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Page 1: Spectacles d’ici - journaldescitoyens.cajournaldescitoyens.ca/lejournal/2016/04/PDF/JDC-201604 20.pdf · que Mozart a composé cette sonate à la suite du décès de sa mère et

Janelle Fung et Timothy Chooi,tous deux natifs de Vancouver, fontpartie de la cohorte des jeunesvirtuoses à suivre. Si elle est désor-mais établie en professionnelle àMontréal, lui est encore étudiant. La soirée a commencé par la

Havanaise de Saint-Saëns, l’une deces pièces françaises inspirée parl’Espagne comme il y en eut plu-sieurs à cette époque. Elle a été inter-prétée ici de façon plutôt roman-tique, très chantante, ce qui lui adonné une aura plus fraîche qu’ar-dente, bien que les tensions drama-tiques y aient été fort appuyées. Cen’est pas une pièce facile, souventdans les suraigus du violon, parseméede glissandi qu’il faut réussir pourrendre le mouvement de la danse,mais Chooi l’a jouée sans sourciller etavec une sensualité certaine, fort biensoutenu par la pianiste.La Sonate pour violon no 2 de

Prokofiev, pièce de résistance du

concert, a été un coup de poing auventre. Le premier mouvement meten opposition le rêve et la réalité, lamélancolie de souvenirs heureux etla guerre. Il place le piano et le vio-lon en dissonances quasi perma-nentes. L’un et l’autre ont démontréune forte présence. Le second mou-vement en rajoute, sous la forme desyncopes, de sarcasme forcené, detourbillons déstabilisants, dans les-quels aucun des musiciens n’a perdupied. Les troisième et quatrièmemouvements, qui font mal commeun bleu sur lequel on presse, ontdémontré un équilibre parfait entreles deux instruments. Le piano iciponctue régulièrement ce que dit leviolon, il fait une intrusion fortepuis disparaît, ce que Mme Fung amerveilleusement réussi. Voilà unepièce virtuose pour le violon, et elledemande une profondeur dans l’ex-pression que M. Chooi semble avoirtout naturellement.

Après la pause, nous reculons dansle temps pour entendre la sonate K.304 de Mozart, pleine de grâce, maissans mièvrerie. Encore une fois,nous constatons la densité de pré-sence des interprètes, même dans lespianissimos. Par contre, on peut dis-cuter l’interprétation, car elle versedans le romantisme. L’époque clas-sique, celle à laquelle appartientMozart, n’encourageait pas l’exposi-tion des sentiments. C’est justementce contre quoi le romantisme s’estinsurgé au siècle suivant. S’il est vraique Mozart a composé cette sonate àla suite du décès de sa mère et qu’ilressentait probablement culpabilitéet tristesse, accentuer sciemment cesémotions relève d’un choix esthé-tique que les interprètes doivent êtreprêts à justifier. On peut considérerque « romantiser » renouvelle notreexpérience de cette pièce. Mais c’estun choix délicat, auquel un étudiant

se doit de réfléchir, car il faut pren-dre garde à ne pas aplanir les genres. La même réflexion s’applique à la

Chaconne qui a suivi. Le thème estdramatique au départ et chaquevariation nous l’a fait voir comme àtravers un prisme faisant ressortirtoute sorte d’émotions. Pardonnez-

moi une comparaison un peu icono-claste… c’est un peu comme de lamusique de film, dont le thème estarrangé en fonction de l’action. Celadit, l’habileté des interprètes et la pro-fondeur des émotions qu’ils sontaptes à exprimer ne font aucun doute.

20 Le Journal des citoyens — 21 avril 2016

Spectacles d’ici

Étoiles montantesSylvie Prévost

En fait de feux, ce furent des feux d’artifice !

En apparence, Matt Herskowitz estun homme très simple, sans artifices,« un gars ben ordinaire » chanteraitCharlebois. Au micro, son sourires’élargit encore pour nous servir d’in-téressants éclaircissements sur sonmentor et ami personnel, ses œuvreset leurs inspirations, Dave Brubeck.Également, Matt nous parle de lui-même et de la part qui lui revientdans ses propres adaptations et com-

positions inspirées par Brubeck. Toutcela bien articulé, bien documenté,sans esbroufe, sans tentative non plusde jouer l’humoriste, laissant ce quileur appartient à Rozon et à ses com-parses. Puis, au piano, il jette d’aborddans l’âtre quelques brindilles et«petit bois d’allumage », des intros enmajorité très douces qui ne laissentaucunement présager ce qui va sui-vre. Mais le feu intérieur qui l’anime

atteint bientôt ses doigts et, à nosoreilles ébahies, le piano s’allume.On s’attend même à voir ce dernierlittéralement s’enflammer sous nosyeux médusés. Enfin, c’est au tour detout son corps d’alimenter cet incen-die, et l’œuvre, quelle qu’elle soit,

devient un brasier ardent où il seconsume et nous attire. Infatigable,Herskowitz donne tout de lui-même, et encore plus. Son but mani-feste est de partager avec nous sonincommensurable reconnaissancepour ce cadeau de la vie : l’amitié deDave Brubeck. Mais pas seulement.En effet, s’il a pour le compositeurune tendresse infinie, c’est d’abord àson œuvre qu’il voue une admirationillimitée. Pour le démontrer, il s’yjette tout entier afin de la faire flam-boyer au maximum. Arrivent enfin ses finales qui se pro-

longent, se répètent, semblent vou-loir s’éteindre… Une dernière étin-celle s’échappe des tisons, fine, iso-lée… suspense… Non, ce n’était pasla dernière… Une deuxième escar-bille, puis une autre flammèche, ail-leurs sur le clavier, comme si

Herskowitz n’arrivait pas à quitterune maîtresse, la Musique. Jazzman émérite, possédant à la

base une solide formation classique,il nous offrira sur un plateau d’argentun ineffable Chopin/Brubeck,Dziekuye (merci, en polonais) ainsiqu’un passage de Mozart, extrait deLa marche turque, celle qui, avecBartok, inspira à Brubeck sa BlueRondo à la Turk. Virtuose renommé,Herskowitz, pourtant seul au piano,interprétera si brillamment les piècesde Brubeck écoutées maintes foisjouées par des « bands » complets,qu’en fermant les yeux on pourraimaginer sans peine la présence surscène de plusieurs musiciens. Ainsi animée c’est une assistance

bruyante et surexcitée qui a quitté lasalle, un grand sourire sur toutes leslèvres et des yeux illuminés de joiedans chacun des visages.

