100 000 personnes hurlaient et que je

venais de battre l’Angleterre. »

Pas question pour Alex de refuser une offre pour jouer en Première Division. elle vient de Saint Johnstone. Adieux avec larmes et regrets à Queens Park :

« Ce fut un long cauchemar. Il me fallait deux heures pour rejoindre l’entraînement après mon boulot chez Remington. Le club refusait de me payer les frais de transport.

J’ai joué trois ans avec la réserve et songé à abandonner le foot et à émigrer au Canada. Une épidémie de grippe va changer ma vie. Je suis convoqué pour

jouer avec l’équipe première à Ibrox Park contre les Rangers. Je réussis un hat-

trick (trois buts consécutifs), le premier de l’histoire pour un joueur face aux

Rangers dans leur stade. Le lendemain, je fais la une. Ma vie bascule. »

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1988. Derby entre le FC Union et le Dynamo Berlin, les deux clubs voisins. Les chocs entre l’Union, club populaire et ouvrier, et le Dynamo, équipe financée par la Stasi, étaient toujours très rudes, sur le terrain comme en dehors. à tel point qu’il fallait parfois les délocaliser, pour raisons de sécurité, au stade du Weltjugend (le stade de la jeunesse mondiale), le plus grand stade de RDA. La sécurité y était assurée par l’armée et non par la police.

Rien que De

l’AmourLe FC Union, un des clubs de football de Berlin, rassemble les nostalgiques de la RDA, les « ostalgiques ». Gangrené à la fin des années 1980 et au début des années 1990 par une frange de ses ultras convertis au hooliganisme, le FC Union est aujourd’hui le refuge de ceux qui, tout en reniant le système est-allemand, regrettent cette époque plus solidaire où l’argent comptait moins. Le photographe Harald Hauswald raconte l’histoire d’un club pas comme les autres. Une immersion de vingt-cinq ans. parmi les fans.

by Harald Hauswald/Ostkreuz

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Né en 1954, à Radebeul, près de Dresde. Formé à la photographie dans le magasin de photo tenu par son père, il se lasse vite des longues heures passées dans la chambre noire. Il découvre Deep Purple, se laisse pousser les cheveux et part suivre la tournée du groupe de rock est-allemand, Bürkholzformation, dont il devient l’un des roadies. Après l’interdiction du groupe en 1973, Harald enchaîne les petits boulots. En marchant à travers les rues miteuses et les sombres arrière-cours du quartier de Prenzlauer Berg à Berlin-Est, il redécouvre la photographie. Il recherche ses sujets qui contredisent l’idéologie officielle prônée par le gouvernement est-allemand. Ce qui l’intéresse, ce sont les marginaux, ceux qui sont censés ne pas exister dans l’état socialiste, punks,

hooligans, sans-abri ou dissidents. Surveillé de près par la Stasi, ciblé sous le nom de code « Cycliste », Harald ne peut pas publier ses photos. Il noue des contacts clandestins avec des journalistes de la RFA qui l’aident à placer ses photos dans la presse de l’Ouest.La réunification bouleverse sa vie. Son travail, considéré comme une chronique visuelle de la vraie RDA, est désormais reconnu. Ses photos sont publiées dans tous les grands journaux de la République, exposées à l’étranger et, en 1997, il reçoit la croix fédérale du mérite, la plus haute distinction

en Allemagne. C’est au printemps 1990 qu’avec un groupe de sept photographes de l’ancienne RDA il décide de créer une agence qui aiderait les photographes de l’Est à trouver leur voie dans un nouveau système politique avec une esthétique différente. L’agence Ostkreuz est née. Son nom signifie « croix de l’Est », du nom d’une station de métro à Berlin qui part de l’Est dans toutes les directions, précisément ce que veulent faire les sept photographes. Et ils ont réussi. Aujourd’hui, l’agence compte 18 membres de toutes les générations, provenant de différents pays européens. Ils travaillent pour les grands médias internationaux et font régulièrement des expositions collectives. Quant à Harald Hauswald, sa façon de travailler n’a pas changé. Il reste un photographe de la rue, qui passe ses journées à marcher à travers Berlin et à capturer ce que les autres ne voient pas. Toujours en argentique, toujours en noir et blanc.

Harald Hauswald au début des années 90, en déplacement à Wolfsburg avec les supporters.

Harald photographié, aujourd’hui, par sa compagne.

PAR AnnA HARtmAnn

Harald Hauswald

« cycliste »