Timothy Chooi, violoniste et Janelle Fung, pianiste.

Matt Herskowitz

Étant passionnée de musique, maisnon férue, étant mélomane, maisnon musicologue avec toutes leslacunes que cela comporte, à la fin dece concert je me suis adressée à unauditeur que je savais musicien clas-sique : « À votre avis, puis-je me per-mettre de penser que le pianisteaurait un peu interprété en ajoutantdes notes ? » La réponse fut sans équi-voque : « Absolument pas ! Liszt écritainsi, avec cette multitude de notes.Il existe même un opus de Liszt queles pianistes sont forcés de mémorisercar sur scène ils ne pourraient déchif-

frer la partition tant il y a de notes. »Ainsi renseignée, mon admirations’est encore accrue non seulementpour le génie du compositeur dontnous venions d’entendre les œuvres,mais aussi pour l’immense pianistequi venait de nous les interpréteravec autant de fougue, de puissance,de précision et d’intériorité tout à lafois, un exploit.Car, certes, les prestations de

Gianluca Luisi furent toutes et cha-cune des prouesses de virtuose, maisce qui m’a frappée tout au long de ceconcert c’est l’intensité et la profon-

deur de l’émotion qui se dégageait delui pour nous atteindre et nous péné-trer de la tête aux pieds, du cœurjusqu’à l’âme.Se succéderont un solennel et téné-

breux Don Carlos (Verdi/Liszt) avecquand même le ruissellement d’unrayon qui se faufilera pour nous par-venir. Suivra un orage intérieur, l’ex-pression d’une douleur cuisante,grondement dans les basses, roule-ment continu, jeu de puissance dupianiste avec malgré tout une lueurd’espoir, Miserere del Trovatore(Verdi/Liszt également). Une pluie

de confettis de lumière nous inon-dera, gammes chromatiques etarpèges époustouflants parsemésd’innombrables trilles, la joie d’oi-seaux joyeux, dans Valzer di Faust(Gounod/Liszt). Après quoi Luisi seconcentrera plusieurs secondes pouraffronter le fameux Rigoletto(Verdi/Liszt) qui, selon lui, serait latranscription d’opéra par Liszt lamieux réussie. Joie, allégresse, encoreune fois trilles et arpèges athlétiques,c’était de la musique, mais aussi de laparole, le frémissement de deux âmesqui dialoguent.Après l’intermission, Luisi avait eu

la bonne idée de regrouper les deuxWagner/Liszt. D’abord IsoldesLiebestod. Au premier accord longue-ment prolongé par la pédale, onreconnut Wagner. Recueillement,douceur, une supplique insistante.Elle recevra, semble-t-il, sa réponsedans la prochaine et dernière pièce,Tannhauser Overture où, après un

début des plus lugubres, acceptation,soumission, le pianiste nous guideracomme un forcené vers la finale.Wagner via Liszt l’annonce au mondeentier, il a reçu quelques réponses auxéprouvantes questions existentielles,hantise des humains. Insistance…toujours l’orgie de notes de Liszt…dramatiques accords si exigeants de lapart d’un pianiste, mais que nousapprécions tant… Assis sur le bout denotre siège, nous attendons cesaccords le cœur battant, les mainsprêtes pour les applaudissements quimontent en nous et que nous avonspeine à retenir.Il n’y aura pas de rappel. Que les

saluts émouvants d’un homme vidéde ses forces, un pâle sourire sur sonvisage, sa main sur son cœur.Soyons honnêtes, un rappel n’était

pas nécessaire. Cet événement bienserré sur notre cœur comme uncadeau précieux, nous pouvions quit-ter les lieux. Nous étions comblés.

Gisèle Bart

Après le concert du 26 mars, à Prévost, où le pianisteGianluca Luisi nous interprétait les transcriptions pourpiano seul par Liszt de grands airs d’opéra, je ne peuxm’empêcher de lire le mot « géant » dans le prénomGianluca. Gianluca Luisi

Samedi 12 mars 2016 : Pleins feux sur Chooi et Fung

Timothy Chooi, violoniste et Janelle Fung, pianiste. C. Saint-Saëns : Havanaise; S. Prokofiev : Sonate pour violon no 2 en rémajeur; W. A. Mozart : Sonate pour violon K. 304 en mi mineur ; T. A. Vitali : Chaconne ; A. Bazzini : La Ronde des lutins.

Dialogue avec Dave Brubeck

Matt Herskowitz dialogueavec Brubeck, flamboyant !Gisèle Bart

Le 19 mars, à Prévost, Matt Herskowitz, un « pianiste etcompositeur surdoué », nous proposait un dialogue avecDave Brubeck, son mentor et ami.

Soirée à l’opéra

Gianluca Luisi joue Liszt, d’abondance et de puissance

Photo: Serge Pilon

Photo: Serge Pilon

Photo: Serge Pilon